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histoire

  • Faut-il croire que Dieu dirige l'Histoire ?

    11.9.2022

    Luc 24

    Faut-il croire que Dieu dirige l'Histoire ?

    Genèse 6 : 9-19.        2 Chroniques 36 : 11-21.         Luc 24 : 42-49

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    Nous sommes le dimanche 11 septembre et — pour notre génération — il est impossible de ne pas associer cette date avec l'écroulement des tours de New York ! Cette date a marqué le retour de la question de Dieu dans le débat et les décisions politiques, avec cette question : Dieu intervient-il dans l'Histoire ?

    Certains milieux fondamentalistes l'ont affirmé en s'appuyant sur l'Ancien Testament. Les milieux réformés s'en sont abstenus ou bien l'ont clairement nié. Comment se positionner ? Et bien, en faisant un parcours biblique et en essayant de mettre en lumière les critères qui nous font choisir de donner priorité à certaines affirmations bibliques plutôt qu'à d'autres.

    Les deux lectures bibliques de l'Ancien Testament de ce jour — celle du Déluge dans le premier livre de la Bible et celle de la fin du Royaume de Juda dans le dernier livre de l'Ancien Testament — ces deux lectures affirment la souveraineté de Dieu sur la nature, les éléments et l'Histoire.

    Dieu gouverne les catastrophes naturelles et dirige les rois et les armées. Tantôt il sauve son peuple — comme dans le passage de la Mer Rouge — tantôt il le punit — lorsqu'il l'envoie en Exil. L'Ancien Testament nous montre clairement un Dieu qui intervient dans l'Histoire, qui dirige son peuple, soit directement, soit par des intermédiaires comme les patriarches, Moïse ou les prophètes. Les rédacteurs des livres de l'Ancien Testament partagent cette vision et attribuent tous les événements à la main de Dieu.

    Quels effets cela fait-il de rendre Dieu responsable de tous les événements ? Il y a des effets bénéfiques, mais aussi des coûts.

    C'est rassurant de penser que tout est entre les mains de Dieu, cela donne un sentiment de sécurité : à la fin, il devrait en sortir du bien ! Cela compense notre sentiment d'impuissance. Si nous n'y pouvons rien, Dieu pourvoira, Dieu nous sauvera ! Ainsi rien n'est hors de contrôle.

    Mais il y a aussi des coûts à penser Dieu tout-puissant. Lorsque les malheurs n'ont aucune commune mesure avec les supposées fautes, comment penser que Dieu est juste, que Dieu est bienveillant ? Les malheurs et la mort étant inhérents à la destinée humaine, comment ne pas perdre confiance, perdre notre assurance en Dieu ?

    Voilà pour la position de l'Ancien Testament, qu'en est-il dans le Nouveau Testament ? Dans le Nouveau Testament, Jésus nous est présenté comme le visage de Dieu. C'est dans les actes et les paroles de Jésus que nous est présentée la juste figure de Dieu. Or que voyons-nous ?

    Pendant son ministère, Jésus est habité de bienveillance et de tolérance. Il accueille tous ceux qui viennent à lui et il guérit. Les rédacteurs des Evangiles sont encore habités de l'idée que Dieu dirige les événements. On le voit dans les récits de Noël ou dans le baptême de Jésus où Dieu parle. Mais bien vite — avec le récit de la Passion — le destin de Jésus échappe tant aux rédacteurs des Evangiles qu'à Dieu !

    Jésus a été envoyé pour porter la lumière divine et il est arrêté, capturé, battu, jugé, moqué puis crucifié.

    Il y a des contorsions littéraires pour faire passer ce destin comme conforme à la volonté divine, mais cela détruit l'image d'un Dieu juste et bon ! Cela mène à une impasse, à une contradiction totale entre Jésus et Dieu.

    Et si l'on prenait Jésus au sérieux ?!

    Dans sa dernière apparition aux disciples, Jésus dit des choses extrêmement importantes. Après avoir mangé avec ses disciples, il les invite à une relecture des Ecritures. Pour cela il « ouvre leur intelligence » (Luc 24:45) et il leur donne des mots-clés pour cette nouvelle interprétation de l'Ancien Testament : le Christ devait souffrir et être relevé, dans sa personne est proclamée, affirmée la transformation (metanoia) et le pardon, et c'est un message universel.

    Ensuite Jésus donne à ses disciples une mission et la promesse de son Esprit qu'il appelle « puissance ». Ces paroles de Jésus nous invitent donc à avoir une lecture totalement nouvelle de l'Ancien Testament et de Dieu. Ne pas le voir dans la puissance, mais dans la souffrance, dans la vulnérabilité.

    Dieu n'est pas intervenu pour descendre Jésus de la croix, parce que Dieu était sur la croix. Dieu n'est pas dans la punition et la cause du malheur, il est dans le pardon.

    La puissance (dunamis en grec) qui était attribuée à Dieu dans l'ancienne lecture de l'Ancien Testament, Jésus la promet — pour la Pentecôte — aux disciples, aux êtres humains. Avec mission d'annoncer cette bonne nouvelle dans le monde entier.

    Jésus restitue à l'être humain la dynamique, le pouvoir d'agir, la responsabilité du monde. Tans que Dieu est pensé comme tout-puissant, l'être humain est réduit à l'impuissance. « Dieu sauvera les choses quand ça tournera mal » avons-nous longtemps pensé.

    En refusant un Dieu maître de l'Histoire, Jésus nous sort de notre sentiment d'impuissance, il nous restitue notre puissance.

    En refusant un Dieu maître de l'Histoire, Jésus nous rend à nos responsabilités : personne ne viendra arranger les choses que nous négligeons.

    En refusant un Dieu maître de l'Histoire, Jésus nous enracine dans le monde : il n'y aura pas de sauvetage extérieur (comme pour Jésus sur la croix) ; il n'y aura pas de Planète B, quand nous aurons saccagé totalement la terre ; il n'y aura que ce que nous faisons nous-mêmes du monde et de la société. C'est notre responsabilité de « nous aimer les uns les autres » !

    Renoncer à un Dieu qui maîtrise l'Histoire est une bonne nouvelle parce que cela met fin au fatalisme et nous restitue autant notre liberté que notre responsabilité. Mais cela veut dire que notre responsabilité doit s'exercer !

    A nous tous de nous mettre au travail pour un monde vivable, habitable et convivial.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

     

  • Esaïe 25. Chercher les perles d'évangile dans l'Ancien Testament

    (21.7.2002)

    Esaïe 25

    Chercher les perles d'évangile dans l'Ancien Testament

    Esaïe 24 : 21-23+25 : 6-9

    Romains 5 : 8-11

    Marc 2 : 15-17

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Si vous lisez a Bible régulièrement ou de temps en temps, vous vous êtes probablement demandé parfois si cela valait la peine de lire l'Ancien Testament. Peut-on encore lire l'Ancien Testament aujourd'hui et en tirer quelque chose pour sa vie personnelle ?

    Il y a tant de textes qui nous effraient par leur violence. Violence des hommes, violence de guerres — comme la conquête de Canaan — que Dieu semble légitimer, voire encourager. Ou même violence de Dieu dont il nous est dit qu'il juge, punit, condamne, fait mourir. Le Dieu dépeint dans l'Ancien Testament est-il vraiment le même que celui qui nous est montré par Jésus ou par Paul ?

    Aujourd'hui, où nous sommes rendus très sensibles — avec raison — à toutes les injustices, à toutes les violences, nous pouvons légitimement nous demander si nous ne devrions pas laisser l'Ancien Testament de côté, parce que la religion, et le christianisme par dessus tout, doit nous engager dans la voie de la paix et de l'amour.

    En fait, cette question n'est pas nouvelle et ne vient pas d'un surcroît de sensibilité. Cette question s'est déjà posée aux premiers chrétiens ou à la deuxième génération. Une fois le Nouveau Testament composé, ses textes rassemblés, ne pouvait-on pas laisser l'Ancien Testament au judaïsme ? L'Eglise a toujours considéré cette attitude comme une hérésie et le protestantisme a réaffirmé la valeur de l'Ancien Testament, malgré des textes difficiles, des textes qui font problèmes. Cela est dû principalement à trois considération.

    Première considération. L'Ecriture est un tout, ce n'est pas à nous de trier ce qui nous convient ou ne nous convient pas. Ce serait risquer de nous tailler un Dieu sur mesure, faire de Dieu notre idole. On pourrait peut-être relire le deuxième commandement du Décalogue comme nous disant : "Tu ne te tailleras pas une image de Dieu sur mesure, à ta convenance".

    Certains textes ne nous parlent pas aujourd'hui, ils sont pour nous incompréhensibles. Mais dans d'autres circonstances, dans d'autres situations, ils peuvent se révéler être porteurs d'un précieux message.

    Deuxième considération. L'Ecriture, prise comme un tout, nous laisse voir une message cohérent et une direction générale qui ne se laissent pas détourner par ces accrocs, ces aspérités du texte. Ce n'est pas parce qu'une route fait des lacets et nous conduit tantôt à l'est, tantôt à l'ouest que notre voyage n'aboutira pas au lieu visé. Il faut parfois des détours, des rebroussements pour atteindre son but.

    Troisième considération. Enfin, comme en peinture, il faut parfois des couleurs sombres, très sombres, pour marquer les contrastes et mettre en valeur les jeux de lumière. C'est ainsi que nous pouvons comprendre que l'apôtre mentionne "la colère de Dieu" pour nous montrer la lumière du salut, ce à quoi nous avons échappé, ou que le prophète Esaïe doive mentionner le jugement de Dieu contre tous les rois de la terre, pour mettre en évidence son invitation — pour tous les peuples — à un banquet qui manifeste son amour.

    Amour et justice ne sont pas si éloignés qu'on veut souvent le penser. Que serait un amour sans justice, sinon mièvrerie, que serait une justice sans amour, sinon dureté ?

    La justice est nécessaire pour nommer le mal et cette démarche de désignation est aussi nécessaire pour celui qui offense — afin qu'il reconnaisse le mal qu'il a commis — que pour celui qui en est la victime — afin que le mal qu'il a subi soit reconnu. Il n'y a rien de pire à faire envers quelqu'un qui a été blessé que de lui dire "ce n'est rien, ce n'est pas grave, ça ne compte pas !"

    Il doit y avoir quelqu'un qui tienne compte de cela pour que l'offenseur puisse s'amender et que la victime se sente comprise et réhabilitée.

    La justice de Dieu — au contraire de nos tribunaux — n'a pas pour but de punir et condamner le coupable, mais de rétablir la victime dans son droit et dans sa dignité. Comme le dit Esaïe :

     

    "Le Seigneur Dieu essuiera les larmes de tous les visages.

    Dans l'ensemble du pays il enlèvera l'affront que son peuple a subi.

    Voilà ce qu'a promis le Seigneur." (Es 25:8)

    Cette justice-là est bien une justice constructive, une justice empreinte d'amour. C'est bien là une marque du Dieu que Jésus-Christ nous présente. Il n'y a pas un Dieu du jugement dans l'Ancien Testament et un Dieu de miséricorde dans le Nouveau Testament.

    Ce qu'on peut reconnaître et apprécier, c'est que la révélation du Nouveau Testament nous est plus claire et plus directement compréhensible. Mais que cela ne nous empêche pas de visiter l'Ancien Testament, fort de notre connaissance du Nouveau Testament et de Jésus-Christ.

    Lorsque nous ouvrons l'Ancien Testament, prenons la peine de penser que notre connaissance de Jésus-Christ nous aide à reconnaître ce que nous cherchons, des trésors porteurs d'Evangile déjà dispersés au cours des siècles dans toute l'Ecriture.

    En ouvrant l'Ancien Testament, nous sommes comme des géologues à la recherche de géodes. Vous savez, les géodes sont ces pierres, complètement banales à l'extérieur — on dirait des boulets de canon en pierre brute — mais qui contiennent de beaux cristaux à l'intérieur.

    L'Ancien Testament est plein de géodes cachées qui nous révèlent déjà l'amour de Dieu pour son peuple, pour ses fidèles, mais aussi pour tous les peuples, pour tous les humains de la terre. Ainsi en est-il de ce festin, de ce banquet où Dieu invite tous les peuples. Un festin qui préfigure le banquet du Royaume de Dieu que Jésus est venu confirmer et que nous préfigurons dans la Cène que nous allons partager.

    Ne vous laissez donc pas décourager par la lecture de l'Ancien Testament, on y trouve des trésors et un Dieu aimant.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

     

  • Que s’est-il passé après la résurrection ?

    Actes 1

    12.8.2018

    Que s’est-il passé après la résurrection ?

    1 Thess 4 : 13-18      Actes 1 : 1-8       Actes 1 :9-14

     

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Le livre des Actes des Apôtres s’ouvre par une dédicace à un certain Théophile (prénom qui signifie « celui qui aime Dieu ») exactement comme l’Évangile selon Luc (Lc 1:1). En fait, ces deux livres, Luc et Actes, sont l’œuvre en deux parties d’un même auteur, que la tradition a le nommé « Luc ». Après avoir récolté les éléments pour écrire son Évangile, il fait une œuvre novatrice en rassemblant les événements qui suivent.

    En effet, que s’est-il passé après la résurrection ? Seul le livre des Actes nous le dévoile par un récit. Les lettres de Paul et des autres apôtres nous ouvrent aussi une fenêtre sur cette période, mais de manière indirecte et discontinue. C’est pourquoi le livre des Actes est si intéressant. Je vais y consacrer mes prédications des prochains mois.

    Comme vous l’avez entendu, Luc a choisi le récit de l’Ascension comme récit charnière entre ses deux livres. L’Évangile dépeint le temps de Jésus et les Actes racontent le temps de l’Eglise, ou plus précisément le temps du Saint Esprit. Il y a une insistance sur la transition, le passage, la transmission du témoin — de Jésus au Saint Esprit — dans ce début du livre des Actes, qui culmine avec le récit de la Pentecôte (Ac 2).

    Jésus s’en va, mais il est remplacé par la venue du Saint Esprit qui devient la présence actualisée de Jésus auprès des disciples. Luc partage ainsi l’histoire du salut en trois parties : (i) l’histoire d’Israël jusqu’à Jean-Baptiste ; (ii) le temps de Jésus, de sa naissance à l’Ascension ; (iii) le temps du Saint Esprit depuis la Pentecôte.

    La gestion du temps est une question qui préoccupe beaucoup les premiers chrétiens. C’est la question que les disciples posent à Jésus dans ce dernier dialogue. Quand Jésus leur annonce qu’ils vont recevoir bientôt le Saint Esprit, ils demandent : « Est-ce que ce sera à ce moment que tu établiras ton royaume en Israël ? » (Ac 1:6)

    La question qui préoccupe les premiers chrétiens c’est : « Quand est-ce que le Christ revient ? On appelle ce retour du Christ « la parousie ». Quand donc aura lieu la parousie ? Paul avait déjà dû répondre à cette question dans sa lettre aux Thessaloniciens (1Thess 4:13-18) : certains chrétiens sont morts avant le retour du Christ et cela inquiète. Pourquoi sont-ils morts alors que Paul annonce la résurrection ? Dans sa réponse, Paul dit en même temps qu’il n’y a pas à s’en faire pour ceux qui sont déjà morts, ils ressusciteront, et il dit aussi que certains de cette génération, dont lui-même, verront le retour du Christ avant de mourir. Paul écrit cette première lettre autour de l’an 50. Luc écrit le livre des Actes autour des années 90, quarante années ont passé. La position sur la parousie a évolué.

    La réponse de Jésus aux disciples est une fin de non recevoir : cette question du moment de la parousie ne doit pas être un sujet de préoccupation, la réponse — les temps et les moments — n’appartiennent qu’à Dieu.

    Mais si le temps d’attente se prolonge… que faire de ce temps ? C’est à cette question que répond le livre des Actes. Que faire du temps entre le départ de Jésus et son retour, car Luc n’a pas renoncé à l’idée de retour, les deux messagers du ciel confirment que « celui qui a été enlevé reviendra de la même manière que vous l’avez vu partir » (Ac 1:11).

    Mais ce retour n’est pas daté, peut-être même pas proche, nous en savons quelque chose.

    Si cet intervalle s’allonge, alors il y a place pour des événements, pour une histoire, pour des histoires et l’Histoire avec un grand H. C’est cette Histoire que Luc nous a écrite, une histoire qui dépeint l’origine de l’Eglise et sa finalité.

    Le don de l’Esprit Saint est assorti d’une mission et c’est cette mission qui remplit l’intervalle entre le départ et le retour du Christ. C’est le début de cette mission que nous décrit Luc dans ce livre des Actes.

    La mission est formulée ainsi : «Vous serez mes témoins à Jérusalem, en Judée, en Samarie et jusqu’au bout de la terre.» (Ac 1:8) Et c’est sur ce plan qu’est construit le livre des Actes. Les apôtres prêchent d’abord au Temple de Jérusalem (Ac 3; 4; 5:20). Lorsqu’ils en sont chassés, il partant en Samarie (Ac 8), puis à Antioche et Damas. Paul évangélise l’Asie Mineure (la Turquie actuelle) puis la Grèce. Finalement arrêté, Paul demande à comparaître devant l’empereur et il est emmené à Rome (Ac 28). L’Évangile est parvenu dans la capitale. De là, avec les témoins suivants, il pourra poursuivre son avancée jusqu’au bout de la terre.

    Luc, par son histoire des origines de l’Eglise, donne de l’importance au temps, au temps présent. Il montre comment l’action de Dieu s’inscrit concrètement dans la vie de tous les jours des communautés. L’Eglise n’est pas un petit groupe assis les yeux rivés sur le ciel. L’Eglise est une communauté qui bouge, qui voyage, qui témoigne dans toutes sortes de situations et devant toutes sortes de personnages, souvent les autorités.

    L’Eglise nous est présenté avec plusieurs facettes :

    1. a) Elle semble idéale quand on la lit unie, persévérante dans la prière et partageant ses bien entre tous (Ac 1:14 ;2:42,46 ;4:31-32 ;5:12,42).
    2. b) Elle est aussi persécutée (Ac 5; 7; 8; 12; 16; 19; 21), l’objet de revers (Ac 8:4; 14:50 ;17).
    3. c) Elle est aussi incrédule, freinant en face aux nouveautés. On le voit dans l’épisode de Pierre avec Corneille (Ac 10 et 11), où on dirait que Dieu dois mettre toute son énergie pour convaincre Pierre d’abord, puis le conseil de l’Eglise (Ac 15) que les païens peuvent entrer dans la communauté de l’Eglise. L’Eglise ne semblait pas prête à penser que tous les êtres humains sont accueillis impartialement par Dieu.
    4. d) Enfin l’Eglise que nous dépeint Luc est en croissance. Il le montre par l’expansion géographique, de Jérusalem à Rome, et l’expansion numérique (Ac 2:41). Mais l’expansion la plus importante est celle du son ouverture sociale universelle. Aucune catégorie sociale, économique, de genre, de race, de religion, d’origine etc. ne peut constituer une barrière à l’amour de Dieu.

    Cette vision de l’Eglise est bien dans la ligne de Jésus, accueillant et guérissant tous ceux qui venaient à lui.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Lire sa vie comme une parabole

    Marc 4
    19.6.2016
    Lire sa vie comme une parabole

    Marc 4 : 1-12       Marc 4 : 26-34
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    Chers membres de l’Honorable Abbaye des Laboureurs, chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Jésus parlait en paraboles ! Les Evangiles insistent pour dire que l’essentiel de l’enseignement de Jésus passait par ces petits récits imagés que sont les paraboles. Les Évangiles en racontent une trentaine. Vous venez d’en entendre trois, lesquels pourriez-vous citer encore ? Celle du bon grain et de l’ivraie; celle du bon samaritain ou du fils prodigue ; celle de la brebis perdue ou de la drachme perdue ? Il en manque encore plus de 20. Ce sera le moment — en rentrant chez vous — de rouvrir un Évangile pour les redécouvrir.
    Jésus parlait en paraboles. Parler en parabole, c’est plus que nous raconter des petites histoires édifiantes, c’est même le contraire, justement le contraire de faire la morale ou de nous conduire à appliquer une maxime. Parler en parabole, c’est choisir de parier sur l’intelligence de celui qui écoute. Il y a quelque chose à comprendre, un sens à chercher, ce n’est pas du tout cuit, ce n’est pas une adaptation destiné aux enfants.
    Un moine demandait à son abbé : pourquoi ne nous expliques-tu pas les paraboles qui sont lues à l’office? L’abbé répondit : si je te donne un fruit, aimerais-tu que je le mâchouille avant de te le donner ?
    Jésus ne nous prémâche pas le mystère du Royaume de Dieu, le mystère de qui est Dieu et comment il s’approche de nous. Jésus parle en parabole pour nous laisser faire le travail de recherche du sens et même des sens possibles. C’est très important. C’est à nous de chercher à comprendre ce que dit cette parabole pour nous maintenant. En quoi nous parle-t-elle ? Pourquoi résonne-t-elle en nous ? En quoi nous interroge-t-elle, nous interpelle-t-elle ? Cela fait appel à notre intelligence, à notre imagination, à notre histoire de vie. Le travail à faire, c’est de relier l’histoire et notre vie.
    La parabole est le propre du langage spirituel. De son côté, la morale prescrit des comportements, appelle à l’obéissance et à la reproduction de gestes identiques. Au contraire la parabole invite à l’imagination et au renouvellement. Un petit élément ajouté à une parabole et celle-ci bascule vers un nouveau sens. La parabole n’est pas figée, c’est le contraire d’une affirmation dogmatique qui explique, démontre et fige la réalité.
    Jésus a toujours refusé le dogmatisme sur Dieu. Il s’est toujours opposé aux pharisiens qui avaient enfermé Dieu et la relation à Dieu dans un code de conduite et une série de commandements exigeant l’obéissance et conduisant à la déshumanisation (par exemple quand la Loi sur le sabbat interdisait de guérir ce jour-là).
    Les paraboles invitent à relire toujours à nouveau, non seulement les récits, mais tout événement, à commencer par notre vie. La parabole, c’est comme la « porte des étoiles » dans Stargate. C’est un instrument qui permet de passer d’un monde à un autre, d’une réalité à une autre. La parabole est la porte qui fait passer de notre vie matérielle à la vie spirituelle. Parce que notre vie est aussi parabole ! C’est-à-dire que nous avons à regarder notre vie pour en faire un récit et trouver du sens, des sens, le sens de notre vie.
    Tant que nous restons dans le descriptif de notre vie — j’ai fait ça, puis ça, puis ça — notre vie reste plate. Dès que nous pouvons dire : j’ai fait ça et cela m’a conduit à choisir cela, et je vois après-coup que cela m’a permis de… alors notre vie prend du relief, nous avons passé de l’autre coté de la porte des étoiles et notre vie prend sens. Et un nouvel élément — ajouté par après — peut modifier le sens de ce que nous avons vécu. Ainsi nous avons toujours la possibilité de donner du sens à notre vie, quoi qu’il se soit passé antérieurement.
    Voilà une petite histoire qui explique comment un nouvel élément peut transformer une histoire déjà écrite. Imaginez que vous vous trouvez dans la rue. Vous voyez un jeune homme sortir en courant de l’immeuble d’en face, essayer tous les vélos qui se trouvent là jusqu’à ce qu’il en trouve un qui ne soit pas cadenassé. Que pensez-vous ? Probablement : il est en train de voler un vélo. Vous avez des raisons de penser cela et de l’arrêter. Disons que vous l’arrêtez et qu’il vous dise : « le sécutel de ma grand-mère a sonné, elle est tombée chez elle, je dois m’y rendre, j’emprunte un vélo pour y être plus vite et l’aider.» Le geste du jeune homme ne change-t-il pas votre jugement premier ?
    Avant que le jeune homme ne parle, vous pensiez comprendre la situation, vous pensiez savoir de quoi il retournait. Après l’explication du jeune homme, on comprend autre chose et on réalise qu’il en allait autrement. Jésus avait compris que tous les êtres humains ont une pré-compréhension de Dieu. Nous croyons savoir, nous croyons comprendre, bien que nous n’ayons pas le dernier mot de l’histoire.
    Jésus raconte des paraboles pour nous inviter à remettre en question nos illusions d’en savoir assez sur Dieu. Jésus raconte une trentaine de paraboles où Dieu est successivement un semeur, un père, un riche propriétaire, un ami, une femme pauvre, un berger, un époux en retard, un patron en voyage ou même un boursier malhonnête. Autant de figures multiples et incompatibles pour nous empêcher d’enfermer Dieu dans une image et — pire — d’imposer cette image aux autres.
    Jésus parlait en parabole pour nous inviter à regarder tout ce que nous voyons comme des paraboles. Toute situation, tout récit, tout existence — à commencer par l’existence et la Passion de Jésus — comme des paraboles, c’est-à-dire comme des récits ouverts, qui ne sont pas figés, dont le sens n’est pas clos.
    Il peut toujours arriver un épisode qui remet tout en cause. Si nous aimons tant les séries TV, c’est bien parce que les épisodes qui viennent peuvent toujours tout remettre en cause et bouleverser notre vision du bon et du méchant. Notre monde se portera mieux lorsque nous cesserons de croire que nous savons tout et que nous avons définitivement raison, mieux que les autres.
    Jésus parlait en paraboles pour nous ouvrir les yeux sur la multitude de sens que peut avoir une même réalité. La vérité est parfois ailleurs, et une réalité peut avoir plusieurs sens. A nous de ne pas enfermer notre vie dans un seul sens, avant d’avoir le mot de la fin.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2016

  • Deutéronome 26. Agir en conséquence de son histoire.

    Deutéronome 26
    4.10.2015
    Agir en conséquence de son histoire.
    Lévitique 19 : 33-34      Deutéronome 26 : 1-11     Ephésiens 2 :11-14

    Télécharger le texte : P-2015-10-04.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Un point commun relie les trois lectures que vous venez d’entendre : c’est le rappel d’une situation ancienne qui a été changée, maintenant, dans le présent. C’est d’avoir été étranger et d’être maintenant accepté. C’est d’avoir été dans la détresse et l’instabilité et d’être maintenant installé dans la sécurité.
    Une bonne partie des lois d’Israël est fondée sur l’histoire vécue par le peuple d’Israël. Et je trouve cette méthode originale et intéressante. En général on attend d’une loi qu’elle se justifie elle-même : c’est un « tu dois » parce que c’est bien. Ou bien c’est une obligation parce qu’il va en découler un bien plus grand pour la société. La loi est utile et se justifie par son utilité, aujourd’hui on dirait par son efficacité et son rendement. Par exemple la loi oblige à prendre des vacances parce que le rendement du travailleur est meilleur pendant le reste du temps.
    Les lois de l’Ancien Testament ne sont pas fondées sur leur utilité, elles sont fondées sur l’histoire, sur le vécu du peuple. « Quand un étranger viendra s’établir dans votre pays, ne l’exploitez pas (…). Rappelez-vous que vous avez été étrangers en Égypte. » (Lév 19:33-34).
    Ce rappel de l’histoire est particulièrement développé dans le récit sur l’offrande des récoltes. Il est fait appel ici à un résumé de l’histoire de la libération d’Égypte. « Mon père était un araméen errant … » (Dt 26:5). Il est question ici de Jacob, installé d’abord auprès de Laban à Aram, dont il a épousé les filles Léa et Rachel. Il devient nomade avec ses troupeaux, devant descendre en Égypte pour fuir la famine, s’y installant après avoir été accueilli par Joseph. Suit l’esclavage en Égypte, puis la libération par Dieu, et le peuple conduit par Moïse au travers du désert jusqu’au pays de Canaan. C’est dans ce pays que sont offertes les prémices des récoltes. Et l’obligation de cette offrande est fondée sur le souvenir de cette histoire, comme une marque de reconnaissance.
    Dans le Nouveau Testament, Paul recourt au même procédé pour dire aux Grecs la chance d’être greffé à l’olivier, à la racine du peuple juif par la vertu du Christ (Ep 2:13, Rm 11:17). C’est une façon de rappeler que le bien-être ou la prospérité actuelle ne vient pas de nulle part et qu’il est profitable de ne pas oublier autant la détresse antérieure que la délivrance reçue et vécue. Seul cet ancrage existentiel donne un sens véritable autant à la loi, pour l’Ancien Testament, qu’à nos actes pour le Nouveau Testament et pour aujourd’hui.
    Le souvenir du parcours, de l’histoire personnelle, familiale et spirituelle — en nous rattachant à l’expérience des personnages bibliques — nous donne un ancrage solide, nous apporte un sens, une identité que nous ne pouvons pas créer de nos propres mains. C’est pourquoi, bien que nous ne soyons pas juif — mais en nous y rattachant par la foi, nous pouvons aussi dire « Mon père était un araméen errant » ou « mon ancêtre Abraham ».
    Là, j’ouvre une petite parenthèse géographique : lorsqu’on dit « araméen » on parle (1) d’une région qui se trouve actuellement couvrir le nord de la Syrie et de l’Irak et le sud de la Turquie, pays kurde. C’est exactement de là que proviennent les réfugiés qui fuient la guerre et cherchent asile en Europe. (2) l’araméen est une langue, celle que parlait Jésus, et celle qui est encore utilisée pour le culte par un grand nombre des chrétiens de rite syriaque, qui se trouvent dans ces régions en guerre.
    Je reviens à cet ancrage de la loi dans l’histoire et dans l’existence. Aujourd’hui, se pose évidemment la question de notre propre rattachement à ces généalogies anciennes. Nous pouvons faire une certaine gymnastique de l’esprit et nous dire descendants d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Si nous avons été imprégnés tôt dans l’enfance, par ces récits, ce n’est pas trop difficile. Mais si personne ne nous avait raconté ces histoires ? D’où l’importance de connaître les récits bibliques, mais aussi l’histoire de nos ancêtres, de nos familles.
    En tant que Protestants, nous pouvons nous rattacher à l’exode des Huguenots français qui ont fui après la révocation de l’Edit de Nantes. Exode qui a enrichi la Suisse, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Angleterre, pays qui sont devenus les moteurs économiques de l’Europe. Mais peut-être que certains d’entre vous ont une histoire personnelle de déplacement géographique, ou de séjours à l’étranger avec des anecdotes positives d’accueil ou négatives de rejet.
    Chacune de ces histoires — même éloignées ou fictives — peut devenir pour nous un ancrage et faire naître un agir particulier. Agir en conséquence de son histoire. Alors que souvent, on entend que celui qui a été victime, risque à son tour de faire des victimes autour de lui « l’abusé devient abuseur », la Bible dit qu’il y a une autre issue, qui passe par le refus du déni, ou du « faire comme si cela ne s’était pas passé ».
    La Bible montre que l’issue est différente, que la malédiction est brisée, lorsque la détresse originelle est reconnue comme vraie détresse, que les cris ont été entendus, la délivrance reconnue.
    Lorsque je reconnais que j’ai souffert, alors je peux comprendre celui qui souffre et agir en conséquence, et briser la chaîne de la malédiction. Se souvenir de son histoire, agir en conséquence auprès de ceux qui vivent une histoire semblable, c’est s’honorer soi-même ! Se détourner de la détresse, c’est ce renier, se déshonorer soi-même.
    Il n’est pas question ici de devoir ou de morale, il est question de respecter sa propre identité. L’autre vit juste une situation qui a été la mienne, ou qui aurait pu être la mienne. L’autre n’est pas si lointain, il est un prochain. Nous ne sommes pas séparés par l’expérience, juste par le temps entre nos expériences.
    Et Paul montre comment Jésus a aboli ces séparations, comment le Christ a relié les arbres généalogiques des grecs et des juifs (Paul dit que nous avons été greffée sur la racine juive de l’olivier (Rm 11:17)).
    Nous pouvons donc nous rattacher, nous greffer à ce père araméen errant, comme à ces Huguenots en fuite. Nous pouvons le faire, pourvu que nous ayons conscience de notre histoire et de notre rattachement à une histoire qui précède notre naissance.
    Nous, nous y arrivons encore ! Mais j’ai souci pour les jeunes générations. Qui raconte leur histoire antérieure, l’histoire de leurs arrière-grands-parents, de leurs ancêtres spirituels, de leurs ancêtres bibliques ? Seul notre lien à l’histoire et aux histoires peut nous motiver à agir en conséquence, en humain.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2015

  • Genèse 3. Sortir du « mode survie » et entrer dans une histoire

    Genèse 3
    24.8.2014


    Sortir du « mode survie » et entrer dans une histoire


    Genèse 2 : 8-9+15-17    Genèse 3 : 1-5    Genèse 15 : 1-6

    Télécharger le texte : P-2014-08-24.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,
    Pour la troisième fois, nous abordons ce chapitre 3 de la Genèse avec cette histoire d’Adam et Eve. Nous avons vu que ce récit est construit avec un avant et un après. Il y a d’abord une situation idéale, décrite comme le Paradis, situation qui est bouleversée par la transgression des premiers humains et qui conduit à une vie et une terre dégradée. Un avant et un après qui sont suivis d’une remédiation humaine et d’une remédiation divine.
    Nous avons suivi plusieurs pistes les dimanches précédents et il nous reste aujourd’hui celle de la vie et de la mort. En effet, Dieu déclare que celui qui mangera du fruit de l’arbre interdit va mourir. Il y a donc un avant tourné vers la vie et un après tourné vers la mort.
    Cependant, ce qui est étonnant, c’est que la promesse divine « celui qui mangera de ce fruit mourra » (Gn 2:17) ne se réalise pas ! Personne ne meurt dans ce récit, et un peu plus loin, on nous dit qu’Adam meurt à l’âge de 930 ans (Gn 5:5). Ce n’est pas un vie raccourcie, même si les chiffres sont d’ordres mythologiques. 
    Je pense qu’il faut lire ce récit, avec son avant et son après, comme une protestation contre la mort. Ici est exprimé le sentiment que la mort, le deuil, ne devraient pas exister dans un monde idéal. On se rend bien compte que ce n’est pas réaliste. Il ne peut y avoir de vie sans que celle-ci se termine, sinon ce ne serait pas de la vie, du vivant. On aurait quoi, juste de la pierre ?
    Mais en même temps, la mort, et surtout la mort précoce ou injuste, fait trop souffrir pour qu’elle ne soit pas le résultat d’une distorsion ou d’une transgression. Dans un monde de bénédiction, la mort est une anomalie. C’est pourquoi le récit de Genèse 3 donne à la mort ce statut de disharmonie, de dérèglement. Quelle peut être la remédiation humaine ?
    Cela va être de survivre ! La vie est précaire, elle est difficile, elle est en danger : il faut mettre son énergie à lutter pour sa survie. Il faut se nourrir, se battre, se faire une place. Mais survivre n’est pas vivre pleinement.
    Le remédiation divine va consister à faire sortir l’être humain du « mode survie » pour l’inviter à une vraie vie. La vie vaut mieux que juste survivre. Nous ne sommes pas faits pour nous contenter de « métro-boulot-dodo. » Dieu nous invite à sortir de la routine. Dieu nous invite à lever les yeux au ciel comme Abram (Gn 15:5), pour découvrir d’autres dimensions à la vie.
    Pour cela, Dieu nous fait deux cadeaux. Le premier cadeau est de faire alliance avec l’humanité. Dieu n’est pas contre nous, il est avec nous, il se tourne vers nous avec bienveillance, pour nous aider à nous en sortir, pour nous accompagner dans les bons et les mauvais moments de l’existence.
    Le deuxième cadeau que Dieu nous fait, ce sont les enfants. Il a donné à l’humanité le pouvoir de transmettre la vie. Transmettre la vie biologique, mais aussi la vie relationnelle et spirituelle. Parce que donner la vie biologique n’est pas tout. Comme chaque parent le sait, c’est l’éducation qui est le grand défi.
    Nous pouvons donner la vie, mais nous avons plus à donner et transmettre à nos enfants. Nous avons à leur donner une place dans le monde et dans la vie, une place dans une lignée, une place dans une histoire. C’est pourquoi la Bible est si pleine d’histoires de familles et de généalogies.
    Un enfant n’est pas un électron libre, il naît dans une famille, qui est une longue suite de parents, de grands-parents, d’aïeuls, d’ascendants. S’inscrire dans une histoire est un cadeau, c’est une assurance d’avoir une place, de se savoir situé. Pouvoir dire à son enfant, à ses petits-enfants : « Tu viens de quelque part ! » C’est lui dire son importance, son rôle, sa mission. Chacun a une place, sa place, en lien avec d’autres.
    La Bible nous dit à quel point la filiation est importante, mais aussi qu’il y a une filiation commune de tous les êtres humains. En affirmant que toute l’humanité descend d’Adam et Eve, la Bible affirme que l’humanité forme une seule famille humaine. Tous nous sommes reliés à Dieu. Tous nous pouvons nous rattacher à la lignée biblique. Tous nous pouvons faire remonter notre généalogie à Abraham au travers de la foi et jusqu’à Adam dans notre humanité commune.
    Quel cadeau faire à nos enfants et petits-enfants : les rattacher à Adam, à Abraham, à David, à Jésus. Les inscrire dans une histoire vivante, les rattacher à des hommes et des femmes dont on peut lire l’expérience de vie et s’en inspirer. Cela leur donne de l’assurance. Cela donne de l’assurance à ses enfants lorsqu’ils peuvent dire « Je sais d’où je viens. »
    Je sais qu’aujourd’hui on veut toujours laisser ses enfants choisir. Mais on n’imagine pas la difficulté devant laquelle on place ses enfants en leur faisant tout choisir. Pourquoi ne pas choisir pour eux, les faire commencer et les laisser se déterminer ensuite. Est-ce la peur qu’ils nous rejettent en rejetant les choix qu’on a fait pour eux qui nous empêche de faire des choix pour eux ?
    Vous faites un cadeau à vos enfants en les inscrivant dans une généalogie, une généalogie qui remonte à votre famille et saute ensuite vers les personnages bibliques. C’est une façon de mettre de la vie dans leur vie, de sortir du « mode survie ».
    Ce que Dieu veut pour nous, c’est que nous sortions du mode survie pour arriver à une vie en plénitude. Et une vie enracinée est une vie qui s’épanouit. La taille de l’arbre ne dépend-elle pas de la taille de ses racines ?
    Il n’y a pas de remède à la mort autre que la vie elle-même. Mettre le plus de vie possible dans sa vie et dans celle des autres. C’est ce que nous montre Jésus lorsqu’il guérit, lorsqu’il nourrit les foules, lorsqu’il renverse les tabous dans ses rencontres. Jésus nous donne libre accès à Dieu pour que nous recevions de lui le surplus de vie dont nous avons besoin. Sachons nous enraciner dans la vie qu’il nous donne.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014