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  • Creuser, approfondir et trouver le roc sur lequel construire sa personnalité.

    (20.6.1999)

    Luc 6

    Creuser, approfondir et trouver le roc sur lequel construire sa personnalité.

    Deutéronome 10 : 12-19

    Hébreux 13 : 1-3

    Luc 6 : 46-49

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    Chers amis,

    C'est aujourd'hui la Journée des réfugiés, pour le pays et pour l'Eglise. C'est une occasion pour réfléchir à leur sort et au nôtre, une occasion de marquer notre solidarité au travers de l'offrande et d'autres signes. Aujourd'hui, l'offrande sera faite en faveur des organismes d'Eglise qui s'occupent de réfugiés.

    Comme vous le savez, les habitants de Bussigny, cette année, n'ont pas attendu ce jour pour marquer concrètement leur solidarité envers les réfugiés arrivés récemment du Kosovo. Depuis le mois d'avril, la commune et des personnes bénévoles se sont réunies et mises au travail pour organiser l'accueil et l'accompagnement des réfugiés arrivés à fin mai.

    Je trouve cette mobilisation formidable. J'aimerais relever ces élans de solidarité qui se sont manifestés et traduits concrètement. Tout cela est réjouissant et nous montre — en contre point de ce qui s'est passé au Kosovo — qu'on peut encore espérer en l'humain, en l'humanité.

    L'accueil, l'hospitalité, la solidarité font partie de ce que Dieu essaie de susciter en chaque être humain, font partie de ce que Dieu attend de son peuple. Dans les paroles du Deutéronome qui vous ont été lues, il y a des propos très forts dans ce sens :

     

    "Le Seigneur est le Dieu des dieux, le Seigneur des seigneurs, le Dieu grand, puissant et redoutable, qui n'avantage personne et ne se laisse pas corrompre par des cadeaux. Il prend la défense des orphelins et des veuves, et il manifeste son amour pour les étrangers installés chez vous, en leur donnant de la nourriture et des vêtements. Vous donc aussi, aimez les étrangers qui sont parmi vous; rappelez-vous que vous étiez des étrangers en Egypte." (Dt 10:17-19)

    Cette partie du Deutéronome fait partie du livre qui a été retrouvé dans le Temple vers 640 av. J.-C. et qui a provoqué la réforme du roi Josias, racontée dans 2 Rois 22—23. C'était une période troublée. Le royaume du nord, la Samarie, était tombée aux mains du roi d'Assyrie. Jérusalem avait même été assiégée un demi-siècle plus tôt par Sennachérib et miraculeusement libérée. Malgré cette précarité, Dieu affirme son identité en protégeant le faible et le déraciné et en demandant à son peuple de faire de même, en se souvenant de leur propre précarité en Egypte.

    Même lorsque le pays est menacé, Dieu refuse de devenir un Dieu exclusivement national. Dieu affirme et confirme au contraire la nécessité de l'ouverture, comme s'il entrevoyait le risque contenu dans tout nationalisme qui s'affirme contre l'étranger : risque de haine, de division, risque d'épuration ethnique, risque de déportation. Il n'y a qu'un façon de vivre heureux et en paix, c'est de s'ouvrir et d'accepter son voisin, quel qu'il soit, et de l'aimer comme son prochain.

    Mais, c'est vrai que ce n'est pas toujours facile ! Il ne suffit pas de le vouloir pour le pouvoir, pour arriver à le faire. Il y a en nous des émotions, des sentiments qui nous retiennent, qui paralysent les élans que notre esprit voudrait lancer ! "Aimez les étrangers qui sont parmi vous" (Dt 10:19) cela ne vient pas tout seul.

    Là, le problème, ce n'est pas l'étranger ou le réfugié. Le problème, c'est notre peur, notre sentiment de peur. Lorsque nous avons peur, nous sommes comme l'homme qui a bâti sa maison directement sur le sol. Quand l'eau monte, cet homme a de bonnes raisons d'avoir peur, car il sait que sa maison va être emportée. La peur est un sentiment normal, approprié, dans ces circonstances. La peur va peut-être même le sauver si elle lui fait quitter sa maison avant qu'elle ne soit emportée.

    Lorsque Jésus raconte cette petite histoire des deux maisons, il n'a cependant pas l'intention de nous donner un cours d'architecture ! Jésus raconte cette histoire pour nous parler de la construction de notre personnalité, de notre identité.

    Il voit deux façons de construire sa personnalité. Une façon qui garantit de rester solide face aux événements et catastrophes qu'apporte l'existence et une façon qui nous laisse désemparés, le jouet des éléments, vivant dans la peur de la prochaine tempête.

    Toute personne sort de l'enfance et de l'adolescence en ayant reçu un terrain pour y construire sa maison. L'humain sensé, nous dit le texte, fait trois choses : il creuse, il approfondit, il trouve le roc sur lequel poser les fondations de sa maison.

    Creuser, c'est d'abord gratter la surface des choses. Ne pas se contenter de ce qui est visible et superficiel. C'est aller au-delà des apparences pour chercher l'invisible. C'est la première étape, dépasser l'évidence pour chercher le sens.

    Approfondir, c'est continuer la démarche en explorant en profondeur ce qu'on a reçu comme terrain. Il faut continuer à déblayer, ôter et trier ce qu'on a reçu alors qu'on n'avait pas encore un discernement suffisant pour savoir ce qui serait utile et ce qui ne l'est pas. Pendant cette deuxième étape, on peut collecter des matériaux utiles pour construire la maison telle qu'on la veut.

    Trouver le roc pour poser les fondations, c'est le résultat de ce travail. Il y a au fond de nous-mêmes, un roc posé par Dieu sur lequel on peut construire solidement, une maison inébranlable, une identité qui ne sera pas balayée par le premier orage venu.

    Ce roc se trouve dans la Parole de Dieu et sa pratique, nous rappelle Jésus. Ce roc, on le trouve nommé dans le texte du Deutéronome : "Autrefois, le Seigneur ne s'est attaché qu'à vos ancêtres, c'est eux qu'il a aimés; et maintenant c'est vous, leurs descendants, qu'il a choisis parmi toutes les nations" (Dt 10:15) "c'est eux qu'il a aimés, maintenant c'est vous qu'il a choisis".

    Beaucoup entendent cette parole, mais ne la mettent pas en pratique dans leur vie, c'est-à-dire qu'ils ne se l'attribuent pas à eux-mêmes, personnellement. Ils pensent que cette parole n'est pas vraiment pour eux, qu'ils ne la méritent pas vraiment, qu'ils ne sont pas à la hauteur pour la recevoir. Et pourtant... elle est bien dite à chacun, à vous tous, individuellement.

    Sur ce roc, il est possible de construire une personnalité solide. Assez solide pour ne pas se sentir menacée, même lorsque les journaux annoncent ce qu'ils appellent "un flot" de réfugiés. Sur ce roc, il est possible de construire une maison suffisamment solide pour rester ouverte et accueillante.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

  • Jérémie 17. Etre un arbre planté au bord d'une rivière

    (10.6.2001)

    Jérémie 17

    Etre un arbre planté au bord d'une rivière

    Deutéronome 7 : 7-12.       Jérémie 17 : 5-8.      Actes 2 : 41-47

    télécharger le texte : P-2001-06-10.pdf

    Chers Amis,

    Dimanche passé, nous fêtions la Pentecôte, commémoration du don de l'Esprit saint aux disciples, et à l'Eglise. Par l'Esprit saint, Dieu se rend présent — d'une façon qui reste mystérieuse — en chacun. C'est un passage important en termes d'histoire des religions.

    Jusqu'à la Pentecôte, le Temple, celui de Jérusalem, était le lieu où Dieu était le plus proche. Les juifs déjà étaient conscients que Dieu ne pouvait pas habiter le Temple, on ne met pas un Dieu infini dans une maison, aussi vaste et belle soit-elle. Le Temple était le marchepied de Dieu sur terre.

    Mais voici qu'avec Jésus, Dieu se rapproche des humains, il marche à leurs côtés, il entre dans le corps d'un homme autant que dans notre histoire humaine. Voilà qu'à Pentecôte, Dieu affirme qu'il vient habiter en chacun de nous, en chaque être humain. L'être humain, chaque être humain devient le Temple du Saint-Esprit. Quel changement ! Quelle transformation de la relation à Dieu.

    Dans le livre du Deutéronome, nous avons entendu que Dieu avait choisi son peuple — non pour sa grandeur, pour ses mérites propres — mais simplement par amour. "Le Seigneur vous aime," c'est pourquoi il vous a choisi.

    C'est une décision unilatérale que Dieu a prise. Il n'a pas attendu pour voir qui nous serions, il n'attend pas de savoir ce que vont devenir les bébés, les enfants pour les accueillir dans le baptême. Dieu nous prend tels que nous sommes. Il n'y a pas de conditions préalables pour être accueillis par lui, pour être aimés, pour être secourus.

    Dieu fait le premier pas, il ouvre ses bras le premier. Et l'amour de Dieu n'est pas passif. Cet amour de Dieu est communicatif, actif. Dieu souhaite nous voir heureux. C'est pourquoi il a sorti de l'esclavage d'Egypte son peuple, ce qui peut signifier pour nous qu'il souhaite nous aider à sortir de nos conflits relationnels qui nous enferment dans des attitudes de repli, de déprime ou de méfiance vis-à-vis des autres.

    Dieu souhaite nous voir heureux. C'est pourquoi il nous a donné sa loi, comme points de repères pour ne pas foncer dans les impasses de la violence et de la destruction. Dieu nous offre le mode d'emploi du bonheur et ... — bien qu'il passe aujourd'hui pour démodé, dépassé ou ringard — ce mode d'emploi reste solide et plein de bon sens, si on accepte de bonne foi de le mettre en pratique.

    C'est pourquoi le prophète Jérémie peut faire cette comparaison à son auditoire — le peuple d'Israël de son époque, qui n'était pas très différent de nous : Comment préférez-vous vivre ? Comme un buisson malingre dans la steppe aride ou comme un arbre vert toute l'année parce qu'il est planté auprès d'un ruisseau ?

    A quoi ressemble votre vie ? Etes-vous toujours en quête de ce qui étanchera votre soif de satisfaction, de tendresse, d'amour, de relations véritables ? A quelle distance de vous se trouve l'eau qui vous fait vivre ? Où est l'eau de votre baptême ? Où est la vie que Dieu souhaite pour vous ?

    Qu'en est-il de notre vie ? Vivons-nous la vie que nous souhaitons vivre ? Vivons-nous la vie telle que nous l'espérons ? Si nous ne sommes pas satisfait de la vie que nous menons, des relations que nous entretenons, qu'est-ce qui nous empêche de changer, de commencer une transformation ? Qu'est-ce qui nous empêche de changer le centre de notre existence, de changer notre centre de référence ? Chacun possède sa réponse personnelle à cette question.

    Le baptême est une invitation à installer son campement auprès de cette rivière de vie et d'y plonger sa vie pour prendre racine et n'être plus jamais en manque, assoiffé.

    L'enfant baptisé ce matin a reçu quelques gouttes de cette eau, comme un semis de graines nouvelles reçoit un peu d'eau. Mais le baptême n'est pas que l'événement d'un jour. Pour que la graine germe, pour que les racines se développent et que l'arbre prenne sa pleine stature, il faut que quelqu'un en prenne soin, qu'il l'alimente, le chérisse.

    Nos vies ont besoin de ces soins, nos vies ont besoin d'être baignées dans la Parole de Dieu qui fait vivre et grandir. C'est le rôle des parents pour les enfants. C'est le rôle de l'Eglise de seconder les parents dans cet effort. C'est le rôle de chacun pour soi-même de se mettre et remettre toujours à nouveau dans le bain de la Parole, du partage, du chant et de la prière.

    Dans le livre des Actes, la première communauté chrétienne est décrite comme une communauté

    - qui écoute la Parole de Dieu,

    - qui participe au partage du pain

    - qui chante et prie ensemble.

    Toutes ces choses sont encore possible aujourd'hui, près de 2'000 ans après la première Pentecôte. C'est un énorme privilège pour nous d'avoir accès à cette eau, à cette rivière, à cette vie de Dieu.

    Nous pouvons plonger nos racines à cette source, pour grandir et déployer nos ramures, pour abriter et nourrir ceux qui nous entourent de nos fruits.

    N'est-ce pas là un grand bonheur ?

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

  • Notre Père (9)

    Actes 10

    30.8.2020

    Notre Père (9)

    Actes 10 : 34-41.     Actes 10 : 44-48.      Matthieu 5 : 43-45

    télécharger le texte : P-2020-08-30.pdf

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Dans notre parcours du Notre Père, nous arrivons à la fin, qui est le début du Notre Père puisque je l'ai pris en commençant par la fin (pour lire toute la série sur le Notre Père, cliquer dans la colonne de droite la catégorie "Notre Père"). Cette première phrase est pour moi la plus belle et la plus significative. Elle résume à elle seule l'Evangile et le projet de Jésus : nous amener à avoir une toute nouvelle compréhensoin de Dieu, par rapport à tous les enseignements religieux de l'humanité.

    « Notre Père qui es au cieux ». Jésus est d'accord avec cet enseignement religieux sur un point, sur un seul point : il s'agit de Dieu qui est aux cieux. On parle bien du Dieu d'Abraham, d'Isaac, de Jacob, de Moïse, de David, etc. C'est de lui qu'il s'agit.

    Comme on l'appelle « Père », qu'il soit « aux cieux » permet de différencier la paternité humaine et biologique d'avec la paternité divine et spirituelle. Parler de paternité divine en s'appuyant sur la paternité humaine est toujours risqué, puisqu'il y a de nombreuses personnes qui ont une mauvaise expérience de la paternité humaine. Si Dieu est comme leur père défaillant ou manquant, alors « non merci » crie leur cœur !

    La mention « qui es au cieux » marque la limite du modèle humain. Dieu n'a pas les défauts des humains, ni leurs limitations. La première limitation absente c'est que Dieu n'est pas genré, il n'est pas masculin ou féminin, aussi cette paternité divine doit être comprise comme incluant la maternité. Le féminin n'est pas exclu de Dieu, même s'il est trop souvent passé sous silence !

    Une prochaine révision du Notre Père devrait nous faire dire : « Notre parent qui es aux cieux » ou Notre père et mère qui es aux cieux. »

    Une nomination de Dieu avec des mots exclusivement masculins laisse trop de place à la récupération patriarchale de Dieu.

    Ceci posé, Jésus parle de Dieu comme de son père et notre prière le désigne aussi comme notre Père. Nous gardons le mot, sans oublier d'y inclure le féminin.

    Quelle est cette fonction de Père dans l'esprit de Jésus, cette fonction de parent ? Le premier rôle d'un parent vis-à-vis de son enfant, c'est de le faire grandir, lui donner un environnement et des conditions qui lui permettent de se développer harmonieusement.

    Le premier ingrédient qui fait grandir, c'est l'amour. Un amour inconditionnel et abondant. Jésus présente Dieu comme son père et notre Père, parce que c'est un Dieu d'amour qui veut une vie abondante, pleine, vraie pour les humains, pour nous.

    Cette représentation est à l'opposé de nombreuses représentations religieuses de Dieu. Cpest le contraire d'un Dieu puissant, dominateur, jugeant les comportements, punissant les déviances ou les désobéissances. Ce type de Dieu juge est très utile pour contrôler une société, c'est pourquoi les hiérarchies religieuses produisent et renforcent ces images d'un Dieu contrôlant et punissant.

    Jésus en prend le contre-pied.

    On le voit illustré dans le récit du fils prodigue (Luc 15). Le fils fait tout faux, mais il est accueilli malgré tout les bras ouverts à son retour.

    Un second aspect de cette parentalité est souligné par l'apôtre Paul lorsqu'il souligne que nous ne sommes plus esclaves de Dieu, mais ses enfants, ses fils, ses héritiers.

    La famille a ceci de particulier, c'est que c'est un système non seulement relationnel, mais économique, mais une économie non monétarisée. Il n'y a pas de Tarmed des services rendus à l'intérieur de la famille, même si on veille à des équilibres, des équilibres le plus souvent différés dans le temps.

    La famille est basée sur des services réciproques, voir des services désintéressés. C'est exactement le sens du mot amour/agapè utilisé dans les Evangiles.

    En appelant Dieu son père et notre Père, Jésus nous invite à une relation démonétarisée avec Dieu. Sortir du donnant-donnant, voir du marchandage : Si tu me donnes cela, alors je te promets ceci... C'était la situation du fils aîné dans le récit du fils prodigue.

    La relation à Dieu ne peut plus être basée sur l'obéissance et la rétribution, mais sur le don, sur l'agapè, le service désintéressé.

    La dernière fonction parentale qu'il ne faut pas oublier, c'est de faire accéder l'enfant à l'autonomie. Paradoxalement, le parent a atteint son but quand l'enfant peut le quitter et vivre sa vie loin de lui. Evidemment, l'autonomie n'exige pas de couper toutes relations, seulement la relation de dépendance.

    Venons-en au premier mot de notre prière : « Notre ». Aujourd'hui, c'est peut-être le mot le plus important de cette adresse. « Notre » est un pluriel inclusif, qui nous met tous ensemble.

    Ce « nous » nous renvoie aux premières pages de la Bible, à Adam et Eve. La Bible affirme — avec ce couple primordial — que toute l'humanité qui habite la terre provient d'un couple d'ancêtre commun. Avant que la science ne le découvre avec homo sapiens — unique souche humaine encore présente sur terre — la Bible l'affirmait comme un axiome : tous les humains font partie de la même famille.

    Toute division, toute hiérarchisation de groupes est contraire à la vision divine.

    C'est la découverte que fait l'apôtre Pierre avec Corneille, l'officier romain. Dien ne regarde pas les étiquettes, la provenance, l'appartenance pour donner son Esprit, pour bénir. Aucune barrière ne résiste devant Dieu.

    Nous, comme humains, nous dressons des barrières, elles nous rassurent, elles nous permettent de classer, de détester, de haïr. Mais elles n'ont aucune pertinence devant Dieu. Lui fait lever so soleil sur les bons comme sur les méchants (Mt 5:45). Il nous appelle à « aimer nos ennemis », c'est-à-dire à ne plus avoir de soi-disants ennemis.

    « Notre Père » est un Dieu inclusif — même s'il doit aller contre sa propre Eglise — c'est ce qui se passe avec Pierre et Corneille.

    Dieu a les idées larges, bien plus larges que nous, qui enfermons trop souvent les gens dans nos cases préfabriquées.

    J'ai un souhait pour l'Eglise, c'est qu'elle soit totalement inclusive. Hier c'était le ministère féminin qui a pu faire son entrée. Aujourd'hui, c'est l'ouverture aux LGBTQI qui doit faire son chemin. Demain, on découvrira encore ceux qu'on a laissé sur le bord du chemin.

    J'ai un souhait pour la société aussi — qui parfois devance l'Eglise, mais parfois retarde sur l'Eglise (je pense au regard sur les étrangers) — je souhaite que la société prenne aussi ce chemin d'ouverture, à l'égard des humains bien sûr, mais également des animaux, de la biodiversité et de la nature.

    Que le « nous » du Notre Père ne cesse de s'élargir !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

  • L'esprit d'ouverture de Dieu dépasse ce que les disciples imaginaient

    pour le dimanche 3 mai 2020

    Actes 10

    L'esprit d'ouverture de Dieu dépasse ce que les disciples imaginaient.

    Esaïe 12 : 1-6.       Actes 10 : 34-48

    télécharger le texte : P-2020-05-03.pdf

     

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Le livre des Actes des Apôtres est notre seule source — dans la Bible — à propos de ce qui s'est passé après la résurrection de Jésus, sur les débuts du mouvement chrétien. Ce que l'on peut constater, c'est que les disciples de Jésus — dynamisés par la résurrection et les apparitions de Jésus — se sont mis à prêcher, à annoncer la bonne nouvelle — l'évangile — à Jérusalem d'abord, puis en Judée.

    Des persécutions — le mouvement chrétien n'était pas toujours apprécié par les traditionalistes ! — ont poussé les premiers chrétiens à sortir des frontières du pays d'Israël. Ils sont allés dans les villes des régions voisines ou plus éloignées, retrouvant-là les communautés juives de la diaspora.

    Il existait des synagogues avec des communautés juives dans toutes les grandes villes de l'Empire romain autour de la Méditerranée. Les apôtres et leurs compagnons s'adressaient donc en premier lieu à leurs coreligionnaires, parce qu'ils n'avaient pas l'impression ou la conscience d'être les missionnaires d'une nouvelle religion ! Les disciples sont persuadés d'être de bons juifs, simplement des juifs qui ont trouvé le Messie en Jésus.

    L'opposition que les disciples rencontrent dans les synagogues est d'abord une surprise, mais cela ne sera pas leur plus grande surprise ! Ils découvrent petit à petit que le message de Jésus rencontre un écho favorable chez les non-juifs, les païens. Alors se pose le problème — pour les disciples et les apôtres — de savoir si les "païens" peuvent entrer dans l'alliance que Dieu avait faite avec le peuple d'Israël.

    Le livre des Actes mène une large réflexion sur cette question : "Peut-on inclure les païens dans les appelés de Dieu ?" Dans le récit du livre des Actes qui précède celui que vous avez entendu, Pierre reçoit une vision accompagnée de ce message :

     

    "Ne considère pas comme impur ce que Dieu a déclaré pur !" (Ac 10:15)

    Cette déclaration va ouvrir la porte à des rencontres entre juifs et païens, entre Pierre et Corneille, un officier romain, probablement originaire d'Italie. C'est à partir de ces événements-là que Pierre peut commencer son discours dans la maison de Corneille en disant :

     

    "Maintenant, je comprends vraiment que Dieu n'agit pas différemment selon les personnes." (Ac 10:34)

    L'auteur du livre des Actes insiste lourdement pour dire que la décision vient vraiment de Dieu, plutôt que des disciples ou de Pierre. Pierre lui-même doit être convaincu par une vision et une voix qui vient du ciel. Ensuite l'auteur relève que "Les chrétiens d'origine juive qui étaient venus avec Pierre étaient très étonnés de ce que le saint esprit donné par Dieu se répande aussi sur les hommes non-juifs." (Ac 10:45)

    Pourquoi l'auteur du livre des Actes insiste-t-il tellement sur l'esprit de fermeture des disciples et l'esprit d'ouverture, d'accueil de Dieu ? N'est-ce pas parce que c'est un trait caractéristique et permanent de l'être humain et que cet auteur écrit cette histoire aussi pour ses contemporains et au-delà pour nous également ? Combien de fois n'avons-nous pas l'esprit plus étroit que celui de Dieu (et nous ne nous en rendons pas compte !) ?

    L'Evangile de Luc et le livre des Actes des Apôtres prêchent l'universalisme de Dieu en Jésus, c'est-à-dire l'acceptation de tous dans l'alliance de Dieu. Nous avons, nous aussi, à redécouvrir chaque jour cette grandeur de Dieu à l'égard de tous et à notre égard. Dieu est plus grand que nos pensées, nos catégories, nos classements. Nous n'avons pas à projeter sur lui nos étroitesses, nos limitations, notre propension à juger et nos incapacités à nous ouvrir.

     

    Ce qui est dit de l'universalisme de Dieu à l'égard de tous vaut aussi — au niveau individuel — de l'acceptation inconditionnelle de toute notre personnalité par Dieu. Dieu est plus grand que nos défauts, nos insuffisances, nos échecs ou nos erreurs. Là où nous manions le jugement — autant à l'égard des autres que de nous-mêmes — Dieu vient avec son pardon et son amour.

    Oui, il y a en chacun de nous des parts d'ombre, des pensées, des gestes, des attitudes, des comportements, des paroles dont nous ne sommes pas fiers, que nous voudrions effacer et ne pas reproduire. Et souvent — à cause de cela — nous nous disons que Dieu ne peut pas nous aimer vraiment. Et pourtant — comme le dit un auteur anonyme : "Je n'ai jamais tant besoin d'être aimé(e) que lorsque je ne le mérite pas."

    Cela devrait pouvoir être dit et être vécu dans chaque couple, entre enfants et parents, entre proches, par chacun d'entre nous. Eh bien, Dieu est plus grand que quiconque et il sait abandonner tous les reproches, toutes les barrières pour laisser libre cours à son amour sans limite.

    Ainsi, rien ne peut empêcher quiconque de s'approcher de Dieu et d'être accueilli pleinement par lui. Ainsi chacun peut confesser avec le prophète Esaïe :

     

    "« Seigneur, je veux te louer : j'avais mérité ta colère,

    mais tu ne m'en veux plus, tu m'as réconforté.

    Voici le Dieu qui m'a sauvé, je me sens en sécurité, je n'ai plus peur.

    Ma grande force, c'est le Seigneur; il est mon sauveur. »

    Avec joie vous puiserez aux sources du salut.

    Ce jour-là vous direz : « Louez le Seigneur, dites bien haut qui est Dieu,

    annoncez à tout le monde quels sont ses exploits,

    rappelez à tous quel grand nom est le sien. »

    Son nom, son amour est plus grand que tout. Nous ne sommes jamais tant aimés que lorsque nous en avons besoin.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

     

  • Philippe et l’éthiopien

    Actes 8

    10.3.2019

    Philippe et l’éthiopien

    Esaïe 53 : 1-11          Actes 8 : 26-39

     

    télécharger le texte : P-2019-03-10.pdf

     

    Les enfants jouent la rencontre de Philippe et de l’éthiopien. Celui-ci, comme étranger et comme eunuque n’a pas pu entrer dans la partie sainte du Temple de Jérusalem.

    Les enfants arrêtent leur jeu au moment où Philippe explique le texte d’Esaïe que l’éthiopien ne comprend pas.

     

    Qu’est-ce que Philippe a bien pu dire à l’Ethiopien ?

    Les premiers chrétiens n’avaient pas encore le Nouveau Testament, pas même un Evangile ! Ils n’avaient que le souvenir de la Passion de Jésus, son procès, sa crucifixion, sa résurrection. Mais ils avaient l’Ancien Testament. C’est là qu’ils ont cherché des clés pour comprendre le destin de Jésus : Ce Jésus, abandonné, rejeté par tous, Dieu ne l’a pas abandonné. Au contraire, il en a fait son élu, son messager, son Fils. C’est de ce Jésus que parle le prophète Esaïe dans ses “Poèmes du Serviteur souffrant” (Esaïe 42:1-9, 49:1-7, 50:4-11 et 52:13—53:12).

    Philippe explique donc à l’Ethiopien qu’Esaïe parle de Jésus. C’est Jésus qui « (…) s'est laissé maltraiter sans protester, sans rien dire, comme un agneau qu'on mène à l'abattoir, comme une brebis devant ceux qui la tondent. » (Es 53:7) Mais Dieu n’a pas abandonné Jésus, Esaïe ajoute : « Mais le Seigneur approuve son serviteur accablé, et il a rétabli celui qui avait offert sa vie à la place des autres. » (Es 53:10)

    Jésus est venu dans le monde pour nous dire que Dieu n’est pas à la place qu’on imagine généralement. On voudrait que Dieu soit grand, soit puissant, soit le maître de tout. Sans s’apercevoir qu’on fait alors de lui un dictateur. Jésus nous montre — par son parcours souffrant — que Dieu est à l’opposé de nos pensées humaines. Il ne se place pas au-dessus de nous, mais à nos côtés. Il ne nous dirige pas, il nous appelle. Il n’est pas avec les forts et les puissants, mais avec les rejetés. Il lutte pour la justice, pas pour le pouvoir.

    Jésus a pris sur lui toutes nos misères, toutes nos fautes, tous nos malheurs, c’est cela qui l’a tué. Mais Dieu l’a relevé d’entre les morts pour nous dire qu’il y a une vie pour nous au-delà du malheur, malgré nos fautes. Il n’y a pas d’exclus devant Dieu, il n’y a pas de portes fermées. Dieu accueille tout le monde, tous ceux qui ne s’en sentent pas dignes, mais qui ont envie de faire partie de cette communauté ouverte.

    Suivre Jésus, c’est devenir accueillant comme Dieu lui-même. Philippe explique que à l’Ethiopien que les gens qui veulent vivre cet appel à l’ouverture et à l’accueil se font baptiser. Dès que quelqu’un reçoit le baptême, il fait partie de cette nouvelle communauté des enfants de Dieu.

     

    Les enfants reprennent le cours de la saynète et l’éthiopien se fait baptiser.

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

     

  • Un parcours de vie

    Luc 15

    10.2.2019

    Un parcours de vie

    Colossiens 3 : 12-17        Luc 15 : 11-24

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Cette parabole de Jésus intitulée le "Fils prodigue" est probablement la parabole la plus connue de l'évangile. C'est aussi celle qui résume avec le plus d'intensité la bonne nouvelle de l'évangile : Dieu nous accepte inconditionnellement.

    Un danger nous guette cependant lorsque nous entendons et méditons cette parabole, c'est de "noircir" le premier fils pour faire ressortir avec plus de relief la bonté du père.

    Le père n'est-il pas d'autant meilleur que le fils est un fieffé vaurien, un gaspilleur de fortune et coureur de jupon ? Attention, cela n'est pas dans notre récit, c'est dans la suite, dans la bouche du frère aîné qui essaie de dénigrer son frère.

    Ne tombons pas dans le piège — contraire à l'évangile — de faire de cette parabole une morale pour tenir tranquille les enfants et vanter la sagesse anticipatrice des parents. Cette parabole ne nous est pas donnée comme instrument de pouvoir parental, mais comme parole libératrice pour tous ! Cherchons à entendre la parabole sans trop de parasites !

    Cette parabole nous expose un parcours de vie assez ordinaire, en raccourci.

    1) Première étape. Arrivé à l'âge adulte, un fils décide de prendre son envol, de quitter le nid familial. Il demande sa part d'héritage à son père. Rien ne nous indique qu'il y ait de la part du fils de l'agressivité dans sa demande, ou de la réticence à y répondre de la part du père. Le père partage entre ses deux fils et le cadet prend la part qui lui revient et s'en va.

    Quitter le père, la famille pour chercher son autonomie, ses propres valeurs, son propre accomplissement, sa propre personnalité, c'est le chemin normal de tout individu.

    2) Deuxième étape, le fils fait sa vie là-bas et dépense l'avoir, les biens qu'il avait reçu. Ici on pourrait bien sûr faire le reproche de n'avoir pas été prudent, économe, etc. Mais n'est-ce pas dans la nature des choses, des biens de consommation, d'être consommés. Chez nous aussi le frigo se vide chaque semaine. Le problème n'est pas qu'il se vide, c'est comment faire pour pouvoir le remplir à nouveau chaque semaine !

    En plus là-bas, la famine survient, c'est-à-dire la pénurie de tous les biens, même à acheter. Ici se joue — dans la vie du fils, mais dans toute vie, je crois — la lutte entre l'être et l'avoir. Le fils a eu l'illusion — en demandant sa part à son père — de recevoir assez pour vivre toute sa vie, comme si ces biens allaient combler les besoins de son être toute sa vie.

    Une publicité disait : "Il y a des choses qui ne s'achètent pas, pour tout le reste, il y a notre carte de crédit." Le passage que vit le fils et que nous avons tous un jour à traverser est de découvrir ce qui s'achète et ce qui ne s'achète pas, ce qui relève de l'avoir et ce qui relève de l'être. Souvent nous sommes dans la confusion, parce que tout notre environnement — un environnement essentiellement commercial — nous dit : "Consomme et tu seras heureux" c'est-à-dire : satisfais tous tes besoins d'avoir et ton être sera comblé !

    Le fils découvre qu'il a épuisé son avoir sans que son être en soit comblé. Il se découvre seul, éloigné des siens, avec un manque intérieur terrible, exprimé par la faim qu'il éprouve en regardant les porcs se gaver.

    3) Alors il se met à réfléchir. C’est la troisième étape. Il fait un voyage intérieur à la recherche de ses vrais besoins. Il réalise son manque, son vide intérieur, et là se passe en lui un double mécanisme.

    D'un côté, il s'auto-accuse et se culpabilise de son chemin. Il passe de la découverte de son vide intérieur à un sentiment d'indignité. Il retourne le mal qu'il vit contre lui, pour en conclure qu'il a perdu son être. Il se trouve indigne.

    D'un autre côté, il remonte à la source où a commencé son malheur et où est la source où il pourrait retrouver à nourrir son être intérieur. C'est ainsi qu'il décide de retourner vers son père tout en lui demandant un statut d'ouvrier, parce qu'il pense avoir perdu sa dignité de fils.

    4) Dernière étape du parcours : rien ne se passe comme l'avait prévu le fils. Le père ne porte aucun jugement. Le père ne fait pas la morale à son fils. Le père ne cherche pas une faute ou des erreurs. Il coupe court à toute accusation d'indignité. Il ne veut aucun arrangement autour d'un statut inférieur qui permettrait — aux yeux du fils — une réintégration.

    Jamais, dans les yeux du père, le fils n'a changé de statut. Jamais, il n'a cessé d'être précieux, important, plein de valeur. Le père ne voit que le parcours malheureux, il ne voit aucune indignité. Il n'y a pas de reproches, seulement la joie des retrouvailles. Le fils a fait son parcours de vie, il a été par le chemin qu'il avait choisi et il a découvert ce dont il avait besoin.

    Le père accepte ce parcours et se réjouit de ce que son fils qui était près de la mort intérieure a retrouvé le chemin de la vie. Un grand festin marque ces retrouvailles, une grande fête est nécessaire pour marquer cette renaissance de l'être du fils à la vie.

    Chaque être humain est engagé dans ce parcours où il doit trouver son chemin personnel pour retrouver son être intérieur et participer à ce repas de fête que Dieu nous offre.

    Aujourd'hui, Dieu nous ouvre les bras, il nous invite à la fête dans son Royaume. Laissons-nous accueillir comme les vrais enfants du Père.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • De l’exclusion à l’accueil

    Actes 8

    8.2.2019

    De l’exclusion à l’accueil

    Esaïe 53 : 1-10         Actes 8 : 26-39

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Les protestants sont très attachés à la lecture de la Bible, et à faire jouer — comme en stéréo — l’Ancien et le Nouveau Testament. Comment comprendrait-on le Nouveau Testament sans une connaissance de l’Ancien Testament ?

    Nous en avons un exemple dans ce récit de la rencontre de Philippe et de l’eunuque éthiopien. Cet homme est allé “adorer Dieu à Jérusalem”. Mais comme étranger et comme eunuque, il n’a pas eu droit d’entrer dans le Temple de Jérusalem. La loi interdit l’entrée des lieux saints aux eunuques. Il n’a pu aller que jusqu’à la cour des païens. Cette rebuffade n’a pas éteint sa quête de Dieu. Il retourne dans son pays avec le rouleau du prophète Esaïe.

    Au moment où Philippe arrive — et l’entend lire à haute voix comme c’était l’habitude dans l’antiquité — cet homme est en train de lire le passage d’Esaïe que je vous ai lu. On appelle ce passage le “Poème du Serviteur souffrant”. Un passage qui a été lu par la jeune communauté chrétienne comme annonçant la Passion du Christ. Il faut imaginer que la première communauté chrétienne ne dispose pas encore du Nouveau Testament! Paul n’est même pas encore converti (cela se passe un peu plus tard dans le livre des Actes). Pour comprendre la trajectoire et la destinée de Jésus, les premiers chrétiens ne disposent que de l’Ancien Testament. Ils ont le récit des disciples qui ont vécu avec Jésus et accompagné — de loin — la Passion de Jésus. Un destin terriblement difficile à comprendre.

    Ici, le fonctionnaire éthiopien lit ce “Poème du Serviteur souffrant”. Il ne comprend pas, et il y a de quoi. Comment comprendre qu’un envoyé de Dieu soit vilipendé, accusé, maltraité, sans répondre. Sans que Dieu le sorte de là ? Il est comme l’agneau qu’on mène à l’abattoir, sans défense, sans défenseur. Philippe va expliquer au fonctionnaire éthiopien que ce Serviteur souffrant, c’est ce Jésus qui a été crucifié. Que ce Jésus est l’agneau qui porte les malheurs de l’humanité. Ce qui revient à dire que Dieu a changé de place. Il n’est pas magnifique dans un Temple érigé de main d’homme — ce Temple auquel l’eunuque n’a d’ailleurs pas eu accès — il est celui qui partage les malheurs de l’humanité, il est du côté des humiliés, des petits, des sans voix.

    L’eunuque qui a été privé d’entrée dans le Temple et qui a sûrement dû être au moins moqué, si ce n’est discriminé du fait de sa constitution, s’est senti reconnu, réhabilité. Il se sent compris, invité à s’associer avec ceux qui suivent ce Jésus accueillant. Aussi bien demande-t-il s’il y a un obstacle à être baptisé, c’est-à-dire inclus dans la communauté de ceux qui suivent le chemin de Jésus. Il n’a pu entrer dans le Temple, mais il est accueilli dans l’Eglise. Il reçoit le baptême de la main de Philippe. Dieu ne veut pas de portillon pour filtrer les entrées dans le Royaume.

    Le banquet du Royaume est ouvert à tous, d’autant plus que ceux qui avaient reçu un carton d’invitation ne se sont pas donnés la peine de venir. Se retrouvent donc à la table du Seigneur ceux qui pensaient ne pas être dignes d’être invité, d’avoir une place à sa table. Ce récit est une invitation à ne pas mettre d’obstacles — nous les humains — là où Dieu les a déjà abolis. La communauté de ceux que Dieu appelle et accueille pourrait bien nous surprendre.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • Dieu fait tomber les barrières

    Actes 11

    14.10.2018

    Dieu fait tomber les barrières

    Actes 11 : 1-12        Actes 11 : 13-18

     

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Le livre des Actes des Apôtres est notre seule source — dans la Bible — à propos de ce qui s'est passé après la résurrection de Jésus, sur les débuts du mouvement chrétien. Ce que l'on peut constater, c'est que les disciples de Jésus — dynamisés par la résurrection et les apparitions de Jésus — se sont mis à prêcher, à annoncer la bonne nouvelle — l'évangile — à Jérusalem d'abord, en Judée puis au-delà.

    Des persécutions — le mouvement chrétien n'était pas toujours apprécié par les traditionalistes ! — ont poussé les premiers chrétiens à sortir des frontières du pays d'Israël. Ils sont allés dans les villes des régions voisines puis bien plus loin, retrouvant-là les communautés juives de la diaspora.

    Il existait des synagogues avec des communautés juives dans toutes les grandes villes de l'Empire romain autour de la Méditerranée. Les apôtres et leurs compagnons s'adressaient donc en premier lieu à leurs coreligionnaires, parce qu'ils n'avaient pas l'impression ou la conscience d'être les missionnaires d'une nouvelle religion ! Les disciples sont persuadés d'être de bons juifs, simplement des juifs qui ont trouvé le Messie en Jésus.

    L'opposition que les disciples rencontrent dans les synagogues est d'abord une surprise, mais cela ne sera pas leur plus grande surprise ! Ils découvrent petit à petit que le message de Jésus rencontre un écho favorable chez les non-juifs, les païens. Alors se pose le problème — pour les disciples et les apôtres — de savoir si les "païens" peuvent entrer dans l'alliance que Dieu avait faite avec le peuple d'Israël.

    Le livre des Actes mène une large réflexion sur cette question : "Peut-on inclure les païens dans les appelés de Dieu ?" Dans le récit du livre des Actes qui précède celui que vous avez entendu, Pierre reçoit une vision accompagnée de ce message : "Ne considère pas comme impur ce que Dieu a déclaré pur !" (Ac 10:15 et 11:9) Cette déclaration va ouvrir la porte à des rencontres entre juifs et païens, entre Pierre et Corneille, officier romain, probablement originaire d'Italie.

    C'est à partir de cette vision et de la venue de l’Esprit saint sur Corneille et sa famille que Pierre peut soutenir — contre les autres apôtres : “Dieu leur a accordé le même don que celui qu’il nous a fiat quand nous avons cru au Seigneur Jésus-Christ : qui étais-je pour m’opposer à Dieu ?” (Ac 11:17)

    L'auteur du livre des Actes, Luc, insiste lourdement pour dire que la décision vient vraiment de Dieu, plutôt que des disciples ou de Pierre. Il faut trois choses pour que Pierre soit convaincu (i) une vision (ii) une voix qui vient du ciel et (iii) la descente de l’Esprit saint sur ces païens.

    Pourquoi Luc insiste-t-il tellement sur l'esprit de fermeture des disciples et l'esprit d'ouverture, d'accueil de Dieu ? N'est-ce pas parce que c'est un trait caractéristique et permanent de l'être humain et que cet auteur écrit cette histoire aussi pour ses contemporains et au-delà pour nous également ? Combien de fois n'avons-nous pas l'esprit plus étroit que celui de Dieu (et nous ne nous en rendons pas compte !) ?

    La place que prend cet épisode dans le livre des Actes, le nombre et la répétition, dans le récit même des interventions divines — visions, paroles, anges, parlé en langue, descente de l'Esprit saint — pour justifier cette ouverture, montre que la résistance, au sein de l'Eglise primitive a dû être forte.

    Toute la vie d'un croyant juif de l'époque est construite sur la distinction du pur et de l'impur. Les païens n'en tiennent pas compte et ils sont donc considérés comme souillés. Si l'on veut appartenir au peuple de Dieu, il faut distinguer ce que Dieu a déclaré pur et ce qu'il a déclaré comme interdit. C'est la base de la vie pieuse. Cela a conduit les juifs à vivre une vie séparée des autres, n'entrant pas dans les maisons des romains (c'est ainsi que les autorités juives ne voulaient pas entrer dans le palais de Ponce Pilate, Jn 18:28), partageant encore moins leurs repas — la nourriture ayant pu être consacrée aux idoles.

    Pierre ressort donc transformé de la maison de Corneille, c'est presque un récit de la conversion de Pierre ! Il y a chez lui un véritable changement de mentalité, un changement de vision du monde. Pierre passe d'un monde cloisonné où chaque peuple, où chaque ethnie, où chaque culture vit séparée l'une de l'autre — ce qu'on appelle le communautarisme aujourd'hui — à une société ouverte où chacun peut non seulement se croiser, mais se rencontrer, se toucher, se rassembler et manger à la même table !

    Mais Pierre n'est pas au bout de son chemin. Il a fait son chemin personnel, mais il doit encore convaincre l'ensemble de la communauté. Avec ironie, Luc montre par là que les obstacles ou les résistances au message de Dieu sont souvent plus forts à l'intérieur de l'Eglise qu'à l'extérieur. A ce moment-là (mais est-ce seulement à ce moment-là ?) l'Eglise n'a pas tellement envie de devenir universelle. L'Eglise n'a pas tellement envie de changer, de s'ouvrir. -- Pour nous aujourd'hui cela paraît tout naturel, normal que l’Eglise soit universelle. Mais pour l'Eglise d'alors, cette position de Pierre est comparable à un politicien qui offrirait le passeport suisse à toute personne qui en ferait la demande, sans autre condition que de prononcer la phrase : "J'aime la Suisse." Vous imaginez les réactions que cela entraînerait ?

    "Ne considère pas comme impur ce que Dieu a déclaré pur." (Ac 11:9). Cette phrase a façonné le christianisme et n'a pas fini de déployer ses effets. Elle est un défi pour tous les chrétiens et elle est un défi pour toutes les autres religions.

    Cette phrase signifie d'abord l'abolition de toutes les barrières entre les humains. C'est l'abolition de toutes les discriminations entre humains et comme telle à la source de la Déclaration universelle des droits humains qui déclare que toute personne a des droits "sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation." (Article 2).

    Cela nous interroge sur les barrières que nous maintenons en place dans l'Eglise ou dans la société. Plus important pour nous aujourd'hui — en tant qu'Eglise — cela nous rappelle que cette abolition des barrières est voulue par Dieu lui-même, ce qui signifie que nous ne devons pas, que nous ne pouvons plus ériger des barrières au nom de Dieu, au nom du culte ou au nom de la religion.

    C'est un véritable défi pour notre XXIe siècle qui voudrait que chacun vive chez soi et qu'on ne mélange pas les communautés différentes ! Pour rester fidèles à Dieu, apprenons à faire tomber toutes les barrières.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Partager en deux l’abîme par une main tendue !

    Actes 3

    23.9.2018

    Partager en deux l’abîme par une main tendue !

    Actes 3 : 1-10       Luc 14 : 15-21

    télécharger le texte : P-2018-09-23.pdf

    Chers frères et sœurs en Christ,

    Dans le livre des Actes, Luc a pour ambition d’écrire l’histoire du début de l’Eglise. Mais ce n’est pas l’histoire humaine qu’il veut écrire. Il veut mettre en scène l’action de Dieu au milieu des disciples, des apôtres et des croyants. C’est pourquoi Luc a dépeint la descente de l’Esprit saint sur les disciples à la Pentecôte, puis la force que donne l’Esprit saint aux apôtres.

    Tout le défi pour Luc est de savoir comment montrer — rendre visible à tous — dans un récit, l’action invisible de Dieu. On ne peut voir le vent, mais on voit ce qu’il soulève ou fait bouger. Eh bien Luc va montrer ce qui bouge, ce qui change sous l’action de l’Esprit saint.

    La première action qui suit la Pentecôte est cette rencontre de Pierre et Jean avec cet infirme qui mendie à une porte du Temple de Jérusalem. Le mendiant est handicapé depuis sa naissance. Il faut le porter jusqu’à l’entrée du Temple pour qu’il puisse mendier et gagner sa subsistance. Il reste à la porte, parce que l’intérieur du Temple est interdit à ceux qui ont des infirmités, des défauts physiques. Ce mendiant est donc caractérisé par l’immobilité, la passivité, la dépendance et l’exclusion.

    Pierre et Jean sont interpelés lorsqu’ils passent devant lui. Ils le regardent d’abord — ce que nous ne faisons souvent pas avec les mendiants de nos rues, préférant la plupart du temps éviter de croiser leurs regards.

    Ensuite Pierre lui parle… En gros il lui explique qu’il ne va pas lui donner d’argent ! Mais en faisant cela, Pierre quitte le registre économique pour entraîner le mendiant dans le registre du Royaume de Dieu — où tout est différent, tout est à l’excès, comme l’expriment les paraboles. Et Pierre prononce les mêmes paroles que Jésus face au paralytique (Luc 5:23) « Lève toi et marche ! »

    Finalement Pierre lui tend la main, il crée un contact physique, et le relève : ce verbe fait clairement allusion à la résurrection.

    La façon dont la scène se passe montre clairement la continuité entre l’œuvre de Jésus et l’œuvre des apôtres. Jésus est monté au ciel, mais son œuvre continue sur terre par la force du saint Esprit et les gestes des apôtres.

    Mais le récit n’est pas terminé. Le relèvement du mendiant n’est qu’une étape dans le travail de l’Esprit saint. Le passage de l’immobilité à la mobilité — le mendiant bondit en louant Dieu — n’est pas la seule transformation induite. Il était passif, il devient actif. Il était dépendant de ses porteurs et de ses bienfaiteurs, il devient indépendant, il va pouvoir retrouver une vie normale. Il était exclu du Temple, maintenant il rentre dans le Temple pour louer Dieu. Il a enfin accès à Dieu. Il découvre le surplus de valeur du spirituel sur le matériel, l’amour à la place de l’aumône.

    Cette guérison faite au nom de Jésus atteste de la destruction de toutes les barrières que les humains pouvaient inventer et placer entre Dieu et l’humain. Jésus l’avait déjà dit dans sa parabole du banquet. Le royaume de Dieu ne nécessite pas de ticket d’entrée. Bien plus même, ceux qui croyaient avoir un droit d’entrée (ayant reçu une invitation) ne s’y retrouvent pas, et ceux qui pensaient en être exclu — les pauvres, les infirmes, les aveugles et les boiteux (Luc 14:21)— sont repêchés et spécialement accueillis.

    L’Eglise que nous dépeint Luc avec cette « première admission » doit être à l’image du Royaume de Dieu que Jésus profilait dans ses paraboles. Une Eglise inclusive, une Eglise composée de tous les estropiés de la terre, de tous les blessés de la vie, de tous les meurtris de l’existence.

    Luc multiplie dans son Évangile et dans les Actes les récits avec des personnages généralement exclus du peuple d’Israël ou du culte : les bergers dans le récit de Noël (Luc 2), le centenier de Capharnaüm (Luc 7), les enfants écartés par les disciples (Luc 18), Zachée le collecteur d’impôts (Luc 19), et dans les Actes l’eunuque éthiopien (Actes 8), Corneille l’officier romain (Actes 10-11), et ici le mendiant à la porte du Temple.

    L’Eglise ne peut pas avoir de porte, de portillon de contrôle à l’entrée. L’Eglise est ouverte à tous, à la manière de Jésus-Christ qui rend son Père accessible à tous, sans condition.

    Par ce récit, Luc montre que l’Eglise c’est l’inverse du Temple : tous ceux à qui le Temple interdisait d’accès (laissait à l’extérieur) ceux-là même sont les invités privilégiés de la nouvelle communauté de l’Eglise.

    Cette guérison qui ouvre la porte du Temple va encore plus loin dans son message. Ce récit nous dit que la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ s’inscrit dans la pâte humaine, dans le corps. Ce récit montre comment l’action de Dieu s’incarne, se corporéise dans notre réalité. Pas tellement dans l’idée d’un exploit médical — ce serait juste de la magie — mais dans le fait que l’Esprit de Jésus passe par Pierre, se faufile dans la main de Pierre, se transmet dans cette poignée de main et transforme la vie de cet homme en le faisant revivre.

    La main de Pierre guérit le mal de vivre de cet homme parce qu’il est un humain qui prend la main d’un autre. Un auteur que j’aime dit ceci : dans l’épreuve la plus noire « la question n’est pas de trouver une réponse à la nuit (...) mais à passer la nuit en compagnie de l’autre, à partager en deux l’abîme dans une fraternité. »*

    Partager en deux l’abîme par une main tendue ! Voilà ce que Jésus a enseigné à ses disciples, ce que ces disciples devenus apôtres mettent en pratique. Et c’est ainsi que se constitue une communauté appelée l’Eglise.

    Cette communauté n’est pas idéale, elle n’est pas faite de corps « photoshopés ». Elle est à l’image de son chef, de Jésus le Crucifié qui se montre à ses disciples : Ressuscité, mais portant les stigmates, les cicatrices de son exécution.

    À notre tour nous pouvons venir, entrer dans la communauté avec les blessures de nos vies, les cicatrices de notre passé. Le banquet s’est ouvert à ceux qui ne pensaient pas être dignes d’y être invités, à tous ceux qui ont été relevés par une poignée de main humaine. Quelle que soit notre infirmité cachée, ensemble nous pouvons être l’Eglise appelée par Dieu, sauvée par Jésus-Christ, et dynamisée par le saint Esprit.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

    * John D. Caputo, La faiblesse de Dieu, Genève, Labor et Fides, 2016. p.343.

  • Conte : Ce soir c’est Noël !

    Veillée du 24 décembre 2016

    Conte : Ce soir c’est Noël !

    Reprise de :

    http://clamans.hautetfort.com/archive/2013/12/23/conte-ce-soir-c-est-noel-5253961.html

  • Lévitique 19. Rappelez-vous que vous avez aussi été des étrangers.

    Lévitique 19
    26.6.2016

    Rappelez-vous que vous avez aussi été des étrangers.

    Lévitique 19 : 33-34       Actes 27 : 27-44
    Télécharger le texte : P-2016-0626.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    C’est étonnant comme ce dernier voyage de Paul est proche des récits de réfugiés qui viennent s’échouer sur les plages de Lampedusa.
    En ce dimanche où nous reprenons les thèmes du dimanche des réfugiés, je n’ai pas envie de faire de la politique, encore moins de la morale. Le thème des réfugiés est un thème difficile. Il fait naître en chacun des émotions personnelles et des réactions diverses. Pour les uns, c’est de la curiosité intéressée par des rencontres nouvelles et la découverte de la richesse d’autres cultures, pour d’autres c’est l’anxiété ou la peur face à cette différence qui peut remettre en cause notre culture ou notre mode de vie.
    Ce qui m’intéresse plutôt, c’est de voir comment nous pouvons relier notre histoire personnelle à d’autres histoires. Dimanche dernier, nous avons vu que Jésus parlait en paraboles pour approcher le mystère de Dieu et du royaume de Dieu. Aujourd’hui j’aimerais aussi me servir d’histoires pour nous questionner sur notre rapport autant à l’enracinement dans une contrée, qu’au voyage et au déracinement.
    Si nous nous demandons : « d’où venons-nous ? » Il y a plusieurs façons de répondre. Il y a une façon géographique : je suis né à tel endroit et je vis à tel endroit. Il y a une façon historique : mes ancêtres viennent d’ici ou de là. Et il y a une façon symbolique : je me reconnais fondamentalement dans tel ou tel personnage, je suis plutôt Nicolas Bouvier ou Robinson Crusoé, plutôt vigneron du Lavaux ou paysans de la Broye.
    Dans nos ancêtres symboliques, nous pouvons placer les grands personnages bibliques. Et là, qu’est-ce que ça bouge, qu’est-ce que ça voyage ! Abraham quitte Our, c’est tout au sud de l’Irak près de Bassorah et il remonte toute la vallée de l’Euphrate, jusqu’à ses sources en Turquie, a Haran, près de la ville d’Urfa, aujourd’hui Sanliurfa, où on nous montre la source où Abraham a bu. Mais Abraham reste pas là. Il s’établit en Cis-jordanie et fait quelques voyages en Égypte.
    Son petit-fils Jacob va repartir de la plaine du Jourdain pour monter chercher une épouse à Haran où son oncle est établi. Son fils Joseph descendra en Égypte où il vivra et deviendra ministre. Puis le  peuple d’Israël quittera l’Égypte pour retourner s’établir dans le pays de Canaan, en traversant tout le Sinaï, c’est l’Exode. Après quelques siècles, c’est l’Exil, à Babylone principalement, mais aussi en Égypte. Une poignée revient en Israël, une grande partie s’installe sur le pourtour de la Méditerranée.
    Cette mobilité est incroyable par rapport à aujourd’hui où nous voudrions que chacun reste chez lui, sauf pour le tourisme bien entendu, car nous, nous voulons continuer à pouvoir aller partout et être bien accueilli.
    Au temps du début du Christianisme, ça voyage beaucoup aussi. Seuls les voyages de Paul sont décrits dans la Bible, mais d’autres apôtres ont évangélisé l’Égypte, qui se couvre de monastères, et l’Irak et l’Iran, jusqu’en Inde, et l’Arabie, et l’Éthiopie etc.
    C’est dans un naufrage que Paul atteint Malte, porte pour se rendre en Italie, à Rome. Voilà ce turc de Tarse, juif lettré, qui s’installe à Rome. Il est accueilli par la communauté chrétienne déjà établie (on ne sait pas par qui elle a été fondée, mais elle existe déjà).
    Notre culture judéo-chrétienne a été développée par des voyageurs et des émigrants. Nous sommes les tributaires heureux de l’importation d’une religion moyen-orientale.
    Ici en Suisse romande, nous avons aussi été marqué par une migration, celle des huguenots, venus en Suisse suite à la révocation de l’Edit de Nantes.
    Et là, j’aimerais vous faire part d’une découverte que j’ai faite en rangeant des affaires familiales. J’ai retrouvé la copie d’un texte qui se trouve au dos du portrait de femme, texte qui dit ceci : « Louise Boutan,  Huguenote, traversa la France [depuis Nyons dans le Dauphiné] à l’âge de huit ans, montée sur un âne, filant la quenouille et accompagnée d’un vieux et dévoué serviteur. Elle arriva à Genève et ne sut plus jamais rien de ses parents. » C’était en 1728, c’est une de mes ancêtres, six générations en arrière.
    Il est fort probable que vous aussi, vous ayez l’un ou l’autre de ces réfugiés huguenots dans vos ancêtres. Ou alors, quelqu’un de votre famille, au XIXe ou au début du XXe siècle, s’en est allé chercher meilleure fortune en Amérique du Nord ou du Sud, où on retrouve des villes qui s’appelle Vevay (Indiana), Geneva (Utah) ou Novo Fribourgo (Brésil). On parle encore suisse-allemand chez certains Amish du Massachusetts.
    De tout temps, les gens se sont déplacés, le plus souvent pour des raisons économiques. Aujourd’hui, ceux qui viennent frapper à notre porte sont des gens persécutés ou qui ne peuvent plus vivre dans leur pays accablé par la guerre.
    Les personnes qui reçoivent l’autorisation de rester chez nous et de s’établir dans notre pays se comporteront en miroir des attitudes que nous aurons face à eux. C’est pourquoi la Bible donne ce conseil : « Quand un étranger viendra s'installer dans votre pays, ne l'exploitez pas ; au contraire, traitez-le comme s'il était l'un de vos compatriotes : vous devez l'aimer comme vous-mêmes. Rappelez-vous que vous avez aussi été des étrangers en Égypte. Je suis le Seigneur votre Dieu. » (Lév. 19:33-34)
    Une fois que l’étranger est là, autant le traiter comme un ami, en réponse il se comportera comme un ami et nous aurons gagné un ami.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2016

  • Jean 20. Naissance de la foi pascale.

    Jean 20
    27.4.2014
    Naissance de la foi pascale.
    Exode 25 : 10-22      Jean 20 : 11-18

    Téléchargez la prédication ici :


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Au matin de Pâques, tout n’a pas été subitement transformé. Les disciples n’ont pas été brusquement illuminés. Il ne suffit pas de lire une affiche bleue à écriture jaune disant « Christ est ressuscité » pour devenir croyant.
    Dans le passage de l’Evangile selon Jean que nous avons entendu ce matin, l’évangéliste nous montre — en détail — le cheminement de Marie-Madeleine, d’un profond chagrin à une confession de foi auprès des autres disciples. Le récit met en scène la naissance de la foi pascale.
    Tout commence par le désarroi et le chagrin. Personne n’est venu au tombeau avec une espérance de résurrection. C’est la peine, le chagrin qui domine, avec l’incompréhension, l’incrédulité : comment est-ce possible que cela se soit passé ainsi !
    Et Marie-Madeleine est là, à l’extérieur du tombeau, en pleurs. La première démarche de Marie-Madeleine est de passer de l’extérieur à l’intérieur du tombeau. Elle affronte sa peine. Elle affronte la réalité, elle veut voir le corps mort de son maître.
    A la place, elle voit deux anges, assis l’un à la tête, l’autre aux pieds du lieu où était déposé le corps de Jésus. Les anges ne lui révèlent rien, mais la renvoie à son chagrin et à sa recherche.
    Les anges ne révèlent rien à Marie-Madeleine, mais parlent, indirectement, aux lecteurs que nous sommes. Que vous rappelent deux anges ou chérubins, se faisant face, à l’extrémité d’une banquette ou d’un coffre ? Cela me fait penser au couvercle de l’arche de l’alliance, dont il est dit que « l’Eternel résidait entre les deux chérubins » (Ex 25:22 et 2 Sam. 6:2). Cet espace entre les deux chérubins est le lieu vide d’où parle l’Eternel aux Israélites. Le lieu vide fait aussi penser au Saint des Saints dans le Temple de Jérusalem, chambre vide où se tient la mystérieuse présence de Dieu.
    L’arche de l’alliance, le Saint des Saints, le tombeau vide sont des espaces vides qui signalent quelque chose de la présence de Dieu. Une façon de renvoyer à un ailleurs, parce que Dieu ne peut être contenu dans aucun espace.
    Ce signe est une invitation — souligné par la question « Pourquoi pleures-tu ? » (v.13) — à chercher ailleurs que dans le vide — de l’arche, du Temple, du tombeau — celui qui remplit le cœur de Marie-Madeleine.
    Elle comprend le message puisqu’elle se « retourne en arrière » (v.14) pour regarder hors du tombeau. C’est là qu’elle voit un homme qu’elle prend pour le jardinier, mais que le récit nous présente comme Jésus ressuscité. Une façon de dire la transformation qu’imprime la résurrection sur Jésus. C’est lui, mais il est Tout-Autre. Marie-Madeleine est toujours dans sa recherche et son désir de retrouver et de reprendre le corps de son maître. Elle est dans sa recherche terrestre Elle a encore une étape à franchir : reconnaître Jésus.
    On s’attendrait ici à ce que Jésus s’identifie, lui dise : «  c’est moi, je suis Jésus… » On s’attendrait à ce qu’il se révèle comme étant en même temps le crucifié et le ressuscité, comme il le fera plus tard avec Thomas (v.27). Non, ce n’est pas ce qui se passe. Ce n’est pas par une information, ou un enseignement, que Jésus va faire naître la foi pascale, c’est par un autre chemin.
    Jésus fait le chemin inverse, c’est lui qui nomme Marie. (Comme vous le savez, le nom de quelqu’un, dans la pensée hébraïque, c’est toute la personne, comme un totem chez les indiens.)
    En prononçant son nom, Jésus dit à Marie-Madeleine, qu’il la connaît toute entière, qu’il la comprend dans toutes ses dimensions, qu’il l’accueille dans tout son être. Cette compréhension des personnes que Jésus rencontre est fréquemment soulignée dans l’Evangile selon Jean. On le voit dans le récit de la Samaritaine où Jésus savait tout de sa vie privée (Jn 4), dans le récit de l’homme guéri à la piscine de Bethzatha (Jn 5) ou des adversaires de Jésus dont il connaît le cœur et les pensées (Jn 2:24).
    Ici, c’est à Marie-Madeleine que Jésus dit qu’il la connaît entièrement. Et c’est cette connaissance profonde et accueillante qui déclenche la reconnaissance. A ce moment-là, Marie-Madeleine reconnaît le Christ en face d’elle.
    Etre connu, être aimé, se sentir accueilli et accepté est la source de la foi pascale. « La foi, c’est accepter d’être accepté »* disait le grand théologien américain Paul Tillich.
    Ce prénom prononcé par Jésus fait que Marie-Madeleine se retourne à nouveau (v.16), mais cette fois dans le sens spirituel. C’est sa conversion. C’est son passage de la tristesse à la foi, du désarroi à la confiance. Elle a retrouvé son maître, celui qu’elle cherchait.
    Elle a encore une étape à franchir, c’est de laisser aller, d’abandonner sa recherche du corps de Jésus, car celui-ci a véritablement disparu. Elle doit laisser aller le Jésus terrestre pour s’attacher au Christ vivant. Et cette relation ne passe pas par le toucher, mais passe par la parole, une parole d’alliance : « mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu » (v.17). Des paroles d’alliance qu’Abraham avait déjà reçues « Je maintiendrai mon alliance avec toi et tes descendants, ainsi je serai ton Dieu. » (Gn 17:7).
    Une nouvelle alliance se noue ici et Marie-Madeleine est chargée d’aller l’annoncer aux disciples. Une alliance qui instaure de nouvelles relations : les disciples deviennent des frères de Jésus (v.17), le Dieu de Jésus devient le Dieu des disciples. Une nouvelle fraternité est instaurée par le Christ ressuscité, une fraternité qui devient le signe de reconnaissance de l’Eglise.
    Et Marie-Madeleine — forte d’avoir été comprise et acceptée par Jésus — s’en va vers les autres disciples leur apporter la bonne nouvelle de Pâques : « J’ai vu le Seigneur » (v.18). Marie-Madeleine devient ainsi le premier apôtre à avoir vu Jésus ressuscité et à apporter la nouvelle aux autres disciples.
    Le Christ lui a donné la foi en lui révélant combien il la connaît bien et combien elle est aimée. Remplie de cette merveilleuse découverte et de cette confiance, elle est transformée. Elle a la force d’accomplir sa mission. Elle est débordante de joie et court annoncer la bonne nouvelle aux disciples, comme la Samaritaine était retournée dans son village pour annoncer ce que Jésus lui avait fait découvrir.
    Le Christ nous connaît. Si nous nous ouvrons à lui, si nous le laissons regarder en nous et prononcer notre nom, nous pouvons faire la même découverte que Marie-Madeleine. Etre transformés par la Parole du Ressuscité.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014