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prédication - Page 31

  • Jean 15. "Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron," dit Jésus

    Jean 15    8.8.1999
    "Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron," dit Jésus
    Esaïe 5 : 1-7        Jean 15 : 1-9

    Les vignerons sont récompensés, la vigne est célébrée, la fête bat son plein, la Fête des Vignerons enchaîne ses spectacles. Peut-être avez-vous eu l'occasion de participer à cette fête des couleurs, du mouvement et des sons ?
    Au centre de tout cela : la vigne et le vin, le travail des hommes pour faire pousser cette plante, en recueillir le fruit et en transformer le moût en boisson de fête, en boisson enivrante.
    Tout autour de la Méditerranée, la vigne a été considérée comme un cadeau des dieux. Le spectacle de la Fête des Vignerons en rappelle les origines dans la mythologie grecque ou latine.
    Il n'est pas dit explicitement dans la Bible que la vigne est un don spécial de Dieu aux humains. Elle mentionne cependant que Noé en a été le premier cultivateur. La vigne est cependant — avec l'olivier et le figuier — rattachée à l'idée messianique. Lorsque les explorateurs que Moïse avait envoyé vers la terre promise, le pays de Canaan, sont revenus, ils ont rapporté une grappe de raisins si grande qu'il fallait deux hommes pour la porter. Vigne et vin témoignent de la générosité de Dieu envers les humains.
    Mais la vigne a aussi une autre symbolique très forte dans la Bible : elle est l'image même de la relation de Dieu avec son peuple. Dieu est un vigneron qui a défriché une parcelle, qui l'a entourée d'un mur et qui y a planté une vigne. Il l'entoure de soins attentifs, il la taille et l'émonde, il en attend le fruit. C'est l'image d'un homme amoureux de sa vigne et de son parchet. Il y passe des heures, il ne ménage pas sa peine. Il la soigne, la bichonne avec amour, avec espoir.
    ... Nous qui aimons voir le résultat immédiat de notre travail, de nos attentions, de nos démarches. Quel contraste...
    Le vigneron est un être de patience. De la Saint-Martin à la vendange, du pressoir à la bouteille, combien de temps faut-il pour apprécier le résultat de son labeur ? Dieu est patient. Il ne compte ni son temps, ni sa peine pour prendre soin de son peuple, pour l'appeler, l'éduquer, le conduire vers le bonheur et l'abondance.
    Hélas, combien souvent l'attente de Dieu reste-t-elle sans réponse ? Le fruit se fait attendre. Israël a compris certains événements de son histoire comme la réaction de Dieu à ses errements. Dieu s'est fâché contre sa vigne, il l'a laissé piétiner, envahir, il l'a laissée — temporairement — à l'abandon.
    Mais Dieu n'abandonne jamais ses projets pour l'être humain. Il s'est remis au travail. Il redonne une chance à chacun. C'est dans ce contexte d'une nouvelle chance, d'un nouveau départ, que Jésus annonce la bonne nouvelle :

    "Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron" (Jean 15:1)
    Jésus est la figure du nouvel Israël, le premier-né d'un nouveau peuple, de la nouvelle vigne du Seigneur.
    "Je suis la vraie vigne". Cette fois, la vigne sera sans défaillance, le cep est le vrai cep, établi par le Père, soigné par le Père, aimé pleinement par le Père. La relation entre le Père et le Fils est claire : Dieu a établi Jésus pour être la racine et le tronc du nouveau peuple des croyants, du nouvel Israël.
    Et cette phrase en écho, en réponse, qui nous inclus dans cette relation : "Je suis le cep et vous êtes les sarments" (Jean 15:5). Nous sommes les sarments, nous, croyants du XXe siècle, nous sommes attachés au Fils, nous sommes issus du Fils. Nous sommes les sarments, cela signifie que nous puisons notre sève, notre subsistance au coeur même du Fils.
    C'est en cela qu'il peut déclarer — comme une affirmation et non comme un simple souhait : "Vous êtes purs" (Jean 15:3). La pureté, ici, est donnée par le Christ, ce n'est pas quelque chose que nous pourrions acquérir par notre comportement. La pureté ne tient pas aux résultats de nos actions, mais à la source à laquelle nous puisons. Si l'eau de la source est pure, alors nous sommes purs, alors nous porterons de bons fruits. C'est pourquoi Jésus — dans l'Evangile de Jean — répète sans cesse : "Demeurez-en moi". Cela signifie : restez attachés au cep, restez branchés à la source, à cette source infinie qu'est l'amour du vigneron pour sa vigne :

    "Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour". (Jean 15 : 9).
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Néhémie 8. Un peuple rassemblé pour écouter la Loi.

    Néhémie 8    1.8.1999
    Un peuple rassemblé pour écouter la Loi.
    Néhémie 8 : 1-12    Deut. 4 : 25-31    Luc 15 : 1-7

    Voilà, cette année (1999), le premier août tombe un dimanche ! Dommage pour un jour qui vient d'être déclaré férié, mais aussi une chance, une occasion pour l'Eglise de réfléchir au sens d'une fête nationale, une fête où les éléments politiques, historiques et religieux sont mêlés. Le premier août, une occasion pour les habitants de ce pays, de réfléchir à l'identité suisse, aux valeurs portées — volontairement ou involontairement — par l'image de la Suisse.
    Que nous le voulions ou non, que nous soyons porteurs d'un passeport à croix blanche ou non, nous sommes solidaires des bons et des mauvais côtés de la "Suisse". Quand Piccard réussit son tour du monde, nous nous sentons proches de lui. Quand l'équipe suisse perd son match, nous nous sentons proches d'elle. Que nous le voulions ou non, nous partageons le sort de la Suisse, nous partageons ses succès comme ses fautes. Et il nous arrive de pleurer sur le sort ou les fautes de la Suisse, de ses représentants ou de ses entreprises...
    C'est ce qui arrive aussi au peuple d'Israël réuni à Jérusalem dont nous parle le récit de Néhémie. Situons ce rassemblement dans l'histoire d'Israël : après la période des rois qui ont succédé à David et Salomon, le pays d'Israël a été conquis par l'empire d'Assyrie, et le peuple — surtout ses dirigeants et ses dignitaires — ont été déplacés, exilés à Babylone. Le Temple de Jérusalem a été détruit. L'Exil a duré 50 ans, jusqu'à ce que Cyrus le roi des Perses prenne Babylone et permette le retour des Israélites à Jérusalem. C'est un petit reste qui revient et reconstitue le culte et les traditions. Plus tard, Esdras et Néhémie vont, ensemble, réorganiser la vie politique et religieuse, en faisant reconstruire la ville et le Temple et restructurer ce nouveau départ en replaçant au centre du culte la lecture de la Loi donnée à Moïse.
    Le récit que nous avons entendu nous fait revivre cet événement : le peuple assiste à la lecture de passages de la Torah. Dans ces lectures pouvait figurer le texte du Deutéronome que vous avez entendu. Cette lecture, accompagnée d'explications, produit visiblement une grande émotion auprès des auditeurs : Ils se mettent à pleurer.
    Ces pleurs sont troublants, les lévites lecteurs ne s'attendaient pas à cette réaction. Pour eux, la loi est un sujet de joie. La loi est bonne nouvelle. La loi est un message de réconfort, annonce de la bienveillance de Dieu. Pourtant, le peuple pleure... Ces larmes peuvent dire beaucoup de choses. Certes, en général, les larmes sont signes de tristesse, de chagrin, mais pas seulement.
    Le peuple d'Israël peut verser des larmes de tristesse suite au rappel des fautes commises par leurs ancêtres ou par eux-mêmes. N'est-ce pas triste de voir à quel point nous offensons Dieu ?
    Mais ces larmes peuvent aussi être le résultat de la reconnaissance de la bonté dont ils sont l'objet, le peuple racheté, sauvé, libéré du joug de l'esclavage. Reconnaître que malgré ses fautes ou ses erreurs, on est encore, toujours, aimé. Cela peut conduire aux larmes. Ces larmes sont alors, non des larmes amères, mais la redécouverte d'une source de vie qui était tapie et oubliée au fond de soi.
    Ces larmes sont un prélude à un recommencement, un nouveau départ, celui que permet le pardon. Les israélites, auditeurs de la loi, se sont reconnus personnellement dans les anciennes paroles de Moïse (Deut. 4). Ils se reconnaissent comme héritiers de la promesse, même au travers de leur parcours et de leurs fautes. Cette reconnaissance peut alors déboucher sur la fête, sur la joie.
    Les déportés revenus à Jérusalem peuvent renouer avec l'identité du peuple d'Israël, une identité qui ne fait pas l'impasse sur ses moments d'obscurité, mais qui mise sur la grâce de Dieu qui offre un nouveau départ. Ainsi, ces Israélites au coeur nouveau peuvent-ils organiser la fête et y inclure tout le monde. L'amour de Dieu n'est-il pas si grand qu'ils peuvent partager ce qu'ils ont avec ceux qui n'ont rien ?
    Ici en Suisse, nous avons aussi passé par des épreuves. Nous n'avons pas eu toujours l'occasion d'être fiers de ce que nous avons fait, dans le passé ou dans le présent. Nous avons des raisons de confesser nos fautes, de nous repentir et de pleurer. Mais ce n'est que la moitié du chemin. Tirons de nos fautes des enseignements, recevons le pardon que Dieu nous offre et préparons la fête de ce soir. Non pas dans l'esprit de "il n'y en a point comme nous", mais avec la conviction que Dieu nous invite à la joie, à la joie du berger qui a retrouvé sa brebis perdue, à la joie de Dieu lorsqu'un pécheur s'est repenti.
    Faisons la fête comme les Israélites firent la fête : "tous rentrèrent chez eux pour manger et boire; ils partagèrent leur repas avec ceux qui n'avaient rien et se livrèrent à de grandes réjouissances. Ils avaient en effet compris le sens du message qu'on leur avait communiqué". (Néh 8 : 12).
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Esaïe 57. A la croisée des chemins, Dieu renonce à la colère et choisit d'aimer

    Esaïe 57

    17.8.2008
    A la croisée des chemins, Dieu renonce à la colère et choisit d'aimer
    Es 57 :14-19    Es 62 : 1-5    Luc 13 : 6-9

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous voici arrivés dans la troisième partie du livre d'Esaïe. Nous avons vu le prophète Esaïe, fils d'Amots, à l'œuvre entre 740 et 700 av. J.-C. dans la première partie du livre. Le prophète était conseiller des rois et le schéma théologique était en gros le suivant : quand les dirigeants obéissaient à Dieu, ils étaient victorieux; quand ils désobéissaient, ils perdaient face à leurs ennemis.
    120 ans plus tard, Jérusalem est dévastée par les babyloniens, le Temple détruit et le peuple et ses dirigeants emmenés en Exil. Un nouveau prophète — anonyme — encourage les exilés en leur disant, vous êtes punis, mais la punition prendra fin. Dieu vous enverra un libérateur et vous pourrez rentrer d'exil et vous établir à nouveau sur la terre promise. Cela se passe effectivement lorsque Cyrus, roi des Perses, défait Babylone en 540 av. J.-C. et permet, par décret, aux juifs de retourner sur la terre d'Israël.
    S'ouvre alors une troisième période, avec des messages contenus dans les chapitres 55 à 66 du livre d'Esaïe. Le retour se fait petit à petit, mais sans gloire. Le retour est difficile, les terres sont occupées par ceux qui sont restés. Ceux qui reviennent ne sont pas les bienvenus. Jérusalem est toujours en ruine et le pays ne retrouve pas son indépendance. Pas de gouvernement autonome, pas de nouveau Temple. La vie est plutôt misérable. La punition continue-t-elle ?
    Là au milieu, le prophète cherche à comprendre, cherche à percevoir, à discerner la volonté de Dieu. Dans la liturgie, nous avons entendu les prières que le prophète partage avec son peuple :
    - repentance et appel à Dieu "ah si tu déchirais le ciel et si tu descendais" (Es 63:15-19);
    - la grâce au travers de la mission du Messie de "remplacer les marques de tristesses par autant de marques de joie" (Es 61:1-3)
    - la louange : "le Seigneur est pour moi une source de joie débordante" (Es 61:10-11).
    Quelle est l'intention de Dieu, le sentiment de Dieu à l'égard de son peuple ?
    Et le prophète a une révélation. Et il traduit pour nous le travail de réflexion, d'introspection de Dieu lui-même. Il semble qu'on l'entend réfléchir :
    "Moi, le Dieu saint, j'habite là-haut, mais je suis avec les hommes qui se trouvent accablés et ont l'esprit d'humilité, pour rendre la vie aux humiliés, pour rendre la vie aux accablés. (…) Les torts d'Israël m'ont irrité un instant. Dams ma colère je l'ai frappé, je ne voulais plus le voir. Mais il est resté infidèle, il n'en a fait qu'à sa tête, je connais bien sa conduite.
    Or voici ce que sera ma revanche : je le guérirai, je le guiderai, je le réconforterai ! Quant à ceux qui portaient le deuil, je mettrai sur leurs lèvres des exclamations de joie. Paix pour les plus lointains, paix pour les plus proches, dit le Seigneur. Oui, je guérirai mon peuple." (Es 57:15,17-19)
    Oui, on assiste-là au travail de pensée intérieur de Dieu lui-même. On le sent à la croisée des chemins, comme le propriétaire du figuier stérile (Luc 13:6-9). Face à ce peuple récalcitrant, que faire ? Les sanctions n'ont pas porté de fruits. La punition n'a rien donné, elle n'a pas ramené son peuple à lui. Que faire ? Faut-il abattre l'arbre et le brûler ?
    Quand on se demande quoi faire — et qui n'a pas été devant une telle situation face par exemple à un enfant adolescent ou à un employé au travail ? — il est de bon conseil de se demander : au fond, qui suis-je ? Qui est-ce que je veux être dans ma vie ?
    Etre et actions sont intimement liés. Ce que je fais façonne aussi qui je suis, alors, ce que je suis, ou veux être, doit guider ce que je fais.
    Qui suis-je — se demande Dieu — ou pour être plus modeste : qui est Dieu se demande le prophète. Dieu est le Très-Haut, celui qui est saint et très élevé, le Tout-Autre. Mais il est aussi celui qui s'est révélé à Moïse, dans le buisson ardent, comme celui qui entend les cris de son peuple maltraité en Egypte (une figure de l'Exil). Dieu ne peut pas rester lui-même si son amour des humains, de son peuple, ne dirige pas ses actions.
    Et nous le voyons — dans ces mots du prophète — reconnaître qu'il a été irrité, qu'il a punit, sanctionné, et que cela n'a pas donné d'effet. Et nous le voyons revenir à son être-même, renoncer à la colère pour tendre la main et reproposer, inlassablement, son amour. A la croisée des chemins, Dieu renonce à la colère et choisit de revenir vers son peuple pour le guérir, pour lui apporter la joie et la paix.
    L'amour peut comporter des temps de colère, des actes de punition. Poser des normes, des interdits dans l'éducation est un acte d'amour. Tenir aux principes, les faire respecter, sanctionner est un acte d'amour aussi, lorsque c'est fait avec mesure et proportionnalité.
    Mais l'amour sait aussi revenir après la colère, pardonner après la transgression, réhabiliter après la sanction. Et c'est le rôle du fort de faire le premier pas, de proposer la réconciliation et d'effacer l'ardoise. Voilà ce que Dieu décide, après réflexion, un retour unilatéral vers son peuple, vers ceux qui sont accablés, humiliés. Malgré tout, il décide de guérir, guider, réconforter son peuple et de le faire avec joie.
    Dans le deuxième texte que nous avons entendu (Es 62:1-5), le prophète compare ce retour à une noce, un mariage La relation avec Dieu peut être joyeuse, un plaisir, un bonheur, comme la rencontre du marié avec la mariée. La relation à Dieu prend deux dimensions dans cette troisième partie du livre d'Esaïe.
    Une dimension personnelle, interpersonnelle d'abord. Tout en restant communautaire — l'individualisme n'as pas encore le sens et l'importance d'aujourd'hui — la relation est personnelle entre Dieu et l'être humain, c'est une relation de cœur et de volonté, une relation qui engage l'intérieur de l'être humain. On connaît les violentes diatribes des prophètes contre les signes extérieurs de religiosité qui ne sont pas accompagnés d'une justice personnelle et sociale par exemple. Voilà pour la dimension personnelle : elle demande de l'authenticité et de la sincérité.
    L'autre dimension, très présente chez le prophète, c'est l'universalité. Jérusalem devient une sorte de phare dans le monde pour faire connaître l'amour que Dieu a pour son peuple. "Les nations constateront que le Seigneur t'a délivrée, tous les rois contempleront ta gloire." (Es 62:2). Le Temple, lorsqu'il sera rebâti, sera une "maison de prière pour tous les peuples" (Es 56:7) comme le rappellera Jésus lui-même. Il y a une volonté de réconciliation de l'humanité toute entière sous la bannière de l'amour que Dieu a pour tous les humains.
    - L'amour de Dieu bien plus fort que sa colère,
    - une relation personnelle et engagée envers Dieu,
    - un amour universel et inconditionnel pour tous les humains.
    Ces trois thèmes sont exposés dans cette troisième partie du livre d'Esaïe et verront leur déploiement s'effectuer dans la personne et le message de Jésus, quelques siècles plus tard. Ils sont encore, pour nous, la manifestation vraie de l'être de Dieu.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Esaïe 53. Un prophète partagé

    Esaïe 53

    10.8.2008
    Un prophète partagé
    Es 51 : 12-16    Es 53 : 1-5    Ac 8 : 26-38

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous avons vu dimanche passé que la première partie du livre d'Esaïe s'inscrit dans l'histoire du peuple juif entre les années 740 et 700 av. J.-C. Le prophète Esaïe, fils d'Amots, conseille les rois dans leur politique, afin que Dieu leur assure la victoire, ou au moins la survie. L'idée de base est le lien entre obéissance à Dieu et victoire sur les ennemis, la désobéissance conduisant à la défaite.
    La première partie du livre d'Esaïe se termine sur la libération miraculeuse du siège de Jérusalem, ce qui confirmait le schéma d'Esaïe. Cependant, un peu plus d'un siècle plus tard, l'empire de Babylone s'empare de Jérusalem, détruit le temple et déporte les habitants vers Babylone. Une nouvelle réflexion s'impose sur le rôle d'Israël et de Dieu dans ces nouveaux événements. Le Dieu d'Israël a-t-il été battu par les dieux babyloniens ? Ou bien Dieu a-t-il abandonné son peuple ?
    Un nouveau prophète, anonyme, se lève pour encourager le peuple déporté à Babylone. Ses paroles sont recueillies et appondues au premier livre d'Esaïe. Elles forment les chapitres 40 à 55. Que nous dit ce prophète ? Il annonce la délivrance du peuple déporté. Il annonce que Dieu n'a pas abandonné son peuple, il ne l'a pas oublié, au contraire : il prépare son avenir, son retour vers la terre promise.
    Le prophète affirme que le Dieu d'Israël est le maître des éléments naturels : "il excite la mer, il fait mugir les flots" (Es 51:15), bien plus, "il a déploié le ciel et posé les bases de la terre" (Es 51:13). Dieu règne sur l'univers, il est le maître des rois et des peuples et il a déjà convoqué Cyrus, le roi des Perses pour envahir Babylone et libérer le peuple juif pour qu'il puisse retourner sur la terre promise.
    Ce langage est dans le prolongement de la pensée d'Esaïe, fils d'Amots. Un prolongement qui va un peu plus loin, puisque la souveraineté de Dieu ne s'étend pas seulement au peuple d'Israël, mais à toutes les nations, à la terre entière. L'inconvénient de cette affirmation, c'est d'éloigner Dieu de son peuple !
    Si Dieu est le maître de l'univers, pourquoi aurait-il encore à se préoccuper de ce petit peuple d'Israël ? Et pourquoi ce peuple plutôt qu'un autre ? Si Dieu est le maître de l'univers, cela renforce l'idée que tout vient de Dieu, aussi bien le bonheur et la délivrance que le malheur et l'adversité.
    Le prophète est partagé. Il ne peut pas y avoir que la voie de la puissance, de la force, de la violence. L'action de Dieu ne peut pas se voir que dans l'Histoire. Dieu n'a-t-il pas d'autres projets pour son peuple, pour les humains ?
    Le prophète est partagé parce que dans le projet de Dieu de délivrer son peuple, il voit — au-delà du projet politique — tout le cœur, tout l'attachement, tout l'amour que Dieu a pour ces gens qui souffrent. Le but de Dieu est de redonner confiance et espoir à son peuple, de lui redonner vie, d'ôter le sentiment d'abattement, de découragement, de faute.
    Le prophète découvre une autre facette de Dieu, celle du Dieu qui vit au côté de son peuple, du Dieu qui ressent ce que ressentent les humains. Le prophète découvre combien Dieu veut abolir la distance entre lui et les humains, combien Dieu veut abolir cette mécompréhension qui fausse cette relation entre humains et Dieu.
    Cela lui inspire les quatre poèmes du "serviteur souffrant" (Es 42:1-4; 49:1-6; 50:4-9; 52:13—53:12) mystérieux textes où se montre non seulement la miséricorde, la compassion de Dieu, mais où toutes les valeurs sont renversées. Où l'être humain découvre que tout ce qu'il croyait savoir de Dieu est remis en question :
    "Qui de nous a cru la nouvelle que nous avons apprise ?
    Qui de nous a reconnu que le Seigneur était intervenu ?
    Car devant le Seigneur, le serviteur a grandi comme une simple pousse, comme une pauvre plante qui sort d'un sol desséché. Il n'avait pas d'allure ni le genre de beauté qui attirent les regards. Il était trop effacé pour se faire remarquer.
    Il était celui qu'on dédaigne, celui qu'on ignore, la victime le souffre-douleur. Nous l'avons dédaigné, nous l'avons compté pour rien, comme quelqu'un qu'on n'ose pas regarder.
    Or il supportait les maladies qui auraient dû nous atteindre, il subissait la souffrance que nous méritions.
    Mais nous pensions que c'était Dieu qui le punissait ainsi, qui le frappait et l'humiliait.
    Pourtant il n'était blessé que du fait de nos fautes, il n'était accablé que par l'effet de nos propres torts. Il a subi notre punition, et nous sommes acquittés; il a reçu les coups, et nous sommes épargnés. (Es 53:1-5)
    Nous croyions que Dieu était opposé à nous et il est de notre côté. Nous croyions ne pas être digne de lui et il s'abaisse jusqu'à nous. Nous croyions qu'il nous punissait, alors qu'il souffrait notre propre souffrance !
    Ces paroles du prophète anonyme — ajoutées au livre d'Esaïe — sont comme un filon d'or qui parcourt le terreau de la Bible. Ces paroles permettront de comprendre la Passion de Jésus — qui donne sa vie à notre place, comme le serviteur souffrant.
    Comme nous l'avons entendu dans le récit de la conversion du fonctionnaire éthiopien, ces paroles d'Esaïe ont servi de catéchisme pour comprendre la mort de Jésus, le don de sa vie.
    Dieu n'est pas un Dieu lointain, un Dieu distant qui tire les ficelles d'un monde qui nous dépasse. Dieu, au contraire, se veut proche de nous, de chacun d'entre nous, du plus petit au plus âgé, du plus fort au plus faible. Dieu se place lui-même à nos côtés, dans le bonheur comme dans le malheur. Il n'est pas là pour ôter les pierres, les obstacles qui se trouvent sur notre chemin, mais pour nous aider à les contourner, les écarter ou les surmonter.
    Dieu nous soutient dans tous les moments de notre vie. Nous pouvons lui faire confiance et vivre de cette force.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Esaïe 1. Un prophète dans les tourmentes politiques

    Esaïe 1

    3.8.2008
    Esaïe, un prophète dans les tourmentes politiques
    Es 1 : 21-28    Es 2 : 1-5

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Ce dimanche et les deux prochains, j'aimerais vous conduire dans les paysages variés et accidentés du livre du prophète Esaïe. Le plus long livre de prophète de la Bible, 66 chapitres, se présente en fait un trois parties. La première partie (chap. 1-39) présente la collection des paroles du prophète Esaïe, fils d'Amots, paroles prononcées entre 740 et 700 av. J-C., sous les règnes successifs de quatre rois de Juda.
    Le pays du peuple élu est alors divisé en deux royaumes, celui du Nord, appelé Royaume d'Israël et celui du Sud, appelé Royaume de Juda, avec Jérusalem comme capitale. Esaïe conseille donc les rois de Juda, à Jérusalem.
    Pendant ces 40 années, l'empire assyrien s'empare du Royaume du Nord (720) et grignote le Royaume de Juda, jusqu'à assiéger Jérusalem (701).  Cependant, les  troupes assyriennes lèvent le siège et s'en vont, sans prendre la capitale. Cette libération est vue comme un miracle de l'action divine à l'égard de son peuple. Les messages d'Esaïe s'arrêtent sur cette note d'espoir.
    Le prophète est un conseiller critique des rois. Pendant toute cette période mouvementée et menaçante, il apporte les oracles de Dieu. En résumé, les rois veulent se prémunir militairement contre l'envahisseur assyrien (qui vient du nord) en concluant des alliances avec l'Egypte (au sud). Esaïe prône une politique de neutralité : pas d'alliance militaire, seule l'alliance avec Dieu peut préserver Juda et Jérusalem. Il faut mettre sa confiance en Dieu, pas dans les armes.
    Le prophète délivre ses messages à contretemps et à contre-courant. Quand la menace militaire se fait forte, il rappelle l'exigence de se reposer sur Dieu seul et soutient l'espoir de la délivrance. Quand l'étau de relâche, il prêche le jugement de Dieu : attention à ne pas se reposer sur nos forces humaines et à ne pas négliger la justice.
    C'est pourquoi cette première partie du livre d'Esaïe est remplie — ce qui rend sa lecture difficile — de jugements, de condamnations, d'annonces de châtiments, pour Israël, Juda, Jérusalem, mais aussi tous les peuples voisins.
    Fondamentalement, il y a dans le livre d'Esaïe une recherche de compréhension du sens de l'histoire, de ce qui arrive au peuple de Dieu. En fait, les malheurs ne cessent d'arriver pendant toute la période d'activité du prophète. Le territoire du pays ne cesse de rétrécir, jusqu'à n'être plus que la citadelle de Jérusalem ! Que fait Dieu pendant ce temps ? Pourquoi cela arrive-t-il à son peuple, à celui qu'Il a choisi ?
    Esaïe essaie de répondre à ces questions à partir d'un axiome de base : "Tout est entre les mains de Dieu." En partant de là, comment comprendre les malheurs qui ne cessent d'arriver ? Et comment garder espoir ?
    Esaïe expose alors que ces malheurs sont la sanction des fautes des dirigeants et du peuple. A cause de l'injustice, des crimes et de l'idolâtrie, Dieu punit son peuple jusqu'à ce qu'il revienne dans le droit chemin. Ce schéma : "le malheur est une punition - le repentir conduit au retour en grâce" est très culpabilisant, mais comporte aussi une espérance : la possibilité de revenir à la justice, au juste culte, à la juste relation avec Dieu.
    Ce schéma signifie également que ces malheurs ne sont pas une défaite du Dieu d'Israël face aux dieux assyriens, Dieu garde le contrôle et reprendra la main en temps voulu.
    La délivrance de Jérusalem en 701 — racontée comme miraculeuse dans le livre d'Esaïe et dans son parallèle en 2 Rois (c'est un ange du Seigneur qui décime l'armée assyrienne pendant une nuit devant Jérusalem, Es 37:36 et 2 R 19:35) — vient confirmer ce schéma. Cette délivrance de Jérusalem est vue comme la fin du châtiment, le retour en grâce et valide — temporairement — le schéma de pensée d'Esaïe : transgression - punition - retour en grâce.
    Il est intéressant de noter que la Bible nous montre un processus de pensée théologique en cheminement. Avec d'autres témoignages bibliques (Job dans l'Ancien Testament, les Evangiles dans le Nouveau) nous ne pensons plus comme Esaïe, que nos malheurs sont une punition méritée (du moins j'espère que vous ne le pensez pas !) Mais la Bible n'a pas peur de laisser et de montrer des voies qui se sont révélées sans issue. On voit que la découverte de l'être, de la nature de Dieu s'est faite aussi par essais-erreurs et que le souvenir d'erreurs passées peut nous éviter de les reproduire aujourd'hui. La grâce et l'amour fidèles de Dieu priment sur le jugement.
    La validation du schéma d'Esaïe par la délivrance inexpliquée de Jérusalem explique probablement pourquoi deux autres parties sont venues s'ajouter à cette première partie du livre d'Esaïe. Le livre pourrait se terminer là sur une victoire de Dieu sur les armées assyriennes. Mais l'Histoire (avec un grand H) ne le permettra pas. 113 ans après cette délivrance miraculeuse, l'empire de Babylone s'empare de Jérusalem, la détruit et déporte les élites. C'est l'Exil.
    A ce moment-là, il faut repenser la théologie d'Esaïe, il faut explorer d'autres pistes théologiques. Sans effacer cette première partie — qui témoigne des relations entre Dieu et son peuple, des efforts de compréhension et des relations mutuelles — il faut écrire de nouvelles pages à l'histoire de Dieu et de son peuple. C'est une relation en mouvement, en marche, pour nous encore aujourd'hui.
    Nous explorerons donc dimanche prochain cette nouvelle étape avec la deuxième partie du livre d'Esaïe (chap. 40-55). A dimanche prochain.
    Amen
    @ Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Ezéchiel 36. La Pentecôte, aboutissement et commencement.

    Ezéchiel 38

    11.5.2008
    La Pentecôte, aboutissement et commencement.
    Ez 36 : 24-28    Actes 2 : 1-13   

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous vivons le dimanche de Pentecôte, l'aboutissement, la dernière étape du calendrier de l'Eglise, dernière étape qui marque l'accomplissement de la mission de Jésus et de l'œuvre de Dieu.
    Le calendrier de l'Eglise chrétienne commence en décembre avec les dimanches de l'Avent et la fête de Noël. Il continue avec le temps de la Passion, marqué par la semaine sainte : jeudi la dernière Cène, vendredi la crucifixion et dimanche de Pâques, la résurrection. Ensuite se passe le temps de la présence du Christ ressuscité auprès de ses disciples — 40 jours jusqu'à l'Ascension. Puis, 10 jours après, vient la Pentecôte où l'Esprit saint est donné aux disciples pour qu'ils puissent remplir leur mission de témoignage et d'annonce de l'évangile. 
    A partir de Pentecôte commence le temps de l'Eglise, de l'annonce de l'évangile au monde entier. Ce calendrier de l'Eglise, nous le parcourons ainsi chaque année, pour nous souvenir de l'œuvre du Christ et nous mettre en marche pour en témoigner autour de nous.
    Pentecôte est encore l'aboutissement d'un projet plus grand. Le projet d'histoire du salut que Dieu a commencé dès la création du monde et dont toute la Bible témoigne. Il ne va pas de soi, ni que Dieu se révèle aux humains, ni surtout que les humains puissent recevoir cette révélation de Dieu. Aussi Dieu a-t-il procédé par étapes. Et la Bible nous décrit les étapes qui ont été reconnues.
    Le début de la Genèse nous montre la création et comment Dieu fait alliance avec l'humanité toute entière, à travers Adam et Eve, Caïn et Abel, Noé et sa famille. Dieu témoigne de sa bienveillance et de sa volonté en faveur de la vie humaine, sans attente de retour, de reconnaissance ou de foi. C'est un geste unilatéral de Dieu en faveur du monde.
    Ensuite, Dieu choisit de se faire connaître à un homme, Abraham, et à sa famille, sur plusieurs générations. De la famille on passe à une peuplade, les hébreux, à qui Dieu donne sa Loi à travers Moïse. La peuplade nomade devient un peuple avec des institutions, un roi, un temple, un pays.
    A travers l'Exil, ce peuple vivra en même temps une dispersion géographique et la découverte de son identité, toute entière reliée à Dieu au travers du livre qui recueille sa parole; c'est l'expansion du judaïsme. Dans l'Empire romain, le judaïsme est répandu et bien considéré, mais reste une religion "ethnique", liée à l'appartenance physique au peuple d'Israël. 
    Pour que le message de Dieu dépasse le peuple d'Israël et s'ouvre au monde entier, il faut encore une étape. Celle-ci se développe au travers de Jésus. Même si Jésus s'est adressé prioritairement aux juifs d'Israël, son message — d'un amour divin offert à tous, sans barrière, sans restriction, sans condition — est de portée universelle.
    Ainsi la Pentecôte est aussi l'aboutissement du projet de Dieu de se faire connaître au monde entier. Avec le don de l'Esprit saint — qui dans le récit de Luc permet aux disciples de parler toutes les langues du monde connu — Dieu se donne à tous, sans frontière. Le message de l'amour de Dieu est clairement ouvert au monde entier et va parcourir le monde, en commençant par le réseau existant de synagogues parsemées dans tout l'Empire romain.
    Pentecôte, aboutissement et bien sûr commencement. Pentecôte est pour chacun aussi accomplissement et commencement.
    La Pentecôte — à côté de son aspect universel — a aussi un côté personnel et intérieur. La révolution de la Pentecôte n'est pas seulement que la Parole est offerte au monde, c'est aussi que chaque personne reçoit en soi-même la présence même de Dieu.
    Comme l'exprimait déjà le prophète Ezéchiel sous forme de promesse :
    "Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J'enlèverai votre cœur de pierre et je le remplacerai par un cœur de chair." (Ez 36:26).
    Pentecôte, c'est la promesse d'un accomplissement spirituel : Dieu nous équipe directement. Il nous restaure, nous régénère, nous redonne la vie. Là où l'existence nous a blessée, a meurtri notre cœur, nous a poussé à nous blinder, à nous enfermer dans des carapaces, à nous pétrifier, Dieu agit.
    Il nous soigne, il nous remplace notre cœur insensible comme une pierre par un cœur sensible, un cœur à nouveau capable de ressentir, de se mettre en empathie, capable de compassion, d'affection, capable d'amour. Dieu nous transforme pour être à son image, c'est-à-dire capables d'amour, d'en ressentir et d'en donner. 
    Pentecôte, c'est un accomplissement qui nous permet des recommencements. C'est un accomplissement qui nous permet de vivre en accord avec Dieu et les uns avec les autres. C'est un accomplissement qui nous permet de témoigner des bienfaits de Dieu envers nous.
    Pentecôte, c'est un commencement, c'est un nouveau départ, c'est un renouvellement de nos forces, de nos capacités d'aimer.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Jean 6. Qu'est-ce qui nous comble ?

    Jean 6

    27.4.2008
    Qu'est-ce qui nous comble ?
    Jn 6 : 3-13    Jn 6 : 24-29

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Si vous suivez l'actualité depuis quelques mois, vous aurez remarqué l'apparition d'un nouveau mot, et son utilisation de plus en plus fréquente — dans les journaux, chez les politiciens et maintenant chez les économistes — il s'agit de l'adjectif "durable." On est passé des énergies renouvelables au développement durable et — depuis mercredi, à l'assemblée générale des actionnaires de l'UBS — au "profit durable" !
    Ce mot "durable" signifie deux choses différentes, mais liées. Cela signifie le ras-le-bol du jetable, de l'éphémère, de ce qui se détériore et qu'on ne peut pas réparer, du gadget aussitôt usé et abandonné ou duquel nous sommes tout de suite lassés. On veut des choses qui durent, qui ne nous lâchent pas, qui nous accompagnent fidèlement dans la durée.
    Et puis, c'est le souci de la survie de notre planète. Nous n'en avons qu'une et nous devons la sauvegarder, pour nous et nos enfants, la faire durer, donc être plus justes dans notre utilisation des ressources, des matières premières, de la nature. Nous sommes appelés à changer nos comportements pour faire durer notre planète et ne pas la perdre.
    Nous sommes en train de devoir changer notre mentalité pour passer de l'instantané à la recherche de la permanence, de l'éphémère à ce qui conserve sa valeur. Mais cela ne sera pas suffisant si nous ne faisons ce changement que dans le monde matériel. Ce serait certes un progrès si nous nous mettons tous à promouvoir le développement durable. Mais cela n'empêchera pas de rester dans la course où nous serons tous perdant, à la fin, puisque nous sortons tous nus et sans possessions à la fin de notre vie.
    La vie ne peut pas avoir de sens satisfaisant en restant dans la consommation ou l'accumulation de biens. Qu'est-ce qui nourrit véritablement notre existence ? Qu'est-ce qui nous satisfait, nous comble, au fond ? Qu'est-ce qui peut résister aux tempêtes de la vie, tenir bon, rester en permanence, durablement ?
    Comme la foule qui cherche Jésus parce qu'il leur a donné du pain, nous sommes affamés. Nous passons le plus clair de notre temps à travailler, à ramer pour gagner suffisamment pour payer notre consommation de biens, d'objets, de loisirs.
    Là au milieu, Jésus nous dit : "Ne travaillez pas pour la nourriture qui se gâte" — pour des biens de consommation qui s'usent et qui nous lassent — "mais travaillez pour une nourriture qui dure et qui est source de vie véritable" (Jn 6:27) — pour quelque chose qui nous comble vraiment et que rien ni personne ne peut nous ôter.
    Là où Jésus nous place, nous ne sommes pas dans l'usage "durable" de la planète, nous sommes questionnés sur notre vie intérieure. Qu'est-ce qui nous comble ?
    On nous a habitué à chercher à l'extérieur la satisfaction de nos besoins, d'abord par la nourriture puis par les objets, ou la lecture, ou la musique, ou la télé, toutes sortes de façons de remplir notre temps, en croyant remplir notre vie.
    Qu'est-ce qui nous comble ? C'est la question de la foule à Jésus : "que devons-nous faire pour travailler à être comblés ?" Et Jésus répond : "Votre travail, c'est de croire en celui que Dieu à envoyé" c'est-à-dire en Jésus lui-même. Croire en Jésus, avoir confiance en Jésus, dans sa façon de vivre avec Dieu, dans sa façon de nous présenter Dieu.
    La clé, pour combler sa vie, c'est la confiance. La foule suivait Jésus pour remplir son estomac. Jésus l'invite à remplir sa vie pour être comblée. Mais alors, comment remplir sa vie de quelque chose qui nous satisfasse, qui nous comble et qui ne puisse jamais disparaître ?
    Première étape, c'est de prendre acte du vide ! Prendre conscience d'un manque fondamental. Découvrir qu'il y a en nous un besoin, un manque, une quête. Que nous cherchons à combler. S'avouer à soi-même le malaise, le vide, le manque.
    Deuxième étape, réaliser que ce vide, ce manque nous fait peur et qu'en réaction nous cherchons à le fuir, à l'éviter, à nous en détourner (lui tourner le dos, c'est le sens du mot "se divertir"). La plupart de nos comportements cherchent à remplir le vide avec tout ce qui nous passe sous la main. Cela explique la boulimie, les achats compulsifs, la mode etc. auxquels nous cédons tous. Il ne s'agit pas de se blâmer pour cela. Juste de constater. Tant que nous ne voyons pas cela, nous ne pouvons pas en sortir.
    La troisième étape, c'est de faire la liste de nos aspirations profondes. De quoi avons-nous besoin, fondamentalement. Est-ce de sécurité, d'attachement, ou plutôt de liberté, d'amour, d'intimité. Il est plus facile de chercher et de trouver lorsqu'on sait ce qu'on cherche !
    La quatrième étape c'est se mettre en marche dans cette quête. Pour cela nous avons besoin d'appui, d'aide. Nous avons d'un côté besoin d'un appui intérieur, d'une certitude : que nous sommes soutenus dans notre démarche. C'est là que la confiance en Dieu intervient. Acceptons que Dieu nous accompagne sur ce chemin de quête, faisons confiance qu'il nous accepte tels que nous sommes et nous entoure de son amour pour nous soutenir dans notre démarche. Cet amour est notre nourriture sur ce chemin et le but de notre voyage.
    Et puis nous aurons aussi besoin d'aide et de compagnonnage "extérieur", de personnes de confiance avec  qui cheminer et expérimenter. Nous ne voyons pas forcément combien nous avançons et il est précieux d'avoir des personnes qui puissent nous le dire et nous encourager, ou nous aider et nous soutenir dans les moments de découragement.
    Aidés par la prière et la louange, nous pouvons avancer et progresser dans la confiance de la découverte de l'amour infini de Dieu pour nous.
    Cet amour est fidèle (un ancien mot pour dire "durable"), il est solide, il est source qui vivifie et nourrit. Seul cet amour peut nous combler.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Jean 21. Reconnaître la présence de Jésus, de l'intérieur.

    Jean 21

    19.4.1998
    Reconnaître la présence de Jésus, de l'intérieur.
    Ezéchiel 36:24-28    Jean 21:1-14    1 Pierre 3:18-22


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous vivons, dans le calendrier de l'Eglise : le temps pascal, qui va de Pâques à Pentecôte. C'est le temps entre la résurrection et l'ascension, un temps où Jésus est apparu à ses disciples. C'est le temps de la présence du ressuscité parmi les hommes.
    On pourrait s'attendre à des récits merveilleux, des retrouvailles fêtées, des discussions interminables sur les événements de Pâques. On pourrait s'attendre à ce que les disciples manifestent ces retrouvailles par de la vénération, par l'adoration, en se prosternant devant Jésus, etc.
    Les évangiles ne nous racontent rien de ce type. Jésus apparaît et c'est à peine si ses disciples finissent par le reconnaître ! Jésus apparaît comme s'il était transparent, quasi invisible. Dans ses apparitions, Jésus est comme incognito. On ne le reconnaît pas par les sens, la vue ou l'ouïe, on ne le reconnaît que par la foi, dans des événement quasi périphériques, par ce qui se produit dans la vie des disciples.
    Pas de discours, pas de nouvel enseignement de Jésus, seulement une présence discrète, par des paroles qui pourraient être dites par n'importe qui !
    — N'avez-vous rien pris cette nuit ?
    — Allez-y, recommencer, ça peut mordre.
    — Venez, partageons notre repas... etc.
    Dans ce récit de pêche, suivi d'un repas, l'évangéliste veut faire passer deux messages difficiles à tenir ensemble :
    1) la présence de Jésus apporte une dimension inouïe, extraordinaire à la vie quotidienne
    2) la présence de Jésus entre Pâques et l'ascension est vraiment très semblable à sa présence dans l'Eglise des années après l'ascension.
    Les récits d'apparition sont des récits sur la présence de Jésus auprès des disciples de tous les temps. Ils ne sont pas propre au temps de Jésus. Ils sont contemporains de tous les chrétiens. Finalement, ce que les disciples contemporains de Jésus ont vécu, nous pouvons le vivre aussi. Il n'y a pas eu un âge d'or d'abord, puis un âge, disons de plomb, maintenant. Non ! La présence de Jésus au bord du lac de Tibériade et sa présence aujourd'hui sont de la même qualité : l'extraordinaire dans le quotidien.
    Comme les disciples au bord du lac de Tibériade, nous avons à ouvrir les yeux et reconnaître la présence de Jésus dans notre univers quotidien.
    Un inconnu marche sur le rivage de notre vie, il nous demande :
    — alors, ça n'est pas bien allé ces derniers jours ? Que se passe-t-il ? Voulez-vous en parler ?
    — Allez, jetez le filet dans l'eau de votre vie et voyons ce qu'on va en retirer cette fois-ci !
    Il y a dans nos vies des moments de rencontre où l'on peut voir Jésus dans son interlocuteur.
    Cela m'est arrivé, mais je suis aussi embarrassé que l'évangéliste pour dire en même temps :
    1) l'extraordinaire que cela a apporté dans ma vie, d'être écouté et aimé de cette façon. Cela a valut plus que 153 poissons.
    2) dire aussi que tout cela a passé par des mots et des gestes qui restent complètement banals.
    Le surgissement de l'extraordinaire, c'est de voir tout à coup, avec les disciples, que ce Jésus est toujours présent et se manifeste à nous, de manière mystérieuse, mais réelle, sensible. Tout é coup, face à l'abondance de la pêche, face aux gestes du partage du pain, on peut se dire "Il est là, c'est le Seigneur !". La reconnaissance de la présence de Jésus ne provient pas d'un trait particulier de son visage ou de son corps — pas même ses mains ou ses pieds — la reconnaissance ne vient pas de la vue, de l'extérieur, la reconnaissance vient de l'intérieur, d'un sentiment, d'un ressenti particulier, lié à la qualité de la relation, lié à une impression de surabondance.
    Tout à coup, on sent cette présence par la transformation intérieure qui s'est faite en nous. "Aucun disciple n'osait lui demander "Qui es-tu?" car ils savaient qui il était" (Jn 21:12).
    "Ils savaient qui il était". La présence de Jésus incognito éveille quelque chose dans la vie intérieure du disciple, en nous. Cette présence rencontre un écho, touche un point sensible, ouvre en nous un espace nouveau.
    C'est probablement ce qu'exprime le prophète Ezéchiel lorsqu'il parle de la promesse de Dieu de rassembler son peuple et de lui donner un coeur nouveau, un coeur réceptif.
    Ce Jésus qui a vécu parmi nous, qui a souffert, qui est mort et ressuscité, ce Jésus est là encore aujourd'hui auprès de nous pour toucher et transformer nos vies et nos coeurs.
    Proche de nous dans nos nuits, il nous invite à jeter le filet dans la mer de nos vies, pour en sortir l'abondance qui s'y trouve et la partager les uns avec les autres, comme le poisson et le pain rompu et partagé sur la plage avec Jésus.
    Amen.
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Luc 24. Nous avons plus de chance, nous aujourd'hui, que les disciples au matin de Pâques.

    Luc 24

    23.3.2008
    Nous avons plus de chance, nous aujourd'hui, que les disciples au matin de Pâques.
    Luc 18 : 31-34    Luc 24 : 1-12


    Chers amis,
    Ce matin, nous fêtons la résurrection du Christ ! Ce matin, nous nous rappelons le premier dimanche de Pâques, la première aube pascale où les femmes ont découvert le tombeau vide et ont été porter la nouvelle de la résurrection aux autres disciples !
    Nous avons raison de nous réjouir, nous avons raison de laisser éclater notre joie et notre foi en la résurrection, car nous pouvons le faire, aujourd'hui, bien mieux que les disciples au premier matin de Pâques. Oui, je crois que nous avons plus de chance, nous aujourd'hui, que les disciples au matin de Pâques. Il nous est plus facile de croire au Christ ressuscité aujourd'hui, au XXIe siècle, que le surlendemain de la mort de Jésus.
    Je sais que la plupart des gens regrettent le passé et qu'ils pensent qu'il aurait été plus facile d'être croyant, de croire à la résurrection en assistant aux apparitions de Jésus avec ses disciples. Et bien, je crois que c'est une erreur.
    D'abord, lisons les textes, tels qu'ils sont écrits, et non pas tels que nous les imaginons. Les femmes arrivent au tombeau pour embaumer un corps qu'elles ne trouvent pas. Leur réaction ? "Elles ne savent que penser"(v.4). Perplexité. Ensuite "elles sont saisies de frayeur" (v.5) lorsque deux messagers leur apparaissent. Ces femmes vont raconter aux autres disciples ce qu'elles ont vu et entendu et les disciples trouvent leurs propos "absurdes" (v.11). Les disciples ne croient pas les femmes. Pierre part vérifier ce que disent les femmes. Il voit les bandes de lin dans le tombeau et retourne "très étonné" (v.12) chez lui.
    Où est la foi ? Perplexité, peur, incrédulité, étonnement. Voilà les divers états d'esprit des proches de Jésus le jour de Pâques ! De foi ? Aucune ! Les disciples sont déstabilisés, pleins de questions. Que se passe-t-il ? Que s'est-il passé ?
    Une piste leur a été donnée : "Rappelez-vous ce qu'il vous a dit en Galilée." (v.6) La foi va naître de la mémoire, du rappel des paroles et des gestes de Jésus. Ce que Jésus a fait et dit se réalise ! Ce que Jésus a annoncé à propos de Dieu et de lui-même arrive, se passe. Une transformation s'effectue, une lumière s'allume qui donne sens à ce qui a été vécu avec Jésus, à ce qu'il a dit, à ce qu'il a fait.
    Jésus n'apparaît même pas dans le récit du tombeau vide raconté par Luc ! Ce n'est qu'après un travail de mémoire et les gestes du partage du pain que les disciples d'Emmaüs reconnaissent que Jésus a fait chemin avec eux auparavant.
    La foi ne naît pas de la vision de la résurrection (elle ne nous est jamais montrée ou décrite), la foi naît de la vision des effets de la résurrection dans la vie de tous les jours.
    C'est là notre grand avantage par rapport aux disciples. Les disciples n'ont que quelques heures, quelques jours derrière eux, pour voir les effets de la résurrection autour d'eux. Nous avons vingt siècles d'histoire du monde.
    La résurrection elle-même reste un mystère indéchiffrable, mais ses traces dans notre histoire sont lisibles. Elle laisse une trace chaque fois que ce qui devait être une fin, un terminus, ouvre à un nouveau début; chaque fois que ce qui devait être un anéantissement ouvre à un réveil, à un surgissement, à une renaissance. Chacun en a des exemples dans sa propre vie.
    La résurrection du Christ est la façon qu'a eue Dieu de mettre son sceau, sa signature sur les paroles et les gestes de Jésus. Et notre monde — malgré toute l'obscurité qu'il comporte encore — porte les marques nombreuses de la dynamique de vie des paroles et des gestes de Jésus. C'est la puissance de la résurrection dans notre monde !
    Sans la résurrection,  le message de Jésus serait tombé dans l'oubli.
    Sans la résurrection, nous ne vivrions pas sous le signe de l'égale valeur de tous les êtres humains, comme enfants d'un même Père, nous serions une société de castes avec ses hommes libres et ses esclaves ou ses parias.
    Sans la résurrection, nous ne vivrions pas la liberté individuelle, y compris celle de quitter le Père comme le fils prodigue.
    Sans la résurrection, nous n'aurions pas d'émancipation des femmes ou de protection des enfants.
    Sans la résurrection, nous n'aurions pas de combat pour la justice sociale et d'attention aux plus pauvres, aux plus démunis ou aux opprimés.
    Sans la résurrection, nous n'aurions pas de séparation entre le pouvoir religieux et le pouvoir politique, amalgame qui a conduit Jésus sur la croix.
    Sans la résurrection, nous n'aurions pas cette attention constante au prochain qui a fait naître les hôpitaux, la Croix-Rouge et les organisations humanitaires.
    Nous ne savons toujours pas comment Jésus est ressuscité, nous ne savons pas l'expliquer et le décrire, mais nous pouvons lire dans le monde les signes, les effets, les conséquences de la résurrection.  C'est pourquoi je pense que nous avons plus de chance que les disciples au matin de Pâques. Joyeuses Pâques à tous !
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Matthieu 22. "Aime et fais ce que tu veux !"

    Matthieu 22

    9.3.2008
    "Aime et fais ce que tu veux !"
    Ga 5 : 13-15    Mt 22 : 35-40

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers catéchumènes,
    Vous avez entendu tout à l'heure les réflexions des catéchumènes sur la question de la violence, des règles, du respect des autres. On sent qu'ils ont un sens très correct d'où est le bien, où est le mal, un sens de la justice et de l'injustice. En même temps, il reste des zones floues — pour nous adultes aussi d'ailleurs.
    Un exemple : on n'aime pas la délation et on dit à nos enfants : "Ce n'est pas bien de rapporter !" Mais en même temps, on leur demande de venir nous avertir si quelque chose ne va pas, tourne mal. Où est la frontière entre "avertir en cas de danger" et "rapporter une mauvaise action" ?
    On a besoin d'un mode d'emploi de la vie, des situations concrètes. Voilà plusieurs modes d'emploi : celui d'un appareil de photo, celui d'un lecteur DVD, celui d'une photocopieuse, celui d'un programme informatique. Et voici [montrer la Bible] le mode d'emploi de la vie.
    Il est épais, mais pas tellement, si on le compare aux autres. Surtout que chacun ne concerne qu'un seul objet à la fois, alors que la Bible concerne vos 70 ou 100 années de vie !
    Comme dans tout livre-mode d'emploi, il y a des pages-résumé : le décalogue, le Sermon sur la Montagne (Mt 5—7) et le Sommaire de la Loi énoncé par Jésus :
    "Tu dois aimer le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ton intelligence. C'est là le commandement le plus grand et le plus important. Et voici le second commandement, qui est une importance semblable : Tu dois aimer ton prochain comme toi-même."
    Les Evangiles et toute la Bible ne sont que des illustrations pratiques de ces deux commandements.
    Les catéchumènes trouvaient qu'il y avait trop de règles. C'est vrai, seul un avocat qui en fait son métier peut connaître toutes les lois, et encore. Les maîtres de la Loi du temps de Jésus comptaient 613 commandements. 248 commandements positifs (qui obligent à faire quelque chose) et 365 commandements négatifs (qui interdisent).
    Face à ce méli-mélo, Jésus est venu dire : il y a deux commandements : Aime Dieu et Aime ton prochain et ces deux commandements sont semblables. On fait la même chose en aimant Dieu et en aimant les autres. Un pasteur de la fin de l'empire romain (saint Augustin) disait : "Aime et fais ce que tu veux !" En choisissant l'amour comme raison d'agir, on se construit une personnalité juste.
    Il y a en nous une bagarre intérieure, des tensions, des envies contradictoires. Nous savons généralement où est le bien, mais nous sommes attirés par "le côté obscure de la force." Nous connaissons la vérité, mais nous sommes tentés de mentir. Nous voyons la souffrance des autres, mais nous sommes tentés par notre propre intérêt.
    Qu'allons-nous choisir ? Voici une histoire :

    « Un vieil indien parle de la vie à un enfant : "Une guerre se déroule en nous, deux loups se battent dans nos pensées. Le loup de la colère, de la jalousie, de la tristesse, du regret, de l'envie, de l'arrogance, de la culpabilité, de l'amertume, du sentiment d'infériorité, du mensonge, de la prétention, de l'ego.
    Le loup de la joie, de la paix, de l'amour, de l'espérance, de la sérénité, de la simplicité, de la gentillesse, de la bienveillance, de la sympathie, de la générosité, de la vérité, de la compassion, de la foi."
    L'enfant réfléchit un moment et demande : "Lequel gagnera ?"
    Le vieil homme répond : "Celui que tu auras nourri." »*
    Chacun de nos choix nourrit un des deux loups, une des deux parties de nous-mêmes ! Qui voulons-nous devenir ?
    Nous ne sommes pas seuls avec le mode d'emploi de la vie qu'est la Bible. C'est une des particularité du christianisme : nous ne sommes pas guidés par un livre, mais par une personne. Le but de la vie n'est pas d'obéir à une loi — même la loi de Dieu. Le but de la vie, c'est d'être en relation et de vivre heureux dans ces relations.
    Jésus n'a jamais dit : "Suivez la Loi." Jésus nous interpelle en nous disant : "Suis-moi !" Jésus est venu accomplir et remplacer la Loi. Nous n'avons plus à obéir à 613 commandements, mais à aimer une personne — Jésus — et à s'inspirer de ce qu'il a fait pour vivre avec les autres.
    La Bible est un mode d'emploi de la vie, parce qu'elle nous raconte comment Jésus a vécu et comment d'autres hommes et d'autres femmes ont vécu en suivant Jésus.
    Chacun de nous peut découvrir et mieux connaître Jésus pour voir comment il a vécu et comment il a aimé. Ainsi nous apprendrons à aimer à notre tour pour vivre heureux.
    Amen

    * Antoine Nouïs, Les cahiers du Caté, tome 3, Ed. Olivétan, Lyon, 2004, p. 61
    © Jean-Marie Thévou, 2008

  • Jean 4. La samaritaine découvre la présence divine qui émane de Jésus

    Jean 4

    2.3.2008
    La samaritaine découvre la présence divine qui émane de Jésus
    Jn 4 : 5-15    Jn 4 :16-26 +28-30    Jn 4 : 39-42


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Jésus a rencontré une femme au bord du puits de Jacob et c'est toute la vie d'un village qui a été transformée !
    On dit que l'Evangile de Jean raconte moins de miracles que les autres Evangiles. Je dirais que Jean est plus sensible aux transformations humaines, aux changements dans les relations et c'est pourquoi il nous rapporte davantage de discours et de rencontres de Jésus que de guérisons "miraculeuses." Jean s'efforce de s'éloigner du "surnaturel" pour approcher davantage le "divin" qui émane de la présence de Jésus. Et c'est bien ce "divin", cette "présence divine" qui est à l'œuvre dans ce dialogue avec la Samaritaine.
    Nous avons entendu ce dialogue en trois sections, en trois étapes qui montrent l'évolution de la relation avec Jésus et la transformation des personnages.
    A. La première étape de la rencontre est marquée par les barrières sociales. La venue solitaire de cette femme, à midi, auprès du puits de Jacob est étrange. Ce n'est pas une heure habituelle pour venir puiser de l'eau. Le puits est un lieu de rassemblement où l'on vient se voir, échanger des nouvelles, si ce n'est des cancans. Donc, les femmes s'arrangent pour y venir à un même moment pour se retrouver entre elles.
    Cette femme fuit donc la compagnie des autres. Elle est exclue du village, ou bien elle s'en exclu en venant puiser de l'eau à midi. Isolement. Deux autres barrières sont mentionnées dans le texte : "les juifs n'ont pas de relations avec les samaritains" et les disciples sont tout étonnés de trouver Jésus parlant à une femme. Tout était en place pour que la rencontre n'ait pas lieu, mais Jésus ne tient pas compte de ces barrières, il s'adresse sans arrière-pensée à cette femme, samaritaine, isolée, peut-être exclue.
    Le dialogue d'engage sur une demande de Jésus qui donne à cette femme une position égale, voire même supérieure à celle de Jésus. Jésus se pose en demandeur dépendant du bon vouloir de la femme. Mais la femme doute de cette bienveillance. Elle n'arrive pas à croire à la bonne foi de Jésus, elle se méfie : "où est le piège ?" Et quand Jésus lui dit qu'il pourrait lui offrir mieux que Jacob, mieux que l'eau du puits, elle doute encore plus : "Es-tu plus grand que Jacob ?".
    B. En plus des barrières sociales, la femme dresse quelques barrières intérieures. La deuxième étape, pour Jésus, va être de mettre le doigt sur ces barrières intérieures, sur ces jugements intérieurs que la femme s'inflige à elle-même. D'où cette demande de Jésus qu'elle aille chercher son mari.
    Comment Jésus a-t-il eu cette intuition ?  Rien dans le texte ne nous l'indique, mais il touche juste. C'est bien le statut marital de la femme qui fait qu'elle se juge indigne, ou méprisable, et qu'elle ne se mêle pas aux autres femmes — ou encore qu'elle se sent trop blessée par les regards ou les commentaires des autres femmes.
    Jésus relève le fait — simplement comme un fait— sans y assortir aucun jugement, si ce n'est d'approuver qu'elle lui dise la vérité. Cet accueil non-jugeant de cette femme par Jésus fait tomber sa peur, sa méfiance, ses doutes ! Elle ne voit plus en Jésus un juif ennemi. Elle peut maintenant reconnaître en lui un prophète, un clairvoyant investi par Dieu. Elle est touchée par l'émanation du divin en Jésus, ce qui l'amène à poser la question du juste lieu où se trouve la présence divine.
    Remarquez que cette question vient du fait qu'elle sent en Jésus cette présence mystérieuse de Dieu et que cette Présence l'a touchée précisément au moment où Jésus se retient de tout jugement !
    La femme témoigne de sa découverte du divin en Jésus par ces mots : "Il m'a dit tout ce que j'ai fait." Jésus n'escamote pas ce que la femme a vécu, il ne le minimise pas, il ne cache rien, tout est mis sur la table et peut être vu, regardé, exposé, mais sans jugement. Et la femme peut se réapproprier son vécu, tel quel, et cela la fait avancer dans sa foi, dans sa découverte du "mystère Jésus" : "Ne serait-il pas le Messie ?"
    C. Dans la troisième étape, cette femme est mise en mouvement, elle retourne dans son village et se met à parler à tout le monde de son expérience d'avoir été touchée par le divin. "Il m'a dit tout ce que j'ai fait." Tout le village devait le savoir ! Elle en avait eu honte. Le village lui en voulait probablement. Mais là, plus de honte, le sujet n'est pas son comportement, mais le fait que ce Jésus a tout compris d'elle que ce Jésus l'a acceptée telle qu'elle est, que ce Jésus ne l'a pas jugée, ne l'a pas exclue.
    Cela a pour effet que les villageois la réintègrent à leur communauté, elle fait à nouveau partie du village et tous les villageois veulent en savoir plus sur cet homme de qui émane une présence divine.
    Jésus reste avec eux deux jours et il leur parle. On aimerait bien savoir quelque chose de leurs échanges. Ce qu'on lit dans le texte, c'est que la présence divine qui émane de Jésus se manifeste aussi auprès des villageois, puisqu'ils vivent la même transformation, le même chemin de foi que la samaritaine : ils passent des "on-dit" à une confession de foi. Ils passent de l'écoute du témoignage de cette femme à une rencontre véritable avec Jésus. "Maintenant, nous ne croyons plus seulement à cause de ce que cette femme a raconté, mais parce que nous l'avons entendu nous-mêmes et nous savons qu'il est le Sauveur du monde." (Jn 4:42)
    Cette présence de Jésus est véritablement une source jaillissante qui renouvelle nos vies. Sa parole, lue, partagée, priée est source de sa présence en nous aujourd'hui. Le pain et le vin que nous allons partager est la présence dont il nous nourrit aujourd'hui.
    Goûtons à cette divine présence, de sorte à aller ensuite la porter à tous ceux qui croiserons nos pas et toute la vie du village pourra en être transformée.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Ps 137. Comment continuer à louer Dieu dans la détresse ?

    Ps 137

    24.2.2008
    Comment continuer à louer Dieu dans la détresse ?
    2 Rois 25 : 8-12     Ps 137 : 1-9    Mt 26 : 36-46


    "Assis au bord des fleuves à Babylone, nous pleurions en évoquant Sion." Ps 137:1
    Ce Ps 137 mélancolique a inspiré les musiciens. Dans la lignée réformée, le compositeur Wolfgang Dachstein, en 1525 — donc tout au début de la réforme —  a écrit la musique de ce cantique (que nous chanterons tout à l'heure) et dont nous entendrons une variation écrite par J.S. Bach après la prédication.
    [jouer le thème] [http://www.hymnary.org/hymn/CCEH/803]
    Plus récemment, Boney M. chantait "By the rivers of Babylon" [jouer la mélodie] [http://www.youtube.com/watch?v=Nm1g8FFRArc]
    Ce Psaume est très particulier parmi les 150 psaumes de la Bible, parce qu'il est le seul psaume qui peut être daté et relié à un événement précis de l'histoire d'Israël. Il fait directement référence à l'Exil d'Israël à Babylone entre 587 et 538 av. J.-C.
    Jérusalem a été détruite comme nous le raconte la fin du livre des Rois et l'élite du peuple a été déportée à Babylone. Et là, ce psaume est comme une fenêtre ouverte sur l'histoire de cet exil, comme une signature biographique du groupe des chantres de Jérusalem à l'intérieur du psautier.
    L'Exil a été un bouleversement complet pour le peuple d'Israël, ses dirigeants et tout le personnel du Temple. C'est la fin de la royauté, c'est la fin du Temple, c'est la fin de l'unité ou de la résidence dans le pays, la terre promise, donc la fin d'une identité. Le peuple d'Israël aurait pu être rayé, non seulement des cartes de géographie, mais de l'Histoire ! Et pourtant, cet Exil a probablement été l'événement qui a fait naître le judaïsme et la Bible tels que nous les connaissons.
    Pour ne pas perdre son identité, son Dieu, son histoire, le groupe des déportés a rassemblé ses traditions, son histoire, sa liturgie dans un ensemble qui est devenu la Torah, puis notre Bible.
    Dans ce Ps 137, nous avons la trace — par ceux qui ont collecté et édité les Psaumes — d'une part de leur état d'esprit "sur les rives des fleuves de Babylone" et d'autre part de leur serment de ne jamais oublier Jérusalem, leurs traditions, leurs chants.
    Historiquement, l'évocation de ce souvenir est important, il ressemble aux signatures des tailleurs de pierre sur les blocs des cathédrales, on touche ici un signe des bâtisseurs de la Bible, le monument qui fonde notre foi.
    Spirituellement, ce Ps 137 est aussi important, parce qu'il pose la question cruciale :
    "Comment pourrions-nous chanter un cantique du Seigneur sur une terre étrangère ?" (Ps 137:4)
    Comment continuer à louer Dieu, à lui rendre un culte dans la détresse, dans le deuil, dans le malheur ? Quelle attitude, quelle foi conserver en Dieu lorsque nous sommes plongés dans le malheur ? C'est par là que ce Ps se rattache au temps de la Passion et qu'on peut le mettre en parallèle avec la nuit que Jésus passe à Gethsémané.
    Décorticons un peut les étapes du Ps :
    Il y a d'abord la situation qui provoque la tristesse.
    •    Puis le comportement inadéquat des autres "Comment osent-ils nous demander de chanter ?".
    •    Puis la question fondamentale : peut-on encore chanter ? L'interrogation profonde : est-il encore possible d'être heureux avec ce qui nous arrive… et tous les pourquoi qui accompagnent le malheur.
    •    Puis le serment de garder la mémoire du passé, garder la mémoire des temps heureux. C'est une manière de ne pas se laisser happer tout entier dans le noir du moment présent : oui, il y a eu des temps heureux, ce n'est pas toute la vie qui est malheureuse, mais le temps présent. Cela ouvre à la possibilité d'un retour des temps heureux, même si non ne voit pas encore comment.
    •    Enfin, cette fin du Ps qui nous laisse mal à l'aide avec ces appels à la revanche, à la vengeance, à la destruction totale et brutale de ses persécuteurs.
    Résumons : tristesse, inadéquation de l'entourage, interrogations, ancrage dans le souvenir, révolte et colère.
    Il est intéressant de voir à quel point on retrouve ces éléments dans le récit de Gethsémané :
    •    la tristesse et l'angoisse de Jésus
    •    l'inadéquation des disciples qui n'arrivent pas à rester réveillés
    •    l'interrogation "n'est-il pas possible d'éloigner cette coupe ?"
    •    l'ancrage en Dieu : c'est à lui que Jésus s'adresse dans la confiance de ce qui a été construit auparavant dans leur relation.
    •    la révolte et la colère contre la faiblesse humaine. Cette colère n'est cependant pas orientée dans le sens de la vengeance, mais canalisée comme la détermination d'assumer son arrestation et son destin.
    Qu'est-ce que cela nous dit sur notre rapport à Dieu lorsque nous traversons le malheur ? D'abord qu'il y a une acceptation de nos sentiments humains : tristesse, interrogations, révolte et colère, même le désir de vengeance. Nous pouvons exprimer tout cela et Dieu est assez fort pour l'entendre et le recevoir.
    Plus encore : Jésus est passé par là, il nous comprend. Tristesse, interrogations, imprécations, révolte ou même l'impossibilité de prier ne sont pas des manques de foi. Ce sont des passages, des étapes, comme l'Exil pour le peuple d'Israël, comme le sommeil des disciples, qui peuvent déboucher sur quelque chose de tout différent. C'est comme la lente germination du blé sous le gel de l'hiver.
    Mais ensuite, pour ne pas être emporté par la tempête, ne pas être submergé par la douleur, les idées noires, il est nécessaire d'avoir un ancrage.
    Les chantres, au bord des fleuves de Babylone avaient leurs souvenirs de Jérusalem, Jésus avait son ancrage dans sa relation à son Père. Il est important pour nous de trouver notre ancrage personnel — et si possible avant la tempête, avant le malheur. 
    Qu'est-ce qui compte vraiment pour nous ? Qu'est-ce que nous avons vécu de bon, de beau, d'essentiel que rien ni personne ne peut nous enlever ? Chacun possède en lui une ressource qui peut devenir son ancrage personnel pour surmonter les difficultés, les malheurs.
    A chacun d'identifier ce moment, cet événement, à chacun de lui attacher quelques mots ou images claires pour pouvoir l'évoquer, l'invoquer chaque fois qu'une situation difficile, douloureuse se présente. Avec cet ancrage, chacun peut recevoir la détermination d'affronter et d'assumer son destin.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008