Luc 2
24.12.97
L'attente, la venue, l'accomplissement - Veillée de Noël
Es 11: 1-10 Luc 2 : 1-20
Ce soir nous ferons trois étapes sur le chemin de Noël, trois méditations accompagnent les lectures bibliques, trois prières accompagnent ces méditations.
Premier temps : l'Attente.
L'attente du peuple d'Israël, l'attente du peuple des croyants, l'attente de toute l'humanité. C'est l'attente d'un descendant de Jessé (ou Isaï) le père du roi David. L'attente d'un Sauveur qui rendra justice aux défavorisés.
Du fond des temps monte la plainte de l'être humain opprimé, la plainte pour la justice, pour que cesse le mal. L'attente d'une société où la violence ne régnera pas en maître, où l'on pourra vivre dignement de son travail, où l'autre n'aura pas besoin de perdre pour que je gagne. Un monde où le vulnérable aura sa chance, sa place. Un monde où la victime sera secourue.
Cette plainte, ce cri d'impatience, Dieu l'entend, Dieu va y répondre. Comme Dieu avait fait chercher David — le cadet de la famille — aux champs où il gardait les moutons, pour vaincre Goliath, Dieu fait sortir un rejeton de la lignée de Jessé, du tronc d'Isaï pour renverser les puissants.
Comme l'homme seul debout face une colonne de chars sur la place Tian An Men : "Ce jour-là — nous dit Esaïe — le descendant de Jessé sera comme un signal dressé pour les peuples du monde." ( Es 11:10).
Ce qui se passe sur le plan cosmique, se passe également dans notre monde intérieur. Nous sommes en attente de la vraie vie, de vraies relations.
Un signe est dressé dans nos vies — face au mal-être que nous éprouvons — Dieu promet la réconciliation des opposés : le veau et le lionceau, la panthère et le chevreau peuvent cohabiter.
La réhabilitation, la réconciliation, le pardon, voici, pour nous, le contenu de notre espérance.
Deuxième temps : la Venue.
Un enfant, un nouveau-né, c'est la réponse du Dieu tout-puissant aux assauts du mal et de la violence !
"Votre Sauveur, votre Seigneur — nous dit Luc — vous le reconnaîtrez à ce signe : vous trouverez un bébé emmailloté et couché dans une crèche" (Lc 2:12).
N'y en a-t-il pas cent et mille des nouveau-nés qui naissent dans la misère du monde ? Quel signe est-ce là ? De qui se moque-t-on ?
Eh bien justement, c'est dans le dénuement, le dépouillement, l'exclusion, l'abaissement que Dieu a choisi de nous visiter, de nous retrouver. Il a fait cela afin de ne pas manquer la rencontre avec le moindre d'entre nous, afin que le nouveau-né retrouvé dans une poubelle puisse aussi se sentir frère de Jésus.
Dieu a trouvé digne de lui d'habiter notre condition humaine, dans l'extrême dépendance du nouveau-né, dans l'extrême pauvreté de l'exclus, jusque dans l'extrême souffrance de la mort humaine.
Notre être soupire dans ce monde et espère des jours meilleurs. Nous attendons chacun des satisfactions, des améliorations, des gratifications, de nouvelles marques de considérations. A Noël, Dieu nous dit qu'il vient habiter en nous les lieux les plus bas, les parts de nous-mêmes que nous ne voudrions pas habiter (elles sont juste bonnes pour les animaux). Il n'y a rien en nous d'assez bas, honteux, détestable où Dieu ne puisse habiter, être.
Comme Marie, nous pouvons accueillir Dieu, accueillir celui qui vient, avec simplicité et reconnaissance. Accepter en nous le caractère d'enfant qui ne demande qu'à revivre, renaître.
Dieu a choisi de demeurer parmi nous, dans notre chair, dans notre être, par amour pour chacun de nous. Louanges soient rendues à Dieu.
Troisième temps : l'Accomplissement.
Les bergers ont reconnu le signe, ils ont été émerveillés et ils sont allés rendre publique la bonne nouvelle. Ils ont reconnu le signe, comme les pèlerins d'Emmaüs ont reconnu la fraction du pain comme le signe de la présence invisible du Christ, du Messie.
Ainsi le Messie a vécu parmi les humains, Emmanuel, Dieu avec nous. L'impossible s'est réalisé, le Royaume s'est approché. En Jésus, les promesses de Dieu sont accomplies.
Après cette attente, dans cette venue se trouve l'accomplissement. "Tout est accompli" dit Jésus sur la croix (Jean 19:30).
Si nous voulons bien y croire, cela signifie que nous n'avons plus rien à attendre du futur, d'un prétendu progrès, d'un avenir radieux, d'un futur meilleur où le gâteau sera enfin assez grand pour que chacun ait sa part. Nous n'avons pas à sacrifier notre présent sur l'autel d'un accomplissement futur.
Tout est là aujourd'hui. Tout nous est déjà donné, maintenant. Le Royaume s'est approché avec Jésus. Le salut est venu dans le monde, nous pouvons en vivre dès aujourd'hui. Nous n'avons pas à attendre la vie éternelle après la mort pour vivre, en plénitude, la vie au centuple offerte aux croyants.
Cessons de rêver, d'attendre : la vie transformée, sanctifiée, pardonnée, c'est ici et maintenant.
"Marie — nous dit Luc — gardait toutes ces choses et les repassait dans son coeur" (Luc 2:19). Là dans cette étable misérable, Marie ne rêve pas à un autre lieu, un autre temps. Elle vit le moment présent, pleinement. Elle le goûte, elle en jouit, elle retourne toutes ces paroles, toutes ces images dans sa tête et dans son coeur. Elle vit les émotions de ce moment, pleinement; elle est là présente, heureuse, pleine de grâce. La vie au centuple, l'émotion de la joie est dans cet instant que Dieu remplit, que Dieu accomplit.
Amen.
© Jean-Marie Thévoz, 2012