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passion

  • A personnage énigmatique, langage énigmatique

    (31.8.2003)

    Marc 4

    A personnage énigmatique, langage énigmatique

    Marc 4 : 1-12.       Marc 4 : 30-34

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  • L'aveuglement des disciples lorsque Jésus annonce sa Passion

    (14.9.2003)

    Marc 9

    L'aveuglement des disciples lorsque Jésus annonce sa Passion

    Esaïe 53 : 1-5.        Marc 9 : 30-37

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  • Jésus dénonce la religion qui sert le pouvoir et le pouvoir qui se sert de la religion.

    (16.3.2003)

    Luc 11

    Jésus dénonce la religion qui sert le pouvoir et le pouvoir qui se sert de la religion.

    Luc 11:52-53 — 12:1-3.       Luc 22:47-53

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  • Qui a tué Jésus ?

    pour le dimanche 29 mars

    Luc 23

    Qui a tué Jésus ?

    Luc 6 : 37-38.        Luc 23 : 26-43.

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    Nous sommes bien engagés dans le temps du carême, dans notre montée vers Pâques. Le récit de la Passion de Jésus nous laisse avec la question : « Qui a tué Jésus ? »

    A cette question, on peut répondre de deux façons, historiquement et théologiquement. La réponse historique va essayer de retrouver les faits qui sont présentés dans et derrière les textes. La réponse théologique va rechercher le sens, la signification que les textes donnent aux événements, en prenant en compte un contexte plus large, notamment l'histoire complète des relations entre Israël et Dieu.

    Abordons l'aspect historique. D'abord, Jésus est un juif parmi le peuple juif. On se trouve donc avec des événements qui se passent à l'intérieur d'un peuple, d'une communauté. Pour compliquer les choses, ce peuple est occupé par la puissance romaine, une puissance étrangère, tant en ce qui concerne la géographie que la culture.

    Dans ce contexte : qui en veut à Jésus ? quels sont les acteurs de sa condamnation à mort ? Là, il est intéressant de relire tout le texte de la Passion. J'ai relu le récit de Luc. Dans son texte, ce qui est frappant lorsqu'on relève les noms des groupes qui sont amis ou ennemis de Jésus, c'est de voir que le groupe des ennemis s'accroît régulièrement et que le groupe des amis décroît aussi régulièrement.

    Au départ, il y a juste les chefs des prêtres et les maîtres de la loi qui cherchent un moyen de mettre à mort Jésus (Lc 22:2). Mais — dit le texte — ils avaient peur du peuple. Ce qui signifie que le peuple est favorable à Jésus.

    Peu à peu, au cours du récit, les uns après les autres, les groupes vont passer de l'ensemble des amis à celui des ennemis, y compris dans la petite troupe des disciples, à commencer par Judas, pour finir par le reniement de Pierre. L'aboutissement est l'unanimité, lorsque "tous ensemble" ils crient à Pilate de crucifier Jésus (Lc 23:18).

    Evidemment, lorsqu'on est à Jérusalem, ce "tous ensemble" est composé de juifs. Mais si cela se passait à Athènes, ce seraient des grecs, à Rome, ce seraient des romains, etc. Ce fait historique ne peut fonder une idéologie anti-juive ou antisémite, ce que la théologie confirme. La foule représente toute l'humanité, y compris nous-mêmes.

    Il faut encore parler des romains. Comme puissance occupante, eux seuls avaient la prérogative d'appliquer la peine de mort. Le rôle des romains (dans la personne de Pilate) est très ambigu ! D'un côté Pilate ne cesse de dire que Jésus est innocent et cherche à le faire relâcher, mais de l'autre il cède à la foule ! Quelle est cette superpuissance qui cède à une foule ? De ce point de vue, les Evangiles sont très critiques par rapport aux romains.

    Abordons maintenant l'aspect théologique. Je crois que les Evangélistes ne sont pas intéressés à chercher qui a tué Jésus. Ce qui leur importe c'est de montrer deux choses (i) l'unanimité de tous à condamner Jésus, (ii) affirmer que Jésus était un homme juste.

    Les Evangélistes ne cherchent pas à désigner des coupables, puisqu'ils sont les quatre d'accord pour dire que personne n'a pu échapper à la folie meurtrière, même le disciple Pierre s'est placé du côté des persécuteurs pour sauver sa vie.

    Ce que les Evangélistes veulent, c'est révéler le processus lui-même qui consiste à noircir un innocent, à le faire passer pour coupable, pour justifier sa mise à mort. Une des phrases les plus importantes du récit, c'est "il a été mis au rang des malfaiteurs" sous-entendu alors qu'il était innocent (Lc 22:37).

    Cela est mis en évidence dans le dialogue entre les deux malfaiteurs crucifiés de part et d'autre de Jésus. L'un accuse Jésus : "N'es-tu pas le Messie ? Sauve-toi et sauve-nous avec toi" (Lc 23:39). Ce qui signifie en clair : soit tu as menti toute ta vie et tu mérites ton châtiment, soit tu es un idiot de ne pas te sauver et tu mérites ce qui t'arrive.

    L'autre malfaiteur est celui qu'on peut désigner comme le premier chrétien de l'Histoire, il croit en l'innocence de Jésus et révèle l'injustice de cette situation lorsqu'il confesse : "pour nous cette punition est juste, car nous recevons ce que nous avons mérité par nos actes, mais lui n'a rien fait de mal." (Lc 23:41)

    Le récit de la Passion est la révélation — au sens fort du terme — de ce mécanisme qui nous fait blâmer les victimes au lieu de voir l'injustice et faire acte de compassion.

    Le christianime — avec le judaïsme, parce que l'Ancien Testament est rempli de prises de position en faveur de la victime — nous apprend à regarder les situations avec le récit de la Passion en mémoire, pour nous garder de tomber dans le blâme de la victime.

    La vie et la mort de Jésus doivent rester dans notre esprit comme une grille de lecture de toute situation de violence et particulièrement de violence collective contre un individu ou une minorité — depuis la bagarre dans le préau de l'école jusque dans les discours politiques justifiant une guerre.

    La question : « Qui a tué Jésus ? » n'est pas importante en ce qui concerne le passé. Mais elle est primordiale pour nous aujourd'hui : nous sommes tous passibles et capables de tuer Jésus, c'est-à-dire d'être mêlés à la condamnation d'un juste, d'un innocent.

    Nous le risquons si nous perdons de vue Jésus sur la croix comme révélation de notre capacité à la violence. C'est en cela que Jésus nous sauve, pourvu que nous n'oubliions pas ce qu'il nous révèle sur la croix.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

     

  • Ce que Judas nous révèle...

    Pour le dimanche 15 mars 2020

    Matthieu 26

    Ce que Judas nous révèle...

    Matthieu 26 : 14-16.     Matthieu 27 : 1-10

    télécharger le texte : P-2020-03-15.pdf

     

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Dans le récit de la Passion, deux disciples tiennent des rôles particulièrement importants : Pierre et Judas. Le premier semble tenir un rôle côté lumière et le second un rôle côté ténèbres. Mais finalement, Jésus s'est quand même retrouvé tout seul face à la mort, abandonné de tous. Toutes les autorités ont condamné Jésus, tous les disciples ont abandonné Jésus, toute la foule a crié "Crucifie !" Il y a eu unanimité contre Jésus, ce jour-là.

    Mais dans la tradition chrétienne, dans les récits des Evangiles, c'est Judas qui est désigné comme "le mauvais", celui qui a livré et trahi Jésus. Déjà dans les listes des disciples que donne chaque Evangile, Judas est placé en dernier et désigné comme celui qui trahit, qui livre Jésus (Mt 10:4). Dans les Evangiles on ne crée pas de suspens.

    Ainsi, Judas porte la marque de l'infamie. Pourtant, il n'est qu'un rouage dans la grande machine qui a conduit à la condamnation de Jésus. Mais il est un rouage, le seul rouage qui vient de l'entourage immédiat de Jésus, il est l'un des Douze. Cela accentue l'incompréhensible.

    Comment un proche de Jésus, quelqu'un qui l'a suivi, qui l'a accompagné pendant des mois, qui l'a entendu prêcher, qui l'a vu faire des miracles, guérir, nourrir les foules, etc., comment Judas a-t-il pu trahir son maître ? On donne généralement trois explications différentes.

    1) Ce serait de la jalousie, comme Caïn à l'égard d'Abel. Cette raison est trop subjective et peu présente dans les Evangiles.

    2) Ce serait l'appât du gain. L'Evangile de Jean place plusieurs touches dans ce sens (Judas était le caissier du groupe, il blâme la femme qui verse du parfum sur les pieds de Jésus et crie au gaspillage, et, ajoute Jean, "il dit cela parce qu'il était voleur" (Jn 12:6)). Le fait que Judas soit payé pour livrer Jésus va dans ce sens, mais la somme est modeste pour un homme cupide.

    3) La troisième raison, qui a été souvent développée dans la littérature est une raison théologique et me semble la plus intéressante. Judas aurait livré Jésus pour qu'il puisse accomplir son destin messianique — en tout cas le destin messianique tel que Judas l'envisageait.

    Dans la liste des disciples — à la fin de la liste — on trouve Simon le nationaliste (ou le zélote) et Judas l'Iscariote. Iscariote pourrait venir de "sicaire", le poignard et distinguer Judas comme un résistant à l'occupant romain, comme Simon le nationaliste auquel il est rattaché dans les textes.

    Judas se serait joint aux disciples de Jésus parce qu'il était persuadé que Jésus était le Messie qui devait délivrer Israël de l'occupant romain. Judas aurait été sourd à l'enseignement de Jésus sur la messianité souffrante; il n'aurait pas été réceptif aux remises à l'ordre de Pierre par Jésus chaque fois que Pierre refusait les annonces de la Passion.

    Judas pouvait donc attendre de la montée à Jérusalem et de l'entrée triomphale de Jésus avec l'épisode des rameaux qu'elles soient suivies d'une révélation éclatante. Judas peut s'être vu investi d'une mission dans ce dévoilement. Qu'est-ce qui serait plus éclatant que des myriades d'anges venant délivrer le Messie des mains de l'occupant ? Il fallait donc provoquer l'arrestation de Jésus pour déclencher le processus, pour mettre Dieu en demeure de réagir, de sauver son Fils et de libérer le peuple d'Israël.

    Ainsi, à ses propres yeux, Judas aurait pu avoir un motif honorable de livrer Jésus. C'était une façon de collaborer au plan de Dieu. Et bien, cela a été une façon de collaborer à ce qui devait arriver, mais pas selon le plan de Judas. En effet, le plan ne tourne pas comme Judas l'attendait :

    "Lorsque Judas vit que Jésus avait été condamné, il fut pris de remords et rapporta les 30 pièces d'argent et dit : « J'ai péché en livrant un innocent à la mort »." (Mt 27:3-4)

    Judas se retrouve-là dans la même situation que Pierre juste après son reniement. Tous deux ont trahi leur maître. Mais leur destinée ne sera pas la même. Pierre vit, Judas meurt. Que se passe-t-il ?

    Pierre et Judas n'ont pas le même regard sur la messianité de Jésus et sur eux-mêmes. Après l'arrestation de Jésus, Pierre se voit tel qu'il est, avec sa faute. Judas voit sa faute, mais il veut l'effacer par la restitution de l'argent. Il veut effacer le passé, remonter le temps, retrouver le Jésus d'avant, et probablement réessayer autrement de faire advenir le Messie glorieux. Comme cela est désespérément impossible, il n'a plus d'espérance, tout est fini. Il va se pendre.

    Pierre de son côté a retenu l'enseignement de Jésus. Il garde un espoir dans le Messie, même s'il ne peut espérer l'incroyable, la résurrection.

    Judas a été marqué du sceau de l'infamie parce qu'il représente la tentation — toujours forte — de brusquer Dieu, de le mettre à l'épreuve, de le pousser vers la toute-puissance pour nos propres intérêts.

    En Jésus-Christ, Dieu a choisi la difficile voie de l'impuissance, de la faiblesse pour se révéler. C'est un amour qui se propose, mais ne s'impose pas. Face à cela, nous gardons toujours — comme Judas — la tentation de la trahison en réclamant de Dieu une manifestation plus vigoureuse, plus contraignante, plus imposante.

    Le temps de la Passion nous rappelle que Dieu a choisi la voie de la douceur et du pardon. Il a choisi de porter nos fardeaux, nos soucis, nos faiblesses, nos souffrances avec nous. Il n'est pas le Messie glorieux qui ôte les obstacles de notre route, il est le Messie souffrant qui traverse les difficultés avec nous, à nos côtés.

    Il est celui qui relève Pierre et tous ceux qui faiblissent sur le chemin. Ce visage, c'est celui de Dieu qui nous est révélé en Jésus-Christ, mort sur la croix et ressuscité le troisième jour.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

     

  • Luc 17. Le Royaume de Dieu ne s'observe pas, il se vit

    Luc 17
    17.3.2013
    Le Royaume de Dieu ne s'observe pas, il se vit

    Matthieu 6 : 16-18    Luc 17 : 20-30
    téléchargez ici la prédication : P-2013-0317.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous vivons le dernier dimanche du temps de la Passion, dimanche prochain nous vivrons les Rameaux, l'entrée de Jésus à Jérusalem, puis le procès de Jésus, son exécution à vendredi-saint et sa résurrection à Pâques.
    Les évangiles mentionnent que Jésus annonce par trois fois sa Passion pour préparer ses disciples à ce qui va arriver à Jérusalem, pour les préparer à comprendre et survivre à la perte de leur maître. Dans le texte de Luc que nous avons entendu, Jésus annonce pour la deuxième fois sa Passion. Il le fait à la suite d'une demande de quelques pharisiens.
    Ces pharisiens lui demandent : "Quand est-ce que viendra le Royaume de Dieu ?" (Lc 17:20) Luc ne parle pas de piège, ici, il est possible que la demande soit sincère. Ces pharisiens attendent vraiment le Royaume de Dieu, que Dieu se révèle à tous et établisse son règne de justice et de paix. Nous aspirons aussi à ce que la justice et la paix règnent et nous nous demandons aussi quand cela viendra.
    Mais Jésus va les décevoir — peut-être nous décevoir aussi. Jésus répond en deux temps. D'abord, il dit que le Royaume de Dieu ne vient pas ! En tout cas pas de manière observable, pas de manière constatable, objectivable.
    On ne peut pas se mettre en mode "observation" et attendre de voir ! Ce n'est pas par l'observation, par la surveillance — de signes, d'augures ou des astres — qu'on peut voir le Royaume de Dieu. Le Royaume de Dieu est inaccessible pour l'observateur extérieur, le Royaume de Dieu ne s'observe pas, il se vit !
    C'est ce que Jésus dit dans un deuxième temps : "Inutile de dire : il est là ou il est ici, en fait le Royaume de Dieu est au milieu de vous." (Lc 17:21) Jésus nous dit : le Royaume de Dieu est au milieu de vous. Ce "au milieu de vous" peut se traduire soit par "à l'intérieur" de chacun, si le vous est considéré comme une série d'individus, soit par "au milieu de vous" ou "parmi vous" si l'on considère le vous comme une communauté, un groupe. Dans les deux cas, l'accent porte sur l'intérieur, sur l'intériorité.
    Jésus dit aux pharisiens : Cessez de chercher à l'extérieur ce qui se trouve à l'intérieur. Cessez d'observer, impliquez-vous, mouillez-vous ! Le Royaume de Dieu n'est pas quelque chose à observer, c'est quelque chose à vivre de tout son être.
    On ne connaît pas la réaction de ces pharisiens à cet enseignement. Le récit continue avec un enseignement qui est destiné aux disciples, à ceux qui s'impliquent. Jésus les met en garde, il les averti que les temps à venir vont être difficile. C'est un texte difficile que je vais paraphraser pour vous communiquer ce que j'en comprends. :
    « Vous allez être privés de ma personne et votre plus grand désir sera de retrouver — ne serait-ce qu'un jour — ce que vous vivez maintenant. Ce désir vous rendra fragiles vis-à-vis de ceux qui ont des réponses et des solutions à tout. On vous dira : Il est ici, il est là ! Ne les suivez pas, ne vous précipitez pas vers ces promesses illusoires. Quand je reviendrai ce sera évident, vous me reconnaîtrez du premier coup (comme un éclair se voit dans le ciel d'orage).
    Mais d'abord, je dois traverser ma Passion. En ce qui concerne mon retour — la Parousie — ce sera comme le Déluge ou Sodome et Gomorrhe, cela surprendra ceux qui n'ont pas changé de vie. Vous mes disciples, je vous prépare à ce changement de vie. Acceptez que je doive souffrir. » Voilà ma traduction libre de ce passage difficile.
    Nous sommes dans le temps de la Passion, nous ne sommes pas encore dans le temps du retour glorieux du Christ. Nous avons à vivre dans ce temps intermédiaire, dans ce temps du monde où le Christ continue de souffrir tant que des êtres humains souffrent.
    Le Royaume de Dieu n'est pas encore advenu et établi sur cette terre, mais nous vivons de la promesse que Jésus a établi ce Royaume de Dieu en nous et parmi nous, ses disciples.
    Ici et maintenant, nous avons deux tâches qu'il nous appartient de réaliser et une tâche qui ne nous appartient pas. La tâche qui n'est pas la nôtre, c'est de faire advenir le Royaume de Dieu sur terre, c'est la tâche de Dieu et de Dieu seul. Tous les humains qui ont voulu faire le bonheur de tous n'ont réussi qu'à établir des dictatures et un surcroît de malheurs.
    Nos deux tâches sont celles-ci : 1) consolider en nous le Royaume de Dieu, c'est-à-dire la présence du Christ en nous. C'est une tâche intérieure, de développement spirituel, d'approfondissement. Creuser en nous le désir de Dieu. Ce chemin se fait personnellement, dans le tête-à-tête avec Dieu, comme l'enseigne Jésus dans le sermon sur la montagne (Mt 5—7). Il ne faut pas chercher le paraître devant les humains, mais la récompense que Dieu donne pour ce qui est fait dans le secret de son cœur.
    2) La deuxième tâche est éthique et altruiste, elle est tournée vers l'extérieur, vers les autres. Si nous n'avons pas la tâche d'établir le Royaume de Dieu sur la terre, nous avons par contre la tâche que chacun de nos actes soit compatible avec la justice de ce Royaume. Nous avons une responsabilité vis-à-vis du monde et des autres, sur cette terre : que nos actes soient imprégnés de l'amour de Dieu.
    Ces actions responsables et éthiques sont inspirées et nourries de notre face à face avec Dieu. Ainsi, répondre à notre première tâche, cultiver notre vie spirituelle intérieure, devient le terreau de l'accomplissement de notre deuxième tâche : agir humainement envers tous.
    Le temps de la Passion est notre temps d'apprentissage. Le don du Christ à vendredi-saint et à Pâques nourrit et inspire aussi bien notre vie intérieure que notre action vers l'extérieur.
    Les pharisiens voulaient voir et observer la venue du Royaume de Dieu. Jésus nous dit que nous avons d'abord à le vivre de l'intérieur, dans sa Présence pour qu'il devienne visible dans nos actes.
    Que toutes nos actions soient remplies de l'amour que le Christ a pour chacun de nous, pour rendre visible ce Royaume de Dieu que nous attendons.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2013.

  • Matthieu 26. Le reniement de Pierre

    Matthieu 26
    14.3.1999
    Le reniement de Pierre
    Matthieu 26 : 31-35    Matthieu 26 : 69-75


    Téléchargez la prédication ici : P-1999-03-14.pdf

    Ce matin, j'étais juste réveillé de ce week end de cauchemar, quand deux des femmes de notre groupe, Marie de Magdala et l'autre Marie, ont brusquement fait irruption chez moi. Elles étaient dans un de ces états d'excitation, vous ne pouvez pas savoir. Elle ne cessaient de répéter :
    "Pierre, Pierre, Le tombeau est vide... le tombeau est vide..."
    Mais peut-on croire ces femmes. Elles étaient visiblement en état de choc. Elles sont noyées de chagrin. Ne se sont-elles pas trompées de tombe ? Il y a sûrement une explication logique à cela. Elles doivent être victimes d'une illusion due à leur peine. Nous sommes tous sous le coup de ce qui est arrivé il y a trois jours.

    Mais tout cela a commencé bien plus tôt.

    Vous vous souvenez, la dernière fois que je vous ai parlé, je me demandais si j'allais continuer à suivre Jésus ou retourner à mon bateau de pêche. Eh bien, il s'en est passé des choses depuis ce temps-là. Oui, j'ai continué à suivre Jésus...

    Encore deux fois, dans les mois qui ont suivi, il nous a dit que le Fils de l'homme devait souffrir, être rejeté et mourir. Je me demande comment Jésus pouvait vivre avec cette idée. Moi je n'arrivais pas à m'y faire. J'étais prêt à tout pour le protéger, pour le sauver.

    Enfin, ce qui est sûr, c'est que Jésus avait son plan. C'est ainsi qu'il y a quelques jours, il s'est dirigé vers Jérusalem. Il voulait être à Jérusalem pour le repas de la Pâque.

    Une fois arrivé à Jérusalem, je ne sais pas ce qui l'a pris. Je ne l'avais jamais vu comme cela. Vous savez, en Galilée, il accueillait tout le monde, on le voyait écouter tous ceux qui venaient vers lui, compatir aux misères de chacun, en guérir plusieurs. Là, à Jérusalem, il semblait avoir complétement changé. La dernière guérison qu'il ait faite, c'était un aveugle à la sortie de Jéricho. Dès qu'il est entré à Jérusalem, il est devenu agressif, violent même.

    Lorsque nous sommes monté au Temple pour la première fois de notre séjour, eh bien il s'est emparé de quelques cordages qui trainaient vers les marchands de bétail, il en a fait un fouet et il s'est mis à le faire tournoyer autour de lui. Quelle pagaie cela a mis ! Les agneaux et les chèvres couraient appeurés dans tous les sens. Le fouet brisait les cages des pigeons et des tourterelles, renversait les barrières des enclos. Vous auriez dû voir ça. Ensuite, il est allé vers les tables où des banquiers faisaient du change, il a renversé leurs tables avec toute la monnaie. La foule s'est précipitée pour ramasser ce qu'elle pouvait. Je n'ai jamais vu Jésus aussi en colère, c'était terrible. Il traitait tout le monde de voleurs et de profiteur. Si j'ai bien compris, il trouvait que les autorités avaient laissé ce Temple devenir une caverne de voleurs, alors que Dieu voulait que ce soit une maison de prière.

    Mais les jours suivants Jésus est quand même retourné au Temple. Chaque fois, devant la foule, il condamnait l'hypocrisie des chefs et des maîtres de la loi qui exigent des choses inaccessibles des gens. Il a été jusqu'à annoncer que ce Temple bâtit de main d'homme serait détruit ! Vous ne pouvez pas imaginer la fureur des gardiens du Temple.

    Ce tombeau vide, il doit bien y avoir une explication logique. Peut-être les gardiens du Temple sont-ils venu reprendre le cadavre pour le montrer à la populace. Pour bien montrer au peuple ce qui arrive à ceux qui menacent l'ordre établi.

    Ce tombeau vide, on dirait l'image de ce que nous sommes tous, aujourd'hui. Vidés, lessivés, fatigués par ce qui s'est passé ces trois derniers jours.

    Imaginez. Jeudi soir, nous avons tous soupé avec Jésus. Bon l'atmosphère était tendue. Nous étions de nouveau à Jérusalem et nous savions que toutes les autorités voulaient s'emparer de Jésus. Ils avaient peur d'une rébellion.
    Après avoir soupé, Jésus a pris du pain, il a remercié Dieu, il l'a rompu et nous l'a distribué en disant "prenez en tous, ceci est mon corps, donné pour vous". Après cela il a pris un coupe de vin, et après avoir remercié Dieu il nous l'a passée en disant : " Ceci est ma vie, donnée pour vous, buvez-en tous. Je ne boirai plus de vin, jusqu'à ce que je le boive nouveau avec vous dans le Royaume de Dieu". Nous avons mangé de ce pain, bu de cette coupe et nous nous sommes sentis tellement unis à lui. Nous faisions corps. Nous pensions que nous ne serions plus jamais séparés les uns des autres et surtout de Lui.

    Pourtant, c'est cette nuit-là, que Judas a trahit. Jésus l'avait d'ailleurs prévu. A la fin de ce repas il a dit : "L'un de vous me trahira !"  C'est à ce moment que Judas est parti brusquement. Alors moi je me suis levé et je me suis mis critiquer le comportement de Judas, et j'ai déclaré à Jésus que je ne l'abandonnerai jamais. Mais Jésus m'a alors dit : "Avant que le coq ne chante, tu me renieras trois fois.

    Juste après ce repas, Jésus nous a emmené pour prier avec lui au jardin de Gethsémané. Eh bien, je me suis endormi, une première fois. Jésus m'a réveillé et m'a dit : Pierre, tu ne peux pas prier une heure avec moi ? J'ai essayé, mais je me suis rendormi. Ce que je m'en veux. Mes prières n'auraient-elles pas pu modifier le cours des choses ?

    Ensuite, toute une troupe de soldat, avec Judas en tête, est venue arrêter Jésus. J'ai sorti mon épée, je voulais me rattraper, me racheter. J'étais prêt à mourir au combat pour Jésus. Mais Jésus m'a regardé, de son regard si chaleureux. Il m'a regardé comme s'il était touché de mes efforts pour le défendre, mais il m'a dit : "Rentre ton épée, car tous ceux qui prennent les armes mourront par les armes". J'ai obéis, mais bien à contre coeur. Quand est-ce que je pourrai enfin montrer que je suis au côté de Jésus, que je ne l'abandonnerai jamais ?

    J'ai suivi — de loin — la troupe qui emmenait Jésus. Ils ont emmené Jésus à la maison de Caïphe, le grand-prêtre. Je suis entré dans la cour pour voir ce qu'il se passerait. Là, il y avait des gardes et des serviteurs qui se tenaient prêt d'un feu. Je me suis mêlé à eux. Je les entendaient parler entre eux. Ils calomniaient Jésus, ils disaient que ces révolutionnaires il fallait les éliminer du pays et toute leur bande avec. Tout à coup, l'un de ces soldats m'a demandé si je n'avais pas des sympathies pour ce Jésus puisque j'étais Galiléen. Alors j'ai eu peur et j'ai dit que je ne le connaissait pas. Je me suis éloigné d'eux. Mais une servante qui était-là m'a encore demandé, par deux fois, si je ne faisait pas partie de la bande de Jésus. J'ai encore dit non. J'ai même juré que je ne le connaissais pas. Moi, Pierre, moi qui me croyait le meilleur des disciples, j'ai fait comme si je ne le connaissais pas. A ce moment-là un coq a chanté et je me suis souvenu que Jésus m'avait dit : "Avant que le coq ne chante tu m'aura renié trois fois". Là, je me suis écroulé, abattu par ma lâcheté, ma trahison. J'ai pleuré.

    Lorsqu'ils ont emmené Jésus sur le lieu de son exécution, j'ai suivi de loin, en me cachant. Ils l'ont cloué sur une croix — c'est la façon ordinaire d'appliquer la peine de mort pour les Romains. Je suis resté-là, à voir mes espoirs de vie meilleure mourir. Il y avait là quelques personnes et des soldats romains qui gardaient le lieu. Tout était fini.

    Pourtant, avant de mourir Jésus a prononcé une parole qui me revient. Il a dit :
    "Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font".
    Ce pardon, n'est-il pas aussi pour moi ? Mon abandon n'est-il pas moins grave que le geste de ses bourreaux ? Oui, Jésus est capable de me pardonner à moi aussi.

    Un homme qui est capable de pardonner à ses bourreaux peut-il être abandonné de Dieu ?
    Comment Dieu peut-il rester indifférent à cette injustice ? Dieu ne pourrait-il pas décider de l'arracher à son tombeau ? Le tombeau vide ! Les femmes n'ont rien inventé ! Comment n'ai-je pas compris plus tôt. Excusez ! Je vous laisse ! Je veux aller voir de mes propres yeux ce qu'il en est de ce tombeau!

    (sortir en courant) - Jeu d'orgue.
    © Jean-Marie Thévoz, 2013

  • Luc 23. Luc présente la mort de Jésus comme une erreur judiciaire

    Luc 23
    6.4.2012, Vendredi-saint
    Luc présente la mort de Jésus comme une erreur judiciaire
    Luc 23 : 22-56
    Télécharger la prédication : P-2012-04-06.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous sommes face au mystère de la mort de Jésus, face au mystère de la croix. Un mystère, pas une énigme, car nous savons comment cela s'est passé. L'enquête est close, les faits sont établis, nous savons comment Jésus est mort. Ce qui reste un mystère, c'est pourquoi est-il mort ?
    Les apôtres dans leurs lettres, puis les quatre Evangélistes, nous livrent chacun des pistes d'interprétation, pour répondre à la question "Pourquoi est-il mort ?"
    Le mystère ne signifie pas qu'il n'y a aucune réponse. L'existence du mystère signifie plutôt qu'aucune de ces réponses n'épuise le sujet. Même, toutes ces réponses ensemble ne comblent pas nos interrogations.
    Comment cela a-t-il pu arriver, que l'humanité présente puisse faire exécuter le Fils de Dieu ? Chacun de nous a besoin d'aborder ce mystère et de trouver une réponse qui le satisfasse, une réponse qui fasse sens, pour soi.
    En rédigeant le récit de la Passion, l'Evangéliste Luc apporte la réponse de sa communauté Le fruit de méditations, de réflexions, d'études des Ecritures et de la vie de Jésus.
    Dans son récit du procès et de la mort de Jésus, Luc met en évidence l'innocence de Jésus. Par trois fois, Pilate déclare qu'il ne trouve aucun raison de condamner Jésus (Luc 23:4, 14, 22). Ensuite, seul Luc rapporte le dialogue entre les deux malfaiteurs sur les croix. L'un accusant Jésus et l'autre protestant : "Pour nous cette punition est juste (…), mais lui n'a rien fait de mal." (v.41). Enfin, troisième témoignage — une fois que Jésus est mort — l'officier romain déclare : "Réellement, cette homme était juste" (v.47). Ainsi Luc nous présente-il la mort de Jésus comme une erreur judiciaire, comme la mise à mort d'un innocent, d'un juste.
    Et Luc montre les conséquences catastrophiques pour l'humanité et la création tout entière. Luc est le seul à parler des femmes qui suivent Jésus sur le chemin de Golgotha et à rapporter les paroles de Jésus : "Ne pleurez pas à cause de moi ! Pleurez plutôt sur vous et vos enfants" (v. 28). Jésus met en évidence que son exécution n'est que la figure, la mise en exemple de toutes les mises à mort injustes à venir dans l'Histoire. Ou si l'on regarde en miroir, il avertit qu'il nous faudra regarder les malheurs, les victimes futures comme son propre martyre.
    On peut penser ici à toutes les femmes et tous les enfants, victimes collatérales des conflits violents, ou celles directement visées et abusées, utilisées, pour faire plier et décourager les aspirations à la liberté. Dans ces femmes et ces enfants, c'est la Passion du Christ qui se répète. Et chaque fois que ces martyres se répètent, c'est le ciel qui s'obscurcit sur toute la terre, de midi à trois heures. Métaphore pour dire la tristesse de Dieu de voir des humains torturés et maltraités.
    Ainsi, dans son récit de la Passion, Luc nous montre toute la noirceur du monde en train d'assassiner le Juste, celui qui venait apporter la lumière aux humains. En ce moment, le Juste est réduit à l'impuissance, la lumière s'éteint, le mal triomphe.
    Il y a cependant, dans le récit de Luc, trois lampes qui brillent dans cette obscurité : ce sont les trois paroles de Jésus sur la croix.
    1) "Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font" (v.34). Jésus demande à son Père de ne pas ajouter du malheur au malheur. La situation est déjà assez sombre pour ne pas y ajouter des punitions supplémentaires. La culpabilité est évidente, les hommes se punissent assez eux-mêmes en agissant comme cela. Il n'y a rien à y ajouter.
    2) Sur la croix, Jésus répond en ces termes à la demande du malfaiteur qui reconnaît l'innocence de Jésus : "Je te le déclare, c'est la vérité, aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis" (v. 43). Une parole de délivrance et d'espérance. Il y a une issue pour ceux qui savent identifier où est le mal et où est le bien, pour celui qui sait distinguer entre le bourreau et la victime.
    Le récit de la Passion lui-même doit nous servir de grille de lecture, de grille d'interprétation dans notre lecture des nouvelles du monde. Nous devons apprendre à distinguer victimes et bourreaux. Jésus sur la croix, se tient résolument aux côtés des victimes, victimes tant des malheurs que de l'injustice.
    3) Au moment de mourir, Jésus crie : "Père, je remets mon esprit entre tes mains" (v.46). Une parole de confiance, une parole de certitude, le Père est là, près du Fils, les bras ouverts. Quand toute la violence du monde et des humains s'est liguée contre Jésus, il n'est pas seul, il n'est pas abandonné. Dieu est de son côté, il peut se réfugier en Lui et Lui remettre sa vie.
    Ces trois paroles illustrent, dans ces sombres événements, trois repères qui vont permettre de traverser la nuit de la mort et préfigurer Pâques : le pardon, l'espérance et la confiance.
    Le pardon sur le passé, sur notre passé, pour se relever comme le paralytique et nous mettre en marche à la suite de Jésus. L'espérance qui nous assure un avenir, l'espérance du royaume de Dieu, qui nous donne un but et une tâche pour mettre un peu de lumière dans notre monde obscur. La confiance pour notre présent, confiance dans la bonté, la bienveillance de Dieu qui veille sur nous comme un Père lorsque nous traversons l'obscurité.
    La mort du Juste nous montre l'obscurité du monde, mais le Juste a allumé les lampes — au cœur de cette obscurité — du pardon, de l'espérance et de la confiance.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Conte : De Noël à la Croix

    2.4.2010 - Vendredi-Saint

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    Luc 23 : 26-49

    Histoire du petit ange qui ne chanta pas

    Il y avait, en ce temps-là, dans la multitude de l'Armée des Cieux un petit ange. Il était beau, de la beauté immatérielle des créatures célestes, et son âme était limpide comme une goutte de rosée. Aussi les autres anges, serviteurs du Très-Haut, lui réservaient-ils leurs plus doux sourires et leurs plus innocentes gâteries.

    Les plus jeunes, qui servent d'estafettes et de courriers, et qui sillonnent constamment l'éther d'un astre à l'autre pour distribuer les consignes de la journée, l'appelaient de loin pour jouer avec lui. Les anges adultes, qui ont reçu le gouvernement d'une province de l'espace céleste : soleil, nébuleuse ou constellation, lui apportaient en cadeau des fleurs cueillies sur de lointains rivages. Quand aux archanges, qui ne se dérangent que dans de très rares occasions, parce qu'ils se tiennent constamment en présence du Seigneur, il l'appelaient pour le faire sauter sur leurs genoux.

    Mais, il n'est pas bon, même pour un petit ange, d'être gâté. Certes, nous savons que le Malin n'a point accès dans le Royaume des Cieux où les enfants de Dieu sont gardés contre toutes ses atteintes; cependant, à force d'être choyé, notre petit ange était devenu capricieux. Et comme il n'est point d'usage, là-haut, de contraindre personne, on ne faisait qu'en sourire doucement.

    Or, la nuit où Jésus naquit, un grand cri retentit dans le Ciel, et les anges de Dieu s'assemblèrent des contrées les plus distantes pour aller, sur la terre, apporter aux hommes le message de Noël. Ils étaient douze légions.

    Ils descendirent à travers l'espace, et la Judée resplendit de leur surnaturelle clarté. Les bergers qui vivaient aux champs, virent cette grande lumière, et le cantique inoubliable s'éleva :

    Gloire à Dieu, au plus haut des Cieux ! Paix sur la terre, bienveillance envers les hommes !

    Jamais, depuis lors, l'univers n'a retenti de pareils accents. Les anges, êtres spirituels, chantent non seulement de leur bouche, mais de tout leurs corps, de toute leur pensée, de toute leur âme. Ils chantent, pleins d'amour, sans fatigue, sans effort; leur être tout entier résonne et vibre de joie comme un violon.

    Les anges s'abaissèrent encore, et c'est sur cette terre elle-même autour de l'étable de Bethléem qu'ils vinrent camper. Ils entourèrent le lieu saint d'un rempart de beauté et d'harmonie. Quelques-uns, même purent entrer; Jésus reposait dans la crèche; les bergers et les mages s'étant approchés se mirent à genoux et les anges se joignirent à eux. Toutes les voix célébraient leur reconnaissance envers Dieu.

    Seul, au premier rang, le petit ange, la bouche close se taisait.

    Il avait décidé qu'il ne chanterait pas. Simple caprice ? Oui, mais la bouche n'a-t-elle pas été créée pour la louange de Dieu ? Quand nos lèvres s'ouvrent, la gloire du Seigneur remplit notre cœur, et le mal n'a point de prise sur nous. Mais quand nos lèvres se ferment, en un si beau jour… et que nous sommes sur la terre…

    Et le Malin, qui guette la moindre de nos défaillances, aperçut le petit ange qui ne chantait pas. Il pénétra aussitôt dans son cœur et lui ouvrit les yeux : il lui montra l'humilité de la crèche et la fragilité du bébé Jésus, identique aux enfants des hommes. Il lui fit voir Joseph et Marie comme de pauvres paysans incultes. Il lui fit trouver ridicule la dévotion éperdue des adorateurs.

    « Et c'est pour cet enfant-là, songeait-il, que sont toutes ces musiques, tous ces cadeaux, tous ces hommages ! On dit bien qu'il est le Messie; cependant, il n'est pas aussi beau que moi, et puis, il a faim, il a soif, et il pleure comme les petits des hommes; depuis qu'il est né, plus personne ne fait attention à moi; tout le monde se tourne vers lui. »

    C'est la jalousie qui inspirait au petit ange ces vilaines pensées : non, ah! non, il ne pouvait pas se réjouir de la gloire d'un autre enfant. Il ne voulait plus se souvenir que l'enfant de la crèche était le Fils bien-aimé du Père, et que toute créature dans les Cieux et sur la Terre n'a été appelé à la vie que pour célébrer ses louanges.

     

    La nuit de Noël s'achevait. Les anges remontèrent au Ciel. Et quand leur petit compagnon d'un mouvement instinctif voulut les suivre, il ne le put pas, car ses ailes étaient tombées de ses épaules. Il resta seul dans la nuit.

    Et quand les bergers, au petit jour, sortirent de l'étable, ils trouvèrent devant la porte un enfant vêtu d'une longue robe blanche, et qui semblait avoir froid. Comme leur cœur était, ce matin-là, rempli de bonté, ils le couvrirent et l'emmenèrent chez eux, pour en faire un berger. Et ils lui donnèrent le nom de "Tolac" ce qui signifie "vermisseau".

    Les bergers ne furent pas récompensés de leur bon mouvement. Tolac était beau de figure et très intelligent, mais il dédaignait ses parents adoptifs, qu'il trouvait pauvres et grossiers. Le travail lui répugnait. Dès qu'il fut en âge de se débrouiller, il s'en alla vers la grand-ville, avec l'intention d'y devenir un prince de ce Monde.

    Nous ne raconterons pas ici les étapes de sa vie. Ce serait une bien longue et triste histoire : en effet, plus il grandissait, plus le souvenir de ses origines le poussait à mépriser les hommes qu'il savait inférieurs.

    S'il avait au moins accepté d'être un homme comme les autres, son intelligence lui eût permis de devenir l'un des premiers d'entre eux. Mais il se sentait d'une autre race. Toutes ses pensées, ses paroles et ses actes étaient dictés par le culte qu'il avait de lui-même. Sa jalousie envers tout ce qui le dépassait était tellement insatiable, qu'il ne pouvait même plus entendre parler de Dieu sans une sourde irritation. Le culte qu'on adressait à la divinité exaspérait son orgueil.

    Lorsqu'il eut atteint l'âge adulte, Tolac parcourut la mer, apprit le grec, visita Athènes, Rome et Alexandrie.

    Partout son charme et sa science lui attiraient des amis. Les succès qu'il remportait lui faisaient espérer les meilleures places, mais son incapacité de s'attacher à autre chose qu'à soi-même, éloignait bientôt de lui tous les cœurs. Il s'en irritait et s'aigrissait et quand ses amis l'abandonnaient, il s'en allait ailleurs.

    N'ayant pu l'emporter par la science, Tolac se jeta dans la débauche. Rentré en Judée, il étonna ses contemporains par le faste de sa vie scandaleuse. Sa maison devint le rendez-vous des moqueurs auxquels il enseignait à blasphémer. A trente-cinq ans, le corps déjà usé, animé d'une fureur croissante contre l'humanité, il rassembla quelques désespérés et se livra au brigandage. Il n'épargnait aucun voyageur, pas même les femmes et les enfants. Il pénétrait dans les synagogues le jour du sabbat et insultait Dieu. Il frappait les rabbins et s'emparait des prémices et de l'argent consacré. Sa cruauté était telle que tout le monde le redoutait. Les Juifs s'adressèrent à Ponce Pilate pour qu'il les débarrassât de lui. Tolac fut pris et conduit enchaîné à Jérusalem où le gouverneur ordonna qu'il fût crucifié.

    Le lendemain, on l'emmena au Calvaire avec deux autres condamnés : un brigand comme lui et un patriote galiléen, qui prétendait-on, avait prêché la révolte contre Rome. Sur la poitrine de ce dernier oscillait un écriteau ironique ainsi rédigé : Le Roi des Juifs.

    Tolac éprouva tout d'abord pour ce compagnon d'infortune une certaine sympathie, mais il fut bientôt écoeuré par son attitude pitoyable. Tandis que les deux brigands marchaient crânement, la tête haute à travers la foule imbécile, le Galiléen, trébuchant sous sa croix, pleurait avec des femmes et des enfants qui se lamentaient sur lui.

    Les trois hommes furent crucifiés. Le supplice de la soif atroce et du lent déchirement de leur chair commença. La foule se moquait du malheureux roi des Juifs : « Il a sauvé les autres et ne peut se sauver lui-même ! S'il est le roi d'Israël, qu'il descende de sa croix et nous croirons en lui ! Il s'est confié en Dieu, que Dieu le délivre maintenant, s'il l'aime ! »

    Tolac, en ricanant, tordait déjà sa bouche pour joindre ses insultes aux leurs, lorsqu'un cri des passants l'arrêta : « Si tu est le Fils de Dieu, descends de ta croix ! »

    « Si tu es le Fils de Dieu ? … » Tolac tourna la tête vers le Galiléen et son regard d'ange déchu reconnut aussitôt, sous la couronne d'épines, l'enfant de Bethléem, le Fils de Dieu !

    Alors son cœur se souleva d'une haine triomphante : « Ah ! te voilà, mon rival ! disait-il en lui-même. Tu as voulu les hommages du monde entier, tu m'as enlevé la part d'admiration qui me revenait, tu m'as fait chasser du Paradis, tu as cru que les hommes s'agenouilleraient devant toi, comme les anges de la nuit de Noël ! Voilà ce que l'on gagne à vouloir faire le Sauveur ! Mais sur la terre, ce n'est pas Dieu qui règne, c'est le Malin ! Tu es vaincu. J'ai la satisfaction d'avoir contribué à ta défaite et d'assister, mourant à ta déchéance. Ta honte. C'est l'abaissement de Dieu lui-même. Je vais disparaître, mais je t'entraîne dans le néant avec moi ! »

    Comme s'il avait entendu les paroles que Tolac avait prononcées au-dedans de lui-même, Jésus tourna le tête et regarda le brigand. Tolac soutint fièrement ce regard : il était prêt à la lutte. Il attendait que Jésus répondît à sa haine par de l'indignation. Il y aurait de dures paroles peut-être, mais Tolac ne se laisserait pas abaisser !

    Or Jésus ne dit rien. Ses yeux étaient extrêmement tristes et extrêmement bons. Ils semblaient dire :

    « Je te reconnais, moi aussi, je sais qui tu es : l'ange déchu de ma nativité. Tu as voulu m'abattre et tu as réussi. C'est bien à cause de toi que je suis ici, à cause de ta jalousie et de celle de tous les hommes. C'est par ton crime que je vais mourir. »

    Mais, chose étrange, le langage des yeux de Jésus n'offrait à Tolac l'occasion d'aucune revanche.

    Si Jésus s'était mis en colère, Tolac se serait senti le plus fort, il se serait réjoui de l'avoir fait descendre à son niveau. Mais il ne s'attendait pas à une telle douceur.

    Et les yeux de Jésus continuaient de parler :

    « Oui, c'est à cause de toi et pour toi que je meurs. J'aurais pu te rejeter. C'est ce que tu voulais, n'est-ce pas ? Eh bien, non ! Tu ne m'empêcheras pas de t'aimer, pauvre ange déchu. Je remporte sur toi la victoire de l'amour en donnant ma vie pour toi. »

    Et soudain le regard brillant et dur de Tolac se mouilla de larmes. Sous les yeux de Jésus, il baissa la tête.

    Or, à ce même instant, l'autre brigand, excité par la foule, se mit à injurier Jésus : « N'es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même et sauve-nous ! »

    Tolac ne put supporter d'entendre insulter par un autre Celui qui volontairement s'était abaissé pour lui. Sans comprendre encore ce qui se passait en lui, il redressa la tête, ouvrit la bouche et se mit à défendre d'une voix forte son nouvel ami : « Ne crains-tu pas Dieu, toi qui subis la même condamnation ? »

    Et d'avoir ainsi, de sa bouche, confessé le Dieu qu'il avait tant haï, Tolac se trouva soudain libéré de sa jalousie. Il se souvint aussitôt du cantique appris jadis pour la nuit de Noël et se mit à chanter les strophes :

    Gloire à Dieu, au plus haut des Cieux ! Paix sur la terre, bienveillance envers les hommes !

    Ce n'était certes plus la voix pure d'un enfant, ni la voix céleste d'un ange qui s'élevait ainsi, mais la voix rauque d'un homme tombé très bas, et près de mourir.

    Ce n'était certes par un chant harmonieux, mais un hymne quand même et un témoignage rendu devant l'autre brigand. Et quand Tolac eut terminé la strophe de Noël, il y ajouta la strophe de Vendredi-Saint :

    « Pour nous, c'est justice, car nous recevons ce qu'ont mérité nos crimes, mais celui-ci n'a rien fait de mal. »

    « Jésus n'a rien fait de mal ! songeait Tolac. Il était saint et c'est moi qui l'ai conduit à la mort en voulant me mettre à sa place ! Ah ! si je pouvais, à la dernière heure, tenter quelque chose pour le délivrer ! Mais il est trop tard. Jésus va mourir et moi aussi. Dieu est tout de même vaincu ! »

    Le regard de Tolac se tourna vers Jésus pour quêter au moins un peu d'espoir, mais la tête du Sauveur était penchée en avant, et ses yeux semblaient déjà voilés par la mort. Alors comme la vie de Tolac s'enfuyait également de son propre corps et que l'ombre de la mort envahissait son âme, sa bouche, plus croyante que son cœur, confessa de nouveau le Rédempteur en criant d'une voix forte : « Fils de Dieu, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton règne. »

    Les lèvres de Jésus bougèrent à peine, mais Tolac entendit distinctement la réponse : « Je te le dis, en vérité, aujourd'hui tu seras avec moi dans le Paradis. »

    En cet instant, Tolac reconnut ce qu'il avait toujours su, lorsqu'il était encore un ange et même lorsqu'il reniait son Dieu.

    « L'amour est plus fort que la mort. Dieu ne peut périr. Celui qui vient de me donner sa vie ressuscitera. Par lui, je ressusciterai aussi. »

    Et il se laissa glisser dans la mort.

    © Récit de André Trocmé, Des anges et des ânes, Genève, Labor et Fides, 1965, p. 9-16