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bible - Page 28

  • Jean 1. "Voici l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde."

    7.3.2010

    "Voici l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde."

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    Esaïe 53 : 1-8, Apoc 7 : 9-12, Jn 1 : 23-29

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Le temps du Carême, temps de la Passion, est propice pour se redemander comment comprendre la mort annoncée de Jésus. Comment comprendre le parcours de Jésus, y compris sa mort ? Les évangiles et les lettres du Nouveau Testament nous proposent plusieurs interprétations, nous exposent plusieurs significations.

    L'évangéliste Jean nous propose de voir Jésus comme l'agneau de Dieu. Ce sont les mots qu'il met dans la bouche de Jean Baptiste : "Voici l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde" (Jn 1:29). Dans le récit de la Passion, l'évangéliste Jean associe la mort de Jésus au sacrifice de l'agneau de l'Exode. Enfin, l'Agneau est très présent dans l'Apocalypse, il règne en souverain auprès de Dieu.

    Dire de Jésus qu'il est l'agneau de Dieu permet de donner sens à la mort tragique de Jésus et permet de montrer comment la mort de Jésus ouvre au salut, offre une bénédiction à tous les humains.

    A. Dire que Jésus est l'agneau de Dieu, c'est associer Jésus à la Pâque juive, c'est faire un transfert de signification de l'un à l'autre. L'agneau pascal de la fête juive, c'est le rappel de l'Exode : un peuple en servitude va être libéré. Des êtres menacés de mort vont être sauvés. Le sang de l'agneau doit être badigeonné sur les montants et le linteau de la porte de la maison pour que la Mort passe son chemin.

    L'agneau doit être mangé — en famille — pour prendre des forces avant un voyage long et difficile qui doit mener en terre promise. Le sang et la chair de l'agneau donnent la vie, comme le corps et le sang du Christ consommés dans la Cène.

    Dans la fête de la Pâque, Dieu est encore en vis-à-vis des humains — en face, de l'autre côté de la barrière, à l'extérieur — mais il offre, à travers l'agneau, un moyen de protection, un élément protecteur.

    B. Lorsque Jean Baptiste dit de l'agneau de Dieu qu'il ôte le péché du monde, il fait référence aux poèmes du Serviteur souffrant qu'on trouve chez le prophète Esaïe : "Le serviteur a grandi comme une simple pousse, il était celui qu'on dédaigne, la victime, le souffre-douleur. Or il supportait le malheur qui aurait dû nous atteindre. Il a subi notre punition et nous sommes acquittés. Il s'est laissé maltraiter comme un agneau qu'on mène à l'abattoir." (Es 53:1-8 extraits).

    Le serviteur, l'agneau, est celui qui accepte de souffrir avec, qui souffre du malheur des autres, qui compatit. Même plus, il porte la douleur des autres, il accepte de se substituer aux autres. Il renonce à la force, à son droit, à la puissance. Il est celui qui chemine avec ceux qui souffrent, qui les accompagne sur leur chemin de douleur. Parfois il est celui qui se sacrifie pour leur éviter du mal. Combien de fois, comme parents, nous voudrions assumer ce rôle pour nos enfants, leur éviter les tourments et les malheurs. Nous pouvons les accompagner, être avec eux, plus rarement nous substituer.

    Jésus — comme l'agneau de Dieu — n'est plus dans le vis-à-vis, il est dans le compagnonnage, dans l'être-avec; Emmanuel, Dieu avec nous. Il chemine à nos côtés, nous accompagne et nous porte, sans que cela ne nous évite les écueils de la route. Mais nous ne sommes plus seuls sur notre chemin.

    Sur notre chemin terrestre, Jésus est à nos côtés; vers notre chemin céleste, Jésus se substitue à nous, il a endossé le poids de nos fautes et obtient pour nous l'acquittement pour tout ce qui nous accable et nous culpabilise.

    Pour nous suivre sur notre route terrestre, Jésus a renoncé à toute puissance divine, il a accepté notre impuissance humaine à changer les choses, à éviter le malheur et la mort. C'est en cela qu'il est un agneau et non un lion.

    C. Alors, il est bizarre de lire que l'Agneau de l'Apocalypse règne à la droite de Dieu et l'emporte sur tous les adversaires des humains ! Oui, dans l'Apocalypse, l'Agneau est un souverain, un juge qui réhabilite les victimes dans leur position, un maître qui efface les larmes et établit une terre nouvelle.

    Je crois qu'il y a, là, la révélation (c'est le sens du terme "Apocalypse" — en anglais ce livre s'appelle Revelation) d'un processus que nous pouvons aussi expérimenter. Jésus, comme agneau de Dieu, accepte l'impuissance de la condition humaine : nous pouvons certes faire beaucoup de choses, mais nous sommes impuissants à faire quoi que ce soit contre le malheur, le deuil, la mort. Nous sommes impuissants, nous n'avons pas de baguette magique.

    Mais si nous reconnaissons cette impuissance, si nous reconnaissons que nous ne pouvons rien faire, nous pouvons entrer dans une autre dimension, — quitter le pouvoir du faire quelque chose — pour entrer dans la dimension de l'être, de l'être avec les autres. Nous pouvons quitter l'illusion de la puissance pour accepter que nous ne pouvons qu'être-là, auprès de, à côté de, dans l'empathie, dans la compassion, dans l'accompagnement. Deux êtres qui partagent une même présence, une même souffrance.

    Je vous donne un exemple très concret. Il y a quelques années, la Gendarmerie vaudoise a réalisé que lorsqu'elle doit gérer un décès tragique, elle sait faire un tas de chose : sécuriser la place, appeler les secours, annoncer le décès. Mais une fois qu'il n'y a plus rien à faire et que le gendarme se retrouve face à quelqu'un qui pleure, il se sent impuissant. Alors la Gendarmerie a demandé de pouvoir passer le relais à un service des Eglises : l'assistance spirituelle d'urgence.

    Quand il n'y a plus rien à faire, il y a encore quelque chose qu'on peut faire : simplement être-là et accompagner la douleur, la souffrance du cœur. Simplement être en communion, en communion d'humanité.

    L'agneau de Dieu accepte cette impuissance pour réinvestir la puissance de l'être, l'être-là, l'être avec, l'être en communion. Reconnaître son impuissance à faire quelque chose, c'est se donner la possibilité de retrouver cette autre puissance, cette autre richesse que Dieu a placé au plus profond de chacun d'entre nous : être humain.

    L'agneau de Dieu nous précède, nous accompagne sur ce chemin-là.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • Jean 10. Cette parabole parle de notre combat pour garder la maîtrise de notre liberté.

    Jean 10

    28.2.2010

    Cette parabole parle de notre combat pour garder la maîtrise de notre liberté.

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    Jérémie 31 : 31-34 Jean 10 : 1-6

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,

    Nous avons entendu une parabole de Jésus qui parle de moutons et d'enclos. C'est plutôt loin de notre vie de citadin d'aujourd'hui ! Y a-t-il quand même quelque chose à comprendre là-dedans, surtout quand le narrateur ajoute — après le récit de Jésus — que les auditeurs de Jésus, à l'époque, n'ont rien compris non plus. Cette phrase est là pour nous alerter, nous inviter à chercher un sens caché.

    La parabole est l'image de quelque chose d'autre qu'une histoire de moutons. Et c'est vrai que Jésus ne nous donne pas un cours d'élevage, mais veut nous parler de Dieu, de nous-mêmes et de la relation entre Dieu et nous. Il faut donc transposer les images dans notre monde intérieur, dans notre réalité psychique.

    Commençons à penser : "Je suis l'enclos, je suis le gardien, je suis le troupeau…" Si je suis l'enclos, qu'est-ce que je comprends ? L'enclos est une frontière entre l'intérieur et l'extérieur, avec un contenu. Nous connaissons notre frontière physique : c'est notre peau. Une frontière psychique, psychologique est plus difficile à définir. Qu'est-ce qui contrôle ce qui entre et ce qui sort de notre tête, de notre cerveau, de notre âme ?

    C'est là qu'intervient le gardien. C'est lui qui ouvre la porte ou qui la ferme, qui laisse entrer ou sortir. Le gardien est notre libre-arbitre. Je choisis ce que je veux lire ou pas. Je choisis ce que je veux écouter ou pas. Je choisis ce que je veux regarder ou pas. Oui… en principe, je choisis ce que je veux, mais dans la réalité, c'est plus complexe.

    On s'aperçoit vite qu'il y a des choses qu'on aurait mieux fait de ne pas lire, de ne pas écouter de ne pas regarder. Il y a des choses qu'on nous refile, qu'on nous impose, qui nous agressent et qu'on n'a pas pu éviter. Il y a des choses qu'il n'a pas été possible de ne pas voir, de ne pas entendre, de ne pas subir.

    Souvent, trop souvent, le gardien est contourné, court-circuité, voire maîtrisé et ligoté. Voilà ce dont parle cette parabole, de notre combat pour garder la maîtrise de notre liberté. Nous sommes assiégés par des voleurs, par des brigands. Ce sont plus souvent des messages que des personnes.

    Ce sont des messages qui nous perturbent, qui nous agressent ou nous paralysent. "Tu devrais… Tu ne devrais pas… Il faut… Fais cela… Ne fais pas cela… Yaka… Taka… etc." Des voix intérieures qui répètent des messages enregistrés dès l'enfance qui coupent nos élans : "Tu n'y arriveras pas… Tu n'es bon/bonne à rien… Ça ne peut pas marcher… Tu finiras comme Untel… Débrouille-toi tout seul… On finit toujours par payer les moments de bonheur…"

    Ça fait déjà pas mal de messages; mais il y a encore une sorte de message plus retord — et je crois que Jésus dit cette parabole pour abattre, neutraliser le message suivant : "Dieu voit tout ce que tu fais, jusqu'au plus profond de toi, et il te punira…"

    Là, Jésus dit NON ! Le berger entre par la porte après que le gardien la lui a ouverte (Jn 10:2-3). Dieu n'entre pas par effraction. Dieu ne place pas une caméra de surveillance dans votre intimité. Dieu n'entre que là où on choisit de le laisser entrer. Dieu n'est pas dans la surveillance, dans l'espionnage, dans l'accusation. Il est le berger qui prend soin du troupeau et qui veut que les humains aient la vie et la vie en abondance (Jn 10:10).

    Le berger s'occupe du troupeau, au contraire des voleurs qui veulent s'en emparer et le disperser. Alors, qu'est-ce que ce troupeau de moutons et de chèvres dans notre monde intérieur ?

    Un troupeau, pour un propriétaire, c'est une richesse, c'est quelque chose de vivant, quelque chose qui nourrit, qui fait vivre. Le troupeau représente notre force de vie, notre élan, ce qui nous fait nous lever le matin et accomplir notre journée. Certains psychologues l'appellent notre "enfant intérieur" ou notre "enfant créateur", l'enfant en nous, un dynamisme, un ressort, l'énergie qui nous donne envie de dévorer la vie à pleines dents.

    La parabole nous dit que ce troupeau est dans l'enclos. Il nous est donné, il est là en nous, en chacun d'entre nous. Mais pour être créateur dans le monde, ce troupeau doit sortir dans le monde. On ne va pas tout garder à l'intérieur. Cette force créatrice, cet élan doit s'exprimer à l'extérieur.

    L'un des rôles du berger est de favoriser cette expression : "il mène le troupeau dehors" (Jn 10:3). Il y a de nouveau opposition entre le voleur et le berger. Le voleur vole notre énergie (repensez à ces phrases que j'ai citées et à celles que vous entendez dans vos têtes et qui vous paralysent en énumérant tous les obstacles). Le voleur nous épuise, nous disperse, nous pompe, nous met à plat.

    Le berger, lui, rassemble, réunit et conduit le troupeau, il le canalise pour qu'il puisse atteindre son but : avoir la vie en abondance, vivre le surplus de la vie. Tout cela en accord avec le gardien que nous sommes.

    Voilà la nouvelle alliance qu'annonçait le prophète Jérémie. Non pas une alliance comme un mariage arrangé, de convenance, mais une alliance comme un mariage d'amour où les partenaires se choisissent librement, pour partager leur amour et vivre avec tout le potentiel créateur qui les habitent. Voilà la vie possible avec Dieu pour berger.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • Marc 6. S'alléger pour marcher à la suite du Christ.

    Marc 6

    21.2.2010

    S'alléger pour marcher à la suite du Christ.

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    Luc 18:18-29, Mc 6 : 6-13

     

    Dans le film "Up in the air" on a pu voir George Clooney faire une conférence à des chefs d'entreprise, une conférence sur l'encombrement dans nos vies. Voici une partie de sa conférence :

    « Maintenant, on arrive au cœur du sujet, alors restez avec moi : Comment est votre vie ? Imaginez un instant que vous trimbalez avec vous un sac à dos. J'aimerais que vous le remplissiez de tout ce que vous avez dans vos vies. Commençons par les petites choses, ce que vous avez sur vos étagères, dans vos tiroirs, dans vos vide-poches. Ça y est ? Maintenant continuons avec des choses plus volumineuses : votre garde-robe, les appareils ménagers, ordinateurs et télévision.

    Le sac à dos commence à bien peser, non ? Allons encore plus loin : votre canapé, votre voiture, votre appartement ou votre villa. Oui, j'aimerais que vous bourriez tout cela dans votre sac à dos. Alors, regardez-le, soupesez-le… [...]

    Comment arrivez-vous à avancer dans la vie avec ça ? Plus lentement nous avançons, plus vite nous mourons. Ne vous détrompez pas : vivre… c'est avancer ! »

    La conférence (en anglais)

    Ça m'a fait réfléchir. De quoi sommes-nous encombrés ? Qu'est-ce qui nous empêche d'avancer dans la vie ? Je crois que c'est une bonne réflexion pour commencer ce temps de Carême qui nous mènera à Pâques. De quoi nos vies sont-elles encombrées ?

    Il y a les choses, les objets, le matériel. Comment pouvons-nous avancer avec tout ce que nous avons ? Combien sommes-nous à craindre d'avoir à déménager tellement nous possédons de choses ?

    Lorsque Jésus envoie ses disciples en mission, il leur recommande de ne pas s'encombrer de choses inutiles — en fait même de choses qui nous sembleraient indispensables ! Nous qui avons de la peine à tout mettre dans une seule valise lorsque nous partons pour 3 à 4 jours. « Ne prenez rien avec vous pour le voyage, sauf un bâton ; ne prenez pas de pain, ni de sac, ni d'argent dans votre poche. 9Mettez des sandales, mais n'emportez pas deux chemises. » (Mc 6:8-9)

    Et si nous essayions de nous alléger un peu pendant ce temps du Carême ? Pas par pénitence, pas parce qu'il faut donner, pas parce que d'autres sont pauvres, simplement pour nous sentir plus légers, plus libres. Alléger le sac à dos, alléger notre hotte, la maison que nous portons sur le dos, simplement pour avancer, pour se sentir mieux.

    Oh là là, je sens que cela réveille des peurs au-dedans de nous, en tout cas chez moi c'est le cas. Il y a au dedans de nous une peur de manquer, de ne pas avoir assez, maintenant ou plus tard. Peur de manquer, peur de ne pas recevoir si l'on vient à manquer. Ne sommes-nous pas victimes d'un effet miroir ? Je donne si peu à ceux qui manquent que le miroir me dit que je recevrai peu si je viens à manquer, alors j'accumule pour ne pas manquer et continue à moins donner… C'est le cercle vicieux de notre société du chacun pour soi.

    Jésus invite ses disciples à partir légers et à faire confiance dans la générosité de ceux qui vont les accueillir. Faire confiance… on retombe toujours là-dessus. Faire confiance et partager. Faire confiance et accepter qu'on nous donne…

    Vous avez remarqué qu'il est bien plus difficile de recevoir que de donner ! Donner, ça nous met en position de force, de dominant. Recevoir, ça nous met en position de faiblesse d'humilité, parfois même d'humiliation : "j'ai dû demander et j'ai eu honte…"

    Jésus dit à ses disciples d'accepter l'hospitalité qui leur est offerte. Ce n'est pas une honte, cela ressemble plutôt à un cadeau que les disciples font à leurs hôtes. C'est paradoxal. C'est offrir l'occasion de donner, c'est enrichir celui qui vous reçoit. C'est ce qu'on peut comprendre de la phrase sur ceux qui refusent l'hospitalité : « Si les habitants d'une localité refusent de vous accueillir ou de vous écouter, partez de là et secouez la poussière de vos pieds : ce sera un avertissement pour eux. » (Mc 6:11)

    Ils ont manqué l'occasion de faire une bonne action, manqué l'occasion de s'enrichir en donnant.

    Dans la durée d'une existence, nous recevons pendant notre enfance et nous risquons de devenir dépendant pendant notre vieillesse. Ne ressentons pas cela comme honteux. C'est l'occasion pour les autres de donner, d'aider, de faire du bien et ainsi de découvrir — en eux et pour eux-mêmes — la joie du don.

    Comment est notre vie ? Comment, de quoi est rempli notre sac à dos ? Qu'avons-nous à lâcher, à déposer au bord du chemin pour nous sentir plus légers, pour avancer plus facilement ? Qu'avons-nous dans notre sac à dos qui nous entrave, qui nous retient d'aller vers les autres ? Qu'avons-nous dans nos vies qui nous empêche d'avancer ?

    Lorsque Jésus invite ses disciples à partir léger, ce n'est pas une épreuve, ce n'est pas une punition. Lorsque Jésus invite l'homme riche à tout vendre, ce n'est pas pour le brimer, pour le priver, pour l'asservir. Au contraire — de la part de Jésus — c'est une invitation à la vie, à la liberté, au mouvement.

    Le temps du Carême n'est pas un chemin de tristesse, de renoncement, de flagellation, c'est un temps de renouvellement, de rénovation où l'on peut chercher à se débarrasser de ce qui nous ternit, de ce qui nous encombre, de ce qui nous retient sur le chemin de la vie, de la lumière et de la joie, chemin que Jésus ouvre devant nous.

    Allant de l'avant, sans argent ni bagages, les disciples ont rencontré des gens et ont pu leur apporter réconfort, libération et guérison. Regardons bien notre sac à dos et voyons comment l'alléger pour marcher dans les pas du Christ jusqu'à Pâques.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • Luc 7. Jésus est fâché ! Il déteste les excuses qui permettent de se dérober.

     

    31.1.2010

    Jésus est fâché ! Il déteste les excuses qui permettent de se dérober.

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    Luc 7: 18-48

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Jésus est fâché ! Oui, Jésus est fâché. Vous ne l'avez pas senti à la lecture de ces récits ? Oui, moi je sens toute l'exaspération de Jésus vis-à-vis de ceux qu'il rencontre. Il y a d'abord les envoyés de Jean Baptiste qui veulent savoir si Jésus est vraiment le Messie, ou pas.

    Pour répondre à leur question, Jésus ne dit rien, il part dans une frénésie de guérison, maladies, maux, souffrance, aveuglement; Jésus guérit à tour de bras. Puis, enfin, il parle aux envoyés : "Allez raconter à Jean ce que vous avez vu." (Luc 7:22) Une façon de dire : "Mais ouvrez les yeux ! Ce que je fais est explicite, non ?" Il faudrait une patience d'ange pour ne pas être exaspéré par cette incrédulité. Mais peut-être que Jésus avait cette patience ?

    Ensuite, Jésus interpelle les foules qui le suivent et qui avaient suivi Jean Baptiste auparavant. C'est une foule mélangée, le petit peuple, mais aussi ceux qui collaborent avec les Romains et collectent pour eux les taxes et les impôts, et quelques représentant des autorités, les scribes et de la bourgeoisie, les pharisiens. (Luc 7:29-31)

    Ils étaient attirés par Jean Baptiste. Maintenant, ils suivent Jésus qui se demande ce qu'ils cherchent. "Qu'êtes-vous aller chercher auprès de Jean Baptiste ?" (Luc 7:24-26) Qu'est-ce qui vous attirait chez lui ? Ni la fragilité, ni le luxe, peut-être le message ?

    Et Jésus sait que les gens ont été partagés. Le peuple et les collecteurs d'impôts ont demandé le baptême à Jean, alors que d'autres l'ont rejeté, il était trop extrémiste pour eux. Et Jésus — pensant tout haut, fâché contre leur versatilité, leurs incohérences — se demande à quoi il peut comparer la génération qu'il a sous les yeux.

    Alors, il les compare à un groupe d'enfants qui joue sur la place publique. Enfin, ils voudraient jouer, mais ils restent inertes. L'un propose : "Et si on jouait à la noce ?" Mais personne ne bouge, c'est bôf… Alors, un autre propose : "Vous êtes tellement amortis qu'on devrait jouer à l'enterrement !" (Luc 7:32) Mais même cette provocation ne fait bouger personne.

    Voilà à quoi ressemble cette génération dit Jésus à travers cette parabole, une génération d'indifférents, de blasés, de sans réaction, d'apathiques. Immobiles, bloqués, paralysés, repliés sur eux-mêmes.

    Je vous avais dit que Jésus était fâché. Oui, il voudrait secouer cette génération. Vous n'êtes contents de rien ni de personne. Jean Baptiste est venu comme un ascète et vous avez dit : « Il a un démon » (Luc 7:33). Je viens et je me mêle à la vie, je mange avec tout le monde et cela ne vous convient pas non plus. Qu'est-ce qui cloche ? Qu'est-ce qui vous paralyse ?

    Dans notre génération aussi on a cette impression de paralysie. Les gens ne s'engagent plus, ils ne sortent plus de chez eux pour des activités en commun. Toutes les sociétés locales ont de la peine à trouver des gens pour leurs Comités. chacun est scotché devant son journal ou sa TV. On entend beaucoup d'excuses : "J'ai trop à faire, je n'ai pas le temps. Je ne peux pas m'occuper de toute la misère du monde. Ce que je peux faire, ce n'est qu'une goutte d'eau dans la mer, c'est inutile. D'ailleurs, les chrétiens ne sont pas meilleurs que les autres. Ou encore : aider n'aide pas, mais maintient dans la dépendance."

    Autant de phrases qui servent à justifier l'inaction, l'immobilisme, la paralysie. De nos jours, il faut dépasser les 100'000 morts pour faire bouger les gens, n'est-ce pas ? Pas vous qui vous êtes déplacés ce matin à l'église, je parle de ceux qui sont restés chez eux.

    C'est contre cet immobilisme que Jésus se fâche. Et avec sa petite parabole, il coince ceux qui cherchaient à se défiler. Ceux qui avaient de bonnes excuses pour ne pas suivre Jean Baptiste, Jésus les coince, ils devraient le suivre lui !

    Jésus accuse, Jésus critique ces excuses, ces raisonnements qui justifient l'immobilisme, le retrait, la non-intervention, le non-engagement. Qui voulez-vous suivre si vous ne suivez ni celui qui jeûne, ni celui qui mange ? Qui voulez-vous suivre si vous ne suivez pas celui qui vit isolé dans le désert, ni celui qui se mêle à la vie des humains ? Décidez-vous nom d'une pipe !

    Jésus est fâché ! Mais fâché contre les excuses, les raisonnements tordus qui servent de paravent, d'échappatoire aux engagements ou aux responsabilités. Jésus n'a jamais coincé personnes sur ses faiblesses, ses incapacités, ses infirmités ou ses vulnérabilités. Par contre, il est intraitable face à l'hypocrisie, face aux raisonnements dilatoires, face à la logique tordue qui permet la fuite.

    Je pense que c'est ce qu'il dit dans la conclusion de la parabole, une conclusion un peu énigmatique dans nos traductions. Le texte grec nous dit ceci : "la sagesse est justifiée par tous les enfants de la sagesse" ce qui est généralement compris comme "seuls les sages peuvent reconnaître la sagesse" dans le même sens qu'il dit ailleurs "Que ceux qui ont des oreilles pour entendre écoutent" (Luc 8:8).

    Mais si Jésus est fâché, je pense qu'il met de l'ironie dans cette phrase. Alors, il faut la comprendre comme disant : les enfants de la sagesse justifient la sagesse, ce qui signifie en termes actuels : "les raisonneurs donnent raison à leurs raisons" ou en termes plus communs : "vous pouvez remballer vos excuses."

    Jésus est fâché parce qu'il déteste l'hypocrisie et les excuses qui permettent de se dérober à ses devoirs ou à la volonté de Dieu. Mais, tout fâché qu'il est, Jésus n'abandonne pas sa tendresse et sa compassion, comme le montre le récit suivant où il est invité à manger chez Simon le pharisien.

    Jésus combat toutes nos excuses, toutes nos dérobades, pour nous amener au cœur de la vie, là où il y a la joie des chansons et de la danse, comme les émotions de tristesse ou de colère dans les moment de perte.

    Jésus cherche à désarmer notre raison, nos bonnes raisons pour ouvrir notre cœur à nos sentiments et à nos émotions, pour ouvrir notre cœur à la présence de l'autre, à l'amour et à la charité. Jésus nous ouvre le cœur pour nous redonner toute notre mobilité, pour chanter et danser et pour nous permettre d'approcher les autres en confiance.

    Laissons Jésus nous guérir de nos paralysies et nous mettre en mouvement vers notre prochain.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • Luc 2. Noël, c'est Dieu auprès de nous : Emmanuel !

    25.12.2009

    Noël, c'est Dieu auprès de nous : Emmanuel !

    Luc 2 : 1-20

    Chères paroissiennes, Chers paroissiens,

    Qu'est-ce que Noël nous dit de la présence de Dieu dans le monde ?

    Nous avons toutes les raisons d'être découragés, démotivés, lorsqu'on voit le monde autour de nous. Tout ne va-t-il pas de plus en plus mal ? Ne nous demandons-nous pas, avec l'ensemble de nos contemporains : mais où est Dieu, que fait-il, nous a-t-il abandonnés ?

    Je crois que nous rêvons encore à un Dieu Père Noël, qui nous donne les cadeaux que nous avons commandé, qui soit partout au même moment à réaliser nos rêves. Nous rêvons encore d'un Dieu tout-puissant qui nous remplace dans nos tâches et nos devoirs. Pourtant, à Noël, Dieu se présente justement autrement. Il n'est plus le Dieu de l'Histoire et des pouvoirs. Il est un Dieu humble et sans pouvoir, juste présent dans notre monde à nous, juste présent avec nous, à nos côtés, dans l'impuissance du bouleversement des situations. Il se glisse dans les interstices de l'Histoire, pour nous rejoindre dans l'intimité de nos relations. Alors j'ai cherché dans mon environnement, dans ce que je vis, où Dieu se refuse et où il se révèle comme Emmanuel, Dieu avec nous.

    J'ai parcouru les rues de Lausanne et de Bussigny, j'y ai vu des décorations brillantes et des lumières étincelantes pour faire ambiance de Noël, mais je n'ai pas vu Dieu.

    J'ai lu les journaux avec impatience relater la rencontre des grands à Copenhague, j'ai attendu des décisions pour sauver notre planète, mais je n'y ai pas vu Dieu.

    J'ai regardé le film du dimanche soir, je me suis distrait, mais je n'ai pas vu Dieu.

    J'ai vu une grand-maman prendre dans ses bras son petit-fils, pour le soulager de son chagrin, Emmanuel !

    Je vois des bergers s'agenouiller devant un bébé couché dans une crèche et s'émerveiller, Emmanuel !

    J'ai visité des cathédrales, des abbayes magnifiques, même des mosquées à l'architecture impressionnante, mais je n'ai pas vu Dieu.

    J'ai lu que l'empereur Auguste avait donné l'ordre de recenser tous les habitants de l'empire romain, mais je n'y ai pas vu Dieu.

    J'ai vu des hommes et des femmes se réunir dans un salon et prier les uns pour les autres, Emmanuel !

    J'ai vu une mère relever son enfant et souffler sur son genou avec tendresse, Emmanuel !

    Je vois une communauté d'hommes et de femmes se rassembler dimanche après dimanche dans son lieu de culte, malgré les sarcasmes sur les Eglises vides, Emmanuel !

    J'ai vu tomber le mur de Berlin (dans mon fauteuil) puis commémorer les 20 ans de cette chute et je me suis demandé…, mais je n'y ai pas vu Dieu.

    Je vois les chefs d'Etats se rassembler, G7, G20, pour faire des promesses d'améliorer le monde, sans rien perdre de leurs profits, mais je doute d'y voir Dieu.

    J'ai vu un homme pleurer du fond de sa détresse et déposer une fleur sur la tombe de son épouse, Emmanuel !

    Je vois des jeunes s'exercer ensemble à la foi, au chant et à la prière, Emmanuel !

    J'ai lu qu'un lépreux guéri était retourné dire merci pour sa guérison, Emmanuel !

    Des mages sont allés au Palais d'Hérode pour y chercher le roi des juifs qui devait naître, mais ils n'y ont pas trouvé Dieu.

    Je connais quelques personnes qui vont voir des résidents en EMS, bien après avoir perdu le proche qui s'y trouvait, juste pour y apporter un peu de chaleur, Emmanuel !

    J'ai vu des mages apporter des présents dans une étable, sur la foi de quelques lignes de l'Ecriture sainte, Emmanuel !

    Je vois des femmes faire des cakes et des gâteaux pour le marché missionnaire, un apéritif ou la fête paroissiale, Emmanuel !

    Je vois des hommes et des femmes se rassembler pour partager le pain et le vin et créer une communauté, par delà leurs différences, Emmanuel !

    Je vois que l'esprit de Noël vit encore. Que Dieu nous ouvre les yeux pour le voir chaque jour à nos côtés. Joyeux Noël, Dieu avec nous, Emmanuel !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • Jérémie 33. D'une royauté terrestre à une royauté sur les cœurs

    Jérémie 33

    29.11.2009

    D'une royauté terrestre à une royauté sur les cœurs

    Jér 33:12-16 + 19-22 Mc 1 : 1-5

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Nous vivons le premier dimanche de l'Avent, temps de préparation à Noël. Temps de notre préparation et rappel du fait que Dieu lui-même a préparé son peuple à accueillir Jésus comme son Fils. Il y s donc un double mouvement : (i) faire mémoire de l'Ancien Testament pour nous rappeler les promesses de Dieu et comment il les réalise et (ii) comme Jean Baptiste : préparer le chemin du Seigneur, nous préparer intérieurement à le recevoir, à lui faire une place dans nos vies.

    Vous avez entendu trois petits textes transmis par le prophète Jérémie, rappelant les promesses de Dieu. Jérémie parle dans une période de profond bouleversement, puisqu'il parle alors que Jérusalem et les contrées environnantes sont occupés, pillées et détruites par l'ennemi d'Israël, le royaume de Babylone.

    Le premier texte promet le retour à la normalité : "dans ce pays dévasté, il y aura de nouveau place pour des bergers qui surveillent leurs moutons pendant la nuit." (Jr 33:12) Un texte qui trouve un écho dans le récit de Noël, où les anges annoncent la naissance de Jésus aux bergers qui gardent leurs troupeaux dans les champs. Une première promesse réalisée au moment de la naissance de Jésus.

    Le deuxième texte parle de la naissance d'un vrai descendant de David. Ce descendant a pour caractéristique de "faire appliquer le droit et de rendre la justice." (Jr 33:15) La libération du pays de Juda et de Jérusalem a pour but l'établissement du droit et de la justice, c'est-à-dire rendre justice aux plus faibles, à ceux qui sont lésés. Du Décalogue à la prédication des prophètes, Dieu s'affirme comme le défenseur de la justice.

    Enfin, le troisième texte promet une descendance à Israël, une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel ou que le sable de la mer, les termes mêmes de la descendance promise à Abraham. Il y a aussi dans ce troisième texte la promesse d'avoir perpétuellement un roi, un descendant de David à Jérusalem. Cela pose évidemment un problème, puisque le trône de David n'a pas pu être rétabli de façon durable à Jérusalem. Le peuple d'Israël n'a pu se gouverner lui-même que pour de très courtes périodes entre le retour de Babylone et la destruction de Jérusalem en 70 après J.-C. par les Romains.

    Clairement, la royauté que les chrétiens attribuent au Christ n'est pas de même nature que celle promise dans ce passage. Comprendre ce décalage, c'est comprendre la pédagogie de Dieu. Comprendre cette pédagogie, nous permettra de comprendre ce que Dieu veut pour nous aujourd'hui.

    La pédagogie de Dieu pour se faire comprendre est adaptée à nos moyens et à nos limites humaines. Dieu ne pouvait se révéler d'un coup — comme il l'a fait au travers de Jésus — dès qu'il a abordé l'être humain. Il n'aurait pas été compris. Jésus a déjà été si peu compris après des siècles de préparation, d'Abraham à Jean Baptiste. Qu'est-ce que cela aurait été sans cette préparation ?

    On peut schématiser la découverte de Dieu par l'être humain en trois phases.

    Première phase. L'être humain pense que Dieu et le cosmos sont une seule et même entité. L'être humain comprend les phénomènes naturels comme des gestes, des mouvements, des expressions de Dieu. La foudre de Zeus en est un exemple. (Mais nos contemporains pensent aussi souvent comme cela, soit lorsqu'ils adorent la nature et les couchers de soleil, soit quand ils pensent que les catastrophes naturelles viennent de Dieu). Dans le judaïsme et le christianisme, Dieu et la nature sont clairement séparés : il a fallu l'apprendre.

    La deuxième phase a servi à sortir de la première phase. Dieu s'est présenté comme celui qui dirige l'Histoire et les événements. Il n'est plus le Dieu-cosmos, il est dans l'Histoire et il guide son peuple, comme ses dirigeants, et fait gagner les batailles. Dieu a pris ce rôle, un temps, de manière limitée, envers Israël, pour le faire sortir de ce qu'on appellera le paganisme : confondre Dieu et la Nature.

    Dans cette deuxième phase, Dieu se fait connaître à son peuple, pour le mettre sur la voie de la troisième phase. Il se montre comme un Dieu qui se rapproche de son peuple, comme un Dieu qui exige le droit et la justice (qui sont différents des lois de la nature, de la loi de la jungle).

    La promesse d'un roi, d'un royaume terrestre appartient à cette phase intermédiaire, mais qui n'est pas l'accomplissement de la révélation divine. Cela prépare à la troisième phase qui est révélée à Noël, en Jésus-Christ : Dieu vient habiter parmi nous, en nous.

    Dieu devait être séparé du cosmos, il doit maintenant être séparé de l'Histoire, pour entrer dans le cœur de l'être humain, au cœur du culte et de la culture.

    La troisième phase est un processus d'intériorisation. Dieu habite parmi nous, en nous, en chacun et entre chacun. Si le droit et la justice doivent régner dans la société, il est plus important encore que la paix et l'amour vive en chacun et entre chacun d'entre nous. C'est la troisième phase, celle que Jésus inaugure à Noël, celle que nous préparons pendant le temps de l'Avent.

    Jean Baptiste appelle au changement de comportement. Chacun est appelé à changer parce que le Royaume de Dieu s'est approché, parce que Dieu est là, tout près, et il veut entrer en nous, nous habiter. Les contes de Noël nous invitent à ce changement intérieur : creuser de la place en nous, valoriser l'être plutôt que les choses, s'offrir, offrir sa présence, plutôt que chercher à acquérir ou à prendre, s'émerveiller comme les bergers, plutôt qu'exercer le pouvoir et la violence comme Hérode.

    Où en sommes-nous de notre compréhension de Dieu ? Fait-il partie de la nature, tantôt belle, tantôt cruelle ? L'attendons-nous dans l'Histoire, pour faire à notre place ce qui est de notre ressort ? Ou bien allons-nous lui faire une place à l'intérieur de nous-mêmes, dans notre cœur, dans nos relations, dans nos familles ?

    Laissons-nous questionner par ce Dieu qui réclame une place au milieu de nous ! Une place qui n'est pas demandée au moyen de la foudre, une place qui n'est pas demandée par un roi entouré d'une grande armée, mais une place qui est demandée par un bébé dans une crèche.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Esaïe 56. En attendant que Dieu nous rassemble tous ensemble devant Lui.

    Esaïe 56

    8.11.2009
    En attendant que Dieu nous rassemble tous ensemble devant Lui.
    Es 56 : 1-8    Jn 4 : 19-30    

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Pour comprendre les paroles du livre d'Esaïe que nous venons d'entendre, il faut expliquer les circonstances qui prévalent lorsqu'elles sont dites. Ces paroles ouvrent la troisième partie du livre d'Esaïe, celle écrite après le retour de l'Exil à Babylone.
    Bref rappel des faits. En 587 av. J.-C. l'empire babylonien s'empare de Jérusalem, détruit le Temple de Salomon et déporte les élites du pays vers Babylone. Une partie des Israélites se réfugie en Egypte. C'est donc une dispersion et un exil. En 540, les Perses — avec Cyrus à leur tête — défont les babyloniens et permettent aux israélites de rentrer chez eux à Jérusalem.
    La situation au retour est difficile : (i) il s'est passé près de 50 ans entre le départ et le retour. (ii) Sur place les maisons et les terres des exilés ont été occupées, par ceux qui sont restés ou par des populations voisines, étrangères. (iii) Ceux qui arrivent d'exil de Babylone ou de leur refuge en Egypte sont des "secondos" ou des 3e générations. Ils ne sont pas bien accueillis. Ils ne sont pas reconnus comme des "autochtones", mais vus comme des étrangers.
    Il y a donc au moins trois catégories de personnes qui habitent le pays :
    - Les Israélites qui ne sont pas partis. Ils sont considérés comme des sortes de traîtres ou de collaborateurs par les exilés.
    - Les populations voisines qui ont profité du vide pour s'installer. Ils sont vus comme des étrangers et des païens.
    - Ceux qui reviennent, porteurs de leurs souffrances d'exilés ou de réfugiés, qui s'attendent à être accueillis et fêtés, mais qui sont vus comme dérangeants et quasi étrangers.
    Tout cela est générateur de tensions, tensions ethniques et tensions religieuses. Chacun essaie de justifier son droit à habiter le pays. C'est la période où chacun se construit une généalogie et des racines pour justifier sa place, son bon droit.
    C'est là que la Parole de Dieu est adressé au prophète pour dire à tous :
    "Mon salut vient pour ceux qui respectent le droit et pour ceux qui pratiquent la justice."
    Peu importe la généalogie, la provenance, l'origine, ce qui compte aux yeux de Dieu, c'est le droit, la justice et le respect du sabbat, c'est-à-dire de faire une place à Dieu dans sa vie. Et le prophète donne des exemples où la pensée de Dieu diffère de la pensée humaine : le sort de l'étranger et le sort de l'eunuque. Les deux ont une place dans le peuple de Dieu.
    C'est tout à fait choquant, c'est un retournement des positions précédentes ! Le Deutéronome (Dt 23:2) exclut les hommes mutilés de l'assemblée du culte. Il exclut même tous les handicapés du service dans le Temple (Lév 21:16-23). Et voilà que Dieu change la Loi. Même les eunuques, même les handicapés ont une place dans le peuple de Dieu, dans le service du Seigneur ! Halte à l'exclusion, à la discrimination, les exclusions sur l'apparence physique sont terminées.
    Et il en est de même avec les étrangers, continue le prophète. Ils sont inclus dans l'alliance de Dieu. Le mot d'ordre final c'est : "J'en ai déjà rassemblés, j'en rassemblerai d'autres encore." (Es 56:8).
    Et c'est bien ce qui va se passer avec Jésus. Jésus va lui-même reprendre ce passage d'Esaïe : "La maison de mon Père est une maison de prière pour tous les peuples." (Mc 11:17). Et comme toujours, Jésus le réalise en acte aussi.
    Il a toujours refusé l'exclusion par le handicap : il touche les aveugles et les sourds, il s'approche des lépreux. Il abat également les barrières des origines. Il guérit le serviteur d'un centurion romain, il va manger avec Zachée le collabo, il guérit la fille de la femme cananéenne et parle avec la Samaritaine.
    On voit par ces rencontres la liberté incroyable de Jésus. Les humains, les religieux mettent des barrières partout : entre les peuples, entre les hommes et les femmes, entre les confessions et les religions. Jésus, dans ses relations, casse toutes ces barrières. Il est libre, totalement libre. Et il nous invite à cette même liberté.
    Dans le dialogue avec la Samaritaine, il est question de lieux de culte, ceux autorisés et ceux qui ne le sont pas. Et Jésus sort de cette logique. L'important, c'est d'adorer Dieu en esprit et en vérité. Chacun peut adorer Dieu dans son lieu, ce qui se passe dans le présent n'est pas important. Chacun peut adorer Dieu dans son lieu, jusqu'à ce que la révélation finale nous rassemble tous devant le Très-Haut.
    En attendant — semble nous dire Jésus — pas de discriminations, pas de vexations inutiles, pas de limitations humiliantes. Vivons de l'espérance du grand rassemblement final, ne soyons pas des obstacles au rapprochement, dans le présent, en dressant des barrières inutiles.
    Faisons ce que Dieu nous demande : "Respectez le droit et pratiquez la justice, car le salut que j'apporte est proche." (Es 56:1)
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Matthieu 5. Le monde n'a pas besoin de plus d'objets, mais de plus de présence.

    Matthieu 5

    1.11.2009
    Le monde n'a pas besoin de plus d'objets, mais de plus de présence.
    Jn 14 : 15-17    Mt 5 : 1-10

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Les bénévoles engagés dans la Fête paroissiale ont reçu une invitation à participer à ce culte et à l'apéritif qui suivra tout à l'heure. Jésus de son côté est venu sur terre apporter l'invitation de Dieu à entrer dans le Royaume des cieux.
    Cette invitation de Jésus s'inscrit dans une longue tradition. Dieu s'est fait connaître à Abraham, un homme, une famille, puis à tout un peuple à travers Moïse, à une nation à travers David et les prophètes. Jésus ouvre cette invitation encore plus largement.
    C'est en voyant les foules autour de lui, qu'il voit à quel point chacun sur la terre a besoin de découvrir la présence de Dieu, découvrir la vraie forme de la Présence de Dieu auprès de tous les humains. En filigrane de son texte, Matthieu nous présent Jésus comme un nouveau Moïse. Depuis la montagne, il donne son enseignement. Les disciples sont à ses pieds et les foules en arrière-plan. Jésus, avec les Béatitudes et le Sermon sur la montagne, va donner un enseignement destiné aux croyants, mais dont la portée est universelle.
    Les huit Béatitudes présentent un enseignement choquant, paradoxal, qui confronte directement les valeurs du monde présent.
    Nous vivons dans une société de la performance, de l'efficience, de la production. Ce qui donne, aujourd'hui, de l'importance aux gens, c'est leur pouvoir d'achat, c'est leur visibilité médiatique, leurs coups d'éclat, leur agitation. Les gens ordinaires que nous sommes sont laissés de côté. Mais sommes-nous pour autant sans valeur ?
    A qui Jésus s'adresse-t-il depuis sa montagne ? A qui s'adressent les Béatitudes ? Qui sont ceux à qui Jésus offre son attention et ses promesses de bonheur ?
    Eh bien il parle (v.3) à ceux qui se savent pauvres en eux-mêmes, "pauvres en esprit", ce qui ne veut pas dire "faibles d'esprit" mais plutôt à court de souffle, essoufflés de courir tout le temps après la vie.
    (v.4) Il parle à ceux qui pleurent, à ceux qui sont affligés, à ceux qui vivent avec des blessures affectives, relationnelles.
    (v.5) Il parle aux doux, à ceux qui ne savent pas s'imposer, jouer des coudes, revendiquer haut et fort, qui s'effacent et s'inclinent.
    (v.6) Il parle à ceux qui aspirent au changement, qui en ont marre des passe-droits, des bonus indécents, qui sont scandalisé par le mépris des puissants.
    (v.7) Il parle à ceux qui sont miséricordieux (comme le mot à vieilli, nous sommes sûrement les seuls à l'utiliser encore !). Oui, il parle à ceux qui ont le cœur sur la main, à ceux qui écoutent leurs tripes, qui ouvrent leurs bras face à la souffrance des autres, ceux que leurs émotions submergent quand ils entendent parler du malheur des autres.
    (v.8) Il parle à ceux qui ont le cœur pur. Un cœur pur, c'est un cœur entier, sans mélange comme on le dirait d'une couleur, d'un pot de peinture. Ceux qui n'arrivent pas à mentir, à s'accommoder des petites compromissions si confortables pour justifier des comportements troubles.
    (v.9) Il parle à ceux qui recherchent la paix, que tout désaccord trouble, que les désunions rendent malheureux et donc qui mettent leur énergie à réconcilier, à rétablir le dialogue.
    (v.10) Il parle à tous ceux qui se font rabrouer parce qu'ils ont protesté contre les magouilles, de qui on s'est moqués parce qu'ils ont refusé d'aller dans le même sens que tout le monde, au nom de l'honnêteté et de l'intégrité.
    Dans ces Béatitudes, Jésus relève des attitudes simples, humbles, souvent silencieuses, mais toujours courageuses, droites, relevant de la fidélité à sa conscience. Et Jésus dit : c'est à vous qu'est ouvert le Royaume des cieux. Il ne cherche pas à débusquer les prix Nobel et les héros. Il ouvre le Royaume de son Père à chacun, à nous tous, qui nous reconnaissons dans ces portraits.
    Jésus ne va pas chercher les puissants, les performants, ceux qui ont réussi et sont au sommet. Jésus s'adresse à tous, à nous tous, même si nous nous sentons faibles, pas à la hauteur, malheureux, plein de chagrin ou de colère. Notre situation, quelle qu'elle soit, n'est pas un obstacle, elle est le lieu où Dieu nous rejoint. Elle n'est pas un obstacle, elle est le chemin qui nous conduit au Royaume des cieux.
    Jésus retourne les valeurs de notre société, du monde, les valeurs qui reposent sur l'accroissement du matériel, sur la productivité et la performance.
    Quand nous sommes jeunes, nous pouvons nous laisser aller à cette illusion de bonheur. Mais maintenant, quand notre position ou notre situation change, quand l'âge diminue nos forces, nous ne pouvons plus croire à cette illusion. Nous avons à changer de valeurs, à nous convertir et passer de la production matérielle au service, passer du service à la relation, passer de la relation à la présence.
    A travers les Béatitudes, Jésus nous montre un chemin qui quitte le monde du faire (faire toujours plus) pour aller vers l'être. L'être avec les autres, et l'être devant Dieu.
    Le monde n'a pas besoin de plus d'objets, mais de plus de présence. Jésus nous enseigne à être présent, à nous-mêmes et aux autres, en nous révélant la Présence du Père. Le Royaume des cieux promis, c'est un espace de relations, où personne n'est seul, où personne ne pleure sans être consolé, ne porte sa peine sans recevoir du soutien, où personne ne reste dépourvu devant l'injustice, où chacun peut manifester sa compassion, où la présence de Dieu se voit dans les regards d'affection des uns pour les autres, où la paix fait son chemin, où ceux qui souffrent de moqueries ou du dénigrement sont portés et réconfortés.
    Voilà le Royaume des cieux que Jésus offre. Voici le Royaume des cieux que le Christ nous invite  à construire, ici, ensemble. Je rêve que l'Eglise, la paroisse, puisse en être le commencement. Allons-nous le faire ensemble ?
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Exode 3. Moïse (4) L'être de Dieu est un être-avec : "Je serai avec toi."

    Exode 3

    11.10.2009
    Moïse (4) L'être de Dieu est un être-avec : "Je serai avec toi."
    Ex 3 : 9-15 
    Deuxième lecture biblique, dans l'Evangile de Jean, Jésus révèle son identité de diverses manières :

    Je suis le pain vivant descendu du ciel. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra pour toujours. (Jn 6:51)
    Je suis la lumière du monde. Celui qui me suis aura la lumière de la vie. (Jn 8:12)
    Je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis. (Jn 10:11)
    Je suis la résurrection et la vie.  Celui qui croit en moi vivra même s'il meurt. (Jn 11:25)
    Je suis la vigne, mon Père est le vigneron, vous êtes les sarments. Celui qui demeure uni à moi porte beaucoup de fruit. (Jn 15:1+5)
    Je suis la porte. Celui qui entre par moi sera sauvé. (Jn 10:9)
    Quand vous aurez élevé le Fils de l'homme, vous reconnaîtrez que "je suis celui que je suis". (Jn 8:28)

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Moïse est devant le buisson ardent, ce buisson du désert du Sinaï, qui brûle, mais ne se consumme pas. Dieu a interpellé Moïse, lui a dit qu'il avait vu la situation d'esclavage des fils d'Israël en Egypte et qu'il veut les délivrer. Et Dieu mobilise maintenant Moïse : "Je t'envoie maintenant vers le Pharaon ! Va, et fais sortir d'Egypte, Israël, mon peuple !" (Ex 3:10) Mais Moïse a peur, il se sent incapable, la tâche est trop grande, il ne sent pas à la hauteur.
    L'appel de Dieu nous prend toujours au dépourvu, par surprise, et combien d'excuses ne trouvons-nous pas pour y échapper. La réponse de Dieu est intéressante. Il ne dit pas : "Tu … Tu es capable; tu n'as rien à craindre; tu peux le faire… Non ! Dieu répond à Moïse en disant "Je… Je serai avec toi" (Ex 3:12).
    Et à la question de Moïse : "C'est de la part de qui ?" Quand les Israélites me demanderont qui m'envoie, quel nom devrais-je dire ?" (Ex 3:13). Dieu répond aussi en "Je" Dis-leur "JE SUIS" m'a envoyé. Mon nom est "JE SUIS." Je suis celui que je suis, ou Je suis celui qui suis. Là se trouve la révélation du nom de Dieu, celui que les juifs s'interdisent de prononcer, le tétragramme, c'est-à-dire les quatre lettre YHWH qui forment le nom sacré de Dieu.
    zzzzz
    "Je suis", "je serai", ce qui a conduit à le traduire aussi par "l'Eternel" comme dans le Ps 23 : "L'Eternel est mon berger." L'Eternel, l'Existant, l'Etant, l'Etre. On peut donc voir Dieu comme le fondement, la fondation de tout ce qui existe, de notre être à nous aussi. C'est lui qui nous fait exister, être, qui nous fait vivre.
    Cette révélation à Moïse se passe dans un contexte historique et géographique précis. Moïse est en exil, les fils d'Israël souffrent en Egypte où ils sont maltraités. Et là, Dieu se révèle à Moïse dans un but précis : aller au secours de son peuple, intervenir en leur faveur.
    L'être de Dieu n'est pas hors du temps, hors de l'espace, dans une éternité immuable et inaccessible. L'être de Dieu est un être-avec : "Je serai avec toi." Comme Esaïe le dira plus tard : "Emmanuel", Dieu avec nous (Es 7:14).
    Si Dieu est le fondement de l'être, il est aussi dans l'action. C'est un Dieu qui entend nos plaintes, qui voit nos situations, qui comprend ce que nous vivons et qui envoie un intervenant pour délivrer son peuple. Dieu mandate Moïse pour intervenir auprès de Pharaon pour qu'il laisse sortir d'Egypte son peuple bien-aimé. Nous connaissons la suite de l'histoire, la délivrance et l'installation en terre promise.
    Sautons encore quelques siècles, jusqu'au temps de Jésus. L'évangéliste Jean nous rapport des paroles de Jésus disant :
    Je suis le pain de vie
    Je suis la lumière du monde
    Je suis le bon berger
    Je suis la résurrection et la vie
    Je suis la vigne
    Je suis la porte de l'enclos
    et encore :
    Quand vous aurez élevé le Fils de l'homme, vous reconnaîtrez que "je suis celui que je suis."
    Très clairement, l'évangéliste Jean fait référence à ce récit du Sinaï pour nous dire que ce Jésus est bien Dieu lui-même. L'apôtre Paul — avant Jean — ne faisait rien d'autre lorsqu'il disait que le Christ est "l'image même de Dieu" (1 Co 4:4) et que ce qu'il prêche c'est "Jésus-Christ comme Seigneur" (1 Co 4:5).
    Dire "Jésus-Christ est le Seigneur" c'est affirmer que Jésus-Christ est Dieu, qu'il est le Dieu qui s'est révélé à Moïse dans le désert. Dans le Dieu qui se révèle à Moïse dans le tétragramme, Jésus-Christ est déjà présent (c'est le sens de la Trinité).
    Le Nouveau Testament est la continuation de la révélation à Moïse dans le désert. Jésus est le vrai visage de Dieu. Lorsque nous découvrons la personne de Jésus dans les évangiles, dans les lettres du Nouveau Testament, nous approchons de Dieu, nous découvrons Dieu lui-même.
    L'évangéliste Jean ne peut être plus explicite lorsqu'il rapporte les paroles de Jésus : "Celui qui m'a vu a vu le Père" (Jn 14:9). Nous n'avons pas besoin d'aller dans le désert, de monter sur le Sinaï, Dieu s'offre à nous en Jésus-Christ, dans sa Parole. Il est là — tout proche — à notre portée. Et nous pouvons le mettre à la portée de tous, de nos enfants, de notre famille.
    Dieu a appelé Moïse pour une tâche de délivrance. Dieu a assuré Moïse de sa présence auprès de lui pour réaliser cette tâche. Dieu nous appelle aussi pour communiquer autour de nous, à nos enfants, la bonne nouvelle de Jésus. Jésus est Dieu avec nous, dans nos vies comme nourriture (le pain descendu du ciel), comme lumière, comme guide, comme vie, comme joie, comme accueil. Laissons-nous imprégner de cette révélation de Dieu et marchons confiants dans la vie.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Exode 3. Moïse (3) Dieu vient sanctifier notre réalité, aussi banale soit-elle.

    Exode 3

    4.10.2009
    Moïse (3) Dieu vient sanctifier notre réalité, aussi banale soit-elle.
    Ex 2 : 23 — 3 : 8 Jn 4 : 19-24

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous retrouvons Moïse dans son parcours à la rencontre de Dieu. Nous avons vu comment il a grandi à la cour du Pharaon et fait l'apprentissage du pouvoir exercé avec violence. Vu comment il a découvert ses origines, son peuple, et les violences qu'il subit jour après jour. Partagé entre ces deux origines, Moïse s'exile au désert où il découvre une autre façon d'être dans la vie nomade du désert.
    Moïse est un homme en chemin, à la recherche de lui-même, de son identité et de sa personnalité. Cette découverte de lui-même, de soi-même, ne peut se faire sans être confronté à Dieu lui-même. Le récit de ce matin nous raconte donc la rencontre entre Moïse et Dieu, ou plutôt entre Dieu et Moïse. Car ce qui apparaît d'abord, c'est que c'est Dieu qui interpelle Moïse.
    On ne nous présente pas Moïse en quête de Dieu, ou en prière, ou en pèlerinage… Le récit nous parle d'abord de Dieu, puis de Moïse et ensuite encore de Dieu. C'est Dieu qui aborde Moïse, c'est Dieu qui se révèle à nous. En dehors de ce mouvement de Dieu vers nous, Dieu serait totalement inaccessible.
    C'est lui qui fait le premier pas. En même temps, Dieu n'est pas totalement inaccessible, parce qu'il tend l'oreille vers nous. Les derniers versets du chapitre 2 nous disent : "Les Israélites, du fond de leur esclavage, se mirent à gémir et à crier, et leur appel au secours monta jusqu'à Dieu. Dieu entendit leur plainte et se souvint de son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob. Il regarda les Israélites et se rendit compte de leur situation." (Ex 2:23-25).
    Dieu entend, Dieu se souvient, Dieu voit, Dieu re-connaît leur situation. On voit qu'avant de nous aborder, Dieu étudie dans quelle situation nous nous trouvons, il regarde, il écoute, il cherche à savoir et lorsqu'il sait ce qui se passe, ce que nous endurons, il intervient.
    Comment intervient-il ? Par un jour tout ce qu'il y a de plus ordinaire, alors que Moïse conduit les troupeaux de son beau-père vers leurs pâturages, au-delà du désert. Moïse voit — au loin — quelque chose d'intriguant. Ce qui se passe n'est pas sous les yeux de Moïse, ce n'est pas directement sur son chemin, c'est en marge, c'est de côté, c'est à l'écart.
    Le texte nous dit clairement : "Moïse décida de faire un détour pour aller voir." (Ex 3:3) Liberté que Dieu nous accorde : décider d'aller voir, ou non ! Difficulté pour nous : faire un détour, se laisser entraîner hors du chemin tracé, se laisser dérouter, sortir de nos routes, de nos ornières ou de nos habitudes. Oui, difficulté des "pas évident", des "ça va me prendre du temps", du "qu'est-ce qui va m'arriver ?" ou du "qu'est-ce que les autres vont penser ?" Faut-il que je sorte des sentiers battus pour aller vers Dieu ?
    Moïse fait ce détour, il se laisse dérouter, se laisse intriguer. C'est une fois le détour commencé que retentit l'appel de Dieu : "Moïse, Moïse !" La rencontre avec Dieu commence lorsqu'il nous voit faire un pas hors de nos routines, dès que nous faisons le premier pas dans sa direction.
    Et voilà que, bizarrement, Moïse se fait arrêter dès ce premier pas. "Ne t'approche pas de ce buisson, enlève tes sandales, tu te trouves dans un endroit consacré." (Ex 3:5) Qu'est-ce que ce buisson qui brûle sans se consumer ?
    Pourquoi un buisson ? N'est-ce pas un peu petit pour abriter Dieu ? N'aurait-il pas fallu un olivier centenaire ou un figuier ou mieux un grand cèdre, quelque chose à la mesure de Dieu ? Non, c'est un buisson, un chétif buisson du désert, un arbuste vulgaire, sans prétention, qui ne fait d'ombre à personne, négligeable… Une façon de nous dire que Dieu habite nos réalités les plus simples, les plus banales, notre réalité quoi !
    Et le feu ? Le feu évoque le monde d'en haut, le divin. Le divin vient habiter la simple réalité, pour l'illuminer sans la détruire. La démesure est telle entre le divin et le terrestre que l'on pourrait craindre que notre réalité soit immédiatement détruite par le contact du divin, comme la matière au contact de l'anti-matière. Dieu nous rassure, il n'en est rien. L'intention divine est d'habiter notre réalité sans la détruire, seulement d'y mettre sa chaleur et sa lumière. Dieu veut illuminer nos réalités du dedans.
    Enfin, ce caractère divin du feu, du buisson, illumine, contamine tout ce qui l'entoure. L'endroit devient saint. Là où Dieu vient habiter, il sanctifie ce lieu. Dieu vient sanctifier — rendre saint — notre réalité, nos réalités, aussi banales soient-elles. Comme le pain du boulanger et le vin du vigneron deviennent Présence du Christ pour nous dans la Cène, toute réalité peut devenir porteuse de la Présence de Dieu.
    Nous pouvons offrir la réalité de nos vies, de nos personnes — notre travail, notre famille, nos biens — à Dieu pour qu'il les habite et qu'ils deviennent des actions, des personnes ou des biens sanctifiés. Dieu voit notre réalité, Dieu connaît nos situations et vient habiter notre monde.
    En Jésus, il est venu habiter notre monde. Par le saint Esprit, il vient nous habiter et nous devenons nous-mêmes le temple du saint Esprit, de sorte que — comme Jésus le disait à la Samaritaine — on peut adorer Dieu en esprit et en vérité dans n'importe quel lieu (Jn 4:24).
    A nous d'oser nous laisser dérouter, pour marcher dans les pas de Dieu, lui qui nous entend, qui nous voit et qui nous connaît.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Marc 4. Quatre façons d'être dans la vie.

    Marc 4

    27.9.2009
    Quatre façons d'être dans la vie.

    Mc 4 : 1-9    Mc 8 : 27-30
    Chers catéchumènes, chers parents, chers paroissiens,
    Qui est Jésus ? La question se posait déjà il y a 2'000 ans ! Jésus lui-même pose la question à ses compagnons de route, à son équipe — qu'on appelle les disciples. "Qu'est-ce que le gens disent de moi ?" (Mc 8:27) et "Pour vous, qui suis-je ?" (Mc 8:29). Il y a ce que les autres disent et il y a ce que je pense, au plus profond de moi, au plus profond de chacun.
    Qui est Jésus ? A chacun de faire sa recherche, à trouver sa réponse personnelle, et le catéchisme, comme le temps partagé au culte, sont des lieux où faire cette recherche, ce chemin. Qui est Jésus ? Il y a les titres traditionnels : Messie, Fils de Dieu, Seigneur. Mais ils ne nous disent plus grand chose, parce qu'ils sont déconnectés de notre réalité.
    Il faut chercher des titres nouveaux, qui nous parlent. Selon les personnes ou les circonstances, on pourrait dire : C'est mon guide de montagne ou mon guide du Routard; c'est mon GPS, c'est mon cadeau du ciel… c'est mon kit de survie, c'est mon accompagnant, c'est la musique qui embellit mes journées… A vous de faire preuve d'imagination et de poésie.
    J'aimerais vous proposer de le voir ce matin, avec la parabole, comme le Semeur de vie dans nos existences. Jésus raconte la parabole du Semeur pour nous parler de lui et de notre vie à nous. Comment être heureux dans la vie, comment recevoir ce qui nous arrive dans la vie pour le transformer en bonheur, en réussite, en vie accomplie ?
    Dans cette parabole, Jésus nous présente quatre attitudes face à la vie, face à ce que nous recevons, à ce qui nous arrive. Mais regardons d'abord ce qui est semé, ce qui nous est donné.
    a) Ce qui nous est donné ce sont des graines. Ce qui nous arrive, c'est le germe de quelque chose d'autre. Ce qui nous arrive doit donc être transformé pour s'épanouir. Ce n'est pas le bonheur direct, tout de suite. C'est quelque chose qui contient du bonheur en germe. C'est à nous de le faire germer et pousser, de lui donner la possibilité de se transformer, de grandir et de donner du fruit.
    b) Ensuite, ce qui est donné est donné partout et à tous. Le Semeur sème sur tous les terrains. Le bonheur n'est pas réservé à certains plutôt qu'à d'autres. Le Semeur est généreux, il donne à tous de la même façon, il nous fait confiance, il met de l'espoir en nous, en nos capacités d'accueillir les cadeaux de la vie.
    c)  Finalement, c'est la façon d'accueillir ce qui nous est donné, ce qui nous arrive, qui fait la différence. Jésus nous présente quatre terrains différents, quatre façons d'être dans la vie et de faire son bonheur ou son malheur.
    1. Première image. Le chemin nous donne l'image d'une terre piétinée, tassée, fermée, imperméable. Oui, il arrive que certaines personnes se ferment à la vie, à tout ce qui arrive, s'enferment en elles-mêmes. Les cadeaux de la vie arrivent pour ces gens aussi, mais ils sont trop fermés pour les prendre pour les ouvrir et voir ce qu'il y a dedans. C'est l'attitude : "je ne veux rien entendre, rien savoir." Ou bien "je connais déjà tout cela, cela ne m'intéresse pas." Une bonne façon de passer à côté d'un tas de bonnes choses.
    2. Deuxième image. La terre caillouteuse, empierrée. Il y a de la terre, un peu, et les graines germent, font des pousses, mais pas de racines et elles sèchent. Ces gens-là accueillent les nouveautés avec enthousiasme, "c'est génial… je veux essayer, montre-moi !" Mais si elles n'arrivent pas tout de suite à le faire, si elles rencontrent un obstacle, s'il faut faire des efforts, persévérer, ces personnes abandonnent. "C'est décevant, je n'arrive pas, je suis nul."
    On peut se pourrir la vie à vouloir tout réussir tout de suite et parfaitement. Ou à vouloir tout essayer et ne rien faire jusqu'au bout. Les choses, la vie, a besoin de temps et d'approfondissements, de persévérance et d'efforts. Ce n'est pas drôle, mais c'est comme ça. C'est le terrain pierreux. On s'enflamme et on s'éteint.
    3. Troisième image : les ronces. Jésus parle encore d'un troisième type de personnes, celles qui se laissent envahir par tout ce qui les entoure. Elles reçoivent les cadeaux de la vie, mais il y a toujours quelque chose qui leur fait du souci. "Je suis invité à une fête, chouette. Mais comment est-ce que je vais m'habiller ? Qu'est-ce que les autres vont penser de moi ? Qu'est-ce que je vais leur dire ? C'est l'angoisse, je fais mieux de ne pas y aller."
    Ou alors, on se laisse envahir par les distractions : "pourquoi est-ce que je m'affale devant la télé pour voir ces âneries plutôt que de lire le livre que je me suis acheté ?" Ou alors, une fois qu'on a choisi quelque chose, on regrette immédiatement l'autre truc sur lequel on hésitait et on vit dans le regret.
    4. Bon, jusqu'à maintenant, personne ne s'est reconnu, parce que vous êtes tous comme la bonne terre qui reçoit les graines et qui produisent plein de grain, c'est la quatrième image. Cet idéal auquel nous aspirons tous, mais que nous avons tellement de peine à atteindre.
    Eh bien, Jésus se propose comme guide pour nous conduire à devenir ce terrain accueillant où faire germer et pousser le bonheur. Jésus sème de la vie dans nos existences et veut nous apprendre à devenir les jardiniers de nos vies, apprendre à bêcher, biner, sarcler la terre, à ôter les pierres et arracher les mauvaises herbes pour faire de la place à l'essentiel, à une vie qui porte du fruit.
    Le catéchisme, la lecture de la Bible, la prière personnelle, le culte sont des temps de découverte et de rencontre avec Jésus. Dans son enseignement, sa Parole, il nous donne le mode d'emploi de la vie. Il a envie que nous soyons heureux, que nous ayons une vie épanouie, des relations enrichissantes les uns avec les autres. Préparons-nous, préparons notre terrain à le recevoir, pour que notre vie fleurisse et porte du fruit en abondance.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Exode 2. Moïse (1) D'une naissance en péril à un avenir ouvert.

    Exode 2

    6.9.2009
    Moïse (1) D'une naissance en péril à un avenir ouvert.
    Ex 2 : 1-10    Jér 29 : 10-14

    Je pense que vous connaissez tous le conte du "vilain petit canard" :
    « Quand le vilain petit canard est né, il ne ressemblait pas à ses frères et soeurs de couvée. Rejeté de tous, à cause de ce physique différent, il est contraint de quitter « sa famille » et de partir, loin, pour ne plus subir leurs moqueries et leurs coups. Sur son chemin, ceux qu'il rencontre ne l'acceptent pas vraiment non plus. Un jour, cependant, ébloui par la beauté des cygnes, le vilain petit canard décide d'aller vers eux. Les cygnes ne le chassent pas et bien au contraire l'accueillent comme l'un des leurs. Et pour cause... Le vilain petit canard a grandi et s'est métamorphosé en un magnifique cygne blanc...*»
    Il y a d'autres contes sur ce modèle, où l'enfant élevé dans une pauvre chaumière découvre qu'il est prince, fils de roi, et finit par regagner son château et mener une vie de prince.
    Ces contes sont utiles pour les enfants qui traversent une enfance difficile, où ils se sentent rejetés, méprisés. Ils peuvent ainsi garder, enfouie au fond d'eux-mêmes, leur estime de soi et devenir un jour, enfin, ce qu'ils étaient dès le commencement. Ce genre de contes est construit sur la séquence :
    origine princière —> présent malheureux —> futur radieux.
    L'histoire de Moïse, de sa naissance et de son enfance est construite sur une autre séquence, une séquence utile à notre devenir d'adulte. En tant qu'adultes, nous ne pouvons pas vivre sur la séquence du vilain petit canard. Comment croire, à 30, 50 ou 70 ans, que nous allons enfin nous révéler être autre chose que ce que nous sommes ? Nous ne pouvons pas passer notre vie à faire le gros dos — en attendant un bonheur futur. En rester là, ce serait accepter d'être malheureux jusqu'à la fin de nos jours.
    La jeunesse de Moïse nous offre un autre modèle, plus proche de notre réalité — puisque nous avons dû accepter la réalité d'une naissance tout ce qu'il y a de plus modeste. Moïse naît d'un couple ordinaire et anonyme, tout ce qu'on sait, c'est qu'il est issu de la tribu de Lévi. La période historique est plus que troublée, puisqu'il y a une persécution contre les hébreux qui se trouvent en Egypte. Le Pharaon a décidé d'un génocide sur tous les enfants mâles. Vous remarquerez en passant l'écho que donne l'Evangile de Matthieu lorsqu'il décrit le massacre des bébés ordonné par Hérode (Mt 2:16).
    Donc Moïse naît, mais sa vie est menacée. Il devrait mourir et s'il vit, il devrait être esclave. On ne peut pas naître dans de pires conditions. C'est a priori un bébé sans avenir. C'est sans compter sur la famille, la mère et la sœur qui vont tout faire pour qu'il vive : la corbeille, le choix du lieu le long du Nil, la veille attentive de la sœur, la rencontre avec la fille de Pharaon, l'organisation de l'allaitement, etc…
    Et voilà que Moïse, une fois sevré est élevé à la cour du Pharaon, tout hébreu qu'il est. Paradoxe, retournement, il est élevé comme un prince, il a tout un avenir ouvert devant lui. La séquence indiquée par la jeunesse de Moïse est donc : passé d'esclave —> présent de prince —> avenir ouvert. C'est bien différent de la séquence du vilain petit canard : origine princière —> présent malheureux —> futur radieux.
    Dans la "séquence Moïse", on peut y vivre, on peut y rester tout en avançant, puis que le malheur est déjà derrière soi. Cela ne signifie pas qu'aucun malheur ne peut plus survenir — la vie de Moïse se révélera pleine de hauts et de bas — cela signifie que le malheur a déjà été traversé et que cette traversée, qui ne nous a pas anéanti, nous arme pour traverser les épreuves à venir.
    Il faut clarifier ce qu'on doit comprendre par "présent de prince." Je n'entends pas cela comme un train de vie princier, vautré dans le luxe et les plaisirs. Je l'entends comme la reconnaissance que nos choix de vie sont entre nos mains, que nous pouvons prendre la direction de notre vie, faire des choix et voir comment nous recevons les événements de la vie. C'est le contraire de subir.
    Cette façon de vivre le présent n'est possible que si on le considère comme habité par Dieu, même de façon cachée. Dans le récit de la naissance de Moïse, Dieu n'est pas mentionné. Mais est-il absent ?
    Dieu est présent dans la volonté de résistance de cette mère. Dieu est présent dans ce plan, dans les gestes des unes et des autres, même dans les gestes de la fille de Pharaon, l'ennemi des hébreux. Il y a une confession de foi permanente dans le livre de l'Exode : tout est entre les mains de Dieu.
    Le peuple hébreu est mystérieusement protégé. Le peuple hébreu va être guidé, sauvé. Même Pharaon n'échappe pas à cette emprise du Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Même son endurcissement est dirigé par Dieu, jusqu'au moment où il craque.
    Il n'y a de "présent de prince" qu'avec la confiance que tout est entre les mains de Dieu, qu'il nous conduit, qu'il nous accompagne, qu'il nous soutient dans chacun de nos pas, au travers de chacune des épreuves de notre vie.
    Au travers de cette sorte de main mise de Dieu sur Pharaon, le récit nous dit que si Dieu n'abolit pas le mal, il le contient, il le limite, il y met des bornes. Nous pouvons donc regarder notre présent et y trouver toujours à nouveau des signes de sa présence, des sujets de reconnaissance. 
    Si le conte du vilain petit canard est utile pour les enfants, l'exemple de la jeunesse de Moïse est plus utile pour nous adultes. Sa naissance est comme un résumé du projet de Dieu pour son peuple et pour nous : à partir d'une situation de malheur — où nous sommes en sursis — Dieu veut nous donner un présent et un avenir.
    Comme Dieu va sortir le peuple hébreu d'Egypte, Dieu veut nous sortir de notre malheur. Comme Dieu va donner sa loi au peuple hébreu comme charte de liberté, Dieu veut nous rendre libre pour que nous puissions faire nos choix et qu'un avenir soit ouvert devant nous. Dieu ouvre un avenir devant nous (Jér 29:11), faisons-lui confiance.
    Amen
    * http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Vilain_Petit_Canard
    © Jean-Marie Thévoz, 2009