Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

l) Marc - Page 3

  • Marc 6. Peut-on vraiment croire que Jésus a marché sur les eaux ?


    Marc 6
    21.11.2010
    Peut-on vraiment croire que Jésus a marché sur les eaux ?
    1 Co 15 : 19-25,  Mc 6 : 45-54

    Téléchargez la prédication : P-2010-11-21.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Un texte difficile, vraiment difficile que ce récit où Jésus marche sur les eaux. Un texte difficile pour nous aujourd'hui parce que c'est un récit proprement incroyable. Entre parenthèses, je ne crois pas qu'il était moins incroyable pour les premiers lecteurs des Evangiles. Les gens n'étaient pas plus naïfs que nous à l'époque. Mais peut-être savaient-ils mieux faire la différence que nous entre les récits descriptifs et les récits significatifs, symboliques.
    L'obstacle qui est devant nous et en nous, c'est que nous prenons tout au premier degré et que si le premier degré est absurde, nous laissons tomber plutôt que de chercher le second degré. Or ce récit de Jésus marchant sur les eaux est vraiment à prendre au second degré.
    Ce récit veut nous dire des choses et des choses très importantes. Nous allons aller pas à pas dans le récit, au fil du vocabulaire utilisé, pour y trouver les sous-entendus et le sens profond du récit, pour les disciples, pour les premiers lecteurs des Evangiles et pour nous.
    Ce récit suit directement le premier récit de multiplication des pains. La foule, nourrie du Pain de vie (voir ma prédication du 31.10.10) est encore là, auprès de Jésus et des disciples. Le premier acte du récit est une double séparation. Jésus doit convaincre les disciples de partir en barque sans lui et il doit renvoyer la foule chez elle.
    "Aussitôt après, Jésus fit monter ses disciples dans la barque pour qu'ils passent avant lui de l'autre côté du lac, pendant que lui-même renverrait la foule." (Mc 6:45).
    Cela ressemble à une phrase de simple transition entre deux récits, mais c'est bien autre chose. Je vais vous montrer que c'est le résumé du ministère de Jésus. La traduction "Parole de Vie" dit : "Tout de suite après, Jésus oblige ses disciples à monter dans la barque." Le terme utilisé pour "oblige" évoque — dans le grec polythéiste — la déesse de la Nécessité ou de la Destinée. Il est nécessaire que Jésus soit seul pour réaliser la mission pour laquelle il est venu.
    Et cette mission est illustrée ici par le renvoi de la foule chez elle. Cela semble aussi un notation anodine. Mais le verbe utilisé pour dire "renvoyer" est celui qui est utilisé pour dire "délier" ou "mettre un enfant au monde, le délivrer" ou encore "libérer un captif" (on retrouve ce verbe dans le demande de Pilate à la foule : "Voulez-vous que je vous libère Barabbas?" (Mc 15:15). C'est encore ce même verbe qui est utilisé pour absoudre quelqu'un d'une accusation, pour acquitter un prévenu, affranchir un esclave ou libérer du service militaire.
    Voilà la mission — encore secrète — de Jésus : libérer cette foule, l'affranchir, l'absoudre, la mettre au monde pour qu'elle naisse à un monde nouveau, délivrée du monde ancien, enfantée au ciel. Il y a là une tâche, une mission que seul Jésus peut accomplir et qu'il doit accomplir seul. Si les disciples pouvaient contribuer à nourrir les foules, aucun disciple ne peut donner le salut. Seul Jésus le peut.
    Cette mission requiert de Jésus toute son énergie, c'est pourquoi, après avoir libéré la foule, il monte sur la montagne pour prier. Cela nous rappelle la montée de Moïse au Sinaï pour entrer dans la présence de Dieu. Je pense que nous avons là une préfiguration de Gethsémané, la prière au Mont des Oliviers, une préfiguration du combat de la prière contre la mort.
    Mais voyons la suite. Le soir vient, la nuit tombe et le récit nous dit l'éloignement. Les disciples sont dans la barque au milieu de la mer et Jésus est seul à terre. Malgré la nuit tombée, Jésus voit la situation des humains (encore une situation impossible au premier degré) : "Les disciples ont du mal à ramer, parce que le vent souffle contre eux." (v.48) Ils ont du mal a ramer parce que le vent est contraire. Ça, c'est le premier degré. On y voit en filigrane les épreuves de la vie, les difficultés de l'existence. En fait, Marc n'utilise pas le verbe "ramer", il utilise un verbe bien plus fort : "mettre à l'épreuve de la vérité", "soumettre à la question, à la torture."
    Voilà la vraie condition humaine, dans toute sa crudité. La vie est cruelle : la maladie frappe injustement, les malheurs tombent sans qu'on les ait mérités. Au cœur de la nuit, Jésus voit cela, il voit nos vies, oui, il voit comme on "rame" contre les vents contraires.
    Alors il vient. Alors, il survole les obstacles pour nous rejoindre, alors il marche sur la mort pour venir jusque dans notre barque. Non, je n'ai pas fait de lapsus en remplaçant le mot "mer" par le mot "mort." Dans la pensée hébraïque, la mer est le danger absolu. Les Hébreux ne sont pas les Phéniciens qui ont dompté la mer Méditerranée.
    Quand les Evangiles font marcher Jésus sur la mer, c'est — au deuxième degré — pour nous dire qu'il est en train de vaincre la mort, il la foule au pied, il l'écrase comme le serpent de son talon.
    C'est pourquoi, lorsqu'il monte dans la barque, tout s'apaise : "Il monte à côté d'eux dans la barque, et le vent s'arrête de souffler." (v.51)
    Avant cela, il y a la réaction des disciples à la vue de Jésus. Eux non plus ne peuvent pas croire, ne peuvent pas le reconnaître. La chose la plus sensée, la plus logique qu'ils peuvent penser, c'est qu'ils voient un fantôme. Tout le reste est impensable.
    Mais Jésus leur parle et c'est par la Parole qu'ils le reconnaissent. Jésus leur dit : « Rassurez-vous (ou ayez confiance), c'est moi ! N'ayez pas peur ! » (v.50) Ayez confiance ou ayez du courage, c'est le sentiment que les généraux demandent à leurs troupes avant d'affronter un combat et le risque de la mort. Cela ne signifie pas "Ayez confiance, rien ne va arriver," cela signifie : "Affrontez la vie, le bien et le mal, avec le courage du combattant." Jésus peut le dire, parce qu'il vient de fouler la mort à ses pieds, parce que lui-même a vaincu la mort pour nous.
    Parce que Jésus a déjà remporté la victoire finale, nous pouvons à notre tour monter au combat avec courage pour lutter à la place qui est la nôtre.
    Ce récit ne nous raconte donc pas un exploit bizarre — marcher sur l'eau. Ce récit nous annonce — dans cette première partie de l'Evangile — la vraie mission de Jésus pour nous et pour tous les humains. Il nous dit que la mission générale de Jésus est de libérer, d'affranchir l'humanité de l'esclavage du malheur, d'enfanter l'humanité vers un monde nouveau qui est le Royaume de Dieu.
    La façon particulière de Jésus de réaliser cela, c'est de voir la situation de vie dans laquelle nous sommes et dans laquelle nous "ramons", et de nous y rejoindre. Il le fait en foulant le malheur et la mort à ses pieds, pour nous donner en même temps l'apaisement de nos tempêtes et le courage d'affronter la vie.
    Nous recevons ce courage de la foi que nous mettons dans le fait qu'il a déjà accompli ce combat et qu'il l'a déjà remporté sur la croix. C'est pourquoi il peut nous dire : "Ayez confiance, c'est moi — ou Je Suis — n'ayez pas peur."
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • Marc 8. Culte du Souvenir. Nourrir notre deuxième faim.

    Marc 8
    31.10.2010
    Culte du Souvenir. Nourrir notre deuxième faim.
    Mc 8 : 1-10, Jn 6 : 32-35

    Prédication à télécharger : P-2010-10-31.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers familles,
    Vous avez entendu, dans l'Evangile de Marc, le deuxième récit de la multiplication des pains, car il y a deux récits. Autant Marc que Matthieu nous rapportent deux récits différents de cet épisode, également rapportés, mais en un seul exemplaire, par Luc et Jean.
    Qu'aucun Evangile ne manque cet épisode montre l'importance de la signification de cet événement. L'importance n'est cependant pas dans le nombre de personnes nourries, mais dans la signification de ce geste de Jésus pour les Evangélistes.
    Je vais donc aborder les éléments symboliques pour voir comment — nous aussi — nous pouvons être nourris, aujourd'hui, de ces pains et de ces poissons. Je vais relever les indices du récit qui nous font passer de l'événement au symbole, du passé au présent.
    Il y a d'abord la faim de cette foule qui suit Jésus. Cette foule marche et écoute Jésus, mais elle n'a rien à manger. Elle est affamée, doublement affamée, de pain pour son corps et de paroles qui font sens pour son âme, pour sa vie. Cette faim, cette double faim, cette deuxième faim, une faim de sens, d'affection, de paix, n'est-elle pas la nôtre aujourd'hui ? Cette faim est l'image de la vie, de notre vie, de notre vie marquée par le deuil. Une faim de retrouver une vie normale, une vie remplie, une vie habitée; habitée de gestes de tendresse, d'amitiés, de relations riches et nourrissantes.
    Cette foule affamée touche Jésus. Votre situation touche Jésus : il est "ému aux entrailles" nous dit le texte (Mc 8:2). Jésus est touché et il se préoccupe de cette situation. Il ne peut pas rester sans rien faire, il ne peut pas renvoyer ces gens sans les nourrir, sans leur rendre leur vie, sans les restaurer dans leurs vies.
    Le texte souligne que cela fait trois jours que ces gens n'ont pas mangé. C'est encore un indice. Ces trois jours font allusion aux trois jours qui séparent Vendredi-saint de Pâques, les trois jours passés au tombeau. Trois jours qui représentent la mort, si le miracle ne survient pas, si la résurrection ne vient pas !
    Oui, être privé de nourriture, mais aussi de ce deuxième pain — qui répond à cette deuxième faim — fait risquer la mort. On ne peut pas vivre sans affection, sans amour, sans relations. On a besoin de donner sens à sa vie. Ces trois jours ne peuvent être quatre. Jésus doit intervenir, mettre un terme au désespoir, à cette deuxième faim.
    Pour cela, Jésus mobilise ses disciples. Il leur demande : "De quoi disposez-vous?" (Mc 8: 5) Quelles sont vos ressources ? Jésus part toujours de nous, de notre entourage pour réaliser le miracle d'une nouvelle vie. Les disciples sont perplexes. Comment trouver du pain dans un désert ? Et c'est bien la question que nous nous posons tous quand le malheur nous frappe ! Quelles ressources puis-je trouver dans ma vie, si celle-ci est devenue un désert ?
    Ce désert est également un indice. Ne réveille-t-il pas en vous des souvenirs d'école du dimanche ou de catéchisme ? Une foule, un peuple dans le désert qui reçoit du pain, de la manne pour se nourrir ? Pendant l'Exode, le peuple conduit par Moïse reçoit la manne, l'eau et les cailles pour se nourrir. Puis, il reçoit également la Loi et le signe de la Présence de Dieu.
    Dans le récit du don de la manne dans le désert, il y a un jeu de mot en hébreu sur le mot Manne. Le mot Manne viendrait de l'exclamation "Qu'est-ce que c'est ?" "Mannah ?" poussée par les hébreux en voyant la manne. Et l'on peut se demander "Qu'est-ce que c'est ?" que Jésus donne à manger à la foule dans le désert, pour qu'en leur donnant ces 7 pains, il reste 7 corbeilles après que tous furent rassasiés !
    L'Evangéliste Jean, dans la réflexion qui suit son récit de la multiplication des pains rapporte la parole suivante de Jésus : "Je suis le pain de vie" (Jn 6:35). Le miracle qui se passe au désert, c'est que Jésus se donne lui-même pour répondre à notre deuxième faim. Marc le laisse entendre lorsqu'il prend les mots mêmes du dernier repas, du repas de la Cène, pour décrire les gestes et les paroles de Jésus qui précèdent la multiplication des pains. La Cène est bien le don de sa personne dans le pain et le vin.
    Dans la multiplication des pains, nous avons une métaphore, une image de la vie de Jésus, du don qu'il fait à tous de sa personne pour que nous vivions. Jésus se donne lui-même dans sa Parole, dans la Cène, dans la communauté de l'Eglise.
    Si vous êtes affamés, s'il y a trois jours que vous êtes privés de la vraie vie et qu'un quatrième jour semblable serait mortel, s'il vous semble que votre vie est comme un désert, Jésus a compassion de vous, Jésus est touché par votre situation et il est prêt à vous nourrir. Il se donne à vous dans sa Parole, à sa Table et par l'intermédiaire de ses disciples, dans son Eglise.
    De même qu'on mange chaque jour, de même sa Parole se donne à nous chaque jour. De même qu'il n'est pas agréable — et vous en avez fait l'expérience — de manger seul, de même le Seigneur ne vous laisse pas seul, il vous invite à entrer dans la communauté de ses disciples pour partager ensemble le repas du Seigneur.
    Sa Parole et son Pain sont partage, amitié, relations. Le Christ nous invite à sa Table, à l'écoute de sa Parole pour combler notre deuxième faim. Pourquoi ne pas faire le pas, puisque nous avons faim. "Celui qui vient à moi n'aura jamais faim, celui qui croit en moi n'aura jamais soif" dit le Christ.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • Marc 13. Quand tout s'écroule à l'extérieur, comment ne pas s'écrouler à l'intérieur ?

    25.4.2010

    Quand tout s'écroule à l'extérieur, comment ne pas s'écrouler à l'intérieur ?

    Télécharger en pdf : P-2010-4-25.pdf

    Marc 13 : 1-5 + 21-37

    D'une voix forte et menaçante:

    Repentez-vous, car la fin du monde est proche ! Regardez les signes, regardez : la terre a tremblé trois fois. Voyez comme la terre dit sa colère, par les flammes, la lave et la fumée. Le jugement arrive, le monde actuel s'écroule. Les avions sont cloués au sol : c'est le signe que le ciel se refuse aux humains.

    La fin des temps est proche : changez de comportement pour ne pas être engloutis par la prochaine catastrophe. Démarquez-vous des méchants, pour être parmi les élus au jour du jugement. Changez…

    Bon, je m'arrête… ce n'est pas mon style et ce n'est pas le style de notre Eglise d'annoncer la fin du monde et l'apocalypse pour demain. Pourtant, il y a quelques textes de nature apocalyptique dans notre Bible, y compris dans le Nouveau Testament.

    Le mot "apocalypse" a deux sens. Le sens étymologique, la racine du mot, veut dire "révélation." Les textes apocalyptiques veulent révéler des choses secrètes, ou dévoiler le sens caché des événements qui se passent autour de nous. De là dérive le second sens, celui de "catastrophique." Ce sont bien les événements qui sortent de l'ordinaire — qui sont extra-ordinaires, comme les catastrophes — qui demandent à être expliqués, déchiffrés.

    La littérature apocalyptique a donc pour fonction de donner du sens au chaos, d'expliquer l'inexplicable. Donner du sens, c'est aussi rassurer, reprendre la maîtrise des choses, réorganiser le chaos.

    Ainsi, les textes apocalyptiques vont nous dire, d'abord, que l'écroulement des valeurs et des repères n'est qu'apparent. Ceux qui voient les signes savent que Dieu tient tout dans ses mains, derrière le chaos apparent. Pour ces textes, la gravité de la situation est une illusion, puisqu'on attend le retournement final. Ensuite, ces textes nous disent que tout cela n'est que temporaire, puisque ces événements annoncent la fin des temps. Tout cela va se terminer, il n'y a qu'à faire le gros dos et tenir bon en serrant les dents. Enfin, cela n'est pas si grave puisque cela conduit au retournement final, à la victoire et au salut éternel que Dieu va faire triompher pour ses élus.

    Voilà ce que croient les disciples de Jésus lorsqu'ils demandent des signes pour savoir quand viendra la fin des temps. Ils veulent savoir combien de temps ils devront tenir avant la fin.

    Mais Jésus ne voit pas les choses comme cela. Jésus n'entre pas dans cette poudre aux yeux apocalyptique. D'abord, Jésus a annoncé la destruction du Temple, pas la fin du monde. Ce sont les disciples qui pensent que le monde va disparaître si le Temple disparaît !

    Oui, Jésus leur parle bien de certaines catastrophes et de temps de détresse, mais il en parle parce que cela fait partie de la nature du monde et de la condition humaine. Ce qui importe à Jésus — dans son enseignement aux disciples — c'est cette question : Comment faire, quand tout s'écroule à l'extérieur, pour ne pas s'écrouler à l'intérieur ? Pour Jésus, la fin du Temple, en tant que monument, ne doit pas être la fin de la vie spirituelle personnelle, intérieure.

    Alors Jésus réinterprète, réoriente le message apocalyptique. Il affirme d'abord que l'écroulement des choses fait partie de la nature du monde et de la condition humaine. Malheureusement, les catastrophes n'ont rien d'exceptionnel. Et il ajoute que ces événements ont des conséquences (persécutions, fuite, exil, déplacements). Ces événements sont douloureux. Ces événements nous révèlent notre impuissance à maîtriser le monde et à la comprendre.

    Jésus nous appelle à reconnaître la réalité, à ne pas nous bercer d'illusions. Personne — si ce n'est le Père, donc cela nous est inaccessible — ne comprend ni ne maîtrise le pourquoi des événements. Alors Jésus invite ses disciples, nous invite, à quitter les signes extérieurs pour aller vers une attitude intérieure. Il faut abandonner l'idée de trouver du sens dehors, pour s'attacher à créer du sens dedans, au dedans de nous.

    L'impuissance face à l'extérieur, aux événements ne signifie pas l'impossibilité d'acquérir une solidité intérieure, une sérénité d'âme. Dans les difficultés de la vie, nous souffrons, nous nous sentons impuissants, mais Jésus nous affirme que nous pouvons y survivre, plus encore, nous pouvons être relevés, rendus à nous-mêmes.

    Jésus oppose la fragilité du monde qui peut disparaître à la solidité de sa Parole, qui reste solide, ferme. "Le ciel et la terre disparaîtront, tandis que mes paroles ne disparaîtront jamais." (Mc 13:31) Cette Parole de Dieu, que Jésus nous transmet, c'est l'affirmation que "le Royaume de Dieu s'est approché" (Lc 10:11) et qu'il est en parmi nous (dans la communauté), et qu'il est en nous. C'est la Parole faite chair (Jn 1:14), dans le Christ, mais aussi dans chaque personne.

    Nous sommes habités par Dieu, par l'Esprit saint. Il n'y a rien à chercher à l'extérieur (du côté du Temple), mais tout à chercher à l'intérieur (Paul dira que le corps est le Temple du saint Esprit. 1 Co 3:16).

    De là, on pourrait aller vers le repli sur soi ou sur la communauté. Mais Jésus termine son apocalypse par la parabole du maître de maison en voyage. Il a donné un tâche à chacun. Chacun a donc une mission à remplir, une tâche à accomplir dans sa vie : pour le maître.

    Quand tout s'écroule à l'extérieur, la mission reste, la tâche subsiste qui nous maintient en alerte, qui nous tient réveillés. Cette tâche, cette mission, c'est de faire vivre cette flamme divine en nous et de la transmettre, de la communiquer aux autres. Oui, la vie vaut la peine d'être vécue — quelles que soient les tribulations que nous traversons — parce que Dieu habite en nous.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz. 2010

  • Marc 15. La neutralité vis-à-vis de Jésus conduit à l'opposition à Jésus.

    Marc 15

    14.3.2010

    La neutralité vis-à-vis de Jésus conduit à l'opposition à Jésus.

    Télécharger en pdf : P-2010-3-14.pdf

    1 Co 1 : 21-25    Mc 15 : 1-15

    Chers catéchumènes, chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Le procès de Jésus, sa mise en accusation, son jugement, sa condamnation et son exécution, sont au cœur du christianisme. Si nous sommes chrétiens, c'est que nous croyons que cet homme, Jésus, condamné par tous et exécuté est bien le Christ, l'envoyé de Dieu, le révélateur de Dieu.

    Alors qu'est-ce qui se passe dans ce jugement, de procès qui est si important pour les chrétiens ? Si important, que la croix — un instrument de supplice — est devenu le signe du christianisme ?

    Nous allons accompagner Pilate dans son jugement, suivre son parcours pour comprendre ce qui arrive à Jésus et voir où nous nous situons dans ce parcours. Nous allons voir ce qui nous rapproche ou nous éloigne de Pilate.

    Pilate est appelé à juger une cause, un homme. Il n'a rien cherché, il est l'autorité suprême en tant que chef des romains à Jérusalem. Comme procurateur romain, il a seul le pouvoir de décider de la peine de mort C'est son boulot et il veut l'exercer au mieux.

    Ainsi donc, il entend ceux qui accusent et ensuite il interroge le prisonnier sur l'accusation qui est portée : "Es-tu le roi des juifs ?" (Mc 15:2). Je crois que c'est une question honnête de Pilate, une question factuelle. La réponse de Jésus n'est pas claire : "Tu le dis." Est-ce que c'est "Tu le dis, c'est juste" ou "Tu le dis, mais c'est faux" ? Ou encore : "Est-ce que c'est toi qui le dis ?"

    Alors Pilate se fâche devant ce silence de Jésus. Pilate se fâche parce qu'il a l'impression que Jésus ne voit pas tout le pouvoir que Pilate possède, un pouvoir de vie et de mort sur Jésus. Ce silence est une contestation du pouvoir de Pilate : une façon pour Jésus de dire : "Tu n'as aucun pouvoir, tu ne peux rien contre moi parce que j'ai déjà accepté de mourir, c'est moi qui ai déjà choisi et tu ne peux rien faire, ni me perdre, ni me sauver." Rien n'est plus vexant pour Pilate, lui le chef d'une province romaine !

    Mais Jésus reste toujours silencieux. Alors là, Pilate est vraiment ébranlé. Les traductions disent "étonné", mais c'est la même attitude décrite pour les gens qui sont étonnés, déconcertés, devant un miracle, devant quelque chose qui ébranle toutes nos certitudes, qui remet en cause tout ce qu'on a cru depuis toujours.

    Oui, Pilate est désarçonné devant cet accusé qui ne se défend pas, qui ne supplie pas, qui n'implore pas. C'est le monde à l'envers, Jésus est plein d'assurance et Pilate perd la sienne. Pilate perd pied et se demande comment sortir de cette situation. Une porte de sortie s'offre à lui avec la coutume de relâcher un prisonnier à Pâque.

    Pilate va proposer de relâcher Jésus plutôt que Barrabas, un meurtrier. Pilate entre dans un marchandage avec la foule : "Qui voulez-vous que je relâche ?" (Mc 15:9). Pilate croit garder le contrôle du pouvoir en proposant cet échange, mais en fait il est en train de donner son pouvoir à la foule. Pilate veut gouverner selon les sondages.

    Combien de fois agissons-nous aussi comme cela ? Que vont penser les autres si je dis cela ? Que vont penser les autres si je fais cela ? Mes amis, mes copains pensent cela, je ne vais pas dire le contraire, Suivons la mode, soyons tendances… suivons la foule.

    Alors Pilate fait son sondage pour se décider : "Que voulez-vous que je fasse de celui que vous appelez le roi des juifs ?" (Mc 15:12). Pilate a vraiment abdiqué. Il va se faire dicter sa conduite par la foule.

    De quoi dépend notre attitude face à Jésus ? Est-ce un choix personnel ou bien sommes-nous comme Pilate, dépendant de l'avis de la foule ?

    Jésus n'est pas à la mode. L'Eglise n'est pas tendance. Qu'est qui est tendance aujourd'hui ? Gagner des millions en écrasant les autres. Placer sa liberté avant celle des autres. Jouer à des jeux violents parce que c'est cool. S'éclater sans penser à l'avenir, sans penser à la planète. Alors : tous avec la foule, laissons tomber les responsabilités, replions-nous dans notre maison et que chacun se débrouille de son côté ? Et crions tous ensemble à Pilate ce qu'il doit faire : débarrasse-nous de ce Jésus, cloue-le sur une croix !

    Vous n'êtes pas tout à fait d'accord ? Ça vous gène un peu ? Je vous comprends, ça gène même un peu Pilate ! Oui, même Pilate trouve cela excessif. Il ne comprend pas les raisons de la foule, alors il leur demande quand même : "Qu'a-t-il fait de mal ?" (Mc 15:14). Pilate a un doute, plus qu'un doute. Pilate pense que Jésus est innocent de ce qu'on lui reproche. Pilate essaie de sauver Jésus. Pilate se rend compte de l'injustice qui se profile.

    Pilate essaie d'être neutre dans cette affaire. Il essaie de sauver Jésus, mais il ne peut pas prendre parti. Il ne veut pas risquer de contrarier la foule. Il ne peut pas risquer de se mettre le peuple à dos. Non, Pilate ne veut pas prendre de risque pour lui-même. Alors Pilate se soumet à la foule, il ne veut pas prendre le risque de s'engager pour Jésus. Il n'est pas contre Jésus, mais il ne veut pas s'engager pour lui, alors il l'abandonne à la mort.

    La neutralité vis-à-vis de Jésus conduit à l'opposition à Jésus. Ne rien faire, c'est faire quelque chose, laisser couler. Ne rien faire, c'est abandonner son pouvoir et sa liberté à la foule qui veut la mort de Jésus.

    Comme Pilate, plus que Pilate même, nous avons toutes les pièces en main pour juger Jésus et prendre parti. Sommes-nous avec lui ou contre lui ? Sommes-nous à ses côtés — avec les risques que cela comporte ? Sommes-nous à ses côtés pour lutter contre la violence aveugle, contre les violations des droits humains, contre l'exploitation, contre les injustices, contre la torture, contre la loi du plus fort.

    La croix au centre du christianisme, c'est ces luttes-là au sein de notre monde. Le procès de Jésus, c'est le rappel qu'on ne peut pas rester neutre — en dehors. On doit prendre parti, pour ou contre l'humanité qui souffre, pour ou contre l'individu condamné.

    Amen

  • Marc 6. S'alléger pour marcher à la suite du Christ.

    Marc 6

    21.2.2010

    S'alléger pour marcher à la suite du Christ.

    Télécharger en pdf : P-2010-2.21.pdf

    Luc 18:18-29, Mc 6 : 6-13

     

    Dans le film "Up in the air" on a pu voir George Clooney faire une conférence à des chefs d'entreprise, une conférence sur l'encombrement dans nos vies. Voici une partie de sa conférence :

    « Maintenant, on arrive au cœur du sujet, alors restez avec moi : Comment est votre vie ? Imaginez un instant que vous trimbalez avec vous un sac à dos. J'aimerais que vous le remplissiez de tout ce que vous avez dans vos vies. Commençons par les petites choses, ce que vous avez sur vos étagères, dans vos tiroirs, dans vos vide-poches. Ça y est ? Maintenant continuons avec des choses plus volumineuses : votre garde-robe, les appareils ménagers, ordinateurs et télévision.

    Le sac à dos commence à bien peser, non ? Allons encore plus loin : votre canapé, votre voiture, votre appartement ou votre villa. Oui, j'aimerais que vous bourriez tout cela dans votre sac à dos. Alors, regardez-le, soupesez-le… [...]

    Comment arrivez-vous à avancer dans la vie avec ça ? Plus lentement nous avançons, plus vite nous mourons. Ne vous détrompez pas : vivre… c'est avancer ! »

    La conférence (en anglais)

    Ça m'a fait réfléchir. De quoi sommes-nous encombrés ? Qu'est-ce qui nous empêche d'avancer dans la vie ? Je crois que c'est une bonne réflexion pour commencer ce temps de Carême qui nous mènera à Pâques. De quoi nos vies sont-elles encombrées ?

    Il y a les choses, les objets, le matériel. Comment pouvons-nous avancer avec tout ce que nous avons ? Combien sommes-nous à craindre d'avoir à déménager tellement nous possédons de choses ?

    Lorsque Jésus envoie ses disciples en mission, il leur recommande de ne pas s'encombrer de choses inutiles — en fait même de choses qui nous sembleraient indispensables ! Nous qui avons de la peine à tout mettre dans une seule valise lorsque nous partons pour 3 à 4 jours. « Ne prenez rien avec vous pour le voyage, sauf un bâton ; ne prenez pas de pain, ni de sac, ni d'argent dans votre poche. 9Mettez des sandales, mais n'emportez pas deux chemises. » (Mc 6:8-9)

    Et si nous essayions de nous alléger un peu pendant ce temps du Carême ? Pas par pénitence, pas parce qu'il faut donner, pas parce que d'autres sont pauvres, simplement pour nous sentir plus légers, plus libres. Alléger le sac à dos, alléger notre hotte, la maison que nous portons sur le dos, simplement pour avancer, pour se sentir mieux.

    Oh là là, je sens que cela réveille des peurs au-dedans de nous, en tout cas chez moi c'est le cas. Il y a au dedans de nous une peur de manquer, de ne pas avoir assez, maintenant ou plus tard. Peur de manquer, peur de ne pas recevoir si l'on vient à manquer. Ne sommes-nous pas victimes d'un effet miroir ? Je donne si peu à ceux qui manquent que le miroir me dit que je recevrai peu si je viens à manquer, alors j'accumule pour ne pas manquer et continue à moins donner… C'est le cercle vicieux de notre société du chacun pour soi.

    Jésus invite ses disciples à partir légers et à faire confiance dans la générosité de ceux qui vont les accueillir. Faire confiance… on retombe toujours là-dessus. Faire confiance et partager. Faire confiance et accepter qu'on nous donne…

    Vous avez remarqué qu'il est bien plus difficile de recevoir que de donner ! Donner, ça nous met en position de force, de dominant. Recevoir, ça nous met en position de faiblesse d'humilité, parfois même d'humiliation : "j'ai dû demander et j'ai eu honte…"

    Jésus dit à ses disciples d'accepter l'hospitalité qui leur est offerte. Ce n'est pas une honte, cela ressemble plutôt à un cadeau que les disciples font à leurs hôtes. C'est paradoxal. C'est offrir l'occasion de donner, c'est enrichir celui qui vous reçoit. C'est ce qu'on peut comprendre de la phrase sur ceux qui refusent l'hospitalité : « Si les habitants d'une localité refusent de vous accueillir ou de vous écouter, partez de là et secouez la poussière de vos pieds : ce sera un avertissement pour eux. » (Mc 6:11)

    Ils ont manqué l'occasion de faire une bonne action, manqué l'occasion de s'enrichir en donnant.

    Dans la durée d'une existence, nous recevons pendant notre enfance et nous risquons de devenir dépendant pendant notre vieillesse. Ne ressentons pas cela comme honteux. C'est l'occasion pour les autres de donner, d'aider, de faire du bien et ainsi de découvrir — en eux et pour eux-mêmes — la joie du don.

    Comment est notre vie ? Comment, de quoi est rempli notre sac à dos ? Qu'avons-nous à lâcher, à déposer au bord du chemin pour nous sentir plus légers, pour avancer plus facilement ? Qu'avons-nous dans notre sac à dos qui nous entrave, qui nous retient d'aller vers les autres ? Qu'avons-nous dans nos vies qui nous empêche d'avancer ?

    Lorsque Jésus invite ses disciples à partir léger, ce n'est pas une épreuve, ce n'est pas une punition. Lorsque Jésus invite l'homme riche à tout vendre, ce n'est pas pour le brimer, pour le priver, pour l'asservir. Au contraire — de la part de Jésus — c'est une invitation à la vie, à la liberté, au mouvement.

    Le temps du Carême n'est pas un chemin de tristesse, de renoncement, de flagellation, c'est un temps de renouvellement, de rénovation où l'on peut chercher à se débarrasser de ce qui nous ternit, de ce qui nous encombre, de ce qui nous retient sur le chemin de la vie, de la lumière et de la joie, chemin que Jésus ouvre devant nous.

    Allant de l'avant, sans argent ni bagages, les disciples ont rencontré des gens et ont pu leur apporter réconfort, libération et guérison. Regardons bien notre sac à dos et voyons comment l'alléger pour marcher dans les pas du Christ jusqu'à Pâques.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • Marc 4. Quatre façons d'être dans la vie.

    Marc 4

    27.9.2009
    Quatre façons d'être dans la vie.

    Mc 4 : 1-9    Mc 8 : 27-30
    Chers catéchumènes, chers parents, chers paroissiens,
    Qui est Jésus ? La question se posait déjà il y a 2'000 ans ! Jésus lui-même pose la question à ses compagnons de route, à son équipe — qu'on appelle les disciples. "Qu'est-ce que le gens disent de moi ?" (Mc 8:27) et "Pour vous, qui suis-je ?" (Mc 8:29). Il y a ce que les autres disent et il y a ce que je pense, au plus profond de moi, au plus profond de chacun.
    Qui est Jésus ? A chacun de faire sa recherche, à trouver sa réponse personnelle, et le catéchisme, comme le temps partagé au culte, sont des lieux où faire cette recherche, ce chemin. Qui est Jésus ? Il y a les titres traditionnels : Messie, Fils de Dieu, Seigneur. Mais ils ne nous disent plus grand chose, parce qu'ils sont déconnectés de notre réalité.
    Il faut chercher des titres nouveaux, qui nous parlent. Selon les personnes ou les circonstances, on pourrait dire : C'est mon guide de montagne ou mon guide du Routard; c'est mon GPS, c'est mon cadeau du ciel… c'est mon kit de survie, c'est mon accompagnant, c'est la musique qui embellit mes journées… A vous de faire preuve d'imagination et de poésie.
    J'aimerais vous proposer de le voir ce matin, avec la parabole, comme le Semeur de vie dans nos existences. Jésus raconte la parabole du Semeur pour nous parler de lui et de notre vie à nous. Comment être heureux dans la vie, comment recevoir ce qui nous arrive dans la vie pour le transformer en bonheur, en réussite, en vie accomplie ?
    Dans cette parabole, Jésus nous présente quatre attitudes face à la vie, face à ce que nous recevons, à ce qui nous arrive. Mais regardons d'abord ce qui est semé, ce qui nous est donné.
    a) Ce qui nous est donné ce sont des graines. Ce qui nous arrive, c'est le germe de quelque chose d'autre. Ce qui nous arrive doit donc être transformé pour s'épanouir. Ce n'est pas le bonheur direct, tout de suite. C'est quelque chose qui contient du bonheur en germe. C'est à nous de le faire germer et pousser, de lui donner la possibilité de se transformer, de grandir et de donner du fruit.
    b) Ensuite, ce qui est donné est donné partout et à tous. Le Semeur sème sur tous les terrains. Le bonheur n'est pas réservé à certains plutôt qu'à d'autres. Le Semeur est généreux, il donne à tous de la même façon, il nous fait confiance, il met de l'espoir en nous, en nos capacités d'accueillir les cadeaux de la vie.
    c)  Finalement, c'est la façon d'accueillir ce qui nous est donné, ce qui nous arrive, qui fait la différence. Jésus nous présente quatre terrains différents, quatre façons d'être dans la vie et de faire son bonheur ou son malheur.
    1. Première image. Le chemin nous donne l'image d'une terre piétinée, tassée, fermée, imperméable. Oui, il arrive que certaines personnes se ferment à la vie, à tout ce qui arrive, s'enferment en elles-mêmes. Les cadeaux de la vie arrivent pour ces gens aussi, mais ils sont trop fermés pour les prendre pour les ouvrir et voir ce qu'il y a dedans. C'est l'attitude : "je ne veux rien entendre, rien savoir." Ou bien "je connais déjà tout cela, cela ne m'intéresse pas." Une bonne façon de passer à côté d'un tas de bonnes choses.
    2. Deuxième image. La terre caillouteuse, empierrée. Il y a de la terre, un peu, et les graines germent, font des pousses, mais pas de racines et elles sèchent. Ces gens-là accueillent les nouveautés avec enthousiasme, "c'est génial… je veux essayer, montre-moi !" Mais si elles n'arrivent pas tout de suite à le faire, si elles rencontrent un obstacle, s'il faut faire des efforts, persévérer, ces personnes abandonnent. "C'est décevant, je n'arrive pas, je suis nul."
    On peut se pourrir la vie à vouloir tout réussir tout de suite et parfaitement. Ou à vouloir tout essayer et ne rien faire jusqu'au bout. Les choses, la vie, a besoin de temps et d'approfondissements, de persévérance et d'efforts. Ce n'est pas drôle, mais c'est comme ça. C'est le terrain pierreux. On s'enflamme et on s'éteint.
    3. Troisième image : les ronces. Jésus parle encore d'un troisième type de personnes, celles qui se laissent envahir par tout ce qui les entoure. Elles reçoivent les cadeaux de la vie, mais il y a toujours quelque chose qui leur fait du souci. "Je suis invité à une fête, chouette. Mais comment est-ce que je vais m'habiller ? Qu'est-ce que les autres vont penser de moi ? Qu'est-ce que je vais leur dire ? C'est l'angoisse, je fais mieux de ne pas y aller."
    Ou alors, on se laisse envahir par les distractions : "pourquoi est-ce que je m'affale devant la télé pour voir ces âneries plutôt que de lire le livre que je me suis acheté ?" Ou alors, une fois qu'on a choisi quelque chose, on regrette immédiatement l'autre truc sur lequel on hésitait et on vit dans le regret.
    4. Bon, jusqu'à maintenant, personne ne s'est reconnu, parce que vous êtes tous comme la bonne terre qui reçoit les graines et qui produisent plein de grain, c'est la quatrième image. Cet idéal auquel nous aspirons tous, mais que nous avons tellement de peine à atteindre.
    Eh bien, Jésus se propose comme guide pour nous conduire à devenir ce terrain accueillant où faire germer et pousser le bonheur. Jésus sème de la vie dans nos existences et veut nous apprendre à devenir les jardiniers de nos vies, apprendre à bêcher, biner, sarcler la terre, à ôter les pierres et arracher les mauvaises herbes pour faire de la place à l'essentiel, à une vie qui porte du fruit.
    Le catéchisme, la lecture de la Bible, la prière personnelle, le culte sont des temps de découverte et de rencontre avec Jésus. Dans son enseignement, sa Parole, il nous donne le mode d'emploi de la vie. Il a envie que nous soyons heureux, que nous ayons une vie épanouie, des relations enrichissantes les uns avec les autres. Préparons-nous, préparons notre terrain à le recevoir, pour que notre vie fleurisse et porte du fruit en abondance.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Marc 6. Laisser des restes… pour quoi ?

    Marc 6 12.10.2008
    Laisser des restes… pour quoi ?
    Jn 15 : 12-17 Mc 6 : 30-44

    — Mais que vont-ils faire de tous ces restes ? Vous pensez… douze corbeilles de pain et de poisson ! Tout ce poisson et sans frigo, quelle folie…
    Bon, là, je mets le projecteur sur un verset du texte et je pars à la dérive. C'est juste pour montrer qu'à se focaliser sur une seule chose dans un récit, on risque de passer à côté de sa richesse. C'est souvent le cas avec les récits de miracle des évangiles. On se dit : ce n'est pas possible, ce n'est pas croyable, et on jette le bébé avec l'eau du bain.
    C'est vrai que cette multiplication des pains, ce n'est pas croyable. Mais le corps du texte nous dit aussi d'autres choses. Et je pense que l'incroyable de ce récit n'est pas dans la multiplication des pains. Partons à la recherche de ces autres choses !
    D'abord le début du texte : les disciples sont de retour de mission. Jésus les avait envoyés deux par deux dans les villages pour prêcher et pour guérir. Et les disciples ont des tas de choses à raconter à Jésus. Mais les disciples ne ramènent pas que des souvenirs ou des expériences. Les gens les ont suivis, au point que les disciples n'ont pas le temps, ni l'espace de manger un morceau, de8 récupérer. Jésus est soucieux de leur fatigue et de leur faim. Il est compréhensif envers nos limitations humaines. Les disciples ont besoin de reprendre des forces, alors il les invite à se mettre à l'écart dans un endroit désert. Ils prennent leur barque pour aller accoster plus loin. Mais les gens les suivent et les précèdent sur la côte. Pas moyen de se débarrasser de la foule qui les suit. Alors Jésus met ses disciples en retrait et prend soin de la foule en enseignant.
    Car Jésus est aussi préoccupé par cette foule : "Jésus vit cette grande foule; son cœur fut rempli de pitié pour ces gens, parce qu'ils ressemblaient à un troupeau qui n'a pas de berger." (Mc 6:34)
    A la fin de la journée des disciples reviennent vers Jésus. Ce sont eux qui ont du souci, maintenant. Que va manger cette foule ? Jésus devrait la renvoyer. Les disciples se sentent démunis, débordés, ils pensent ne rien pouvoir faire. Mais ils ont le bon réflexe : ils en appellent à Jésus.
    Là, l'intervention de Jésus est intéressante : il leur remet les pieds sur terre : revenez à la réalité, faites le compte de ce qui est disponible, allez compter la nourriture. Jésus leur restitue les capacités qu'ils avaient, mais qu'ils avaient oubliées, laissées de côté. Ils font le compte de leurs moyens : cinq pains et deux poissons. Ce n'est pas beaucoup, mais ce n'est pas rien non plus. C'est de ce "peu" que Jésus va partir. C'est à partir de ce que nous avons que Jésus va faire quelque chose et des grandes choses. C'est à partir de ce que nous avons et de ce que nous sommes que Jésus agit.
    Il met les disciples au travail, il les fait rassembler ce qui est disponible, placer les gens en groupe, organiser la distribution. Là, il est remarquable d'écouter des mots que l'Evangéliste Marc utilise :
    "Jésus pris les cinq pains et les deux poissons, il leva les yeux vers le ciel et remercia Dieu. Il rompit les pains et les donna aux disciples pour qu'ils les distribuent aux gens." (Mc 6:41)
    Ce sont les mots du dernier repas de Jésus, la sainte cène. C'est là qu'on voit que ces disciples et cette foule rassemblée autour de Jésus représentent l'Eglise, le peuple de Dieu. Les douze corbeilles de restes font aussi allusion aux douze tribus d'Israël, le peuple de Dieu.
    Le miracle dans ce récit n'est pas tellement la multiplication des pains — encore qu'elle a son importance — mais le rassemblement de tant de gens autour de Jésus. En ce temps-là, on ne partageait pas son repas avec n'importe qui. Dans la société juive, il y avait des rites de purification à accomplir avant de manger et l'on risquait de se souiller si l'on mangeait avec quelqu'un d'impur. Ici, tout le monde est assis sur l'herbe verte, par groupes de 50 ou 100 personnes et l'on mange le même pain et le même poisson.
    Premier miracle : on peut manger tous ensemble, tous à la même table et c'est aussi ce que Jésus a voulu pour son dernier repas, la sainte cène où même Judas a participé. Un seul peuple rassemblé autour de Jésus, devant Dieu.
    Deuxième miracle, ce sont les disciples eux-mêmes. Ils étaient en souci, débordés par la foule. Et Jésus leur rend leurs capacités, il les met au travail, à partir du "peu de moyens" dont ils disposent, et ils y arrivent. Jésus n'attend pas des supermen ou des wonderwomen, l'Eglise accueille chacun avec le peu qu'il a, mis ensemble, cela fait beaucoup, cela fait plus qu'on ne le pensait au départ.
    Troisième miracle, le pain qui a nourrit la foule est aussi bien l'enseignement de Jésus "Aimez-vous les uns les autres, comme je vous aime" (Jn 15:12) que sa présence, sa vie donnée sur la croix. De quoi avons-nous faim avant tout dans la vie, si ce n'est d'amour, de reconnaissance, d'acceptation, d'appartenance ? De cela, Jésus nous nourrit en abondance.
    Alors, ces restes, ces douze corbeilles de restes, qu'allons-nous en faire, maintenant que nous savons que ce n'est pas une nourriture périssable ?
    Ces restes nous disent qu'il y a encore abondance de nourriture pour ceux qui ne sont pas venus, pour ceux qui sont restés dehors. Que va-t-on faire de ces restes ?
    Comme disciples, comme membres de l'Eglise de Jésus, nous pouvons apporter cette nourriture à tous ceux qui ont faim, qui restent sur leur faim dans un monde qui aiguise l'appétit, le désir et l'envie — mais qui ne nourrit pas, ne comble pas.
    Le monde n'a pas besoin de consommer plus, il a besoin d'être aimé plus. C'est ce que Jésus nous donne et nous donne en abondance.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Marc 10. Se mettre au service les uns des autres pour ajouter de la convivialité

    Marc 10

    15.6.2008
    Se mettre au service les uns des autres pour ajouter de la convivialité
    Marc 10 : 35-45
    Chers membres de l'Abbaye des Laboureurs, chères paroissiennes, chers paroissiens,
    J'aimerais tout de suite écarter un malentendu possible après le texte biblique que vous avez écouté. En relevant la parole de Jésus : "si l'un d'entre vous veut être important, il doit être votre serviteur et si l'un de vous veut être le premier, il doit être votre esclave" (Mc 10:26-27) je ne me prépare pas à tirer à boulets rouges contre votre compétition sportive, je ne me prépare pas à dénigrer la course aux lauriers des meilleurs tireurs de votre Abbaye.
    Non, j'aimerais plutôt attirer votre attention sur une autre facette de votre fête, c'est-à-dire sur le fait que si vous pouvez prendre part à cette fête, c'est qu'elle a été organisée, mise sur pied par votre Comité et par une foule de bénévoles. Votre Abbé-président, vos membres de Comité, avec d'autres, n'ont pas hésité à passer des heures au service de votre Honorable Confrérie pour préparer cette fête pour que vous puissiez la vivre et faire participer tout le village à ces festivités.
    Et certainement que ceux qui avaient les plus hautes fonctions ont passé le plus grand nombre d'heurs à travailler pour arriver à ce résultat. Ils se sont mis à votre service et pour cela nous pouvons tous leur en être reconnaissants.
    Au cœur des Sociétés locales, des paroisses et des Associations, il y a des hommes et des femmes qui se dévouent, qui se mettent au service les uns des autres pour ajouter de la convivialité dans une société civile où les relations deviennent de plus en plus tendues, où les rapports de forces l'emportent souvent sur l'harmonie et l'amitié.
    Ces hommes et ces femmes réalisent ainsi l'invitation du Christ de se mettre au service les uns des autres. J'en suis heureux, mais j'envisage cependant l'avenir avec une certaine crainte : aurons-nous encore — dans les prochaines années — des personnes de bonne volonté qui accepteront de se mettre au service les uns des autres ? Ne trouvez-vous pas que la société se durcit ? Ne constatez-vous pas un repli sur soi, ou un repli "dans son chez soi" ? N'est-il pas de plus en plus difficile de trouver des personnes d'accord de donner de leur temps pour une cause, pour une société, pour une paroisse ?
    Mais peut-on imaginer une société sans bénévolat ? Vous imaginez-vous devoir salarier votre Comité, payer chacun des services "au prix du marché" ? Quel serait l'esprit d'un Comité devenu "Entreprise à créer des Events" ?
    Lorsque Jésus propose d'inverser les valeurs en mettant le service envers les autres au-dessus du pouvoir, ce n'est pas pour embêter le peuple. C'est pour révéler, mettre au jour, une vérité fondamentale sur la vie humaine et le bonheur. C'est pour faire comprendre toutes les tensions qu'il y a dans nos aspirations toutes humaines et leurs réalisations.
    Nous aspirons tous au bonheur et nous nous faisons tous une idée du chemin pour parvenir à ce bonheur, à notre bonheur. Le chemin le plus court vers notre bonheur semble être de s'occuper de soi-même. « Je vais faire mon bonheur ! »
    Jésus nous invite à réaliser que notre bonheur ne peut s'obtenir en ligne droite, mais seulement par ricochet, en passant par le service des autres. John Fitzgerald Kennedy l'avait bien compris lorsqu'il a dit aux Américains : "Ne cherchez pas ce que l'Amérique peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour l'Amérique."
    Jésus propose un nouvel ordre des valeurs pour mieux retrouver la vraie valeur des choses. Le bonheur humain ne se trouve pas dans le pouvoir, l'importance ou la célébrité. Le bonheur humain se trouve dans l'action même, dépréoccupée du but, du résultat. Il n'y a pas de bonheur dans la quête individualiste, égoïste de la gloire.
    Le rédacteur du récit biblique nous fait d'ailleurs un clin d'œil lorsqu'il parle du désir de Jacques et de Jean d'être à droite et à gauche de Jésus dans sa gloire, puisque ce sont deux brigands en croix qui se trouveront à droite et à gauche de Jésus à Golgotha !
    La vraie valeur, le vrai bonheur se trouve dans la satisfaction qu'on peut trouver dans l'agir même, au moment d'agir, sans attendre d'autres récompenses. Pourquoi aller tirer, si tirer ne fait pas plaisir, une récompense n'ajoutera rien.
    Jésus fait le pari qu'il y a plus de plaisir à servir les autres qu'à être servi. "Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir" (Ac 20:35). Jésus en a fait sa façon d'être avec les autres, sa façon d'entrer en contact, de rencontrer chacun. Il a choisi de servir plutôt que d'être servi.
    En cela il devient pour nous un modèle. Non pas pour agir correctement et être bons, cela serait une autre manière d'essayer de gagner une récompense, d'être bien vu des autres ou de Dieu. Non, servir pour retirer la satisfaction de faire quelque chose de digne de notre existence humaine, faire quelque chose qui apporte de la lumière aux autres et par ricochet nous fasse du bien, rehausse notre estime de soi, renforce notre satisfaction intérieure, en d'autres mots nous rende heureux !
    Dans cette société que nous sentons se durcir, apprenons à regarder autour de nous tous ceux qui sont au service — à commencer par ceux et celles qui feront le service à table à midi — et regardons les différemment : ces personnes sont importantes !
    Regardons les personnes qui s'engagent dans les Sociétés locales, les paroisses, les Associations : elles sont importantes !
    Et puis finalement, n'avons-nous pas aussi envie de devenir importants, de chercher un peu de bonheur ? Alors mettons-nous au service les uns des autres.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Marc 9. Jésus lève le voile sur son identité pour affermir ses disciples

    Marc 9

    22.3.1998
    Jésus lève le voile sur son identité pour affermir ses disciples
    Ex 24:12-18    2 Pierre 1:15-19    Marc 9:1-9

    Qui est Jésus ? Qui est-il vraiment ?
    Qui peut répondre à cette question par une explication qui se tienne, par une définition? Jésus ne se laisse cerner par les mots d'aucune langue. Le définir, ce serait l'enfermer dans un espace fini, donc le défigurer. Les premiers témoins, les disciples, les évangélistes ont été confronté à des difficultés pour dire qui était Jésus. Il s'est avéré plus juste de raconter que de définir.
    Voici pourquoi nous sommes en face du récit de la transfiguration. C'est un récit pour nous aider à cerner qui est Jésus ! Evidemment, ce récit tire ses références, ses clés, d'une culture différente de la nôtre. Il va donc falloir décrypter le texte pour nous approcher de la personne de Jésus. Le récit de la transfiguration est devenu difficile à comprendre. Il fait allusion à des épisodes de l'Ancien Testament, de l'Exode, de la rencontre de Moïse avec Dieu (Ex 24). Rappelons quelques éléments :
    •    Moïse monte sur la montagne du Sinaï, emmenant avec lui un compagnon, Josué.
    •    La nuée recouvre la montagne pour signaler et masquer la présence de Dieu.
    •    Dieu parle à Moïse pour lui communiquer la loi.
    •    Lorsque Moïse redescend de la montagne, son visage resplendit ("Moïse redescendit du mont Sinaï, en tenant les deux tablettes de pierre qui constituaient le document de l'alliance; il ignorait que la peau de son visage brillait à cause de son entretien avec Dieu. Quand Aaron et les Israélites virent l'éclat de son visage, ils eurent peur de s'approcher de lui." Ex 34:29-30).
    •    Aaron, comme les disciples, sont effrayés.
    Jésus est donc présenté comme un nouveau Moïse, le dépositaire de la loi, de la volonté de Dieu. Mais le récit va plus loin encore. Jésus est plus que Moïse. On ne doit pas le confondre avec lui, c'est pourquoi Jésus est montré en dialogue avec Moïse. De même, il est plus qu'Elie, le Messie annoncé par l'Ecriture (Malachie 3:22-24).
    Jésus dépasse les grands prophètes d'Israël, Jésus dépasse la loi et les prophètes, Dieu lui-même en rend témoignage en parlant depuis le ciel : "Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le !"
    Jésus est plus que Moïse, plus qu'Elie, il est le Fils de Dieu.
    Vous aurez remarqué que la phrase qui vient du ciel est la même que celle entendue lors du baptême de Jésus... enfin, presque la même. Remarquez la différence :
    Lors du baptême, la voix dit : "Tu es mon fils bien-aimé..."
    Lors de la transfiguration, la voix dit : "Celui-ci est mon fils bien-aimé...".
    Lors de son baptême, Jésus a reçu une parole pour lui-même, pour l'affermir lui (cf. prédication du 8.3.98). Lors de la transfiguration, la voix s'adresse aux disciples, pour les affermir eux. Au moment de la transfiguration, les disciples viennent d'être éprouvés. Ils ont passé par des hauts et des bas, ils ont subi des douches écossaises.
    Imaginez plutôt ! Nous sommes à la moitié de l'Evangile de Marc, les disciples accompagnent Jésus, ils le voient prêcher et accomplir des miracles. Tout se passe merveilleusement. Ces derniers jours, ils ont vécu la multiplication des pains puis la guérison d'un aveugle à Bethsaïda, puis Jésus les a interrogé sur ce que pensent de lui les gens ? "Qui dit-on que je suis ?". Et ensuite "et vous, qui dites-vous que je suis?" et Pierre a répondu avec enthousiasme qu'il était le Messie.

    Mais voilà, Jésus prend un air sombre, et leur explique de l'avenir ne sera pas comme ils se l'imaginent, "il faut que le fils de l'Homme souffre..." (Marc 8:31) Jésus leur parle pour la première fois de sa passion. Pierre ne peut accepter cela. C'est la douche froide. Pierre se fait traiter de Satan.
    L'identité de Jésus est mystérieuse et complexe, elle allie l'eau et le feu. Il est Messie souffrant et Messie glorieux. Il faut entendre ensemble l'annonce de la souffrance et la voix de la transfiguration. Les deux vont de pairs, comme la croix et la résurrection.
    Il faut tenir ensemble — pour comprendre Jésus — la souffrance et la gloire de Dieu, dans la même personne. Celui qui va souffrir et mourir sur la croix, c'est bien lui le bien-aimé de Dieu.
    "Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le!"
    Le crucifié et le transfiguré sont une seule et même personne.
    Cette parole, cet événement n'a pas été compris sur le moment. Mais il est une pierre posé comme fondation pour plus tard. La transfiguration est une anticipation, un préfiguration pour tenir plus tard. C'est un soutien pour la foi, un soutien pour notre foi, au milieu des coups durs et des turbulences de l'existence.
    Jésus, le crucifié, est le transfiguré. Nos vies, atteintes par la douleur et la souffrance, sont transfigurées par la présence de ce Jésus, souffrant et glorieux.

    Amen.
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Marc 1. Une parole d'amour pour nous permettre de régner sur nos vies

    Marc 1

    8.3.98

    Une parole d'amour pour nous permettre de régner sur nos vies

    Ps 2 : 2+4-12    Rm 8 : 11-17    Mc 1 : 6-13


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aujourd'hui, nous allons méditer sur le baptême de Jésus. Jésus a tenu à se faire baptiser par Jean Baptiste. Le récit ne nous dit rien des motivations de Jésus, des raisons qu'il avait de demander le baptême de repentance de Jean, lui qui n'a pas de péchés. Je ne vais donc pas faire de spéculations là-dessus, puisque le texte n'en dit rien.
    Le récit nous dépeint une scène très animée:
    - Jésus remonte de sous l'eau
    - le ciel se déchire
    - l'Esprit-Saint descend sur Jésus
    - une voix off fait une déclaration : "Tu es mon fils bien-aimé; en toi est ma joie, mon affection".
    Essayez d'imaginer la scène et la signification de ces 4 éléments :
    •    Jésus remonte et l'Esprit descend. C'est la rencontre, une réunion à mi-chemin entre le ciel et la terre.
    •    le ciel se déchire, les portes du ciel s'ouvrent et une voix qui vient du ciel déclare : "Tu es mon fils bien-aimé".
    Cette phrase, nous l'avons entendue dans le Ps 2:7 "C'est toi qui est mon fils, c'est moi qui suis ton père". C'est une formule d'adoption, c'est aussi la formule d'intronisation, de consécration d'un roi. Et dans ce psaume, il est bien question d'un nouveau roi que Dieu intronise pour régner sur les nations (v.8).
    Jésus, lors de son baptême, reçoit de Dieu la royauté, le pouvoir de régner sur tous les êtres humains. On retrouve cette royauté lors de la passion : Jésus est condamné pour le motif qu'il se serait proclamé "Roi des Juifs".
    A première vue on voit mal les conséquences de cette royauté de Jésus sur nous. J'y reviendrai après avoir examiné la phrase dite par cette voix qui vient des cieux. Cette phrase, "Tu es mon fils bien-aimé, je mets en toi toute ma joie" a un rôle clé pour la vie de Jésus, mais aussi pour la nôtre.
    Commençons par entendre vraiment ce mot d'amour : "Tu es mon fils /ma fille bien-aimé(e)". Laissons ces mots descendre en nous, comme la colombe descendait du ciel. Laissons-nous être imprégnés par ces paroles. De qui aurions-nous eu besoin de les entendre ? Les avons-nous entendues aux moments cruciaux de notre existence ?
    Heureux ceux qui les ont entendues et reçues au bon moment ! Si ces paroles vous ont manqué, l'Esprit de Dieu les répète maintenant à votre oreille, pour vous "Tu es mon fils /ma fille bien-aimé(e), en qui j'ai mis toute mon affection". On ne peut revenir sur le passé, mais aujourd'hui, cette parole peut vous parvenir, vous pouvez l'accepter parce qu'elle vous est destinée.
    Cette parole d'adoption, l'Esprit de Dieu nous l'adresse, à chacun et chacune, aujourd'hui. L'Esprit de Dieu, le texte de Paul aux Romains en parle en ces mots (Rm 8:14-15) : "Tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu. Car l'Esprit que vous avez reçu n'est pas un esprit qui vous rende esclaves et vous remplisse à nouveau de peur; mais c'est l'Esprit Saint qui fait de vous des fils de Dieu et qui nous permet de crier à Dieu : Mon père!".
    La voix du baptême de Jésus, c'est l'Esprit de Dieu. Recevoir l'Esprit, c'est recevoir cette parole d'adoption, de reconnaissance, d'amour. Cette parole ne fait pas de nous des esclaves — obéissants soigneusement et scrupuleusement à Dieu — cette parole nous institue fils de Dieu, ou même rois.
    Cette parole d'amour nous offre la royauté de nos vies. Devenir roi, régner sur sa vie, c'est agir plutôt que réagir, c'est prendre des initiatives plutôt que subir. Régner sur sa vie, c'est refuser de glisser dans un statut de victime, pour avoir un statut d'acteur, d'agent; c'est réaliser que notre bonheur ou notre malheur ne dépend pas des autres, même si nous ne sommes pas maîtres de tout. Lorsqu'une relation est difficile, ce n'est pas seulement à cause de l'autre. Nous sommes partie prenante dans la relation et notre position joue son rôle dans la relation. Régner sur sa vie, c'est choisir son scénario de vie plutôt que suivre les scénarios dictés par d'autres.
    Dieu nous encourage à assumer la direction de notre vie, sans fausse humilité. Notre liberté n'est pas en concurrence avec la volonté de Dieu. Comme nous l'avons vu dimanche dernier, la volonté de Dieu est que nous soyons libres.
    Recevoir cette parole d'amour de Dieu, ou recevoir l'Esprit Saint — c'est la même chose — nous donne la force d'affronter l'existence avec ses difficultés. Aussitôt après son baptême, revêtu de cette force, Jésus est conduit au désert pour affronter le mal.
    Lorsque nous sommes baptisés — dans la mort et la vie nouvelle du Christ — nous recevons cette parole, cet Esprit, cette force pour vivre notre vie. Cet amour a permis à Jésus de donner sa vie pour ses amis — c'est là le sens de Pâques. Cet amour nous le recevons aussi. Le baptême en a été, en est une marque. Nous pouvons en vivre dès maintenant et chaque jour que Dieu fait.

    Amen.
    Bible,Christianisme,Prédication,Spiritualité,Vie Quotidienne,Education,Protestant,
    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Marc 10. Abandonner ce qui fait obstacle à la quête de la vraie vie

    Marc 10

    1.3.98

    Abandonner ce qui fait obstacle à la quête de la vraie vie

    Genèse 2 : 7-9 + 15-17    Galates 3 : 23-29    Marc 10 : 17-22

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Vous avez certainement tous reconnu dans la dernière lecture le récit de la rencontre de Jésus avec le jeune homme riche. Cela fait plusieurs mois que ce récit tourne dans ma tête. En effet, c'est typiquement un de ces textes dont on n'écoute plus les mots parce qu'on l'a déjà entendu. Il ne fait que réactiver notre mémoire et notre mémoire masque le récit.
    Un exemple : on parle du jeune homme riche. Pourtant, il ne s'agit que d'un homme qui observe les commandements depuis sa jeunesse dans le texte de Marc. Chez Luc, c'est même un notable, donc quelqu'un de mûr, voire d'âgé. Il n'y a que Matthieu qui dise de lui qu'il est jeune. Ici, et pour aujourd'hui, pour être fidèle au texte de Marc, c'est un homme adulte, d'âge indéterminé.
    Le masque de notre mémoire retient généralement de ce texte trois leçons :
    1. Il ne suffit pas d'obéir aux commandements, il faut en faire plus, obéir jusqu'à l'impossible.
    2. On ne peut suivre Jésus qu'en renonçant à ce qui nous est précieux, à ce qui nous tient à coeur.
    3. On doit se reconnaître dans l'homme riche, mais ne pas devenir triste comme lui.
    Eh bien je crois que ces trois leçons ne sont pas dans le texte. Le texte a autre chose à nous dire. Cette rencontre de Jésus est une bonne nouvelle, pour l'homme riche et pour nous. Voyons cela.
    D'abord, l'homme court vers Jésus pour lui poser la question de sa vie, la question qui le tracasse depuis longtemps : «Comment hériter de la vie durable, de la vraie vie ?»
    1. Jésus ne fait pas une réponse compliquée, n'énonce pas d'exigences spéciales, il cite simplement une partie du décalogue. Et c'est l'homme qui relance Jésus : «J'ai pratiqué tout cela, mais ma question reste en moi.» Cette pratique ne lui suffit pas, ne remplit pas sa vie, ne lui donne pas tout son sens. L'obéissance ne lui suffit pas, ne le comble pas.
    Lorsque Jésus dit à l'homme : «Il te manque quelque chose», il n'invente rien, il confirme, il valide simplement le sentiment profond de l'homme, il reconnaît autant l'obéissance de l'homme que le manque qu'il vient d'énoncer. Jésus n'affirme pas qu'il faut encore obéir à quelque chose de plus. Jésus refuse la logique de demander "un peu plus de la même chose". L'homme fait suffisamment.
    Jésus entre sur le terrain de l'homme qui cherche la vraie vie. Il le considère pour lui-même, "il le regarde et se prend à l'aimer" dit le texte de Marc. L'homme étant en manque, en demande d'autre chose, Jésus lui suggère un changement d'attitude, de comportement face à la vie.
    L'homme a rempli sa vie de l'observance des commandements. Il vivote dans son obéissance stricte. Il ne s'y épanouit pas, il est peut-être rempli de scrupules, de culpabilité, de doutes. (Ai-je bien fait ? En ai-je assez fait ? etc.).
    Jésus va le placer sur un autre terrain. «Vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres». Jésus ne lui demande pas de transposer sa façon d'être (scrupuleux, comptabilisateur) dans sa façon de donner aux pauvres (Ai-je assez donné ?). Au sein de cette vie bien rangée, Jésus lui propose un coup de folie, une extravagance, un acte extraordinaire qui échappe à tout calcul, à toute mesure. Il lui propose quelque chose qui le délierait de toutes les conventions, de tous les usages, de toutes les obéissances. Jésus propose cela, non pas pour que l'homme devienne parfait, mais pour le délier, le libérer, lui rendre un accès à la vraie vie, aux richesses du Royaume de Dieu.

    2. Jésus ne propose pas à l'homme un renoncement pour le plaisir de Dieu. Jésus lui propose cela parce que — à ce moment de l'existence de cet homme, à cause de la quête de cet homme — c'est la meilleure chose qui puisse lui arriver, qu'il puisse faire.
    C'est là que la bizarre introduction du récit prend son sens. «Ne m'appelle pas "bon maître", Dieu, l'Unique, est bon». Au début de cette rencontre, Jésus devait rappeler à cet homme que Dieu n'est pas un maître sadique et cruel qui veut écraser l'être humain sous les corvées et le renoncement. Dieu, l'Unique, est celui qui a libéré son peuple de l'esclavage et l'a conduit au Sinaï pour lui donner la loi qui lui permettra de rester libre. Le but de la loi n'est pas l'obéissance, mais la liberté. C'est cela que Dieu veut, et c'est en cela qu'il est bon pour l'être humain.
    Donc si Jésus propose à l'homme de vendre ses biens, c'est parce que, à ce moment-là de la quête spirituelle de cet homme, ces biens sont devenus un obstacle sur son propre chemin. Cette fortune est un poids. L'homme est retenu par elle. C'est comme s'il avait les pieds coulés dans du béton, il est paralysé. Cette fortune, peut-être un héritage, l'empêche d'avancer, de sauter, de danser, d'être libre comme un oiseau. Sa sécurité l'empêche d'être libre et de grandir.

    3. Cet homme a tout pour être heureux, pourtant sa quête n'est pas accomplie, il avait besoin de courir la dire à Jésus. L'homme reçoit confirmation de son manque et une suggestion de Jésus. A cette réponse «il prit un air sombre et s'en alla tout triste».
    On a toujours interprété cela comme un refus. On peut aussi le lire différemment. La tristesse est l'émotion qui nous rapproche le plus de nous-mêmes, de notre être intérieur, de notre vrai "moi".
    L'homme avec sa tristesse commence son cheminement intérieur, un retour vers son propre passé pour comprendre ce qu'il vit, ce qu'il a vécu. Le passage par la tristesse est essentiel pour reprendre contact avec le "soi intérieur", avec l'être vrai qui est en nous. Jésus est justement celui qui nous reconnecte avec notre être intérieur. Cela peut passer par la tristesse.
    L'homme — confronté à la vérité de la rencontre avec Jésus — doit réaliser à quel point ses biens, ses héritages, sont ce qui le paralyse, l'immobilise, l'empêche de marcher avec la vie, à la suite de Jésus. La quête de l'homme tourne autour de l'héritage. Sa question primordiale est : "Comment hériter la vraie vie ?" tout en trimbalant ses héritages . Ces héritages qu'il doit vendre, dont il doit se débarrasser pour devenir lui-même à la suite de Jésus, cela peut être aussi bien cette fortune, ou cette obéissance apprise, ou un autre boulet accroché à son pied dans son passé.
    L'homme a de quoi pleurer sur son passé pour retrouver la liberté d'être lui-même, pour évacuer tout ce qui l'a empêché de grandir, d'évoluer en liberté,  en suivant sa propre voie. Il doit réaliser tout ce qui a été canalisé dans une obéissance stricte et comment cette obéissance sans réflexion n'est pas l'aboutissement, l'accomplissement de la volonté de Dieu.
    Obéir ou être libre, ce n'est pas la même chose.
    Jésus offre à cet homme — et à chacun d'entre nous — la liberté. Cela demande de se séparer de fardeaux placés sur nos épaules tôt dans la vie, fardeaux qui font maintenant obstacle à cette liberté.
    Jésus veut le meilleur pour nous, c'est pourquoi il nous offre de déposer sur terre les poids, les liens qui nous entravent pour marcher léger à sa suite, avec un trésor dans le ciel.

    Amen.

    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Marc 8 . Pierre déçu de la messianité souffrante de Jésus

    Marc 8
    14.2.99
    Pierre déçu de la messianité souffrante de Jésus
    Marc 8 : 27-36

    — Qu'est-ce que vous en pensez ? J'ai besoin de votre conseil. Je ne sais plus que faire.
    Je crois qu'il vaut mieux que je vous raconte mon histoire depuis le début !

    Voilà, tout a commencé un matin, nous rentrions de la pêche, mon frère André et moi. Mon frère et moi, on a une petite compagnie de pêche sur le lac de Galilée. Ça marche pas trop fort depuis que les Romains sont là. Avec leur Union Romaine, ils ont ouvert les frontières et ils ont fait tomber le prix du poisson. Quoi, les temps sont durs. Cela fait un bout de temps qu'André et moi on se demande jusqu'à quand on va tenir; si on ne ferait pas mieux de se convertir. La pêche, ça ne nourrit plus son homme.

    Donc ce matin-là, nous rentrions de la pêche, et il y avait une grande foule massée sur le rivage. Cette foule écoutait un homme. Oh, ce n'était pas n'importe qui. On en avait déjà entendu parler lorsque nous allions retrouver Jean-Baptiste. Jean nous disait : "— Celui qui doit venir après moi est plus puissant que moi. Moi, je vous ai baptisé avec de l'eau, mais lui, il vous baptisera avec le Saint-Esprit". Et Jean nous avait désigné Jésus. C'était justement ce Jésus qui parlait, sur le sable, à la foule. Une fois débarqué, nous nous sommes approché pour l'écouter. Nous n'avions rien d'autre à faire, la pêche n'avait rien donné cette nuit-là. C'était désespérant.

    Ce jour-là, il y avait tant de monde avec lui qu'il a demandé une barque pour pouvoir parler à la foule sans être poussé dans l'eau. Je l'ai fait monter dans ma barque. Je tenais les avirons pour le mener devant la foule et maintenir le bateau. C'est comme ça que je l'ai entendu pour la première fois. Et ce qu'il a dit m'intéressait. Mais je n'étais pas prêt à m'y impliquer — je suis un homme de la mer, pas un vagabond, encore moins un prêcheur !

    Mais lorsqu'on a regagné la terre, il renvoya la foule et parla avec nous. Il nous a surtout écouté nous plaindre. Oh, je sais, on ne devrait pas se plaindre, il y en a de plus à plaindre que nous. Enfin, tout à coup, il nous a bien regardé, il s'est adressé directement à mon frère, puis à moi, en me regardant droit dans les yeux — un regard que je n'oublierai jamais, qui allait jusqu'au fond de l'âme (je ne pourrai jamais l'oublier) — et il nous a dit :
    — Toi André, toi, Simon Pierre, venez avec moi et je ferai de vous des pêcheurs d'hommes.
    Je n'ai pas compris ce qu'il voulait dire par là, mais j'y suis allé ! Je l'ai suivi et je n'ai pas été déçu.

    Il m'a emmené avec lui faire le tour des villages environnants. En plus de mon frère, il y avait encore deux autres frères, pêcheurs comme nous, qu'il avait ramassé, les fils de Zébédée, Jacques et Jean. On le suivait et ce qu'on a vu tout de suite, c'est qu'il attirait le monde autour de lui, comme un aimant. En fait les gens venaient pour l'écouter et ils repartaient tout allégés. On en voyait qui repartaient en chantant ou en sautillant. Nous, on était nouveau, et on ne comprenait pas très bien ce que Jésus faisait, mais les gens venaient malades et repartaient guéris.

    C'était fascinant. Je l'ai suivi avec les autres pendant plusieurs jours. Il parcourait la Galilée, il guérissait les malades du corps ou de la tête. Il parlait à chacun. Il réconfortait. On voyait qu'il portait attention à chacun. La vie avec lui avait, avait quelque chose de plus que tout ce que j'avais vécu auparavant.
    Avec lui, tout prenait une dimension incroyable. Avec lui, je ferais n'importe quoi, j'irais partout où il voudrait aller. Tenez ! si un jour, il me demandait — en plein midi — de prendre ma barque et d'aller pêcher — alors que je n'aurais rien pris de toute la nuit — et bien j'irais et je jetterai mes filets — rien que parce qu'il me l'aurait demandé. Le comble avec lui, c'est qu'il y aurait des chances que le filet soit plein à craquer et que je n'arrive pas à tout ramener au bord. Oui, c'est comme ça que ça se passe, avec Jésus.

    J'ai passé des mois comme ça avec lui, jusqu'à hier. Oui justement, hier il s'est passé quelque chose qui m'a tellement troublé... enfin je saute trop de choses, il faut encore que je vous raconte quelque chose. Après vous pourrez me dire ce que je dois faire.
    Donc, Jésus avait rassemblé autour de lui une petite équipe de 12 fidèles. Il nous confiait des choses qu'il ne disait pas aux foules. Nous avions pleine confiance en lui et lui en nous. Moi, à voir les boiteux qu'il faisait remarcher, les aveugles à qui il rendait la vue, j'en était arrivé à la conviction qu'il était le Messie, celui que Dieu devait nous envoyer pour libérer le pays et tout remettre en ordre, comme c'est annoncé dans le Livre !

    Je n'en parlais pas autour de moi, parce que je voyait bien que Jésus ne voulait pas trop que ça se sache. Chaque fois qu'il guérissait quelqu'un, il lui recommandait de ne pas le dire autour de lui. Je crois que Jésus avait peur que les Romains découvrent trop tôt son intention de les chasser du pays. C'est vrai que c'était un danger. Mais moi, quand j'ai deviné tout cela, et bien, je n'ai plus voulu quitter Jésus un seul instant. J'entends bien être son second dans cette histoire-là.

    Et puis, il y a eu quelques troubles. La famille même de Jésus a voulu le reprendre et l'enfermer. Sa mère et ses frères disaient qu'il était devenu fou, qu'il avait perdu la raison. Ensuite, ce sont tous les habitants de Nazareth, puis le fort parti des Pharisiens qui ont commencé à le diffamer et à l'attaquer. Entre temps, Jean-Baptiste a été exécuté par le roi Hérode. Ça commençait à se gâter tout autour. Il fallait que Jésus se décide à se dévoiler et en appeler aux armées célestes et à tous les volontaires prêts à tuer du romain. La situation était mûre à mon avis.
    Finalement, c'est hier que Jésus s'est dévoilé à nous. Nous étions en chemin et il nous a demandé :
    — Que disent les gens à mon sujet ?
    On a répondu :
    — Certains disent que tu es Jean-Baptiste, d'autres que tu es Elie, et d'autres encore que tu es l'un des prophètes.
    — Et vous, qui dites-vous que je suis ?
    Alors là, j'ai su que le moment était arrivé de dire ce que j'avais deviné : — Tu es le Messie, Seigneur.

    Jésus nous a alors simplement demandé de n'en parler à personne. Dans ces circonstances, j'ai trouvé normal qu'il nous demande de garder le secret. Mais un peu plus tard — alors ça je n'ai pas pu l'accepter — il nous a dit quelque chose qui me reste en travers de la gorge :
    — Il faut que le Fils de l'homme (il parlait de lui-même comme cela tout le temps) que le Fils de l'homme souffre beaucoup; il sera rejeté; il sera mis à mort, et après trois jours, il reviendra à la vie.
    Là, je n'ai pas pu me retenir. Je lui ai dit : Tu es le Messie, cela ne peut pas t'arriver. Tu vaincras.

    Je lui ai donc expliqué que je trouvais que c'était le bon moment pour qu'il se déclare comme le Sauveur d'Israël, qu'il rassemble une armée et qu'il impose le Règne de Dieu.
    — Tu ne penses pas comme Dieu, mais comme les hommes, Pierre, m'a-t-il dit. Tu n'as pas compris quelque chose, mon père a renoncé à s'imposer par la violence. Il pourrait renverser les Romains, mais il ne veut pas que cela se passe comme cela, et je suis d'accord avec lui.
    Tu vois, moi-même, j'ai été tenté dans le désert par la toute-puissance. On m'a proposé de réaliser tous mes voeux. J'aurais pu dire oui et, comme on l'entend souvent aujourd'hui, je pourrais dire "et je serai le maître du monde".

    Mais j'y ai renoncé, parce que si je devenais le maître du monde, vous seriez des esclaves, mes serviteurs. Ce qui m'importe c'est que vous soyez pour moi des frères. Que je sois pour vous un frère, que je vive ce que vous vivez, que je souffre avec vous lorsque vous souffrez. Je ne veux pas échapper au destin de tout homme. C'est pourquoi le Messie vient comme un serviteur. Le Fils de l'Homme va souffrir, comme tout être souffre au cours de sa vie. C'est ainsi que va s'accomplir la volonté de Dieu.
    Maintenant, Pierre, tu peux choisir, tu peux choisir de vivre ta vie d'homme et chercher le triomphe par la force, ou bien , tu peux vivre ta vie d'homme en me suivant. Tu peux choisir, maintenant.

    Voilà ce que Jésus m'a dit. C'était hier. Et maintenant, aujourd'hui, je dois choisir.
    C'est pour cela que je vous ai raconté tout cela. J'aimerais votre conseil...
    A ma place, vous, qu'est-ce que vous feriez ? Allez-vous suivre Jésus ?

    © 2007, Jean-Marie Thévoz