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Christianisme - Page 22

  • Jean 14. « Je suis le chemin, la vérité et la vie » dit Jésus

    Jean 14
    29.6.2014
    « Je suis le chemin, la vérité et la vie » dit Jésus
    Jean 7 : 32-38        Jean 14 : 4-11
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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous arrivons au terme du cycle de prédications sur l’Evangile selon Jean commencé au mois de janvier. Au fil du temps, nous avons découvert et approfondi notre connaissance de la pensée de cet évangéliste et la façon qu’il a de nous présenter Jésus.
    Nous terminons aujourd’hui sur une parole de Jésus qui résume, qui récapitule, qui condense le but de l’Evangile selon Jean : dire qui est Jésus ! dire qui il est pour les disciples, les croyants, qui il est par rapport à Dieu. Et Jean le résume dans cette parole de Jésus : « Je suis le chemin, la vérité et la vie, personne ne peut accéder au Père autrement que par moi ! » (Jn 14:6).
    Deux disciples interviennent dans ce moment d’entretien avec Jésus. C’est d’abord Thomas qui prend la parole. Il est déboussolé. Jésus vient de leur dire qu’il va partir, qu’il va les quitter. Une fois Jésus leur dit qu’ils ne pourront pas le suivre (Jn 7:34) et maintenant, Jésus leur dit qu’ils connaissent le chemin pour le suivre (Jn 14:4). Alors Thomas demande à Jésus d’être plus clair et de leur dire où il va et quel est le chemin qu’ils devront prendre. Thomas veut connaître le chemin, la voie.
    Et Philippe enchaîne avec une autre revendication : « Montre-nous le Père ! » (Jn 14:8).
    Deux demandes humaines qui sont à la base de toute quête spirituelle : a) découvrir Dieu, voir Dieu, avoir accès à Dieu, c’est le but, et b) avoir une voie, un chemin pour arriver à ce but. Qui ne souhaite pas avoir un contact avec Dieu, recevoir une révélation divine, recevoir un signe de Dieu ? Et nombreux sont ceux qui proposent des chemins, des exercices, des retraites, des voies pour y accéder.
    L’Evangile selon Jean affirme que Jésus est le seul à proposer un chemin qui mène à Dieu. Jésus dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. » C’est gonflé quand même ! Qui dit qu’il dit vrai ? Pourquoi devrions-nous le croire ?
    L’Evangile selon Jean tout entier, avec ses récits, avec les paroles de Jésus qu’il nous transmet, nous explique pourquoi Jésus est crédible, pourquoi on peut lui faire confiance, pourquoi il est vraiment le chemin, la vérité et la vie.
    Qu’est-ce que Jésus apporte à ses contemporains ? Lorsque Jésus intervient en Galilée et à Jérusalem, la religion est un poids pour les gens. La religion est faite d’obligations et de contraintes. Il faut suivre des commandements qui entravent la vie. Il faut faire des pèlerinages à Jérusalem et là-bas, il faut acheter de quoi faire des sacrifices et seuls ceux qui s’occupent du Temple en profitent. C’est une religion de marchandage avec Dieu : je te sacrifie cela, alors donne-moi ceci en échange.
    Jésus vient bouleverser tout cela : il chasse les marchands du Temple, il guérit le jour du sabbat, il remet la vie au centre de la relation à Dieu. Jésus rencontre les gens et il transforme leur vie. Il fait découvrir la dimension d’en haut, la dimension spirituelle à Nicodème. Il fait découvrir à la Samaritaine la présence universelle de Dieu, tout comme l’accueil inconditionnel. Il fait découvrir à ses disciples que l’amour est au centre de la relation à Dieu. Il leur montre que le service (et non le pouvoir) est la clé des relations humaines et que c’est dans l’abaissement qu’on se rapproche le plus de Dieu.
    Jésus change radicalement l’image de Dieu de tous ceux qui l’entendent. Et cette image nouvelle est encore valable pour nous aujourd’hui. Ces valeurs de rencontre, d’amour, de service ne sont pas dépassées. Elles restent la clé d’une vie heureuse aujourd’hui.
    Ce chemin que Jésus montre et qui donne accès à Dieu est bien celui qui donne de la valeur à la vie, c’est toujours un chemin vrai, authentique.
    Nous pouvons croire Jésus lorsqu’il dit « Je suis le chemin, la vérité et la vie, personne ne peut aller au Père autrement que par moi » parce qu’il est celui qui vient de laver les pieds de ses disciples, parce qu’il est celui qui va donner sa vie sur la croix pour révéler au monde le processus mortifère d’une religion (de toute religion) qui dit posséder la vérité.
    Il n’y a pas de manipulation dans la parole de Jésus parce qu’il ne cherche pas d’intérêt personnel, il ne va tirer aucun profit de sa mort prochaine. Jésus n’est pas dans une conquête de pouvoir, il est dans le renoncement à tout pouvoir.
    En disant à ses disciples qu’il est « le chemin, la vérité et la vie » Jésus dit trois choses à ses disciples : 1) il dit que le chemin ne va pas s’arrêter avec sa mort. Il y a un chemin de vie dans le fait de renoncer au pouvoir et surtout à la religion comme pouvoir.
    2) Il dit que la vérité est en lui, donc les disciples ne la possèdent pas. Ils en seront les témoins, mais elle ne leur appartiendra pas. Cette vérité leur échappera toujours.
    3) Il leur dit que la vérité est indissociable de la vie et de l’amour.
    Il est le chemin parce que Jésus a montré le chemin par ses actes, en étant un être de paix, en se mettant à la place du serviteur et du serviteur souffrant. C’est à cette place — paradoxalement — qu’il révèle le mieux le visage du Père, la nature vraie de Dieu.
    C’est donc dans la personne de ce Jésus de Nazareth que nous sommes invités à découvrir le vrai visage de Dieu, sa présence, sa parole. C’est là que nous pouvons le voir — comme le demande Philippe. Dieu se fait connaître à travers cet homme de Nazareth. Ce Jésus est le révélateur de la vérité divine. C’est dans la rencontre avec ce Jésus des Evangiles que nous avons accès à Dieu, à un Dieu qui se présente dans la faiblesse d’un Dieu qui n’a que son amour à offrir.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014.

  • Jean 15. « Je suis la vigne » dit Jésus

    Jean 15
    22.6.2014

    « Je suis la vigne » dit Jésus

    Esaïe 5 : 1-2+7      Jean 15 : 1-9

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers membres de l’Abbaye,
    J’ai entendu dire qu’il n’y avait pas de fête d’Abbaye sans apéritif, sans son petit verre de vin. C’est pourquoi j’ai choisi de vous parler de la place de la vigne dans la Bible.
    La vigne est une plante qui pousse bien sur les coteaux ensoleillés et arides d’Israël. Elle fait partie du patrimoine et évoque le bon temps, la fête, l’abondance, la joie de vivre. Avec le figuier, la vigne évoque la sécurité. Si on a quelques plans de vignes et quelques figuiers autour de sa maison, tout va bien, on peut être heureux.
    C’est pourquoi plusieurs récits bibliques donnent à Dieu la figure du vigneron et à Israël le rôle de la vigne. Dieu est le vigneron qui plante une vigne en Israël, qui s’en occupe, la soigne, la protège et en attend les fruits.
    Les prophètes se sont emparés de cette image pour rappeler au peuple — et plus souvent aux dirigeants, aux riches et aux puissants — que Dieu attendait de sa vigne des fruits de justice et de droiture ! Ainsi, la vigne improductive est-elle devenue l’image du jugement de Dieu sur un monde injuste, un monde de profit et d’exploitation (Es 5:1-7).
    Le vin et la vigne ont aussi une place dans le Nouveau Testament. On se souvient des Noces de Cana (Jn 2:1-11) où Jésus transforme de l’eau en vin pour que la fête ne soit pas gâchée. La parabole des ouvriers de la 11e heure (Mat 20:1-15 ) que le vigneron paie la même chose que ceux qui ont commencé le travail à l’aube. La parabole des méchants vignerons (Mat 21:33-40) qui refusent de donner au propriétaire de la vigne ce qu’ils lui doivent et molestent ses envoyés, puis tuent le fils du vigneron.
    L’Evangéliste Jean, de son côté, nous rapporte les parole de Jésus qui s’identifie à la vigne : « Je suis le cep de vigne et mon Père est le vigneron » (Jn15:1) et « Je suis le cep et vous êtes les sarments » (Jn 15:5). L’Evangéliste Jean développe cette image, ces images, du vigneron, du cep, des sarments et des fruits à produire pour nous parler de notre relation à Dieu.
    Rappelons quelques principes élémentaires de viticulture : Le cep de vigne reste en place d’année en année et le vigneron doit s’en occuper pour avoir du raisin. A la fin de la saison, le vigneron ôte tous les sarments pour un départ à neuf au printemps. Au printemps, plusieurs sarments émergent et se développement en vue de porter des grappes. Le vigneron va émonder sa vigne, il élague, il effeuille, il retranche des fleurs, tout cela pour augmenter la qualité du raisin et la qualité du vin qui en sortira. Le but est d’augmenter la quantité de sucre dans la grappe de raisin, ce qui améliore le vin, comme vous le savez.
    Jésus utilise cette pratique de la culture de la vigne comme une image de sa relation à Dieu et de sa relation avec nous. Dieu est le vigneron qui plante la vigne. Jésus est le cep de vigne qui porte les sarments. Nous sommes les sarments qui sommes destinés à porter du fruit.
    C’est une image de la vie, de notre existence. Si nous voulons produire un bon vin, c’est-à-dire une existence qui embaume, qui réjouisse notre cœur et celui de tous ceux qui nous côtoient, comme sarment nous devons être reliés au cep. C’est-à-dire que nous avons besoin de sève, de vie, d’énergie et nous avons besoin d’être relié à la source de la vie, à la source d’une énergie positive.
    Jésus se présente comme une source de vie, une source d’énergie relationnelle, c’est pourquoi le leitmotiv de ce récit est : « Demeurez en moi »(Jn 15:4,5,6,7,9,10). Cela signifie : demeurez en lien, restez en relation avec la source de la vie, avec la source des relations, avec la  source de l’amour.
    A aucun moment, le texte ne donne l’ordre de porter du fruit. Le fruit découle du lien, de l’attachement du sarment au cep. C’est ce lien à la source de la vie et de l’amour qui va, de lui-même, nous permettre de produire du fruit, c’est-à-dire des attitudes, des comportements qui seront authentiques, bons pour soi et pour les autres.
    On résume cela en disant « aimer ». C’est plus qu’avoir simplement des sentiments les uns pour les autres. C’est une façon d’aborder la vie, de vivre pleinement, d’être heureux. Ce bonheur n’est pas possible si l’on est coupé de ses racines, si l’on est coupé de soi-même, de son corps. Ce bonheur n’est pas possible si l’on est coupé de ses émotions ou du contact avec les autres. 
    Ce bonheur, nous dit Jésus, n’est possible que si nous acceptons d’être reliés (a) à nous-même, à ce qui se passe en nous, dans nos émotions, dans notre corps ; d’être reliés (b) aux autres, à nos proches d’abord, mais aussi à d’autres plus lointains ; enfin d’être reliés (c) à l’univers, à Dieu, à l’infini ou à l’absolu.
    Ce que Jésus dit lorsqu’il dit « Je suis le cep et vous êtes les sarments, demeurez en moi » c’est que nous ne vivons une vie complète, en plénitude que si nous sommes reliés. Il y a trois dimensions auxquelles nous avons besoin d’être reliés, à nous-même, aux autres et à l’absolu qu’il nomme Dieu son Père.
    Nous avons besoin de ces trois relations pour être heureux dans tous les domaines de l’existence. Nous avons besoin de nous connaître nous-même. Nous avons besoin d’être reliés au cep pour recevoir la sève. Nous avons besoin du vigneron pour porter du fruit et avoir une vie riche comme du bon vin.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014

  • Jean 9. « Je suis la lumière du monde » dit Jésus

    Jean 9
    15.6.2014
    « Je suis la lumière du monde » dit Jésus
    Matthieu 5 : 1-9       Jean 9 : 1-7+39

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,
    Vous comprenez le monde, vous ? Plus je lis les journaux, écoute la radio ou regarde la TV, moins j’ai l’impression de comprendre où va le monde ! Qu’est-ce qui guide les peuples, les foules, ceux qui nous gouvernent ? Le monde n’est plus lisible. Qui pourrait nous donner un éclairage qui nous rende le monde plus compréhensible ?
    Eh bien, un homme a tenté de rendre le monde plus compréhensible à ses contemporains. Je veux parler de l’évangéliste Jean qui nous rapporte les gestes et les paroles de Jésus. Jean ordonne les gestes et les paroles de Jésus pour nous donner une clé de lecture du monde.
    Dans son Evangile, il nous présente Jésus comme disant plusieurs paroles en « Je suis ». Il en cite sept. Je suis le pain de vie (Jn 6 :35) ; je suis la lumière du monde (8:12 et 9:5) ; je suis la porte de l’enclos (10:7,9) ; je suis le bon berger (10:11,14) ; je suis la résurrection et la vie (11:25) ; je suis le chemin, la vérité et la vie (14:6) ; je suis la vigne (15:1,5).
    La parole « Je suis » fait allusion au récit de Moïse devant le buisson ardent, où il rencontre Dieu pour la première fois. Du milieu du feu, Dieu lui dit : « Je suis qui je suis » (Exode 3:14). Ainsi l’évangéliste Jean marque par sept fois le lien entre Jésus et Dieu. Aujourd’hui, nous allons essayer de comprendre ce que Jésus nous dit lorsqu’il dit « Je suis la lumière du monde ». Dimanche prochain, nous verrons la parole « Je suis la vigne » et dans 15 jours la parole « Je suis le chemin, la vérité et la vie ».
    Jésus dit « Je suis la lumière du monde » au cœur d’un récit où il guérit un aveugle de naissance. Il va donc être question de vue et d’aveuglement, de lumière et d’obscurcissement de l’esprit, de compréhension et d’incompréhension.
    Ne nous bloquons pas sur la guérison de l’aveugle, elle n’est là que comme une illustration. L’aveugle-né, c’est nous, c’est tout être humain, c’est une image de la condition humaine. Comme si nous naissions aveugles, non pas des yeux, mais face à la connaissance et à la compréhension du monde. Et c’est correct, à la naissance, nous ne savons rien, nous avons tout à apprendre.
    Ce n’est la faute de personne, c’est la condition humaine. En cela nous sommes différents des maints animaux qui naissent avec tous leurs comportements déjà programmés. Nous, humains, nous naissons sans programme, sans connaissance, nous naissons pour apprendre, pour découvrir, pour ouvrir des yeux neufs sur le monde. C’est pourquoi Jésus dit de ne pas chercher l’origine, la cause de l’aveuglement de naissance, mais de se tourner vers le but : en vue de quoi notre cerveau est-il ouvert, non programmé ?
    Nous avons donc à apprendre, à ouvrir les yeux pour comprendre le monde, la vie, découvrir le sens de la vie. C’est dans ce contexte que Jésus dit « Je suis la lumière du monde ». Il vient éclairer le monde pour que nous puissions, non seulement le voir, mais le comprendre, en saisir le sens ; en saisir le fonctionnement ; découvrir ce qui a de la valeur et ce qui n’en a pas, pour faire les bons choix.
    Lorsque Jésus dit « Je suis la lumière du monde » il nous dit qu’il nous offre une clé de lecture du monde qui est différente de celle que le monde nous donne de lui-même. C’est ce que nous voyons dans les béatitudes. Les valeurs de Jésus ne sont pas les valeurs du monde. Ces valeurs sont tellement différentes que cela va aboutir à un conflit et que le monde va mettre Jésus en croix, dans l’illusion de détruire les valeurs de Jésus.
    Les valeurs du monde et celles de Jésus sont opposées. Jésus inverse les valeurs du monde. Il affirme que les valeurs du monde conduisent à la mort, alors que les valeurs de Dieu conduisent à la vie. A vous de vous faire une opinion et choisir.
    Quand le monde propose la force et la puissance, Jésus propose la douceur et la tendresse.
    Quand le monde propose l’accumulation des biens, Jésus propose le partage.
    Quand le monde propose la célébrité et l’apparence, Jésus propose la vérité du cœur, l’authenticité.
    Quand le monde propose le profit et le chacun pour soi, Jésus propose la justice et la solidarité.
    Quand le monde propose le succès et la popularité, Jésus propose l’accomplissement et les relations.
    Dans lequel de ces deux mondes souhaitons-nous vivre et élever nos enfants ? Lesquelles de ces valeurs souhaitons-nous cultiver et transmettre à nos enfants ? Jésus nous ouvre à une autre compréhension du monde que celle de la TV et des publicités.
    A suivre Jésus, la vie ne sera pas plus facile, mais elle sera plus vraie, plus profonde, plus authentique, plus en lien avec les autres. Notre porte-monnaie sera moins rempli, mais notre cœur sera plus léger, plus joyeux, plus serein.
    « Je suis la lumière du monde » dit Jésus pour nous ouvrir les yeux sur la réalité que nous propose le monde avec ses illusions de bonheur. Il veut nous aider à connaître le monde, à sortir de notre aveuglement pour que nous puissions faire nos choix de vie d’une manière éclairée : afin que nous puissions choisir la vie, la vraie vie ; afin que nous puissions choisir ce qui va apporter de la vraie profondeur à notre vie et à nos relations. Pour cela il nous donne sa lumière, son éclairage. Il nous donne une nouvelle compréhension du monde et de notre vie.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014

  • Jean 16. L’Ascension : un départ créatif

    Jean 16
    29.5.2014
    L’Ascension : un départ créatif
    Actes 1 : 1-11      Jean 16 : 4-15

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous vivons le jour de l’Ascension, une fête chrétienne suffisamment importante pour qu’elle soit un jour de congé pour tout le monde. Mais en fait, est-ce une fête joyeuse ou un moment triste ? Noël et Pâques sont des fêtes joyeuses, Vendredi-saint est un jour triste, mais l’Ascension ?
    Comment vivons-nous ce jour ? Est-ce jour de séparation et de deuil ou bien est-ce un jour productif, créateur pour notre foi, un jour dont on peut se réjouir ?
    Dans le passage de l’Evangile selon Jean que nous avons entendu, les disciples sont tristes. Ce passage se trouve dans les discours d’adieu que Jésus prononce pour préparer ses disciples à son départ, son Ascension.
    Il faut réaliser ici qu’il y a une grande différence entre les évangiles synoptiques et l’Evangile selon Jean, à propos de l’Ascension. Nous vivons selon le calendrier mis en place par l’Evangile selon Luc. Il définit des temps entre les fêtes. Entre Pâques et l’Ascension, 40 jours pendant lesquels Jésus apparaît à ses disciples et continue à les enseigner. Puis il disparaît en « montant au ciel ». Et encore 10 jours jusqu’à la Pentecôte où les disciples reçoivent l’Esprit saint. Ce calendrier est propre à Luc et aux Actes des Apôtres.
    Dans l’Evangile selon Jean, l’Ascension, le départ de Jésus est simultané avec son élévation sur la croix. Il y a bien des apparitions aux disciples, à commencer par l’apparition à Marie-Madeleine, mais ce ne sont que de brèves incursions du Ressuscité dans la vie des disciples, ce n’est pas un séjour de Jésus parmi les siens.
    Ainsi, les discours d’adieu de Jésus à ses disciples dans l’Evangile selon Jean peuvent-ils être lus comme parlant en même temps du temps de la croix et du temps de l’Ascension. Je pense que cette chronologie est plus vraisemblable que celle de Luc. En effet, où peut-on lire — dans les évangiles — les enseignements de Jésus pendant les 40 jours qu’il passe avec les Onze ? Il est impossible que ces 40 jours n’aient pas laissé de traces dans les évangiles ! Donc Jean est plus proche de la réalité. Les discours d’adieu de Jésus nous donnent donc une meilleure compréhension de l’Ascension, du départ de Jésus.
    Que nous disent-ils ? D’abord que les disciples sont tristes. Ils n’arrivent pas à envisager de perdre Jésus, ni qu’ils puissent vivre sans lui. C’est pourquoi Jésus les enseigne et leur annonce la venue de ce que Jean appelle le Paraclet, qui est le saint Esprit. Jésus doit transformer la vision de son départ ; aussi leur dit-il : « Il est préférable, avantageux pour vous que je parte. Je vous enverrai le saint Esprit. » (Jn 16:7).
    L’absence de Jésus ne sera pas un abandon, mais la transformation du mode de sa présence. C’est le saint Esprit qui assurera la présence de Jésus auprès de ses disciples. Jean définit deux rôles du saint Esprit, un rôle face au monde et un rôle face à la communauté de l’Eglise.
    A. Le rôle face au monde est de le convaincre que le monde s’est trompé, trompé de cible. Les évangiles nous montrent le procès contre Jésus. Là, c’est le monde qui tient le rôle de l’accusateur et c’est Jésus qui est en procès. A ce niveau, c’est le monde qui l’emporte : Jésus est un pécheur condamné, justice est faite, le monde a condamné Jésus, ce jugement est la victoire du monde.
    Mais ce que Jésus annonce, c’est que le saint Esprit va rétablir, retourner les choses dans l’esprit des disciples. D’accusateur, le monde devient l’accusé. Et le verdict est : « Ce n’est pas Jésus qui est pécheur, mais le monde ; ce n’est pas Jésus qui est injuste [devant Dieu], mais le monde ; finalement ce n’est pas Jésus qui est condamné, mais le monde devenu esclave de la puissance du mal. »*
    L’Esprit saint, le Paraclet, vient rétablir la juste position du monde face à Jésus, il vient rétablir la justice, à la façon des prophètes de l’Ancien Testament, pensez à Nathan face à David à propos de Bethsabée (2 Samuel 12).
    B. Le deuxième rôle de l’Esprit saint est interne à la communauté, à l’Eglise. Le saint Esprit a pour rôle de communiquer les paroles de Jésus aux disciples. Le passage scande les termes : il vous le communiquera ou annoncera. Le saint Esprit est un transmetteur, ou dans un autre passage, celui qui fait se souvenir, se rappeler les paroles de Jésus (Jn 14:26). C’est lui qui nous relie à la source, à l’émetteur. Avec lui nous avons accès à la parole de Jésus.
    Mais il est encore dit qu’il sera notre guide (Jn 16:13). L’Esprit saint ne donne pas de nouveaux contenus, de nouvelles paroles, de nouveaux enseignements. Non, il est là pour permettre la juste compréhension de la parole de Jésus. Pour permettre l’approfondissement de cette compréhension.
    L’Esprit saint enseigne Jésus et seulement Jésus-Christ. Il dévoile l’absent, il le rend présent, aujourd’hui. Il y a une continuité entre l’Esprit saint et Jésus, comme une cascade : Dieu envoie Jésus comme Ambassadeur et maintenant, Jésus envoie l’Esprit saint comme nouvel Ambassadeur, pour porter cette même parole qui vient du Père.
    L’unité du Père avec Jésus est soulignée. Il y a unité de message, mais changement de transmetteur en fonction du temps vécu. La présence de Jésus était temporaire, en tant que Parole incarnée, vivant sur terre, dans un temps précis, dans un lieu précis. Vient maintenant le temps universel et l’ubiquité. Cette Parole de Jésus doit être entendue partout et dans tous les temps. « Le lecteur est invité à un renversement du regard : aborder le temps qui s’ouvre devant lui comme un temps habité par le Christ, par sa parole, par sa promesse. »** Et c’est l’œuvre du saint Esprit après le départ de Jésus.
    Le départ de Jésus n’est pas une fin, ni une impasse. Au contraire, c’est un commencement, c’est une ouverture. Et l’histoire l’a montré, l’évangile s’est répandu à une vitesse inimaginable dans tout l’Empire romain et au-delà.
    C’est pourquoi on peut parler de l’Ascension comme d’un départ créatif et donc d’une journée joyeuse. Il y a un gain qualitatif pourrait-on dire avec le départ du Jésus terrestre qui passe le relais à l’Esprit saint.
    Il n’est plus nécessaire d’être dans un lieu précis, à un moment de rendez-vous donné pour trouver Jésus. Il est maintenant accessible partout et en tout temps. C’est une nouvelle forme de présence que personne ne peut nous retirer, de laquelle personne ne peut nous éloigner. Jésus est parti, il est maintenant présent partout, il est là, auprès de nous, maintenant.
    Amen

    * Jean Zumstein, L’Evangile selon saint Jean (13—21), Commentaire du Nouveau Testament, Genève, Labor et Fides, 2007, p, 133
    ** idem p. 141
    © Jean-Marie Thévoz, 2014

  • Jean 20. Les Experts analysent le tombeau vide.

    Jean 20
    11.5.2014
    Les Experts analysent le tombeau vide.

    Jean 16 : 16-22       Jean 20 : 1-10


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    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,
    En voilà une drôle d’histoire que cette découverte du tombeau vide. Que s’est-il donc passé ce dimanche matin-là ? Qu’ont vu ces trois personnes, Marie-Madeleine, Pierre et le disciple que Jésus aimait, que la tradition a appelé Jean ?
    Pour comprendre ce qui se joue là, dans ce récit, nous allons avoir recours, ce matin, aux Experts. Nous allons nous plonger dans quelques séries télé pour saisir ce qui est en jeu et voir plus clairement ce qui se passe et comment chacun des personnages réagit.
    Qui a déjà vu au moins un épisode des Experts ? Peu importe que ce soit les Experts à New York, à Miami, à Las Vegas ou à Los Angeles, nous allons nous mettre dans la peau des Experts pour enquêter, car il y a bien scène de crime et pour corser l’affaire, le corps a disparu !
    L’énigme ne porte évidemment pas sur qui a tué Jésus, mais sur la disparition de son corps. Que s’est-il passé et qu’est-ce que cela signifie ? Reprenons les éléments du texte, les uns après les autres.
    Une personne découvre la disparition du corps, c’est Marie-Madeleine. Elle a juste jeté un coup d’œil dans le tombeau et constaté que le corps de Jésus a disparu. Toute de suite, elle pense que le corps a été emporté, qu’il a été volé. C’est ce qu’elle va déclarer lorsqu’elle va alerter les autres disciples.
    Pierre et Jean accourent, ce sont eux qui vont mener l’enquête. C’est l’équipe dépêchée sur place. Pierre est le chef, Jean son adjoint. Ils courent tous les deux. Jean est plus rapide, peut-être est-il plus jeune. Il jette un coup d’œil à l’intérieur et voit des bandelettes de tissu. Il n’entre pas, il ne faut pas brouiller les indices, le chef a préséance, c’est lui qui doit entrer le premier.
    Pierre entre et relève les indices. Il y a des bandelettes, et le linge qui recouvrait la tête de Jésus. Il est bien proprement roulé et rangé d’un coté, à part. Les bandelettes sont de l’autre côté. Il n’y a pas de désordre, pas de traces de lutte, pas de trace d’empressement. Ce n’est pas un vol. Personne ne déshabillerait un cadavre pour l’emmener. Pierre est perplexe : il voit les indices, mais il n’arrive pas à tirer de conclusion.
    Marie-Madeleine avait couru vers eux en leur disant que le corps avait été volé. Mais elle n’était pas entrée dans le tombeau, elle n’avait pas vu les indices que voient Pierre et Jean. Elle a tiré des conclusions hâtives. La pierre était roulée, le tombeau ouvert, le corps absent. Elle en a déduit trop vite, mais tellement logiquement, que le corps avait été volé. La première intuition était logique, mais, à l’examen, elle se révèle invraisemblable. Que s’est-il donc passé ?
    On imagine Pierre se tourner vers Jean et lui demander : qu’est-ce que tu en penses ? Et Jean de répondre : Je vois la même chose que toi, mais je crois savoir ce qui s’est passé. J’ai ma conviction, mais pas de preuve encore ! Oui, le récit nous dit exactement cela : « Jean étant arrivé, entra dans le tombeau : il vit et il crut » (Jn 20:8) c’est-à-dire qu’il voit et il se fait sa propre conviction.
    Trois personnages et trois attitudes différentes face au mystère. Marie-Madeleine se lance immédiatement dans des conclusions logiques, mais qui ne tiennent pas compte de tous les faits. Pierre examine tout soigneusement, mais il n’a pas de solution à offrir. Jean examine et arrive à une conclusion, une conviction.
    Qu’a-t-il de plus que les autres ? On a l’impression de se trouver dans la série « Unforgettable » avec Carrie Wells, cette inspectrice qui a une mémoire infaillible, ou dans « The Mentalist » avec Patrick Jane ; ces personnages ont des facultés de plus que nous pour percevoir la réalité qu’il y a derrière le mystère.
    Qu’est-ce que Jean a de plus que les autres ? En fait, rien de plus que vous ou moi. Il utilise simplement ses capacités à faire des liens, ou à se souvenir. Il met ensemble des faits, des événements, des paroles et cet ensemble prend sens.
    Jean connaissait la victime. Il a passé trois ans avec Jésus. Pour résoudre l’énigme du tombeau vide, il rassemble ses souvenirs, il se rappelle les paroles de Jésus, comment il a annoncé lui-même qu’il y aurait séparation, mais qu’ils se reverraient : « Dans peu de temps, vous ne me verrez plus, puis peu de temps après, vous me reverrez » (Jn 16:16). Alors, Jean fait le lien.
    Dès ce moment, il croit, il est persuadé que Jésus est vivant et qu’il le reverra. Jean croit Jésus. Jean croit les paroles que Jésus a dites, aussi a-t-il, dans le tombeau, cette conviction qu’il verra Jésus vivant. C’est ce qu’il peut dire à Pierre, sans en apporter de preuve, c’est sa conviction. Une conviction qui repose sur la confiance dans les paroles que Jésus leur a dites.
    La foi ne naît pas de rien. Elle naît des liens qu’on tisse entre notre vie et les récits qu’on nous raconte, qu’on nous transmet. Nos enfants auront foi en nous si ce qu’ils éprouvent dans leur vie est en lien avec ce que nous leur racontons comme parents.
    Notre vie prend sens lorsque des liens se font entre les différentes parties de notre vie, lorsque nous comprenons comment s’enchainent, se lient les différents épisodes de notre vie. Quand nous pouvons nous dire : Mais c’est bien sûr… ; je vois maintenant, je comprends…
    Face aux évènements de notre vie, nous pouvons être comme Marie-Madeleine et tirer des conclusions hâtives (et fausses), la plus fréquente étant « tout est de ma faute ! » ou à l’inverse « tout est de la faute des autres ».
    Nous pouvons être comme Pierre, qui voit tous les indices, mais qui n’arrive pas à y voir de liens, qui ne trouve pas de sens.
    Et puis, nous pouvons être comme Jean, qui cherche des liens, qui cherche le sens, qui se souvient des paroles échangées, qui cherche dans les Ecritures, dans la Bible des récits significatifs qui peuvent éclairer la situation qu’il traverse. 
    C’est à ça que servent, dans l’éducation des enfants, l’Eveil à la foi, le Culte de l’enfance et le catéchisme. Donner un bagage de récits dans lesquels l’enfant pourra reconnaître l’une ou l’autre des situations qu’il traverse, faire un lien, trouver du sens et forger sa propre conviction.
    C’est ce que chacun d’entre nous peut faire en relisant, en parallèle, sa vie et les récits bibliques, qui ont accumulés au cours des siècles une grande sagesse.
    La vie est comme un roman policier, dont nous sommes les Experts, à nous de récolter les indices, de trouver les liens et d’aboutir à une conviction.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014

  • Jean 20. Notre mission : apporter un message de paix et de pardon

    Jean 20
    4.5.2014
    Notre mission : apporter un message de paix et de pardon
    Genèse 2 : 4-8       Jean 14 : 18-26        Jean 20 : 19-23

    Téléchargez ici la prédication : P-2014-05-04.pdf


    Culte d’installation du Conseil paroissial


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous avons quand même de la chance ! Non, mais, vous avez entendu ce que dit Jésus à ses disciples ? Il leur parle de paix et de pardon. La paix et le pardon, voilà de quoi les disciples sont porteurs. Un message de paix et un message de pardon, c’est ce que Jésus envoie les disciples annoncer au monde. C’est ce dont nous sommes porteurs aujourd’hui encore, 2'000 ans après ce premier envoi.
    Mais reprenons le récit dans le détail. Nous sommes le premier jour de la semaine, le dimanche de Pâques. Les disciples sont réunis, mais ils se sont enfermés, ils ont peur après ce qui est arrivé à Jésus. Est-ce que ce sera leur tour d’être arrêtés ? Si ce n’est pas le cas, ont-ils perdu leur temps auprès de Jésus ? Comment retourner chez eux en Galilée après un tel échec ? Comment vivre cette honte ? S’être trompé à ce point ! Voilà l’état d’esprit des disciples.
    Ils se sentent orphelins, abandonnés, sans repères. Dans leur désarroi, ils ont oublié les paroles de Jésus, ces paroles des « discours d’adieu » de Jésus qui voulait les préparer au grand choc. « Je ne vous laisserai pas orphelins, je viens à vous » (Jn 14:18). Les disciples sont enfermés dans leurs pensées noires autant que dans cette chambre haute.
    Et pourtant, justement, Jésus vient et il se tient là, au milieu d’eux, alors qu’ils ne l’attendent pas. Et les premiers mots que Jésus prononce, c’est « la paix à vous » « shalom aleikhem » (Jn 20:19). Soyez apaisés, n’ayez pas peur !
    Jésus vient se révéler aux disciples, aux croyants, comme celui qui vient apporter la paix, l’apaisement des peurs, de l’angoisse, des soucis. Et il leur montre ses mains, son côté percé par la lance du soldat. Il est bien le crucifié qui est vivant.
    Il est vivant, mais pas simplement réanimé. Il n’a pas échappé à la mort, il l’a traversée, il est monté vers le Père et se tient au milieu d’eux dans sa nouvelle vie pour leur apporter sa paix. A la transformation de Jésus en Christ vivant correspond la transformation de la peur des disciples en joie. Les promesses de Jésus s’accomplissent : il y a une vraie vie. Jésus revient se manifester aux disciples, rien n’est fini, tout commence, à neuf.
    Là, le récit quitte le dévoilement de l’apparition pour un temps d’enseignement, qui s’ouvre à nouveau sur le souhait de paix. « La répétition du souhait de paix dit l’essence du nouveau temps. »* C’est un temps de Shalom qui s’ouvre, le temps de la paix entre Dieu et l’humanité, le temps de la réconciliation et de la cohabitation (Jn 14:23).
    Un temps marqué par de nouveaux rôles : jusqu’à Pâques, Jésus était l’Envoyé de Dieu dans le monde, il était l’ambassadeur qui transmettait la parole de Dieu au monde et aux disciples. Depuis Pâques, le rôle de Jésus est transmis aux disciples. « Comme mon Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. » (v.21). Est-ce qu’on réalise bien ici la transmission du flambeau, la passage du témoin de Jésus à nous ? Il était l’Envoyé de Dieu et il nous passe la main. Nous sommes maintenant les envoyés de Dieu.
    Pour accomplir cela, Jésus souffle sur ses disciples et leur donne l’Esprit saint. Jésus insuffle l’Esprit aux croyants (v.22). Ce mot « insuffle » est le même que celui du récit de la Genèse où Dieu insuffle l’haleine de vie au premier humain (Gn 2:7). L’évangéliste Jean établit clairement ici un parallèle entre le don de la vie humaine lors de la création et le don de l’Esprit saint par Jésus, ici à Pâques. Il est vraiment question d’une nouvelle création, ou de la création d’une nouvelle vie, d’une vie nouvelle.
    La première création était marquée par la sortie du jardin d’Eden et par la malédiction de l’être humain. Ici, il est question de la seconde création où l’être humain est destiné à la paix, à l’apaisement de ses tourments et de ses angoisses. La malédiction est levée. Jésus est venu apporter la réconciliation avec Dieu, le pardon. Ici le péché originel est remplacé par le pardon originel, celui que Dieu a toujours voulu faire triompher.
    « Recevez le saint Esprit ! Ceux à qui vous pardonnerez leurs péchés obtiendront le pardon ; ceux à qui vous refuserez le pardon ne l’obtiendront pas. » (v.23) Cette phrase est difficile. Elle n’est pas à comprendre dans le registre de la morale : « si je ne lui pardonne pas, il ne sera jamais en paix » non. Ici, il s’agit de l’annonce du pardon de la part de Dieu, de l’annonce que Dieu se réconcilie avec tous les humains, que sa porte est ouverte.
    Donc on peut reformuler la phrase ainsi : « Tous ceux à qui vous annoncerez le pardon divin, ils pourront l’obtenir, en profiter. Mais, tous ceux à qui vous ne l’annoncerez pas, ils ne pourront pas en profiter ; ils ne pourront pas en vivre, s’ils restent dans l’ignorance. »
    Nous avons de la chance, nous avons un beau message — de paix et de pardon — à transmettre. Mais nous avons aussi une grande responsabilité : faire entendre ce message pour que le plus grand nombre puisse choisir d’en profiter et d’en vivre. C’est notre responsabilité de croyant, c’est notre responsabilité d’Eglise.
    Aujourd’hui, une poignée d’hommes et de femmes dans notre paroisse est installée dans une fonction de conseiller(e) de paroisse. Comme conseiller(e) vous aurez des tâches pratiques et souvent terre à terre à effectuer pour diriger cette paroisse. L’important est de ne pas perdre de vue l’essentiel, la mission de l’Eglise que Jésus nous a donnée — à tous — d’apporter la paix dans les lieux où nous vivons et d’annoncer que le ciel a fait la paix avec la terre, que le pardon l’emporte toujours sur toutes les fautes et les désaccords. Dieu en a décidé ainsi et nous a envoyé Jésus pour nous le manifester.
    Paroissiens et paroissiennes, soutenez et encouragez ce Conseil, accompagnez-le dans cette mission qui est la mission de toute l’Eglise : faire la paix et annoncer le pardon de Dieu.
    Amen

    * Jean Zumstein, L’Evangile selon saint Jean (13—21), Commentaire du Nouveau Testament, Genève, Labor et Fides, 2007, p.285.


    © Jean-Marie Thévoz, 2014

  • Jean 20. Naissance de la foi pascale.

    Jean 20
    27.4.2014
    Naissance de la foi pascale.
    Exode 25 : 10-22      Jean 20 : 11-18

    Téléchargez la prédication ici :


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Au matin de Pâques, tout n’a pas été subitement transformé. Les disciples n’ont pas été brusquement illuminés. Il ne suffit pas de lire une affiche bleue à écriture jaune disant « Christ est ressuscité » pour devenir croyant.
    Dans le passage de l’Evangile selon Jean que nous avons entendu ce matin, l’évangéliste nous montre — en détail — le cheminement de Marie-Madeleine, d’un profond chagrin à une confession de foi auprès des autres disciples. Le récit met en scène la naissance de la foi pascale.
    Tout commence par le désarroi et le chagrin. Personne n’est venu au tombeau avec une espérance de résurrection. C’est la peine, le chagrin qui domine, avec l’incompréhension, l’incrédulité : comment est-ce possible que cela se soit passé ainsi !
    Et Marie-Madeleine est là, à l’extérieur du tombeau, en pleurs. La première démarche de Marie-Madeleine est de passer de l’extérieur à l’intérieur du tombeau. Elle affronte sa peine. Elle affronte la réalité, elle veut voir le corps mort de son maître.
    A la place, elle voit deux anges, assis l’un à la tête, l’autre aux pieds du lieu où était déposé le corps de Jésus. Les anges ne lui révèlent rien, mais la renvoie à son chagrin et à sa recherche.
    Les anges ne révèlent rien à Marie-Madeleine, mais parlent, indirectement, aux lecteurs que nous sommes. Que vous rappelent deux anges ou chérubins, se faisant face, à l’extrémité d’une banquette ou d’un coffre ? Cela me fait penser au couvercle de l’arche de l’alliance, dont il est dit que « l’Eternel résidait entre les deux chérubins » (Ex 25:22 et 2 Sam. 6:2). Cet espace entre les deux chérubins est le lieu vide d’où parle l’Eternel aux Israélites. Le lieu vide fait aussi penser au Saint des Saints dans le Temple de Jérusalem, chambre vide où se tient la mystérieuse présence de Dieu.
    L’arche de l’alliance, le Saint des Saints, le tombeau vide sont des espaces vides qui signalent quelque chose de la présence de Dieu. Une façon de renvoyer à un ailleurs, parce que Dieu ne peut être contenu dans aucun espace.
    Ce signe est une invitation — souligné par la question « Pourquoi pleures-tu ? » (v.13) — à chercher ailleurs que dans le vide — de l’arche, du Temple, du tombeau — celui qui remplit le cœur de Marie-Madeleine.
    Elle comprend le message puisqu’elle se « retourne en arrière » (v.14) pour regarder hors du tombeau. C’est là qu’elle voit un homme qu’elle prend pour le jardinier, mais que le récit nous présente comme Jésus ressuscité. Une façon de dire la transformation qu’imprime la résurrection sur Jésus. C’est lui, mais il est Tout-Autre. Marie-Madeleine est toujours dans sa recherche et son désir de retrouver et de reprendre le corps de son maître. Elle est dans sa recherche terrestre Elle a encore une étape à franchir : reconnaître Jésus.
    On s’attendrait ici à ce que Jésus s’identifie, lui dise : «  c’est moi, je suis Jésus… » On s’attendrait à ce qu’il se révèle comme étant en même temps le crucifié et le ressuscité, comme il le fera plus tard avec Thomas (v.27). Non, ce n’est pas ce qui se passe. Ce n’est pas par une information, ou un enseignement, que Jésus va faire naître la foi pascale, c’est par un autre chemin.
    Jésus fait le chemin inverse, c’est lui qui nomme Marie. (Comme vous le savez, le nom de quelqu’un, dans la pensée hébraïque, c’est toute la personne, comme un totem chez les indiens.)
    En prononçant son nom, Jésus dit à Marie-Madeleine, qu’il la connaît toute entière, qu’il la comprend dans toutes ses dimensions, qu’il l’accueille dans tout son être. Cette compréhension des personnes que Jésus rencontre est fréquemment soulignée dans l’Evangile selon Jean. On le voit dans le récit de la Samaritaine où Jésus savait tout de sa vie privée (Jn 4), dans le récit de l’homme guéri à la piscine de Bethzatha (Jn 5) ou des adversaires de Jésus dont il connaît le cœur et les pensées (Jn 2:24).
    Ici, c’est à Marie-Madeleine que Jésus dit qu’il la connaît entièrement. Et c’est cette connaissance profonde et accueillante qui déclenche la reconnaissance. A ce moment-là, Marie-Madeleine reconnaît le Christ en face d’elle.
    Etre connu, être aimé, se sentir accueilli et accepté est la source de la foi pascale. « La foi, c’est accepter d’être accepté »* disait le grand théologien américain Paul Tillich.
    Ce prénom prononcé par Jésus fait que Marie-Madeleine se retourne à nouveau (v.16), mais cette fois dans le sens spirituel. C’est sa conversion. C’est son passage de la tristesse à la foi, du désarroi à la confiance. Elle a retrouvé son maître, celui qu’elle cherchait.
    Elle a encore une étape à franchir, c’est de laisser aller, d’abandonner sa recherche du corps de Jésus, car celui-ci a véritablement disparu. Elle doit laisser aller le Jésus terrestre pour s’attacher au Christ vivant. Et cette relation ne passe pas par le toucher, mais passe par la parole, une parole d’alliance : « mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu » (v.17). Des paroles d’alliance qu’Abraham avait déjà reçues « Je maintiendrai mon alliance avec toi et tes descendants, ainsi je serai ton Dieu. » (Gn 17:7).
    Une nouvelle alliance se noue ici et Marie-Madeleine est chargée d’aller l’annoncer aux disciples. Une alliance qui instaure de nouvelles relations : les disciples deviennent des frères de Jésus (v.17), le Dieu de Jésus devient le Dieu des disciples. Une nouvelle fraternité est instaurée par le Christ ressuscité, une fraternité qui devient le signe de reconnaissance de l’Eglise.
    Et Marie-Madeleine — forte d’avoir été comprise et acceptée par Jésus — s’en va vers les autres disciples leur apporter la bonne nouvelle de Pâques : « J’ai vu le Seigneur » (v.18). Marie-Madeleine devient ainsi le premier apôtre à avoir vu Jésus ressuscité et à apporter la nouvelle aux autres disciples.
    Le Christ lui a donné la foi en lui révélant combien il la connaît bien et combien elle est aimée. Remplie de cette merveilleuse découverte et de cette confiance, elle est transformée. Elle a la force d’accomplir sa mission. Elle est débordante de joie et court annoncer la bonne nouvelle aux disciples, comme la Samaritaine était retournée dans son village pour annoncer ce que Jésus lui avait fait découvrir.
    Le Christ nous connaît. Si nous nous ouvrons à lui, si nous le laissons regarder en nous et prononcer notre nom, nous pouvons faire la même découverte que Marie-Madeleine. Etre transformés par la Parole du Ressuscité.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014

  • Jean 12. « Marie l'a cru avant nous tous »

    Jean 12
    10.3.2002
    « Marie l'a cru avant nous tous »
    Romains 5 : 6-11     Jean 12 : 1-8

    Télécharger ici la narration biblique : P-2002-03-10.pdf

    Un serviteur avec son balai. Il balaye un peu et hume l'air.

    « L'odeur n'a jamais disparu...
    Cela fait pourtant des années...
    Combien de temps cela fait-il ?
    J'étais déjà au service de Madame Marthe depuis un an lorsque c'est arrivé. Cela doit bien faire quinze ans maintenant. Mais je m'en souviens comme si c'était hier.
    Oui, chaque fois que je reviens dans cette pièce je sens l'odeur de ce parfum et tout me revient, aussi nettement que si c'était hier.

    Ce soir-là, j'étais de service (comme tous les soirs d'ailleurs. On n'avait pas de congé à cette époque !) Je supervisais le travail des servantes, sous la direction de Madame Marthe, car il y avait du monde à servir ce soir-là. Poser le balai.
    Marthe et Marie recevaient beaucoup. Elles menaient grand train de vie avec leur frère Lazare.
    Ce soir-là, elles recevaient l'homme qui avait sorti leur frère Lazare de sa tombe. Une bien étrange histoire ! C'était Jésus, celui de Nazareth. Ce soir-là, il était revenu à Béthanie, avant de se remettre en route vers Jérusalem.
    C'était juste six jours avant la Pâque, et personne ne se doutait de ce qui allait se passer. Personne... sauf peut-être Marie, qui avait comme un sixième sens avec Jésus.
    Il faut dire qu'elle l'avait tant écouté, elle pouvait passer des heures assise à ses pieds à l'écouter (même que cela énervait sa soeur !). Elle enregistrait toutes les paroles de Jésus. Elle l'avait pris pour maître de pensée, elle était pendue à ses lèvres.

    Alors ce soir-là, il y avait beaucoup de monde autour de la table. Il y avait Jésus, avec ses douze compagnons, et puis il y avait Marthe et Marie et Lazare qui mangeait tout près de Jésus.
    Mais ce n'était pas un repas ordinaire, on sentait une tension dans l'air, c'était palpable, c'était pesant comme si un orage était sur le point d'éclater.
    La discussion était très vive entre les disciples, car Jésus venait d'annoncer qu'il allait monter à Jérusalem pour la fête de la Pâque.
    Or chacun savait que les chefs des prêtres et les Pharisiens voulaient arrêter Jésus. Ils avaient déjà voulu arrêter Lazare à cause du tumulte que faisaient tous ceux qui voulaient voir "l'homme qui était sorti de sa tombe après quatre jour" !
    Dans la discussion j'entendais Jacques, le frère de Jésus, demander : "Pourquoi aller se jeter dans la gueule du loup ? Revenons l'an prochain à Jérusalem quand tout sera calmé"
    Mais Pierre répliquait : "Je ne laisserai pas Jésus être arrêté. J'ai quelques relations à Jérusalem, ou bien je me battrai et je défendrai mon maître !

    Jésus se tenait silencieux pendant cette discussion.

    Alors Judas pris la parole pour dire que, justement, il fallait que Jésus entre à Jérusalem. Son entrée serait un triomphe. Il voyait déjà la foule couper des rameaux aux arbres et les poser par terre pour faire un chemin, les autres étaler leurs manteaux comme un tapis rouge sous les pas de Jésus. Pour sûr, on pourrait même lui trouver un âne pour faire son entrée triomphale à Jérusalem, comme un vrai prophète.
    Une fois dans la ville, Judas se faisait fort de recruter une troupe d'hommes de main pour écraser la petite garnison de Ponce Pilate et prendre le pouvoir. Ce serait l'occasion de se débarrasser une fois pour toute des romains.
    Judas en rajoutait : "Je tiens la caisse, on a de l'argent pour recruter, et puis voyez ... — il montra un vase contenant un parfum précieux qui était posé dans le renfoncement de la fenêtre, le parfum qui avait été acheté après la mort de Lazare et qui devait servir à embaumer son corps, mais dont on ne s'était pas servi puisque Jésus l'avait sorti de sa tombe — ... voyez, ce parfum, on pourrait le vendre et cela nous procurerait encore 300 pièces d'argent avec lesquelles on pourrait recruter une bonne troupe de pauvres bougres qui se battraient pour nous."
    Judas s'était emporté, certains disciples criaient pour soutenir sa proposition, d'autres s'y opposaient, c'était un vrai tumulte, on ne s'entendait plus dans cette salle.

    Depuis où j'étais, je voyais que Marie aurait voulu dire quelque chose, mais comment un femme pourrait-elle se faire entendre dans un tel brouhaha ?
    (lentement) Alors, j'ai vu Marie s'approcher de la fenêtre, prendre le vase de parfum, s'approcher de Jésus, s'agenouiller devant lui et verser tout le parfum sur ses pieds.
    Personne n'avait remarqué les gestes de Marie, à part Jésus et moi. Mais l'odeur du parfum s'est répandu dans la pièce. Cela sentait tellement bon et tellement fort que le brouhaha s'est évanoui d'un coup et le silence s'est installé.

    Un silence que seul habitait encore le bruissement des cheveux de Marie sur les pieds de Jésus. Puis, comme elle relevait son visage, le silence fut rempli du regard que s'échangeaient Jésus et Marie. Le silence était complet, mais il était habité par ce regard et par cette odeur...

    C'est alors que j'ai compris ce que Marie devait avoir compris longtemps avant moi et que Jésus approuvait. J'ai compris quel devait être le destin de Jésus. Dans ce parfum, il y avait toute l'histoire que Jésus allait vivre dans les jours suivants.
    Ce parfum disait tout.
    Il disait la mort prochaine de Jésus.
    Il disait que Jésus acceptait cette mort. Jésus n'allait-il pas prendre la place de Lazare dans la tombe, puisqu'il recevait le parfum qui lui était destiné ?
    Jésus n'allait-il pas prendre la place de chacun de nous, dans la tombe qui nous était destinée, pour que nous vivions ?
    Ce parfum nous disait donc sa mort, une mort annoncée, une mort acceptée.

    Mais ce parfum répandu en ce jour, ce parfum — qui s'était écoulé sur les pieds de Jésus et répandu sur le sol de cette pièce qu'il embaume encore aujourd'hui — ce parfum ne pourrait plus servir pour prendre soin du corps de Jésus dans sa tombe !
    Qui l'a réalisé sur le moment même ?
    Marie sûrement, Marthe aussi. N'avait-elle pas entendu Jésus lui dire : "Je suis la résurrection et la vie" lorsqu'ils se trouvaient ensemble devant le tombeau de Lazare ?
    Le parfum, dans ce moment de silence intense, disait tout, la mort et la résurrection. Et Jésus l'acceptait. Et Jésus était reconnaissant envers Marie d'avoir fait cesser le tumulte de ses disciples qui essayaient de le détourner de son destin.
    Qui comprenait mieux Jésus que les femmes qui l'accompagnaient ?

    Voilà, chaque fois que j'entre dans cette pièce, l'odeur de ce parfum me rappelle tout cela.
    Le parfum avait dit vrai, Jésus est mort, mais Dieu l'a ressuscité des morts, la tombe ne l'a pas retenu.
    Jésus a donné sa vie pour nous, la mort ne peut retenir personne dans la tombe, et Marie l'a cru avant nous tous.

    © Jean-Marie Thévoz, 2014

  • Jean 19. L’heure de la naissance de l’Eglise est l’heure de la croix

    Jean 19
    18.4.2014
    L’heure de la naissance de l’Eglise est l’heure de la croix

    Jean 19 : 16-22     Jean 19 : 23-30
    Téléchargez la prédication ici : P-2014-0418.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous avons entendu le récit de la crucifixion, de la mort de Jésus dans l’Evangile selon Jean. Nous entendons souvent ces récits des évangiles, tirés tantôt d’un Evangile, tantôt d’un autre et pour nous ils racontent tous la même histoire. Oui, ils nous racontent la même histoire, le même événement, mais pas de la même façon. Pas avec la même interprétation, mais c’est plus difficile à percevoir.
    Je vais essayer de mettre en relief ce qui est propre à l’Evangile selon Jean, ce qui le différencie des évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc). Les différences ne se trouvent pas dans les événements relatés, mais dans la position de Jésus, dans son statut, dans son attitude.
    Matthieu et Marc nous présentent Jésus comme la victime dans son procès. Il subit son arrestation, son procès, sa mort. C’est une victime qui se croit abandonnée de Dieu, d’où cette parole sur la croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ! » Ps 22:2 (dans Mt 27:46 et Mc 15:34).
    Pour Luc, Jésus est la figure du juste injustement persécuté et condamné. Il traverse cette injustice avec confiance, assurant le « bon larron » de le rejoindre au paradis (Lc 23:43).
    Comment Jean nous présente-t-il Jésus dans sa Passion ? Eh bien, Jésus porte lui-même sa croix, pas besoin de l’aide de Simon de Cyrène. Il est désigné par Pilate comme « le roi des juifs ». Il parle à sa mère et au disciple bien-aimé, pour leur dicter sa volonté. Il sait que tout est achevé et il demande à boire. Il affirme la fin de sa mission, de son mandat par une dernière parole et il remet son esprit, comme dernier acte de souveraineté.
    On voit donc que Jean nous présente à nouveau Jésus comme souverain, comme acteur de sa vie et de sa mort, comme celui qui sait ce qui lui arrive, qui sait ce qu’il fait et qu’il accomplit en toute conscience.
    Il me fait penser à ces épisodes de films de guerre où, dans une situation critique, un homme reste en arrière pour couvrir sa troupe poursuivie par l’armée ennemie. Cet homme-là va barrer le chemin pour sauver ses camarades, mais on sait comme spectateur, et le soldat le sait lui-même : il va mourir, mais c’est un héros parce qu’il donne sa vie pour sauver ses camarades. Il le fait en toute connaissance de cause, il l’a choisi, il l’a décidé, il sait pourquoi il le fait et il accomplit sa mission. Ce n’est pas une victime, c’est un héros.
    C’est ainsi que Jean nous présente Jésus montant au calvaire et sur la croix, en pleine maîtrise de son destin et de celui de ses disciples. Voyons cela dans le détail. Jésus dit trois paroles sur la croix.
    A. D’abord, les paroles à sa mère et au disciple bien-aimé. « Femme, voici ton fils » et « Voici ta mère » (Jn19:26-27) Concrètement, Jésus présente à sa mère son nouveau tuteur et au disciple bien-aimé il présente la personne dont il devient responsable. A cette époque, les femmes devaient dépendre d’un homme pour ne pas tomber dans la précarité. Mais le souci de l’évangéliste n’est pas la précarité de Marie, mais la succession de Jésus dans l’ordre de la révélation. Le souci de Jésus c’est « qui lui succède pour transmettre la parole du Père ? » Et ici, sur la croix, Jésus offre au disciple bien-aimé sa propre place de fils.
    Il fait du disciple bien-aimé le légataire de ses paroles, de son message. Le disciple bien-aimé devient le messager de Jésus, celui qui peut attester de la véracité de ses paroles, de son héritage théologique, héritage qui se transmet dans l’Evangile selon Jean. En faisant cela, Jésus organise symboliquement son Eglise, il la constitue, il la fonde. Et le lieu de la fondation de l’Eglise, c’est la croix, d’où Jésus prononce ces paroles.
    Ces paroles de Jésus fondent l’Eglise, mais elles la fondent sur le disciple bien-aimé qui devient responsable de Marie, la mère de Jésus, et non sur Marie qui deviendrait responsable des disciples comme le laisse entendre la mariologie catholique romaine. C’est le disciple bien-aimé qui accueille Marie chez lui, non l’inverse.
    Mais l’important ici, c’est que l’heure de la naissance de l’Eglise est l’heure de la croix, croix que Jean nous présente dans tout son Evangile comme l’heure de l’élévation du Fils, l’heure de l’élévation de l’Envoyé.
    B. La deuxième parole que Jésus prononce est «  J’ai soif » (v.28). Là encore, Jésus est acteur. Cette parole attire l’attention des soldats qui en réponse à cet appel trempent une éponge dans leur piquette pour la lui donner. Dans les autres évangiles, ce sont les soldats qui prennent l’initiative. Cette parole peut nous faire penser à la rencontre au puits de Jacob avec la samaritaine, mais elle fait plus certainement référence à la prière de Gethsémané sur la « coupe à boire », c’est-à-dire la mort à affronter.
    D’ailleurs lors de son arrestation, à laquelle Pierre veut s’opposer, Jésus s’exclame : « Crois-tu que je ne boirai pas la coupe que le Père m’a donnée ? » (Jn 18:11). Par cette parole «  J’ai soif » Jésus affirme qu’il assume totalement sa mission, c’est son choix, il en est le maître.
    C. La troisième parole est « Tout est accompli » (v.30) après quoi Jésus, encore souverain, baisse la tête et remet son esprit. Deux choses à remarquer.
    a) « Tout est accompli » il faudrait presque ajouter « ici ». C’est ici, sur la croix que tout s’accomplit. C’est enfin l’heure de l’accomplissement, c’est l’heure où tout se révèle. C’est la « déclaration de l’Envoyé parvenu au terme et au plein accomplissement de son mandat : sa mort est l’achèvement de sa vie. Par elle, elle prend son sens ultime. La croix n’est pas simplement un passage, mais le point culminant de la révélation. »*
    b) Ensuite Jésus remet son esprit. C’est une phrase à double, voir à triple sens. Le sens premier et concret, c’est que Jésus meurt. C’est sûr. Mais ce n’est pas tout. A qui remet-il son esprit ? La première idée, c’est qu’il remet son esprit à Dieu. Et c’est juste. Tout est accomplit et Jésus retourne à Dieu. Mais le texte laisse aussi penser qu’il donne (remettre est un composé du verbe « donner » en grec) son Esprit (avec majuscule) à ses disciples.
    C’est à partir de l’heure de la croix, lieu de l’élévation et de la glorification de Jésus que l’Esprit peut descendre sur les disciples (Jn 7:38-39).
    Par ces trois paroles, on voit comment la mort de Jésus fait naître l’Eglise. Jésus assure la transmission de sa révélation au disciple bien-aimé. Jésus assure que sa mort sur la croix est l’accomplissement de son mandat, de sa mission, la coupe de Dieu. Et Jésus assure — en son absence — sa nouvelle présence par le don de l’Esprit.
    C’est ainsi que l’événement — a priori — dévastateur, destructeur et absurde de la croix, devient un événement victorieux, fondateur d’une nouvelle communauté, fondateur d’un nouveau style de relations humaines, fondateur d’une vie nouvelle, vraie et en plénitude.
    Amen
    * Jean Zumstein, L’Evangile selon saint Jean (13—21), Commentaire du Nouveau Testament, Genève, Labor et Fides, 2007, p.255.
    © Jean-Marie Thévoz, 2014

  • Le Requiem de Fauré entrecoupé de méditations

    Concert au Temple de Bussigny
    18.4.2014
    Le Requiem de Fauré (textes en italique) entrecoupé de méditations
    Pour écouter le Requiem, suivre les indications de temps donné pour chaque pièce.


    Francis Poulenc : Motet pour un temps de pénitence : timor et tremor (1939) : la crainte et l’effroi ont fondu sur moi, les ténèbres m’ont envahi, aie pitié de moi Seigneur… puisque mon âme te fait confiance. Mon Dieu exauce ma prière car tu es mon refuge et mon puissant secours. Je t’ai invoqué, je ne serai pas confondu.

    En ouverture, nous avons entendu chanter ces paroles du psalmiste : « La crainte et l’effroi ont fondu sur moi, les ténèbres m’ont envahi, aie pitié de moi Seigneur… » (Ps 55 :6). Ainsi pourrait aussi s’exprimer Jésus sur la croix. Ainsi s’exprime chaque humain, lorsqu’il est en proie à une détresse extrême.

    Après ce préambule de Poulenc, nous allons écouter le Requiem de Fauré. 
    Un Requiem exprime également l’angoisse devant l’obscurité et la mort. Un Requiem exprime l’angoisse que nos proches disparus souffrent encore et disparaissent à jamais. Un Requiem demande pour eux la paix et un accès au paradis. Un Requiem est une prière à Dieu pour changer la destinée des morts.
    Cela ne convient pas très bien à mon esprit protestant. Il me semble que nous ne pouvons plus rien pour les morts. Par contre, nous avons à nous préoccuper de notre vie et de notre destinée. Je vous invite à écouter cette musique non pas comme un appel pour d’autres, mais pour nous.
    Reconnaissons que nous sommes angoissés par la mort et que c’est nous qui avons besoin d’un apaisement. C’est nous qui avons besoin d’un repos maintenant. C’est nous qui avons besoin d’un répit maintenant. C’est nous qui avons besoin que quelqu’un mette un stop à nos inquiétudes, à nos angoisses. Pour cela nous pouvons prier Dieu avec les chanteurs : « Donne-nous, un répit, Seigneur, et que ta lumière brille à jamais sur nous. Aie pitié de nous, Seigneur. »

    Gabriel Fauré : Requiem, opus 48 (1893)
    00:00 - I. Introït et Kyrie (D minor)

    INTROÏT
    Donne-leur le repos éternel, Seigneur, et que la lumière brille à jamais sur eux .C’est de Sion que notre louange doit s’élever vers toi. 
C’est de Jérusalem qu’il faut offrir nos sacrifices. Exauce ma prière et tout être de chair parviendra jusqu’à toi.

    KYRIE
    Kyrie, eleison Christe, Kyrie eleison.

    Un tissu se déchire, une tasse se casse, la corde s’use, la fatigue s’installe, les mouvements deviennent plus lents, une perle tombe, un être s’en va, c’est la vie…
    Est-ce vraiment la vie ? Celle qu’on souhaite, celle qui nous est destinée ? N’y a-t-il rien n’y personne pour contester ce devenir ? Inch allah ! Il n’y a rien à faire. C’est la vie. Il faut accepter. Une page se tourne.
    N’y a-t-il personne pour se lever et dénoncer cette infortune ? La vie doit-elle être un enfer, devons-nous accepter de nous enliser dans un marécage sans fonds ? N’avons-nous qu’à accepter d’être guettés par la gueule du lion, engloutis par l’abîme, absorbé par la nuit de l’angoisse ?

    Quand le monde s’écroule autour de moi, quand mon patron me renvoie, quand mon meilleur ami me lâche, quand mon conjoint quitte la maison, quand mon plus proche est happé par la mort, vers qui puis-je crier ? Qui répond à mon cri ? Qui soulage mon angoisse ? Qui balaye mes soucis ? Qui va rallume mon espoir ? Qui fera le reste du chemin avec moi ?

    OFFERTOIRE 05:59 - II. Offertoire (B minor)
    Seigneur Jésus Christ, Roi de gloire, délivre les âmes de tous les défunts des peines de l’enfer et des marécages sans fond. / Seigneur Jésus Christ, Roi de gloire, délivre les âmes de tous les défunts de la gueule du lion ; qu’ils ne soient pas engloutis par l’abîme ; qu’ils ne tombent pas dans la nuit.
 Nous t’offrons, Seigneur, ce sacrifice et ces prières. Accepte-les pour ceux dont nous faisons mémoire : fais-les passer, Seigneur, de la mort à la vie, que jadis tu as promise à Abraham et à sa descendance.

    SANCTUS 14:24 - III. Sanctus (E-flat major)
    Saint, Saint, Saint, le Seigneur, Dieu des forces célestes. Le ciel et la terre sont remplis de ta gloire.
 Hosanna au plus haut des cieux. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Hosanna au plus haut des cieux.

    « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. »
    Un humain est venu s’asseoir à côté de moi. Il est resté silencieux. Il a pris le temps. Il a écouté mon souffle. Il a tendu l’oreille. Et il a attendu. Il a attendu jusqu’à ce que je puisse dire ma peine. Dire mon incompréhension. Dire ma révolte. Dire l’injustice du monde. Dire mon angoisse face à l’absurdité du monde, face à la méchanceté des humains et à la cruauté du destin. Il a écouté mon cri et recueilli mes pleurs. Il a entendu ma peur et accueilli mon angoisse. Il a écouté ma tristesse et recueilli mes larmes.

    Il a pris ma main dans la sienne. Elle était douce comme l’agneau. Il n’a rien expliqué, il avait simplement tout compris de ma vie. Il ne m’a pas donné d’interprétations, il a simplement ôté le poids qui écrasait mon dos et desserré l’étau de ma gorge. Il m’a redonné du souffle.
    Il était là, avec ses mains et ses pieds blessés, pour me donner du répit. Pour alléger ma charge. Pour apaiser mon âme. Il est là, pour moi, pour que je vive. « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. »

    PIE JESU  17:30 - IV. Pie Jesu (B-flat major)
    Pieux Jésus, Seigneur, donne-leur le repos. Donne-leur le repos éternel

    AGNUS DEI  21:02 - V. Agnus Dei et Lux Aeterna (F major)
    Agneau de Dieu qui enlève les péchés du
 monde, donne-leur le repos.
Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde, 
donne- leur le repos, le repos éternel.

    Ecce Homo. Voici l’humain. Il s’est donné à l’humanité, pour s’asseoir à mes côtés.
    De quoi ai-je peur ? Qu’ai-je à perdre de me laisser embrasser par lui ?
    Pourquoi ai-je encore peur du jugement, annoncé comme ce « jour redoutable où le ciel et la terre seront ébranlés ; quand tu viendras éprouver le monde par le feu ».  « Voici que je tremble et que j’ai peur devant le jugement qui approche et la colère qui doit venir.
Ce jour là sera jour de colère, jour de calamité et de misère, jour mémorable et très amer. »

    De quoi ai-je peur ? Qu’ai-je à perdre de me laisser embrasser par le tout-humain ? Vais-je longtemps préférer mes angoisses et mes inquiétudes ? Vais-je vaincre tout seul ma peur de disparaître ? Qui me laisse penser que je peux apprendre à nager pour ne pas sombrer dans le néant ? Qui me fait croire que mes achats seront des bouées suffisantes contre le naufrage de la vieillesse ? Est-ce à eux que je veux m’accrocher ? Pourront-ils longtemps m’abuser de leurs illusions ?
    Vers qui me tourner en ce monde ? Qui peut verser un éclairage vrai sur ma vie et mes choix ?  Qui peut me promettre la vie ? Une vraie vie, faite de moments qui ne peuvent ni sombrer ni rouiller ?
    Ecce Homo. Voici l’humain. Il s’est donné à l’humanité, pour s’asseoir à mes côtés. C’est lui mon libérateur, celui qui sauvegarde ma vie à jamais.

    LIBERA ME   26:23 - VI. Libera Me (D minor)
    Délivre-moi, Seigneur, de la mort éternelle, en ce jour redoutable où le ciel et la terre seront ébranlés ; quand tu viendras éprouver le monde par le feu.
 Voici que je tremble et que j’ai peur devant le jugement qui approche et la colère qui doit venir.

    Ce jour là sera jour de colère, jour de calamité et de misère, jour mémorable et très amer.
    Quand tu viendras éprouver le monde par le feu.
 Donne-leur, Seigneur, le repos éternel,
 et que la lumière brille à jamais sur eux.

    La vraie vie n’est pas au bout du chemin, elle est le chemin. Un chemin parcourut par l’humanité. Un chemin parcourut avec celui qui s’est fait tout-humain pour marcher à nos côtés.
    Le vrai compagnon n’est pas au bout du chemin, il est le chemin. Un chemin cahoteux et chaotique, un chemin tantôt formidable, tantôt insoutenable. Mais un chemin qu’on n’est pas obligé de parcourir seul.
    Un homme, un humain nous tend la main pour prendre ce chemin et marcher avec nous. Il connaît le chemin de la vie, il l’a déjà parcouru, il l’a déjà traversé, il a déjà franchi tous les obstacles.
    Il est là pour nous accompagner, pour nous suivre quand nous voulons conduire ; pour nous conduire quand nous voulons le suivre. Il est là ; toujours il est là. Il est Dieu avec nous ; Emmanuel.
    Jusqu’au bout du monde, jusqu’au bout du chemin, jusqu’au bout de la vie, avec lui nous pouvons marcher apaisés et vivants.

    IN PARADISUM 30:57 - VII. In Paradisum (D major)
    Que les anges te conduisent au Paradis ; 
que les saints martyrs t’y accueillent et te guident jusqu’à la sainte cité de Jérusalem.
Que le choeur des anges te reçoive, et qu’avec Lazare, jadis si pauvre, tu connaisses le repos éternel.
    © Jean-Marie Thévoz, 2014 pour les textes de méditation.

  • Jean 13. Le lavement des pieds prépare les disciples au choc de la croix.

    Jean 13
    6.4.2014
    Le lavement des pieds prépare les disciples au choc de la croix.
    Jean 13 : 1-5       Jean 13 : 12-20
    Téléchargez ici la prédication : P-2014-04-06.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    L’Evangile selon Jean est le seul des quatre évangiles à nous raconter cet épisode du lavement des pieds. Jean nous dit que cela se passe juste avant la Pâque, que Jésus soupe avec ses disciples et que Judas se prépare à trahir Jésus. Trois indices suffisants pour comprendre que cet épisode se passe lors du dernier souper que Jésus passe avec ses disciples, le jeudi soir. Ce souper pendant lequel Jésus partage le pain et le vin et donne un nouveau sens à ces gestes. Gestes que nous commémorons, que nous vivons dans la Sainte-Cène.
     Mais l’évangéliste Jean remplace ici l’institution de la Cène par le lavement des pieds comme récit d’entrée dans le temps de la Passion. Voyons ce que l’évangéliste veut nous dire, nous signifier par là. Qu’est-ce que Jésus fait ici ?
    Laver les pieds était un acte relativement courant à l’époque, mais dans des circonstances précises. Lorsqu’un maître de maison lançait une invitation et que ses invités avaient dû marcher quelques kilomètres pour venir dans sa maison, il était « classe » d’avoir un esclave qui lavait les pieds des invités à leur arrivée. C’est un moment de détente offert pour se sentir bien ensuite. Surtout c’était une tâche considérée comme subalterne, voire dégradante, confiée à l’esclave le plus bas de l’échelle.
    C’est cette place-là que Jésus prend en lavant les pieds de ses disciples. En faisant cela, il fait quelque chose de tout à fait inconvenant, inconcevable, de complétement déplacé. Comment Jésus « le Seigneur et le maître » peut-il s’abaisser à un tel geste ? Il va y perdre toute considération.
    Ainsi, Jean place ici — en ouverture du temps de la Passion de Jésus — un acte incongru, déplacé, incroyable.
    Pourtant, dans tout son Evangile, Jean montre Jésus comme celui qui a autorité, comme celui qui choisit ce qu’il fait et quand il le fait, comme celui qui sait ce qui se passe dans l’esprit des gens, qui connaît leurs projets. Ici même, il sait où il en est, il sait où il va : « Jésus savait que l’heure était venue pour lui de quitter ce monde » (v.1) ainsi commence ce récit. Jésus sait ce qui se passe dans le cœur de Judas.
    Donc Jean nous montre un Jésus qui maîtrise sa vie, qui domine les éléments de son destin et qui a autorité sur ses disciples. Et pourtant, il s’abaisse à leur laver les pieds, à prendre la place de l’esclave le plus bas sur l’échelle sociale. Ce récit nous montre que ce geste incroyable ne remet pas en cause l’autorité de Jésus, mais bien plus, qu’il en est l’accomplissement.
    C’est l’enseignement que Jésus donne après son geste. Ce n’est pas une erreur, ce n’est pas une humiliation. Ce geste est l’accomplissement de sa mission. Ce geste est l’accomplissement de la révélation qu’il est venu faire au monde. Dieu s’abaisse. Dieu s’abaisse sans perdre son autorité. Au contraire, cet abaissement affirme la vraie nature de Dieu et de la relation qu’il veut développer avec tous les humains. 
    Dieu est venu renverser les valeurs humaines qui valorisent la grandeur, la richesse, le pouvoir. Dieu renverse ces valeurs en montrant que l’autorité de l’un ne s’accomplit pas dans la subordination, dans l’asservissement ou l’aliénation de l’autre. Non, c’est le contraire : c’est dans le service des uns envers les autres que se réalise le vrai bonheur. C’est dans le service envers l’autre que se réalise le plus grand amour.  
    Ce geste incongru, cet acte incroyable, contraire à toute pensée humaine, ne remet pas en cause l’autorité, la valeur, la pertinence du message de Jésus. Et en cela, le lavement des pieds est — ici en ouverture de la Passion — comme une métaphore, une image de la croix, de la mort de Jésus qui va survenir.
    De même que le lavement des pieds ne détruit pas la vérité du message de Jésus, de même la croix, la mort de Jésus ne détruit pas la vérité du message de Jésus. De même que le lavement des pieds est l’accomplissement de l’amour de Jésus pour ses disciples, de même la croix sera l’accomplissement de l’amour de Jésus pour ses disciples.
    C’est un avertissement de Jésus. C’est un enseignement de Jésus pour que les disciples comprennent le sens de sa mort. Il doit passer par un abaissement total, par un sort qui va ressembler à un échec total pour accomplir, pour achever sa mission sur la terre. Ne soyez pas troublés, semble dire Jésus, cela doit arriver, vous comprendrez après coup.
    C’est pourquoi Jésus explique le sens de son geste à ses disciples. C’est pourquoi il leur dit, il nous dit, de l’imiter, d’imiter ce nouveau type de relation aux autres. C’est en imitant ce type de relation, de service, de respect, que nous serons heureux c’est dans ces attitudes que se trouve le bonheur, pas dans la domination et l’aliénation des autres. 
    Et Jésus va plus loin encore lorsqu’il dit : « Recevoir celui que j’enverrai, c’est me recevoir moi-même, et me recevoir, c’est aussi recevoir celui qui m’a envoyé. » (v.20) Ceux que Jésus envoie, ce sont ses disciples. Il les envoie dans le monde et il les envoie comme il a été envoyé par le Père. Souvenez-vous ce que je vous ai dit dimanche dernier sur le rôle d’envoyé, d’ambassadeur. L’ambassadeur est celui qui représente le chef d’Etat, il peut négocier et signer pour celui qui l’envoie, il a tout pouvoir. Et nous avons vu que Jésus a reçu ce pouvoir de son Père.
    Ici, Jésus est juste en train de dire que « comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 20:21). Ce qui signifie que Jésus nous transfert son pouvoir, son autorité, pour nous faire ses représentants, ses envoyés, ses ambassadeurs dans le monde.
    A nous d’être les dignes ambassadeurs de Jésus pour qui l’accomplissement d’une vie est dans le service. A nous — en tant que personne et en tant qu’Eglise — de montrer ce nouvel ordre de relation qui se vit dans le service, l’amour et le don de soi.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014

  • Jean 5. Jésus, l’ambassadeur de Dieu auprès des humains

    Jean 5
    30.3.2014
    Jésus, l’ambassadeur de Dieu auprès des humains

    Jean 5 : 1-30
    Téléchargez la prédication : P-2014-03-30.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Les Evangélistes ne sont pas des conteurs. Ils ne cherchent pas à nous raconter des histoires. S’ils nous transmettent des récits, c’est pour nous présenter une personne, pour nous faire découvrir la personne de Jésus, le Christ.
    Tous les récits, tous les épisodes, toutes les narrations, tous les discours des évangélistes sont orientés vers la présentation de la personne de Jésus, pour le faire découvrir et nous faire découvrir le lien qui l’unit à Dieu.
    C’est aussi ce que l’évangéliste Jean fait à travers ce récit autour de la guérison de cet homme à la piscine de Bethzatha. Un récit en trois parties (1-9 la guérison ; 10-18 la polémique ; 19-30 l’enseignement de Jésus).
    1) Premièrement donc, la rencontre et la guérison, qui ressemblent tout à fait aux guérisons qu’on trouve dans les autres évangiles. Jésus se préoccupe du sort d’un malheureux et il le guérit, grâce à la puissance divine que Dieu lui a confiée.
    2) Ensuite, comme souvent dans les autres évangiles, la polémique surgit parce que la guérison a eu lieu le jour du sabbat. Ici, cependant, ce n’est pas le fait que la guérison ait eu lieu le jour du sabbat qui pose problème : mais c’est le fait que l’homme guérit porte sa natte ! On retrouve toute l’ironie de l’évangéliste Jean. Voilà un homme relevé de son handicap après 38 ans de misère et on lui reproche de porter sa natte.
    Dans notre canton on dirait « c’est du pinaillage ! » C’est une perte totale de perspective. C’est une incapacité à faire la différence entre le détail et l’essentiel. Mais c’est bien ce que reproche Jésus aux autorités religieuses : pinailler sur les détails et manquer l’essentiel : « Malheur à vous pharisiens, vous payez la dîme sur la menthe et les herbes aromatiques, mais vous négligez la justice et l’amour de Dieu. » (Luc 11:42).
    A partir de là, la polémique glisse vers l’essentiel : qui est le vrai interprète de la volonté de Dieu ? Jésus dit aux pharisiens, à propos de cette guérison, « mon Père est continuellement à l’œuvre et moi aussi je suis à l’œuvre » (Jn 5:17). Jésus pose une similitude d’action entre le Père et lui. Aussitôt, il lui est reproché de se faire l’égal de Dieu — là le texte utilise le mot grec « iso » comme dans « isotherme » en météo qui dit des températures égales.
    3) C’est à ce moment que commence l’enseignement de Jésus : « En véritié, en vérité, je vous le dis… (v.19) tout ce que le Père fait, le Fils le fait également. » (v.20). Et là, le texte utilise le mot « homo » comme dans le mot « homogène » qui signifie que tous les éléments sont semblables ou équivalents. Ici, Jésus et Dieu sont équivalents.
    Ainsi, Jean passe de la similitude (v.17) à l’égalité (v.19) puis à l’identité (v.20) entre le Fils et le Père. Et c’est bien le message que l’évangéliste veut faire passer. Il y a identité entre le Fils et le Père.
    Cette identité, Jean l’affirme plus encore lorsqu’il écrit : « Celui qui n’honore pas le Fils, n’honore pas le Père qui l’a envoyé. » (v.23). Deux éléments dans cette phrase : a) il y a identité de culte entre le Père et le Fils, honorer égale rendre un culte ; b) la relation entre le Père et le Fils est marquée par cet envoi. 
    On trouve 41 fois dans l’Evangile selon Jean le concept que Jésus est envoyé par le Père ou que Jésus est celui que le Père a envoyé. Pour comprendre cette relation Père - Fils comme en parle Jean, il faut comprendre ce que signifiait, au temps de Jésus, cette notion d’Envoyé.
    Il faut penser à un roi qui envoie un ambassadeur. Un ambassadeur à qui le roi a expliqué la mission et donné plein pouvoir pour négocier. Lorsque cet ambassadeur arrive dans l’autre pays, il est reçu avec les honneurs qui sont dus, non à son rang propre, mais au rang du roi qui l’envoie. Si on veut honorer le roi, on honore son ambassadeur.
    Lorsque l’ambassadeur parle, il transmet la parole du roi qui l’envoie. Si l’ambassadeur signe un traité, sa signature à valeur de signature du roi. L’ambassadeur et le roi ne sont pas les mêmes personnes, mais ce que demande le roi, l’ambassadeur le transmet, et ce que décide l’ambassadeur engage le roi. Il y a donc différence de personnes, mais identité de vue et de pouvoir.
    C’est cette analogie que l’évangéliste Jean met en avant chaque fois qu’il répète (41 fois) que Jésus est celui que Dieu a envoyé. Ainsi, Jésus dit les paroles de son Père, il accomplit les œuvres du Père (v.17,19,36), il fait la volonté de son Père (v.30). C’est pourquoi honorer Jésus, c’est honorer celui qui l’a envoyé (v.23). C’est pourquoi croire en Jésus, c’est croire en celui qui l’a envoyé (v.24) et par là, recevoir la vraie vie.
    Comme envoyé dans le monde, comme ambassadeur du roi des cieux, Jésus accomplit l’œuvre de Dieu. L’évangéliste Jean découpe l’activité de l’envoyé en trois étapes.
    A. Une première étape qu’on trouve dans le prologue de l’Evangile selon Jean (Jn 1) où l’envoyé existe auprès de Dieu et pré-existe à sa mission.
    B. Une deuxième étape où le Fils accomplit l’œuvre de Dieu. On a vu qu’il l’accomplit par des signes (comme le signe de Cana ou des guérisons), des signes qui marquent la bienveillance de Dieu à l’égard des humains et la volonté de leur donner la vraie vie. Nous verrons encore dimanche prochain, à travers l’épisode du lavement des pieds, comment Jésus accomplit l’œuvre de Dieu.
    C. Enfin, la troisième étape est l’élévation de l’envoyé, élévation que nous verrons s’accomplir lors de la Passion de Jésus pendant la semaine sainte.
    Après les noces de Cana qui illustraient la vraie vie que Dieu veut offrir aux humains, après les marchands chassés du Temple qui illustrait comment Jésus fait table rase de la religion ancienne et enfermante, Jésus se présente comme celui qui a été envoyé par Dieu pour nous guérir de toutes les entraves qui nous empêchent de marcher à sa suite et qui nous empêchent de croire qu’il est bien celui que Dieu nous a envoyé. « Celui qui honore le Fils, honore le Père » (v.23) « celui qui écoute ma parole, dit Jésus, et qui croit en celui qui m’a envoyé, celui-là reçoit la vraie vie » (v24).
    L’évangéliste Jean montre donc à ses lecteurs, nous montre à nous, le chemin qui conduit à Dieu. En apprenant à connaître son Envoyé, le Christ, nous découvrons Dieu lui-même. En croyant en Jésus, nous recevons la vraie vie de Dieu.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014