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  • Jean 20. Jésus doit monter vers son Père pour nous ouvrir le chemin

    Pâques    Jean 20

    12.4.1998

    Jésus doit monter vers son Père pour nous ouvrir le chemin

    Jean 20:1-18    Col. 3:1-4

    Frères et soeurs en Christ,

    Ce matin, nous nous réjouissons de vivre à nouveau Pâques, le matin de la résurrection. Ce fut pour les disciples, hommes et femmes un matin de surprises ! Que d'inattendu ! Venus au tombeau pour les rites de deuil, les femmes et les disciples sont confrontés à un tombeau vide.
    Face au tombeau vide, le récit que nous avons entendu présente deux réactions :
    •    d'un côté celles de Pierre et du disciple que Jésus aimait,
    •    de l'autre, celle de Marie de Magdala.
    Les deux disciples, Pierre et Jean (la tradition a vu Jean dans le disciple que Jésus aimait), fondateurs des premières communautés chrétiennes, se devaient d'être présentés avec un comportement exemplaire. Aussi le récit dit-il simplement de Jean : "Il vit et il crut" (Jn 20:8).
    Pour eux, premiers témoins sur place, le simple fait de voir le tombeau vide, les bandelettes bien rangées, l'absence de corps, suffit à leur faire comprendre le mystère de Pâques. Tant mieux pour eux !
    Mais pour ceux qui viennent après eux, les premiers lecteurs de l'évangile de Jean, ou pour nous, deux millénaires plus tard, est-ce aussi facile ? Peut-on aussi croire sans voir ? Aussi vite ? Les signes "visibles" étaient-ils vraiment aussi clairs ?
    La mise en scène de Marie de Magdala vient en réponse à quelques-unes de ces questions. Marie de Magdala peut être vue comme la figure de l'Eglise qui vient après, plus tard, avec ses difficultés à croire, avec ses doutes sur l'évidence de la résurrection à partir de la vision du tombeau vide.
    Si nous avions été là en ce premier matin de Pâques, qu'aurions-nous vu ? Comment aurions-nous réagit ? Très probablement comme Marie de Magdala.
    Face au tombeau vide :
    nous aurions pensé que le corps avait été enlevé, déplacé.
    Face aux anges-messagers :
    nous aurions été aux renseignements.
    Face à cet homme debout derrière nous :
    nous aurions préféré le prendre pour le jardinier plutôt que de croire l'impossible, l'impensable... Notre cerveau aurait aussi mis une image plausible en face de nous (un jardinier), plutôt que d'affronter l'incroyable (un mort sort de sa tombe).
    Finalement, lorsque Jésus arrive à bout de toutes nos résistances et se fait reconnaître pour qui il est, nous aurions préféré le garder auprès de nous plutôt que de le laisser partir à nouveau, à peine retrouvé !
    Que d'épreuves, que d'embûches pour que Jésus puisse faire connaître sa résurrection, pour que Marie, et nous avec elle, puissions le reconnaître !
    "Ne me retiens pas" dit Jésus. Le chemin n'est pas tout à fait terminé. A peine apparu, il annonce son départ. Quel choc ! Quelle peine !Mais la résurrection n'a pas pour but la prolongation de la vie terrestre de Jésus, ce n'est pas un retour à la vie, c'est la vie dans une autre dimension, c'est la vie dans un autre but."Va dire à mes frères que je monte vers mon Père qui est aussi votre Père, vers mon Dieu qui est aussi votre Dieu" dit Jésus (Jn 20:17). Pâques ce n'est pas "Jésus 2, le retour". Pâques, c'est l'élévation, l'exaltation, la glorification de ce Jésus qui a été crucifié. Nous devons laisser aller, laisser partir Jésus pour qu'il monte vers Dieu, pour qu'il accomplisse sa mission.
    Cette montée, cette ascension vers Dieu est la finalité ultime de la vie de Jésus et du plan de Dieu. Jésus doit monter vers son Père qui est notre Père pour ouvrir le chemin vers son Dieu qui est notre Dieu. Jésus est le chemin qui mène au Père : "Je suis le chemin, la vérité et la vie" (Jn 14:6).
    Dans cette montée, tous les humains sont associés, par cette montée de Jésus, nous sommes reliés à Dieu, qui devient notre Dieu, qui devient Dieu pour nous, un Dieu accessible et proche.
    Jésus a ouvert ce chemin. Nous pouvons maintenant l'emprunter pour nous relier à Dieu, pour nous occuper des choses d'en-haut, comme le dit l'apôtre :
    "Vous avez été ramenés de la mort à la vie avec le Christ.
    Alors recherchez les choses qui sont au ciel,
    là où le Christ siège à la droite de Dieu" (Col. 3:1).
    Amen
    @ 2007 Jean-Marie Thévoz

  • Matthieu 28. Dans le récit de Pâques, Matthieu nous détourne du tombeau vide pour nous envoyer en Galilée

    Matthieu 28

    27.3.2005

    Dans le récit de Pâques, Matthieu nous détourne du tombeau vide pour nous envoyer en Galilée

    Rm 10:13-17    Mt 28 : 1-10    Mt 28 : 16-20

    Chers amis,
    Je trouve redoutable de prêcher sur la résurrection le jour de Pâques. Oui, je trouve cela redoutable parce que nous vivons à une époque où l'on a plus besoin de savoir que de recevoir, d'être sûr, d'être assuré que d'être appelé à s'émerveiller.
    La résurrection, c'est d'abord quelque chose d'impossible, d'incroyable, et pourtant nous voulons nous en faire une image, une représentation, nous voulons l'expliquer, en faire quelque chose qui nous rasure et nous aide à croire.
    En fait, des siècles de croyances et de traditions sont venus recouvrir notre lecture des Evangiles d'un voile, presque opaque. Ce matin, j'ai envie de laisser tomber ces filtres et retourner à la simplicité du texte, retrouver juste ce qu'il dit et ne dit pas.

    "Après le sabbat, dimanche au lever du jour, Marie de Magdala et l'autre Marie vinrent voir le tombeau." (Mt 28:1)
    Deux femmes viennent voir le tombeau. Chez Matthieu, il n'est pas question de toilette des morts, d'embaumement avec les fameux aromates. Les femmes ne viennent rien faire, elles viennent voir…

    "Soudain, il y eut un fort tremblement de terre; un ange du Seigneur descendit du ciel, vient rouler la pierre de côté et s'assis dessus. Il avait l'aspect d'un éclair et ses vêtements étaient blancs comme la neige. (…) L'ange prit la parole et dit aux femmes : « N'ayez pas peur. Je sais que vous cherchez Jésus, celui qu'on a cloué sur la croix; il n'est pas ici, il est revenu de la mort à la vie comme il l'avait dit. Venez, voyez l'endroit où il était couché. » (Mt 28:2-3+5-6)
    Tiens, voilà de l'extraordinaire, un tremblement de terre et un ange lumineux. On croit assister à la résurrection… mais on se trompe ! Le tombeau n'est pas ouvert pour que Jésus en sorte — "il n'est pas ici" dit l'ange — non, le tombeau est ouvert pour que les femmes puissent constater que Jésus n'y est plus !
    La scène extraordinaire ne concerne pas la résurrection, mais la révélation ! Dieu bouleverse l'ordre ordinaire des choses pour que les humains aient accès à la révélation. Mais le seul tombeau vide ne dit rein aux femmes et ne leur donne pas la foi. C'est la parole de l'ange qui les ouvre au mystère : "Il a été relevé, réveillé, il vous précède en Galilée" (Mt 28:7).
    Le tombeau vide n'est pas preuve de résurrection, l'ange non plus, l'ébranlement de la terre non plus. Voir le tombeau vide n'est pas nécessaire à la foi, la foi ne vient pas de ce qui est vu, mais de la parole qui est entendue (Rm 10:17). Matthieu en est bien conscient puisque son évangile est une prédication pour une communauté de la 2e ou de la 3e génération après Jésus. Les croyants qui lisent l'Evangile de Matthieu pour la première fois, comme nous aujourd'hui, n'ont pas accès au tombeau vide. Nous n'avons accès qu'aux paroles des femmes, des disciples, des évangélistes ou des prédicateurs.
    Le récit de Matthieu n'est donc pas une explication de la résurrection, mais une aide à la foi de l'Eglise. Il ne cherche pas à éclaircir le mystère, à expliquer le phénomène, il cherche à consolider la foi des croyants. Aussi, nous dit-il que ce n'était pas plus facile auparavant, même pour les Onze disciples :

    "Les onze disciples se rendirent en Galilée, sur la colline que Jésus leur avait indiquée. Quand ils le virent, ils l'adorèrent; pourtant ils eurent des doutes." (Mt 28:16-17)
    Les disciples voient Jésus, mais ils doutent ! Même eux — peut-on dire — ont de la peine à croire, Mais comment cela est-il possible ? Comment peuvent-ils douter alors qu'ils ont Jésus sous les yeux ? Eh bien, parce que ce ne sont pas les yeux qui donnent la foi. Parce que ce qu'on voit n'est pas toujours très clair ni très objectif, malgré ce qu'on veut nous faire croire à l'ère du tout télévisuel. La vue ne donne pas le sens de ce qui est vu, c'est sujet à interprétation.
    Je vous donne un exemple : Vous voyez arriver quelqu'un près d'un parc à vélo. Il secoue plusieurs vélos jusqu'à ce qu'il en trouve un qui n'a pas de cadenas et s'en va le plus vite possible. Qu'avez-vous vu ? Ce qu'on croit avoir vu, c'est un voleur de bicyclette. Mais ce pourrait aussi être un pompier qui doit rejoindre d'urgence son service et dont la voiture est en panne. Seule une parole vous dira ce que vous avez vu !
    Dans son récit, Matthieu nous dit cela : Ce n'est pas la vue qui donne la foi. Pour que la foi naisse et grandisse, il faut que l'ange explique aux femmes le sens de ce qu'elles voient; il faut que les femmes disent aux disciples ce qu'ils vont voir en Galilée; il faut que Jésus dise aux disciples ce qu'ils doivent faire, pour qu'ils comprennent et que la foi naisse de leurs doutes.
    Le doute est normal face à la résurrection. D'ailleurs, le mot que Matthieu utilise pour parler du doute est un mot qui s'applique toujours aux disciples dans son Evangile, il décrit le doute à l'intérieur de la foi. Il décrit ce moment d'équilibre instable où l'on hésite entre la foi et l'incrédulité, entre le "c'est merveilleux" et le "c'est trop incroyable" entre "je n'en crois pas mes yeux" et "je ne crois que ce que je vois", entre la confiance et la défiance.
    Matthieu comprend cette hésitation, elle habite toute personne en quête de la vérité. Et à celui qui est sur le ballant, Matthieu dit  — étrangement — retourne en Galilée, c'est là que Jésus te précède et t'attend. Pourquoi en Galilée, alors que dans les autres Evangiles, Jésus apparaît à ses disciples à Jérusalem ?
    Je crois que Matthieu nous renvoie au ministère de Jésus, à la montagne où il a prononcé son sermon sur la montagne, aux lieux de ses rencontres et de ses guérisons. Matthieu nous dit — dans un langage un peu crypté — si tu hésites encore, eh bien retourne aux premières pages de mon Evangile et suis Jésus encore une fois, retrouve-le et suis-le, surtout écoute-le.
    Car, comme le dit l'apôtre Paul :
    "La foi vient de ce qu'on écoute la nouvelle proclamée et cette nouvelle est l'annonce de la Parole du Christ." (Rm 10:17)
    Dans cette bonne nouvelle se trouve la puissance de la résurrection.
    Amen
    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Genèse 9. Le Déluge, un châtiment devenu inacceptable

    Genèse 9

    25.3.2007

    Le Déluge, un châtiment devenu inacceptable

    Gn 6 : 9-22 Gn 9 : 8-13 Jn 18 : 28-40

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Jeudi de cette semaine, 25 paroissiens ont suivi une visite guidée de l'exposition "Visions du Déluge" à Lausanne et samedi j'y ai emmené 16 catéchumènes. Cette exposition nous présente une série d'œuvres — des gravures et des peintures — de la Renaissance jusqu'au XIXe siècle qui tournent autour du thème du Déluge. C'est évidemment la partie inondation, engloutissement de l'humanité, qui donne lieu aux représentations les plus dramatiques. À l'opposé, la survie de Noé et de sa famille est peu spectaculaire et n'intéresse pas beaucoup les peintres.
    Ce qui est remarquable dans cette exposition, c'est de voir l'évolution des mentalités de la société à propos du récit du Déluge. Les peintres présentent le Déluge, mais aussi un point de vue sur le Déluge, sur la décision divine.
    Ainsi, au Moyen Age et à la Renaissance, les peintres mettent l'accent sur le châtiment mérité de cette humanité violente et méchante. Il y a foule sur les tableaux, les gens se battent entre eux pour défendre qui son radeau, qui sa barque ou son tonneau. Le spectateur n'est pas invité à la pitié mais plutôt à la peur, à la peur du châtiment.
    Au XVIe siècle, le déluge est souvent représenté comme un avertissement, il préfigure le jugement dernier et nous invite — toujours par la peur — à nous détourner du mal.
    Au XVIIe siècle, les peintres diminuent le nombre de personnages sur leurs tableaux et invitent plutôt les spectateurs à l'émotion et à la compassion.
    Aux XVIIIe et XIXe siècles, les peintres ne représentent plus que quelques personnages, 6 ou 4, voir même seulement deux et attirent notre attention sur l'injustice de leur sort. Comment cette femme, cet enfant pourraient-ils être coupables d'un tel châtiment ? Il y a là, dans des tableaux qui précèdent et suivent la Révolution française, un mouvement de révolte contre les morts innocentes, notamment causées par les tremblements de terre (Lisbonne et Messine) et les éruptions volcaniques (Vésuve, Etna).
    D'un juste châtiment, les représentations du Déluge sont passées à l'expression de l'injustice de la mort innocente. Cette révolte, qui ne nous étonne pas aujourd'hui, s'accompagne d'un rejet de Dieu, du Dieu du Déluge. Les peintres remplacent d'ailleurs souvent le Déluge par d'autres catastrophes pour révéler l'injustice du monde.
    Les tableaux, comme la société, expulsent de plus en plus le thème biblique et le Dieu juge du Déluge. On passe de la représentation du Déluge à celle de la catastrophe, de la représentation du châtiment à celle de l'injustice, de la représentation de la Bible à celle de l'athéisme et du rejet de Dieu. Ce mouvement est très fort et entraîne encore les sociétés actuelles. Faut-il s'en plaindre ou s'en réjouir ?
    Je pense que ce mouvement est inscrit au cœur même de la Bible et du christianisme. C'est la puissance libre de l'évangile qui est à l'œuvre !
    Ce mouvement — révolte contre l'injustice et contre la mort de l'innocent, finalement contre le Dieu qui menace et punit — s'est développé à l'extérieur du christianisme établi parce que (autour de la Révolution française) l'Eglise officielle était trop liée au pouvoir et à la royauté, elle avait perdu son sel évangélique, elle défendait les puissants et non les petits, les exclus, les affamés.
    Ce mouvement qui crie la révolte de voir l'innocent écrasé — même par les catastrophes — c'est l'essence même du christianisme.
    Cette exposition s'arrête sur la représentation de deux personnages, deux amoureux, qui vont périr dans le Déluge, deux amoureux aux cœurs purs qui ne méritent pas la mort. Pourquoi l'exposition s'arrête-t-elle à deux personnages ? N'y a-t-il aucun tableau qui représenterait une seule personne injustement condamnée dans les réserves du Musée cantonal des Beaux-Arts ?
    Ponce Pilate déclare à ceux qui accusent Jésus : "Je ne trouve aucune raison de condamner cet homme" (Jn 18:29). Voilà le personnage unique, innocent, mais condamné par tous, qui manque pour achever cette exposition.
    Le récit de la mort de Jésus — l'innocent cloué sur la croix — n'est-il pas le modèle premier de dénonciation de la mort innocente qui a fait comprendre, petit à petit, à l'humanité combien est révoltant toute mort d'innocents ?
    La graine de la révolte contre le châtiment du Déluge, c'est Dieu lui-même qui l'a plantée dans le cœur de l'homme en nous montrant la croix de Jésus. Dénoncer les morts innocentes, ce n'est pas s'en prendre à Dieu, c'est prendre son message au sérieux !
    C'est parce que l'évangile de la Passion est lu et relu chaque année dans nos Eglises que la société ne peut plus accepter le châtiment du Déluge, ne peut plus accepter les catastrophes sans aller porter secours, ne peut plus accepter les maladies sans financer la recherche médicale et les soins, ne peut plus accepter les accidents sans chercher de nouveaux moyens de prévention.
    En cela, la mort de Jésus a parfaitement réussi — avec et parfois malgré l'Eglise et les pratiquants — à changer le monde, à changer notre façon de regarder les événements autour de nous.
    Il est donc important de ne pas jeter Dieu avec l'eau du Déluge.
    Il est important que l'histoire de la Passion soit relue, reméditée, redite continuellement.
    Il est important de renforcer notre témoignage chrétien en répétant avec force qu'aucun intérêt ne peut justifier le sacrifice de qui que ce soit.
    Il est important de relever que nos valeurs modernes (démocratie, droits humains, égalité) sont enracinés dans l'évangile de la Passion, même si elles ont été laïcisées.
    Il est important de refuser que le christianisme soit renvoyé dans la sphère privée — hors de l'espace public, politique et économique — ce serait la mort de nos valeurs occidentales.
    Nous pouvons être fiers de porter en nous les valeurs de l'évangile. Nous pouvons être fiers d'être fidèles à cette tradition qui a formé et porte encore notre société. Nous pouvons être fiers et le dire autour de nous.
    Amen