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  • Ephésiens 6. Jésus nous arme pour affronter les épreuves de la vie.

    Ephésiens 6

    28.3.2004

    Jésus nous arme pour affronter les épreuves de la vie.

    Mat 7 : 24-27    Eph 6 : 10-19    Luc 22 : 39-46

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous avançons vers Pâques, le temps de la Passion, la souffrance et la mort de Jésus, puis sa résurrection mystérieuse. Sur ce chemin, Jésus est avec quelques disciples au Mont-des-Oliviers, dans un lieu appelé Gethsémané. Il fait nuit — au propre comme au figuré — Jésus prend conscience qu'il va affronter la mort et il prie  "Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe de douleur" (Lc 22:42).
    Nous savons maintenant que rien n'a été épargné à Jésus. Et nous savons et voyons autour de nous que le fait d'être croyant, de prier, de faire du bien autour de soi, n'écarte pas les malheurs de notre route. La foi en Dieu n'est pas une assurance contre les risques, les malheurs, la maladie, les deuils. Alors, "à quoi bon ?" peut-on se demander. Qu'est-ce que cela change d'être chrétien, si les malheurs de la vie sont inévitables ?
    L'apôtre Paul nous donne une piste lorsqu'il écrit :

    "Saisissez maintenant toutes les armes de Dieu ! Ainsi quand viendra le jour mauvais, vous pourrez résister à l'adversaire et, après avoir combattu jusqu'à la fin, vous tiendrez encore fermement votre position." (Eph 6:13)
    Paul, comme nous, sait que l'adversité surgit toujours, un jour ou l'autre. Alors, pour ne pas être abattu, pour tenir debout, il nous invite à nous préparer, à saisir la panoplie de moyens que Dieu met à notre disposition. Le rôle de Dieu n'est pas de nous faire échapper à la vie, mais de nous donner les forces pour l'affronter.
    L'évangile est une  source de force pour affronter l'adversité, sans se faire balayer, renverser, démolir. Pour nous faire découvrir cela Jésus avait raconté la parabole des maisons construites sur le sable ou sur le roc. Ce roc, c'est l'ensemble des paroles et des actes de Jésus.
    Dans sa lettre, Paul utilise une autre image, cette du guerrier qui s'harnache pour le combat, et Paul cite : la ceinture, la cuirasse, les chaussures, le bouclier, le casque et l'épée. Cela, c'est la panoplie du guerrier, mais Paul n'invite pas à la guerre, au djihad, il s'agit de l'évangile de la paix.
    La panoplie du chrétien, c'est la vérité, la justice, le zèle à annoncer l'évangile de paix, la foi, le salut et la Parole de Dieu. C'est la vérité pour ceinture qui fait tenir tout l'équipement, qui assure la cohérence entre nos paroles et nos comportement. La justice comme une cuirasse. Le zèle à annoncer l'évangile comme des chaussures qui nous permettent d'avancer, de progresser. La foi comme un bouclier pour se défendre, pour assurer sa sécurité intérieure. Le salut comme un casque qui protège nos pensées, nos décisions. Et finalement, la Parole de Dieu comme une épée, seule arme "offensive", une Parole de Dieu qui se dit dans une parole si désarmante : "Dieu est amour" (1 Jn 4:8).
    L'adversaire à combattre — Paul le dit explicitement — n'est pas formé d'êtres humains. Ce sont des puissances, des autorités, des pouvoirs. Ce sont les réalités abstraites qui dirigent la vie des hommes. Et même si, au XXIe siècle, il nous semble que nous avons quitté ce monde magique de puissances célestes, je pense que nous leur avons simplement donné de nouveaux noms.
    On ne dit jamais que Monsieur Untel veut licencier 100 ou1'000 personnes. On nous dit : "pour rester concurrentiel, il faut...", "la logique des marchés nous oblige à ...", "la mondialisation veut que...", "la bourse a sanctionné..." Voilà les puissances et les pouvoirs d'aujourd'hui qui décident de milliers de destins humains. L'adversaire, c'est l'adversité qui peut tomber sur quiconque, à n'importe quel moment, sans rapport avec le mérite personnel ou la qualité du travail effectué.
    Il en est de même pour la maladie et le deuil. Ces événements arrivent, et lorsqu'ils arrivent, nous ne pouvons pas les changer. Ce qui est en notre pouvoir, de notre ressort, c'est notre façon de les affronter, la façon dont nous les laissons nous affecter.
    C'est là que nous avons une responsabilité à prendre — et si possible prendre à l'avance ?

    "Saisissez maintenant les armes de Dieu !" (Eph 6:13)
    Aujourd'hui nous pouvons construire notre personnalité, nous pouvons nous fortifier, nous armer contre l'impact du malheur.
    C'est une tâche personnelle de voir comment nous vivons, comment nous construisons nos relations, notre travail, nos loisirs, comment nous préparons notre retraite ou encore notre grand âge.
    Que garderons-nous dans nos têtes, notre esprit et notre âme, si nous devenons dépendants, si nous perdons notre mobilité, si nous perdons nos proches.
    C'est aussi une tâche parentale, éducative de fournir ces armes à nos enfants, leur montrer comme la vérité agit comme une ceinture, c'est-à-dire tient tout ensemble, donne une cohérence au langage et au comportement. Comme la foi, la confiance agit comme un bouclier, c'est-à-dire protège, sécurise. C'est notre rôle de leur permettre de montrer leurs émotions et mettre les bons mots dessus.
    Avec l'ensemble de ces armes (qui n'ont pas de buts agressifs, mais défensifs) il est possible d'accéder à la paix, une paix intérieure et une paix avec les autres. Avec cette panoplie — à condition de ne pas la laisser à la cave — il est possible de tenir debout par soi-même — ce qui ne signifie pas être debout tout seul — mais ne pas reposer sur le sable, sur des choses éphémères.
    Dieu nous donne cette panoplie de moyens pour résister à l'adversité, pour s'appuyer sur le roc. N'attendons pas le malheur pour chercher cet appui, apprenons dès maintenant à nous enraciner en Jésus-Christ.
    Amen

    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Jean 2. "Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai !"

    Jean 2

    26.3.2000

    "Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai !"

    1 Cor 1 : 22-25    Jn 2 : 13-22

    "Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai !" (Jn 2:19)On savait que Jésus ne devait pas être la figure mièvre et falote qu'on voit sur les images d'Epinal. Là, on a vraiment de quoi s'en rendre compte ! On trouve ici Jésus dans un des épisodes les plus violents de son ministère : il chasse les marchands du Temple à coups de fouet et il répond, à ceux qui l'interpellent, par la plus monstrueuse provocation qu'un juif pouvait prononcer :"Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai !"Provocation !  Telle est la première lecture que nous pouvons faire de cette phrase de Jésus. Voilà à peine 46 ans que les juifs se sont attelés à la reconstruction du troisième Temple — à la grande gloire du Très-Haut — et voilà que celui qui se prétend venir de Dieu parle de détruire ce Temple. Nous sommes-là au coeur du scandale et de la folie dont nous parlait l'apôtre Paul. Dieu intervient au coeur du monde d'une façon inouïe, "scandale pour les juifs, folie pour les grecs" (1 Cor 1:23).
    Dieu intervient en renversant tous les édifices humains, non seulement les temples de pierre, mais toutes nos constructions logiques sur lesquelles nous édifions nos vie, nos relations, ou nos fortunes. Dieu renverse l'idée que le sens surgira dans notre vie comme par miracle, sans que nous ne fassions rien. Dieu renverse aussi l'idée que le sens viendra de notre propre discipline et de notre quête inlassable de sagesse.
    Le sens provient de ce qu'on n'attend pas, d'un scandale, d'un homme qui donne sa vie sur la croix.
    *    *    *
    "Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai !"
    Vous savez que l'Evangéliste Jean est un spécialiste des phrases-tiroirs, des doubles ou triples sens. La provocation et le scandale est le premier sens donné aux interlocuteurs contemporains de Jésus. Un deuxième sens est suggéré, indiqué par la notion des "trois jours" et par le verbe traduit ici par "rebâtir" qui signifie littéralement "relever". Ce deuxième sens s'adresse aux disciples qui connaissent la fin de l'histoire. En effet, pour tout lecteur, celui qui est "relevé après trois jours", c'est Jésus, le Christ, après la Passion.
    Ce dialogue de Jésus avec les chefs des juifs devient prophétie pour les disciples. Cette prophétie devient une affirmation de foi de tous les croyants : Jésus, le Christ, celui qui a souffert, qui est mort sur la croix et que Dieu a relevé d'entre les morts, c'est le nouveau Temple, c'est-à-dire le lieu qui est habité par Dieu, que Dieu a choisi lui-même pour demeurer parmi l'humanité. En Jésus, c'est Dieu qui a visité sou peuple. Jésus est le nouveau Temple, nous dit Jean, nouveau lieu de culte, culte en Esprit (comme Jésus le dit dans sa rencontre avec la Samaritaine, Jean 4).
    L'épître aux Hébreux ira encore plus loin en disant que Jésus est le nouveau grand-prêtre de ce Temple, où il officie — sans sacrifices — pour intercéder pour chaque être humain auprès de Dieu. Christ est le seul médiateur entre les humains et Dieu.  C'est pourquoi, on peut définitivement se passer de Temple.
    *    *    *

    "Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai !"
    Allons à la recherche d'un troisième sens. A la fin de cette dispute, Jean ajoute un petit commentaire pour le lecteur de son Evangile, il dit : "Mais le temple dont parlait Jésus, c'était son corps" (Jn 2:21) Bien sûr, cette phrase pourrait simplement renforcer le deuxième sens, en indiquant seulement la résurrection. Cependant, pour nous au moins — je ne sais pas si c'est valable pour la communauté de Jean — parler du "corps du Christ", c'est parler de son peuple, de son Eglise, de nous. Cette phrase nous parle donc de la fondation même du christianisme.
    Le Temple a été détruit symboliquement par Jésus pour faire place à un édifice, une construction nouvelle, formée d'hommes et de femmes. Les croyants d'hier et d'aujourd'hui forment ce temple que le Christ a rebâti et qu'il ne cesse de relever chaque jour.
    Si le Temple de pierre est remplacé par un corps, attention à nous de ne pas pétrifier ses articulations, à ne pas ankyloser ses muscles, à ne pas paralyser ses fonctions.
    *    *    *
    "Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai !"
    Sur le chemin de la passion, cette phrase nous rappelle le caractère fou et scandaleux du message de Jésus. Ne gommons pas son interpellation !
    Cette phrase nous rappelle que cette folie s'est manifestée dans la destinée souffrante de Jésus, et nous a ouvert le chemin à Dieu.
    Cette phrase nous rappelle qu'aujourd'hui, nous sommes partie prenante de ce nouveau temple qu'est le corps du Christ.
    Restons attachés à ce corps pour en tirer notre vie, la vraie vie. Restons actifs et dynamiques dans la foi et dans notre relation à Dieu, pour refléter — devant le monde — la vie qui nous est donnée.
    Amen
    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Genèse 6-9. Premier récit du Déluge

    Premier récit du Déluge dans le livre de la Genèse, des extraits des chapitres 6 à 8. (Texte pour la prédication du 18.2.2007)

    Deux traditions entremêlées constituent le récit biblique actuel. Vous lisez aujourd'hui seulement la tradition la plus ancienne.

    6 5 Le Seigneur vit que les hommes étaient de plus en plus malfaisants dans le monde, et que les penchants de leur cœur les portaient de façon constante et radicale vers le mal. 6 Il en fut attristé et regretta d'avoir fait des hommes sur la terre. 7 Il se dit : « Il faut que je balaye de la terre les hommes que j'ai créés, et même les animaux, grands ou petits, et les oiseaux. Je regrette vraiment de les avoir faits. » 8 Mais Noé bénéficiait de la bienveillance du Seigneur. 7 1 Le Seigneur dit à Noé : « Entre dans l'arche, toi et ta famille, car j'ai constaté que tu es le seul parmi tes contemporains à m'être fidèle. 2 Prends avec toi sept couples de chaque sorte d'animaux purs, mais un couple seulement de chaque sorte d'animaux impurs. 3 Pour les oiseaux, prends aussi sept couples de chaque sorte, afin de sauver leur espèce sur la terre. 4 Encore une semaine et je ferai tomber la pluie pendant quarante jours et quarante nuits; je balayerai ainsi de la surface du sol tous les êtres que j'ai faits. » 5 Noé exécuta tout ce que le Seigneur avait ordonné.7 Il entra dans l'arche avec sa femme, ses fils et ses belles-filles, pour échapper à l'inondation. 8 Les animaux purs, les animaux impurs, les oiseaux et les petites bêtes qui se meuvent au ras du sol, 9 tous arrivèrent jusqu'à l'arche de Noé, deux par deux, un mâle et une femelle, comme Dieu l'avait ordonné. 10 Au bout de la semaine la grande inondation submergea la terre.
    12 Il se mit à pleuvoir sur la terre; la pluie allait durer quarante jours et quarante nuits. 16b Puis le Seigneur ferma la porte derrière Noé. 17b Quand le niveau de l'eau monta, l'arche fut soulevée au-dessus du sol et se mit à flotter. 22 Sur l'ensemble de la terre ferme tout ce qui possédait un souffle de vie mourut. 23 Le Seigneur balaya ainsi de la terre tout ce qui vivait, depuis l'homme jusqu'aux grands animaux, aux petites bêtes et aux oiseaux. Ils furent éliminés de la terre. Seul Noé survécut et, avec lui, ceux qui étaient dans l'arche.
    8 2b La pluie cessa de tomber. 3 Les eaux se retirèrent progressivement de la terre. 6 Au bout de quarante jours Noé ouvrit la fenêtre qu'il avait ménagée dans l'arche. 7 Il laissa partir un corbeau. Celui-ci sortit et s'en revint bientôt : il fallait attendre que l'eau se résorbe sur la terre. 8 Puis Noé laissa partir une colombe, pour voir si le niveau de l'eau avait baissé. 9 Mais elle ne trouva aucun endroit où se percher, car l'eau couvrait encore toute la terre; elle revint donc à l'arche, auprès de Noé. Celui-ci tendit la main, prit la colombe et la ramena dans l'arche. 10 Il attendit une semaine et la laissa de nouveau partir. 11 La colombe revint auprès de lui vers le soir; elle tenait dans son bec une jeune feuille d'olivier. Alors Noé sut que le niveau de l'eau avait baissé sur la terre. 12 Il attendit encore une semaine et laissa partir la colombe, mais celle-ci ne revint pas. 13b Noé ôta le toit de l'arche, il regarda dehors et constata que toute la surface du sol était sèche.
    20 Noé bâtit un autel qu'il consacra au Seigneur. Parmi les grands animaux et les oiseaux il prit une bête de chaque espèce considérée comme pure et les offrit au Seigneur sur l'autel en sacrifice entièrement consumé par le feu. 21 Le Seigneur respira l'odeur apaisante de ce sacrifice et il se dit : « Désormais je renonce à maudire le sol à cause de l'homme. C'est vrai, dès sa jeunesse l'homme n'a au cœur que de mauvais penchants. Mais je renonce désormais à détruire tout ce qui vit comme je viens de le faire. »
    22 Tant que la terre durera,
    semailles et moissons,
    chaleur et froidure,
    été et hiver,
    jour et nuit
    ne cesseront jamais.

  • Genèse 8. Après le Déluge, Dieu décide de changer


    Genèse 8

    18.2.2007

    Dieu décide de changer

    Extraits de Genèse 6-7-8 Voir la note "Déluge, premier récit"    Osée 2 : 20-22


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Combien de fois n'entendons-nous pas des gens dire : "Si Dieu existait, il mettrait fin aux guerres, il mettrait fin à la violence des humains!" Ces personnes ont raison de s'interroger sur la présence du mal, et du mal radical, dans notre monde. Mais quand on demande que Dieu éradique le mal de la surface de la terre, on ne sait pas ce qu'on demande !  On ne sait pas le risque qu'on prend ! On ne sait pas si nous en apprécierions les conséquences ! Et si Dieu nous prenait au mot ?
    S'il fallait éradiquer toute violence, ne faudrait-il pas détruire toute vie sur terre, comme le récit du Déluge nous le rapporte ?  Et pas seulement les humains, les animaux aussi ! La loi de la nature est violente : manger ou être mangé. La nature si adorable que nous contemplons est aussi cruelle. Le coucou que nous aimons entendre chanter ne grandit qu'en chassant les oisillons du nid où il prend place. Et la guêpe qui pond ses œufs dans le corps d'une chenille qui va être dévorée de l'intérieur…
    L'être humain — quel qu'il soit — a toujours une part d'ombre en lui-même. Cette part d'ombre est bien cachée par le vernis social, mais on a vu —pendant l'invasion américaine en Irak — les pillages des banques et des musées dès que le pouvoir s'est effondré.
    Le récit du Déluge dans la Bible essaie de trouver une réponse à ce problème de la présence du mal dans le monde. Comment expliquer sa présence et que nous puissions malgré tout vivre avec ce mal ? Il est à remarquer que ce récit est le contraire d'un paradis perdu.
    Le récit dit que nous vivons dans un deuxième temps de l'histoire et que le premier temps —antédiluvien, avant le Déluge — était un enfer de violence et de confusion. Un tel enfer de violence et de confusion que Dieu a décidé de l'anéantir et de donner la possibilité d'un nouveau départ. Ce récit du déluge est donc un texte pour les rescapés que nous sommes, depuis Noé.
    Quelques mots sur la composition du texte du Déluge (Gn 6-9). Dans la Bible, ces 4 chapitres nous relatent deux récits du Déluge qui ont été entremêlés. Un texte ancien — celui qui est présenté plus haut — qui est de la même plume que Gn 2-3 l'histoire d'Adam et Eve, l'arbre et le serpent, Gn 4 Caïn et Abel et Gn 11, l'histoire de la tour de Babel. L'autre texte, qui date probablement de l'Exil, est de la même plume que le poème de la création de Gn 1 et les généalogies de Gn 5 et 10. Les deux récits du Déluge ont des accents théologiques différents. Aujourd'hui, je ne m'attache qu'au récit le plus ancien.
    Dans ce récit, il est intéressant de voir les places et les rôles respectifs de Dieu et de Noé. Dans le début de notre texte, c'est Dieu qui est aux commandes. Il constate la domination du mal, il est attristé, il prend la décision double d'anéantir la vie sur terre et de sauver Noé, sa famille et les animaux. Dans ce récit, l'arche est déjà prête. Noé peut embarquer. Dernier geste de Dieu : il ferme la porte de l'arche. Noé est passif jusqu'à la fin des 40 jours du Déluge.
    Après les 40 jours de décrue, Noé se met à agir en ouvrant la fenêtre et en procédant au lâcher des oiseaux. Puis il ôte le toit de l'arche pour faire sortir sa famille et les animaux. Enfin, il offre un sacrifice à Dieu. Ainsi, au fil du récit, Dieu laisse la place à l'être humain, il donne à l'être humain le pouvoir sur sa destinée et sa vie, il se fait moins intervenant. Cependant, Dieu n'abandonne pas Noé et les humains. A la suite du sacrifice de Noé, Dieu énonce sa promesse de maintenir les rythmes de la nature (l'arc-en-ciel et le thème de l'alliance appartiennent à l'autre récit). Voici la promesse de Dieu :
    « Désormais je renonce à maudire le sol à cause de l'homme. C'est vrai, dès sa jeunesse l'homme n'a au cœur que de mauvais penchants. Mais je renonce désormais à détruire tout ce qui vit comme je viens de le faire. »
    22 Tant que la terre durera,
    semailles et moissons,
    chaleur et froidure,
    été et hiver,
    jour et nuit
    ne cesseront jamais. (Gn 8: 21b-22)
    Ce qui est intéressant dans cette promesse, c'est que Dieu reconnaît que le mal persiste ! Le mal est inscrit dès le début au fond du cœur de l'être humain. Quel constat décevant. En quelque sorte, le Déluge a raté sa mission, cela n'a servi à rien. Quel gâchis !
    Oui, l'être humain et les lois de la nature n'ont pas été changées, alors Dieu prend un décision incroyable, inouïe : il décide que — puisque l'être humain ne change pas malgré le châtiment — c'est lui Dieu qui va changer ! Dieu change de stratégie pour modifier sa relation à l'être humain, il renonce à détruire, il renonce à sa puissance, à sa force pour contraindre l'être humain au changement.
    Dieu réalise : "on ne peut pas changer l'autre," aussi faut-il changer soi-même d'abord pour que la relation change. Alors Dieu change, il ne sera plus le maître et l'homme l'esclave. Dieu a choisi d'ouvrir la relation au partenariat. Plus fort encore, Dieu choisit la formule du mariage. Dieu renonce à l'obéissance et à la soumission de l'être humain, il veut un mariage d'amour.
    Dieu engage — à la suite du Déluge — une entreprise de conquête amoureuse, une démarche de séduction. Cette conquête, il l'entreprend en prenant la décision d'aimer l'être humain tel qu'il est. Il décide de laisser exister l'être humain tel qu'il est et de l'aimer ainsi quelle que soit la route qu'il emprunte.
    N'est-ce pas aussi le chemin que nous sommes invités à suivre : aimer les autres sans vouloir les changer ? C'est ainsi qu'Osée peut dire ces paroles de la part de Dieu envers son peuple :

    "Israël, c'est pour toujours que je t'obtiendrai en mariage. Pour t'obtenir, je paierai le prix : la loyauté et la justice, l'amour et la tendresse." (Osée 2:21)
    Oui, ce n'est pas le Déluge que Dieu nous envoie, mais une déclaration d'amour.
    Amen

    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • 1 Samuel 24. Une force intérieure pour résister à la violence

    1 Samuel 24

    11.2.2007

    Une force intérieure pour résister à la violence

    1 S 24 : 1-8    1 S 24 : 9-19    Mt 7 : 1-5

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Lors de notre dernière rencontre de catéchisme 1ère et 2e année, nous avons abordé le problème de la violence. Nous savons tous combien la violence est présente dans les médias et dans la vie quotidienne. De plus en plus, on nous parle de la violence des jeunes comme un problème grandissant. Alors, oui, il y a problème, mais je crois que c'est davantage un problème d'adultes que de jeunes.
    D'abord si l'on parle des jeunes violents, ils sont une toute petite minorité, on ne parle pas de ceux qui ne commettent pas de violence et construisent leur vie avec application. Ensuite, il faut se rendre compte de la violence de notre monde d'adultes. Ce sont des gouvernements formés d'adultes qui déclarent et mènent les guerres, et les justifient. Sans parler du monde économique qui ne parle que de "se battre" pour "gagner" des parts de marché. Pour obtenir une place de travail, il faut "se vendre", il faut "s'imposer" etc. Ne nous étonnons pas que certains appliquent cela à la lettre, au premier degré, et se battent — avec des couteaux — et s'imposent — par la force.
    Commençons donc par regarder la poutre qui est dans notre œil avant de regarder la paille qui est dans l'œil de nos jeunes. Adultes, comme jeunes, nous avons à apprendre la non-agression (pas seulement physique). Regardons en nous-mêmes comment garder la force du changement qu'il y a dans la violence tout en abandonnant la force de destruction qui s'y trouve également. Après cela nous pourrons aussi l'enseigner aux jeunes et à nos enfants. Il ne s'agit pas d'adopter un comportement mou et sans réaction, une sorte de non-violence de désengagement, mais de choisir des actes forts, mais qui ne blessent pas, pour que les choses changent.
    Je pense que le récit de la rencontre de David et Saül peut nous éclairer sur ce processus. Petit rappel du vécu de ces deux personnages qui les amène à être en conflit l'un contre l'autre. Saül est roi sur Israël, il a été sacré roi par le prophète Samuel, sur l'ordre de Dieu (1 S 9). Saül, cependant, ne suit pas la conduite voulue par Dieu et Dieu rejette Saül, qui continue cependant à régner (1 S 15). Dieu conduit Samuel à choisir le prochain roi : c'est David, un petit berger encore inconnu (1 S 16). David prouvera son intelligence et sa bravoure en tuant le géant Goliath (1 S 17). Alors Saül l'invite à sa cour. David devient un "chevalier" auprès de Saül qui lui donne sa fille Mikal en mariage (1 S 18). David brille tellement sur les champs de bataille que Saül y voit un rival dangereux pour son trône, il essaie à plusieurs reprises de le tuer (1 S 21).
    Saül — avec 3'000 hommes — est à la poursuite de David, lorsqu'il entre dans cette caverne, sans se douter de rien. Saül est un roi guerrier. De son côté, David est un chef de bande victorieux de nombreux combats. On n’est donc pas en présence d’enfants de chœur qui hésiteraient à tirer l’épée ou provoquer une bataille.  On peut donc s’attendre à un affrontement violent.
    C’est sans compter l’intelligence de David. David connaît les limites de l’utilisation de la force armée. Ici, David a peut-être 20, 50, maximum 100 compagnons. En face de lui, il y a 3'000 hommes. Ils sont dehors, lui est acculé au fond d’une caverne. Militairement, avec la violence, il est perdu. Soit il combat et meurt, soit il se rend prisonnier. La logique de la violence est purement quantitative : si vous avez plus d’armes vous gagnez, sinon vous perdez.
    Mais, c’est sans compter l’intelligence de David. L’esprit est plus fort que les armes, l’esprit peut changer le rapport de force. L’esprit peut prendre l’ennemi à rebours et le désarmer complètement. Ainsi, la force de David, c’est de ne pas utiliser la violence, l’agression, c’est d’y renoncer pour déséquilibrer son adversaire. David fait du judo mental. La force de David est d’abord intérieure et c’est cette force-là que nous devons arriver à développer en nous.
    David contrôle sa pulsion guerrière (j’ai mon ennemi à ma merci, mais je retiens mon envie de le détruire).
    David refuse de se laisser entraîner à la violence par ses compagnons. Il n’écoute que sa voix intérieure : « Je ne dois pas tuer celui qui reste mon roi, même s’il est mon ennemi et cherche à me tuer. »
    David garde l’esprit libre de l’influence des autres, il garde son propre jugement du bien et du mal, même si d’autres le désapprouvent, il garde sa ligne intérieure, son intégrité personnelle.
    David casse le miroir qui nous piège dans les relations, miroir qui nous entraîne à être contaminé par les émotions de l’autre : il est fâché alors je dois me fâcher. David ne se laisse pas contaminer par la haine de Saül.
    Que de force intérieure pour résister à son envie de vengeance, à l’influence de ses compagnons, à la haine de son ennemi ! David n’est pas seul dans ce combat intérieur. Il s’appuie sur Dieu de deux façons. (i) c’est Dieu qui a désigné Saül comme roi, c’est donc Dieu qui décidera quand il devra cesser de régner. À chacun son domaine. Dieu a aussi désigné David pour succéder à Saül, en faisant confiance en Dieu, le tour de David viendra. (ii) David a appris de Dieu à faire la différence entre le bien et le mal. Il peut s’appuyer sur cet enseignement pour lutter contre les influences extérieures qui lui disent de faire le mal.
    Vous avez entendu la fin de l’histoire. Par cette force intérieure, David arrive à persuader Saül qu’il n’est pas une menace pour le trône d’Israël, qu’il ne lui veut aucun mal. Comme Saül ne se sent plus attaqué, il n’a pas besoin de rester sur la défensive et peut reconnaître l’intégrité de David. Saül finira par dire : « Tu m’as fait du bien alors que je te voulais du mal. » (1 S 24 :18)
    La situation de conflit est momentanément résolue (pas définitivement, comme vous pourrez le découvrir en lisant les chapitres suivants, 1 S 26). Ce que nous pouvons cependant retenir, c’est que la vraie force vient de l’intérieur et que l’on peut sortir gagnants — les deux adversaires — en faisant place à l’intelligence et au dialogue après avoir renoncé à l’affrontement violent.
    Amen

    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Marc 1. Une parole d'amour pour nous permettre de régner sur nos vies

    Marc 1

    8.3.98

    Une parole d'amour pour nous permettre de régner sur nos vies

    Ps 2 : 2+4-12    Rm 8 : 11-17    Mc 1 : 6-13


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aujourd'hui, nous allons méditer sur le baptême de Jésus. Jésus a tenu à se faire baptiser par Jean Baptiste. Le récit ne nous dit rien des motivations de Jésus, des raisons qu'il avait de demander le baptême de repentance de Jean, lui qui n'a pas de péchés. Je ne vais donc pas faire de spéculations là-dessus, puisque le texte n'en dit rien.
    Le récit nous dépeint une scène très animée:
    - Jésus remonte de sous l'eau
    - le ciel se déchire
    - l'Esprit-Saint descend sur Jésus
    - une voix off fait une déclaration : "Tu es mon fils bien-aimé; en toi est ma joie, mon affection".
    Essayez d'imaginer la scène et la signification de ces 4 éléments :
    •    Jésus remonte et l'Esprit descend. C'est la rencontre, une réunion à mi-chemin entre le ciel et la terre.
    •    le ciel se déchire, les portes du ciel s'ouvrent et une voix qui vient du ciel déclare : "Tu es mon fils bien-aimé".
    Cette phrase, nous l'avons entendue dans le Ps 2:7 "C'est toi qui est mon fils, c'est moi qui suis ton père". C'est une formule d'adoption, c'est aussi la formule d'intronisation, de consécration d'un roi. Et dans ce psaume, il est bien question d'un nouveau roi que Dieu intronise pour régner sur les nations (v.8).
    Jésus, lors de son baptême, reçoit de Dieu la royauté, le pouvoir de régner sur tous les êtres humains. On retrouve cette royauté lors de la passion : Jésus est condamné pour le motif qu'il se serait proclamé "Roi des Juifs".
    A première vue on voit mal les conséquences de cette royauté de Jésus sur nous. J'y reviendrai après avoir examiné la phrase dite par cette voix qui vient des cieux. Cette phrase, "Tu es mon fils bien-aimé, je mets en toi toute ma joie" a un rôle clé pour la vie de Jésus, mais aussi pour la nôtre.
    Commençons par entendre vraiment ce mot d'amour : "Tu es mon fils /ma fille bien-aimé(e)". Laissons ces mots descendre en nous, comme la colombe descendait du ciel. Laissons-nous être imprégnés par ces paroles. De qui aurions-nous eu besoin de les entendre ? Les avons-nous entendues aux moments cruciaux de notre existence ?
    Heureux ceux qui les ont entendues et reçues au bon moment ! Si ces paroles vous ont manqué, l'Esprit de Dieu les répète maintenant à votre oreille, pour vous "Tu es mon fils /ma fille bien-aimé(e), en qui j'ai mis toute mon affection". On ne peut revenir sur le passé, mais aujourd'hui, cette parole peut vous parvenir, vous pouvez l'accepter parce qu'elle vous est destinée.
    Cette parole d'adoption, l'Esprit de Dieu nous l'adresse, à chacun et chacune, aujourd'hui. L'Esprit de Dieu, le texte de Paul aux Romains en parle en ces mots (Rm 8:14-15) : "Tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu. Car l'Esprit que vous avez reçu n'est pas un esprit qui vous rende esclaves et vous remplisse à nouveau de peur; mais c'est l'Esprit Saint qui fait de vous des fils de Dieu et qui nous permet de crier à Dieu : Mon père!".
    La voix du baptême de Jésus, c'est l'Esprit de Dieu. Recevoir l'Esprit, c'est recevoir cette parole d'adoption, de reconnaissance, d'amour. Cette parole ne fait pas de nous des esclaves — obéissants soigneusement et scrupuleusement à Dieu — cette parole nous institue fils de Dieu, ou même rois.
    Cette parole d'amour nous offre la royauté de nos vies. Devenir roi, régner sur sa vie, c'est agir plutôt que réagir, c'est prendre des initiatives plutôt que subir. Régner sur sa vie, c'est refuser de glisser dans un statut de victime, pour avoir un statut d'acteur, d'agent; c'est réaliser que notre bonheur ou notre malheur ne dépend pas des autres, même si nous ne sommes pas maîtres de tout. Lorsqu'une relation est difficile, ce n'est pas seulement à cause de l'autre. Nous sommes partie prenante dans la relation et notre position joue son rôle dans la relation. Régner sur sa vie, c'est choisir son scénario de vie plutôt que suivre les scénarios dictés par d'autres.
    Dieu nous encourage à assumer la direction de notre vie, sans fausse humilité. Notre liberté n'est pas en concurrence avec la volonté de Dieu. Comme nous l'avons vu dimanche dernier, la volonté de Dieu est que nous soyons libres.
    Recevoir cette parole d'amour de Dieu, ou recevoir l'Esprit Saint — c'est la même chose — nous donne la force d'affronter l'existence avec ses difficultés. Aussitôt après son baptême, revêtu de cette force, Jésus est conduit au désert pour affronter le mal.
    Lorsque nous sommes baptisés — dans la mort et la vie nouvelle du Christ — nous recevons cette parole, cet Esprit, cette force pour vivre notre vie. Cet amour a permis à Jésus de donner sa vie pour ses amis — c'est là le sens de Pâques. Cet amour nous le recevons aussi. Le baptême en a été, en est une marque. Nous pouvons en vivre dès maintenant et chaque jour que Dieu fait.

    Amen.
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    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Marc 10. Abandonner ce qui fait obstacle à la quête de la vraie vie

    Marc 10

    1.3.98

    Abandonner ce qui fait obstacle à la quête de la vraie vie

    Genèse 2 : 7-9 + 15-17    Galates 3 : 23-29    Marc 10 : 17-22

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Vous avez certainement tous reconnu dans la dernière lecture le récit de la rencontre de Jésus avec le jeune homme riche. Cela fait plusieurs mois que ce récit tourne dans ma tête. En effet, c'est typiquement un de ces textes dont on n'écoute plus les mots parce qu'on l'a déjà entendu. Il ne fait que réactiver notre mémoire et notre mémoire masque le récit.
    Un exemple : on parle du jeune homme riche. Pourtant, il ne s'agit que d'un homme qui observe les commandements depuis sa jeunesse dans le texte de Marc. Chez Luc, c'est même un notable, donc quelqu'un de mûr, voire d'âgé. Il n'y a que Matthieu qui dise de lui qu'il est jeune. Ici, et pour aujourd'hui, pour être fidèle au texte de Marc, c'est un homme adulte, d'âge indéterminé.
    Le masque de notre mémoire retient généralement de ce texte trois leçons :
    1. Il ne suffit pas d'obéir aux commandements, il faut en faire plus, obéir jusqu'à l'impossible.
    2. On ne peut suivre Jésus qu'en renonçant à ce qui nous est précieux, à ce qui nous tient à coeur.
    3. On doit se reconnaître dans l'homme riche, mais ne pas devenir triste comme lui.
    Eh bien je crois que ces trois leçons ne sont pas dans le texte. Le texte a autre chose à nous dire. Cette rencontre de Jésus est une bonne nouvelle, pour l'homme riche et pour nous. Voyons cela.
    D'abord, l'homme court vers Jésus pour lui poser la question de sa vie, la question qui le tracasse depuis longtemps : «Comment hériter de la vie durable, de la vraie vie ?»
    1. Jésus ne fait pas une réponse compliquée, n'énonce pas d'exigences spéciales, il cite simplement une partie du décalogue. Et c'est l'homme qui relance Jésus : «J'ai pratiqué tout cela, mais ma question reste en moi.» Cette pratique ne lui suffit pas, ne remplit pas sa vie, ne lui donne pas tout son sens. L'obéissance ne lui suffit pas, ne le comble pas.
    Lorsque Jésus dit à l'homme : «Il te manque quelque chose», il n'invente rien, il confirme, il valide simplement le sentiment profond de l'homme, il reconnaît autant l'obéissance de l'homme que le manque qu'il vient d'énoncer. Jésus n'affirme pas qu'il faut encore obéir à quelque chose de plus. Jésus refuse la logique de demander "un peu plus de la même chose". L'homme fait suffisamment.
    Jésus entre sur le terrain de l'homme qui cherche la vraie vie. Il le considère pour lui-même, "il le regarde et se prend à l'aimer" dit le texte de Marc. L'homme étant en manque, en demande d'autre chose, Jésus lui suggère un changement d'attitude, de comportement face à la vie.
    L'homme a rempli sa vie de l'observance des commandements. Il vivote dans son obéissance stricte. Il ne s'y épanouit pas, il est peut-être rempli de scrupules, de culpabilité, de doutes. (Ai-je bien fait ? En ai-je assez fait ? etc.).
    Jésus va le placer sur un autre terrain. «Vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres». Jésus ne lui demande pas de transposer sa façon d'être (scrupuleux, comptabilisateur) dans sa façon de donner aux pauvres (Ai-je assez donné ?). Au sein de cette vie bien rangée, Jésus lui propose un coup de folie, une extravagance, un acte extraordinaire qui échappe à tout calcul, à toute mesure. Il lui propose quelque chose qui le délierait de toutes les conventions, de tous les usages, de toutes les obéissances. Jésus propose cela, non pas pour que l'homme devienne parfait, mais pour le délier, le libérer, lui rendre un accès à la vraie vie, aux richesses du Royaume de Dieu.

    2. Jésus ne propose pas à l'homme un renoncement pour le plaisir de Dieu. Jésus lui propose cela parce que — à ce moment de l'existence de cet homme, à cause de la quête de cet homme — c'est la meilleure chose qui puisse lui arriver, qu'il puisse faire.
    C'est là que la bizarre introduction du récit prend son sens. «Ne m'appelle pas "bon maître", Dieu, l'Unique, est bon». Au début de cette rencontre, Jésus devait rappeler à cet homme que Dieu n'est pas un maître sadique et cruel qui veut écraser l'être humain sous les corvées et le renoncement. Dieu, l'Unique, est celui qui a libéré son peuple de l'esclavage et l'a conduit au Sinaï pour lui donner la loi qui lui permettra de rester libre. Le but de la loi n'est pas l'obéissance, mais la liberté. C'est cela que Dieu veut, et c'est en cela qu'il est bon pour l'être humain.
    Donc si Jésus propose à l'homme de vendre ses biens, c'est parce que, à ce moment-là de la quête spirituelle de cet homme, ces biens sont devenus un obstacle sur son propre chemin. Cette fortune est un poids. L'homme est retenu par elle. C'est comme s'il avait les pieds coulés dans du béton, il est paralysé. Cette fortune, peut-être un héritage, l'empêche d'avancer, de sauter, de danser, d'être libre comme un oiseau. Sa sécurité l'empêche d'être libre et de grandir.

    3. Cet homme a tout pour être heureux, pourtant sa quête n'est pas accomplie, il avait besoin de courir la dire à Jésus. L'homme reçoit confirmation de son manque et une suggestion de Jésus. A cette réponse «il prit un air sombre et s'en alla tout triste».
    On a toujours interprété cela comme un refus. On peut aussi le lire différemment. La tristesse est l'émotion qui nous rapproche le plus de nous-mêmes, de notre être intérieur, de notre vrai "moi".
    L'homme avec sa tristesse commence son cheminement intérieur, un retour vers son propre passé pour comprendre ce qu'il vit, ce qu'il a vécu. Le passage par la tristesse est essentiel pour reprendre contact avec le "soi intérieur", avec l'être vrai qui est en nous. Jésus est justement celui qui nous reconnecte avec notre être intérieur. Cela peut passer par la tristesse.
    L'homme — confronté à la vérité de la rencontre avec Jésus — doit réaliser à quel point ses biens, ses héritages, sont ce qui le paralyse, l'immobilise, l'empêche de marcher avec la vie, à la suite de Jésus. La quête de l'homme tourne autour de l'héritage. Sa question primordiale est : "Comment hériter la vraie vie ?" tout en trimbalant ses héritages . Ces héritages qu'il doit vendre, dont il doit se débarrasser pour devenir lui-même à la suite de Jésus, cela peut être aussi bien cette fortune, ou cette obéissance apprise, ou un autre boulet accroché à son pied dans son passé.
    L'homme a de quoi pleurer sur son passé pour retrouver la liberté d'être lui-même, pour évacuer tout ce qui l'a empêché de grandir, d'évoluer en liberté,  en suivant sa propre voie. Il doit réaliser tout ce qui a été canalisé dans une obéissance stricte et comment cette obéissance sans réflexion n'est pas l'aboutissement, l'accomplissement de la volonté de Dieu.
    Obéir ou être libre, ce n'est pas la même chose.
    Jésus offre à cet homme — et à chacun d'entre nous — la liberté. Cela demande de se séparer de fardeaux placés sur nos épaules tôt dans la vie, fardeaux qui font maintenant obstacle à cette liberté.
    Jésus veut le meilleur pour nous, c'est pourquoi il nous offre de déposer sur terre les poids, les liens qui nous entravent pour marcher léger à sa suite, avec un trésor dans le ciel.

    Amen.

    © 2007, Jean-Marie Thévoz