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  • Jésus est envoyé pour étendre la libération de Dieu à tous les peuples de la terre

    (27.12.1998)

    Luc 2

    Jésus est envoyé pour étendre la libération de Dieu à tous les peuples de la terre

    Exode 6 : 2-8        Luc 13 : 10-17        Luc 2 : 27-35

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  • Revenir sur sa vie pour y reconnaître la trace de la présence de Dieu

    (7.7.2002)

    Luc 17

    Revenir sur sa vie pour y reconnaître la trace de la présence de Dieu

    Lévitique 14 : 1-9.      Luc 17 : 11-21

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Le récit de la guérison des 10 lépreux — que nous rapporte Luc — nous parle aussi de reconnaissance : la reconnaissance d'un homme qui réalise qu'il est guéri et revient sur ses pas pour remercier Jésus.

    Cependant, soyons prudent de ne pas tomber dans le piège d'une lecture trop rapide où Luc nous donnerait simplement une leçon de politesse du genre : "Alors ? qu'est-ce qu'on dit ? Allons, mon petit, dis merci au Monsieur !"

    Jésus ne dit pas au lépreux : "Lève-toi et va; ta politesse t'a sauvé." Il dit "Lève-toi et va; ta foi t'a sauvé." Il n'est pas question ici de la politesse de dire merci, mais de la foi de cet homme, même s'il est bien question de reconnaissance. Examinons cela.

    Luc a rattaché à ce récit de guérison une discussion de Jésus avec des pharisiens sur la question de la venue du Royaume de Dieu. Les pharisiens sont curieux de savoir quand le Royaume de Dieu doit venir, comment il viendra, à quels signes on le reconnaîtra. Et voilà que Jésus leur répond — quelle déception ! — que "le Royaume de Dieu ne vient pas de telle façon qu'on puisse le voir" (Luc 17:20). Le Royaume de Dieu n'est pas observable, localisable, il n'est pas ici ou là, mais — ô surprise — il est déjà là, parmi vous, à votre portée.

    Le récit de la guérison des 10 lépreux est le signe qui a déjà été posé de cette présence parmi nous, à notre portée du Royaume de Dieu. Pour voir le Royaume de Dieu, il faut se retourner, regarder en arrière, revenir sur ses pas (dans le texte) et le reconnaître comme l'a fait le dixième lépreux. Revenons donc sur ce qui se joue dans ce récit de guérison.

    Comme le veulent la loi et les précautions médicales, les lépreux doivent se tenir à l'écart de la communauté. C'est pourquoi ils interpellent Jésus de loin. Dans un premier temps, Jésus ne semble pas s'approcher d'eux, il leur dit simplement d'aller se présenter aux prêtres comme cela est prescrit dans la loi de Moïse — le texte que nous avons entendu tout à l'heure.

    Le récit ne nous dit rien sur la guérison elle-même, quand elle se passe, comment elle arrive. On n'en sait rien, cela n'a aucune importance dans le récit. Ce qui a de l'importance, c'est qu'un homme, tout à coup, réalise qu'il est guéri. Littéralement : "il se voit guéri" (Luc 17:15). Il prend conscience de ce qui lui arrive, il réalise qu'il a été guéri, transformé.

    Probablement que les 9 autres lépreux se sont aussi aperçu qu'ils sont guéris maintenant. Mais un seul relie cette guérison à son histoire et au passage de Jésus dans sa vie ! Cet homme revient en arrière sur sa vie, sur son parcours, sur son histoire et y reconnaît la trace de l'action divine. Il relit son histoire, il la passe en revue avec un regard neuf pour y reconnaître, y identifier, ce que Dieu y a semé.

    N'avez-vous jamais entendu quelqu'un dire : "à voir mon parcours, comment les événements se sont enchaînés, ce qui m'est arrivé, je vois maintenant que j'ai été guidé" ou "cela n'est pas arrivé par hasard, Dieu m'a accompagné." Voilà la démarche de foi du dixième homme, reconnaître dans sa vie la trace de Dieu et venir lui rendre grâce de cette présence.

    La reconnaissance dont il est question dans ce récit de guérison a donc bien deux natures. D'un côté, reconnaître, identifier l'action cachée de Dieu dans mon existence. Une action cachée parce que le Royaume de Dieu n'est pas visible, évident, démontré. Mais une action reconnaissable — après coup — parce que le Royaume de Dieu est déjà là, déjà présent parmi nous, en nous. De l'autre côté la reconnaissance dans le sens de la gratitude, venir rendre grâce de cette découverte de la présence mystérieuse de Dieu dans nos vies.

    Cette double reconnaissance est l'expression de la foi, de la confiance que Dieu est présent dans nos vies, qu'il nous guide et que nous pouvons l'y découvrir si nous regardons notre vie en revenant sur nos pas.

    Et les 9 autres alors ? Pourquoi ne font-ils pas le même chemin puisqu'ils ont été guéris eux aussi ? Je pense que les 9 autres n'ont reconnu en Jésus qu'un guérisseur professionnel. Il a fait son travail, il les a guéris, et il n'y a pas de quoi revenir là-dessus — pensent-ils.

    La guérison s'explique par le pouvoir de guérisseur de Jésus, de la même façon que nos guérisons par la médecine s'expliquent par le pouvoir médical de la médecine moderne — et il n'y a pas à mêler Dieu dans tout ça !

    Et neuf personnes sur 10 sortent de l'hôpital sans revenir sur leur histoire et sans se poser la question : "Mais que vais-je faire de ma guérison, de la santé et des jours qui me sont donnés en plus ?"

    Peut-être aurons-nous quelques minutes au milieu de nos vacances pour nous demander : "Que faisons-nous de nos guérisons?"

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

  • Creuser, approfondir et trouver le roc sur lequel construire sa personnalité.

    (20.6.1999)

    Luc 6

    Creuser, approfondir et trouver le roc sur lequel construire sa personnalité.

    Deutéronome 10 : 12-19

    Hébreux 13 : 1-3

    Luc 6 : 46-49

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    Chers amis,

    C'est aujourd'hui la Journée des réfugiés, pour le pays et pour l'Eglise. C'est une occasion pour réfléchir à leur sort et au nôtre, une occasion de marquer notre solidarité au travers de l'offrande et d'autres signes. Aujourd'hui, l'offrande sera faite en faveur des organismes d'Eglise qui s'occupent de réfugiés.

    Comme vous le savez, les habitants de Bussigny, cette année, n'ont pas attendu ce jour pour marquer concrètement leur solidarité envers les réfugiés arrivés récemment du Kosovo. Depuis le mois d'avril, la commune et des personnes bénévoles se sont réunies et mises au travail pour organiser l'accueil et l'accompagnement des réfugiés arrivés à fin mai.

    Je trouve cette mobilisation formidable. J'aimerais relever ces élans de solidarité qui se sont manifestés et traduits concrètement. Tout cela est réjouissant et nous montre — en contre point de ce qui s'est passé au Kosovo — qu'on peut encore espérer en l'humain, en l'humanité.

    L'accueil, l'hospitalité, la solidarité font partie de ce que Dieu essaie de susciter en chaque être humain, font partie de ce que Dieu attend de son peuple. Dans les paroles du Deutéronome qui vous ont été lues, il y a des propos très forts dans ce sens :

     

    "Le Seigneur est le Dieu des dieux, le Seigneur des seigneurs, le Dieu grand, puissant et redoutable, qui n'avantage personne et ne se laisse pas corrompre par des cadeaux. Il prend la défense des orphelins et des veuves, et il manifeste son amour pour les étrangers installés chez vous, en leur donnant de la nourriture et des vêtements. Vous donc aussi, aimez les étrangers qui sont parmi vous; rappelez-vous que vous étiez des étrangers en Egypte." (Dt 10:17-19)

    Cette partie du Deutéronome fait partie du livre qui a été retrouvé dans le Temple vers 640 av. J.-C. et qui a provoqué la réforme du roi Josias, racontée dans 2 Rois 22—23. C'était une période troublée. Le royaume du nord, la Samarie, était tombée aux mains du roi d'Assyrie. Jérusalem avait même été assiégée un demi-siècle plus tôt par Sennachérib et miraculeusement libérée. Malgré cette précarité, Dieu affirme son identité en protégeant le faible et le déraciné et en demandant à son peuple de faire de même, en se souvenant de leur propre précarité en Egypte.

    Même lorsque le pays est menacé, Dieu refuse de devenir un Dieu exclusivement national. Dieu affirme et confirme au contraire la nécessité de l'ouverture, comme s'il entrevoyait le risque contenu dans tout nationalisme qui s'affirme contre l'étranger : risque de haine, de division, risque d'épuration ethnique, risque de déportation. Il n'y a qu'un façon de vivre heureux et en paix, c'est de s'ouvrir et d'accepter son voisin, quel qu'il soit, et de l'aimer comme son prochain.

    Mais, c'est vrai que ce n'est pas toujours facile ! Il ne suffit pas de le vouloir pour le pouvoir, pour arriver à le faire. Il y a en nous des émotions, des sentiments qui nous retiennent, qui paralysent les élans que notre esprit voudrait lancer ! "Aimez les étrangers qui sont parmi vous" (Dt 10:19) cela ne vient pas tout seul.

    Là, le problème, ce n'est pas l'étranger ou le réfugié. Le problème, c'est notre peur, notre sentiment de peur. Lorsque nous avons peur, nous sommes comme l'homme qui a bâti sa maison directement sur le sol. Quand l'eau monte, cet homme a de bonnes raisons d'avoir peur, car il sait que sa maison va être emportée. La peur est un sentiment normal, approprié, dans ces circonstances. La peur va peut-être même le sauver si elle lui fait quitter sa maison avant qu'elle ne soit emportée.

    Lorsque Jésus raconte cette petite histoire des deux maisons, il n'a cependant pas l'intention de nous donner un cours d'architecture ! Jésus raconte cette histoire pour nous parler de la construction de notre personnalité, de notre identité.

    Il voit deux façons de construire sa personnalité. Une façon qui garantit de rester solide face aux événements et catastrophes qu'apporte l'existence et une façon qui nous laisse désemparés, le jouet des éléments, vivant dans la peur de la prochaine tempête.

    Toute personne sort de l'enfance et de l'adolescence en ayant reçu un terrain pour y construire sa maison. L'humain sensé, nous dit le texte, fait trois choses : il creuse, il approfondit, il trouve le roc sur lequel poser les fondations de sa maison.

    Creuser, c'est d'abord gratter la surface des choses. Ne pas se contenter de ce qui est visible et superficiel. C'est aller au-delà des apparences pour chercher l'invisible. C'est la première étape, dépasser l'évidence pour chercher le sens.

    Approfondir, c'est continuer la démarche en explorant en profondeur ce qu'on a reçu comme terrain. Il faut continuer à déblayer, ôter et trier ce qu'on a reçu alors qu'on n'avait pas encore un discernement suffisant pour savoir ce qui serait utile et ce qui ne l'est pas. Pendant cette deuxième étape, on peut collecter des matériaux utiles pour construire la maison telle qu'on la veut.

    Trouver le roc pour poser les fondations, c'est le résultat de ce travail. Il y a au fond de nous-mêmes, un roc posé par Dieu sur lequel on peut construire solidement, une maison inébranlable, une identité qui ne sera pas balayée par le premier orage venu.

    Ce roc se trouve dans la Parole de Dieu et sa pratique, nous rappelle Jésus. Ce roc, on le trouve nommé dans le texte du Deutéronome : "Autrefois, le Seigneur ne s'est attaché qu'à vos ancêtres, c'est eux qu'il a aimés; et maintenant c'est vous, leurs descendants, qu'il a choisis parmi toutes les nations" (Dt 10:15) "c'est eux qu'il a aimés, maintenant c'est vous qu'il a choisis".

    Beaucoup entendent cette parole, mais ne la mettent pas en pratique dans leur vie, c'est-à-dire qu'ils ne se l'attribuent pas à eux-mêmes, personnellement. Ils pensent que cette parole n'est pas vraiment pour eux, qu'ils ne la méritent pas vraiment, qu'ils ne sont pas à la hauteur pour la recevoir. Et pourtant... elle est bien dite à chacun, à vous tous, individuellement.

    Sur ce roc, il est possible de construire une personnalité solide. Assez solide pour ne pas se sentir menacée, même lorsque les journaux annoncent ce qu'ils appellent "un flot" de réfugiés. Sur ce roc, il est possible de construire une maison suffisamment solide pour rester ouverte et accueillante.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

  • Un parcours de vie

    Luc 15

    10.2.2019

    Un parcours de vie

    Colossiens 3 : 12-17        Luc 15 : 11-24

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Cette parabole de Jésus intitulée le "Fils prodigue" est probablement la parabole la plus connue de l'évangile. C'est aussi celle qui résume avec le plus d'intensité la bonne nouvelle de l'évangile : Dieu nous accepte inconditionnellement.

    Un danger nous guette cependant lorsque nous entendons et méditons cette parabole, c'est de "noircir" le premier fils pour faire ressortir avec plus de relief la bonté du père.

    Le père n'est-il pas d'autant meilleur que le fils est un fieffé vaurien, un gaspilleur de fortune et coureur de jupon ? Attention, cela n'est pas dans notre récit, c'est dans la suite, dans la bouche du frère aîné qui essaie de dénigrer son frère.

    Ne tombons pas dans le piège — contraire à l'évangile — de faire de cette parabole une morale pour tenir tranquille les enfants et vanter la sagesse anticipatrice des parents. Cette parabole ne nous est pas donnée comme instrument de pouvoir parental, mais comme parole libératrice pour tous ! Cherchons à entendre la parabole sans trop de parasites !

    Cette parabole nous expose un parcours de vie assez ordinaire, en raccourci.

    1) Première étape. Arrivé à l'âge adulte, un fils décide de prendre son envol, de quitter le nid familial. Il demande sa part d'héritage à son père. Rien ne nous indique qu'il y ait de la part du fils de l'agressivité dans sa demande, ou de la réticence à y répondre de la part du père. Le père partage entre ses deux fils et le cadet prend la part qui lui revient et s'en va.

    Quitter le père, la famille pour chercher son autonomie, ses propres valeurs, son propre accomplissement, sa propre personnalité, c'est le chemin normal de tout individu.

    2) Deuxième étape, le fils fait sa vie là-bas et dépense l'avoir, les biens qu'il avait reçu. Ici on pourrait bien sûr faire le reproche de n'avoir pas été prudent, économe, etc. Mais n'est-ce pas dans la nature des choses, des biens de consommation, d'être consommés. Chez nous aussi le frigo se vide chaque semaine. Le problème n'est pas qu'il se vide, c'est comment faire pour pouvoir le remplir à nouveau chaque semaine !

    En plus là-bas, la famine survient, c'est-à-dire la pénurie de tous les biens, même à acheter. Ici se joue — dans la vie du fils, mais dans toute vie, je crois — la lutte entre l'être et l'avoir. Le fils a eu l'illusion — en demandant sa part à son père — de recevoir assez pour vivre toute sa vie, comme si ces biens allaient combler les besoins de son être toute sa vie.

    Une publicité disait : "Il y a des choses qui ne s'achètent pas, pour tout le reste, il y a notre carte de crédit." Le passage que vit le fils et que nous avons tous un jour à traverser est de découvrir ce qui s'achète et ce qui ne s'achète pas, ce qui relève de l'avoir et ce qui relève de l'être. Souvent nous sommes dans la confusion, parce que tout notre environnement — un environnement essentiellement commercial — nous dit : "Consomme et tu seras heureux" c'est-à-dire : satisfais tous tes besoins d'avoir et ton être sera comblé !

    Le fils découvre qu'il a épuisé son avoir sans que son être en soit comblé. Il se découvre seul, éloigné des siens, avec un manque intérieur terrible, exprimé par la faim qu'il éprouve en regardant les porcs se gaver.

    3) Alors il se met à réfléchir. C’est la troisième étape. Il fait un voyage intérieur à la recherche de ses vrais besoins. Il réalise son manque, son vide intérieur, et là se passe en lui un double mécanisme.

    D'un côté, il s'auto-accuse et se culpabilise de son chemin. Il passe de la découverte de son vide intérieur à un sentiment d'indignité. Il retourne le mal qu'il vit contre lui, pour en conclure qu'il a perdu son être. Il se trouve indigne.

    D'un autre côté, il remonte à la source où a commencé son malheur et où est la source où il pourrait retrouver à nourrir son être intérieur. C'est ainsi qu'il décide de retourner vers son père tout en lui demandant un statut d'ouvrier, parce qu'il pense avoir perdu sa dignité de fils.

    4) Dernière étape du parcours : rien ne se passe comme l'avait prévu le fils. Le père ne porte aucun jugement. Le père ne fait pas la morale à son fils. Le père ne cherche pas une faute ou des erreurs. Il coupe court à toute accusation d'indignité. Il ne veut aucun arrangement autour d'un statut inférieur qui permettrait — aux yeux du fils — une réintégration.

    Jamais, dans les yeux du père, le fils n'a changé de statut. Jamais, il n'a cessé d'être précieux, important, plein de valeur. Le père ne voit que le parcours malheureux, il ne voit aucune indignité. Il n'y a pas de reproches, seulement la joie des retrouvailles. Le fils a fait son parcours de vie, il a été par le chemin qu'il avait choisi et il a découvert ce dont il avait besoin.

    Le père accepte ce parcours et se réjouit de ce que son fils qui était près de la mort intérieure a retrouvé le chemin de la vie. Un grand festin marque ces retrouvailles, une grande fête est nécessaire pour marquer cette renaissance de l'être du fils à la vie.

    Chaque être humain est engagé dans ce parcours où il doit trouver son chemin personnel pour retrouver son être intérieur et participer à ce repas de fête que Dieu nous offre.

    Aujourd'hui, Dieu nous ouvre les bras, il nous invite à la fête dans son Royaume. Laissons-nous accueillir comme les vrais enfants du Père.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • Reconstituer l’équipe des Douze apôtres

    Actes 1

    26.8.2018

    Reconstituer l’équipe des Douze apôtres

    Deutéronome 1 : 9-15      1 Corinthiens 15 : 3-11     Actes 1 : 15-26

     

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Le livre des Actes des Apôtres raconte les débuts de l’Eglise, à la suite de l’Ascension de Jésus. Dans ses dernières paroles, Jésus annonce aux disciples qu’ils recevront bientôt l’Esprit saint et qu’ils seront ses témoins : à Jérusalem, en Judée, en Samarie et jusqu’au bout de la terre.

    C’est la mission de la première Eglise et le livre des Actes va dépeindre cette extension géographique de Jérusalem jusqu’à Rome.

    Après avoir défini la mission de l’Eglise, l’auteur des Actes — qu’on nomme Luc, puisque les Actes font suite à l’Évangile selon Luc — s’emploie à décrire ceux qui composent cette première Eglise. Elle est composée des disciples que Jésus a choisis, entourés d’une petite foule de croyants, évaluée ici à 120 personnes.

    Pour ceux d’entre vous qui ont les événements de la Passion en tête, l’équipe des disciples n’y a pas particulièrement brillé. L’un des Douze — Judas — a livré Jésus à ses bourreaux. Un autre — Pierre — a renié trois fois son maître. Tous les autres se sont enfuis. Il ne restait que les femmes au pied de la croix.

    Il y a donc quelques histoires à reprendre pour repartir d’un bon pied. C’est Pierre qui se lève dans le groupe. Il reprend l’initiative, il ne baisse pas les bras. Il faut régler la défection de Judas, reconstituer le groupe des Douze.

    Pierre part du constat que Judas avait reçu sa part de service : il doit être remplacé pour que l’équipe soit au complet, pour que la mission puisse être remplie. Pierre ne s’attarde pas sur Judas, la façon dont il est mort révèle le jugement porté sur lui. La page est tournée. Pierre regarde l’avenir et la mission. Reconstituer les Douze, c’est affirmer la permanence des promesses divines.

    Le chiffre Douze a une signification symbolique. On a vu Moïse (Deut. 1:9-15) demander à chaque tribu d’Israël de nommer des représentants pour juger et administrer. Douze disciples, cela fait un représentant pour chaque tribu d’Israël. Cela manifeste que le message de Jésus est destiné — en premier lieu — au peuple d’Israël tout entier. Il ne doit pas manquer un seul témoin, comme dans la parabole de la brebis ou de la drachme perdue. Personne n’est abandonné, n’est laissé sur le côté du chemin. La bonne nouvelle est inclusive.

    L’équipe des Douze doit donc être complète. Et Luc énumère deux critères pour choisir la bonne personne, plus précisément pour être apôtre.

    a) il faut avoir accompagné Jésus de son baptême à son ascension. Il faut donc le connaître et avoir entendu son enseignement, avoir vécu la montée à Jérusalem et les événements de la Passion.

    b) il faut « être témoin de la résurrection ». Cette expression fait problème dans sa concision. La résurrection  elle-même a eu lieu dans le secret du tombeau et les Evangiles n’en font pas le récit. Par contre, ils nous relatent des temps où Jésus apparaît à ses disciples. Il faut donc comprendre cette expression comme la capacité à attester de l’identité — il est le même — du Jésus terrestre et du Christ ressuscité.

    Le candidat doit donc connaître Jésus, dans son ministère terrestre et dans ses manifestations de Ressuscité. C’est nécessaire pour avoir le titre d’apôtre et pour entrer dans le cercle des Douze et remplacer Judas.

    Dans cette définition d’apôtre — avoir suivi Jésus et vu le Christ ressuscité — Luc n’envisage pas de succession apostolique. Une seule génération — les témoins directs du Jésus terrestre — peut remplir ce rôle d’apôtre.

    La définition d’apôtre n’a pas toujours été aussi restrictive, puisque Paul se désigne lui-même comme apôtre — le moindre des apôtres, mais apôtre quand même, alors que Paul n’a pas suivi Jésus. D’une part il était trop jeune, d’autre part, il était dans le camp des persécuteurs de l’Eglise. Il se désigne cependant comme « apôtre » au sens étymologique du terme, parce que le Christ ressuscité lui est apparu sur le chemin de Damas et parce qu’il s’est reconnu comme « envoyé » (signification d’apostolos - apôtre) du Christ.

    Les Onze disciples choisissent deux candidats, ils prient en demandant à Dieu de choisir, puis ils tirent au sort. Le tirage au sort était fréquent pour les fonctions du Temple de Jérusalem — Zacharie avait été tiré au sort (Luc 1:9) pour entrer dans le sanctuaire où il reçu la révélation de la naissance de Jean Baptiste.

    D’habitude, dans l’Eglise, c’est l’Esprit saint qui fait des choix, sans tirage au sort. Mais, là, Luc est cohérent, le saint Esprit sera donné à la Pentecôte, il est trop tôt pour qu’il intervienne.

    Le sort tombe sur Matthias. Les Douze sont à nouveau au complet, la mission va pouvoir être entreprise et réalisée.

    Aujourd’hui, le souci d’avoir des équipes complètes à la tête de l’Eglise (des Régions et des Paroisses) est le même. C’est au printemps prochain que toutes les autorités de notre Eglise (vaudoise) seront renouvelées, à commencer par les Conseils paroissiaux et les bureaux des Assemblées paroissiales en mars 2019, puis les Conseils régionaux, les délégués aux Assemblées régionales et au Synode, puis finalement en juin l’élection du Conseil synodal par ce nouveau Synode.

    Nous serons à la recherche de personnes qui connaissent Jésus à travers les Ecritures et la prière, et qui peuvent témoigner de la vie que Dieu nous donne.

    Nous avons besoin de l’appui de toute l’Eglise pour discerner les dons et les charismes de chacun pour avoir à chaque place la bonne personne. Aucun don, aucune compétence n’est négligeable ; aucun appui n’est superflu pour que l’Evangile puisse être annoncé et reçu par ceux qui en ont besoin. La mission de l’Eglise reste la même, annoncer l’amour de Dieu à tous ceux qui en ont soif.

    Amen

  • Que s’est-il passé après la résurrection ?

    Actes 1

    12.8.2018

    Que s’est-il passé après la résurrection ?

    1 Thess 4 : 13-18      Actes 1 : 1-8       Actes 1 :9-14

     

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Le livre des Actes des Apôtres s’ouvre par une dédicace à un certain Théophile (prénom qui signifie « celui qui aime Dieu ») exactement comme l’Évangile selon Luc (Lc 1:1). En fait, ces deux livres, Luc et Actes, sont l’œuvre en deux parties d’un même auteur, que la tradition a le nommé « Luc ». Après avoir récolté les éléments pour écrire son Évangile, il fait une œuvre novatrice en rassemblant les événements qui suivent.

    En effet, que s’est-il passé après la résurrection ? Seul le livre des Actes nous le dévoile par un récit. Les lettres de Paul et des autres apôtres nous ouvrent aussi une fenêtre sur cette période, mais de manière indirecte et discontinue. C’est pourquoi le livre des Actes est si intéressant. Je vais y consacrer mes prédications des prochains mois.

    Comme vous l’avez entendu, Luc a choisi le récit de l’Ascension comme récit charnière entre ses deux livres. L’Évangile dépeint le temps de Jésus et les Actes racontent le temps de l’Eglise, ou plus précisément le temps du Saint Esprit. Il y a une insistance sur la transition, le passage, la transmission du témoin — de Jésus au Saint Esprit — dans ce début du livre des Actes, qui culmine avec le récit de la Pentecôte (Ac 2).

    Jésus s’en va, mais il est remplacé par la venue du Saint Esprit qui devient la présence actualisée de Jésus auprès des disciples. Luc partage ainsi l’histoire du salut en trois parties : (i) l’histoire d’Israël jusqu’à Jean-Baptiste ; (ii) le temps de Jésus, de sa naissance à l’Ascension ; (iii) le temps du Saint Esprit depuis la Pentecôte.

    La gestion du temps est une question qui préoccupe beaucoup les premiers chrétiens. C’est la question que les disciples posent à Jésus dans ce dernier dialogue. Quand Jésus leur annonce qu’ils vont recevoir bientôt le Saint Esprit, ils demandent : « Est-ce que ce sera à ce moment que tu établiras ton royaume en Israël ? » (Ac 1:6)

    La question qui préoccupe les premiers chrétiens c’est : « Quand est-ce que le Christ revient ? On appelle ce retour du Christ « la parousie ». Quand donc aura lieu la parousie ? Paul avait déjà dû répondre à cette question dans sa lettre aux Thessaloniciens (1Thess 4:13-18) : certains chrétiens sont morts avant le retour du Christ et cela inquiète. Pourquoi sont-ils morts alors que Paul annonce la résurrection ? Dans sa réponse, Paul dit en même temps qu’il n’y a pas à s’en faire pour ceux qui sont déjà morts, ils ressusciteront, et il dit aussi que certains de cette génération, dont lui-même, verront le retour du Christ avant de mourir. Paul écrit cette première lettre autour de l’an 50. Luc écrit le livre des Actes autour des années 90, quarante années ont passé. La position sur la parousie a évolué.

    La réponse de Jésus aux disciples est une fin de non recevoir : cette question du moment de la parousie ne doit pas être un sujet de préoccupation, la réponse — les temps et les moments — n’appartiennent qu’à Dieu.

    Mais si le temps d’attente se prolonge… que faire de ce temps ? C’est à cette question que répond le livre des Actes. Que faire du temps entre le départ de Jésus et son retour, car Luc n’a pas renoncé à l’idée de retour, les deux messagers du ciel confirment que « celui qui a été enlevé reviendra de la même manière que vous l’avez vu partir » (Ac 1:11).

    Mais ce retour n’est pas daté, peut-être même pas proche, nous en savons quelque chose.

    Si cet intervalle s’allonge, alors il y a place pour des événements, pour une histoire, pour des histoires et l’Histoire avec un grand H. C’est cette Histoire que Luc nous a écrite, une histoire qui dépeint l’origine de l’Eglise et sa finalité.

    Le don de l’Esprit Saint est assorti d’une mission et c’est cette mission qui remplit l’intervalle entre le départ et le retour du Christ. C’est le début de cette mission que nous décrit Luc dans ce livre des Actes.

    La mission est formulée ainsi : «Vous serez mes témoins à Jérusalem, en Judée, en Samarie et jusqu’au bout de la terre.» (Ac 1:8) Et c’est sur ce plan qu’est construit le livre des Actes. Les apôtres prêchent d’abord au Temple de Jérusalem (Ac 3; 4; 5:20). Lorsqu’ils en sont chassés, il partant en Samarie (Ac 8), puis à Antioche et Damas. Paul évangélise l’Asie Mineure (la Turquie actuelle) puis la Grèce. Finalement arrêté, Paul demande à comparaître devant l’empereur et il est emmené à Rome (Ac 28). L’Évangile est parvenu dans la capitale. De là, avec les témoins suivants, il pourra poursuivre son avancée jusqu’au bout de la terre.

    Luc, par son histoire des origines de l’Eglise, donne de l’importance au temps, au temps présent. Il montre comment l’action de Dieu s’inscrit concrètement dans la vie de tous les jours des communautés. L’Eglise n’est pas un petit groupe assis les yeux rivés sur le ciel. L’Eglise est une communauté qui bouge, qui voyage, qui témoigne dans toutes sortes de situations et devant toutes sortes de personnages, souvent les autorités.

    L’Eglise nous est présenté avec plusieurs facettes :

    1. a) Elle semble idéale quand on la lit unie, persévérante dans la prière et partageant ses bien entre tous (Ac 1:14 ;2:42,46 ;4:31-32 ;5:12,42).
    2. b) Elle est aussi persécutée (Ac 5; 7; 8; 12; 16; 19; 21), l’objet de revers (Ac 8:4; 14:50 ;17).
    3. c) Elle est aussi incrédule, freinant en face aux nouveautés. On le voit dans l’épisode de Pierre avec Corneille (Ac 10 et 11), où on dirait que Dieu dois mettre toute son énergie pour convaincre Pierre d’abord, puis le conseil de l’Eglise (Ac 15) que les païens peuvent entrer dans la communauté de l’Eglise. L’Eglise ne semblait pas prête à penser que tous les êtres humains sont accueillis impartialement par Dieu.
    4. d) Enfin l’Eglise que nous dépeint Luc est en croissance. Il le montre par l’expansion géographique, de Jérusalem à Rome, et l’expansion numérique (Ac 2:41). Mais l’expansion la plus importante est celle du son ouverture sociale universelle. Aucune catégorie sociale, économique, de genre, de race, de religion, d’origine etc. ne peut constituer une barrière à l’amour de Dieu.

    Cette vision de l’Eglise est bien dans la ligne de Jésus, accueillant et guérissant tous ceux qui venaient à lui.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Le miracle de Pâques, c’est que Jésus nous fait comprendre le sens de la croix

    1.4.2018

    Le miracle de Pâques, c’est que Jésus nous fait comprendre le sens de la croix

    Esaïe 53 : 7-12      Osée 5 : 15 — 6 : 3        Luc 24 : 33-48

     

    télécharger le texte : P-2018-04-01.pdf

    Chers frères et sœurs en Christ,

    Aujourd'hui, nous rappelons, nous commémorons, mais surtout, nous voulons vivre, nous imprégner de la journée qui a changé la face du monde : le dimanche de Pâques. C'est pour les disciples le premier jour de la semaine après la fête de la Pâque. Une journée tout en contraste que nous allons suivre dans l'Evangile de Luc.

    La fête de la Pâque a dû être triste, douloureuse pour les disciples. Ils pleurent la mort de Jésus, arrivée le vendredi précédent, une mort ignominieuse pour leur maître et ami. En cette aube d'après sabbat, les femmes vont au tombeau pour s'occuper du corps de Jésus, les rites funéraires ne pouvant avoir lieu pendant le sabbat.

    Les femmes trouvent le tombeau vide et vont raconter leur découverte aux autres disciples. Pour eux, c'est du délire de bonnes femmes ! Seul Pierre va vérifier. Mais il en revient perplexe. Le tombeau vide ne fait pas l'effet d'une révélation.

    Deux compagnons quittent alors le groupe pour aller à Emmaüs. On connaît leur rencontre avec Jésus (Luc 24 : 13-35), qu'ils ne reconnaissent pas jusqu'au moment où Jésus rompt le pain avec eux, mais disparaît. C'est le soir, ils retournent cependant à Jérusalem témoigner de leur expérience. Là, ils trouvent les disciples qui ont aussi quelque chose à leur dire : « Le Seigneur est vraiment ressuscité ! Simon l'a vu ! » (Luc 24:34).

    C'est alors que Jésus se matérialise au milieu d'eux. J'utilise — moi — ce terme "se matérialise" parce qu'il rend bien l'ambiguïté de la situation. Luc — lui — dit : "Jésus se tint au milieu d'eux." C'est comme s'il n'était pas entré par la porte, c’est pourquoi les disciples le prennent pour un esprit, un fantôme. C'est pourquoi Jésus doit se faire reconnaître en montrant ses mains et ses pieds.

    Même là — encore — les disciples restent incrédules, nous dit Luc ! Jésus décide alors de leur demander à manger. Mais même cela ne suffit pas. Jésus doit leur "ouvrir l'intelligence en leur expliquant les Ecritures." (Lc 24:45)

    Il est intéressant de remarquer que pour Luc, les signes matériels ne sont pas convaincants, les signes matériels ne sont pas les éléments qui conduisent à la foi, à la reconnaissance de Jésus. Il est clair pour Luc — et pour les premiers chrétiens — que ces récits d'Evangiles ne posent pas la question de l'identité physique et biologique de Jésus, mais de son identité spirituelle ! Il ne s'agit pas de reconnaître un Jésus réanimé, revenu à la vie comme Lazare, mais de reconnaître "le Seigneur", "le Vivant."

    Cette reconnaissance ne passe pas par nos yeux, mais par la communion, le partage du pain et par la Parole, la compréhension de l'Ecriture. Il s'agit de reconnaître que dans la vie de ce Jésus qui a été crucifié se réalisait, s'accomplissait le plan de Dieu, la révélation de l'amour total de Dieu envers tous les humains. Dieu ne cherche pas à éblouir par un miracle — même le miracle de la résurrection — il cherche à être entendu et compris.

    Le miracle de Pâques, le miracle de la résurrection, c'est l'action de Dieu lorsqu'il ouvre l'intelligence des disciples pour qu'ils comprennent les Ecritures, pour que nous comprenions les Ecritures.

    Pâques doit nous amener à comprendre les récits de la Bible, les récits de personnages victimes de malheurs, de persécutions. Surtout comprendre que ces personnages ne sont pas poursuivis par Dieu, mais qu'au contraire, Dieu se tient à leurs côtés — même si c'est contre toutes les apparences !

    Comme le dit le Chant du Serviteur souffrant d'Esaïe : "Le Seigneur approuve son serviteur accablé et il rétablit celui qui avait offert sa vie à la place des autres." (Es 53:10) Et il en est ainsi à travers tout l'Ancien Testament. Dieu est aux côtés d'Abel, de Joseph, d'Urie, de Naboth, de Jérémie, de Daniel, de même qu'il sera aux côtés d'Etienne et de tous les martyrs chrétiens ultérieurs.

    La révélation, c'est que Jésus crucifié explique les Ecritures. Le récit de la mort et de la résurrection met en lumière tout ce qui se trouve déjà écrit. Et maintenant Jésus ouvre aussi notre intelligence, notre esprit, pour que nous puissions relire nos vies à sa lumière, à la lumière de Pâques, à la lumière de la résurrection.

    Le miracle de Pâques, c'est de pouvoir se retourner et voir dans nos vies la présence de Dieu, de voir ses pas à côté des nôtres, de voir qu'il était là pour nous guider, pour nous consoler, pour nous réjouir. La joie de Pâques, c'est de laisser notre esprit s'ouvrir à cette présence, d'avoir foi d'être accompagnés maintenant, d'être accompagnés toujours.

    Alors, Joyeuses Pâques à tous !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Rappeler qu’on peut rencontrer tout le monde.

    Luc 7
    17.1.2016
    Rappeler qu’on peut rencontrer tout le monde.

    Luc 7 : 36-50       Luc 19 : 1-10

    Télécharger le texte : P-2016-01-17.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Vous avez entendu le récit de deux rencontres que Jésus a faites, l’une chez Simon le pharisien, avec une femme que les gens de la maison disqualifiaient et l’autre avec Zachée, un homme méprisé et haï par les habitants de son village pour sa rapacité.
    J’ai choisi ces deux récits, parce qu’ils sont représentatifs des rencontres que Jésus se permettait.
    A. Jésus osait aller au devant des autres et faire des rencontres improbables ou carrément interdites. Dans un pays occupé, il rencontre des romains, il guérit même le serviteur d’un officier romain (Lc 7:1-10). Il rencontre des agents du fisc qui récoltent l’impôt pour l’occupant, c’est le cas de Lévi/Matthieu (Mt 9:9-13) et Zachée. Il converse avec des étrangers, des syriens (Luc 6:17-19), des cananéens (Mc 7:24-30), des samaritains (Jn 4). Il parle, voir il touche ou est touché par des femmes (Mt 9:20-22), ce qui était considéré comme absolument inconvenant. Il entre en contact avec des handicapés, des infirmes, des malades et des personnes bannies de la société pour le risque de contagion : les lépreux (Luc 17:11-19).
    Les Evangiles nous racontent toutes ces rencontres pour nous dire à quel point Jésus sortait de l’ordinaire, bousculait les barrières sociales, combien il n’avait pas peur des conventions et du qu’en-dira-t-on. Il ne le faisait pas pour choquer ou ridiculiser la société dans laquelle il vivait. Il faisait cela pour transmettre le message divin suivant : Devant Dieu chaque être humain a la même valeur ; Devant Dieu chaque être humain est important ; Tous peuvent vivre ensemble devant Dieu ; Tous peuvent vivre les uns avec les autres : les barrières peuvent tomber.
    B. Quand Jésus renverse les barrières, ce n’est pas pour détruire, mais pour construire le vivre ensemble. Dans chaque rencontre, il repêche la personne exclue, limitée, handicapée, pour la remettre debout et la réintroduire dans sa communauté de vie. C’est pourquoi tant des rencontres de Jésus nous sont racontées sous la forme de guérisons, de résurrection ou de démons chassés. Jésus est là pour redonner de la vie, pour redresser ce qui a été tordu, pour réhabiliter ceux qui ont été exclus.
    C. Ainsi, les Évangiles ne sont pas des textes de morale ou des listes de principes. Ce sont des récits qui nous content, qui nous racontent la vie de Jésus. Ils nous racontent son existence parmi les humains pour nous dire qu’un vivre ensemble est possible, qu’il est souhaitable, que c’est même la seule issue pour sortir de la violence du monde.
    Les Evangiles nous disent aussi le coût qu’il y a à se risquer sur cette voie de la rencontre. Jésus se fait des amis parmi les personnes rencontrées, mais il se fait aussi des ennemis parmi ceux qui profitent des barrières et des haines entre groupes différents. Et Jésus en payera le prix, de sa vie.
    Ainsi, les Évangiles et la Bible racontent une vision du monde, celle d’un monde fondé sur l’égale valeur de tous les individus, une valeur garantie en Dieu. La Bible nous raconte un monde où chacun est invité à honorer ce Dieu qui garantit la valeur de chacun. Un monde où chacun est invité à aimer son prochain, puisque ce prochain est aimé de Dieu, que ce prochain est un représentant, une image du Christ lui-même.
    Voici le narratif, l’histoire — en résumé — que l’Évangile, la Bible nous propose, propose à la société d’aujourd’hui ! Une histoire qui dit notre origine commune (tous créés à l’image de Dieu) ; notre présent commun (tous aimé de Dieu) ; et notre destin commun (vivre ensemble en frères et sœurs).
    D. Mais, comme vous le savez, ce message, cette histoire, est aujourd’hui délaissée, n’est plus racontée, enseignée… Le message chrétien est traité de ringard, de vieux, de dépassé. Le christianisme est jeté aux orties avec toutes les autres religions, accusées ensemble de ne susciter que des guerres de religion et des massacres, voir la dernière couverture de Charlie Hebdo. Tout le monde se donne le mot pour dénigrer les religions. Mais qui dit aujourd’hui le besoin de vivre ensemble ? Qui dit d’où nous venons, pourquoi nous sommes ici et quel est notre destin pour l’avenir ? Personne.
    Il n’y a plus de récit commun ! Nous sommes dans une société morcelée où chaque âge, chaque groupe, a des références différentes. Et nos jeunes vont chercher sur YouTube ou sur Google l’histoire du monde et de leur avenir. Au mieux ils y trouvent des séries romantiques et des ados déjantés pour leur expliquer le pourquoi de la vie. Mais ils y trouvent aussi toutes les théories du complot, tous les « illuminati » ou les djihadistes du monde.
    Pas étonnant que tant de personnes — qui n’ont aucun ancrage — partent à la dérive et suivent la première théorie séduisante qui fera d’eux le héros médiatique d’un moment, parfois le moment de leur mort.
    Que voulons-nous pour nos enfants ? Nous avons dans le christianisme une tradition éprouvée, solide, qui met l’amour comme but suprême. Certes, notre tradition chrétienne doit être relue et reformulée en termes compréhensibles pour nos contemporains. Mais je crois fermement qu’elle contient tous les éléments pour un vivre ensemble en paix, dans le respect et la tolérance, y compris de ceux qui trouvent les mêmes valeurs dans une autre doctrine ou une autre religion.
    Jésus, par sa vie et ses rencontres, nous montre trois choses :
    1. On peut rencontrer tout le monde. Chaque personne est un trésor, chaque personne est aimable, quels que soient son origine, sa religion, sa culture.
    2. L’ouverture et la confiance sont des valeurs sûres. Elles nous permettent d’aller à la rencontre de tous et ce mouvement vers les autres, avec ouverture et confiance, les aident à déployer le meilleur d’eux-mêmes.
    3. Cette voie n’est pas facile et elle peut coûter cher. Il y a des ennemis de l’ouverture et il n’y a pas d’autres façons de les rencontrer que d’aller vers aussi, désarmés, au risque de sa vie.
    Jésus n’a cessé de prêcher l’amour et vivre l’ouverture dans toutes ces rencontres, et il en a payé le prix, le prix de sa vie. Mais c’est justement parce qu’il est allé jusqu’au bout, jusqu’au bout avec amour, sans violence et sans haine, que son message est le plus fort, que son message est encore entendu et vécu aujourd’hui, que son message est plus actuel que jamais, que son message est plus nécessaire que jamais.
    C’est ce message d’amour inconditionnel qui vaincra la haine, la violence et la terreur qu’on veut nous imposer. C’est ce message d’espérance que nous avons à diffuser auprès de nos enfants, de nos proches, de nos voisins et dans le monde entier.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz 2016

  • Luc 17. Le Royaume de Dieu ne s'observe pas, il se vit

    Luc 17
    17.3.2013
    Le Royaume de Dieu ne s'observe pas, il se vit

    Matthieu 6 : 16-18    Luc 17 : 20-30
    téléchargez ici la prédication : P-2013-0317.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous vivons le dernier dimanche du temps de la Passion, dimanche prochain nous vivrons les Rameaux, l'entrée de Jésus à Jérusalem, puis le procès de Jésus, son exécution à vendredi-saint et sa résurrection à Pâques.
    Les évangiles mentionnent que Jésus annonce par trois fois sa Passion pour préparer ses disciples à ce qui va arriver à Jérusalem, pour les préparer à comprendre et survivre à la perte de leur maître. Dans le texte de Luc que nous avons entendu, Jésus annonce pour la deuxième fois sa Passion. Il le fait à la suite d'une demande de quelques pharisiens.
    Ces pharisiens lui demandent : "Quand est-ce que viendra le Royaume de Dieu ?" (Lc 17:20) Luc ne parle pas de piège, ici, il est possible que la demande soit sincère. Ces pharisiens attendent vraiment le Royaume de Dieu, que Dieu se révèle à tous et établisse son règne de justice et de paix. Nous aspirons aussi à ce que la justice et la paix règnent et nous nous demandons aussi quand cela viendra.
    Mais Jésus va les décevoir — peut-être nous décevoir aussi. Jésus répond en deux temps. D'abord, il dit que le Royaume de Dieu ne vient pas ! En tout cas pas de manière observable, pas de manière constatable, objectivable.
    On ne peut pas se mettre en mode "observation" et attendre de voir ! Ce n'est pas par l'observation, par la surveillance — de signes, d'augures ou des astres — qu'on peut voir le Royaume de Dieu. Le Royaume de Dieu est inaccessible pour l'observateur extérieur, le Royaume de Dieu ne s'observe pas, il se vit !
    C'est ce que Jésus dit dans un deuxième temps : "Inutile de dire : il est là ou il est ici, en fait le Royaume de Dieu est au milieu de vous." (Lc 17:21) Jésus nous dit : le Royaume de Dieu est au milieu de vous. Ce "au milieu de vous" peut se traduire soit par "à l'intérieur" de chacun, si le vous est considéré comme une série d'individus, soit par "au milieu de vous" ou "parmi vous" si l'on considère le vous comme une communauté, un groupe. Dans les deux cas, l'accent porte sur l'intérieur, sur l'intériorité.
    Jésus dit aux pharisiens : Cessez de chercher à l'extérieur ce qui se trouve à l'intérieur. Cessez d'observer, impliquez-vous, mouillez-vous ! Le Royaume de Dieu n'est pas quelque chose à observer, c'est quelque chose à vivre de tout son être.
    On ne connaît pas la réaction de ces pharisiens à cet enseignement. Le récit continue avec un enseignement qui est destiné aux disciples, à ceux qui s'impliquent. Jésus les met en garde, il les averti que les temps à venir vont être difficile. C'est un texte difficile que je vais paraphraser pour vous communiquer ce que j'en comprends. :
    « Vous allez être privés de ma personne et votre plus grand désir sera de retrouver — ne serait-ce qu'un jour — ce que vous vivez maintenant. Ce désir vous rendra fragiles vis-à-vis de ceux qui ont des réponses et des solutions à tout. On vous dira : Il est ici, il est là ! Ne les suivez pas, ne vous précipitez pas vers ces promesses illusoires. Quand je reviendrai ce sera évident, vous me reconnaîtrez du premier coup (comme un éclair se voit dans le ciel d'orage).
    Mais d'abord, je dois traverser ma Passion. En ce qui concerne mon retour — la Parousie — ce sera comme le Déluge ou Sodome et Gomorrhe, cela surprendra ceux qui n'ont pas changé de vie. Vous mes disciples, je vous prépare à ce changement de vie. Acceptez que je doive souffrir. » Voilà ma traduction libre de ce passage difficile.
    Nous sommes dans le temps de la Passion, nous ne sommes pas encore dans le temps du retour glorieux du Christ. Nous avons à vivre dans ce temps intermédiaire, dans ce temps du monde où le Christ continue de souffrir tant que des êtres humains souffrent.
    Le Royaume de Dieu n'est pas encore advenu et établi sur cette terre, mais nous vivons de la promesse que Jésus a établi ce Royaume de Dieu en nous et parmi nous, ses disciples.
    Ici et maintenant, nous avons deux tâches qu'il nous appartient de réaliser et une tâche qui ne nous appartient pas. La tâche qui n'est pas la nôtre, c'est de faire advenir le Royaume de Dieu sur terre, c'est la tâche de Dieu et de Dieu seul. Tous les humains qui ont voulu faire le bonheur de tous n'ont réussi qu'à établir des dictatures et un surcroît de malheurs.
    Nos deux tâches sont celles-ci : 1) consolider en nous le Royaume de Dieu, c'est-à-dire la présence du Christ en nous. C'est une tâche intérieure, de développement spirituel, d'approfondissement. Creuser en nous le désir de Dieu. Ce chemin se fait personnellement, dans le tête-à-tête avec Dieu, comme l'enseigne Jésus dans le sermon sur la montagne (Mt 5—7). Il ne faut pas chercher le paraître devant les humains, mais la récompense que Dieu donne pour ce qui est fait dans le secret de son cœur.
    2) La deuxième tâche est éthique et altruiste, elle est tournée vers l'extérieur, vers les autres. Si nous n'avons pas la tâche d'établir le Royaume de Dieu sur la terre, nous avons par contre la tâche que chacun de nos actes soit compatible avec la justice de ce Royaume. Nous avons une responsabilité vis-à-vis du monde et des autres, sur cette terre : que nos actes soient imprégnés de l'amour de Dieu.
    Ces actions responsables et éthiques sont inspirées et nourries de notre face à face avec Dieu. Ainsi, répondre à notre première tâche, cultiver notre vie spirituelle intérieure, devient le terreau de l'accomplissement de notre deuxième tâche : agir humainement envers tous.
    Le temps de la Passion est notre temps d'apprentissage. Le don du Christ à vendredi-saint et à Pâques nourrit et inspire aussi bien notre vie intérieure que notre action vers l'extérieur.
    Les pharisiens voulaient voir et observer la venue du Royaume de Dieu. Jésus nous dit que nous avons d'abord à le vivre de l'intérieur, dans sa Présence pour qu'il devienne visible dans nos actes.
    Que toutes nos actions soient remplies de l'amour que le Christ a pour chacun de nous, pour rendre visible ce Royaume de Dieu que nous attendons.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2013.

  • Luc 16. La conversion du gérant habile

    Luc 16
    27.2.2000
    La conversion du gérant habile
    Luc 3 : 7-14      Luc 16 : 1-9

    Téléchargez la prédication ici : P-2000-02-27.pdf

    Franchement, qu'est-ce qu'on peut tirer de cette histoire, de cette parabole du gérant malhonnête et astucieux. Qu'est-ce qui a pris Jésus ce jour-là de nous raconter une histoire pareille ? Qu'est-ce qui a pris à Luc de placer cette histoire dans son Evangile ? En tout cas, son étrangeté est une garantie pour nous de son authenticité. Si Jésus ne l'avait pas prononcée lui-même, jamais personne n'aurait eu l'audace de placer ces paroles dans sa bouche.
    On pourrait comprendre que Jésus raconte cette histoire de gérant malhonnête en nous disant de faire le contraire, comme un contre exemple, comme une voie à ne pas suivre. Mais ici, la morale que Jésus donne à cette histoire est : "Le maître de ce gérant malhonnête le loua d'avoir agi si habilement." (Luc 16:8). Cette histoire immorale doit donc nous servir d'exemple !
    De quoi Jésus veut-il nous parler, que veut-il nous faire comprendre ? Reprenons l'histoire pour ne rien manquer :
    •     Un propriétaire apprend que son gérant gaspille ses biens.
    •     Il le convoque, lui annonce son licenciement, et lui demande d'établir le bilan de sa gestion, un inventaire, avant de partir.
    •     Le gérant est paniqué, il se voit sans avenir, sans ressource et sans ami. Il ne voit pas vers quelle activité se reconvertir. Il est perdu et cherche son salut. C'est là qu'il se révèle astucieux : avec les derniers pouvoirs qui lui restent, il allège les dettes de ses clients, avec l'espoir — pas forcément une assurance — que ces débiteurs soulagés, reconnaissants, pourront ou voudront bien le recueillir lorsqu'il aura perdu son emploi.
    C'est l'astuce, l'intelligence de cette dernière manoeuvre que le maître loue ! (sûrement pas le gaspillage de ses biens ou la remise des dettes de ses débiteurs).
    1. Première leçon à tirer : nous avons à être aussi inventifs et intelligents que les gens malhonnêtes dans nos missions, dans nos tâches, dans nos relations. C'est comme si Jésus nous disait : "Voyez quelle énergie les gens mettent à trouver des solutions habiles pour se sortir d'un mauvais pas. Mettez autant d'énergie à développer, à maintenir ou préserver les relations qui comptent pour vous !
    2. Deuxième leçon à tirer : voyez comme tant de gens transforment le bien en mal — on lit cela tous les jours dans les journaux — appliquez-vous avec autant de soin que ce gérant à transformer le mal en bien, les dettes en amitié. Le maître loue les efforts du gérant plus que les moyens utilisés ou les résultats obtenus.
    3. Et puis, il y a une troisième chose intéressante : lorsque le gérant est acculé, qu'il se sent perdu, il change complètement son point de vue, sa façon de faire, il opère un renversement complet, — ce que j'aimerais appeler une conversion. Lorsque l'argent va le lâcher (il va être renvoyé), il se tourne d'un coup vers le relationnel. Il change brusquement de cheval lorsqu'il réalise qu'il avait misé sur le mauvais. Il réalise que la seule chose importante dans la vie, et surtout dans les coups durs, c'est d'avoir des amis.
    La conversion du gérant est un changement de valeurs. Même plus, c'est un changement de système, de cadre de référence.
    Il a vécu pleinement dans le système économique de l'argent, profitant du système, jouant selon ses règles, peut-être se jouant des règles. Mais il prend conscience tout à coup — au moment d'en être éjecté — que ce système n'assure aucune sécurité. En vitesse, il essaie de convertir la valeur économique en valeur relationnelle, comme quelqu'un convertirait sa monnaie locale en pleine dévaluation en or ou en monnaie forte pour sauver ce qui peut l'être encore.
    Cette parabole nous confronte donc à l'existence de ces deux systèmes qui subsistent en parallèle : d'un côté, l'économie de l'argent (que l'Evangile nomme Mammon) et de l'autre, l'économie du Royaume de Dieu ou de l'agapè (l'agapè est le terme grec qui signifie l'amour dans le Nouveau Testament). Ces deux économies ne fonctionnent pas selon les mêmes règles.
    L'économie de l'argent fonctionne selon les principes de la rareté et de la compétition. Le gâteau a une certaine taille et si je veux une plus grosse part, quelqu'un en aura une plus petite.
    L'économie de l'agapè ou du Royaume de Dieu fonctionne au contraire selon les principes de l'abondance et du partage. Il y a une quantité illimitée d'amour et son partage ne fait que le multiplier.
    C'est pourquoi Jésus dit aussi, quelques versets plus loin :
    "Aucun serviteur ne peut servir deux maîtres; il haïra l'un et aimera l'autre; il sera fidèle à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l'argent." (Luc 16:13).
    Ce qui signifie pour moi qu'on ne peut pas appliquer en même temps les règles de l'économie de l'argent et celle de l'économie de l'agapè. En d'autres termes, on ne peut pas appliquer les règles de l'économie de l'argent dans le domaine des relations interpersonnelles sans se détourner de ce que Dieu nous demande de vivre. Il est insensé d'être avare d'amour alors qu'on ne risque jamais d'en manquer.
    La conversion du gérant — qui lui vaut la louange du maître — nous encourage donc à réfléchir au type de règles (économiques) que nous mettons en oeuvre dans notre vie. La conversion du gérant nous encourage à miser sur l'économie du Royaume de Dieu pour nous en sortir, pour vivre pleinement.
                        *    *    *
    Reste à voir ensuite, comment nous pouvons mettre à profit l'économie de l'argent pour promouvoir l'économie du Royaume de Dieu, comme Jésus nous y exhorte lorsqu'il dit :

    "Et moi je vous dis : faites-vous des amis avec les richesses de ce monde, afin qu'au moment où elles viendront à vous manquer on vous reçoive dans les demeures éternelles. (Luc 16:9).
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2013

  • Luc 11. Se préparer une vieillesse heureuse (III)

    Luc 11
    26.8.2012
    Se préparer une vieillesse heureuse (III)

    Jean 13 : 4-8       Luc 11 : 9-13

    Téléchargez la prédication ici : P-2012-08-26.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Pendant ce mois d'août, nous nous demandons comment se préparer une vieillesse heureuse. Nous avons vu que la société ne donne de valeur aux personnes qu'en fonction de leur productivité, de leur utilité. Il faut donc chercher ailleurs sa valeur au moment où la vieillesse arrive.
    Nous avons vu que l'extrême vieillesse fige les attitudes et le caractère acquis au fil du temps. Il est donc primordial de se former longtemps auparavant le caractère qu'on veut avoir pendant sa vieillesse. Nous avons vu aussi que ce qui nous donne de la valeur pendant la vie active repose sur des capacités que nous risquons de perdre avec l'âge. Une transformation de la base, du socle de notre valeur est donc nécessaire. Cette valeur ne doit pas reposer sur l'action, mais sur l'être.
    Nous avons vu que ce sentiment d'accomplissement de notre vie, nous pouvons le trouver — après le sentiment d'utilité de la vie active — dans le sentiment d'être bon, de faire de belles actions. Ce que Jésus appelait "accumuler un trésor dans le ciel (Mt 6:20). Le changement nécessaire, c'est de passer d'être gratifié par le fruit de ses activités, à être gratifié par sa façon d'être avec et pour les autres.
    Aujourd'hui, j'aimerais encore faire un pas en avant dans cette quête de pouvoir être, tout simplement être, pour être heureux. C'est une étape de plus, parce que faire du bien, c'était encore faire quelque chose. Bien sûr, c'est à maintenir aussi longtemps que possible dans sa vie, mais quand on ne peut plus rien faire, que reste-t-il ?
    Il reste à être, ce qui se décline de plusieurs façons, être là; attendre; se souvenir; prier ou méditer; et finalement recevoir. Aujourd'hui, j'aimerais me concentrer sur ce "recevoir." Dans mes visites en EMS, je rencontre beaucoup de personnes qui ont de la peine à recevoir ce qui leur est donné. Recevoir chaque jour leur nourriture. Recevoir de l'aide pour se déplacer. Recevoir des soins corporels.
    C'est leur état de dépendance et de toujours avoir besoin de recourir à quelqu'un pour des gestes accomplis auparavant par eux-mêmes qui est difficile. Notre société prône l'autonomie, l'indépendance, voir l'autarcie. C'est une attitude de puissants, d'orgueilleux qui veulent ne rien devoir à personne. C'est une attitude d'aveugles aussi, qui ne voient pas que tout ce qu'ils consomment et achètent est le fruit d'une chaîne de coopération qui a fait que le produit a passé de mains en mains pour arriver jusque dans leur assiette  ou entre leurs mains.
    Notre société jette le discrédit sur la dépendance individuelle alors qu'elle entretient des dépendances globales bien plus graves. Le problème, c'est que nous avons intériorisé ce discrédit et nous avons honte de demander et de recevoir. Nous avons honte d'appeler à l'aide, même si nous avons travaillé dans un domaine qui aide autrui !
    Nous sommes dans la situation de Pierre qui refuse de se laisser laver les pieds par Jésus — alors qu'on peut imaginer que Pierre, au cours des étapes de leurs déplacements, a déjà lavé les pieds de Jésus.  Nous préférons être dans la situation de celui qui donne, parce que c'est une situation dominante. La dette est chez celui qui reçoit le service.
    Garder cette attitude orgueilleuse qui empêche de recevoir, qui empêche de recevoir ce qu'on nous donne, les services des autres, c'est nous garantir une vieillesse malheureuse. D'où vient cette honte, ou cet orgueil ?
    C'est ce que Jésus essaie de nous faire découvrir, autant dans le Sermon sur la Montagne que dans le lavement des pieds. Nous ne croyons pas à la bonté de l'autre, à la générosité de l'autre. "Si donc vous qui êtes mauvais donnez de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père qui est dans les cieux vous donnera-t-il le Saint-Esprit, le don suprême !" (Luc 11:13). "Si je ne te lave pas les pieds, tu n'auras aucune part à ce que j'apporte !" (Jn 13:8).
    Refuser ce que nous apportent les autres, c'est refuser les dons qui viennent de Dieu, c'est refuser de reconnaître que nous sommes interdépendants, mais que la vie est possible malgré cela, ou plutôt à cause de cela. Martin Luther, le réformateur, disait que les saints sont ceux qui se savent totalement dépendants de Dieu (cité par Margot Kässmann, Au milieu de la vie, Genève, Labor et Fides, 2012, p.121). Etre totalement dépendant de Dieu, c'est remballer tout orgueil de ne vouloir dépendre de personne.
    Apprendre à donner, pour avoir un sentiment d'accomplissement intérieur, c'est une étape importante de notre préparation à vieillir. Apprendre à recevoir, simplement pour donner à l'autre sa chance de donner, est une autre étape tout aussi importante dans notre préparation à vieillir.
    Pour résumer les étapes. Nous sommes utiles pendant nos années de productivité. Nous pouvons être bons pour construire une base, un socle qui nous donne un sentiment d'accomplissement qui éclaire notre être quand nous sommes forcés d'en faire moins. Nous pouvons devenir justes en reléguant aux oubliettes l'orgueil de l'autarcie et la honte de la dépendance, en développant une juste reconnaissance envers toute la chaîne de ceux dont nous dépendons — tout au long de notre vie — pas seulement dans la vieillesse. Nous ne cultivons pas nous-mêmes notre café, ni ne construisons nous-mêmes nos voitures ou nos téléphones…
    Nous pouvons devenir justes en reconnaissant le caractère communautaire de l'existence. Nous avons été valorisé par nos rôles utiles et le bien que nous avons fait. Soyons justes en acceptant de recevoir de bon cœur et avec reconnaissance que d'autres puissent — dans leur étape de vie — se montrer utiles envers nous en accomplissant leur profession et se montrer bon envers nous par des gestes gratuits à notre égard.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Luc 24. Lire la Bible dans une perspective nouvelle.

    Luc 24
    13.5.2012
    Lire la Bible dans une perspective nouvelle.
    Luc 24 : 36-49
    Téléchargez la prédication ici : P-2012-05-13.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Depuis Pâques, nous suivons l'Evangile de Luc, le chapitre 24, qui nous présente les apparitions du Christ ressuscité. Un premier récit avec les femmes devant le tombeau vide, récit de Luc où les femmes repartent vers les disciples sans avoir vu Jésus, mais fortes de la parole des anges. Un second récit, celui des pèlerins d'Emmaüs, où Jésus chemine avec eux, sans qu'ils ne le reconnaissent tout de suite, où Jésus leur explique toutes les Ecritures et où leurs yeux s'ouvrent au moment de la fraction du pain. Mais alors, il disparaît de leur vue. Enfin ce troisième récit, où Jésus apparaît aux disciples, mais où ceux-ci le prennent pour un esprit, un fantôme. Après avoir montré ses pieds et ses mains et mangé du poisson, Jésus leur explique à nouveau les Ecritures.
    Il y a donc deux thèmes dans le récit d'aujourd'hui : montrer que Jésus n'est pas un fantôme et renvoyer aux Ecritures pour comprendre le ministère de Jésus. C'est ce deuxième thème que j'aimerais aborder aujourd'hui, parce qu'il me semble central dans la pensée de l'évangéliste Luc. Comprendre les Ecritures, ce qu'elles disent du Christ, c'est vraiment l'enseignement central du Christ ressuscité. Souvenez-vous de ce que disent les anges aux femmes : "Rappelez-vous ce qu'il vous a dit lorsqu'il était encore en Galilée : « Il faut que le Fils de l'homme soit livré à des pécheurs, qu'il soit cloué sur une croix et qu'il se relève de la mort le troisième jour. »" (Luc 24:6-7). Les femmes sont mises en mouvement lorsqu'elles se souviennent des paroles de Jésus annonçant sa Passion.
    Ensuite, dans le récit des pèlerins d'Emmaüs, on lit ceci :" Alors Jésus leur dit : « Gens sans intelligence, que vous êtes lents à croire tout ce qu'ont annoncé les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Messie souffre ainsi avant d'entrer dans sa gloire ? » Puis il leur expliqua ce qui était dit à son sujet dans l'ensemble des Écritures, en commençant par les livres de Moïse et en continuant par tous les livres des Prophètes." (Luc 24:25-27). Après coup, les disciples réalisent : "N'y avait-il pas comme un feu qui brûlait au-dedans de nous quand il nous parlait en chemin et nous expliquait les Écritures ?" (v.31). Enfin le troisième récit : "Jésus leur dit : « Quand j'étais encore avec vous, voici ce que je vous ai déclaré : ce qui est écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, dans les livres des Prophètes et dans les Psaumes, tout cela devait se réaliser. » Alors il leur ouvrit l'intelligence pour qu'ils comprennent les Écritures, et il leur dit : « Voici ce qui est écrit : le Messie doit souffrir, puis se relever d'entre les morts le troisième jour." (Luc 24:44-46).
    Dans les trois récits, le renvoi — pour comprendre et croire — porte toujours sur les souffrances du Messie, de l'envoyé de Dieu, du Christ. L'enseignement de tout ce chapitre, de ces trois récits est que la clé de compréhension de la vie et de la mort de Jésus se trouve dans la Bible.
    Jésus invite les disciples à reprendre la lecture de la Bible avec un angle nouveau, une question nouvelle, une lumière, une perspective nouvelle ! Il ne s'agit pas de lire des histoires diverses sur les patriarches, le peuple hébreu, les rois d'Israël. Il s'agit de découvrir la trace de Dieu dans l'histoire des êtres humains. Il s'agit de reprendre toute la lecture sous un jour nouveau, faire une nouvelle recherche avec une nouvelle grille d'interprétation. Il s'agit de lire entre les lignes des histoires pour voir la trace du Christ, pour découvrir le projet de Dieu, déjà écrit en filigrane dans le Premier Testament. C'est ainsi que Jésus leur ouvre l'intelligence (v.45).
    Et c'est bien ce dont nous avons besoin — à nouveau — aujourd'hui, pour nous et pour nos contemporains. Pourquoi personne ne lit-il plus la Bible aujourd'hui ? Parce qu'on ne sait plus quoi y chercher qui nous concerne, qui concerne aujourd'hui. Il semble que ce ne soient plus que de vieilles histoires. Exactement comme pour les disciples avant la croix.
    Jésus donne aux disciples une clé d'interprétation nouvelle. Il leur dit (v.46-47) : Dans l'Ecriture, vous allez voir le Messie souffrir, ressusciter le troisième jour et annoncer le changement de mentalité vers la libération. A nous, aujourd'hui, de laisser tomber les interprétations anciennes qui nous enferment et reprendre la lecture avec ces critères retrouvés.
    A. Premier critère. Où et comment les textes montrent-ils que Dieu souffre avec l'humanité ? Ça c'est un changement de perspective ! L'évangile nous dit : Dieu souffre. Dieu souffre avec l'humanité, avec le malade, avec l'endeuillé, avec l'humilié, avec celui qui est trompé. Chercher où et comment les textes nous montrent que Dieu souffre de nos situations et qu'il est à nos côtés. La Bible n'est pas muette de ce côté-là.
    B. Deuxième critère. Chercher partout où Dieu relève, où il fait pencher les choses du côté de la vie, où il transforme le malheur en promesse de vie, là où il suscite la résilience. L'évangile nous dit : Dieu ressuscite, il relève, il transforme le malheur en ressource, en relèvement. La Bible n'est pas muette de ce côté-là.
    C. Troisième critère. Cela se passe le troisième jour. Etrange critère. Je le comprends comme disant : il faut savoir — non pas attendre passivement mais— laisser mûrir ! Nous voudrions que la résurrection ait lieu une seconde après la mort. Nous voudrions que nos malheurs cessent avant d'avoir commencé. Nous voudrions que la souffrance cesse tout de suite, que le deuil ne suscite pas de peine. La vie a un rythme, le corps a son rythme, l'âme a son rythme. Il faut apprendre "la calme lenteur de toute germination*." La Bible n'est pas muette de ce côté-là.
    D. Enfin, le quatrième critère pour relire la Bible, c'est de voir qu'elle annonce "la conversion en vue de la rémission des péchés" dit Luc. Voilà du vocabulaire qu'il faut apprendre à traduire, et traduire avec les critères précédents. La "conversion" (metanoia), c'est un changement de l'esprit, c'est le changement de perspective dont j'ai déjà parlé. Dans tout son ministère, Jésus a parlé et agit pour changer les mentalités. Il a défait les liens entre maladie et faute, entre maladie et exclusion, entre différence de nationalité ou de sexe et mépris, entre contrainte et service libre de Dieu, pour ne citer que quelques-uns de ces changements. La "conversion pour la rémission." La rémission, c'est l'action de laisser partir, c'est le mot qui est utilisé pour libérer quelqu'un de ses obligations militaires ou pour remettre une dette. C'est donc libérer d'un fardeau, de quelque chose qui empêche d'être libre. Enfin, il y a ce terme de "péché" (la rémission des péchés) qui nous embarrasse aujourd'hui, tellement il a été lié à la faute, à la faute morale. Bien sûr, nous ne sommes pas exempts de fautes, mais les malheurs n'arrivent jamais en proportion de nos fautes. Le mot grec signifie, à la base : manquer sa cible. Il n'y a aucune connotation morale. C'est la flèche de l'archer qui dévie de sa trajectoire et qui manque sa cible. D'où la notion d'égarement, puis de se tromper de chemin, jusqu'à l'idée de faute.
    Le changement de perspective que Jésus a toujours voulu faire comprendre, c'est que notre situation de vie ne tient pas de la faute, mais plutôt de la déviation de trajectoire, de la trajectoire voulue par Dieu. Et Jésus est venu pour nous remettre sur la bonne trajectoire, c'est pourquoi il peut pardonner la déviation du paralytique et le remettre debout.
    Le changement de perspective auquel Jésus nous invite dans la lecture de la Bible et de notre trajectoire de vie, c'est à être libéré de notre égarement, à être libéré du fardeau qui consiste en l'obligation de réussir notre vie. Notre vie est faite de trajectoire en zigzag, de réussites et d'échecs, de joies et de deuils, de gestes amicaux et de coups tordus.
    Le Christ ressuscité nous invite à trouver Dieu au cœur de nos souffrances et de nos rattages, comme un ami bienveillant, à patienter jusqu'au troisième jour pour être relevé et pour recevoir cette compréhension que Dieu œuvre en nous pour nous libérer de la peur de rater notre vie.
    Amen.

    * Règle de Reuilly, p. 57.
    © Jean-Marie Thévoz