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  • Luc 1. Double nature du Christ : Dieu devenu vrai homme en Jésus

    Luc 1
    22.12.2002
    Double nature du Christ : Dieu devenu vrai homme en Jésus
    Es 42 : 1-9 Luc 1 : 26-33

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Dimanche dernier, souvenez-vous, nous avons constaté que les quatre évangiles nous présentaient des récits extrêmement différents de la naissance de Jésus. Il est impossible de faire concorder ces récits, sauf sur un point où ils sont absolument unanimes : tous présentent, à leur manière, Jésus comme le Fils de Dieu.
    Nous avons vu également que cette confession de foi « Jésus est le Fils de Dieu » en même temps que l'affirmation « Jésus est pleinement humain » est au coeur de la foi chrétienne. En tant que chrétiens, nous confessons Jésus comme vrai homme et comme vrai Dieu, ce qu'on appelle, dans notre jargon de pasteur : la double nature (divine et humaine) du Christ.
    Dans les premiers temps de l'Eglise — avec le témoignage des apôtres qui ont côtoyé Jésus — il n'y avait pas de difficultés à accepter que Jésus ait été un homme. Le plus difficile était de convaincre les auditeurs que Jésus était plus qu'un bon prophète. Il fallait convaincre les juifs que Jésus était le Messie qu'ils attendaient. Il fallait convaincre les non-juifs que Jésus était de nature divine et qu'il réalisait vraiment les promesses de Dieu, plutôt qu'il ne répétait des promesses anciennes qui se réaliseraient plus tard.
    Les évangiles de l'enfance de Jésus, le début des évangiles de Matthieu et de Luc sont écrits pour nous persuader de cette filiation avec Dieu, du caractère divin du Christ. Mais il ne suffisait pas d'établir ce lien divin avec Jésus, pour asseoir, dans l'esprit des auditeurs, cette nature divine. Il faut encore persuader les auditeurs que Dieu peut prendre forme humaine, que Dieu peut s'abaisser à devenir humain. Ainsi, ce n'est pas la nature humaine de Jésus de Nazareth qui fait problème, mais le fait que Dieu puisse devenir humain, prendre forme humaine, s'incarner.
    L'affirmation de la double nature du Christ va alors rencontrer deux fronts d'opposition qui tous deux contestent l'incarnation de Dieu.
    A. Le premier se développe au sein du judaïsme, avec la contestation que ce Jésus soit le Fils de Dieu, mais sans contester qu'un jour le Messie viendra. Le judaïsme ne conteste pas la possibilité que Dieu se révèle au travers d'un homme, puisqu'il attend le Messie, mais il conteste que ce Jésus-là soit le Messie attendu. Les juifs attendent toujours le Messie, ce Jésus-là n'est pas le Fils de Dieu.
    B. Un second front s'ouvre avec l'islam. L'islam conteste l'idée même que Dieu puisse prendre lui-même une forme humaine pour rencontrer les humains face à face. La question n'est donc pas que cela soit Jésus ou un autre. Le fait même que cela arrive est impossible à leurs yeux. « Dieu est grand », il ne peut pas s'abaisser à prendre forme humaine, c'est incompatible avec sa grandeur, sa majesté. Il n'y a pas de messianisme en islam, pas de retour du Prophète, pas d'attente d'une venue.
    De cette impossibilité à penser que Dieu puisse s'abaisser et souffrir en devenant humain est née (bien avant l'islam) une autre opposition à la double nature, une opposition qui s'attaque à la nature humaine du Christ. On donne à ce mouvement le nom de docétisme (du latin : docet = il paraît). Dans cette pensée, Dieu est bien venu visiter les humains sur la terre, mais sans prendre de risques, notamment le risque de souffrir et de mourir. Dieu n'aurait pris que l'apparence (docet), que l'habit de l'homme, un peu comme les cyborg dans la science-fiction (6PO avec une peau humaine).
    Le docétisme a été combattu comme une hérésie grave. Nier la nature humaine du Christ, c'est rejeter l'incarnation de Dieu, abolir sa proximité, c'est renoncer à Noël et à Pâques qui deviennent des mascarades trompeuses.
    La foi chrétienne, c'est bien tenir ensemble la nature humaine et la nature divine du Christ, malgré les difficultés à les penser les deux ensemble.
    Si Jésus n'est pas de nature divine, les promesses de Dieu ne sont pas réalisées, Jésus ne peut pas être notre sauveur, la vie n'a pas été transformée et la mort n'a pas été vaincue.
    Si Jésus n'est pas Dieu devenu pleinement humain, alors Dieu ne s'est pas approché des humains, de nous.
    A Noël, comme chrétiens, nous confessons que Dieu, le majestueux, le Tout-puissant, a laissé au ciel les attributs de sa puissance, pour vivre la difficile vie des êtres humains.
    Dieu a pris le risque inouï — pour un Dieu — de vivre neuf mois dans le ventre d'une femme, de naître dans une situation précaire, de grandir et de devenir un homme, pleinement.
    Dieu a pris ce risque inouï de ne pas s'entourer des précautions de la richesse et du luxe pour naître dans un palais et vivre à la cour.
    Dieu a pris le risque inouï de dire la vérité de son amour, suscitant des réactions de haine, jusqu'à sa mort sur la croix.
    Dieu a pris le risque inouï de vouloir vivre, éprouver, ressentir, aimer, être déçu ou enthousiasmé, comme tout être humain dans la vie.
    Ainsi, il est proche de chacun d'entre nous, plein de compassion et de compréhension, il est véritablement Emmanuel, Dieu avec nous !
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 1. En chemin dans ce temps de la réalisation, orienté vers le temps de l'achèvement.

    Luc 1
    3.12.2006
    En chemin dans ce temps de la réalisation, orienté vers le temps de l'achèvement.
    1 Pierre 2:4-10 Luc 1:5-17 Luc 1:18-25

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers Amis,
    Pendant tout cette année 2006, nous avons fêté les 40 ans de notre paroisse. Nous nous sommes retrouvés pour des moments conviviaux, repas et rallye; pour des moments de partage spirituel; pour des moment musicaux et finalement pour des conférences qui nous ont rappelé nos racines et notre évolution. Nous n'avons pas vécu tout cela par nostalgie des temps passés, révolus. Au contraire, nous l'avons fait pour vivre et redynamiser notre présent, pour nous rendre compte que nous sommes nourris par nos racines et que la vie se déploie dans le présent, dans la ramure de l'arbre qui tend vers le ciel.
    Oui, nous vivons dans cette tension entre les racines et le faîte, entre la terre et le ciel. L'histoire de Zacharie et d'Elisabeth que l'évangéliste Luc place au début de son Evangile est aussi dans cette tension entre la terre et le ciel, entre le passé et l'avenir.
    Luc raconte ainsi comment, du Temple, surgit la promesse d'un temps tout nouveau, celui de la venue du Messie. Le Temple de Jérusalem où officie Zacharie appartient au passé. Au moment où Luc rédige son Evangile, les romains l'ont déjà détruit, il n'existe plus. Et pourtant, c'est bien de là, de cette racine du passé qui a nourri tout un peuple pendant des siècles, que naît la nouveauté.
    Le rythme du temps de Dieu n'est pas notre rythme à nous. Le temps de Dieu est le temps de la patience, c'est le temps de "la calme lenteur de toute germination"*1. C'est Lui qui prépare le temps de sa révélation, à petits pas, lentement, au fil des générations.
    Il a commencé par choisir un couple, Abram et Saraï, il a accompagné leurs enfants, il en a formé une grande famille, puis tout un peuple. Peuple errant dans le désert, puis nation établie. Royaume, un temps uni, un temps divisé. Peuple et rois admonestés par les prophètes, vaincus puis déportés, rassemblés puis revenus d'Exil. Enfin réunis dans un troisième Temple, ce peuple va être visité, d'abord par un précurseur, puis par le Messie.
    Né dans une famille de prêtres, élevé dans la tradition sacerdotale, Jean Baptiste deviendra un prêcheur au désert, aplanissant le chemin du Messie. Dieu nous déroute dans sa façon de ne pas compter le temps et dans sa façon d'être toujours ailleurs, là où nous n'irions pas le chercher. Jean Baptiste reçoit une mission "former un peuple prêt pour le Seigneur" (Luc 1:17). Jean Baptiste est à la charnière de deux temps : le temps de la préparation et le temps de la réalisation.
    Le temps de la préparation, c'est le temps que je viens de décrire où Dieu prépare la venue du Christ en se révélant petit à petit à son peuple pour le préparer à sa descente sur terre. Long chemin qui constitue la racine nourricière du temps de la réalisation de la venue de Jésus.
    Le temps de la réalisation, chaque génération le vit, depuis le premier Noël jusqu'au temps présent. C'est le temps de l'édification, de la construction de l'Eglise, peuple du Seigneur. Chaque personne est une pierre qui a sa place dans l'édifice. Peu importe que certains aient été dans les premières pierres posées et que nous arrivions presque 2000 ans plus tard. Chaque pierre est nécessaire à l'édifice, chacun a une place réservée dans le peuple du Seigneur.
    A chacun d'entre nous est redonnée la mission de Jean Baptiste : "former un peuple prêt pour le Seigneur." Nous formons une communauté où nous avons tous un rôle, une fonction. Avec nos diverses capacités et compétences, nous sommes tous appelés à devenir et à rassembler le "peuple prêt pour le Seigneur."
    Nous sommes en chemin dans ce temps de la réalisation et ce chemin est orienté vers le temps de l'achèvement. Le temps de l'achèvement, celui où Dieu régnera visiblement sur la terre, est notre horizon, comme il a été l'horizon des générations précédentes. C'est un temps que nous ne pouvons vivre qu'en espérance, mais qui donne un sens, une orientation à notre vie et à notre chemin.
    Nous savons que nous voulons une société plus juste, plus équitable, un monde où les valeurs humaines et relationnelles l'emportent sur les intérêts et l'égoïsme. Nous savons que nous marchons et travaillons en direction de cet horizon avec les forces que Dieu nous donne.
    Dans ce temps de l'Avent, nous vivons dans l'attente de ce surgissement du temps de Dieu. Dans ce temps de la réalisation, il est venu, pauvre et faible dans une étable — là où on ne l'attendait pas ! Sur notre
    chemin, un temps s'ouvre devant nous, un temps à écrire, à dessiner, à inventer.
    Nous avons fêté les 40 ans de notre paroisse pour nous rappeler nos racines, parce que c'est des racines que monte la sève qui nourrit la ramure et le faîte. Mais la vie de l'arbre est dans la ramure, c'est là que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid.
    Nous avons — en tant qu'Eglise et chacun en tant que croyant — toujours la même responsabilité que Jean-Baptiste : ouvrir un chemin vers l'horizon et "former un peuple prêt pour le Seigneur." Ne perdons pas cet objectif spirituel de vue pendant que nous cheminons. Formons ensemble un peuple prêt pour le Seigneur !
    Amen

    *1 La Règle de Reuilly, Réveil et Publications, Lyon, 1996, p. 57

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 1. La réconciliation comme préparation à Noël

    Luc 1
    6.12.1998
    La réconciliation comme préparation à Noël
    Es 40:3-5 Mal 3:23-24 Luc 1:5-17

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Qu'est-ce que tu veux pour Noël ? C'est une question qu'on pose on qu'on entend beaucoup ces temps. Les parents la posent à leurs enfant, les oncles et tantes à leurs neveux et nièces. On se la pose entre conjoints, à quelques amis chers. On nous la pose.
    On a des désirs, ou on n'en a pas de précis, et puis parfois on a un soupir de lassitude... Ce qu'on désire vraiment, peut-on le mettre dans une boîte, l'emballer dans du beau papier entouré d'un joli ruban ? A-t-on vraiment besoin de quelque chose encore, d'un objet en plus ? Nos aspirations ne sont-elles pas ailleurs ? N'avons-nous pas besoin de choses plus immatérielles, plus relationnelles, plus personnelles et profondes ? Lassitude de l'aspect commercial de Noël, aspirations à d'autres réalités, plus vraies, plus réelles.
    Alors, comment allons-nous préparer Noël qui vient ? Oui, Noël se prépare... Dieu lui-même a préparé Noël, Dieu lui-même a préparé le chemin de l'avènement de son Fils. C'est la figure de Jean-Baptiste que Dieu envoie pour préparer le chemin, pour préparer l'accueil de Jésus.
    Avec Jean-Baptiste nous pouvons nous préparer à vivre Noël sur un mode nouveau qui réponde à nos aspirations profondes. L'évangéliste Luc nous relate comment la venue même de Jean-Baptiste est préparée pour nous montrer son rôle, sa place, sa mission. La naissance de Jean-Baptiste est mise en parallèle avec celle de Jésus. Deux annonces par un ange; deux conceptions extra-ordinaires; deux enfants qui vont grandir sous l'aile du Saint-Esprit. Beaucoup de similitudes entre Jean-Baptiste et Jésus, mais des rôles bien définis et bien différents.
    Jean-Baptiste s'inscrit dans l'ordre ancien. Il est le fils de Zacharie et d'Élisabeth, qui eux-mêmes s'inscrivent dans la plus pure tradition de l'Ancien Testament. Ils servent au Temple, leurs généalogies les rattachent à Aaron, le frère de Moïse. Jean-Baptiste s'inscrit donc au coeur du peuple d'Israël, le peuple choisi par Dieu dès le début. C'est à son peuple élu que Dieu réserve le summum de sa révélation. Jean-Baptiste s'inscrit dans la continuité de l'élection. Le Sauveur qui va venir, c'est celui qui a été annoncé et promis dans l'Ancien Testament. Jean-Baptiste, c'est l'accomplissement des promesses d'Esaïe : "la voix qui crie dans le désert pour préparer le chemin" et l'accomplissement de la promesse de Malachie : "un prophète revêtu de la puissance d'Elie". Tradition et accomplissement se rencontrent en Jean-Baptiste.
    Il a une mission qui est définie dès avant sa naissance :

    "Il ramènera beaucoup d'Israélites au Seigneur leur Dieu. Il s'avancera lui-même devant Dieu avec l'esprit et la puissance du prophète Elie, pour réconcilier les pères avec leurs enfants et ramener les désobéissants à la sagesses des hommes justes; il formera un peuple prêt pour le Seigneur." (Luc 1:16-17).
    Cette mission prépare, anticipe la venue du Messie et la réalisation de sa promesse. Cette mission est exprimée en termes de réconciliation. Réconcilier, ramener les coeurs des pères vers leurs enfants. Réconcilier les parents avec leurs enfants, c'est au niveau humain la figure de la réconciliation de Dieu avec les êtres humains. Le premier pas vient de celui qui a l'autorité, la force, le pouvoir.
    • Comme Dieu a pris la responsabilité et l'initiative de renouer avec l'être humain, de même, c'est à nous adultes, parents, aînés de prendre l'initiative de rénover, renouveler nos relations avec nos proches.
    • Comme Dieu a envoyé un messager pour préparer la route, aplanir les montagnes et combler les fossés, de même, c'est à nous de préparer le terrain, d'aplanir les obstacles et d'envoyer des signaux bienveillants à ceux qui nous entourent pour amorcer une réconciliation, pour améliorer nos relations.
    • Comme Dieu a laissé tombé ses griefs contre Israël pour envoyer son Fils, de même, nous pouvons laisser tomber nos rancunes, nos regrets, nos désirs de vengeance pour ouvrir la porte à de nouveaux contacts.
    Préparer l'Avent, la venue de Noël, c'est préparer des cadeaux pour les autres, mais peut-être des cadeaux auxquels nos proches aspirent mais n'osent pas espérer, quelques cadeaux immatériels, mais combien précieux qui pourraient illuminer Noël d'une autre lumière que celle des bougies !
    L'avent, Noël, un temps pour la réconciliation, mais peut-être pas seulement avec les autres, aussi avec soi-même. Combien sommes-nous ici, qui sont partagés ou en guerre avec soi-même ? Combien de reproches avons-nous en réserve contre soi, combien de "il faut", "tu devrais", "tu aurais dû", restent en suspens dans notre esprit et nous empêchent d'être en paix avec soi-même ?
    La réconciliation — dont Dieu planifie le chemin, la venue — est aussi pour nous-mêmes, pour nos âmes chargées et fatiguées de ces luttes constantes.
    Reposez-vous, détendez-vous, la réconciliation intérieure est aussi une promesse pour chacun de nous, un cadeau que chacun peut recevoir, un cadeau que Dieu dépose sous chaque sapin. A chacun de le saisir et de le faire sien.

    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 8. Le grain tombe partout. L’occasion est là à chaque instant.

    Luc 8
    29.10.2006
    Le grain tombe partout. L’occasion est là à chaque instant.
    Ps 126 : 1-6 Luc 8 : 4-8

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers Amis,
    J’ai choisi cette parabole de Jésus pour notre réflexion de ce matin parce que je crois qu’elle pose une question essentielle aujourd’hui : Que faisons-nous de notre vie ? Qu’est-ce que je fais de ma vie, de mon temps ? Est-ce que je m’occupe juste pour que le temps passe ? Est-ce que je me divertis pour ne pas m’ennuyer ?
    Que vais-je faire de mes prochaines années ? Qu’est-ce que je pourrais faire grandir en moi ? Qu’est-ce que je pourrais développer pendant les années qui me restent à vivre ?
    Dans la parabole du semeur, Jésus nous confronte à ces questions, il nous pousse à la réflexion, tout en posant quelques bases : il y a trois conditions pour faire une récolte. (i) du grain doit être semé. (ii) les conditions atmosphériques doivent permettre la croissance. (iii) le terrain doit être favorable.
    A propos du grain, Jésus nous dit qu’il tombe déjà. Le semeur est sorti et il ne cesse de semer. Dieu est généreux, la vie est généreuse, le grain tombe partout, quel que soit l’état de la terre.
    A propos des conditions atmosphériques, Jésus dit peu de choses, si ce n’est que le soleil est impitoyable. Oui, les conditions de vie sont rudes, la vie est difficile, elle est pleine d’épreuve à traverser. Autant de raisons pour se préparer à les affronter.
    C’est à propos du terrain que Jésus développe ses propos. Nous sommes le terrain qui reçoit le grain. Mais nous sommes aussi le paysan qui travaille cette terre. Le paysan fait un avec sa terre. Il vit sur cette terre et de sa terre. Sa vie dépend de son travail. De son travail dépend la récolte ou la famine. La terre est ici la métaphore, l’image de notre existence et de la façon dont nous la menons, dont nous en prenons soin ou la négligeons. Chaque grain est une occasion de faire quelque chose de sa vie, de son existence.
    A propos de cette terre, Jésus nous en décrit quatre types, quatre types de terrain. En faisant cela, il nous révèle trois types d’obstacles à la foi, à la vie spirituelle, trois types d’obstacles à notre croissance spirituelle.
    A. Le premier type de terrain, c’est le bord du chemin sur lequel tombe le grain. Un chemin, c’est de la terre tassée par le passage, par le piétinement des gens. La terre a tellement été piétinée qu’elle n’est plus capable de s’ouvrir au grain, ni même à l’eau. Une vie aussi fermée révèle beaucoup de souffrances. Que faut-il avoir enduré pour éprouver la nécessité de se munir de boucliers ou de carapaces imperméables à toute parole généreuse, à tout geste de sympathie, à tout espoir d’être touché sans être blessé !
    Pourtant le grain y tombe, Dieu a toujours un espoir. L’espoir que cette terre piétinée puisse être labourée, protégée par une clôture, et voir lever une herbe verte annonciatrice d’une belle moisson.
    B. Le deuxième terrain est pierreux. J’y vois un terrain qui n’a pas été préparé pour recevoir le grain. Le paysan n’a pas jugé que l’effort d’enlever les pierres en valait la peine. C’est une attitude courante de nos jours. C’est la recherche d’un satisfaction maximale pour un effort minimal. « Tout, tout de suite et sans effort. »
    Des projets germent, mais sont abandonnés par manque de motivation, d’énergie. On se lance dans diverses choses, mais on se décourage, on passe à autre chose… et on ne récolte jamais de fruits. On ne prend pas le temps ni l’énergie d’affronter les obstacles de la vie.
    Et pourtant le grain est semé, il est présent et il ne demande qu’à porter du fruit. Il manque au paysan la persévérance et la confiance d’aller jusqu’au bout, jusqu’au moment de la récolte.
    C. Le troisième terrain est celui envahit par les ronces. La ronce est aux plantes ce que le coucou est aux oiseaux. Elle représente tout ce qui envahit notre vie lorsqu’on ne lutte pas vigoureusement contre. C’est tout ce qui vient se loger quand on laisse du vide. Vous savez comme moi à quelle vitesse viennent les mauvaises herbes sur une plate-bande lorsqu’on la néglige. C’est pareil dans nos vies.
    Pourtant le grain nous est confié et il est bien plus précieux que la ronce ou les mauvaises herbes. La ronce pousse là où le paysan est apathique, négligent, là où il baisse la garde, abandonne sa vigilance. Certains grains donnent des pousses, mais elles ne parviennent pas à maturité.
    D. Enfin vient le quatrième terrain. Celui qui a su ameublir sa terre, ôter les pierres et chasser les ronces, celui-là va voir germer le grain, pousser la tige, grossir l’épi et mûrir de nouveaux grains. Il porte du fruit dit Jésus.
    Là, on peut entendre dans nos têtes la liste de ce que peuvent être ces fruits : altruisme, générosité, dévouement, etc… Eh bien, Jésus ne donne aucun exemple. Jésus n’a pas ouvert d’hôpital, il n’a pas ouvert une banque de micro crédit, même s’il n’aurait pas blâmé ces attitudes. Non, Jésus a formé des disciples pour annoncer la bonne nouvelle. Il ne les a pas formés, en fait, il les a transformés.
    Ce qu’il attend de nous, c’est que nous nous ouvrions à sa parole pour qu’elle nous transforme à notre tour. Cette transformation, c’est son travail, c’est le travail de Jésus. C’est lui qui sème et qui fait pousser le grain.
    Notre travail, c’est de nous ouvrir en lâchant les vieilles carapaces.
    Notre travail, c’est de nous préparer en ôtant les cailloux qui font obstacles à notre persévérance.
    Notre travail, c’est de lutter contre ce qui nous détourne de l’appel du Christ à l’accueillir.
    Avec cela, le grain de sa Parole se développera en nous, portant du fruit, sans que ce soit un effort pour nous. Le grain tombe partout. L’occasion est là à chaque instant. Sachant cela, que vais-je faire de ma vie ? Que vais-je faire grandir en moi et autour de moi ?
    Jésus ne définit jamais ce que sont ces fruits. Il nous laisse à chacun le soin de découvrir ce que sont et seront les fruits particuliers de notre existence et avec qui nous les partagerons.
    Amen
    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 8. Des femmes parmi les disciples de Jésus, à propos du Da Vinci Code

    Luc 8
    3.7.2005
    Des femmes parmi les disciples de Jésus
    Luc 8 : 1-3 Luc 24 : 1-12

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous sommes entrés dans l'été et le début des vacances scolaires. Pendant cette période d'été, j'ai pris l'habitude depuis quelques années de proposer une suite de prédications sur un thème. Cette année, je ne serai pas seul à suivre ce thème. Autant Georges Blanc — qui viendra prêcher ici les 10 et 31 juillet — qu'Anne Lelièvre en août, nous allons centrer nos prédications sur la place de la femme dans la Bible ou le Nouveau Testament.
    Aujourd'hui, de vais essayer de brosser un portrait d'ensemble — mais limité au temps de Jésus et de la première Eglise. D'un point de vue général, au premier siècle de notre ère, en Palestine occupée par les romains, la situation des femmes se présente comme ceci :
    Elles ont un statut de dépendance vis-à-vis de l'homme le plus proche par la parenté : la fille est sous tutelle de son père, la femme de son mari, la veuve de son frère ou de son fils. La femme a un rôle de gardienne du foyer et n'en sort que pour les tâches en lien avec le foyer : achats au marché, aller au puits, accompagner son mari. C'est la règle générale.
    Toutes les femmes ne s'y soumettent cependant pas, notamment sous l'influence des mœurs grecques ou romaines plus libres. Mais vous pouvez imaginer la somme de regards de travers et de désapprobation qui pouvaient s'abattre sur elles. Une femme libre, qui s'affranchissait de sa tutelle, était une femme dangereuse, une femme de mauvaise vie. Le simple fait de vouloir accéder au savoir des hommes — au savoir contenu dans la Torah — pouvait leur valoir cette "mauvaise" réputation.
    Les femmes étaient donc marginalisées, comme elles l'étaient dans le Temple, puisqu'elles n'avaient accès qu'à la cour des femmes et pas au bâtiment où avaient lieu les sacrifices. Bien sûr, les femmes n'avaient pas non plus accès à des fonctions publiques ou religieuses.
    C'est dans ce contexte social là qu'il faut lire les évangiles et voir comment Jésus aborde ou accueille les femmes et quelles places il leur donne dans son environnement.
    Les quatre Evangiles ont leur perception propre de la place des femmes et pour ne pas aplatir leurs différences, je vais me concentrer sur l'Evangile de Luc. Luc est particulièrement intéressant, par rapport à Matthieu ou Marc, parce qu'il est celui des Evangiles qui offre le plus de textes, de récits, faisant intervenir des femmes.
    Dans l'Evangile de l'enfance (chap 1-2) Luc fait intervenir Marie et sa cousine Elisabeth, puis Anne la prophétesse. Ensuite, pendant le ministère de Jésus, on trouve, exclusivement chez Luc, ces épisodes avec des femmes : la belle-mère de Pierre, que Jésus guérit (4:38-39); la veuve de Naïm dont Jésus ressuscite le fils (7:7-11); la femme — de mauvaise vie — qui pleure sur les pieds de Jésus chez Simon (7:36-50); la liste des femmes qui suivent Jésus depuis le début (8:1-3); Jésus chez Marthe et Marie (10:38-41); Jésus guérissant une femme le jour du sabbat (13:10-17); la drachme perdue (pendant féminin du mouton perdu) (15:8-10); la veuve face au juge inique (18:1-9); et finalement l'exhortation — pendant le chemin de croix — de Jésus aux "femmes de Jérusalem" (23:27-31). Tous ces textes n'apparaissent pas chez Matthieu ni chez Marc.
    A partir de là, on pourrait facilement dire que Luc est le grand défenseur de la cause des femmes dans le Nouveau Testament. Mais cela n'est pas si simple. Luc est beaucoup plus ambivalent.
    En positif : oui, Luc donne de la place aux femmes, il est même le seul à mentionner que des femmes — dont trois sont nommées — suivent Jésus depuis le début de son ministère. Cette mention précoce est significative, elle doit nous rappeler que chaque fois que Luc parle de "disciples", il faut entendre qu'il y a des femmes parmi eux. D'ailleurs, chez Luc (plus que chez Matthieu ou Marc) le terme "disciple" ne désigne pas seulement les Douze apôtres, mais tous ceux qui suivent Jésus, puis appartiennent à l'Eglise. Dans le livre des Actes — qui est la suite de l'Evangile de Luc — ceux qui adoptent la foi chrétienne sont aussi appelés des disciples.
    Lorsque Luc parle des gens qui entourent Jésus, on observe qu'il décrit des cercles concentriques. Il y a d'abord les Douze disciples, puis les "autres disciples" (souvent très nombreux, Lc 6:17) puis la foule à qui Jésus parle. Ici (Lc 8:2-3) on observe, aussi pour les femmes, ces cercles concentriques. Il y a trois femmes qui portent des noms : Marie de Magdala, Jeanne, la femme de Chuza et Suzanne, puis plusieurs autres femmes qui servent la communauté autour de Jésus et Jésus lui-même.
    On peut donc en déduire qu'à côté des Douze, il y avait des femmes (ces trois et les trois qu'on retrouve nommées devant le tombeau vide Lc 24:10, au moins) et que ces femmes avaient le statut de disciples. Voilà pour les points positifs. Il y en a aussi des négatifs.
    Lorsque Luc reprend des récits qui mettent en scène des femmes, il s'arrange pour ne pas leur donner la parole ou leur retirer la parole (ou leurs pensées) alors qu'elles parlent ou pensent chez Matthieu ou Marc (Lc 8:27 // Mt 9:21 et Mc 5:28). Cela est particulièrement clair dans les récits qui suivent la résurrection. Alors que chez Matthieu et Marc les femmes qui découvrent le tombeau vide sont chargées de la mission d'aller annoncer la bonne nouvelle aux disciples-hommes (Mt 28:7 et Mc 16:7) chez Lc, elles ne reçoivent pas cet ordre (24:7-8). Les femmes vont tout de même en parler aux disciples — Luc ne peut pas échapper à ce qui s'est réellement passé — mais les disciples sont incrédules !
    On voit donc Luc — dans son travail rédactionnel — diminuer le rôle des femmes et tenter de les confiner dans le silence. Quel est le message que cette ambivalence nous envoie ?
    D'abord, cela nous rappelle que tout écrit est influencé par la culture et les conditions sociale dans lequel il est baigné. Cela nous invite à rechercher chaque indice qui peut nous signaler un biais, pour tenter de retrouver une image plus originale. Oui, les Evangiles ont été rédigés par des hommes et ils portent certaines marques dont nous devons être conscient aujourd'hui. Si Luc ne voulait pas que les femmes prennent la paroles dans les assemblées de son temps — et là il est proche de Paul qu'il a fréquenté — cela ne signifie pas qu'il faut en faire une règle éternelle.
    Ensuite, si Luc se sent obligé — là où il le peut — de minimiser ou diminuer le rôle et la place des femmes dans l'entourage de Jésus, c'est que Jésus lui-même leur a fait, leur a donné une place considérable ! Réalisons que cette place était plus grande que ce que les homme de son temps pouvaient supporter ! Et réalisons que si Luc doit minimiser leur place, c'est que la tradition a gardé en mémoire cette place considérable pour l'époque.
    Oui, pour Jésus, les femmes avaient leurs places comme disciples et peut-être même comme apôtres — pourquoi pas ? Cela nous l'analyserons le dimanche 17 juillet !
    Encore un dernier mot : il est frappant de voir qu'aujourd'hui les femmes s'investissent davantage dans l'Eglise ou dans la vie spirituelle que les hommes. On peut le voir comme la réussite de l'équilibrage que Jésus a voulu faire — et cela malgré des rédaction parfois "tendancieuses" ou "machistes."
    Mais l'idéal n'est pas d'avoir une Eglise de femmes, mais une Eglise où femmes et hommes ont des rôles et des places égales. Alors, un petit effort Messieurs ! La recherche de sens, la quête du sens de la vie et du bonheur n'est pas l'affaire des unes et pas des autres. Rechercher le sens de la vie, c'est l'affaire de l'humanité toute entière, hommes et femmes.
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 10. Le bon Samaritain : prendre la perspective du blessé

    Luc 10
    4.10.98
    Le bon Samaritain : prendre la perspective du blessé
    Deut. 6 : 4-7 1 Jean 4 : 7-10 Luc 10 : 25-37


    "Que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle? " Telle est la question qu'un maître de la loi vient poser à Jésus. Qui, aujourd'hui se soucie de son salut, de la vie éternelle ? Est-ce une préoccupation qui vous agite, qui mobilise votre énergie, qui guide vos choix journaliers ? Si le salut et la vie éternelle ne concerne que ce qui se passe après la mort, je pense que vous êtes peu à vous en préoccuper. Le sujet peut attendre quelques années... et je ne vous donne pas tort !
    Cependant, je pense que ces termes et la question du maître de la loi ne concernent pas des choses lointaines, mais une préoccupation que nous avons tous : Qu'est-ce qui est essentiel dans la vie ? Qu'est-ce qui va me rendre heureux ? Où est le bonheur ? Dès maintenant, pour aujourd'hui. Ces questions-là nous préoccupent, au moins sur certains plans pratiques : comment être heureux en famille, avec qui vais-je faire ma vie, quel métier dois-je choisir, etc. ?
    Jésus renvoie la question au maître de la loi. A lui de répondre. Et en bon connaisseur de la loi, de l'Ancien Testament, le maître de la loi extrait les textes que Jésus lui-même aurait choisi. On ne peut mieux faire ! Il résume toute la volonté de Dieu en deux phrases. Aussi Jésus le félicite-t-il et lui recommande simplement de mettre cela en pratique; le bonheur est dans ce double amour. Mais le maître de la loi se retrouve avec une contradiction sur les bras. Il pense en terme de loi, de commandement, et voilà que sa réponse lui ordonne d'aimer. On est là en plein paradoxe. Peut-on aimer sur ordonnance ?
    Insatisfait par cette réponse de Jésus, trop simple et trop paradoxale en même temps, le maître de la loi relance le débat. S'il s'agit d'aimer, qui dois-je aimer ? Et là, Jésus se met à raconter une histoire, l'histoire du bon Samaritain.
    Cette histoire je l'avais souvent lue ou entendue et elle me mettait toujours mal à l'aise. Je me demandais toujours, en l'entendant, qui de ces trois personnages j'étais ou j'allais être dans la vie. Est-ce que je réussirai à être un bon Samaritain ? Est-ce que j'y arriverai, est-ce que je serai assez bien, à la hauteur ? Je n'avais pas assez d'énergie à mettre dans ce rôle. Cette histoire me paralysait.
    Un jour, cependant, j'étais avec quelqu'un qui m'écoutait avec une attention particulière, cette attention qui permet de se confier et de regarder en soi, sans peur, avec vérité. Ce jour-là, j'ai vu les blessures laissées par mon enfance. Et un peu plus tard, cette histoire de Jésus m'est revenue en mémoire, mais complètement transformée. Je me suis vu dans l'homme blessé, au bord du chemin, voyant des gens qui passaient et se détournaient, indifférents à ma souffrance. Et d'autres qui se sont arrêtés. Ces personnes-là sont devenues mes prochains et ont formé ensemble le visage de Dieu pour moi. Depuis ce moment, j'ai senti renaître en moi les ressources et l'énergie de me tourner vers les autres. J'ai vu qu'aimer ne pouvait pas être un devoir, seulement une chance fantastique, une liberté offerte. Un chemin vers la vraie vie.
    Pour répondre à la question "Qui est mon prochain ?" Jésus ne propose pas un choix entre trois sortes de malheureux. Il nous invite à prendre la perspective du blessé et à chercher à partir de là qui est venu à son secours.
    N'importe lequel de ces trois hommes aurait pu s'arrêter. Un seul l'a fait. Pourquoi celui-ci plutôt que les deux autres ? Pourquoi le Samaritain, plutôt que le prêtre ou le lévite ? Le texte ne nous donne que deux indices, mais ils me semblent suffisant pour poser une hypothèse. L'homme était Samaritain et il a eu profondément pitié. Les Samaritains étaient des faux-frères ou des frères ennemis pour les juifs. Le Samaritain qui voyage en Judée est victime de rebuffades, de vexations, d'exclusions. Il est mal-aimé et il souffre de cette situation. Victime lui-même, le Samaritain est à même de percevoir la souffrance d'une autre victime, celle du blessé au bord du chemin.
    Le Samaritain ressent en lui la souffrance de l'autre, il ne peut y rester indifférent. Il obéit donc à ce signal, il ouvre son coeur et se met à aimer dans le concret en prenant soin du blessé. Le Samaritain a été blessé, il est capable de reconnaître un autre blessé qui a besoin de lui, comme le Christ blessé à mort sur la croix est capable de comprendre les détresses que nous traversons.
    Jésus, en terminant sa rencontre avec le maître de la loi, l'invite à faire de même, c'est-à-dire à découvrir en lui-même l'être blessé, afin d'être capable d'aller par les chemins et de reconnaître celui qui va devenir son prochain. Cette façon d'aimer est l'accomplissement de la loi.
    L'Eglise devait être le lieu de rassemblement de ceux qui se sont reconnus blessés et aimés, soignés, après quoi la mission de se tourner vers les autres devient facile.
    "Toi, va et fais de même" dit Jésus. Cette phrase veut dire : Vois où tu as été blessé par la vie, reçois l'amour qui peut guérir cette blessure et fait de cette blessure guérie ta force, ton terrain d'action ! La blessure guérie est un détecteur sûr et sensible des blessures semblables, elle sera un guide sûr à la rencontre de ton prochain.
    "Toi, va et fais de même" dit Jésus. Si tu es blessé, viens recevoir ta part d'amour.
    Si tu es guéri, va à la rencontre de ton prochain.
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 7. L'année de faveur du Seigneur

    Luc 7
    12.10.97
    L'année de faveur du Seigneur
    Lév. 25 : 8-19 Col. 3 :12-14 Luc 7 : 36-50

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Au début septembre, j'ai commencé une suite de prédications en partant des paroles du prophète Esaïe lues par Jésus lors de sa première prédication à Nazareth :

    "L'Esprit du Seigneur est sur moi,
    il m'a choisi pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres.
    Il m'a envoyé pour proclamer la délivrance aux prisonniers
    et le don de la vue aux aveugles,
    pour libérer les opprimés,
    pour annoncer l'année où le Seigneur manifestera sa faveur." Luc 4:18-19.
    Aujourd'hui, nous sommes arrivés à la dernière phrase : "Annoncer l'année où le Seigneur manifestera sa faveur", une année de grâce, de bienveillance de Dieu envers nous.
    Cette année de faveur à une histoire dans l'Ancien Testament. Dans le livre du Lévitique est décrit un système économique très spécial. Un premier cycle de sept ans est introduit, où la septième année, l'année sabbatique est une année de repos pour le sol. Pendant six ans tout le monde travaille, sème et récolte, la septième année est une année de repos. A ce premier cycle se superpose un deuxième cycle de sept fois sept ans, soit 49 années au total. L'année qui suit, soit la 50e est le Jubilé, l'année du Seigneur. Lors de cette 50e année, on rétablit les prersonnes dans leurs biens, dans leurs terres ou dans leur liberté pour celles qui ont été asservies pour n'avoir pas pu payer leurs dettes. Ce système économique présuppose une situation de départ équitable et juste et un monde très stable, au moins démographiquement.
    Cet astucieux système économique n'a jamais été mis en place en Israël, mais il témoigne d'une tentative d'orgdonner le monde économique à la volonté divine tout en laissant de la place à la liberté humaine et en tenant compte de certaines réalités :
    Ce système laisse une liberté de commerce et d'entreprise aussi grande que possible à tous pendant le cycle de 49 ans. Il ne laisse cependant pas croître les inégalités jusqu'à un point de rupture ou de non retour grâce à l'année du Jubilé qui instaure une redistribution. Enfin il tient compte du fait que la réalité est marquée par la dégradation des relations et des conditions de vie, en l'absence d'une lutte contre l'entropie naturelle ou sociale.
    Jésus nous dit : "Aujourd'hui s'accomplit cette parole d'Esaïe : l'année du Seigneur, de la restauration, c'est maintenant." Pourtant Jésus n'est pas venu accomplir une révolution économique, comme il n'est pas venu pour chasser les Romains de Palestine. Il vient restaurer notre être, pas nos avoirs. Jésus est venu remplacer — dans nos modes relationnels — l'économie de marché fondé sur la pénurie, par l'économie du Royaume fondée sur l'abondance. C'était-là la Bonne Nouvelle annoncée aux pauvres.
    Le départ équitable qui est donné à tous à la naissance, c'est de vivre dans l'abondance de l'amour. Il existe une légende juive qui dit que Dieu enseigne toute la Torah à chaque bébé dans le ventre de sa mère, de sorte qu'il sache à quel point il est aimé et capable d'amour. A la naissance, cependant, un ange pose son doit sur la bouche du nouveau-né pour qu'il se taise et laisse chacun découvrir par sa présence ce qu'il a déjà appris. La petite gouttière que nous avons entre le nez et la lèvre est la trace du doigt de l'ange.
    Chaque enfant naît avec l'amour et le pardon de Dieu dans son coeur, avec une capacité d'aimer à l'infini. Ensuite, malheureusement, la situation se dégrade. Les détresses subies nous aliènent et le mal prend de l'ampleur dans nos vies et limitent nos capacités d'aimer, comme dans le Lévitique. La situation voulue au départ se dégrade. Chacun vit — sans que ce soit la faute de personne — des événements pénibles, tristes, frustrants, parce que la vie est dure, la société injuste et qu'il est impossible d'obtenir tout ce que nos désirs souhaitent.
    Comme le pharisien ou comme la femme au parfum, nous sommes poussés, renfermés dans des rôles, des fonctions. Nous accumulons des dettes sous forme de culpabilités et perdons nos libertés, en façonnant nos stratégies relationnelles.
    Jésus vient nous libérer de nos propres enfermements, de nos dettes, de nos culpabilités, detout ce qui nous paralyse. C'est ainsi que se réalise la parole d'Esaïe : "Dieu libère les captifs et renvoie en liberté les opprimés". Jésus vient nous délivrer du péché.
    Voilà, le mot est lâché : le péché. C'est Jésus qui le prononce lorsqu'il dit à la femme "Tes péchés sont pardonnés". Le péché, c'est l'ensemble des choses qui dégradent la situation de départ pendant les 49 ans du cycle du Lévitique, jusqu'à ce que Dieu rétablisse la justice et l'équité pendant la 50e année.
    Jésus ne parle du péché que lorsqu'il parle du pardon, lorsqu'il libère (la femme adultère) ou qu'il compatit et guérit (le paralytique). Pour Jésus, le péché originel n'existe pas. La seule chose qui existe pour Jésus, c'est le pardon originel.
    Constamment, Jösus veut nous guérir de notre aveuglement qui nous fait voir le péché seulement comme les actes mauvias, les fautes, le mal que nous commettons et qui conduit à être jugé et à juger les autres, à être accusé et à accuser (à être lapidé ou à lapider Jean 8). Il veut nous redonner la vue sur la détresse, sur la souffrance ressentie, sur la dégradation des relations pour que nous puissions ressentir et compatir, "nous réjouir avec ceux qui se réjouissent, pleurer avec ceux qui pleurent".
    L'année de faveur du Seigneur que Jésus réalise, c'est le retour à l'état de personne pardonnée, aimée. Dieu nous offre aujourd'hui d'être restaurés dans cet état premier par le pardon, ce pardon qui permet d'aimer et d'agir comme la femme au parfum. Jésus déclare à Simon, le pharisien qui se croit juste : "Je te le déclare : le grand amour que cette femme a manifesté, poruve que ses nombreux péchés ont été pardonnés." (Luc 7:47)
    Les nombreux péchés de cette femme proviennent des nombreuses occasions de souffrir, d'être méprisée, d'être discriminée qu'elle a pu vivre. Le péché n'est pas souvent un acte délibéré, un délit prémédité, organisé et commis de sang froid. Plus souvent, c'est une simple réaction, réaction de défense par laquelle on tente de survivre, ou une réaction dans le sens d'une répétition, répétition du mal que nous avons subi, à la façon dont ces personnes qui ont été battues dans leur enfance, se mettent également à battre leur conjoint ou leurs enfants. Comment pourraient-elles agir différemment si elle n'ont jamais vécu dans un autre système relationnel, si elles n'ont jamais eu l'occasion d'expérimenter d'autres façons d'entrer en relation avec les autres, qu'elles ne connaissent pas d'autres règles du jeu ?
    Avec l'année de faveur du Seigneur, Jésus nous offre lacompréhension pour tout ce que nous avons éprouvé et subi. En pardonnant, il prononce la parole libératrice que la femme au parfum attend : tu n'a rien fait de mal, tu es innocente, je te déclare non coupable et te restaure dans ta dignité première. Comme Jésus a dit à la femme : "Ta foi t'a sauvée, va en paix", il nous dit à nous aussi aujourd'hui : "Ta foi t'a sauvée, va en paix".
    Amen.

    Fait partie de la suite Prédication de Jésus à Nazareth : Luc 4 / Esaïe 58 / Luc 10 / Luc 7.

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 10. Comment Jésus rend la vue aux aveugles

    Luc 10
    Comment Jésus rend la vue aux aveugles
    Dt 6 : 20-25 Luc 10 : 22-24 1 Jean 2 : 7-11

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aujourd'hui, nous allons voir comment Jésus rend la vue aux aveugles.
    Vous vous souvenez que Jésus avait annoncé son programme d'action à Nazareth en citant Esaïe:

    "L'Esprit du Seigneur est sur moi,
    il m'a choisi pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres.
    Il m'a envoyé pour proclamer la délivrance aux prisonniers
    et le don de la vue aux aveugles,
    pour libérer les opprimés,
    pour annoncer l'année où le Seigneur manifestera sa faveur." Luc 4:18-19.

    Jésus annonce donc qu'il va faire voir les aveugles ! Que signifie être aveugle et retrouver la vue ? Essayez de fermer les yeux. Que percevez-vous de ce qui vous entoure ? Comment est le monde ? A part les bruits, le monde s'arrête au bout des bras... Que manque-t-il ? Plusieurs dimensions, les couleurs, le chatoiement de la lumière ...
    Un aveugle, qui n'aurait jamais vu et qui voit, découvre un monde tout neuf, une perception toute nouvelle, une dimension supplémentaire à un monde qu'il connaissait sous un autre mode. C'est une révélation.
    C'est cette révélation dont Luc dit qu'elle a été faite aux petits-enfants, pas aux sages et aux intelligents. Cette révélation, elle est pour ceux qui ne sont pas aveuglés par la raison, le calcul (de leurs intérêts), la logique du monde.
    Qu'est-ce que cette révélation ? Luc nous donne deux pistes. La première, c'est la suite du texte. Juste après avoir déclaré "Heureux ceux qui voient" vient l'histoire du Bon Samaritain. La seconde piste, il faut aller la chercher plus loin dans l'évangile. Luc ne mentionne qu'une seule guérison d'aveugle dans son Evangile, et il la place juste après qu'il ait annoncé la monté à Jérusalem pour y souffrir et y mourir (lire Luc 18 : 31-38). "Aie pitié de moi", comme si l'aveugle était le seul à pouvoir voir que Jésus est celui qui comprend et qui tourne sa compassion vers ceux qui le lui demande. Comme si la souffrance de Jésus ne pouvait être regardée, vue pour ce qu'elle est, qu'après une guérison, après un miracle qui nous ouvre les yeux.
    Le Bon Samaritain, c'est l'histoire d'un homme qui se laisse toucher par la souffrance de celui qui gît au bord du chemin. La souffrance du Christ sur la croix nous conduit à reconnaître la victime, là où on nous présente un coupable. Jésus a été jugé coupable et condamné par les hommes. Il n'existe de chréstiens que parce que des êtres humains y ont vu une injustice, une victime souffrant injustement.
    La révélation, le nouveau regard offert par Jésus, c'est celui de la compassion, de l'empathie, de l'amour du prochain.
    "Aimez-vous les uns les autres" nous rappelle Jean. C'est un vieux commandement s'il sa'git simplement de ne pas faire du tort à autreui (1 Jean 2:8). C'est un commandement nouveau, comme le dit Jean, si on le comprend comme une invitation à voir la souffrance des autres, comme le Bon Samaritain qui s'identifie au blessé.
    Le judaïsme avait bien compris le lien entre la compassion et le souvenir de ses propres souffrances. "Lorsque un étranger viendra s'installer dans votre pays, ne l'exploitez pas... vous devez l'aimer comme vous-mêmes. Rappelez-vous que vous aussi avez été des térangers en Egypte." (Lév. 19:33-34).
    La compassion ne peut venir que par le souvenir de notre propre souffrance. Comment pourrais-je "souffrir avec" (c'est le sens des mots 'sympathie', 'compassion', 'condoléances') si je suis fermé à ma propre souffrance , si je n'ose pas soulever le couvercle de ma propre misère ? Si je dois me protéger contre de douloureux souvenirs, je vais rester enfermé dans ma propre forteresse, je ne peux pas m'ouvrir à l'autre et compatir.
    Etre guréi de son aveuglement, c'est gagner un nouveau regard sur le monde, y percevoir une nouvelle dimension, de nouvelles couleurs.
    • c'est voir le mal subi (ce que ressentent les autres) avant de voir le mal commis (voir le Christ souffrant et non le Jésus coupable)
    • c'est passer d'un regard qui juge à un regard qui compatit (voir que le blesssé au bord du chemin de la vie est d'abord une victime et non un imprudent coupable de sêtre mis dans cette situation).
    Je crois que cela a été révélé aux petits enfants, aux tous-petits. Ils ont une façon si paerspicace de saisir l'humeur dans laquelle vous êtes, ils ont une façon si touchante de venir pour vous consoler s'ils vous voient tristes. Ils voient mieux que nous avec toute notre intelligence, ils perçoivent directement les sentiments. Ils voient la souffrance et ils compatissent.
    Nous pouvons retrouver cette vision du monde et des gens. Jésus, comme Messie souffrant, est venu nous ouvrir la voie, nous indiquer le chemin vers ce tout-petit qui survit en nous. Jésus l'a dit à Nicodème : Il faut "naître de nouveau".
    Fermons à nouveau les yeux, mais cette fois pour imaginer, pour essayer de se représenter la guérison, le recouvrement de la vision du coeur.
    Jésus nous ouvre à un monde nouveau, où nous percevons dans nos rencontres ce que ressentent les gens derrière les mots qu'ils nous disent. Jésus nous ouvre les yeux et nous apprend à voir avec le coeur, à retrouver les yeux de l'empathie, de la compassion, pour aaccueillir, comprendre, aimer ceux qui sont autour de nous.
    Amen.

    Fait partie de la suite Prédication de Jésus à Nazareth : Luc 4 / Esaïe 58 / Luc 10 / Luc 7.

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 4. La Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres

    Luc 4
    7.9.1997
    La Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres
    1 Rois 17:8-16 Jc 2:1-5 Luc 4:14-21

    Chers Paroissiens, Chères paroissiennes,
    Pour ce premier culte que je préside "chez vous" j'ai souhaité aller directement aux sources de l'évangile, à ce que je considère comme essentiel pour nous aujourd'hui. C'est pourquoi j'ai choisi ce texte où Luc nous présente la première prédication de Jésus à Nazareth. (Je n'ai aucune prétention à faire des comparaisons avec ma première prédication à Bussigny !). Dans cette prédication de Jésus, il annonce le programme de son action, de son message, de son enseignement.
    Luc souligne que Jésus est rempli du Saint Esprit, c'est-à-dire en parfaite communion avec Dieu. Luc l'avait déjà mentionné à la naissance, lors du baptême et lors de l'épisode de la tentation au désert.
    Rempli de l'Esprit, Jésus annonce un programme en 4 points :
    1) il est choisi pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres,
    2) il est envoyé pour proclamer la libération des captifs
    3) pour annoncer le retour à la vue des aveugles
    4) pour proclamer une année de grâce, de faveur, de bienfaisance de la part de Dieu.
    Je vais vous dire comment je comprends ces 4 points et l'importance qu'ils ont pour nous aujourd'hui. Ce matin, je ne développerai cependant que le premier de ces points. J'aborderai les autres dans mes prochaines prédications.
    Luc nous dit que Jésus a été oint (fait Messie, en hébreu, fait Christ, en grec) pour "évangéliser" les pauvres, pour leur faire part d'une bonne nouvelle !
    Quelle bonne nouvelle ? Pourquoi les pauvres ?
    On ne peut répondre à une question sans répondre à l'autre.
    La pauvreté c'est une certaine position dans le jeu des forces économiques. C'est une situation en rapport avec l'abondance et la pénurie. Dans le Cantique de Marie, Luc met clairement la pauvreté et la richesse en rapport avec la pénurie et l'abondance : Lc 1:53 "Dieu a accordé des biens en abondance à ceux qui avaient faim, et il a renvoyé les riches les mains vides".
    La bonne nouvelle porte sur le rapport pénurie-abondance.
    A première vue le rapport instauré par Dieu, la bonne nouvelle, c'est l'inversion, le retournement des situations. Mais à quoi servirait-il de créer des nouveaux riches et des nouveaux pauvres ?
    La bonne nouvelle c'est qu'il va y avoir un changement, un bouleversement, mais ce n'est pas une simple rocade, un échange de place.
    La bonne nouvelle, c'est l'annonce de l'abondance, la dénonciation de l'idéologie de la pénurie, du manque.
    Aujourd'hui, on voudrait nous faire croire qu'il n'existe qu'une seule chose : les règles de l'économie de marché. Ces règles sont fondées sur la pénurie, l'exploitation et la possession. Ces règles annoncent la réussite (accroître son bien-être en possédant) par l'effort et le mérite. La loi du rendement, de l'efficacité, du profit nous prend à la gorge, nous enserre dans ses filets.. Il n'y a plus que cela — c'est la crise — il faut s'y faire.
    Jésus proclame que ces règles économiques étouffent le riche comme le pauvre. Elles ne doivent pas s'appliquer dans le domaine des relations. Dans les relations nous pouvons miser sur l'abondance, il n'y a pas crise, pas de pénurie. L'amour ne s'épuise pas dans le partage, au contraire.
    Si l'on change notre vision du monde, que l'on abandonne la peur de la pénurie contre la reconnaissance de l'abondance — en commençant dans nos relations — il s'en suivra aussi un changement économique.
    Il y a assez d'abondance en Suisse, ou sur la terre pour que chacun ait une part suffisante; ce qui fait problème c'est la répartition entre tous.
    La bonne nouvelle c'est ceci : Il existe un monde où l'abondance règne, où l'on gagne à donner, où l'on reçoit gratuitement, où la farine et l'huile ne s'épuisent pas (1 Rois 17, à propos du récit de la veuve de Sarepta, il est intéressant de mentionner en passant que Jésus s'est défini comme le pain de vie qui ne s'épuise pas et qui nous nourrit.) Ce monde vit sous ce que j'appelle l'économie du Royaume.
    Le pauvre est le premier à souffrir de l'économie du monde de l'argent, c'est pourquoi il sera le premier à se réjouir de découvrir l'économie du Royaume. Cette économie, fondée sur l'abondance, est possible parce que les ressources relationnelles sont infinies. Dieu est amour, Dieu est la source à laquelle nous pouvons constamment venir chercher ce qui nous manque, ce dont nous avons peur de manquer. Si la source coule en permanence, il n'est plus nécessaire d'accumuler pour soi, d'avoir peur de donner autour de soi. Les échanges sont possibles, enrichissants.
    Dans l'économie du Royaume il n'y a pas de salaire au mérite, ni avec Dieu, ni entre conjoints, ni avec ses enfants. Il est si fréquent d'agir comme si l'affection était une denrée rare, de mêler l'argent aux sentiments. "Tu auras ton argent de poche si tu es sage !". "Je me suis beaucoup investi dans cette relation, mais maintenant elle ne m'apporte plus rien". etc. Et avec Dieu, qui ne s'est jamais dit en son for intérieur : "Mon dieu, je n'arrive pas à faire les efforts que nous demande le pasteur (être plus accueillant etc...)
    Pour tous ceux qui font des efforts pour être à la hauteur. Jésus apporte une bonne nouvelle: le Royaume de Dieu n'est pas donné en récompense de vos efforts. Mon amour, dit Dieu, je ne le donne pas comme une contrepartie à vos tentatives de me plaire de faire bien ou d'être meilleurs. C'est gratuit !
    C'est donné, c'est à recevoir, voilà une bonne nouvelle !
    Essayons de réaliser ce que nous pouvons ressentir au plus profond de nous, lorsque Dieu nous dit : "Je t'aime, toi, tel(le) que tu es." Prenons conscience de notre corps, de nos membres, des battements de notre coeur. Laissons sortir les tensions, sentons notre souffle, notre respiration : "Nous sommes aimés, acceptés, appréciés." Au coeur de notre être, il y a ce que nous aimons de nous-mêmes, Dieu aime cette partie. Au coeur de notre être, il y a notre part d'ombre, le côté sombre, Dieu aime également cette partie de nous-mêmes.
    Il ne nous accuse pas comme nous nous accusons nous-mêmes. La bonne nouvelle est aussi pour cette part d'ombre. Dieu est amour, il est capable de réconcilier ces diverses parties de nous-mêmes, nous restituer notre intégrité, panser nos coeurs brisés, nous conduire vers la vie au centuple du Royaume.
    Aujourd'hui cette bonne nouvelle est accomplie en nous.
    Amen.

    Fait partie de la suite Prédication de Jésus à Nazareth : Luc 4 / Esaïe 58 / Luc 10 / Luc 7.

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • 14.5.2006 / Luc 2. La double paternité de Jésus est révélatrice de toute la condition humaine

    Luc 2
    14.5.2006
    La double paternité de Jésus est révélatrice de toute la condition humaine
    Mc 10 : 13-16 / Luc 2 : 41-51

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, Chers Amis,
    Cette semaine, j'étais en visite dans une classe de 2e année (avec des enfants d'environ 8 ans). Je répondais à leurs questions sur le programme d'histoire biblique, sur Dieu, sur Jésus, etc… Et voilà qu'une fille me pose la question : "Mais qui est le père de Jésus ?" On sent en même temps la curiosité et le doute sous-jacent. Elle a entendu différentes choses qui — toutes mises ensemble — ne donnent pas une réponse claire.
    Et si la scène se passait au temps de Jésus ? On imagine assez bien les disciples empêcher les enfants d'approcher Jésus pour qu'ils ne posent pas de questions aussi embarrassantes. "Dis, Jésus, c'est qui ton papa ?"
    Cette enfant avait senti qu'il se pose-là une question importante, essentielle, explosive ! Cette question est posée à propos de Jésus déjà dans les Evangiles. Elle et soulevée par Luc dans l'épisode de Jésus au Temple. Marie et Joseph cherchent Jésus. Lorsqu'ils le trouvent, Marie dit : "Ton père et moi nous étions très inquiets" (Lc 2:48) et voici que Jésus répond : "Il fallait que je sois dans la maison de mon Père." (Lc 2:49).
    Jésus se présente bien comme ayant deux pères, Joseph et Dieu ! Mais si cette question est posée à propos de Jésus, elle nous concerne tous, même sans remettre en rien la question de notre filiation biologique. Quelle est notre origine ? D'où vient la vie qui nous habite ? Qui nous met vraiment au monde ? De qui voulons-nous recevoir / porter / transmettre l'héritage ? Pouvons-nous nous contenter de la réponse biologique, matérielle ?
    C'est là que la double paternité de Jésus est révélatrice de toute la condition humaine. Lorsque Jésus dit à ses parents : "Je dois m'occuper des affaires de mon Père," il révèle d'existence d'un monde parallèle à notre monde. D'habitude les mondes parallèles apparaissent seulement dans les livres de science-fiction. Pourtant, je crois que Jésus nous présente un monde parallèle chaque fois qu'il nous parle du Royaume de Dieu.
    Il y a une réalité terrestre dans laquelle parents et enfants sont liés biologiquement. Mais il existe un autre niveau de réalité, au-delà des apparences. Au premier niveau "nos enfants sont nos enfants." Mais au deuxième niveau "nos enfants ne sont pas nos enfants" comme le dit le poète Kahlil Gibran. Et cette deuxième phrase est tout aussi vraie que la première ! C'est ce que Jésus dit à ses parents.
    Jésus cherche à nous élever à ce deuxième niveau de réalité. Il y a quelque chose de plus que la réalité biologique, matérielle. Il y a une dimension subtile, qui donne du relief, de la substance, du sens à ce qu'on vit. Bien sûr on vit et on est plongé dans la réalité matérielle et biologique. Un simple mal de dent nous ramène à cette réalité bien terre à terre. Loin de moi l'idée de la nier.
    Cependant, il est possible — et c'est le privilège de l'être humain — de vivre cette réalité en prenant un petit peu de recul. Etre en même temps celui qui vit et celui qui regarde cette vie. Petit décalage qui s'appelle "avoir conscience de…" Petit décalage qui fait passer de la physique à la métaphysique ! De bien grands mots pour exprimer des choses toutes simples : décalage entre manger et se nourrir, entre vivre et exister, entre respirer et inspirer / expirer.
    On respire tout le temps, c'est un réflexe, on n'a même pas besoin d'y penser (heureusement). Mais de temps en temps, prendre une inspiration, puis se laisser expirer. Ou le contraire, expirer tout l'air de ses poumons, puis se relâcher et l'inspir se fait tout seul. Essayez.
    Faire les choses avec conscience, c'est peut-être simplement cela entrer dans le Royaume de Dieu. Ouvrir sa conscience à l'existence d'une autre réalité, une réalité très subtile, on ne peut pas la toucher, la saisir, s'en emparer, mais on peut la laisser venir, éclore, nous toucher.
    Cette autre dimension, c'est celle de la relation, du lien, une dimension immatérielle, mais tellement réelle. C'est dans cette dimension que s'inscrit le bonheur, la joie, les émotions. C'est dans cette dimension que sont gravés les premiers sourires de nos enfants, les premiers émois amoureux, les amitiés indéfectibles. Et personne ne peut nous les retirer. Ce sont les trésors amassés dans le ciel — dont parle l'Evangile (Mt 6:20) — qui ne peuvent ni pourrir, ni rouiller et que personne ne peut dérober.
    C'est à cette dimension que nous sommes appelés à nous ouvrir — ce que Jésus appelle "la maison de son Père," de notre Père. C'est vers cette dimension que nos enfants nous entraînent par l'exemple de leur émerveillement devant la vie. C'est vers cette dimension que nous avons à projeter nos enfants comme l'arc envoie la flèche vers l'avenir, comme de dit le poète :

    "Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés.
    L'Archer voit le but sur le chemin de l'infini, et Il vous tend de Sa puissance
    pour que Ses flèches puissent voler vite et loin.
    Que votre tension par la main de l'Archer soit pour la joie;
    Car de même qu'Il aime la flèche qui vole, Il aime l'arc qui est stable." Khalil Gibran
    Ayons conscience de cette mission que Dieu nous confie.
    Amen


    © 2006, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.

  • Luc 2. Dieu vient habiter dans nos existences et y placer des signes.

    Luc 2
    24.12.2005
    Dieu vient habiter dans nos existences et y placer des signes.

    Lecture de Habacuc 1:12—2:3

    Voilà, c'est Noël ! C'est le temps de la joie, des cadeaux, des lumières. C'est un temps de fête, de réunions de famille, de réjouissances… Mais, il me semble qu'on gomme artificiellement une partie de la réalité, si on ne prend pas en compte la fatigue — par exemple de ceux qui ont travaillé dans les magasins jusqu'à 17h aujourd'hui. Ou bien la lassitude de ceux pour qui Noël, cette année, sera moins lumineux qu'auparavant.
    Je ne veux pas jeter un voile de tristesse sur la joie de Noël, mais qui peut dire qu'il n'a pas aussi un sentiment mitigé, partagé. Nous voudrions bien être complètement dans la joie, mais nous n'y arrivons pas. Il reste en nous-mêmes un lieu qui n'est pas comblé, une part toujours en attente du bonheur. Comment pourrions-nous être totalement joyeux alors qu'une grande partie du monde souffre ?
    C'est dans ce monde réel que le prophète Habacuc en appelle à Dieu ! Non, le monde n'est pas satisfaisant, notre vie ne nous comble pas, nous ne sommes pas totalement heureux. Toujours, nous avons cette impression qu'il nous manque quelque chose pour être heureux, parfois peu, parfois beaucoup.
    Noël ne vient pas gommer l'obscurité, effacer nos manques. C'est au cœur de cette réalité-là que Dieu vient faire retentir sa promesse : "Je viens habiter ce monde !" Tout ce que nous vivons, la routine conjugale, les conflits avec les enfants, ou les parents, la pénibilité du travail, la solitude de l'âge, tout cela, Dieu vient l'habiter de sa présence. La lumière vient briller dans les ténèbres.
    « Après la longue et sombre nuit, le ciel va rayonner » Cantique 263.
    * * *
    Lecture de Luc 1 : 46-55

    Jésus habite et grandit dans le ventre de Marie. Dieu vient habiter et grandir dans nos existences. Dieu se fait une place dans la vie réelle des humains. Le Vivant, la Vie, nous rejoint.
    Le cantique de Marie exprime la joie de recevoir ce cadeau de Dieu. Rendez-vous compte, Il s'abaisse jusqu'à notre petite personne pour y déposer la Vie, venir y habiter et grandir en nous.
    Nous aurions tellement voulu nous élever jusqu'à Dieu, trouver le moyen de lui plaire pour qu'il nous aime — n'est-ce pas ce que nous faisons constamment face aux autres dans notre vie ? — pour être aimés. Mais non, c'est lui qui — le premier — pose un regard sur nous.
    Il pose un regard sur nos vies, sur le concret de nos vies ! Sur nos relations à nos enfants ou à nos parents; sur notre travail ou notre mariage; sur notre solitude ou nos engagements. Il pose un regard, il vient y habiter et il les transfigure, il les transforme.
    Comme vous l'avez entendu, Dieu vient bouleverser nos hiérarchies, renverser nos situations :

    "Il renverse les rois de leurs trônes,
    il donne un place élevée aux humbles.
    Il accorde des biens en abondance à ceux qui ont faim,
    il renvoie les riches les mains vides." (Luc 1:52-53).
    En posant un regard sur nos vies, Dieu rétablit les valeurs, il remet l'essentiel à la première place, il nous confronte à nos blocages, à nos entraves, à nos inachèvements pour nous élever. En ce Noël, Dieu vient habiter chacun de nous. Dans notre vie, dans notre existence concrète, il vient mettre sa Vie pour qu'une partie oubliée, négligée ou morte de nous-mêmes revienne à la vie.
    Je vous invite à méditer — pendant le silence qui suit — quelle partie de vous Dieu peut faire revenir à la vie, peut féconder.
    Silence, puis cantique 261, « L'enfant qui naît à Bethléem »
    * * *
    Lecture de Luc 2 : 1-19

    Croyez-vous qu'il a été facile pour les bergers de croire le message transmis par les anges ?
    Croyez-vous qu'il a été facile pour Marie et Joseph de comprendre que leur nuit dans l'étable était un grand miracle et une bénédiction pour l'humanité ?
    Nous sommes tellement habitués à ce récit que nous ne voyons plus la réalité tellement les signes sont devenus envahissants. Les signes du mystère sont devenus plus grands que l'événement. On voit davantage les lumières et les paillettes que l'épaisseur du réel : le froid de la nuit, le risque d'un accouchement et la démangeaison de la paille !
    N'est-ce pas l'inverse dans nos vies ? Osons-nous seulement penser que nos vies sont parsemées de signes qui marquent le passage de Dieu ? Saurons-nous faire de nos vies des récits de Noël, c'est-à-dire oser faire la lecture des signes que Dieu y sème ?
    Noël, c'est l'affirmation que les signes de Dieu ne restent pas dans le ciel, dans les étoiles, mais qu'ils sont inscrits dans la réalité terrestre de nos vies, et de nos vies toutes simples, toutes humbles ou souffrantes.
    Dans une paroisse de Lausanne, le pasteur a proposé aux catéchumènes d'être — pendant un trimestre — l'ange d'un autre catéchumène. Mais cela devait se faire dans le secret, dans la discrétion. L'ange ne devait pas se révéler comme tel, mais laisser quelques signes à reconnaître. A chacun de trouver ces signes et peut-être de reconnaître son ange gardien.
    On peut imaginer à quel point l'atmosphère du groupe s'en est trouvée transformée ! Comment cela serait-il à l'échelle de la paroisse, du village, du canton, du pays, du monde ?
    Quelle joie de recevoir un signe, même anonyme ! Quelle joie dans le déploiement d'ingéniosité pour placer un signe sans être découvert !
    Dieu a placé un signe dans la crèche et bien d'autres encore dans chacune de nos vies. Alors, partons joyeusement à leur découverte !
    * * *
    Prions
    Nous avons besoin, Seigneur, de signes quotidiens qui relèvent notre tête vers la lumière.
    Comment pourrions-nous avancer dans la vie sans personne qui nous encourage à progresser ?
    Comment pourrions-nous aimer, sans recevoir, au milieu de nos jours, des gestes de tendresse et d'offrande ?
    Comment pourrions-nous croire, Seigneur, sans rencontrer au long du chemin une communauté qui révèle ta présence ?
    Comment pourrions-nous espérer sans la passion de ceux qui — malgré les échecs et les doutes — réveillent en nous l'enthousiasme des rêves à réaliser ?
    Seigneur, fais-nous prendre conscience des signes disposés dans notre vie et qui nous appellent à mener notre existence humaine à la clarté de l'évangile de Jésus de Nazareth, Lui, le signe de Dieu venu parmi les hommes.
    Amen

    © 2005, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.