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  • Marc 6. Peut-on vraiment croire que Jésus a marché sur les eaux ?


    Marc 6
    21.11.2010
    Peut-on vraiment croire que Jésus a marché sur les eaux ?
    1 Co 15 : 19-25,  Mc 6 : 45-54

    Téléchargez la prédication : P-2010-11-21.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Un texte difficile, vraiment difficile que ce récit où Jésus marche sur les eaux. Un texte difficile pour nous aujourd'hui parce que c'est un récit proprement incroyable. Entre parenthèses, je ne crois pas qu'il était moins incroyable pour les premiers lecteurs des Evangiles. Les gens n'étaient pas plus naïfs que nous à l'époque. Mais peut-être savaient-ils mieux faire la différence que nous entre les récits descriptifs et les récits significatifs, symboliques.
    L'obstacle qui est devant nous et en nous, c'est que nous prenons tout au premier degré et que si le premier degré est absurde, nous laissons tomber plutôt que de chercher le second degré. Or ce récit de Jésus marchant sur les eaux est vraiment à prendre au second degré.
    Ce récit veut nous dire des choses et des choses très importantes. Nous allons aller pas à pas dans le récit, au fil du vocabulaire utilisé, pour y trouver les sous-entendus et le sens profond du récit, pour les disciples, pour les premiers lecteurs des Evangiles et pour nous.
    Ce récit suit directement le premier récit de multiplication des pains. La foule, nourrie du Pain de vie (voir ma prédication du 31.10.10) est encore là, auprès de Jésus et des disciples. Le premier acte du récit est une double séparation. Jésus doit convaincre les disciples de partir en barque sans lui et il doit renvoyer la foule chez elle.
    "Aussitôt après, Jésus fit monter ses disciples dans la barque pour qu'ils passent avant lui de l'autre côté du lac, pendant que lui-même renverrait la foule." (Mc 6:45).
    Cela ressemble à une phrase de simple transition entre deux récits, mais c'est bien autre chose. Je vais vous montrer que c'est le résumé du ministère de Jésus. La traduction "Parole de Vie" dit : "Tout de suite après, Jésus oblige ses disciples à monter dans la barque." Le terme utilisé pour "oblige" évoque — dans le grec polythéiste — la déesse de la Nécessité ou de la Destinée. Il est nécessaire que Jésus soit seul pour réaliser la mission pour laquelle il est venu.
    Et cette mission est illustrée ici par le renvoi de la foule chez elle. Cela semble aussi un notation anodine. Mais le verbe utilisé pour dire "renvoyer" est celui qui est utilisé pour dire "délier" ou "mettre un enfant au monde, le délivrer" ou encore "libérer un captif" (on retrouve ce verbe dans le demande de Pilate à la foule : "Voulez-vous que je vous libère Barabbas?" (Mc 15:15). C'est encore ce même verbe qui est utilisé pour absoudre quelqu'un d'une accusation, pour acquitter un prévenu, affranchir un esclave ou libérer du service militaire.
    Voilà la mission — encore secrète — de Jésus : libérer cette foule, l'affranchir, l'absoudre, la mettre au monde pour qu'elle naisse à un monde nouveau, délivrée du monde ancien, enfantée au ciel. Il y a là une tâche, une mission que seul Jésus peut accomplir et qu'il doit accomplir seul. Si les disciples pouvaient contribuer à nourrir les foules, aucun disciple ne peut donner le salut. Seul Jésus le peut.
    Cette mission requiert de Jésus toute son énergie, c'est pourquoi, après avoir libéré la foule, il monte sur la montagne pour prier. Cela nous rappelle la montée de Moïse au Sinaï pour entrer dans la présence de Dieu. Je pense que nous avons là une préfiguration de Gethsémané, la prière au Mont des Oliviers, une préfiguration du combat de la prière contre la mort.
    Mais voyons la suite. Le soir vient, la nuit tombe et le récit nous dit l'éloignement. Les disciples sont dans la barque au milieu de la mer et Jésus est seul à terre. Malgré la nuit tombée, Jésus voit la situation des humains (encore une situation impossible au premier degré) : "Les disciples ont du mal à ramer, parce que le vent souffle contre eux." (v.48) Ils ont du mal a ramer parce que le vent est contraire. Ça, c'est le premier degré. On y voit en filigrane les épreuves de la vie, les difficultés de l'existence. En fait, Marc n'utilise pas le verbe "ramer", il utilise un verbe bien plus fort : "mettre à l'épreuve de la vérité", "soumettre à la question, à la torture."
    Voilà la vraie condition humaine, dans toute sa crudité. La vie est cruelle : la maladie frappe injustement, les malheurs tombent sans qu'on les ait mérités. Au cœur de la nuit, Jésus voit cela, il voit nos vies, oui, il voit comme on "rame" contre les vents contraires.
    Alors il vient. Alors, il survole les obstacles pour nous rejoindre, alors il marche sur la mort pour venir jusque dans notre barque. Non, je n'ai pas fait de lapsus en remplaçant le mot "mer" par le mot "mort." Dans la pensée hébraïque, la mer est le danger absolu. Les Hébreux ne sont pas les Phéniciens qui ont dompté la mer Méditerranée.
    Quand les Evangiles font marcher Jésus sur la mer, c'est — au deuxième degré — pour nous dire qu'il est en train de vaincre la mort, il la foule au pied, il l'écrase comme le serpent de son talon.
    C'est pourquoi, lorsqu'il monte dans la barque, tout s'apaise : "Il monte à côté d'eux dans la barque, et le vent s'arrête de souffler." (v.51)
    Avant cela, il y a la réaction des disciples à la vue de Jésus. Eux non plus ne peuvent pas croire, ne peuvent pas le reconnaître. La chose la plus sensée, la plus logique qu'ils peuvent penser, c'est qu'ils voient un fantôme. Tout le reste est impensable.
    Mais Jésus leur parle et c'est par la Parole qu'ils le reconnaissent. Jésus leur dit : « Rassurez-vous (ou ayez confiance), c'est moi ! N'ayez pas peur ! » (v.50) Ayez confiance ou ayez du courage, c'est le sentiment que les généraux demandent à leurs troupes avant d'affronter un combat et le risque de la mort. Cela ne signifie pas "Ayez confiance, rien ne va arriver," cela signifie : "Affrontez la vie, le bien et le mal, avec le courage du combattant." Jésus peut le dire, parce qu'il vient de fouler la mort à ses pieds, parce que lui-même a vaincu la mort pour nous.
    Parce que Jésus a déjà remporté la victoire finale, nous pouvons à notre tour monter au combat avec courage pour lutter à la place qui est la nôtre.
    Ce récit ne nous raconte donc pas un exploit bizarre — marcher sur l'eau. Ce récit nous annonce — dans cette première partie de l'Evangile — la vraie mission de Jésus pour nous et pour tous les humains. Il nous dit que la mission générale de Jésus est de libérer, d'affranchir l'humanité de l'esclavage du malheur, d'enfanter l'humanité vers un monde nouveau qui est le Royaume de Dieu.
    La façon particulière de Jésus de réaliser cela, c'est de voir la situation de vie dans laquelle nous sommes et dans laquelle nous "ramons", et de nous y rejoindre. Il le fait en foulant le malheur et la mort à ses pieds, pour nous donner en même temps l'apaisement de nos tempêtes et le courage d'affronter la vie.
    Nous recevons ce courage de la foi que nous mettons dans le fait qu'il a déjà accompli ce combat et qu'il l'a déjà remporté sur la croix. C'est pourquoi il peut nous dire : "Ayez confiance, c'est moi — ou Je Suis — n'ayez pas peur."
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • Ephésiens 3. Soyez enracinés dans l'amour.

    Ephésiens 3
    14.11.2010
    Soyez enracinés dans l'amour.
    Jean 15 : 9-13,  Ephésiens 3 : 14-19

    Téléchargez la prédication : P-2010-11-14.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,
    Nous avons vécu le baptême de NN, un bébé de 6 mois. Il est venu au monde, fragile comme tous les nouveaux-nés, et sa vie dépend des soins que vous lui prodiguez. La vie humaine, comme toute vie sur notre planète, est fragile et vulnérable. Et nous faisons tout ce que nous pouvons pour la protéger, pour que les enfants grandissent sainement, en bonne santé. Mais comme tous les parents, nous avons nos inquiétudes et nous faisons le vœu que tout aille bien. Fragilité physique du début de la vie et de l'enfance.
    On se dit qu'arrivés à l'âge adulte, c'est bon. Pourtant, si nous regardons nos vies, notre vie personnelle, nous n'avons pas perdu nos vulnérabilités. Elles se sont simplement déplacées. Comme adultes, surtout comme jeunes adultes comme vous, on ne se soucie pas trop de sa santé, la fragilité est plus intérieure : vais-je réussir dans mes entreprises, dans mon travail, dans ma vie de couple, dans ma vie familiale, dans l'éducation de mes enfants ? C'est la difficulté d'être reconnu, apprécié, aimé tel qu'on est.
    Cette quête de l'amour nous agite, nous préoccupe. Et puis avec l'âge, les soucis de santé reviennent, l'angoisse de vieillir, d'arrêter de travailler ou de devoir peut-être quitter son chez soi pour l'EMS. Sommes-nous condamnés à être toujours en souci, à être toujours vulnérables et malheureux ? N'y a-t-il donc rien à faire ? Ne peut-on vivre en paix ?
    C'est aussi ce que vivent les gens à qui l'apôtre Paul écrit à Ephèse. Et Paul prie pour eux, pour qu'ils puissent cesser de vivre dans l'angoisse de leur vulnérabilité. Pour qu'ils puissent être comblés de plénitude. Dans sa prière, Paul rappelle d'abord le lien fondamental qui nous relie à Dieu. Dieu est Père, et par là, l'origine de toute famille. La filiation, le lien qui unit les générations, est en même temps l'image et le modèle de l'amour. L'amour humain est l'image de l'amour que Dieu a pour nous. L'amour divin est le modèle de l'amour que nous pouvons avoir les uns pour les autres.
    Après avoir posé cette équivalence, ce rapport, Paul développe ce qu'il demande à Dieu pour nous. Il demande d'abord que Dieu fortifie notre être intérieur. Il y a deux manières d'être fort : soit avoir une armure autour de nous, une armure qui nous empêche d'être blessé par l'extérieur, soit renforcer notre intérieur pour que les coups du destin ne détruisent pas quelque chose de vital en nous.
    L'armure a cet inconvénient que — si elle nous protège — elle nous empêche aussi d'être touchés, elle nous prive des caresses de la vie. Aussi est-il préférable de renforcer son être intérieur pour supporter les chocs et continuer à être sensibles, capables d'être touchés, de ressentir et de partager.
    Ce renforcement intérieur, Paul le voit comme possible en laissant le Christ habiter en nous, en se laissant insprier par le vie du Christ. Et Paul explique ce que cela veut dire en disant — ce qui me semble être le centre de son message — "soyez enracinés dans l'amour." (Eph 3:17)
    Le mot "enraciné" qui est utilisé ici par Paul, c'est le mot qui a donné "rhizome" en français. Les iris ont des rhizomes, les bambous aussi. Le pasteur qui a habité la Cure avant moi avait planté un bambou dans le jardin. Maintenant, il y a un bosquet et les rhizomes font des repousses trois mètres plus loin. Quand j'essaie d'ôter ces rhizomes, je dois prendre la bêche et la hache. Je peux vous dire que ces bambous sont enracinés !
    Et bien, Paul nous dit "soyez enracinés dans l'amour" aussi fortement que les bambous. Si vous êtes enracinés dans l'amour, c'est pour que vous soyez comblés de toute la plénitude de Dieu. Paul ne demande pas cela pour que Dieu soit content ! Non, c'est pour que nous soyons comblés, pour que nous soyons heureux, pour que nous soyons délivrés de l'angoisse, des soucis que nous envoient constamment nos fragilités et nos vulnérabilités.
    Et Paul dit quelque chose de cet amour dans lequel nous enraciner. Il aimerait nous en faire connaître toutes les dimensions : la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur. Ce sont les quatre dimensions de l'espace.
    La largeur, c'est ce qu'il y a à notre droite et à notre gauche, ce qu'il y a à nos côtés. De chaque côté, pour nous entourer, il y a de l'amour, de l'amour qui vient de Dieu.
    La longueur, c'est ce qu'il y a devant et derrière nous. C'est la longueur du chemin parcouru. C'est l'amour que vous avez reçu de vos parents. C'est la longueur du chemin qui s'étend devant vous, c'est tout l'amour que vous allez donner à vos enfants, à vos petits-enfants ou arrière-petits-enfants.
    La hauteur, c'est tout ce qu'il y a au-dessus de nous, un espace qui nous surplombe, mais aussi un espace vers lequel nous élever.
    La profondeur, ce sont tous les abîmes qui se trouvent sous nos pieds. Ce n'est pas un vide vertigineux, puisque là aussi Dieu y met de l'amour pour que nous ne sombrions pas. Il fait un pont d'amour au-dessus du vide pour que nous puissions traverser, avancer, progresser.
    Oui, chers amis, il y a de l'amour tout autour de nous, à côté, devant et derrière, au-dessus et au-dessous de nous. Pourquoi ne pas ouvrir les yeux et nous en rassasier ?
    Paul prie pour que nous y ayons accès, pour que nous acceptions de nous relier à cette source d'amour que le Christ nous a montrée, par ses paroles, par ses gestes, par sa vie. Il a consacré sa vie à nous monter que cette source est accessible, disponible, infinie.
    Allons-nous passer à côté et garder nos angoisses, ou bien allons-nous découvrir toutes les dimensions de cet amour pour accéder à la plénitude que Dieu veut nous offrir ?
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • Genèse 17. Dieu est le jardinier de nos racines communes.

    7.11.2010
    Dieu est le jardinier de nos racines communes.
    Gn 17 : 1-9+15-16,  Ex 6 : 2-8,  Rm 15 ; 5-13

    télécharger la prédication : P-2010-11-07.pdf


    Les JP (jeunes paroissiens) ont présenté un sketch : dans la cour de récréation, des élèves— un juif, un musulman et une protestante — discutent entre eux de la conférence qu'ils vont avoir ensuite sur les religions. Ils ne sont d'accord sur rien. Alors, Abraham intervient dans leur conversation pour leur rappeler qu'il est l'ancêtre des trois religions et que Dieu a promis qu'il serait une source de bénédiction pour tout le monde.
    Le pasteur monte en chair et commence à parler :


    Voilà, la récré est terminée, vous avez droit maintenant à la conférence annoncée par le directeur ! La conférence a pour titre : "Abraham, une source de bénédiction."
    Comme réflexion liminaire, j'aimerais commenter le choix des JP quand au thème de leur sketch. Sans qu'ils ne le sachent peut-être eux-mêmes, je ne pense pas que ce choix soit le fait du hasard. Ce choix — conscient ou inconscient — est le fait d'une préoccupation qui concerne notre monde et le monde dans lequel ils vivront plus longtemps que nous. Ces JP avaient entre 7 et 11 ans le 11-Septembre. Ils ont grandi dans les bruits du "choc des civilisations" et de "l'axe du mal" que produisaient CNN et FoxNews.
    La question fondamentale de notre temps est devenue : Comment vivre ensemble tout en restant soi-même ? Comment allier notre identité personnelle ou nationale avec la nécessité de vivre tous ensemble sur la même planète ? Comment allier identité et universalité, être soi et être relié aux autres ?  C'est une préoccupation d'aujourd'hui avec le mélange des populations, les voyages, la culture globale d'internet.
    Mais c'était déjà une préoccupation biblique, puisque la Bible s'occupe du "grand universel" qu'est Dieu et de sa relation avec l'humain, avec vous et moi, petite particule individuelle et insignifiante aux yeux de l'univers.
    Parler d'un Dieu qui se révèle à l'être humain, c'est parler de la relation de l'universel au particulier, ce qui permet de penser ensuite la relation du particulier, l'individu, avec le général, le peuple ou le monde.
    Comment la Bible parle-t-elle de la relation de Dieu à l'être humain ? Elle en parle en termes d'alliance d'abord. Dieu prend l'initiative de faire alliance avec plus petit que lui. Dieu fait alliance avec Abraham, il lui fait des promesses, une promesse de fidélité : "Je serai ton Dieu" (Gn 17:7), une promesse de descendance : tu as un avenir (Gn 17:2), et une promesse de pérennité, d'éternité : "Je serai le Dieu de tes descendants pour toujours" (Gn 17:7). Et puis la Bible parle des relations humaines en termes de généalogies. Les humains sont reliés par des liens familiaux, mais bien au-delà de la famille nucléaire ou même du clan.
    La Bible, à travers sa manière de nous présenter la révélation de Dieu aux humains, à travers sa description de l'alliance et à travers les généalogies, nous montre comment se noue le rapport entre l'universalité et l'identité.
    Que nous apprend le personnage d'Abraham à ce sujet ? D'abord, c'est Dieu qui intervient dans la vie d'Abraham. C'est lui qui va le chercher et lui dit de se mettre en route. C'est lui qui lui fait des promesses. C'est lui qui le bénit. C'est lui qui lui donne sa descendance. Dieu a choisi un homme de nulle part, il le sort du polythéisme, il le sort de son pays d'origine pour en faire un migrant, un voyageur. Abraham n'aura de terre à lui que la grotte où il est enterré.
    Ensuite, Abraham n'est pas le père d'un seul peuple, mais de plusieurs, par Ismaël, par Isaac et d'autres encore, si l'on regarde la liste de sa nombreuse descendance que la Bible nous donne en Genèse 25. Par la généalogie, tous les peuples sont liés, nous dit la Bible. Ce qu'elle accentuera encore plus tard dans son processus de rédaction en faisant descendre tous les habitants de la terre d'Adam et Eve.
    Abraham est donc le père d'une multitude de peuples, et de quelques rois est-il précisé, pour bien montrer que ne ce sont pas juste différentes familles d'un même peuple, mais bien des nations indépendantes les unes des autres. Indépendants, mais reliés, en lien, avec des choses en commun, avec un bout d'histoire en commun.
    Même quand le temps nous aura séparés, même quand la géographie nous aura séparés, même quand l'histoire de notre pays nous aura séparés, nous avons encore quelque chose en commun avec les autres. L'histoire d'Abraham nous dit qu'il n'y a pas d'Alleingang, il n'y a que des frères trop longtemps séparés, mais qui peuvent se retrouver s'ils retrouvent leurs racines communes.
    Dieu — le grand universel — est le jardinier de nos racines communes, même s'il nous semble que notre arbre est différent de celui de notre voisin.
    C'est le rôle de l'Eglise — notre rôle — de rappeler que nos racines sont au ciel, dans l'universel. Notre identité, notre identité protestante — et nous fêtons aujourd'hui le dimanche de la Réformation — c'est de croire que nos racines sont exposées dans la Bible et la Bible seule. C'est de croire que la grâce, et la grâce seule, nous assure notre identité en Dieu, par la foi.
    L'identité protestante affirme la valeur de chaque personne devant Dieu, indépendamment de son origine. Notre protestantisme se veut ouvert, tolérant, accueillant, comme le Dieu qui nous inspire et qui nous est décrit dans la Bible.
    Il y a 40 ans, nos prédécesseurs — il est encore un peu tôt pour parler de nos ancêtres — ont construit le Centre paroissial que nous fêtons aujourd'hui, et nous l'ont remis pour que cette identité puisse être affirmée et transmise, par des réunions, par des conférences ou du catéchisme. Dans notre monde actuel, nous avons encore besoin de transmettre le message biblique, surtout celui qui rappelle que l'universel nous unit et nous permet de vivre ensemble, tous ensemble sur cette terre.
    Les JP ont été bien inspirés dans leur choix pour nous rappeler qu'il y a un ancêtre commun qui est le père de la multitude de peuples qui couvrent la terre et que cet ancêtre est — peut et doit rester — "celui qui est une source de bénédiction pour tous" (Gn 12:2).
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • Marc 8. Culte du Souvenir. Nourrir notre deuxième faim.

    Marc 8
    31.10.2010
    Culte du Souvenir. Nourrir notre deuxième faim.
    Mc 8 : 1-10, Jn 6 : 32-35

    Prédication à télécharger : P-2010-10-31.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers familles,
    Vous avez entendu, dans l'Evangile de Marc, le deuxième récit de la multiplication des pains, car il y a deux récits. Autant Marc que Matthieu nous rapportent deux récits différents de cet épisode, également rapportés, mais en un seul exemplaire, par Luc et Jean.
    Qu'aucun Evangile ne manque cet épisode montre l'importance de la signification de cet événement. L'importance n'est cependant pas dans le nombre de personnes nourries, mais dans la signification de ce geste de Jésus pour les Evangélistes.
    Je vais donc aborder les éléments symboliques pour voir comment — nous aussi — nous pouvons être nourris, aujourd'hui, de ces pains et de ces poissons. Je vais relever les indices du récit qui nous font passer de l'événement au symbole, du passé au présent.
    Il y a d'abord la faim de cette foule qui suit Jésus. Cette foule marche et écoute Jésus, mais elle n'a rien à manger. Elle est affamée, doublement affamée, de pain pour son corps et de paroles qui font sens pour son âme, pour sa vie. Cette faim, cette double faim, cette deuxième faim, une faim de sens, d'affection, de paix, n'est-elle pas la nôtre aujourd'hui ? Cette faim est l'image de la vie, de notre vie, de notre vie marquée par le deuil. Une faim de retrouver une vie normale, une vie remplie, une vie habitée; habitée de gestes de tendresse, d'amitiés, de relations riches et nourrissantes.
    Cette foule affamée touche Jésus. Votre situation touche Jésus : il est "ému aux entrailles" nous dit le texte (Mc 8:2). Jésus est touché et il se préoccupe de cette situation. Il ne peut pas rester sans rien faire, il ne peut pas renvoyer ces gens sans les nourrir, sans leur rendre leur vie, sans les restaurer dans leurs vies.
    Le texte souligne que cela fait trois jours que ces gens n'ont pas mangé. C'est encore un indice. Ces trois jours font allusion aux trois jours qui séparent Vendredi-saint de Pâques, les trois jours passés au tombeau. Trois jours qui représentent la mort, si le miracle ne survient pas, si la résurrection ne vient pas !
    Oui, être privé de nourriture, mais aussi de ce deuxième pain — qui répond à cette deuxième faim — fait risquer la mort. On ne peut pas vivre sans affection, sans amour, sans relations. On a besoin de donner sens à sa vie. Ces trois jours ne peuvent être quatre. Jésus doit intervenir, mettre un terme au désespoir, à cette deuxième faim.
    Pour cela, Jésus mobilise ses disciples. Il leur demande : "De quoi disposez-vous?" (Mc 8: 5) Quelles sont vos ressources ? Jésus part toujours de nous, de notre entourage pour réaliser le miracle d'une nouvelle vie. Les disciples sont perplexes. Comment trouver du pain dans un désert ? Et c'est bien la question que nous nous posons tous quand le malheur nous frappe ! Quelles ressources puis-je trouver dans ma vie, si celle-ci est devenue un désert ?
    Ce désert est également un indice. Ne réveille-t-il pas en vous des souvenirs d'école du dimanche ou de catéchisme ? Une foule, un peuple dans le désert qui reçoit du pain, de la manne pour se nourrir ? Pendant l'Exode, le peuple conduit par Moïse reçoit la manne, l'eau et les cailles pour se nourrir. Puis, il reçoit également la Loi et le signe de la Présence de Dieu.
    Dans le récit du don de la manne dans le désert, il y a un jeu de mot en hébreu sur le mot Manne. Le mot Manne viendrait de l'exclamation "Qu'est-ce que c'est ?" "Mannah ?" poussée par les hébreux en voyant la manne. Et l'on peut se demander "Qu'est-ce que c'est ?" que Jésus donne à manger à la foule dans le désert, pour qu'en leur donnant ces 7 pains, il reste 7 corbeilles après que tous furent rassasiés !
    L'Evangéliste Jean, dans la réflexion qui suit son récit de la multiplication des pains rapporte la parole suivante de Jésus : "Je suis le pain de vie" (Jn 6:35). Le miracle qui se passe au désert, c'est que Jésus se donne lui-même pour répondre à notre deuxième faim. Marc le laisse entendre lorsqu'il prend les mots mêmes du dernier repas, du repas de la Cène, pour décrire les gestes et les paroles de Jésus qui précèdent la multiplication des pains. La Cène est bien le don de sa personne dans le pain et le vin.
    Dans la multiplication des pains, nous avons une métaphore, une image de la vie de Jésus, du don qu'il fait à tous de sa personne pour que nous vivions. Jésus se donne lui-même dans sa Parole, dans la Cène, dans la communauté de l'Eglise.
    Si vous êtes affamés, s'il y a trois jours que vous êtes privés de la vraie vie et qu'un quatrième jour semblable serait mortel, s'il vous semble que votre vie est comme un désert, Jésus a compassion de vous, Jésus est touché par votre situation et il est prêt à vous nourrir. Il se donne à vous dans sa Parole, à sa Table et par l'intermédiaire de ses disciples, dans son Eglise.
    De même qu'on mange chaque jour, de même sa Parole se donne à nous chaque jour. De même qu'il n'est pas agréable — et vous en avez fait l'expérience — de manger seul, de même le Seigneur ne vous laisse pas seul, il vous invite à entrer dans la communauté de ses disciples pour partager ensemble le repas du Seigneur.
    Sa Parole et son Pain sont partage, amitié, relations. Le Christ nous invite à sa Table, à l'écoute de sa Parole pour combler notre deuxième faim. Pourquoi ne pas faire le pas, puisque nous avons faim. "Celui qui vient à moi n'aura jamais faim, celui qui croit en moi n'aura jamais soif" dit le Christ.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010