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n) Jean - Page 3

  • Jésus accepte toutes les facettes de son humanité

    30.10.2016

    Jean 4

    Jésus accepte toutes les facettes de son humanité 

    Mat 3 : 13-17       Jean 4 : 1-10

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    Chères frères et sœurs en Christ,

    Vous avez entendu le récit du baptême de Jésus —selon l'évangéliste Matthieu — et le début de la rencontre de Jésus avec la femme samaritaine — dans l'évangile de Jean. Ces deux récits sont bien différents, puisqu'ils racontent des événements et des rencontres dissemblables, mais deux choses les réunissent : ils ont l'eau en commun et chaque écrit tourne autour d'une demande de Jésus.

    - Jésus demande à Jean Baptiste de le baptiser et

    - Jésus demande à la femme samaritaine de lui donner à boire.

    Cela paraît évident que, dans la vie, on demande certains services, certaines choses. Cela va de soi ! Pourtant, ici, cela ne va pas de soi, puisque les deux fois, Jésus rencontre une résistance.

    Jean Baptiste s'oppose. Il ne veut pas baptiser Jésus, il trouverait plus normal d'être baptisé par Jésus ! Jean Baptiste voudrait donc inverser les rôles. En disant cela, Jean Baptiste reconnaît, confesse en Jésus un être supérieur à lui, plus proche de Dieu, un être auquel il n'a rien à donner, mais tout à recevoir. Pourtant, Jésus demande ce baptême à Jean Baptiste, même si "théoriquement" Jésus n'a pas à être purifié, pardonné. (Mais les évangiles ne nous présentent pas un Jésus "théorique"). Mais Jésus — bien que Fils de Dieu, comme la voix dans le ciel le proclame lors de son baptême — ne veut pas être élevé au-dessus de sa condition d'être humain, en tout cas pas avant sa mort sur la croix.

    C'est ce que nous retrouvons sous la plume de l'évangéliste Jean dans la rencontre avec la Samaritaine : un Jésus tout humain.

    - Il est en voyage, en marche de la Judée vers la Galilée.

    - Il est midi, il a envoyé ses disciples acheter des provisions au village.

    - Il est fatigué, comme un homme qui a marché toute la matinée sous un soleil de plus en plus chaud. Il s'est assis sur la margelle du puits de Jacob.

    - Il a soif. (Notez que c’est aussi la parole de Jésus sur la croix que l’évangéliste Jean relève dans son Evangile, donnant ainsi à cette rencontre et à cette demande une importance particulière.)

    Jésus a soif, comme tout homme qui a marché longtemps sous le soleil. Jésus est montré comme ayant des besoins humains, il vit une vie d'homme avec tout ce que cela représente de finitude, de soif et de faim à calmer, de fatigue à compenser, de repos à trouver. Et lorsque Jésus a soif, il demande à boire, et il le demande à la personne qui se trouve là, en l'occurrence une femme, une étrangère de surcroît.

    En lui adressant la parole, Jésus brise deux tabous : celui d'un homme qui s'adresse à une femme et celui d'un juif qui s'adresse à un samaritain. Mais Jésus n'a rien à faire de ces tabous, ce qui est important, c'est qu'il manifeste qu'il n'est pas autosuffisant, qu'il ne vit pas de manière autarcique. Jésus manifeste que — comme tout être humain — il a besoin des autres. Pas seulement de ses amis, de ses disciples, qu'il a envoyé chercher à manger. Non, Jésus a besoin de chacun, même des inconnus et il n'a pas peur de le faire savoir. Il demande comme un enfant demande, en toute innocence, en toute confiance.

    Il demande comme nous ne savons souvent pas demander. Je ne sais pas si vous réalisez comme on a peur de demander dans ce Canton, tellement on a peur de déranger, tellement on a appris qu'il fallait y arriver tout seul, par ses propres moyens.

    Il y a souvent de la honte à demander de l'aide.

    - Combien de personnes ici à Lausanne ou dans le Canton se passent d'aide sociale ou de prestations complémentaires d'AVS, parce qu'il faut les demander !

    - Combien sommes-nous à éviter de déranger notre voisine pour lui demander un œuf ou du sucre et à préférer prendre sa voiture pour aller à la station-service pour en acheter le soir ou le dimanche ?

    Cela me rappelle une rencontre que j’ai faite à l’EMS, une ancienne infirmière, qui me disait combien elle trouvait gênant, voir humiliant de devoir demander de l’aider pour se lever, pour sa toilette, pour s’habiller. Elle qui avait consacré sa vie à faire cela pour les autres, qui avait dû trouver valorisant d’exercer ce métier d’aide et de soutien, elle ne supportait pas de se trouver de l’autre côté !

    Demander, c’est difficile, c'est dévoiler un manque, une vulnérabilité, une imprévoyance, voire une faiblesse. C'est avouer : "je ne suis pas autosuffisant", "je ne suis pas parfait, parce que je n'ai pas prévu d'avoir assez de sucre ou d'œuf." “Je ne suis plus autonome.” Ah ! comme c'est plus facile de proposer de l'aide que d'en demander !

    Eh bien, voilà que Jésus se présente avec ses demandes, avec ses limites d'être humain, pour nous dire : "Il n'y a pas de honte à être humain, à être imparfait, à être vulnérable, à dépendre d'autrui." Dans la demande même, Jésus nous fait cadeau de son humanité, de son acceptation paisible de toutes les limites humaines. Non, nous n'avons pas à être des surhommes, ou des super-women, à être partout à la fois, à faire trois choses à la fois, à être parfait(e)s. Accepter d'avoir besoin des autres, c'est aussi un cadeau que nous leur faisons.

    Regardez ces petits enfants qui attendent tout de leurs parents, ne sont-ils pas des cadeaux dans leur façon ingénue de demander ? Ne nous apprennent-ils pas la vraie vie ? Jésus a dit une fois "Le Royaume des cieux appartient à ceux qui leur ressemblent" (Mt 19:14) Le Royaume de Dieu n'est pas pour ceux qui pensent avoir accompli la perfection dans leur vie, mais pour ceux qui ont soif, pour ceux qui se savent fatigués, limités et s'offrent aux autres avec leurs demandes et leurs possibilités.

    Jésus a demandé le baptême à Jean Baptiste parce qu'il savait qu'une vie d'être humain a besoin du soutien, de l'aide de Dieu et des autres. Il savait que chaque être humain a besoin de la grâce et de l'amour de Dieu pour avancer et qu'il en avait besoin lui aussi. C'est ce qui nous est offert chaque jour par la présence de Dieu dans votre vie. Il suffit de le demander !

    Amen  

    © Jean-Marie Thévoz 2016

  • Jésus vient libérer l’être humain de la religion

    Jean 2

    16.10.2016

    Jésus vient libérer l’être humain de la religion

    Amos 5 : 21-24      Michée 6 : 6-8      Jean 2 : 13-22

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    On a l’habitude d’entendre ce récit de Jésus chassant les marchands du Temple. Bien que son geste soit scandaleux, on se dit que Jésus avait de bonnes raisons de faire cela puisqu’il est notre héros. Du coup on ne voit plus le côté choquant, scandaleux, de l’agir de Jésus. Non mais, vous imaginez, si quelqu’un venait ici et se mettait à renverser nos présentoirs et notre vaisselle liturgique, en nous disant que ce n’est pas comme cela qu’il faut adorer Dieu ! Comment réagirions nous ? Ne demanderions-nous pas, nous aussi, des explications, des justifications ?

    Reconnaissons-le, Jésus se comporte scandaleusement, pour les responsables du Temple de Jérusalem, mais peut-être pour nous aussi. Enfin, nous verrons ce que ces agissements d’alors ont pour conséquences pour nous aujourd’hui. Nous serons peut-être aussi choqués par les bouleversements que cela exige que nous, dans nos vies d’aujourd’hui.

    Oui, parce que cet événement — dans le Temple — est programmatique, il annonce le sens de la mission de Jésus. L’évangéliste Jean a placé deux récits — après la présentation de Jésus et l’appel des disciples dans le chapitre 1 — deux récits, dans ce chapitre 2, qui annoncent son plan, son programme, sa mission.

    Le premier récit est celui des noces de Cana, qui annonce que Jésus est venu apporter du goût à la vie, de la joie dans une vie insipide. Jésus est venu pour donner à chacun accès à la vraie vie. Il a changé l’eau en vin, la vie plate en une vie pleine, ce que j’ai appelé la vie en 3D dimanche dernier. Dans le récit qui se passe au Temple, Jésus annonce l’autre partie de son programme, ou le moyen d’arriver à la vraie vie : trouver Dieu, entrer en vraie relation à Dieu.

    En plaçant l’un à la suite le récit de Cana et le récit de Jésus qui chasse les marchands du Temple — et cela tout au début de son Évangile (alors que les Synoptiques placent cet épisode après le ministère de Jésus au Galilée, à son arrivée à Jérusalem, juste avant sa Passion) — Jean montre qu’il y a un lien étroit entre la vraie vie et la juste relation à Dieu. Alors en quoi épisode où Jésus chasse les marchands du Temple exprime-t-il la juste relation à Dieu ?

    D’abord, le geste de Jésus est une condamnation sans appel de certaines pratiques religieuses, de certaines idées sur Dieu. En chassant les vendeurs d’animaux et les changeurs, Jésus s’en prend à la commercialisation de la religion et à la vision de Dieu qu’elle implique. Il y a deux aspects. L’aspect commercial, c’est-à-dire faire du profit sur la faiblesse humaine est dénoncé, c’est clair. Cela vise l’instrumentalisation de la religion, autant par le pouvoir économique (ça rapporte) que par le pouvoir politique (ça tient les gens tranquilles ou bien ça les rend dociles).

    Le second aspect, qui préoccupe davantage Jésus, c’est l’image de Dieu que ce commerce renvoie. Cela signifie : Dieu s’achète ! Un petit don peut effacer un petit péché, un gros don peut effacer un gros péché. C’était le système des indulgences au Moyen Âge. C’était déjà présent dans le système commercial des sacrifices au Temple. Avec cette pratique Dieu ne peut plus exercer son amour et sa grâce, il est enfermé dans des barèmes et dans la rétribution. A tel péché, telle punition, à tel don, telle rémission.

    C’est cela que Jésus vient casser, détruire, cette fausse image, cette fausse représentation de Dieu. Cette image est tellement forte qu’il faut a une grande violence pour la renverser, la mettre à bas.

    Là, Jésus s’inscrit dans la droite ligne de la violence des prophètes. Déjà ceux-ci s’en prenaient à la pratique religieuse, à cette pratique qui donnait bonne conscience, mais qui ne se traduisait pas en termes de relations justes. Déjà les prophètes s’élevaient contre la religiosité et les bondieuseries, ils invitaient à rendre le culte vrai à Dieu : celui de pratiquer la justice et d’agir avec bienveillance (Michée 6:8). Voilà également le programme de Jésus.

    Il s’agit de libérer l’être humain de la religion qui asservit, de la religion du marchandage, de la rétribution, de la religion du bâton et de la carotte, de la religion du calcul.

    Évidemment, en face, les responsables du Temple, demandent à Jésus de se justifier et de s’expliquer. Et Jésus leur donne une explication énigmatique : « Détruisez ce Temple, et en trois jours je le rebâtirai. » (Jn 2 :19) C’est typique de l’évangéliste Jean de construire de telles phrases, où il introduit en même temps une ambiguïté (un malentendu sur un mot) et un double sens (sur la phrase). Je m’explique. Le malentendu porte sur le mot « Temple ». Pour les juifs il s’agit du monument en pierre. Pour Jésus, et les lecteurs de l’Évangile, il s’agit du corps de Jésus. Les uns et les autres ne parlent pas de la même chose, tout en étant d’accord sur le fait qu’en disant « Temple » on parle du lieu où Dieu se trouve.

    Les juifs disent donc que Dieu se trouve dans le monument, alors que l’Évangile dit que Dieu se trouve dans le corps du Christ. Ceci pour le malentendu. Ensuite c’est la phrase à double sens. La phrase de Jésus peut être entendue au premier degré comme un ordre, ce que comprennent les juifs. Mais elle peut aussi être entendue comme une annonce prophétique : et bien détruisez ce Temple et vous verrez bien, je le rebâtirai, c’est bien ce qui arrivera. Sous-entendu : Dieu n’est pas là où vous le pensez, il n’est pas dans le Temple de pierre, il est dans le corps du Christ.

    L’enjeu n’est pas Jérusalem, l’enjeu est de savoir où chercher Dieu, de savoir où on le trouve. Et l’évangéliste Jean l’annonce dans ce récit programmatique : Dieu n’est pas dans les structures de la religion. Dieu est dans le corps du Christ qui va souffrir, être exécuté et être ressuscité par Dieu le troisième jour. Et les disciples — après Pâques — se souviendront de ce qui s’est passé au Temple et comprendront. Il y a donc bien plus qu’un enjeu économique dans ce récit. Il y va de la libération de l’être humain des contraintes de la religion. Et dans ce sens là on ne devrait pas parler du christianisme comme d’une religion ! Jésus est venu libérer l’être humain de la religion pour lui donner un accès libre et direct à Dieu.

    Jésus a libéré l’être humain de la contrainte locale, géographique. Quand la Samaritaine demande à Jésus où il faut aller pour adorer Dieu, « sur cette montagne ou à Jérusalem ? » (Jn 4:20) Jésus répond : « les vrais adorateurs doivent adorer en esprit et en vérité » (v.23). Jésus a libéré l’être humain des pratiques sacrificielles pour nous ouvrir à la grâce, à la gratuité.

    Jésus n’a institué aucune pratique religieuse, aucune forme autorisée de pratiques de la foi, si ce n'est de partager nos repas. Il n’y a pas aux yeux de Jésus de formes de culte plus autorisées que d’autres, pourvu que la priorité soit donnée à la pratique de la justice et de la réconciliation.

    Jésus n’a pas formé de prêtres ou d’intermédiaires patentés entre l’être humain et Dieu. Il a seulement envoyé des disciples pour annoncer l’entrée libre auprès de Dieu, l’invitation à tous de venir au grand banquet du Royaume.

    Quel programme ! Agir non par devoir, mais par reconnaissance. Vivre le culte, non pour plaire à Dieu, mais pour recevoir des forces. Agir dans le monde, non pour obtenir quelque chose de Dieu, mais pour faire jaillir la justice comme un torrent intarissable (Amos 5:24). Oui quel beau programme ! Quel joie de marcher dans les traces de ce Jésus.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2016

     

  • Vivre la vie en 3D

    Jean 3

    9.10.2016

    Vivre la vie en 3D

    Genèse 12 : 1-5         Jean 3 : 1-12

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    On relisant le récit de la rencontre de Jésus avec Nicodème, j’ai réalisé que Jésus demandait à Nicodème, la même chose que Dieu demandait à Abraham. Vous vous souvenez du début de l’histoire d’Abraham, avec cette demande de Dieu de tout laisser et de partir, vers un autre pays, vers un autre horizon, vers une autre patrie. Ce voyage nous est présenté comme un itinéraire géographique, mais nous percevons que Dieu ne demande pas seulement un déménagement, mais une démarche de foi.

    Le déplacement n’est pas seulement une affaire de kilomètres à parcourir, mais un déplacement dans sa tête : accepter d’être dérangé dans ses habitudes, dans ses routines ; accepter d’envisager un ailleurs — encore inconnu, encore mystérieux, sur la foi d’une promesse. Il y a bien un ailleurs promis, un avenir ouvert, une nouvelle vie au bout du chemin, dans le chemin même. Comme lecteur de ce récit, nous sommes invités à nous associer à Abraham, donc à faire avec lui ce voyage, qui devient pour nous un voyage spirituel.

    Abraham est bien un père spirituel, le père d’une multitude de nations, comme le dit son nom. Abraham était en tout cas le père spirituel duquel les pharisiens disaient descendre et se rattacher. Sachant cela, le dialogue entre Nicodème et Jésus prend une tournure encore plus ironique. Ce maître pharisien ne comprend rien au discours de Jésus sur la nouvelle naissance, alors que Jésus ne demande rien d’autre à Nicodème que ce que Dieu a demandé à Abraham : « Commence une nouvelle vie !» Va, pars, quitte ton ancienne vie et commences-en une nouvelle. C’est ce que signifie l’injonction : « tu dois naître de nouveau. »

    Mais Nicodème est comme nos rationalistes d’aujourd’hui, il ne voit la vie qu’en deux dimensions : il y a ce qui est devant et derrière soi, il y a ce qui est à droite et à gauche. Mais il ne voit pas ce qu’il y a en-dessus et en-dessous. C’est la vie en 2D. Alors que la vie nous est donnée en 3D. Il y a tout ce qui est au-dessus de nous.

    L’évangéliste Jean joue sur le double sens, en grec, du mot qui veut dire en même temps « de nouveau » et « d’en haut ». Jean joue sur ce double sens pour montrer aux lecteurs comment Nicodème manque une dimension de la vie. Il reste à ras terre, dans le concret, le visible, le tangible. Jésus parle de nouvelle naissance et Nicodème se représente un accouchement et voit l’impossibilité concrète de recommencer. Mais Jésus est à un autre niveau. Jésus voit la vie en 3D. La vie n’est pas plate, elle a du relief, il y a quelque chose au-dessus de nous.

    Ce que Jésus cherche à faire dans ses dialogues, c’est d’ouvrir ses interlocuteurs à cette troisième dimension, à la réalité divine qui surplombe notre réalité visible, qui lui donne du relief, de la vie, de la vraie vie.

    On voit cela dans ce dialogue avec Nicodème entre le premier degré de l’accouchement et le deuxième degré de la nouvelle naissance. On voit cela dans le dialogue avec la Samaritaine avec l’eau. La Samaritaine pense à l’eau du puits, lorsque Jésus parle de l’eau jaillissante, l’eau qui donne la vie.

    L’évangéliste Jean utilise plusieurs moyens littéraires pour ouvrir le lecteur à cette dimension nouvelle. Il utilise — comme ici — le malentendu sur un terme qui peut avoir un sens concret et un sens symbolique (la naissance, l’eau). Il utilise aussi l’ironie ou les phrases à double sens : c’est le cas lorsque Caïphe — pour convaincre qu’il faut mettre à mort Jésus — dit : « Il vaut mieux qu’un seul homme meurt plutôt que tout le peuple » ce qui est épouvantablement cynique, mais en même temps la description de l’œuvre salvatrice de Dieu. Il utilise enfin la symbolique, des réalités concrètes, pour renvoyer à la réalité divine dans les phrases où Jésus affirme « je suis» la lumière du monde, le pain de vie, la porte des brebis, la vigne etc.

    Le Dieu de la Bible — et Jésus en tête — veut nous entraîner à sortir du monde en 2D pour entrer dans le monde en 3D de la vie spirituelle. Ce passage n’est pas naturel. Nous ne naissons pas dans la 3D, nous y parvenons pas une prise de conscience. Quelqu’un a dit : « Tout être humain a deux vies, la seconde commence quand on réalise qu’on en a qu’une. »

    La vie spirituelle commence lorsque nous réalisons que le monde, ou la vie, nous échappe. Que nous ne sommes pas maître de tout. Que l’essentiel nous échappe. Alors nous nous mettons à chercher le sens de la vie, de notre existence et de la destinée du monde. Alors nous nous mettons en route pour chercher la terre promise, cette troisième dimension qui donne sens, qui explique comment fonctionne le monde.

    Être croyant, c’est croire que cette troisième dimension existe, qu’il y a quelque chose au-dessus de nous, qu’il y a une dimension spirituelle. Cela beaucoup de nos contemporains le croient.

    Être Chrétien, c’est croire que cette troisième dimension — nous disons habituellement « le ciel» dans le langage biblique — est habitée par le Dieu de Jésus-Christ. C’est-à-dire un Dieu bienveillant, qui nous aime inconditionnellement.

    Être chrétien, c’est voir Dieu à l’œuvre dans nos vies. Être chrétien, c’est mettre la 3D dans nos vies. C’est voir plus loin que le visible et le tangible. C’est voir dans l’eau du baptême plus que de l’eau. C’est voir dans le pain de la cène plus que du pain, c’est voir dans le vin de la cène plus que du vin. Être chrétien, c’est croire qu’une autre réalité, celle du royaume ou de la terre promise, habite nos réalités visibles et tangibles.

    Nous pouvons appliquer cela à notre lecture de la Bible. Ne pas rester bloqués dans une lecture historique est géographique des textes pour trouver le sens symbolique et spirituel des récits. Quel est le pays promis pour moi ? De quelle Égypte Dieu veut-il m’aider à sortir ?

    Nous pouvons appliquer cette 3D à nos rencontres. Qu’est-ce que Dieu me dit dans les paroles que prononce cette personne ? Et si c’était Dieu qui m’avait fait croiser les pas de cet individu ? Qu’est-ce qu’il m’apporte ? Que puis-je lui apporter ? Abraham n’a-t-il pas accueilli Dieu lui-même dans les trois messagers qui sont venus à la porte de sa tente ? Cette vision des rencontres ne va-t-elle pas modifier la qualité même de nos dialogues, de nos échanges ?

    Nous pouvons appliquer cette vision 3D aux événements qui nous arrivent. Si je crois en un Dieu bienveillant, ce qui m’arrive aura une autre couleur que si je pense que la vie est dirigée par des forces obscures. Nous pouvons nous demander si les événements que nous traversons n’ont pas une face cachée et apporter quelque chose d’insoupçonné. Comme dans un roman, tant qu’on n’a pas tourné la dernière page, il peut survenir une surprise qui renverse la perspective et permet de tout reconsidérer sous un jour nouveau.

    Le récit de Jean — qui nous présente Nicodème comme incapable de comprendre — nous place, comme lecteur, avec l’envie de lui souffler les bonnes réponses ! Avec l’envie de lui dire : pars, va, quitte tes vieilles idées et commence une nouvelle vie ! Ferons-nous pour nous-mêmes ce que nous avons envie de recommander à Nicodème ?

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz 2016

  • Nourrir notre être spirituel auprès de Jésus

    Jean 6

    18.9.2016

    Nourrir notre être spirituel auprès de Jésus

    Deutéronome 8 : 1-6       Jean 6 : 47-51       Matthieu 6 : 16-18

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Je me demandais : qui a faim ce matin ? Avez-vous faim ou avez-vous mangé ce matin ? C’est vrai, la question se pose, puisque nous vivons le dimanche du Jeûne Fédéral. Un jour de Jeûne Fédéral conçu par les Confédérés d’autrefois et toujours proposé aujourd’hui. Le Conseil d’État vaudois nous le rappelle avec son message.

    Jeûner, c’est plutôt sorti de nos habitudes, encore plus de nos habitudes protestantes. Et puis la société de consommation et les besoins de l’économie sont aussi passés par là : jeûner, s’abstenir de consommer, c’est presque un crime économique.

    Pourtant le jeûne reviens, par le biais de la santé ou par le biais des Campagnes de Carême, pour débusquer nos dépendances : on ne renoncera peut-être pas à la nourriture, mais à nos appareils électroniques ou à notre consommation numérique. Jeûner pourrait être une bonne façon de nous impliquer dans une réflexion sur nos modes de vie, ne consommons-nous pas près de trois planètes par année en Suisse ? Ou une réflexion sur l’équilibre de nos vies, entre le corps, l’âme et l’esprit ? Ou simplement une réappropriation de notre corps ou de nos sensations, pour éprouver simplement ce que c’est que d’avoir faim, pour nous sentir plus proches de populations qui éprouvent régulièrement la faim.

    A la suite des paroles de Jésus dans le Sermon sur la Montagne (Mt 6), le jeûne n’est pas donné comme un moyen de pénitence, ni comme un artifice pour afficher sa pratique religieuse. Jésus déteste toute manifestation pour se faire valoir devant les autres. Jésus privilégie le regard et le chemin intérieurs. Nous savons ce que nous faisons et seul Dieu le voit et l’apprécie : « Ton Père qui est là, dans le secret, le saura ; et ton Père, qui voit ce que tu fais en secret, te récompensera » dit Jésus (Mt 6:18). Pour Jésus ce qui importe, c’est la vie intérieure, le dialogue que nous tissons avec Dieu au travers de nos gestes.

    Mais vers qui allons-nous pour être nourris ? Ce qui importe, c’est que nous nous nourrissions auprès de la bonne source. Dans l’Évangile selon Jean, Jésus revisite l’histoire pour nous orienter vers la bonne source de nourriture, vers ce qui nourrit vraiment. Jésus dit : « Vos ancêtres ont mangé la manne dans le désert, mais il sont morts. Mais le pain qui descend du ciel est tel que celui qui en mange ne mourra pas » et il ajoute « Je suis le pain vivant descendu du ciel. » (Jn 6:49-51)

    On trouve la même séquence : « faim – pain – vie » à deux époques, au temps des ancêtres et maintenant. Mais il y a une évolution entre les deux époques. Les ancêtres (c’est donc le peuple hébreu conduit par Moïse hors d’Égypte, dans le désert, en route vers la terre promise) les ancêtres ont eu faim dans le désert et Dieu leur a envoyé la manne, une nourriture pour assurer leur survie pendant la traversée du désert. Cette manne assure la survie, mais pas la vraie vie.

    Avec Jésus les choses sont différentes. Il ne s’agit plus d’aliments pour la survie physique du corps, mais une nourriture qui donne une vie en plénitude. On quitte la séquence : « faim – manne – survie » pour une nouvelle séquence : « faim – pain – vie nouvelle, vie en plénitude ». Et ce pain n’est pas celui du boulanger (sinon on serait à nouveau dans la première séquence ) ce pain, c’est Jésus lui-même. « Je suis le pain de vie » (v.48) « Je suis le pain vivant descendu du ciel » (v.51) dit Jésus.

    Jésus est celui qui peut nourrir notre âme, notre vie spirituelle. Jésus est celui qui peut combler nos aspirations, l’être intérieur.

    Un petit mot sur le terme de « vie éternelle » utilisé dans le récit. Il se trouve que Jésus en parle toujours au présent : « Celui qui croit, il a la vie éternelle.» Lorsque Jésus parle de « vie éternelle » il parle d’abondance et de plénitude, pas de durée interminable… C’est pourquoi il en parle au présent : c’est une qualité de vie pour maintenant, bien plus qu’une perspective pour après la mort. Mais comme Jésus attache cette vie abondante, en plénitude, éternelle, à Dieu, cela est aussi valable après la mort, puisque la mort n’est pas une barrière à la communion avec Dieu. Mais la vie éternelle (en plénitude) commence maintenant !

    La faim que Jésus vient combler — en devenant pain de vie — c’est la faim spirituelle que nous éprouvons. La faim spirituelle peut se manifester par un besoin de compréhension intellectuelle, une recherche pour comprendre le monde, la vie. Mais je crois plus profondément que notre faim spirituelle est une faim de notre être à être rassurés : être assurés de notre valeur ; être assurés que nous sommes aimables et aimés; être assurés que la vie que nous menons n’est pas vaine.

    Notre faim s’exprime chaque fois que nous sommes inquiets sur nous-mêmes, chaque fois que nous ressentons que nous passons à côté de la plénitude, chaque fois que nous éprouvons du manque, de l’incomplétude. Notre monde ne nous donne que les moyens de satisfaire les besoins de notre corps. Que nous donne-t-il pour notre être intérieur ? Il ne nous donne que des leurres. Notre monde — il n’y a qu’à regarder les publicités — nous fait miroiter que des objets peuvent combler notre faim de sécurité, notre faim de sérénité, notre faim d’être aimés. Mais « l’homme ne vivra pas de pain (ou d’objets) seulement, mais des paroles que Dieu prononce » (Deut. 8:3)

    Nous avons besoin d’une nourriture spirituelle, c’est-à-dire de paroles qui nous disent notre valeur inaltérable, qui nous disent que nous sommes aimables et aimés, fondamentalement, inconditionnellement, quelles que soient les circonstances, quelques soient nos actions.

    Seul Dieu est assez grand pour nous prononcer ces paroles, nous les répéter, nous les dire lorsque nous en avons le plus besoin. Notre part, c’est de croire ses paroles, de les reconnaître comme nous étant adressées, comme étant vraies pour nous. La foi, c’est cette confiance que Dieu nous parle bien à nous. Il nous dit bien cela, à nous personnellement. Avoir foi dans ses paroles et nous en nourrir. Recevoir cette promesse de vie et d’amour dans les paroles du baptême. Recevoir cette promesse de vie, d’amour et de présence au travers du pain de la cène, c’est notre part.

    Jésus nous offre sa présence, sa vie — au travers du pain et du vin — pour nous assurer de son amour, amour qui nourrit notre valeur, qui fonde notre estime de nous-mêmes. Jésus est le pain de vie, celui qui vient vraiment nous nourrir d’une vie qu’il veut en abondance, en plénitude, afin que nous soyons débarrassés de nos inquiétudes, de nos angoisses, de nos manques, de nos insécurités. « Je suis le pain vivant descendu du ciel, dit Jésus, si quelqu’un mange de ce pain-là, il vivra dans la plénitude».

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2016

  • Le récit de la Passion de Jésus est porteur d’espérance

    Jean 19
    25.3.2016
    Le récit de la Passion de Jésus est porteur d’espérance
    Jean 19 : 16-37
    Télécharger le texte ici : P-2016-03-25.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Trois jours après les attentats de Bruxelles qui nous font désespérer du monde, nous nous rappelons la mort de Jésus, une autre mort violente, absurde. Les récits de la Passion nous racontent et nous rappellent années après années un fait désespérant : la violence s’abat sur des innocents et nous regardons ce spectacle chaque fois sidérés et impuissants.
    Pourtant le récit de la Passion selon l’évangéliste Jean n’est pas teinté de désespoir et d’impuissance. En fait, Jean fait de cet événement désespérant, le lieu d’une espérance, le lieu d’un commencement, le lieu d’un départ vers une nouvelle façon de vivre.
    Jésus parlait en paraboles, nous disent les Évangiles. L’évangéliste Jean a retenu la leçon et — à la suite de Jésus — il nous invite à lire entre les lignes, à chercher dans les événements une symbolique qui nous ouvre à la réalité de Dieu. La spiritualité consiste à voir le divin au-delà ou au travers de la réalité brute. C’est avec ses lunettes-là que nous allons relire le récit de la Passion, pour voir où l’évangéliste Jean nous ouvre des fenêtres vers la réalité divine.
    Jean injecte du symbolique, de la profondeur dans chaque épisode de la Passion de Jésus. D’un événement désespérant, il fait un événement chargé d’espérance, une espérance réalisée pour les lecteurs de sa communauté ! Il nous invite à voir, à comprendre ce qui se passe réellement sur la croix — au delà du supplice de Jésus. Il nous montre comment cet événement — à première vue absurde est désespérant (c’est comme cela que le vivent, par exemple, les témoins d’Emmaüs sur leur chemin, Luc 24 :17-18) — comment cet événement est porteur de sens et d’espoir.
    Jean nous permet de « retourner » cet événement, cette page noire de l’Évangile, en moteur d’espoir et de vie. Quatre passages montrent cela. Dans ces quatre passages, Jésus perd quelque chose qui va devenir un gain pour la communauté de l’Eglise. Il perd (1) ses habits, (2) sa mère, (3) sa vie, (4) le sang et l’eau qui coulent de son côté. Reprenons ces quatre pertes l’une après l’autre.
    1. Jésus est dépouillé de ses vêtements et de sa tunique. Cela montre son humiliation, il est mis à nu, dans une vulnérabilité totale. Les soldats se partagent ses habits, mais tirent au sort sa tunique qui est faite d’une seule pièce. Les Pères de l’Eglise y ont vu symboliquement, en même temps la dissémination des croyants — de la foi — aux quatre coins de l’empire romain et la permanence de l’unité de l’Eglise. Saint Augustin l’exprime dans ces termes : «le vêtement de notre Seigneur Jésus-Christ divisé en quatre pièces représente son Eglise distribuée en quatre parties, c’est-à-dire répandue partout dans le monde. (...) graduellement elle y réalise sa présence dans toutes ses parties (...). Quant à la tunique tirée au sort, elle symbolise l’unité de toutes les parties ensemble par le lien de la charité. »* Jésus est dévêtu, mais les chrétiens sont revêtus de sa gloire. Jésus est dépouillé, mais les chrétiens sont enrichis de sa grâce. Jésus est humilié comme un esclave, mais les chrétiens sont élevés au rang d’amis du Christ. La croix n’est pas le lieu de la mort de l’humanité, mais le lieu de son élévation.
    2. Ensuite vient l’épisode de Jésus qui remet sa mère aux bons soins du disciple bien-aimé. C’est le moment émouvant et terrible où Jésus se sépare de sa mère. Il va en être séparé par la mort. A ce moment, à cette heure, Jésus est actif et confie sa mère au disciple bien-aimé. C’est le geste symbolique de la création de la communauté de l’Eglise. Jésus confie l’Eglise au disciple bien-aimé qui va désormais la conduire, à la place de Jésus. C’est ce disciple bien-aimé qui est institué responsable de la transmission du message de Jésus. L’heure de la mort de Jésus est considérée par l’évangéliste Jean comme l’heure de l’élévation et comme l’heure de la création de l’Eglise en tant que telle. De cette mort naît la nouvelle communauté, celle qui va faire vivre le message Jésus, la nouvelle communion à Dieu, dans l’amour.
    3. Cette transmission se réalise en fait pile au moment de la mort de Jésus. C’est le troisième élément symbolique. Au moment de mourir, Jésus dit cette dernière parole : «tout est fini / accompli / achevé / parachevé. Pour l’évangéliste Jean, tout ce joue au moment de la mort de Jésus : la mort, l’élévation et la Pentecôte. Après que Jésus dit que tout est accompli, il baisse la tête et remet l’esprit. La façon réaliste de lire «remettre l’esprit» c’est de penser « rendre l’âme » c’est-à-dire mourir. Mais la façon symbolique de lire cela, c’est de lire littéralement le grec : Jésus livre, délivre l’esprit. Jésus donne l’Esprit saint à l’Eglise, à ses disciples. Le verbe traduit par «remettre» est aussi celui qui est utilisé quand Judas «livre» Jésus lors de son arrestation. C’est apporter, donner, livrer, faire une livraison. Et pour l’esprit, le grec ancien n’a pas de minuscules ou de majuscules, c’est aussi bien l’esprit de Jésus ou l’Esprit de Dieu. Mais l’Évangile n’a-t-il pas enseigné tout du long que Jésus était justement habité par l’Esprit de Dieu ? Ainsi Jean laisse-t-il entendre que Jésus donne l’Esprit saint, ici, sur la croix, à son Eglise et à ses disciples. Voici l’heure du don du Paraclet, de l’Esprit saint.
    4. Reste la quatrième perte, celle du sang et de l’eau. Qu’est-ce que cela nous dit ? C’est un récit qu’on ne trouve que dans l’Évangile selon Jean. Au premier niveau, le coup de lance au cœur atteste de la mort de Jésus, contre certains courants qui pouvaient dire que l’agonie de Jésus avait été trop courte et qu’il avait été descendu de la croix avant d’être vraiment mort. Mais la lecture symbolique est plus riche. À quoi nous font penser le sang et l’eau dans les Évangiles ? L’eau est symbole du baptême. Le baptême prend son sens le plus profond comme assimilation à la mort et à la résurrection du Christ. Par le baptême nous revivons le parcours du Christ, nous sommes assimilés à lui et à sa vie divine. Ensuite le sang est symbole de la sainte-cène. Le sang, c’est la vie, la vie partagée dans le vin de la coupe de cène. La cène renvoie au corps du Christ rompu sur la croix, signe de sa présence pour nous. La cène renvoie au sang versé sur la croix, symbole de sa vie répandue pour la multitude, pour toute la communauté de l’Eglise. Jean ancre ainsi les deux sacrement de l’Eglise dans la Passion même du Christ. La croix devient porteuse de la vie de la communauté de l’Eglise.
    Du récit d’une mort absurde et cruelle, vaine et désespérante, l’évangéliste Jean passe à un récit porteur d’espérance et de vie. Ils montre que la mort de Jésus n’est pas vaine, elle est créatrice de vie, créatrice d’une nouvelle vie communautaire. De la vulnérabilité acceptée de Jésus, l’Eglise reçoit sa force. De l’abandon des liens familiaux de Jésus, l’Eglise reçoit des témoins conducteurs et la possibilité pour chacun de devenir le disciple bien-aimé de Jésus. De la remise de son esprit à Dieu, l’Eglise reçoit le Paraclet, l’Esprit saint qui anime la vie de l’Eglise. Du don de la vie de Jésus, l’Eglise reçoit les sacrements qui la constituent et la nourrissent.
    La mort de Jésus — bien loin d’être désespérante et vaine — devient source de vie, de force et d’espérance. Que nous aussi, nous puissions nous nourrir de cette vie et de cette espérance et devenir lumière dans ce monde obscurité !
    Amen

    * cité dans Zumstein, L’Evangile selon saint Jean (13—21), Commentaire du Nouveau Testament, Genève, Labor et Fides, 2007, p.246.

    © Jean-Marie Thévoz, 2016

  • Jean 20. Thomas a besoin de trouver sa propre conviction

    Jean 20
    12.4.2015
    Thomas a besoin de trouver sa propre conviction

    Jean 14 : 1-7       Jean 20 : 24-31

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Thomas n’était pas là dimanche passé ! Il n’a pas assisté à l’apparition de Jésus dans la pièce fermée ou étaient réuni tous les disciples. Alors Thomas a des doutes. Il entend bien ses compagnons lui dire : « nous avons vu le Seigneur ! » Mais cela ne lui suffit pas. Il a besoin de voir pour croire.
    Nous pouvons lire— dans nos rues — les affiches bleues qui proclament en écriture jaune : « Jésus est ressuscité ! » Mais est-ce que cela va convaincre l’incroyant ? En cela, Thomas est bien aussi une figure dans laquelle nous pouvons nous reconnaître. 
    Lorsque Jean rédige son Évangile, probablement pour la communauté d’Ephèse, vers l’an cent, il n’y a pas tellement — s’il en reste — de témoins directs du ressuscité ! Aussi ce récit avec Thomas a-t-il un écho tout particulier pour cette deuxième génération de croyants qui n’était pas là à la première Pâque.
    Cette deuxième génération — comme toutes celles qui lui ont succédé, jusqu’à nous y compris — doit se suffire de ces témoignages indirects. Et comme Thomas, nombreux sont ceux qui disent avec lui : tant que je n’aurais pas un signe, une preuve, je ne croirais pas.
    Oui, notre aspiration, c’est d’avoir un signe tangible, une manifestation qui ne puisse pas être contestée, comme pour Thomas de constater, de toucher les marques laissées par la croix et le coup de lance sur le corps de Jésus.
    Nous voudrions une preuve. Mais en même temps, si nous sommes honnêtes, nous combattons avec force tout ce qui pourrait nous obliger à croire, nous forcer à adhérer, nous contraindre à adopter un système de pensée. Comment réagissons-nous face à un site internet qui va nous apporter la preuve— ça existe— que la Bible se trompe, qu’elle est fausse, etc… ?
    Nous ne souhaitons peut-être pas vraiment de preuves, nous souhaitons plutôt nous faire une idée par nous-mêmes, choisir ce que nous voulons penser. Nous voulons faire le chemin nous-mêmes pour trouver nous-mêmes notre propre conviction. Il faut que notre liberté soit respectée pour nous faire une conviction.
    Notre besoin n’est donc pas tant de recevoir un signe ou une preuve que de trouver notre chemin pour arriver à une conviction personnelle. La foi, c’est donc arriver à se persuader soi-même que nous avons choisi nous-mêmes notre conviction. Nous devons être persuadés de l’intérieur, pas de l’extérieur.
    Voyons comment cette persuasion intérieure naît à Thomas dans sa rencontre avec le Christ ressuscité. Thomas a posé des exigences pour croire. Il doit voir Jésus, toucher les plaies de ses mains et la blessure faite par la lance au côté de Jésus. Lorsque Jésus apparaît au milieu des disciples dans la chambre haute, il interpelle aussitôt Thomas en lui disant qu’il va pouvoir mettre le doigt dans ses plaies et voir et toucher son côté.
    En disant cela, avant que tout autre mot soit prononcé de la part des disciples ou de Thomas, Jésus montre à quel point il connaît ses disciples et Thomas. Jésus a une connaissance intime de chacun.
    Vous vous souvenez de la rencontre de Jésus et Nathanaël, qu’il avait vu sous le figuier et qu’il déclare « juste» (Jn 1:47) [P-2014-02-02]. Vous vous souvenez aussi de la connaissance que Jésus a de la situation matrimoniale de la Samaritaine, connaissance qui lui fait réaliser que Jésus est le Messie (Jn 4:29) [P-2008-03-02] ! Cette connaissance intime de chacun, Jésus l’utilise comme un miroir révélateur envers chacun (Jn 2:25).
    Ainsi, chacun se sent compris et— par-là — révélé à lui-même. C’est une découverte révélatrice. Maintenant je sais pourquoi je suis comme cela, je vais pouvoir avancer et déployer de plus en plus mon être véritable.
    Cette compréhension de Jésus a cet effet, parce qu’elle est accompagnée de la plus grande bienveillance. Pas de manipulation, pas d’utilisation de cette compréhension pour rabaisser, humilier, ou prendre du pouvoir sur la personne. Cette compréhension profonde est accompagnée de tendresse, d’amour, d’empathie. Elle est utilisée dans le seul but de faire grandir la personne, de la révéler à elle-même pour qu’elle puisse déployer toutes ses capacités, toute sa créativité.
    À cette compréhension de Thomas, Jésus ajoute une touche de confrontation, parce que la compréhension véritable s’accompagne de vérité. Mais cette vérité confrontante peut passer, peut être acceptée, seulement parce qu’il y a cette bienveillance fondamentale.
    Jésus demande à Thomas de cesser de douter et de croire. Jésus confronte Thomas à son incrédulité, il la questionne. Jésus accepte l’aspiration humaine de Thomas à recevoir un signe, une preuve. Il peut lui donner tout cela, mais il le met en garde : cette preuve serait un obstacle plutôt qu’une aide ! Si Jésus lui donne cette preuve, ce serait une preuve extérieure. Or, Thomas a besoin que ce signe naisse à l’intérieur de lui, pour avoir une conviction personnelle. C’est tout le paradoxe.
    On retrouve ce paradoxe dans nombre de dialogues de films : « Pourquoi devrais-je vous croire ? vous faire confiance ? » Aucune parole — même de bonne foi — ne peut devenir une preuve de bonne foi. La conviction, la confiance doit venir d’une décision intérieure.
    En mettant le doigt sur le doute intérieur de Thomas, Jésus le conduit sur un chemin qui doit le mener à faire un choix, un choix qui reposera sur le chemin parcouru et la relation qui s’est déjà établie. Il est plus facile de croire un proche qu’un inconnu. Jésus renvoie donc Thomas au chemin parcouru ensemble. Et notamment à ce dialogue sur le chemin qui mène au Père, qui se terminait par cette parole de Jésus : « Je suis le chemin, la vérité et la vie, nul ne peut aller au Père que par moi ! » (Jn 14:5) [P-2014-06-29].
    Lorsque Jésus dit à Thomas : « Cesse de douter et crois » c’est comme si il lui disait :
    – Rappelle toi le chemin parcouru ensemble ;
    – ne me reconnais-tu pas ?
    – ne me fais-tu pas confiance ?
    C’est le même appel que Marc lance aux disciples lorsqu’il dit qu’ils retrouveront le Christ en Galilée (Mc 16:7).
    Le Christ se trouve sur les chemins de la vie, plus que dans la chambre haute un dimanche après Pâques. C’est pourquoi Jésus dit : « Heureux ceux qui croisent sans m’avoir vu » (Jn 20:29).La foi pascale ne naît pas de preuves extérieures, serait-ce de toucher les plaies de Jésus, mais la foi naît du chemin parcouru avec la Parole, en faisant mémoire de l’histoire de Jésus, de sa façon de rencontrer les humains, de nous rencontrer avec sa compréhension et sa bienveillance.
    Nous rencontrons Jésus lorsque sa Parole nous révèle à nous-mêmes et nous pouvons confesser alors, comme Thomas: « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2015

  • Jean 19. Vendredi-saint : INRI, un écriteau qui a du sens

    Jean 19
    3.4.2015
    Vendredi-saint : INRI, un écriteau qui a du sens

    Esaïe 53 : 1-12       Jean 19 : 16-30

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    En ce jour de Vendredi-saint, nous sommes confrontés au mystère le plus absolu de notre foi ! Il y a un décalage total entre l’image que nous avons sous les yeux d’un crucifié et le message que reçoivent nos oreilles : ici se révèle notre Dieu. Comment vivons-nous avec ce paradoxe, cette invraisemblance, cette contradiction ?Comment Les disciples ont-ils pu faire ce retournement ? Comment passer du récit d’une exécution sordide à un récit de la Passion qui révèle un amour infini ?
    Il y a là un long travail d’interprétation, de relecture, de rédaction et de redirection du récit. Il y a une vraie récitation, un travail important de narration. Ce travail a donné naissance au récit de la Passion, qui raconte, qui explique, qui donne des indices et des pistes pour ouvrir à une deuxième lecture des événements. Le récit raconte les faits bruts, sans fioritures ni enjolivements ou atténuations. Jésus a été brutalisé, il a fait face à des accusations violentes et injustes, il a été malmené, finalement exécuté de la manière la plus violente et dégradante qu’avait inventé le pouvoir romain.
    Mais le récit ajoute des indices, des signes, des renvois, des phrases à double sens, qui sont autant de clés de lecture pour ouvrir à une autre compréhension. Derrière le drame des corps il y a un drame cosmique qui se joue. Derrière la trame politique — juifs contre romains, messianisme contre empereur — il y a une trame divine qui se joue et que le récit révèle entre les lignes. Tout le récit est tendu entre deux réalités, deux lectures, des doubles sens. Le récit est écrit pour que le lecteur puisse — au final — se déterminer, prendre position et choisir si Jésus était un un criminel, un blasphémateur, un agitateur rebelle, justement condamné… ou bien un être relié à Dieu, envoyé du Père, messager de la réconciliation entre Dieu et l’humanité ! Jésus est-il juste un anarchiste qui menace tous les pouvoirs ? Où est-il l’envoyé de Dieu, le représentant de Dieu, l’image vraie du Dieu de nos pères ?
    Le récit de la Passion utilise différents indices pour nous mettre sur la piste et nous convaincre que Jésus est bien la juste image de Dieu, malgré cette condamnation. Il y a d’abord des phrases directes, à prendre au premier degré, comme cette déclaration de Pilate : « Je ne trouve aucune raison de condamner cet homme » (Jn 19:4).
    Il y a des renvois, nombreux à l’Ecriture sainte, pour montrer comment ce destin accomplit ou répète des situations déjà vécues par des personnes approuvées par Dieu. C’est le cas de tous les renvois, soit au poème du Serviteur souffrant d’Esaïe, soit au Psaume 22 qui commence par les mots : « Seigneur, Seigneur, pourquoi m’as-tu abandonné ». Le partage des vêtements et le tirage au sort de la tunique, ainsi que la soif, renvoient également au Psaume 22.
    Et il y a le passage qui parle de l’écriteau placé sur la croix. Écriteau souvent appelé « titulus » de son nom latin. Sur cet écriteau figure le motif de la condamnation de Jésus. On y lit : « Jésus de Nazareth, le roi des juifs ».
    L’écriteau est rédigé en latin, en grec et en hébreu. Le latin est la langue administrative, celle qui dit le droit, le droit romain. C’est aussi la langue de l’occupant, du pouvoir, de la force. Le grec est la langue de la culture et de la philosophie, la langue internationale, comme l’anglais aujourd’hui. L’hébreu est la langue de la religion, celle dans laquelle se déroule le culte de la synagogue. Ces trois langues représentent aussi tous les espaces géographiques connus autour de la Méditerranée, de l’Espagne jusqu’à l’Égypte. L’écriteau annonce donc une nouvelle pour le monde entier et pour toutes les facettes de la civilisation. Abrégé en latin, l’écriteau se lit : INRI, ces lettres qu’on voit beaucoup sur les tableaux et sur les icônes représentant la crucifixion.
    Nous avons là une phrase à double sens : un sens littéral qui se veut une moquerie, une dérision, et un sens spirituel qui dit une affirmation de foi : celui-ci, ce Jésus, est bien celui que Dieu a placé pour régner sur les juifs et sur toute humanité. Cette phrase nous dit — lorsqu’on lit le message théologique — que Dieu n’a pas abandonné Jésus. Que Jésus est toujours celui qui a été envoyé et qui accomplit ici encore sa mission.
    On pourrait même se dire que les autorités juives s’aperçoivent du malentendu possible puisqu’elles viennent réclamer auprès de Pilate qu’il change l’inscription. Elles refusent que ce Jésus puisse être vu et accepté comme un roi, le roi du peuple élu. Elles ne veulent pas être son royaume, le Royaume de Dieu. Alors elles demandent qu’on change le texte comme ceci : Il a prétendu « je suis le roi des juifs». En demandant cela, les autorités introduisent sur le titulus les mots « je suis » ce qui renforce l’ironie et ajoute encore un double sens théologique !
    N’est-ce pas Jésus qui — dans l’Évangile selon Jean — prononce une série de phrases en  « je suis» : Je suis le pain descendu du ciel. Je suis la lumière du monde. Je suis le bon berger. Je suis la vigne. Je suis la porte. Je suis le chemin, la vérité et la vie. Je suis la résurrection et la vie. En voulant rajouter ce « il a dit : je suis le roi des juifs » les autorités s’enfoncent encore plus dans la réalisation de ce qu’elles voulaient absolument empêcher : que Jésus soit reconnu comme celui qui vient de Dieu ! N’est-ce pas Dieu, en effet, qui s’est révélé à Moïse, au buisson ardent, sous le nom : « JE SUIS », « Je suis qui je suis» ? (Ex 3:14)
    Ce titulus, cet écriteau, nous révèle que c’est bien Dieu lui-même qui se trouve sur la croix, renversant toutes nos valeurs, tous nos systèmes, toutes nos croyances superstitieuses.
    Dieu n’est pas dans la violence, dans la puissance. Dieu n’est pas le garant des pouvoirs, des empereurs, des tyrans et des potentats. Dieu n’a rien à voir avec les rois « de droit divin», ni avec aucun des pouvoirs qui se réclament de Dieu, de la loi divine, ou de la sainte foi. Aujourd’hui, Dieu est sur la croix, il est aux côtés des deux autres brigands qui souffrent. Il est aux côtés de ceux qui passent Pâques dans un lit d’hôpital. Il est à côté de ceux dont chaque mouvement est douloureux. Il est à côté de ceux qui traversent le deuil, qui pleurent une perte. Il est à côté de ceux qui se dévouent corps et âme pour s’occuper des autres. Il est à côté des proches-aidant, comme des professionnels des soins et de l’aide, ceux qui ont fait du service leur raison de vivre, à la suite de Jésus lavant les pieds de ses disciples.
    Dieu est à côté de chacun de nous aujourd’hui, parce que chacun a besoin d’être approché et aimé, totalement. Aujourd’hui — maintenant — Dieu est avec nous.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2015

  • Jean 14. « Je suis le chemin, la vérité et la vie » dit Jésus

    Jean 14
    29.6.2014
    « Je suis le chemin, la vérité et la vie » dit Jésus
    Jean 7 : 32-38        Jean 14 : 4-11
    Télécharger le texte : P-2014-06-29.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous arrivons au terme du cycle de prédications sur l’Evangile selon Jean commencé au mois de janvier. Au fil du temps, nous avons découvert et approfondi notre connaissance de la pensée de cet évangéliste et la façon qu’il a de nous présenter Jésus.
    Nous terminons aujourd’hui sur une parole de Jésus qui résume, qui récapitule, qui condense le but de l’Evangile selon Jean : dire qui est Jésus ! dire qui il est pour les disciples, les croyants, qui il est par rapport à Dieu. Et Jean le résume dans cette parole de Jésus : « Je suis le chemin, la vérité et la vie, personne ne peut accéder au Père autrement que par moi ! » (Jn 14:6).
    Deux disciples interviennent dans ce moment d’entretien avec Jésus. C’est d’abord Thomas qui prend la parole. Il est déboussolé. Jésus vient de leur dire qu’il va partir, qu’il va les quitter. Une fois Jésus leur dit qu’ils ne pourront pas le suivre (Jn 7:34) et maintenant, Jésus leur dit qu’ils connaissent le chemin pour le suivre (Jn 14:4). Alors Thomas demande à Jésus d’être plus clair et de leur dire où il va et quel est le chemin qu’ils devront prendre. Thomas veut connaître le chemin, la voie.
    Et Philippe enchaîne avec une autre revendication : « Montre-nous le Père ! » (Jn 14:8).
    Deux demandes humaines qui sont à la base de toute quête spirituelle : a) découvrir Dieu, voir Dieu, avoir accès à Dieu, c’est le but, et b) avoir une voie, un chemin pour arriver à ce but. Qui ne souhaite pas avoir un contact avec Dieu, recevoir une révélation divine, recevoir un signe de Dieu ? Et nombreux sont ceux qui proposent des chemins, des exercices, des retraites, des voies pour y accéder.
    L’Evangile selon Jean affirme que Jésus est le seul à proposer un chemin qui mène à Dieu. Jésus dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. » C’est gonflé quand même ! Qui dit qu’il dit vrai ? Pourquoi devrions-nous le croire ?
    L’Evangile selon Jean tout entier, avec ses récits, avec les paroles de Jésus qu’il nous transmet, nous explique pourquoi Jésus est crédible, pourquoi on peut lui faire confiance, pourquoi il est vraiment le chemin, la vérité et la vie.
    Qu’est-ce que Jésus apporte à ses contemporains ? Lorsque Jésus intervient en Galilée et à Jérusalem, la religion est un poids pour les gens. La religion est faite d’obligations et de contraintes. Il faut suivre des commandements qui entravent la vie. Il faut faire des pèlerinages à Jérusalem et là-bas, il faut acheter de quoi faire des sacrifices et seuls ceux qui s’occupent du Temple en profitent. C’est une religion de marchandage avec Dieu : je te sacrifie cela, alors donne-moi ceci en échange.
    Jésus vient bouleverser tout cela : il chasse les marchands du Temple, il guérit le jour du sabbat, il remet la vie au centre de la relation à Dieu. Jésus rencontre les gens et il transforme leur vie. Il fait découvrir la dimension d’en haut, la dimension spirituelle à Nicodème. Il fait découvrir à la Samaritaine la présence universelle de Dieu, tout comme l’accueil inconditionnel. Il fait découvrir à ses disciples que l’amour est au centre de la relation à Dieu. Il leur montre que le service (et non le pouvoir) est la clé des relations humaines et que c’est dans l’abaissement qu’on se rapproche le plus de Dieu.
    Jésus change radicalement l’image de Dieu de tous ceux qui l’entendent. Et cette image nouvelle est encore valable pour nous aujourd’hui. Ces valeurs de rencontre, d’amour, de service ne sont pas dépassées. Elles restent la clé d’une vie heureuse aujourd’hui.
    Ce chemin que Jésus montre et qui donne accès à Dieu est bien celui qui donne de la valeur à la vie, c’est toujours un chemin vrai, authentique.
    Nous pouvons croire Jésus lorsqu’il dit « Je suis le chemin, la vérité et la vie, personne ne peut aller au Père autrement que par moi » parce qu’il est celui qui vient de laver les pieds de ses disciples, parce qu’il est celui qui va donner sa vie sur la croix pour révéler au monde le processus mortifère d’une religion (de toute religion) qui dit posséder la vérité.
    Il n’y a pas de manipulation dans la parole de Jésus parce qu’il ne cherche pas d’intérêt personnel, il ne va tirer aucun profit de sa mort prochaine. Jésus n’est pas dans une conquête de pouvoir, il est dans le renoncement à tout pouvoir.
    En disant à ses disciples qu’il est « le chemin, la vérité et la vie » Jésus dit trois choses à ses disciples : 1) il dit que le chemin ne va pas s’arrêter avec sa mort. Il y a un chemin de vie dans le fait de renoncer au pouvoir et surtout à la religion comme pouvoir.
    2) Il dit que la vérité est en lui, donc les disciples ne la possèdent pas. Ils en seront les témoins, mais elle ne leur appartiendra pas. Cette vérité leur échappera toujours.
    3) Il leur dit que la vérité est indissociable de la vie et de l’amour.
    Il est le chemin parce que Jésus a montré le chemin par ses actes, en étant un être de paix, en se mettant à la place du serviteur et du serviteur souffrant. C’est à cette place — paradoxalement — qu’il révèle le mieux le visage du Père, la nature vraie de Dieu.
    C’est donc dans la personne de ce Jésus de Nazareth que nous sommes invités à découvrir le vrai visage de Dieu, sa présence, sa parole. C’est là que nous pouvons le voir — comme le demande Philippe. Dieu se fait connaître à travers cet homme de Nazareth. Ce Jésus est le révélateur de la vérité divine. C’est dans la rencontre avec ce Jésus des Evangiles que nous avons accès à Dieu, à un Dieu qui se présente dans la faiblesse d’un Dieu qui n’a que son amour à offrir.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014.

  • Jean 15. « Je suis la vigne » dit Jésus

    Jean 15
    22.6.2014

    « Je suis la vigne » dit Jésus

    Esaïe 5 : 1-2+7      Jean 15 : 1-9

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers membres de l’Abbaye,
    J’ai entendu dire qu’il n’y avait pas de fête d’Abbaye sans apéritif, sans son petit verre de vin. C’est pourquoi j’ai choisi de vous parler de la place de la vigne dans la Bible.
    La vigne est une plante qui pousse bien sur les coteaux ensoleillés et arides d’Israël. Elle fait partie du patrimoine et évoque le bon temps, la fête, l’abondance, la joie de vivre. Avec le figuier, la vigne évoque la sécurité. Si on a quelques plans de vignes et quelques figuiers autour de sa maison, tout va bien, on peut être heureux.
    C’est pourquoi plusieurs récits bibliques donnent à Dieu la figure du vigneron et à Israël le rôle de la vigne. Dieu est le vigneron qui plante une vigne en Israël, qui s’en occupe, la soigne, la protège et en attend les fruits.
    Les prophètes se sont emparés de cette image pour rappeler au peuple — et plus souvent aux dirigeants, aux riches et aux puissants — que Dieu attendait de sa vigne des fruits de justice et de droiture ! Ainsi, la vigne improductive est-elle devenue l’image du jugement de Dieu sur un monde injuste, un monde de profit et d’exploitation (Es 5:1-7).
    Le vin et la vigne ont aussi une place dans le Nouveau Testament. On se souvient des Noces de Cana (Jn 2:1-11) où Jésus transforme de l’eau en vin pour que la fête ne soit pas gâchée. La parabole des ouvriers de la 11e heure (Mat 20:1-15 ) que le vigneron paie la même chose que ceux qui ont commencé le travail à l’aube. La parabole des méchants vignerons (Mat 21:33-40) qui refusent de donner au propriétaire de la vigne ce qu’ils lui doivent et molestent ses envoyés, puis tuent le fils du vigneron.
    L’Evangéliste Jean, de son côté, nous rapporte les parole de Jésus qui s’identifie à la vigne : « Je suis le cep de vigne et mon Père est le vigneron » (Jn15:1) et « Je suis le cep et vous êtes les sarments » (Jn 15:5). L’Evangéliste Jean développe cette image, ces images, du vigneron, du cep, des sarments et des fruits à produire pour nous parler de notre relation à Dieu.
    Rappelons quelques principes élémentaires de viticulture : Le cep de vigne reste en place d’année en année et le vigneron doit s’en occuper pour avoir du raisin. A la fin de la saison, le vigneron ôte tous les sarments pour un départ à neuf au printemps. Au printemps, plusieurs sarments émergent et se développement en vue de porter des grappes. Le vigneron va émonder sa vigne, il élague, il effeuille, il retranche des fleurs, tout cela pour augmenter la qualité du raisin et la qualité du vin qui en sortira. Le but est d’augmenter la quantité de sucre dans la grappe de raisin, ce qui améliore le vin, comme vous le savez.
    Jésus utilise cette pratique de la culture de la vigne comme une image de sa relation à Dieu et de sa relation avec nous. Dieu est le vigneron qui plante la vigne. Jésus est le cep de vigne qui porte les sarments. Nous sommes les sarments qui sommes destinés à porter du fruit.
    C’est une image de la vie, de notre existence. Si nous voulons produire un bon vin, c’est-à-dire une existence qui embaume, qui réjouisse notre cœur et celui de tous ceux qui nous côtoient, comme sarment nous devons être reliés au cep. C’est-à-dire que nous avons besoin de sève, de vie, d’énergie et nous avons besoin d’être relié à la source de la vie, à la source d’une énergie positive.
    Jésus se présente comme une source de vie, une source d’énergie relationnelle, c’est pourquoi le leitmotiv de ce récit est : « Demeurez en moi »(Jn 15:4,5,6,7,9,10). Cela signifie : demeurez en lien, restez en relation avec la source de la vie, avec la source des relations, avec la  source de l’amour.
    A aucun moment, le texte ne donne l’ordre de porter du fruit. Le fruit découle du lien, de l’attachement du sarment au cep. C’est ce lien à la source de la vie et de l’amour qui va, de lui-même, nous permettre de produire du fruit, c’est-à-dire des attitudes, des comportements qui seront authentiques, bons pour soi et pour les autres.
    On résume cela en disant « aimer ». C’est plus qu’avoir simplement des sentiments les uns pour les autres. C’est une façon d’aborder la vie, de vivre pleinement, d’être heureux. Ce bonheur n’est pas possible si l’on est coupé de ses racines, si l’on est coupé de soi-même, de son corps. Ce bonheur n’est pas possible si l’on est coupé de ses émotions ou du contact avec les autres. 
    Ce bonheur, nous dit Jésus, n’est possible que si nous acceptons d’être reliés (a) à nous-même, à ce qui se passe en nous, dans nos émotions, dans notre corps ; d’être reliés (b) aux autres, à nos proches d’abord, mais aussi à d’autres plus lointains ; enfin d’être reliés (c) à l’univers, à Dieu, à l’infini ou à l’absolu.
    Ce que Jésus dit lorsqu’il dit « Je suis le cep et vous êtes les sarments, demeurez en moi » c’est que nous ne vivons une vie complète, en plénitude que si nous sommes reliés. Il y a trois dimensions auxquelles nous avons besoin d’être reliés, à nous-même, aux autres et à l’absolu qu’il nomme Dieu son Père.
    Nous avons besoin de ces trois relations pour être heureux dans tous les domaines de l’existence. Nous avons besoin de nous connaître nous-même. Nous avons besoin d’être reliés au cep pour recevoir la sève. Nous avons besoin du vigneron pour porter du fruit et avoir une vie riche comme du bon vin.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014

  • Jean 9. « Je suis la lumière du monde » dit Jésus

    Jean 9
    15.6.2014
    « Je suis la lumière du monde » dit Jésus
    Matthieu 5 : 1-9       Jean 9 : 1-7+39

    Téléchargez le texte : P-2014-06-15.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,
    Vous comprenez le monde, vous ? Plus je lis les journaux, écoute la radio ou regarde la TV, moins j’ai l’impression de comprendre où va le monde ! Qu’est-ce qui guide les peuples, les foules, ceux qui nous gouvernent ? Le monde n’est plus lisible. Qui pourrait nous donner un éclairage qui nous rende le monde plus compréhensible ?
    Eh bien, un homme a tenté de rendre le monde plus compréhensible à ses contemporains. Je veux parler de l’évangéliste Jean qui nous rapporte les gestes et les paroles de Jésus. Jean ordonne les gestes et les paroles de Jésus pour nous donner une clé de lecture du monde.
    Dans son Evangile, il nous présente Jésus comme disant plusieurs paroles en « Je suis ». Il en cite sept. Je suis le pain de vie (Jn 6 :35) ; je suis la lumière du monde (8:12 et 9:5) ; je suis la porte de l’enclos (10:7,9) ; je suis le bon berger (10:11,14) ; je suis la résurrection et la vie (11:25) ; je suis le chemin, la vérité et la vie (14:6) ; je suis la vigne (15:1,5).
    La parole « Je suis » fait allusion au récit de Moïse devant le buisson ardent, où il rencontre Dieu pour la première fois. Du milieu du feu, Dieu lui dit : « Je suis qui je suis » (Exode 3:14). Ainsi l’évangéliste Jean marque par sept fois le lien entre Jésus et Dieu. Aujourd’hui, nous allons essayer de comprendre ce que Jésus nous dit lorsqu’il dit « Je suis la lumière du monde ». Dimanche prochain, nous verrons la parole « Je suis la vigne » et dans 15 jours la parole « Je suis le chemin, la vérité et la vie ».
    Jésus dit « Je suis la lumière du monde » au cœur d’un récit où il guérit un aveugle de naissance. Il va donc être question de vue et d’aveuglement, de lumière et d’obscurcissement de l’esprit, de compréhension et d’incompréhension.
    Ne nous bloquons pas sur la guérison de l’aveugle, elle n’est là que comme une illustration. L’aveugle-né, c’est nous, c’est tout être humain, c’est une image de la condition humaine. Comme si nous naissions aveugles, non pas des yeux, mais face à la connaissance et à la compréhension du monde. Et c’est correct, à la naissance, nous ne savons rien, nous avons tout à apprendre.
    Ce n’est la faute de personne, c’est la condition humaine. En cela nous sommes différents des maints animaux qui naissent avec tous leurs comportements déjà programmés. Nous, humains, nous naissons sans programme, sans connaissance, nous naissons pour apprendre, pour découvrir, pour ouvrir des yeux neufs sur le monde. C’est pourquoi Jésus dit de ne pas chercher l’origine, la cause de l’aveuglement de naissance, mais de se tourner vers le but : en vue de quoi notre cerveau est-il ouvert, non programmé ?
    Nous avons donc à apprendre, à ouvrir les yeux pour comprendre le monde, la vie, découvrir le sens de la vie. C’est dans ce contexte que Jésus dit « Je suis la lumière du monde ». Il vient éclairer le monde pour que nous puissions, non seulement le voir, mais le comprendre, en saisir le sens ; en saisir le fonctionnement ; découvrir ce qui a de la valeur et ce qui n’en a pas, pour faire les bons choix.
    Lorsque Jésus dit « Je suis la lumière du monde » il nous dit qu’il nous offre une clé de lecture du monde qui est différente de celle que le monde nous donne de lui-même. C’est ce que nous voyons dans les béatitudes. Les valeurs de Jésus ne sont pas les valeurs du monde. Ces valeurs sont tellement différentes que cela va aboutir à un conflit et que le monde va mettre Jésus en croix, dans l’illusion de détruire les valeurs de Jésus.
    Les valeurs du monde et celles de Jésus sont opposées. Jésus inverse les valeurs du monde. Il affirme que les valeurs du monde conduisent à la mort, alors que les valeurs de Dieu conduisent à la vie. A vous de vous faire une opinion et choisir.
    Quand le monde propose la force et la puissance, Jésus propose la douceur et la tendresse.
    Quand le monde propose l’accumulation des biens, Jésus propose le partage.
    Quand le monde propose la célébrité et l’apparence, Jésus propose la vérité du cœur, l’authenticité.
    Quand le monde propose le profit et le chacun pour soi, Jésus propose la justice et la solidarité.
    Quand le monde propose le succès et la popularité, Jésus propose l’accomplissement et les relations.
    Dans lequel de ces deux mondes souhaitons-nous vivre et élever nos enfants ? Lesquelles de ces valeurs souhaitons-nous cultiver et transmettre à nos enfants ? Jésus nous ouvre à une autre compréhension du monde que celle de la TV et des publicités.
    A suivre Jésus, la vie ne sera pas plus facile, mais elle sera plus vraie, plus profonde, plus authentique, plus en lien avec les autres. Notre porte-monnaie sera moins rempli, mais notre cœur sera plus léger, plus joyeux, plus serein.
    « Je suis la lumière du monde » dit Jésus pour nous ouvrir les yeux sur la réalité que nous propose le monde avec ses illusions de bonheur. Il veut nous aider à connaître le monde, à sortir de notre aveuglement pour que nous puissions faire nos choix de vie d’une manière éclairée : afin que nous puissions choisir la vie, la vraie vie ; afin que nous puissions choisir ce qui va apporter de la vraie profondeur à notre vie et à nos relations. Pour cela il nous donne sa lumière, son éclairage. Il nous donne une nouvelle compréhension du monde et de notre vie.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014

  • Jean 16. L’Ascension : un départ créatif

    Jean 16
    29.5.2014
    L’Ascension : un départ créatif
    Actes 1 : 1-11      Jean 16 : 4-15

    Téléchargez le texte : P-2014-05-29.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous vivons le jour de l’Ascension, une fête chrétienne suffisamment importante pour qu’elle soit un jour de congé pour tout le monde. Mais en fait, est-ce une fête joyeuse ou un moment triste ? Noël et Pâques sont des fêtes joyeuses, Vendredi-saint est un jour triste, mais l’Ascension ?
    Comment vivons-nous ce jour ? Est-ce jour de séparation et de deuil ou bien est-ce un jour productif, créateur pour notre foi, un jour dont on peut se réjouir ?
    Dans le passage de l’Evangile selon Jean que nous avons entendu, les disciples sont tristes. Ce passage se trouve dans les discours d’adieu que Jésus prononce pour préparer ses disciples à son départ, son Ascension.
    Il faut réaliser ici qu’il y a une grande différence entre les évangiles synoptiques et l’Evangile selon Jean, à propos de l’Ascension. Nous vivons selon le calendrier mis en place par l’Evangile selon Luc. Il définit des temps entre les fêtes. Entre Pâques et l’Ascension, 40 jours pendant lesquels Jésus apparaît à ses disciples et continue à les enseigner. Puis il disparaît en « montant au ciel ». Et encore 10 jours jusqu’à la Pentecôte où les disciples reçoivent l’Esprit saint. Ce calendrier est propre à Luc et aux Actes des Apôtres.
    Dans l’Evangile selon Jean, l’Ascension, le départ de Jésus est simultané avec son élévation sur la croix. Il y a bien des apparitions aux disciples, à commencer par l’apparition à Marie-Madeleine, mais ce ne sont que de brèves incursions du Ressuscité dans la vie des disciples, ce n’est pas un séjour de Jésus parmi les siens.
    Ainsi, les discours d’adieu de Jésus à ses disciples dans l’Evangile selon Jean peuvent-ils être lus comme parlant en même temps du temps de la croix et du temps de l’Ascension. Je pense que cette chronologie est plus vraisemblable que celle de Luc. En effet, où peut-on lire — dans les évangiles — les enseignements de Jésus pendant les 40 jours qu’il passe avec les Onze ? Il est impossible que ces 40 jours n’aient pas laissé de traces dans les évangiles ! Donc Jean est plus proche de la réalité. Les discours d’adieu de Jésus nous donnent donc une meilleure compréhension de l’Ascension, du départ de Jésus.
    Que nous disent-ils ? D’abord que les disciples sont tristes. Ils n’arrivent pas à envisager de perdre Jésus, ni qu’ils puissent vivre sans lui. C’est pourquoi Jésus les enseigne et leur annonce la venue de ce que Jean appelle le Paraclet, qui est le saint Esprit. Jésus doit transformer la vision de son départ ; aussi leur dit-il : « Il est préférable, avantageux pour vous que je parte. Je vous enverrai le saint Esprit. » (Jn 16:7).
    L’absence de Jésus ne sera pas un abandon, mais la transformation du mode de sa présence. C’est le saint Esprit qui assurera la présence de Jésus auprès de ses disciples. Jean définit deux rôles du saint Esprit, un rôle face au monde et un rôle face à la communauté de l’Eglise.
    A. Le rôle face au monde est de le convaincre que le monde s’est trompé, trompé de cible. Les évangiles nous montrent le procès contre Jésus. Là, c’est le monde qui tient le rôle de l’accusateur et c’est Jésus qui est en procès. A ce niveau, c’est le monde qui l’emporte : Jésus est un pécheur condamné, justice est faite, le monde a condamné Jésus, ce jugement est la victoire du monde.
    Mais ce que Jésus annonce, c’est que le saint Esprit va rétablir, retourner les choses dans l’esprit des disciples. D’accusateur, le monde devient l’accusé. Et le verdict est : « Ce n’est pas Jésus qui est pécheur, mais le monde ; ce n’est pas Jésus qui est injuste [devant Dieu], mais le monde ; finalement ce n’est pas Jésus qui est condamné, mais le monde devenu esclave de la puissance du mal. »*
    L’Esprit saint, le Paraclet, vient rétablir la juste position du monde face à Jésus, il vient rétablir la justice, à la façon des prophètes de l’Ancien Testament, pensez à Nathan face à David à propos de Bethsabée (2 Samuel 12).
    B. Le deuxième rôle de l’Esprit saint est interne à la communauté, à l’Eglise. Le saint Esprit a pour rôle de communiquer les paroles de Jésus aux disciples. Le passage scande les termes : il vous le communiquera ou annoncera. Le saint Esprit est un transmetteur, ou dans un autre passage, celui qui fait se souvenir, se rappeler les paroles de Jésus (Jn 14:26). C’est lui qui nous relie à la source, à l’émetteur. Avec lui nous avons accès à la parole de Jésus.
    Mais il est encore dit qu’il sera notre guide (Jn 16:13). L’Esprit saint ne donne pas de nouveaux contenus, de nouvelles paroles, de nouveaux enseignements. Non, il est là pour permettre la juste compréhension de la parole de Jésus. Pour permettre l’approfondissement de cette compréhension.
    L’Esprit saint enseigne Jésus et seulement Jésus-Christ. Il dévoile l’absent, il le rend présent, aujourd’hui. Il y a une continuité entre l’Esprit saint et Jésus, comme une cascade : Dieu envoie Jésus comme Ambassadeur et maintenant, Jésus envoie l’Esprit saint comme nouvel Ambassadeur, pour porter cette même parole qui vient du Père.
    L’unité du Père avec Jésus est soulignée. Il y a unité de message, mais changement de transmetteur en fonction du temps vécu. La présence de Jésus était temporaire, en tant que Parole incarnée, vivant sur terre, dans un temps précis, dans un lieu précis. Vient maintenant le temps universel et l’ubiquité. Cette Parole de Jésus doit être entendue partout et dans tous les temps. « Le lecteur est invité à un renversement du regard : aborder le temps qui s’ouvre devant lui comme un temps habité par le Christ, par sa parole, par sa promesse. »** Et c’est l’œuvre du saint Esprit après le départ de Jésus.
    Le départ de Jésus n’est pas une fin, ni une impasse. Au contraire, c’est un commencement, c’est une ouverture. Et l’histoire l’a montré, l’évangile s’est répandu à une vitesse inimaginable dans tout l’Empire romain et au-delà.
    C’est pourquoi on peut parler de l’Ascension comme d’un départ créatif et donc d’une journée joyeuse. Il y a un gain qualitatif pourrait-on dire avec le départ du Jésus terrestre qui passe le relais à l’Esprit saint.
    Il n’est plus nécessaire d’être dans un lieu précis, à un moment de rendez-vous donné pour trouver Jésus. Il est maintenant accessible partout et en tout temps. C’est une nouvelle forme de présence que personne ne peut nous retirer, de laquelle personne ne peut nous éloigner. Jésus est parti, il est maintenant présent partout, il est là, auprès de nous, maintenant.
    Amen

    * Jean Zumstein, L’Evangile selon saint Jean (13—21), Commentaire du Nouveau Testament, Genève, Labor et Fides, 2007, p, 133
    ** idem p. 141
    © Jean-Marie Thévoz, 2014

  • Jean 20. Les Experts analysent le tombeau vide.

    Jean 20
    11.5.2014
    Les Experts analysent le tombeau vide.

    Jean 16 : 16-22       Jean 20 : 1-10


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    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,
    En voilà une drôle d’histoire que cette découverte du tombeau vide. Que s’est-il donc passé ce dimanche matin-là ? Qu’ont vu ces trois personnes, Marie-Madeleine, Pierre et le disciple que Jésus aimait, que la tradition a appelé Jean ?
    Pour comprendre ce qui se joue là, dans ce récit, nous allons avoir recours, ce matin, aux Experts. Nous allons nous plonger dans quelques séries télé pour saisir ce qui est en jeu et voir plus clairement ce qui se passe et comment chacun des personnages réagit.
    Qui a déjà vu au moins un épisode des Experts ? Peu importe que ce soit les Experts à New York, à Miami, à Las Vegas ou à Los Angeles, nous allons nous mettre dans la peau des Experts pour enquêter, car il y a bien scène de crime et pour corser l’affaire, le corps a disparu !
    L’énigme ne porte évidemment pas sur qui a tué Jésus, mais sur la disparition de son corps. Que s’est-il passé et qu’est-ce que cela signifie ? Reprenons les éléments du texte, les uns après les autres.
    Une personne découvre la disparition du corps, c’est Marie-Madeleine. Elle a juste jeté un coup d’œil dans le tombeau et constaté que le corps de Jésus a disparu. Toute de suite, elle pense que le corps a été emporté, qu’il a été volé. C’est ce qu’elle va déclarer lorsqu’elle va alerter les autres disciples.
    Pierre et Jean accourent, ce sont eux qui vont mener l’enquête. C’est l’équipe dépêchée sur place. Pierre est le chef, Jean son adjoint. Ils courent tous les deux. Jean est plus rapide, peut-être est-il plus jeune. Il jette un coup d’œil à l’intérieur et voit des bandelettes de tissu. Il n’entre pas, il ne faut pas brouiller les indices, le chef a préséance, c’est lui qui doit entrer le premier.
    Pierre entre et relève les indices. Il y a des bandelettes, et le linge qui recouvrait la tête de Jésus. Il est bien proprement roulé et rangé d’un coté, à part. Les bandelettes sont de l’autre côté. Il n’y a pas de désordre, pas de traces de lutte, pas de trace d’empressement. Ce n’est pas un vol. Personne ne déshabillerait un cadavre pour l’emmener. Pierre est perplexe : il voit les indices, mais il n’arrive pas à tirer de conclusion.
    Marie-Madeleine avait couru vers eux en leur disant que le corps avait été volé. Mais elle n’était pas entrée dans le tombeau, elle n’avait pas vu les indices que voient Pierre et Jean. Elle a tiré des conclusions hâtives. La pierre était roulée, le tombeau ouvert, le corps absent. Elle en a déduit trop vite, mais tellement logiquement, que le corps avait été volé. La première intuition était logique, mais, à l’examen, elle se révèle invraisemblable. Que s’est-il donc passé ?
    On imagine Pierre se tourner vers Jean et lui demander : qu’est-ce que tu en penses ? Et Jean de répondre : Je vois la même chose que toi, mais je crois savoir ce qui s’est passé. J’ai ma conviction, mais pas de preuve encore ! Oui, le récit nous dit exactement cela : « Jean étant arrivé, entra dans le tombeau : il vit et il crut » (Jn 20:8) c’est-à-dire qu’il voit et il se fait sa propre conviction.
    Trois personnages et trois attitudes différentes face au mystère. Marie-Madeleine se lance immédiatement dans des conclusions logiques, mais qui ne tiennent pas compte de tous les faits. Pierre examine tout soigneusement, mais il n’a pas de solution à offrir. Jean examine et arrive à une conclusion, une conviction.
    Qu’a-t-il de plus que les autres ? On a l’impression de se trouver dans la série « Unforgettable » avec Carrie Wells, cette inspectrice qui a une mémoire infaillible, ou dans « The Mentalist » avec Patrick Jane ; ces personnages ont des facultés de plus que nous pour percevoir la réalité qu’il y a derrière le mystère.
    Qu’est-ce que Jean a de plus que les autres ? En fait, rien de plus que vous ou moi. Il utilise simplement ses capacités à faire des liens, ou à se souvenir. Il met ensemble des faits, des événements, des paroles et cet ensemble prend sens.
    Jean connaissait la victime. Il a passé trois ans avec Jésus. Pour résoudre l’énigme du tombeau vide, il rassemble ses souvenirs, il se rappelle les paroles de Jésus, comment il a annoncé lui-même qu’il y aurait séparation, mais qu’ils se reverraient : « Dans peu de temps, vous ne me verrez plus, puis peu de temps après, vous me reverrez » (Jn 16:16). Alors, Jean fait le lien.
    Dès ce moment, il croit, il est persuadé que Jésus est vivant et qu’il le reverra. Jean croit Jésus. Jean croit les paroles que Jésus a dites, aussi a-t-il, dans le tombeau, cette conviction qu’il verra Jésus vivant. C’est ce qu’il peut dire à Pierre, sans en apporter de preuve, c’est sa conviction. Une conviction qui repose sur la confiance dans les paroles que Jésus leur a dites.
    La foi ne naît pas de rien. Elle naît des liens qu’on tisse entre notre vie et les récits qu’on nous raconte, qu’on nous transmet. Nos enfants auront foi en nous si ce qu’ils éprouvent dans leur vie est en lien avec ce que nous leur racontons comme parents.
    Notre vie prend sens lorsque des liens se font entre les différentes parties de notre vie, lorsque nous comprenons comment s’enchainent, se lient les différents épisodes de notre vie. Quand nous pouvons nous dire : Mais c’est bien sûr… ; je vois maintenant, je comprends…
    Face aux évènements de notre vie, nous pouvons être comme Marie-Madeleine et tirer des conclusions hâtives (et fausses), la plus fréquente étant « tout est de ma faute ! » ou à l’inverse « tout est de la faute des autres ».
    Nous pouvons être comme Pierre, qui voit tous les indices, mais qui n’arrive pas à y voir de liens, qui ne trouve pas de sens.
    Et puis, nous pouvons être comme Jean, qui cherche des liens, qui cherche le sens, qui se souvient des paroles échangées, qui cherche dans les Ecritures, dans la Bible des récits significatifs qui peuvent éclairer la situation qu’il traverse. 
    C’est à ça que servent, dans l’éducation des enfants, l’Eveil à la foi, le Culte de l’enfance et le catéchisme. Donner un bagage de récits dans lesquels l’enfant pourra reconnaître l’une ou l’autre des situations qu’il traverse, faire un lien, trouver du sens et forger sa propre conviction.
    C’est ce que chacun d’entre nous peut faire en relisant, en parallèle, sa vie et les récits bibliques, qui ont accumulés au cours des siècles une grande sagesse.
    La vie est comme un roman policier, dont nous sommes les Experts, à nous de récolter les indices, de trouver les liens et d’aboutir à une conviction.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014