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jésus - Page 26

  • 1 Rois 3. Les rêves dans la Bible (IV). Le rêve de Salomon.


    1 Rois 3
    24.7.2011
    Les rêves dans la Bible (IV). Le rêve de Salomon.

    1 Rois 3 : 4-15     Romains 7 : 15-23

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Voici le quatrième volet de cette série de prédications consacrées aux rêves dans la Bible. Et c'est le rêve de Salomon qui clôt cette série. Salomon est le troisième roi d'Israël. Il règne après Saül et David. Il est le fils de David et Bethsabée. Il accède au trône après les 40 années de règne de David, mais il est encore tout jeune : "un petit jeune homme" dit-il lui-même dans son rêve (1R3:7).
    Le roi Salomon, c'est le roi de tous les superlatifs dans la Bible. Son règne n'est marqué par aucun conflit majeur, ce qui permet à Salomon d'encourager un commerce extensif avec les pays voisins et gérer des ressources immenses. Il lève beaucoup d'impôts, mais exploite également les régions voisines, notamment les célèbres "mines du roi Salomon" qui seront une source immense de richesse.
    Ces richesses alimentent une cour et une armée nombreuses qui lui vaudront le respect des rois et des pharaons voisins, avec lesquels il conclut des alliances. Il épouse même la fille d'un pharaon. Et, comme chacun le sait, il reçoit la reine de Saba à la cour et sera le roi qui fera construire le Temple de Jérusalem. Voilà pour la façade, pour l'apparat, l'apparence, ce que décrivent les chroniques royales : tout est magnifique, tout est majestueux.
    C'est là que le rêve intervient dans notre réflexion. Le rêve — dans notre vision moderne — est la lucarne ouverte sur notre inconscient, sur le continent obscur qui habite au fond de nous. Et je vais relire le rêve de Salomon avec cette vision moderne, comme une porte ouverte dans le subconscient de Salomon.
    Essayons — à l'intérieur de ce rêve et par delà la façade de la littérature de cour qui doit magnifier son roi — de découvrir les pensées intimes de Salomon. Salomon rêve alors qu'il est au sanctuaire de Gabaon, là où la tente de l'Alliance ramenée du désert est plantée.
    Salomon vient de succéder à David et il vient se recueillir devant Dieu. Le rêve est le lieu de rencontre entre Dieu et le roi. Le rêve est un moment de contact, de dialogue, mais sans image à décrypter à la différence du rêve de Jacob (Gn 28). Le rêve est donc composé seulement d'un dialogue entre Dieu et Salomon.
    La thèse freudienne qui a fondé la psychanalyse est de voir dans le rêve l'expression des désirs profonds de l'individu, les désirs qu'il ne peut pas formuler consciemment. Et ce rêve de Salomon porte expressément sur le désir, puisque le rêve s'ouvre sur cette proposition de Dieu : "Demande-moi quelque chose et je te le donnerai !" (v.5) en d'autres termes : "Que désires-tu, je te le donnerai !"
    Donc, on peut imaginer que Salomon est venu dans le temple de Dieu à Gabaon avec une prière non formulée et que le rêve agit comme un révélateur de son désir, de son besoin. Cela est explicité dans la suite, dans les mots que Salomon utilise pour formuler et expliquer les raisons de son choix.
    Après l'éloge de son père David, Salomon dit ceci :
    "Oui, Seigneur mon Dieu, c'est toi qui m'as fait roi pour succéder à mon père David. Mais moi, je suis encore trop jeune pour savoir comment je dois remplir cette tâche. Et je me trouve soudain à la tête du peuple que tu as choisi, ce peuple si nombreux qu'on ne peut pas le compter." (1R3:7-8).
    Dans ces mots "c'est toi qui m'as fait roi pour succéder à mon père David" je vois comme une accusation angoissée. Comme si Salomon disait : "Je suis dans une situation que je n'ai pas choisie et j'ai peur." Ce qui est renforcé par la suite avec les mots "Je suis trop jeune pour savoir comment remplir cette tâche." Ce rêve est plein de l'angoisse de celui qui va devoir affronter un rôle, une tâche pour laquelle il n'est pas préparé, pour laquelle il ne se sent pas à la hauteur.
    Ce rêve angoissé est ce que j'appelle "un rêve professionnel." Je ne sais pas si vous en faites, mais moi, cela m'arrive. Mon rêve professionnel, c'est de venir à l'église pour assister au culte comme simple paroissien et de me voir interpeller à l'entrée et m'entendre dire que je suis de service. J'ai deux minutes pour imaginer une prédication, une liturgie et choisir les cantiques…
    Le rêve professionnel exprime les angoisses liées au travail et je pense que chaque profession à sa version propre. Dans son rêve, Salomon  exprime son doute, son angoisse, sa peur à propos de sa nouvelle charge de roi.
    Mais dans un deuxième temps, il exprime également qu'il a le désir d'assumer cette tâche, c'est pourquoi il demande l'intelligence d'un esprit ouvert pour être capable de régner sur ce peuple nombreux. Il ne se dérobe pas.
    Le rêve est donc révélateur de nos ambiguïtés, de nos ambivalences, de nos sentiments d'incapacités en même temps que de nos aspirations à bien faire. Les deux aspects sont donc présents en filigrane dans ce rêve : l'humilité face à la réalité ressentie de nos maigres ressources et la confiance de recevoir les forces pour arriver à l'idéal espéré.
    L'apôtre Paul a mis en évidence (Rm 7) cette ambivalence qui nous habite tous, entre notre volonté de faire le bien et les forces qui nous retiennent ou nous en empêchent. Nous sommes constamment  tiraillés entre cette force de vie, cette force créatrice, tournée vers le haut et le bien et ces résistances, en nous, qui nous freinent ou nous bloquent. Ces résistances qu'on peut entendre nous chuchoter à l'oreille : tu n'y arriveras pas; tu n'en es pas capable, tu n'es qu'un imposteur…
    Mais le rêve de Salomon ne s'arrête pas là. Il y surgit la parole divine qui approuve la demande de Salomon et appuie la force de vie, la force créatrice et fait taire les voix du doute. Dieu approuve la demande de Salomon. Comme promis, Dieu donne ce qui est demandé, mais plus encore, il donne même ce qui n'a pas été demandé.
    Dieu entend l'ambivalence de nos désirs et de nos peurs, mais il se montre généreux avec nous, il donne de surcroît. Il encourage en nous nos aspirations les plus hautes. Il nous donne les moyens et les ressources dont nous avons besoin pour assumer nos tâches.
    Le rêve de Salomon, Dieu le réalise. De quoi rêvons-nous ? Quels projets allons-nous placer devant la générosité de Dieu pour recevoir l'appui qu'il nous promet ? Nous pouvons faire confiance dans la générosité de Dieu, il fait taire nos doutes et appuie notre force créatrice. Confions lui nos projets.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2011

  • Jérémie 23. Les rêves dans la Bible (III). La critique prophétique des rêveurs.

    Jérémie 23
    17.7.2011
    Les rêves dans la Bible (III). La critique prophétique des rêveurs.
    Dt 13 : 2-5     Jér 23 : 25-32

    Télécharger la prédication : P-2011-7-17.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Dans notre série sur les rêves dans la Bible de ce mois de juillet, nous avons déjà vu le rêve de Jacob. Il reçoit une révélation personnelle qui lui fait découvrir un Dieu qui va l'accompagner partout sur sa route. Nous avons vu les rêves de la saga de Joseph et leur rôle dans cette littérature de sagesse : les rêves y sont la trace de l'action divine en arrière-plan des vies humaines. Une façon de montrer que Dieu a bien en mains nos histoires de vie et l'histoire de son peuple.
    Ce matin, il n'y a pas de rêve raconté, mais la prise de position des prophètes sur le rêve et ceux qui interprètent les rêves. Ce que nous voyons tout de suite avec les deux exemples que nous avons entendus — dans le Deutéronome et chez Jérémie — c'est que les prophètes sont très méfiants vis-à-vis des rêves.
    Le Deutéronome met en garde contre le risque d'être détourné de Dieu vers d'autres dieux, par des rêves, des signes ou des prodiges. Le rêve est donc mentionné, mais il n'y pas l'exclusivité du risque. Il est un moyen parmi d'autres pour affirmer une origine divine et essayer de convaincre. Le texte nous met en garde de ne pas accepter trop facilement tout ce qui est mystérieux comme venant de Dieu.
    Jérémie est plus méfiant encore. Pour lui, les prophètes qui racontent leurs rêves sont des menteurs. Ils racontent de pures inventions, ils ne transmettent pas des paroles divines. Jérémie oppose très fermement le rêve et la Parole de Dieu qu'il compare, respectivement, à la paille et au grain (Jr 23:28).
    La Parole de Dieu a une autre consistance que le rêve, elle est comme un feu, elle est comme le marteau qui fracasse le rocher (v.29). La Parole de Dieu est solide et forte, tout le contraire du rêve.
    Se pose alors la question de savoir comment distinguer l'inspiration divine de l'invention, de la projection de ses propres désirs ? Comment reconnaître une parole divine d'une parole humaine ? Comment distinguer le grain de la paille ? Comment valider un "Dieu m'a dit que…" ?
    Cette problématique est au cœur du ministère prophétique de Jérémie. Lui qui doit annoncer la perte du Royaume suite à l'invasion des Babyloniens et en même temps dire que Dieu n'abandonne pas son peuple ! Personne ne croit Jérémie, parce qu'il est un prophète de malheur. Les rois et la population préfèrent de beaucoup croire les autres prophètes qui annoncent une future victoire, même si elle ne vient pas. L'enjeu du ministère de Jérémie, c'est bien de dire de ne pas croire ceux qui se bercent d'illusions et ceux qui vivent dans les rêves d'une issue favorable.
    La question de savoir comment faire la différence entre parole humaine et parole divine subsiste au-delà de Jérémie. Cette question continue à se poser pour nous. Elle se pose et s'est souvent posée en terme d'Histoire de l'humanité. Dans cet ordre de grandeur, c'est souvent l'épreuve du temps qui va donner la réponse.
    Sous l'empire romain, quand les théologiens discutaient de savoir s'il fallait abolir l'esclavage au nom du Christianisme ou laisser les structures sociales en place telles qu'elles étaient, le temps a montré que le respect humain demandé par le Christ exigeait l'abolition de l'esclavage.
    Quand la question de savoir si les indiens d'Amérique étaient pourvus d'une âme ou non a été discutée, là aussi l'Histoire — contre certains prophètes/théologiens — a tranché. Idem pour les tenants de l'infériorité des Noirs ou des Eglises favorables à l'Apartheid.
    Mais il y a des questions qui doivent être tranchées plus vite. Comment reconnaître une parole divine ? Un chemin a été emprunté qui a été de se mettre d'accord sur des textes de références et de les considérer comme éclairants. C'est le cas de la Bible qui a été considérée comme "contenant la Parole divine" par les réformés, ce qui n'est pas identique à "être la parole divine" (comme le considèrent les évangéliques). Cela signifie que la Bible doit également être interprétée, qu'on en peut pas la lire littéralement.
    Comme protestants, nous affirmons que "l'Ecriture interprète l'Ecriture", c'est-à-dire que les critères d'interprétations se trouvent eux-mêmes à l'intérieur de la Bible. En raccourci, cela signifie que les textes bibliques sont eux-mêmes hiérarchisés, certains plus importants que d'autres.
    Un exemple : le Lévitique et le Deutéronome présentent plusieurs situations qui demandent comme sanction la lapidation des coupables. Dans le Nouveau Testament nous est raconté l'épisode de la femme adultère (Jn 8) que Jésus ne condamne pas. A partir de là, nous considérons que toute la Loi de l'Ancien Testament n'est plus normative, au minimum concernant les peines requises.
    En fait, le Nouveau Testament a complètement modifié notre lecture de l'Ancien Testament. L'Ancien Testament reste un témoignage de la parole de Dieu, mais soumis à une relecture, une réinterprétation, passée au crible du double commandement d'amour.
    Saint Augustin formulera cela dans la phrase lapidaire : "Aime et fais ce que tu veux." Le "Aime" étant l'expression de la plus haute charité (la caritas latine, l'agapè grecque) et pas le sentiment amoureux qui suit le coup de foudre.
    Le philosophe protestant Emmanuel Kant dira dans une formule plus universelle : "Traite toujours autrui comme une fin et jamais seulement comme un moyen."
    Ces critères d'interprétation permettent de faire le tri entre les messages qui peuvent se dire d'inspiration divine ou humaine. Et donc nos rêves peuvent également être passés à ce crible, de la même façon que nos décisions et nos actions.
    C'est comme cela que nous pouvons faire le tri entre les rêves et les paroles solides, entre la paille et le grain dont parle Jérémie. Et cela nous permet de comprendre pourquoi Jérémie compare la Parole de Dieu à un feu ou à un marteau. La Parole de Dieu est à l'épreuve du temps, de l'Histoire, elle est plus solide que le roc que le marteau peut briser.
    La Parole de Dieu — particulièrement celle portée par le Christ, pensez au Sermon sur la montagne, aux béatitudes — paraît extrêmement fragile et vite balayée par les humains et par nos sociétés. Pourtant, c'est cet amour qui est finalement durable. C'est cette charité qui est la valeur suprême et qui donne le sens le plus éprouvé à l'existence. Cette Parole est bien plus solide que tous nos rêves humains.
    Amen

    ©Jean-Marie Thévoz, 2011

  • Genèse 41. Les rêves dans la Bible (II). La Saga de Joseph


    Genèse 41
    10.7.2011
    Les rêves dans la Bible (II). La Saga de Joseph
    Genèse 41 : 1-33

    Téléchargez la prédication ici : P-2011-07-10.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Dans notre suite de prédications sur les rêves dans la Bible, nous abordons ce matin les rêves de la saga de Joseph, le fils de Jacob. Joseph est le 11e fils des 12 fils de Jacob. Il fait deux rêves où il voit successivement des gerbes de blé puis des étoiles se prosterner devant lui. Ses frères et ses parents comprennent tout de suite que Joseph pense qu'ils vont tous devoir se prosterner devant lui.
    Ses frères le prennent alors en haine, ce qui va conduire au fait qu'il sera abandonné dans une citerne et vendu comme esclave. Après diverses péripéties hautes en couleurs, Joseph se retrouve en prison en Egypte où il interprète les rêves du boulanger et de l'échanson du pharaon. Quand le pharaon a des rêves énigmatiques à son tour, l'échanson se souvient de Joseph et propose au pharaon de sortir Joseph de sa prison pour qu'il lui interprète ses rêves. Vous avez entendu le récit.
    Joseph est donc amené face à pharaon et il fait tout de suite une rectification : ce n'est pas lui, Joseph, qui interprète les rêves, c'est Dieu qui en donne l'explication. Et Joseph ajoutera — après avoir révélé le sens des rêves — que Dieu montre au pharaon ce qu'il doit faire.
    Pour l'auteur de la saga de Joseph, le domaine du rêve et de son interprétation appartient à Dieu et à Dieu seul. En effet, le domaine de l'avenir et de la destinée de tous est — pour cet auteur — entièrement entre les mains de Dieu. Il n'est donc pas question ici de psychanalyse des rêves ou de comprendre ce que le rêve nous apprend de nous-mêmes.
    Nous ne savons pas qui a écrit cette saga de Joseph, mais nous pouvons voir, par sa façon de raconter, que ce texte appartient au registre de la Sagesse. C'est-à-dire que c'est un récit qui veut nous donner quelques clés, quelques réponses à des questions sur notre existence. Comment prendre les hauts et les bas de l'existence ? De qui dépend ma vie ? Qui la dirige ? Etc.
    Le récit fait très rarement référence à Dieu et lorsque référence il y a, c'est toujours dans la bouche d'un acteur du récit qui dit quelque chose sur Dieu, c'est de l'ordre de la confession de foi. On ne voit pas, comme dans les textes historiques (p. ex. Exode), l'affirmation que Dieu parle ou que Dieu agit. Dans cette saga de Joseph, Dieu est soit absent, soit en arrière-plan.
    C'est là que les rêves interviennent. Les rêves sont des "provocateurs de destin." Ce sont eux qui font bouger les choses, basculer les destinées. C'est la haine qui suit les rêves de prosternation de Joseph qui provoque son exclusion de la tribu et sa descente en Egypte. Ce sont les rêves de l'échanson et du boulanger qui vont faire connaître Joseph et finalement le faire sortir de prison. Ce sont les rêves du pharaon qui vont faire que Joseph sera nommé premier ministre d'Egypte.
    Les actions, les revirements de situations, arrivent suite à ces rêves. Ce que l'auteur de la saga de Joseph veut nous faire comprendre, c'est que le destin de Joseph est entre les mains de Dieu et que Dieu agit en coulisse en arrière-plan. Le plus important n'est pas le contenu des rêves, mais leur rôle dans l'histoire de Joseph. Les rêves sont là pour masquer et pour montrer que Dieu agit dans la vie de Joseph. Derrière les rêves, c'est Dieu qui agit, qui accompagne et qui change le cours de la vie de Joseph.
    Les rêves constituent les ressorts dramatiques de la saga. Ils montrent que Dieu dirige les événements, les événements dramatiques (exclusion, départ vers l'Egypte, mise en prison) comme les événements salvateurs (sortie de prison et nomination comme premier ministre).
    Le narrateur veut nous inviter à la confiance, même dans les pires moments et les pires situations de l'existence, à travers la mise en scène des malheurs de Joseph.
    Le narrateur veut nous inviter à la confiance en nous montrant que Dieu sort Joseph de sa misère et lui réserve une situation favorable, même enviable en fin de compte.
    Le narrateur veut nous inviter à la confiance en nous laissant voir — à travers les rêves prémonitoires — que Dieu dirige tout, que Dieu prévoit tout et que Dieu rétablit toute situation. Et la fin glorieuse est là pour nous montrer que ça marche. C'est la vision sapientiale, de la sagesse : vous ne comprenez pas ce qui vous arrive, mais Dieu a tout en main et cela finira bien.
    Je dois vous avouer que cela me met mal à l'aise. Je n'arrive pas à adhérer à cette pensée. Nous voyons trop de situations autour de nous où les situations ne s'arrangent pas, où les injustices ne sont ni dénoncées, ni corrigées, où le malheur n'est pas compensé, où le deuil frappe sans qu'on puisse espérer trouver un juste motif.
    Peut-on rester avec la pensée que "cela nous dépasse" ou que "les voies du Seigneur son impénétrables" ? Que faire et que penser lorsque nos histoires n'ont pas de happy end ?
    Ces questions ne sont pas seulement celles des gens de notre temps. Le livre de l'Ecclésiaste et celui de Job contestent déjà cette vision trop optimiste des livres de Sagesse. Le discours de la saga de Joseph ne suffit pas à rendre compte du problème du mal.
    Le livre de l'Ecclésiaste et celui de Job nous donnent des éclairages complémentaires. Les êtres humains de tous les temps réfléchissent à la question de notre destin face au mal. Et Dieu, que ce soit à travers des rêves, des visions prophétiques ou une présence plus discrète dans notre monde, nous accompagne dans cette réflexion.
    Dieu a pris tellement au sérieux notre questionnement à ce sujet qu'il est venu nous rendre visite, non plus dans nos rêves, mais dans la personne de Jésus. Je pense que c'est au travers de sa Passion qu'il touche au plus près notre destinée confrontée au mal et au malheur injustes. C'est dans cette Passion, plutôt que dans les rêves de Joseph, que nous devons chercher nos propres réponses.
    Amen
    @ Jean-Marie Thévoz, 2011

  • Genèse 28. Les rêves dans la Bible (I). Le rêve de Jacob

    Genèse 28
    3.7.2011
    Les rêves dans la Bible (I). Le rêve de Jacob
    Gn 28 : 10-19    Mc 4 : 9-14

    télécharger ici la prédication : P-2011-07-03.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    J'ai choisi de vous entraîner dans le pays des rêves pendant ce mois de juillet, plus précisément d'étudier avec vous comment la Bible parle des rêves, des songes. Le texte biblique nous apporte plusieurs rêves au fil de ses pages.
    Dans l'Ancien Testament, la majorité des rêves sont racontés dans le livre de la Genèse, mais on en trouve un dans Juges (7:13), le rêve de Salomon en 1 Rois 3, puis deux rêves dans le livre de Daniel (2 et 4). Dans le Nouveau Testament, l'évangéliste Matthieu présente Joseph comme recevant des instructions de Dieu en songe.
    En étudiant ces différents rêves, je crois qu'on peut les classer en deux catégories :

    
1) les rêves prémonitoires, qui annoncent de manière énigmatique un événement qui va se produire et 


    2) les rêves directifs, où Dieu dicte une instruction à celui qui dort. Joseph, l'époux de Marie, reçoit clairement des directives dans ses songes : "Lève-toi, prends le petit enfant et sa mère, fuis en Égypte" (Mt 2:13). C'est en songe que Joseph est averti qu'il peut rentrer en Galilée (Mt 2:13-19). De même, les mages reçoivent l'instruction de ne pas passer chez Hérode en retournant chez eux (Mt 2:12). Dans la Genèse, Abimélec reçoit en songe l'ordre de rendre Sarah à Abraham (Gn 20:3,6).
    Dans la première catégorie des rêves prémonitoires, il y a tous les rêves du cycle de Joseph : 


    - Joseph qui rêve des gerbes de blé ou des étoiles qui se prosternent (Gn 37)

    
- le boulanger et l'échanson en prison qui font chacun un rêve qui devront être décrypté par Joseph et qui annoncent leur destin (Gn 40)


    - les rêves de Pharaon avec les 7 vaches grasses et les 7 vaches maigres et son doublet avec les 7 épis beaux et gros et les 7 épis maigres (Gn 41).
    Dans le livre de Daniel, Nabucodonosor recourt à Daniel pour interpréter ses deux rêves (Dn 2 et 4), qui eux aussi décrivent ce qui va se passer dans un avenir proche.
    Et puis, il y a le rêve de Jacob dont nous avons entendu le récit et qui échappe à ces deux catégories. Ce rêve de Jacob va nous occuper ce matin. Le récit est en trois parties. D'abord ce qui se passe dans le rêve, pendant le sommeil de Jacob : l'image de l'échelle de Jacob et les paroles de Dieu, des promesses divines. Ensuite est décrit le réveil de Jacob, ce qu'il réalise et comment il interprète son rêve. Enfin, l'action qu'entreprend Jacob suite à cette interprétation. Reprenons.
    A.  Le rêve de Jacob, c'est d'abord une image, une image que les peintres ont essayé de représenter. C'est une échelle ou un escalier. Le terme n'apparaît qu'ici dans la Bible, c'est un terme unique, mais qu'on retrouve dans l'hébreu moderne dans le sens concret d'échelle (celle qu'on appuie contre l'arbre pour cueillir les cerises) ou bien au sens figuré d'échelle d'un graphique ou d'une carte.
    Sur cette échelle, montent et descendent des messagers, des porteurs de messages, des envoyés qu'on appelle du coup des anges puisqu'ils viennent du ciel. Mais l'hébreu ne fait pas de différence entre l'ange, le facteur et l'ambassadeur porteurs d'un message. Cette échelle relie la terre et le ciel.
    Cette vision est accompagnée de plusieurs paroles divines. D'abord Dieu s'identifie comme le Dieu d'Abraham et le Dieu d'Isaac. Cette façon de s'identifier n'est utilisée dans la Bible que pour les patriarches et Moïse. Ensuite, Dieu fait la liste des promesses qu'il s'engage à réaliser : donner une terre à Jacob; lui donner des descendants pour l'habiter; le bénir avec tous ses descendants; et finalement une promesse de présence et d'accompagnement : "Je serai avec toi, je te protégerai partout où tu ira et je te ramènerai dans ce pays" (Gn28:14). Souvenons-nous qu'à ce moment, Jacob fuit son pays après avoir ravi à Esaü le droit d'aînesse et la bénédiction de leur père. Il est dans la situation d'un fuyard qui va se réfugier dans un pays étranger.
    B. A son réveil, Jacob se souvient de son rêve. Celui-ci lui fait prendre conscience de la présence de Dieu dans ce lieu. Jacob fait une découverte : il réalise que ce lieu est rempli de la présence de Dieu, que ce lieu devient un lieu saint pour lui. "C'est le Seigneur qui est ici et je ne le savais pas !" (Gn28:16) s'exclame-t-il. Jacob interprète alors son rêve comme la révélation d'un lieu spécial où terre et ciel sont en liens, où terre et ciel sont en contact, en communication. Le courant est établi entre le ciel et la terre et c'est ici que ça se passe.
    C. Aussi Jacob élève-t-il un stèle et nomme-t-il ce lieu Béthel c'est-à-dire "la maison de Dieu" et dit-il que cet endroit est la porte des cieux. Jacob a comme découvert la "porte des étoiles" (Stargate). Cette action de Jacob d'ériger une stèle et de nommer le lieu où il se trouve se passe à l'extérieur de lui, mais — avec le rêve — on peut le lire comme une reconnaissance intérieure : Jacob a fait l'expérience du divin. Les cieux se sont invités dans son existence terrestre, un lien ineffaçable a été créé entre Dieu et Jacob. Une communication (des messagers transitent entre terre et ciel) s'est ouverte entre Jacob et Dieu.
    Moïse a vécu la même chose à travers une vision, la vision du buisson ardent, avec des paroles et des promesses divines. Pourquoi Jacob vit-il cela dans un rêve, pas dans un vision ? Il me semble d'abord que la Bible réserve les visions aux prophètes et les rêves aux profanes. Mais au delà de cette différence de personne, je pense que cette révélation de la présence divine à Jacob, à Jacob-Israël, à l'ancêtre des 12 tribus et de tout le peuple d'Israël, c'est aussi un message théologique. En utilisant un rêve, Dieu parle de sa nature même.
    Dans un contexte historique, depuis les Pharaons jusqu'aux empereurs assyriens, perses ou hellénistiques, le culte était une affaire de prestige, de magnificence et de temples grandioses. Le culte devait faire voir la supériorité du souverain sur son peuple et sur les peuples voisins. Les bâtiments devaient en imposer à tous. Ici, la révélation de Dieu, toute en délicatesse, dans le sommeil d'un homme seul, qui dort à la belle étoile, montre une différence remarquable.
    Dieu ne veut pas s'imposer par la puissance, l'apparence, le bling-bling. Le Dieu de la Bible cherche à être invité, reçu, dans notre intériorité, dans le plus secret de notre être, comme un visiteur bienfaisant. A nous de l'accueillir, de le recevoir, de le découvrir, en nous exclamant avec Jacob :
    "C'est le Seigneur qui est ici et je ne le savais pas !"
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2011

  • Actes 2. La Bible nous parle d'un Dieu qui chemine avec nous.

    Actes 2
    12.6.2011
    La Bible nous parle d'un Dieu qui chemine avec nous.
    Jér. 31 : 33-34    Actes 2 : 1-4 + 12-18

    Téléchargez la prédication : P-2011-6-12.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,
    Nous vivons aujourd'hui la Fête de la Pentecôte. Cette fête chrétienne — qui a lieu 50 jours après Pâques — est venue remplacer et donner un nouveau sens à la fête juive qui avait lieu à ce moment-là. Les premiers chrétiens, issus du judaïsme, ont voulu donner une nouvelle signification à cette fête, en lien avec Jésus.
    La fête juive célébrait le don des Tables de la Loi à Moïse au Sinaï. Rappelez-vous que Moïse avait fait sortir le peuple hébreu d'Egypte et l'avait conduit à la montagne sainte de Dieu. Là, Moïse était monté sur la montagne où Dieu était caché dans le feu et la fumée. Moïse y reçoit les 10 commandements et les communique au peuple hébreu, comme la Loi à laquelle il faut obéir.
    Dans son récit des Actes, Luc raconte comment les disciples sont rassemblés dans une chambre, en haut d'une maison et reçoivent l'Esprit de Dieu, qu'il compare à des langues de feu. Le parallèle est clair. Les disciples sont chacun comme Moïse recevant la Loi, mais ils reçoivent autre chose. Comme avec Jésus, Dieu se présente ici autrement qu'à Moïse.
    Luc, dans son récit, essaie de montrer que les choses ont changé. Certes, il y a une continuité, puisque ce sont les promesses de Dieu qui se réalisent, celles annoncées par les prophètes, la promesse de Joël que Pierre rappelle, ou la promesse de Jérémie que vous avez entendue. Dieu se présente autrement à travers Moïse ou à travers Jésus.  Les prophètes annonçaient déjà que les tables de pierre allaient être remplacées par une inscription dans le cœur. Oui, on passe du "tu dois" de Moïse au "tu peux" de Jésus. On passe du Dieu inaccessible de Moïse au Dieu proche de Jésus.
    Le Dieu de Moïse est loin sur la montagne, comme dans le fracas d'un volcan, avec le feu, la fumée et le bruit. Il nous est présenté comme un Dieu qui se met en colère et qui n'hésite pas à punir. Il me semble qu'il ressemble beaucoup au dieu de nos désirs ou du désir des autres !
    Le dieu de nos désirs, c'est celui qui doit remplir nos aspirations : "mon dieu est plus fort que le tien", un dieu qui devrait faire régner l'ordre et le bien, le dieu qui devrait éviter que du mal nous arrive ou qu'il arrive à nos enfants et à nos proches. C'est notre rêve de toute-puissance et d'invulnérabilité.
    Et puis, il y a le dieu du désir des autres, celui qui nous est "envoyé" par les autres pour nous reprendre, pour nous juger ou même pour nous punir. Combien d'enfants n'ont-ils pas entendu leurs parents leur dire : "si tu agis mal, le bon dieu viendra te punir !" Ces dieux n'ont aucune parenté avec celui que Jésus annonce.
    Le Dieu de Jésus n'a rien à voir avec la puissance, encore moins avec la toute-puissance, sinon il aurait descendu Jésus de la croix. La Bible nous parle d'un autre Dieu, celui qui chemine avec nous, à nos côtés; celui qui encourage dans les difficultés de l'existence; celui qui nous remet debout; celui qui nous dit : "Va…"
    A la femme qui était malade depuis 14 ans, il dit : "Va, ta foi t'a guérie !"
    A l'homme à qui Jésus raconte la parabole du bon samaritain, il dit : "Va, et fais de même !"
    A la femme  adultère qui devait être lapidée, il dit ; "Va, je ne te condamne pas !"
    C'est cet Esprit-là que les disciples reçoivent à la Pentecôte, celui de la compréhension, de l'empathie, du pardon. C'est un esprit qui permet d'accepter les faiblesses, les manquements, les vulnérabilités. Accepter celles des autres, mais aussi — et c'est souvent le plus difficile — accepter les siennes propres.
    S'accepter soi-même, n'est-ce pas le plus difficile ? "Consentir à ses fragilités, à ses propres limites" (Frère Roger, Taizé) voilà la plus grande difficulté de la vie ! Nous voudrions tellement que Dieu ôte nos fragilités et balaye nos limites. Mais ça, c'est le dieu de nos désirs.
    Nous voudrions tellement que la vie ne dépende que de nous, que nous puissions la façonner nous-mêmes, dans tous ses contours, dans tous ses aspects. Et voilà que nous découvrons que tant de choses nous arrivent, qui ne dépendent pas de nous.
    Sur ce chemin où nous avançons tant bien que mal — où nous décidons parfois de la direction à prendre, mais où les circonstances, souvent, nous obligent à prendre des routes que nous n'avons pas choisies — sur ces chemins et ces routes, nous recevons une parole, nous recevons l'Esprit de Dieu qui nous dit "Va !" qui nous dit "Tu peux !" car je suis avec toi. Tu peux, parce qu'il y a autour de toi des frères et des sœurs qui partagent la même fragilité.
    Jésus fait chemin avec nous, il nous accompagne, il nous donne son esprit pour vivre la vie telle qu'elle se présente, avec ses fragilités et ses beautés. Allons, ensemble, avec nos fragilités, sur nos chemins, sachant que l'Esprit de Dieu nous accompagne. Il est venu habiter nos cœurs.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2011

  • Actes 1. Sommes-nous équipés pour affronter les difficultés de l'existence ?


    Actes 1
    15.5.2011
    Sommes-nous équipés pour affronter les difficultés de l'existence ?
    Eph 6 : 10-17    Ac 1 : 1-8
    télécharger la prédication : P-2011-05-15.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,
    Nous avons entendu les premières lignes du livre des Actes des Apôtres, le livre écrit par l'auteur de l'Evangile de Luc et qui lui fait suite, racontant comment l'Eglise est née et s'est développée suite à la résurrection du Christ. Ce livre des Actes des Apôtres s'ouvre sur le temps que le Christ ressuscité passe avec ses disciples de Pâques à l'Ascension, le temps que nous vivons maintenant.
    Et nous avons entendu les dernières paroles de Jésus rapportées par Luc : "Vous recevrez une force quand le saint Esprit descendra sur vous et vous serez mes témoins, à Jérusalem, en Judée et en Samarie, et jusqu'au bout du monde" (Ac 1:8). "Je vous donnerai une force" dit Jésus.
    Si vous avez bien entendu le récit, ce n'est pas ce que demandaient les disciples ! Les disciples demandaient à Jésus : "Quand établiras-tu ton Royaume ?" (Ac 1:6). Les disciples étaient désireux de recevoir un savoir, une connaissance spéciale, cachée, quelque chose qu'ils seraient les seuls à savoir, un savoir d'initiés, une connaissance qui leur donnerait du pouvoir sur les autres. Mais la foi chrétienne n'est pas un savoir ésotérique, une connaissance spéciale de l'avenir ou des secrets du monde.
    "Je vous donnerai une force" dit Jésus, parce que la foi est une force, une dynamique pour affronter la vie. Jésus veut équiper ses disciples — et nous à leur suite — pour que nous puissions aller au devant de la vie et de ses difficultés avec confiance.
    Sans peindre le diable sur la muraille, qui, dans sa vie, pense pouvoir ne jamais être confronté à la frustration, ou à l'échec, aux déceptions, aux chagrins, aux rivalités, à la compétition, à la jalousie, à l'abandon, au désespoir, aux chutes, à l'exclusion, au mobbing ou au rejet ? Nous ne rencontrerons pas toutes ces difficultés, mais nous n'échapperons pas à plusieurs d'entre elles.
    Alors, comment sommes-nous équipés pour les affronter ? Comment équipons-nous nos enfants pour qu'ils puissent les surmonter à leur tour ?
    "Je vous donnerai une force" dit Jésus. Quelle genre de force Jésus donne-t-il ? On peut identifier deux types de forces. Il y a la force du rocher qui résiste au déplacement, à l'écrasement, à la dislocation, à l'usure. Mais cette force a l'inconvénient de l'immobilisme, de la passivité, de l'immuabilité ou de l'isolement. Ce n'est pas ce type de force — je résisterai à tout — que nous donne Jésus. Il ne nous rend pas invulnérables.
    Le mot utilisé en grec est "dunamis" qui a donné "dynamique" en français. C'est la force de la vie, du vivant. Le vivant peut être blessé mais peut cicatriser, être diminué mais se régénérer, être bousculé mais changer de place, être déraciné mais ressurgir, être mis à terre mais se relever.
    Lorsqu'on est vivant, l'important n'est pas de ne jamais tomber, c'est de pouvoir se relever; l'important n'est pas de ne jamais se tromper, mais de se corriger; de ne jamais échouer, mais de pouvoir réessayer; de ne jamais se mettre en colère, mais de savoir sortir d'un conflit. "Je vous donnerai une force" dit Jésus pour que nous puissions nous relever, réessayer et recommencer.
    L'apôtre Paul développe l'idée de cette force en parlant de l'équipement — de la panoplie — que Dieu met à notre disposition pour nous battre dans la vie. Et Paul souligne que nous n'avons pas à nous battre contre des personnes, mais contre ce qu'il appelle, dans son vocabulaire, des puissances, des autorités, des esprits — aujourd'hui, on dirait contre nos complexes, contre nos angoisses, nos illusions ou les idées trompeuses.
    Cette panoplie est faite de vérité, de droiture, de confiance, de salut et de Parole de Dieu. Oui, la Bible elle-même, avec tous ses récits et tous les personnages qu'elle nous présente, dont elle nous raconte des tranches de vie, est un réservoir d'expériences qui nous disent comment des hommes et des femmes ont vécu, ont été tourmentés et ont surmonté les difficultés, les épreuves que nous rencontrons dans la vie.
     On y trouve la rivalité, avec Caïn et Abel; la sauvegarde de la création avec Noé; la négociation, avec Abraham; la ruse, avec Jacob, mais aussi la réconciliation; la résilience avec Joseph, mais aussi l'abandon et la trahison; le leadership, avec Moïse, mais aussi la timidité; la résistance, avec David, mais aussi la convoitise; la justice, avec Salomon, mais aussi l'orgueil; l'amour, le désir et la trahison avec Samson et Dalila.
    Qui sera notre héros, notre modèle dans la vie ? Ceux que notre société actuelle nous propose ? Omer Simpson ou Abraham ? Shrek ou Moïse ? L'agent de Matrix ou David contre Goliath ? Quels héros voulez-vous donner à vos enfants ? Quel sera notre équipement pour affronter la vie ?
    Notre société ne semble pas préoccupée par la préparation — par beau temps — de la prochaine tempête. On semble vivre avec l'idée qu'il sera toujours assez tôt pour improviser. C'est la génération précédente qui faisait des provisions de ménage à la cave.
    Cependant, nous faisons des mises à jour des programmes de nos ordinateurs. Mais qu'en est-il de la mise à jour de notre vie spirituelle ? Où est notre force ? Notre équipement est-il à jour, est-il fonctionnel ?
    Jésus nous dit : "Je vous donnerai une force" je vous donne un équipement pour pouvoir vivre et surmonter les difficultés de la vie, pour vivre une vie vraie, accomplie, qui a du sens, même quand le monde semble tourner à l'envers. Voulons-nous de cette force-là ?
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2011

  • Apoc. 21. Martin Luther King : Les trois dimensions d'une vie accomplie.

    Apocalypse 21
    10.4.2011
    Martin Luther King  : Les trois dimensions d'une vie accomplie.
    Luc 10 : 31-37     Ap 21 : 1-4+12-16

    Pour télécharge la prédication : P-2011-4-10.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers catéchumènes,
    Pour le message de ce jour, je me suis inspiré d'une prédication de Martin Luther King (1929-1968) — le pasteur afro-américain (on disait nègre à l'époque !) qui a lutté pour les droits civiques des noirs dans les années 60 aux Etats-Unis. Il a intitulé sa prédication : "Les trois dimensions d'une vie accomplie." *
    Martin Luther King part de ce passage de l'Apocalypse qui décrit la Jérusalem céleste, la ville parfaite. Martin Luther King en fait une lecture symbolique, où cette ville parfaite représente le modèle, l'exemple pour mener une vie accomplie, pour construire une vie achevée.
    La Jérusalem céleste est décrite comme un cube avec trois arrêtes égales : "la longueur, la largeur et la hauteur étaient égales" (Ap 21:16). Pour construire une vie accomplie, il nous faut aussi la développer dans ces trois dimensions.
    A. Considérons d'abord la longueur de la vie. Cette première dimension, c'est la dimension égoïste de notre être. Oui, acceptons-le ! Il existe un intérêt personnel, sain et raisonnable à s'aimer soi-même. Cette dimension est nécessaire. On doit penser à soi-même, on doit avoir de la considération pour soi-même, pour exister, pour être un interlocuteur, pour être en relation.
    S'aimer soi-même signifie s'accepter soi-même. Il y a tant de gens qui voudraient être quelqu'un d'autre. Mais Dieu a donné à chacun quelque chose de significatif et d'unique. A chacun de le trouver et de le mettre en valeur. Et nous pouvons prier : "Seigneur, aide-moi à m'accepter quotidiennement, aide-moi à accepter mes capacités." A chacun de découvrir sa vocation particulière et à exercer ses talents avec application.
    Cela nous conduira à considérer la dignité de tout travail. Et Martin Luther King raconte que dans un magasin de chaussures, il avait vu un jeune homme qui cirait les chaussures avec tant d'application et de soin qu'il se disait : "Ce jeune homme est docteur en cirage de chaussure."
    B. Maintenant, si on s'arrête là, si on reste bloqué à cette première dimension, on va rester dans l'égoïsme. Il faut aussi considérer la largeur de la vie, qui est le souci externe du bien-être des autres. Et personne n'a commencé à vivre, tant qu'il ne dépasse pas les frontières étroites de ses propres soucis jusqu'à englober ceux de l'humanité tout entière.
    Pour nous faire comprendre cela, Jésus nous raconte l'histoire du bon Samaritain qui s'arrête auprès du blessé. Dans cette histoire, deux hommes passent sans s'arrêter. Pourquoi ? Ce que Martin Luther King pense, c'est qu'ils ne s'arrêtent pas parce qu'ils ont peur. Ils ont peur de ce qui va leur arriver s'ils s'arrêtent. "Que m'arrivera-t-il si je m'arrête et que j'aide cet homme ?" Le Samaritain qui passe par là renverse la question, il se demande : "Qu'arrivera-t-il à cet homme si je ne m'arrête pas pour lui venir en aide ?"
    C'est toute la grandeur de cette deuxième dimension de se demander : "Qu'arrivera-t-il à cet homme ?" et non pas "Que m'arrivera-t-il ?" Ce dont Dieu a besoin aujourd'hui, c'est d'hommes et de femmes qui se demandent : "Qu'arrivera-t-il à l'humanité si nous ne faisons rien ?" "Qu'arrivera-t-il à la planète si je ne fais rien?" "Qu'arrivera-t-il à mon canton, à mon pays si je ne vote pas ?" Quelque part sur notre route, nous devons apprendre qu'il n'y a rien de plus grand que d'agir pour autrui !
    C. Mais, ne nous arrêtons pas ici non plus. Vous savez, beaucoup de gens connaissent la vie dans sa longueur et dans sa largeur et s'arrêtent-là. Or pour nous accomplir, nous devons dépasser l'intérêt personnel, aller au-delà de l'humanité, en direction de Dieu ! Beaucoup de gens négligent cette troisième dimension, la hauteur.
    Or, nous avons besoin de Dieu. Nous ne pouvons plus croire que l'ultime de notre vie est de devenir célèbre ou d'avoir de l'argent à la banque. Nous avons besoin d'un vrai Dieu, d'un Dieu en rapport avec notre existence, notre être.
    Or voici que notre Dieu s'est présenté à Moïse en disant JE SUIS. Il dit à Moïse — pour que cela soit clair — "fait savoir à mon peuple que mon prénom et mon nom sont identiques : « Je suis qui je suis »." Et dans l'univers, Dieu est le seul capable de dire JE SUIS et de faire suivre cette déclaration d'un point. JE SUIS point. 
    Les philosophes et les théologiens ont donné toutes sortes de noms compliqués à Dieu. Mais nous n'avons pas besoin de tous ces termes qui sonnent bien. Nous avons à le connaître et le découvrir d'une autre façon, d'une façon personnelle. Un jour, vous devrez vous lever pour dire qui il est avec vos propres mots. Les uns diront « Je le connais, il est le lys dans la vallée ». Un autre « Il est la brillante étoile du matin.» Un autre encore : « Il est l'ami pour celui qui n'en a pas. » Vous trouverez votre propre formule personnelle. Et si vous croyez en Lui et L'adorez, cela changera votre vie. Vous sourirez lorsque d'autres seront en pleurs. C'est le pouvoir de Dieu.
    Sortez aujourd'hui. Aimez-vous vous-mêmes, ce qui implique un intérêt personnel raisonnable et sain. Il faut le faire. C'est la longueur de la vie. Puis aimez votre prochain comme vous-mêmes. Il faut le faire. C'est la largeur de la vie.
    Et je vais terminer après vous avoir rappelé le premier et le plus grand commandement : « Aime le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force. » Je pense qu'un psychologue dirait « de toute ta personnalité ». Et lorsque vous le faites, vous avez atteint la hauteur de la vie.
    Et lorsque vous liez ces trois dimensions, vous aurez une vie accomplie, vous pouvez marcher et ne jamais vous épuiser. Vous pouvez lever les yeux et discerner le chant des étoiles du matin.  Ces trois éléments réunis dans votre existence, vous pourrez avancer inébranlables dans la vie.
    Amen

    * "Les trois dimensions d'une vie achevée" in Martin Luther King, Minuit, quelqu'un frappe à la porte, Genève, Labor et Fides, 2000, pp. 133-147.
Pour habiter cette prédication, j'ai repris et modifié les phrases de la traduction française de la prédication de Martin Luther King. Aussi ai-je décidé de ne pas mettre de guillemets pour différencier ses termes des miens. Il faut considérer que les idées sont celles de Martin Luther King et l'expression tantôt la mienne et tantôt la sienne.
    © Jean-Marie Thévoz, 2011

  • Romains 8. Dieu nous invite à une relation d'affection

    Romains 8
    3.4.2011
    Dieu nous invite à une relation d'affection
    téléchargez la prédication ici : P-2011-4-3.pdf

    Luc 11 : 9-13    Rm 8 : 12-17
    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,
    Nous venons de vivre un baptême. Cela nous donne l'occasion de repenser à notre baptême et à sa signification, ou plutôt à ses significations. Si vous vous souvenez de la scène du baptême de Jésus, l'accent est mis sur deux choses : l'adoption par Dieu : "Celui-ci est mon fils bien-aimé"( Mc 1:11) et sur le don de l'Esprit saint "qui descend comme une colombe" sur Jésus (Mc 1:10).
     Ce double aspect est relevé par l'apôtre Paul dans le passage de la lettre aux Romains que vous avez entendu, avec cette phrase centrale : "L'Esprit saint fait de vous des enfants de Dieu" (Rm 8:16).
    Il y a dans le baptême un aspect passif et un aspect actif, de notre part. L'aspect passif est dans le fait de recevoir le baptême, recevoir quelque chose qui nous dépasse, que nous ne pouvons pas acquérir ou forcer, c'est l'action de Dieu. Dieu agit, il nous accueille, il nous reçoit, il reçoit cet enfant aujourd'hui, indépendamment de ce qu'il peut ou ne peut pas comprendre en ce jour. Le baptême, l'Esprit saint, nous sont donnés, cela nous dépasse, comme la vie nous a été donnée, sans que nous n'y soyons pour rien.
    Mais il y a aussi un côté actif, quelque chose que nous pouvons faire à partir de notre baptême : c'est d'abord d'accepter ce cadeau, cette adoption, cet amour que Dieu nous manifeste. Recevoir…
    Et puis, encore plus activement, nous pouvons décider de nous servir de ce que nous avons reçu. Il est inutile de recevoir un cadeau pour le laisser au fond d'un placard. Avec le baptême, Dieu nous donne le saint Esprit. Nous pouvons nous en servir, l'adopter : adopter la façon de penser qui vient de Dieu, se laisser inspirer par sa pensée, choisir Dieu comme source d'inspiration.
    Oui, mais qu'est-ce que Dieu pense ? L'apôtre Paul met en opposition nos désirs égoïstes et la vision de Dieu élargie au bien de tous.
    Elargir notre horizon… C'est ce que nous faisons dès que nous devenons parents. Nous ne pouvons plus ne tenir compte que de nous. Nous prenons en compte les besoins de nos enfants; et la vie, la vraie vie est dans cet élargissement. Il n'y a pas de bonheur tout seul.
    Et Dieu élargit son horizon (lui qui pourrait se suffire à lui-même), il l'élargit à toute l'humanité, en faisant de nous ses enfants, en décidant de devenir notre Père.
    La relation entre Dieu et nous est comme une relation de parents à enfants. Là, il y a quelques risques de mécompréhension, si on interprète cela dans un sens infantilisant. C'est vrai, nous n'avons pas envie d'être traités toute notre vie comme des enfants ! L'apôtre Paul a vu l'obstacle et le prévient en disant : "L'Esprit saint ne vous rend pas esclaves, mais enfants de Dieu." (Rm 8:15). Ce qui signifie que Dieu ne nous veut pas dans la soumission, mais dans une relation d'affection.
    Pour ceux qui ont des ados, vous avez sûrement dû vivre des échanges comme celui-ci : Le parent à l'ado : — Viens m'aider à mettre, débarrasser la table, faire la vaisselle ou vider la voiture. Réponse : — Je ne suis pas ton esclave !
    On demande aux enfants de l'obéissance, mais le but de l'éducation n'est pas de les formater "soumis", c'est de les conduire à l'autonomie. Le but de l'éducation, c'est que les enfants, les adolescents puissent adopter des comportements adaptés, utiles, constructifs. Obéir à une règle peut être de la soumission si on ne le fait que par crainte des conséquences, par peur du gendarme. Mais obéir à une règle peut aussi être un choix lorsqu'on comprend le pourquoi de la règle, son sens, son utilité, le bien qui en découle ou la confiance qu'on a dans celui qui la pose.
    L'autonomie, c'est la capacité à choisir d'adopter les règles sociales. Et nous avons, comme parents, le souci de conduire nos enfants de l'obéissance à l'autonomie. Et Dieu a ce même souci de parent par rapport à nous. Il a posé certaines règles de vie — le Décalogue — et, comme Père, il souhaite que nous passions de la soumission à l'autonomie.
    Quelle autonomie voulons-nous pour nos enfants quand ils sont ou seront adultes ? Quelles relations voulons-nous avec eux comme adultes ? Est-ce que l'autonomie de nos enfants par rapport à nous doit signifier qu'ils n'ont plus besoin de nous, qu'ils nous quittent et qu'on ne les voit plus ? La liberté doit-elle signifier la distance ? Voir ses parents, passer du temps ensemble empiète-t-il sur la liberté des enfants ?
    Si vous répondez "non", comment expliquez-vous que la plupart des gens ne veulent plus rien avoir à faire avec Dieu parce qu'ils veulent être libres, ou parce qu'ils ont peur de devoir être soumis s'ils s'en rapprochent ?
    Dieu nous veut libres, autonomes, pensant par nous-même; mais il est triste de la distance que nous mettons entre lui et nous. Qu'est-ce qui nous empêche d'être adultes et proches de Dieu, libres et aimants, autonomes et reconnaissants ?
    Dans le baptême, Dieu nous offre une relation qui n'a pas pour but de nous enchaîner, de nous soumettre, mais d'élargir notre horizon, de nous donner une vie pleine, une vie remplie d'amour. N'ayons pas peur, faisons lui confiance et acceptons de devenir "enfants de Dieu" autonomes, mais en relation.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2011

  • Marc 14. Jésus choisit de mettre un repas au centre de la célébration.


    Marc 14
    13.3.2011
    Jésus choisit de mettre un repas au centre de la célébration.


    Télécharchez la prédication : P-2011-3-13.pdf


    Luc 14 : 12-15  Marc 14 : 12-16  Marc 14 : 22-26

    Chers paroissiens, chers catéchumènes, chères familles,
    Mois après mois, au culte, nous partageons la sainte Cène, cette sorte de repas symbolique sur le modèle de celui que Jésus a partagé avec ses disciples la veille de sa mort. La Cène, c'est le thème que les catéchumènes ont abordé samedi dernier avec leurs catéchètes, faisant même un peu de pain pendant la matinée.
    La sainte Cène — comme nous l'appelons dans l'Eglise protestante ou l'eucharistie comme l'appellent les catholiques — est un événement caractéristique, propre au christianisme. Un repas communautaire est au centre du culte et de la vie spirituelle chrétienne. Jésus a voulu qu'un repas soit au centre de notre souvenir de lui et au centre de notre célébration de sa vie et de sa mort. Un repas en souvenir de Jésus. Ce choix n'est pas anodin. Ce choix est même très significatif.
    Le repas fait partie de la vie, il est indispensable pour rester en vie, nous devons manger, nous alimenter pour survivre. C'est la nourriture pour le corps. Mais le repas humain est plus que se nourrir. Nous ne grignotons pas toute la journée, comme les animaux, ce qui nous tombe sous la dent. Nous nous réunissons en famille ou avec des collègues au travail, ou avec des amis, pour "partager un repas." Nous cuisinons, nous nous asseyons autour d'une table.
    Tout repas a son côté rituel et nous n'aimons pas (en tant que parents) que ce rituel ne soit pas respecté (partir avant la fin du repas ou arriver en retard, ça arrive, mais on s'excuse et on essaie de l'éviter). Le repas est donc plus que la nourriture, il a un rôle social, relationnel, il affermit les liens, les contacts, les échanges, l'attachement.
    Jésus choisit de mettre un repas au centre de son souvenir, au centre de la commémoration de sa vie, de sa présence.
    Les Evangiles nous racontent plusieurs repas avec Jésus, comment il s'est invité chez Zachée (l'administrateur corrompu, Luc 19), chez Simon le pharisien où il a fait scandale (Luc 7:36), chez Marthe et Marie (Luc 10). Il a été invité chez des gens de la haute société, les pharisiens, mais plusieurs de ceux-là l'ont aussi critiqué : "C'est un glouton et un ivrogne !" (Mt 11:19).
    Ce qui était important pour Jésus, c'était de rencontrer des gens, de les écouter et de les accepter, tels qu'ils sont. Ce que Jésus détestait, c'était l'hypocrisie cachée derrière les bonnes manières (il y a plusieurs polémiques parce que les disciples ne se lavaient pas les mains avant de manger, Mc 7). Pour Jésus, le repas est l'occasion d'un partage, d'un accueil, d'une ouverture, d'une communion.
    Chaque culture a ses repas importants dans son histoire. Les Juifs avaient la Pâque. Les Américains ont la dinde de Thanksgiving, nous avons — selon les familles — les œufs de Pâques ou le gâteau aux pruneaux du Jeûne fédéral.
    Jésus reprend le repas de la Pâque et lui donne un sens nouveau en le rattachant à sa personne : "Ce pain est mon corps (= ma personne). Ce vin est mon sang (= ma vie). Faites ceci en mémoire de moi" en attendant le royaume de Dieu qui vient.
    Le repas de la Cène doit donc être compris en fonction de la personnalité et de la vie de Jésus. Un aspect que je trouve essentiel, c'est que Jésus a été vers tout le monde, même ceux que personne ne voulait approcher, comme les malades, les handicapés ou les lépreux. Et il a aussi été vers ceux que les autres méprisaient, les Samaritains, les collaborateurs des Romains et les femmes jugées peu convenables.
    L'idée du repas idéal pour Jésus — vous l'avez entendu dans la première lecture — c'est de réunir tous les exclus autour de la même table. C'est de réunir tous ceux qui ne se sentent pas "assez bien" ou "pas assez dignes" ou "pas assez convenables" pour être à la table d'honneur. Tout ce bas monde, c'est ceux que Jésus attend à sa table ! Une table ouverte, accueillante, à laquelle tous peuvent participer, voilà ce qu'est la table de communion.
    Voilà le grand mot : la communion. Dans notre vocabulaire français, ce mot est synonyme de sainte Cène et d'un sentiment d'union intense, de proximité joyeuse et chaleureuse. "C'était un intense moment de communion" dira-t-on après une joie partagée. Voilà le repas que Jésus souhaite que nous partagions : un moment de communion.
    En effet, ce qui importe à Jésus ce sont les relations humaines, de bonnes relations humaines. Et dans son vocabulaire, il nomme "royaume de Dieu" le monde idéal des bonnes relations humaines. Quand Jésus nous dit "le royaume de Dieu est proche" il nous dit que nous pouvons nous rapprocher les uns des autres et construire de bonnes relations humaines.
    Pour les bâtir, il nous ouvre sa table, il nous offre un repas communautaire où nous pouvons nous nourrir de sa personne et de sa vie. Nous sommes invités à entrer en communion avec Lui et les uns avec les autres.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2011

  • Matthieu 6. Prier pour trouver le trésor que Dieu a placé au fond de soi.

    13.2.2011
    Prier pour trouver le trésor que Dieu a placé au fond de soi.
    Luc 6 : 12-13   Mt 6 : 5-8   Mt 7 : 24-27

    Téléchargez la prédication : P 2011-2-13.pdf


    Chers catéchumènes, chers parents, chers paroissiens,
    Lors de la dernière rencontre de catéchisme, nous avons exploré le thème de la prière. Nous avons observé que la prière est universelle, qu'elle est pratiquée dans toutes les civilisations. Nous avons aussi vu la spécificité de la prière chrétienne avec le Notre Père. Que pourrais-je vous dire aujourd'hui qui vous amène à avoir envie de prier, à essayer de vous mettre à prier ou de vous encourager à continuer à prier ? A quoi sert la prière ? Quel sens cela a-t-il de prier ?
    Jésus, dans son Sermon sur la montagne (Mt 5—7), donne un enseignement sur la prière à ses disciples et aux foules qui sont venues l'écouter. Jésus leur dit trois choses. Premièrement de ne pas prier pour la galerie, le paraître. Deuxièmement que ce n'est pas la quantité de mots qui est importante. Troisièmement, il donne un bref modèle qui est devenu le Notre Père.
    Quand Jésus dit de ne pas répéter sans fin les mêmes choses dans nos prières, Jésus nous dit que la prière n'est pas un moyen de faire pression sur Dieu pour obtenir quelque chose. Ce serait croire que Dieu est éloigné ou qu'il ne s'intéresse pas à nous et que nous serions obligés d'attirer son attention pour qu'il jette un regard sur nous. Jésus nous dit : Vous vous trompez de Dieu, en fait, "Dieu sait déjà ce dont vous avez besoin avant que vous ne le lui demandiez." (Mt 6:8). Alors à quoi cela sert-il de prier ?
    L'autre partie de l'enseignement de Jésus dit d'entrer dans sa chambre, de fermer sa porte et de prier son Père dans le secret. Le mot qui est traduit ici par le mot "chambre" désigne à la base le "cellier", le cagibi où l'on garde les provisions du ménage ou bien la chambre forte dans laquelle les autorités gardent le trésor public, l'argent des impôts. Dans les deux cas, c'est la réserve, le trésor qui va faire vivre, qui va nourrir le ménage ou la ville.
     Jésus insiste sur l'isolement et l'intimité nécessaires pour la prière personnelle : ferme la porte, prie dans le secret ! Je lis cela comme une façon de parler de l'intériorité. En langage d'aujourd'hui on dirait : Trouve-toi un coin tranquille et descend en toi-même. Ferme les yeux, ouvre ton cœur et pars à la découverte de ton être profond.
    La prière est quelque chose qu'on fait pour soi, dans le secret de son cœur. Mais ce n'est pas seulement de la méditation. Les Evangiles nous montrent aussi Jésus se retirant pour prier.  Souvent, il monte sur une montagne pour prier. "Monter sur la montagne" c'est une allusion à Moïse qui monte sur la montagne du Sinaï pour rencontrer Dieu.
    La prière est bien une descente en soi-même, dans le secret de son être intérieur, mais une exploration qui se fait devant Dieu et avec sa lumière. Le rabbin Eliézer ben Jacob (un sage quasi contemporain de Jésus) disait sur son lit de mort : "… quand vous priez, pensez à Celui devant qui vous vous tenez, c'est ainsi que vous obtiendrez la vie éternelle (Berakot 28b)"*
    La prière n'est pas accumulation de paroles, elle est la construction d'une relation avec Dieu qui nous aide à voir clair en nous. C'est un dialogue avec soi-même devant Dieu, sous le regard bienveillant de Dieu, dans l'amour d'un Père qui nous connaît et nous aime.
    Jésus nous dit d'entrer dans la chambre du trésor, des réserves de nourriture. Cela fait penser à cette partie des contes qui parlent des nains de la montagne qui vont à la mine chercher les pierres précieuses. Dieu a placé au fond de nous un trésor, des réserves d'énergie. Pour vivre une vie pleine, nous devons avoir accès à cette énergie, à ce trésor enfoui.
    La prière — la vie spirituelle — est le chemin qui nous est donné pour descendre en nous-mêmes, dans notre intériorité, dans nos profondeurs, à la recherche de ce trésor, de cette énergie. Lorsque nous avons trouvé ce trésor, la vie ne nous pose plus de problèmes. Pas qu'il n'y aurait plus de problèmes, mais que nous serons équipés pour affronter tous les problèmes de la vie.
    C'est ce que Jésus nous dit dans la parabole des deux maisons. Nous avons chacun à construire notre personnalité et notre vie. Nous pouvons le faire sur le sable du paraître, de la façade, de la superficialité. Ou bien, nous pouvons creuser en nous, dans nos profondeurs, jusqu'à ce que nous atteignions le socle solide de notre trésor intérieur, celui que Dieu a placé en nous.
    Une fois ce socle atteint, nous pouvons y construire notre maison, notre personnalité, notre vie. Elle sera solide, résistante aux tempêtes de l'existence.
    Se risquer à prendre le temps de prier — jour après jour — c'est creuser en nous pour aller à la découverte de ce trésor, de cette richesse que Dieu a placée au fond de nous.
    "Lorsque tu veux prier, entre dans la chambre au trésor et prie ton Père qui est là dans ce lieu secret, et Dieu ton Père — qui voit ce que tu cherches en cette profondeur secrète — te récompensera." (Mt 6:6).
    Amen

    * in Pierre Bonnard, L'Evangile selon Saint Matthieu, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1963, p. 79.
    © Jean-Marie Thévoz, 2011

  • Marc 1. Faire émerger l'humain en chacun de nous.

    Marc 1
    6.2.2011
    Faire émerger l'humain en chacun de nous.
    Es 58 : 9-12   Mc 1 : 21-28

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Le récit de cet esprit mauvais chassé par Jésus est le premier acte public du ministère de Jésus dans l'Evangile de Marc. Comme dans une pièce de théâtre, cette ouverture place, en filigrane, tous les éléments du drame qui va se jouer de la Galilée jusqu'à Jérusalem.
    Ce récit se déroule dans la synagogue de Capharnaüm, un jour de sabbat, ce qui montre clairement que le terrain de l'affrontement sera le terrain religieux. L'affrontement sera théologique. Les raisons de la mort de Jésus seront théologiques et non pas politiques ou économiques ou encore personnelles.
    Le centre de la controverse est aussi évoqué, il s'agit d'un conflit d'autorité. D'où vient l'autorité de Jésus, cette autorité qui n'est pas comme celle des scribes, des maîtres de la Loi ? (Mc 1:22).
    Ce récit tourne autour de l'enseignement de Jésus. Au début, le texte dit : "Jésus entre à la synagogue et se met à enseigner" (v. 21) Et les gens sont étonnés par son enseignement, plein d'autorité (v. 23). Après la guérison, les auditeurs s'interrogent sur ce "nouvel enseignement (v. 27). C'est dire que l'action même de Jésus est considérée comme un enseignement. Et c'est bien comme cela que je souhaite interpréter cette guérison.
    Marc ne met pas en avant un exorcisme, une guérison, il met en avant, comme premier acte du ministère de Jésus, un enseignement qui comprend un exemple pratique, un exemple qui illustre la qualité, la portée, la profondeur de l'enseignement de Jésus.
    Bien sûr, ce geste, cet acte, souligne l'autorité, le pouvoir de Jésus sur la réalité — il a une parole qui agit, comme le Dieu créateur de Genèse 1 — comme aussi lorsque Jésus après avoir pardonné, relève le paralytique. Mais dans ce récit, cet acte a encore une autre dimension que j'aimerais vous faire découvrir, une dimension, une portée qui peut nous atteindre aujourd'hui.
    Jésus est au début de son ministère, un ministère qui doit révéler aux hommes sa vraie identité, son lien avec Dieu. Au début de son ministère, on peut dire que Jésus est encore un inconnu, autant pour ses disciples que pour les foules. Or voilà que cet homme habité par cet esprit mauvais interpelle Jésus. C'est l'esprit impur qui s'adresse à Jésus et en quelques mots il dévoile l'identité de Jésus et sa mission !
    Cet esprit-là sait déjà tout : "il sait quelle est la hiérarchie dans les régions célestes (« qu'y a-t-il entre toi et nous ? »), l'identité du Jésus terrestre (« Jésus de Nazareth »), sa mission (« es-tu venu pour nous perdre ? »), son identité d'envoyé de Dieu (« le Saint de Dieu »)."*
    Cet esprit sait tout de Jésus, mais ce n'est pas pour autant qu'il a compris qui est Jésus. Il sait d'un savoir théorique, à distance. Ce qu'il sait, c'est comme de la munition pour attaquer ou comme une armure pour se défendre, pour éviter d'être touché, d'être transformé.
    Cet esprit en sait plus que tous les disciples réunis, mais paradoxalement, Jésus le chasse, le fait sortir de cet homme. Cet esprit est théoriquement le parfait disciple, qui a bien appris sa leçon, qui sait répondre, et pourtant Jésus n'en veut pas. Pourquoi ? Qu'est-ce qui ne vas pas ?
    Je pense que ce récit est un avertissement placé au début de l'Evangile de Marc pour nous dire que Jésus n'est pas venu pour donner aux humains un savoir, un autre savoir que celui qui est donné dans les synagogues. Jésus n'est pas venu changer les dogmes. Jésus est venu changer la vie ! Jésus n'est pas venu donner un nouveau savoir. Jésus est venu donner la vie, la vraie vie.
    Le récit ne nous dit rien de cet homme, le récit ne parle et ne fait parler que l'esprit mauvais. Qui est cet homme ? Cet homme, c'est moi, c'est peut-être vous aussi ?
    Cet homme c'était moi lorsqu'il m'est arrivé ceci. Je descendais à la Poste de Bussigny porter des lettres. Un homme m'interpelle depuis la terrasse de la Mascotte et me demande si je m'arrêterais boire une bière avec lui. Remplis de ma programmation cérébrale « Je vais à la Poste porter mes lettres » je lui dis que je m'arrêterai à mon retour pour boire cette bière. Quand je reviens, il n'est plus là. J'ai manqué une rencontre.
    Je m'étais programmé, je savais ce que j'avais à faire. J'étais possédé par une mission et j'ai été incapable de m'ouvrir à autre chose, de plus important.
    Nous bâtissons tous des sécurités intérieures qui tracent nos routes et nos vies. Nous nous programmons ainsi et devenons incapables de nous laisser interpeller, incapables de nous laisser dé-router. Nous avons des discours bien rôdés, bien polis pour éviter d'être remis en question, pour éviter d'ouvrir nos cœurs à des situations nouvelles.
    L'enseignement de Jésus ne cherche pas à nous reprogrammer sur un chemin différent. L'enseignement de Jésus, c'est carrément de chasser cet esprit mauvais, c'est de nous débarrasser de toute programmation. L'enseignement de Jésus, celui qu'il déploie avec autorité, c'est de nous débarrasser de tout ce qui nous empêche d'être simplement humain dans nos relations, d'être vraiment nous-mêmes, avec le moins de défenses possibles.
    Jésus a cette autorité de nous rendre à nous-mêmes, à notre identité plus humaine, plus relationnelle. Jésus, par un acte de puissance divine, veut nous faire passer des discours qui séparent aux actes qui réunissent. Alors se réalisent les paroles d'Esaïe : "Si tu cesses chez toi de faire peser des contraintes, de menacer les autres en les montrant du doigt ou de prononcer des paroles blessantes, si tu partages ton pain avec celui qui a faim, alors la lumière chassera l'obscurité et tu vivras comme en plein midi. (Es 58:9-10).
    Les esprits mauvais d'aujourd'hui prononcent de beaux discours pleins de savoir et d'apparence de vérité, mais ils n'ont rien à voir avec Jésus. Jésus les chasse pour permettre l'émergence de ce qui est profondément humain, relationnel. Voilà l'enjeu de la vie de Jésus, voilà l'enjeu de l'Evangile qui s'ouvre avec ce récit : débarrasser le monde de toute idéologie pour laisser émerger l'humain de manière à passer des discours qui séparent aux actes qui réunissent.
    Amen


    * citation de : Elian Cuvillier, L'évangile de Marc, Labor et Fides, 2002, p. 42

    ©Jean-Marie Thévoz, 2011

  • Matthieu 3. Jean Baptiste et Jésus : le même message ?

    16.1.2011
    Matthieu 3
    Jean Baptiste et Jésus : le même message ?
    Mt 3 : 1-10 Luc 18 : 9-14 Rm 7 : 14-20

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    En ce début d'année — après les fêtes de Noël — nous reprenons le début de l'évangile et le début du ministère de Jésus. Plus précisément aujourd'hui, la prédication de Jean Baptiste qui précède le début du ministère de Jésus.
    Jean Baptiste est un personnage historique qui a laissé des traces dans la littérature de son temps (hors du Nouveau Testament), plus même que Jésus ! Il a effectivement rassemblé les foules, baptisé, prêché. Pourtant, c'est le christianisme qui est devenu une religion universelle. Alors, qu'est-ce qui différencie Jean Baptiste et Jésus-Christ ? Qu'est-ce qui fait que le message de Jésus a persisté plutôt que celui de Jean Baptiste ?
    Partons d'abord des ressemblances. En effet, ce qui m'a frappé d'abord en cherchant les différences, c'est que Jean Baptiste et Jésus prêchent la même chose à première vue. Les Evangiles leur mettent les mêmes mots dans la bouche : "Changez de comportement, car le Royaume des cieux s'est approché" cette phrase est prononcée par Jean Baptiste en Mt 3:2 et par Jésus en Mt 4:17, puis, un tout petit peu différemment par les apôtres dans le livres des Actes (Ac 2:38 et 3:19). Jean Baptiste et Jésus prêchent la conversion et la venue du Royaume de Dieu.
    Ensuite je me suis dit qu'il n'y avait que Jean Baptiste pour engueuler les gens, pour les traiter de "races de vipères." Jésus devait être plus gentil, moins sévère sur l'être humain. Eh bien non, Jésus aussi invective avec les mêmes mots ses disciples (Mt 12:34) et les maîtres de la Loi (Mt 23:33).
    Où sont donc les différences ? Je pense que les différences sont d'abord dans l'idée qu'ils ont de l'être humain et dans sa capacité à faire le bien. Toute la prédication de Jean Baptiste est axée sur le changement du comportement. Repentez-vous, convertissez-vous, changez de comportement. "Accomplissez des actes qui montrent que vous avez changé de comportement" (Mt 3:8) demande Jean Baptiste aux pharisiens qui viennent le trouver.
    Jean Baptiste est pessimiste sur la nature de l'être humain, mais optimiste sur sa capacité à changer. Secouez fort les gens et ils finiront bien par changer. Les gens sont simplement engoncés dans leurs mauvaises habitudes. S'ils comprennent, s'ils voient ce qu'ils font de faux ou de mal, ils vont opter pour le changement. Il faut les sortir de leur paresse et c'est possible, pense Jean Baptiste. Donc chacun peut mieux faire, regardons ce qui n'est pas fait et mettons-nous au travail.
    Le problème avec ça, c'est que la tâche est infinie et que ce qui reste à faire pour atteindre la perfection pour plaire à Dieu est au-delà de nos forces. Comment un juif qui travaille dur, qui élève sa famille, qui remplit ses obligations à l'égard des Romains, peut-il satisfaire les 613 commandements de la Torah ?
    Est-ce que vous satisfaites, aujourd'hui, à toutes les recommandations du XXIe siècle pour être un bon consommateur, un bon citoyen, un bon écologiste, un bon conjoint, une bonne mère, un bon conducteur… ?
    Voyons cela ! La semaine passé avez-vous mangé 5 fruits et légumes par jour, avez-vous marché ou fait du sport 20 minutes chaque jour, avez-vous acheté des produits équitables, renoncé aux fruits exotiques, aux légumes cultivés sous serre, avez-vous baissé un peu votre chauffage, avez-vous renoncé à votre voiture pour des petits trajets, avez-vous tenu vos bonnes résolutions de Nouvel-An ?
    Nous ne connaissons plus les 613 commandements de la Torah, mais la société nous ordonne toujours une multitude de tâches pour nous sentir bien, pour être de bons citoyens. Jean Baptiste dirait : faites tout cela et tout ira bien. Mais Jésus prêchait autre chose à ses contemporains et à nous aujourd'hui.
    Bizarrement, Jésus était extrêmement pessimiste sur l'être humain. Pour lui, l'être humain n'est pas capable de faire le bien. L'apôtre Paul l'a bien compris et expliqué dans la lettre aux Romains quand il dit : "Je découvre ce principe : moi qui veut faire le bien, je suis seulement capable de faire le mal" (Rm 7:21). Calvin dira à sa suite que l'homme est incapable de tout bien.
    Ce qui est remarquable dans les Evangiles, c'est que Jésus ne le dit jamais, ne le prêche jamais. Il ne dénigre jamais l'être humain en parole, parce qu'il a en trop haute estime les créatures divines que sont ses frères et ses sœurs. Jésus aime les personnes, il ne dira jamais de mal sur elles, mais il les laisse agir et révéler leur/notre propre nature, ce qui arrivera inévitablement dans son procès et dans sa condamnation à la croix.
    L'homme est révélé incapable de tout bien quand il commet le plus grand mal en croyant faire ce qui est juste à ses yeux, en mettant à mort le Fils de Dieu ! Ainsi, c'est la vie et la mort de Jésus qui révèlent la profonde nature humaine qu'il n'a jamais condamnée en paroles.
    En effet, à côté de ce pessimisme total sur la nature humaine, Jésus a le plus profond amour envers la créature. Le péché entraînait chez Jean Baptiste un dégoût pour la nature humaine. Chez Jésus, le caractère pécheur de l'humain exacerbe sa compassion, son amour, sa tendresse. Jésus ne voit dans l'être humain incapable de tout bien que la blessure, la souffrance, le malheur. Et il est venu comme médecin de ces malades, de ces souffrants, de ces handicapés.
    Au lieu de voir — comme Jean Baptiste — tous les manques qu'il y a en nous pour être à la hauteur de toutes les exigences, Jésus voit tous les progrès que nous pouvons faire… si nous sommes aidés, si nous sommes soutenus, si nous sommes aimés.
    Ce que Jésus nous demande, ce n'est pas de satisfaire aux plus hautes exigences — il sait que nous en sommes incapables, que c'est impossible — ce qu'il nous demande, c'est de voir notre propre faiblesse, de la reconnaître et de l'accepter. Non pas l'accepter pour se fustiger et tout abandonner avec résignation. Mais de l'accepter comme la réalité de départ pour ne pas vivre dans l'illusion d'un pouvoir que nous n'avons pas et donc de sombrer dans le désespoir que provoque l'exigence inatteignable. C'est ce que Jésus nous dit dans la parabole du pharisien et du collecteur d'impôts.
    Acceptons que nous n'arrivons pas à être juste, bons, droits, comme l'exigence de justice totale le voudrait. Acceptons que Jésus nous accepte tels que nous sommes, et qu'à partir de là, il nous encourage et nous soutient dans chacun de nos progrès. Et qu'il nous relève de chacune de nos rechutes. Et si vous pensez qu'il n'y a pas de rechutes, vous pensez comme le pharisien.
    Avec son pessimisme absolu sur l'être humain, Jésus aggrave la situation, notre situation, mais pour la retourner complètement. Il nous dit par là : Abandonnez ce qui est impossible et faites simplement le possible, Dieu s'occupe du reste. Voilà une libération !
    Nous n'avons plus à regarder tout ce qui manque pour être à la hauteur, nous n'avons qu'à regarder les tout petits progrès que nous faisons. Le Christ est là pour nous aider, nous soutenir, nous aimer sur ce chemin-là.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2011