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bussigny - Page 4

  • Jean 6. Jésus appelle la foule qui cherche du pain à chercher à "être" plus qu'à "faire".

    Jean 6

    1.9.2002
    Jésus appelle la foule qui cherche du pain à chercher à "être" plus qu'à "faire".
    Es 55 : 1-4    Rm 12 : 9-18    Jn 6 : 22-29

    La foule qui a été nourrie de pains et de poissons par Jésus se met à sa recherche, le lendemain. Peut-être — pense-t-elle — y a-t-il occasion, en le retrouvant, d'être à nouveau nourrie gratuitement. Alors la foule cherche Jésus. Mais Jésus est parti après ses disciples sur l'autre rive du lac. La foule cherche Jésus et cherche à savoir comment il a pu passer sur l'autre rive.
    Ce récit illustre la recherche des humains. Dans notre vie, ne sommes-nous pas tous à la recherche de quelque chose ? Que recherchons-nous — au fond — dans la vie ? Notre quotidien est plein de petites recherches — aussi nécessaires qu'envahissantes ! Comme la foule, nous nous demandons : "Qu'allons-nous manger ?" Pas tellement : " Aurons-nous à manger ?" que "Qu'y aura-t-il ou que mettre au menu ?"
    Nous avons aussi d'autres recherches : Comment avancer dans son travail ? Qui inviter chez soi ? Que faire tel soir pour s'occuper ? Que cherchons-nous lorsque nous allumons la TV, ou choisissons une vidéo à louer ?
    En quoi notre choix contribue-t-il à nous rendre heureux, à nous satisfaire ? Est-ce que cela nous satisfait d'ailleurs ou est-ce que cela nous divertit juste un moment de nos soucis ? Je ne cherche pas à poser des jugements sur telle ou telle activité, je m'interroge aussi moi-même sur mes choix, sur mes occupations, ce que j'y cherche et ce que j'y trouve ! De temps en temps quelque chose vient remplir une de nos aspirations, nous avons trouvé quelque chose qui nous fait du bien et nous essayons de ne pas la perdre, de la rechercher davantage.
    La foule avait tout à coup trouvé une satisfaction dans le pain reçu de Jésus et essaie de le suivre, de ne pas le perdre. Mais voilà qu'il a disparu. Les gens mènent l'enquête et finissent par le retrouver de l'autre côté du lac. "Mais où étais-tu passé ? Comment es-tu arrivé là ?" demandent les gens à Jésus.
    Ils se rendent bien compte qu'il y a en Jésus un aspect mystérieux, c'est un faiseur de miracles, il se déplace bizarrement, c'est un homme à ne pas lâcher. Mais Jésus se rend compte que les gens le suivent pour de mauvaises raisons. Jésus a peut-être l'impression qu'il les trompe s'il les laisse croire qu'il est venu pour les soulager des tâches ménagères et du travail. S'il les a nourris, ce n'est pas pour qu'ils abandonnent le travail et leurs maisons, c'est pour leur délivrer un message qui vient de Dieu.
    Jésus n'est pas venu pour faire croire aux gens que la vie pratique serait plus facile, que nous serions débarrassés des corvées, voire des souffrances de l'existence. Il est venu nous dire — de la part de Dieu — que l'essentiel de la vie se trouve ailleurs, et qu'il ne faut pas épuiser ses forces dans le périssable, le provisoire ou l'éphémère.
    A travers la multiplication des pains, Jésus veut donner un signe visible qui nous parle d'une réalité invisible mais primordiale. Il existe une réalité qui ne s'autodétruit pas, une réalité durable qui peut nous combler. La multiplication des pains nous renvoie à cette promesse d'Esaïe :

    "A quoi bon dépenser de l'argent pour un pain qui ne nourrit pas, à quoi bon vous donner du mal pour ne pas être satisfaits ? Si vous voulez m'écouter, vous aurez à manger quelque chose de bon, vous vous régalerez de ce qu'il y a de meilleur. Accordez-moi votre attention et venez jusqu'à moi. Ecoutez-moi, et vous revivrez." (Es 55:2-3).
    Il y a une nourriture qui nourrit, qui satisfait, qui ne nous laisse pas sur notre faim. Jésus attire l'attention de la foule — et la nôtre — sur le risque de se laisser complètement envahir par le souci quotidien de nos recherches routinières et de manquer l'essentiel de la vie. Il nous invite à chercher ce qui est durable, ce qui ne peut jamais nous être ôté, et cela n'est pas de l'ordre du matériel.
    Jésus oppose ce qui est périssable, mortel, voué à la destruction, à ce qui est porteur de vie, à tout jamais, pour toujours, ce qui est durable, ce qu'on traduit généralement par "éternel".
    La foule comprend cela et demande alors à Jésus : "Comment s'y prendre ? Que devons-nous faire pour y avoir accès ?" Et Jésus répond simplement : "Croyez en celui qui m'a envoyé" (Jean 6 : 29). Réponse simple, trop simple peut-être et qui nous laisse sur notre faim ! Nous demandons "Que faut-il faire ?" Et Jésus répond "Il n'y a rien à faire, il faut être, être dans une relation de confiance avec Dieu!"
    Dans la vie quotidienne, nous passons notre temps à faire des choses, et tout ce qui est fait de nos mains peut être défait. Jésus nous invite alors à être, parce que l'être est ce qui s'oppose au néant et à la mort. Etre soi-même, être face à Dieu, être sous le regard bienveillant de Dieu, être dans un état de confiance face à Dieu. Voilà le chemin qui nous est ouvert, vers la paix, vers une satisfaction durable de nos aspirations. Dieu nous invite à être et à faire croître notre être en sa présence, pour soi et pour ceux qui nous entourent.
    Souvent, ce sont les événements tragiques de la vie, une maladie, la perte de son travail ou un deuil qui nous replacent devant les choix essentiels. N'attendons pas ces moments tragiques — qui sont le plus souvent remplis de regrets — pour développer notre être et passer du temps avec nos proches. Prenons le temps, dès maintenant, pour entendre l'appel de Jésus à être et à faire confiance.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Matthieu 25. Dieu fait le premier geste de la confiance

    Matthieu 25

    27.8.2000

    Dieu fait le premier geste de la confiance

    1 Jean 4 : 16-19    Mt 25 : 14-30

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Jésus aimait exprimer les réalités de son Père à travers des paraboles. De simples explications auraient pu nous faire croire que le Royaume de Dieu appartenait au domaine de ce qui se voit, de ce qui se touche, s'explique, alors qu'il est question de réalités qui sont au-delà des apparences, qui appartiennent à l'essence des choses, au domaines des relations essentielles. Cette parabole aussi essaie de nous parler de la vie essentielle, de la vie relationnelle au-delà des apparences, de la réalité des relations que Dieu entretien avec nous, avec tous les êtres humains. Qu'apprend-on de Dieu ? Qu'apprend-on de nous dans cette parabole ?
    Au premier abord cette parabole nous raconte une histoire de jugement, un jugement sévère même. La sévérité du jugement contredit ce que Jésus nous dit d'habitude de l'amour du Père pour nous. Dans un premier temps, je vous propose de prendre acte qu'il y a un jugement dans cette parabole, le temps de comprendre le début de la parabole, ce qui nous éclairera finalement sur le sens de ce jugement.
    Avec un groupe de catéchumènes, nous avons lu seulement la première partie de cette parabole,  jusqu'au départ du maître. Puis je leur ai demandé d'imaginer et de jouer la suite de la parabole. Tous, sans exception, ont abouti à une conclusion où les serviteurs devaient rendre des comptes, et où ils étaient récompensés ou punis, selon ce qu'ils avaient fait. Le jugement est vraiment une composante humaine ! L'idée de jugement, d'appréciation de nos actes est ancrée profondément en nous. Quelqu'un doit finalement nous indiquer, pensons-nous, si nous sommes des gens biens ou si notre vie a un sens, une valeur. Et bien souvent, nous sommes les premiers a porter un jugement sur nous-mêmes et rarement de manière positive... Il y a une sorte de nécessité du texte qui conduit au jugement, comme un roman policier ne peut finir sans la découverte du meurtrier.
    Revenons au travail des catéchumènes. Un des groupes ne connaissait pas du tout, préalablement, cette parabole et il a inventé un fin très instructive pour nous : Un premier serviteur garde la somme précieusement et se fait féliciter au retour du maître. Les deux autres se servent des biens remis pour faire des affaires et s'enrichir. Ils se font sévèrement réprimander pour avoir osé utiliser des biens qui ne leur appartenaient pas mais leur était seulement prêté.
    Voilà qui met en lumière un aspect de la parabole qui manifeste des visions tout à fait différentes du maître de la parabole : Le maître des catéchumènes a peur du risque, il ne fait pas confiance dans ses serviteurs. A l'opposé le maître que nous décrit Jésus fait confiance, il remet tout son capital à ses serviteurs en leur laissant toute liberté d'agir. Le maître leur donne le libre choix, ce qu'on appelle le libre arbitre. En cela, il les élève du rang de serviteur, d'esclave au rang d'hommes libres et responsables. Cette élévation de l'être humain à la liberté et à la responsabilité n'est pas le résultat de leur travail, mais un préalable que Dieu pose. Dieu fait le premier le geste de la confiance en associant les humains à ses affaires, plus encore, en leur confiant tout et en se retirant, pour leur laisser les mains libres.
    La parabole ose dire que le maître se retire pour laisser les humains libres. Lorsque des parents veulent apprendre à leur enfant à faire du vélo, il y a un moment où il faut enlever les petites roues et lâcher l'enfant, lui faire confiance. Sans cela, il n'apprendra jamais.
    L'avenir du monde est entre nos mains, parce que Dieu nous l'a confié. La conduite de nos vies est entre nos mains, parce que Dieu nous l'a confié. La responsabilité de notre famille, de nos affaires, de notre paroisse est entre nos mains, parce que Dieu nous l'a confié.  A partir de là, nous avons à choisir notre propre attitude : Allons-nous vivre dans la confiance en la bonté de ce mandat ou allons-nous vivre dans la crainte, dans la peur de se tromper, de ne pas être à la hauteur, d'être jugé ?
    Si nous remontions à la racine de chacune de nos décisions dans notre vie, que trouverions-nous ? La confiance en la bonté de Dieu et en la beauté de la vie, ou la peur de la perte, du risque, de la punition ou de l'échec ?
    Le troisième serviteur a choisi cette voie de la peur du risque et de l'échec, parce qu'il voyait en Dieu un être dur, qui juge et qui condamne. Cette peur le paralyse. En enterrant son talent il nie la confiance du maître en lui. Il fait de son présent un temps vain et inutile jusqu'au retour du maître. En gelant son avoir, ce serviteur tue l'espoir que son maître plaçait en lui. L'attente anxieuse des comptes, du jugement entraîne le serviteur à se dérober à sa vocation. C'est à cette mentalité — agir sans risque et donc sans faute pour être en ordre avec celui qu'on craint — c'est à cette mentalité que Jésus s'en prend. Celui qui a peur du jugement alors que le Seigneur place en lui toute sa confiance n'est pas digne d'entrer dans le Royaume.
    Ainsi, malgré sa fin en forme de jugement, cette parabole ne cherche pas à créer une terreur du jugement pour obtenir quelque chose de nous. Au contraire elle est une invitation à laisser tomber sa peur du jugement, sa crainte de Dieu pour s'ouvrir à la liberté offerte, une invitation à recevoir pleinement la confiance qui est placée en nous.
    En effet, la crainte du troisième serviteur constitue l'opposé de ce que Dieu veut créer en nous, comme nous le rappelle l'épître de Jean : ''L'amour parfait exclut la crainte. Ainsi, l'amour n'est pas parfait chez celui qui a de la crainte, car la crainte est en rapport avec une punition" (1 Jean 4:18). 
    Celui qui choisit — dans sa vie actuelle — de vivre dans la peur se place lui-même dans des conditions de vie qui ressemblent à un enfer.
    Celui qui choisit la confiance et vit d'elle est déjà entré — dans sa vie actuelle — dans la joie de Dieu.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Esther III - Un message pour les nations

    Esther 8

    29.7.2007

    Esther III - Un message pour les nations

    Esther 7:10—8:8    Esther 8:9-17    Esther 9 : 1-23


    Chers Amis,
    Voilà le dénouement du livre d'Esther. Le machiavélique vizir Haman a été démasqué et pendu. Le décret d'extermination des juifs a été contré par un décret miroir enjoignant les juifs à infliger à leurs ennemis le sort que ceux-ci leur réservait. Le retournement est complet, les victimes triomphent de leurs agresseurs et instituent une fête commémorative. Voilà un happy end digne des films holiwoodiens !
    Cependant, pour un livre biblique, cette fin nous laisse avec un goût d'amertume. Quand même, 75'800 morts et faire la fête… On aurait pu s'attendre à quelque chose de plus pacifique, une fin sous forme de pardon ou au moins d'armistice.
    Cela nous choque que ces juifs puissent ainsi "avec la bénédiction biblique" tuer leurs adversaires ! Vous êtes choqués par cette autorisation de vengeance ? L'êtiez-vous autant par le décret d'extermination ? Je crois que c'est le premier message du livre envers les nations : nous interroger sur notre capacité à nous scandaliser. De quoi nous scandalisons-nous lorsque nous lisons le journal ? Davantage des résistants qui tuent ou de l'armée d'occupation qui oppresse ? Davantage des jeunes qui commettent des incivilités ou des cols blancs qui ruinent une entreprise prestigieuse et parlent seulement d'erreurs de management ?
    Dans le livre d'Esther, soyons d'abord scandalisés par la volonté de génocide, avant celle de self-défense ! Et puis, rappelons-nous que nous lisons un roman qui met en scène une partie de réalité et une partie de fiction. Que ce roman essaie d'exprimer les espoirs d'un peuple : qu'on le laisse vivre tranquille et que les persécutions s'arrêtent !
    Que celui qui n'a jamais lu un roman policier leur jette la première pierre. Lorsque nous lisons un roman policier, ce n'est pas pour nous réjouir du meurtre, mais pour voir finalement la justice triompher dans l'arrestation et la condamnation de l'assassin. Souvent — dans les films — celui-ci tombe sous les balles de la police. Nous n'en faisons pas tout un plat, c'est du roman. C'est du roman qui nous aide à penser que dans ce monde violent, la justice peut gagner. Il en est de même dans le livre d'Esther.
    Si nous restons encore un peu choqués, réalisons que le rédacteur ne met pas les deux tueries au même niveau. Si le premier et le second décret s'expriment dans des termes presque identiques (3:13; 8:11) il est permis de "tuer les hommes, les femmes, les enfants et piller leurs biens," il est bien spécifié que les juifs n'ont tué que des hommes et n'ont pas pillé leurs biens. Il y a une retenue, comme l'application d'un droit dans la guerre, qui distingue cet acte de défense d'une extermination ou d'une vengeance libre.
    Il y a aussi un côté réaliste, parfois le mal ne peut être éradiqué que par un autre mal. C'est une pente très dangereuse qui a réussi lors de la 2e guerre mondiale, mais a échoué dans toutes les guerres depuis lors.
    Comme le livre d'Esther est un roman et non pas la relation de faits historiques, il est avisé d'en faire une lecture allégorique ou symbolique. C'est ce qu'a très bien compris l'écrivain de théâtre Jean Racine.* Il a écrit une sorte d'opéra — on dirait aujourd'hui une comédie musicale — sur le livre d'Esther, essayant d'éclairer le roi Louis XIV sur la situation religieuse dans son royaume et l'amener à être plus tolérant envers les jansénistes et les huguenots qui étaient persécutés pour leur foi.
    Le livre d'Esther est un plaidoyer pour la tolérance religieuse mais aussi l'expression de la lutte, du combat entre la justice et le mal. Qui triomphera ? Le livre d'Esther est rempli de retournements où la justice, l'intégrité, la loyauté sont constamment menacés de succomber aux assauts du mal. Mais c'est un livre d'espoir, un plaidoyer pour la victoire — fragile, mais têtue — de la justice.
    Comment la justice pourrait-elle triompher sans que le mal soit détruit ? C'est plus tardivement que l'on a été amené à faire la distinction entre le mal et le malfaiteur. En théologie chrétienne, on dit que Dieu veut la mort du péché, mais pas celle du pécheur. C'est ce qui nous a amené à vouloir et pouvoir abolir la peine de mort, mais sans abolir le jugement et la peine.
    Dans le livre d'Esther l'exécution des ennemis est la forme que prend le jugement contre le mal. C'est une façon de dire qu'il n'y a pas de justice visible tant qu'il n'y a pas eu de jugement sur le mal. Le triomphe de la justice doit se marquer d'une façon ou d'une autre dans la réalité. Il est difficile pour nous les humains de nous en remettre uniquement à une justice céleste qui ne déploierait pas ses effets sur la terre déjà. Nous le voyons très clairement dans les pays qui ont été traumatisés par une dictature, surtout si elle a réussi à mettre en place son auto-amnistie, comme au Chili ou en Argentine.
    Les victimes crient pour que justice soit rendue, c'est-à-dire qu'il y ait des procès devant des tribunaux et que des peines — même symboliques (aucune peine de toute façon ne peut amener réparation, aussi sévère soit-elle) — soient infligées. Acceptons que le livre d'Esther se situe dans un temps d'avant les tribunaux internationaux puisqu'ils n'ont été mis en place qu'à partir du XXe siècle.
    Le livre d'Esther manifeste aussi une attente messianique. Il décrit un idéal symbolique — qui appartient à la fin des temps humains — mais auquel on peut aspirer dès maintenant : que la justice soit plus forte que le mal, que Dieu nous délivre du mal afin que la vie soit la fête qu'elle devrait être.
    C'est dans ce sens-là que ce livre d'Esther instaure une fête : fête de délivrance, fête du triomphe de la justice, du triomphe de Dieu qui sauve son peuple. Pour les juifs, c'est la fête de Pourim, nom qui vient des dès jetés par Haman pour déterminer la date de l'extermination (Esther 3:7).
    Cette fête est une fête joyeuse, une sorte de festival du rire et de la joie. On y raconte des blagues, on fait des plaisanteries, on s'échange des petits cadeaux et on y fait des dons aux pauvres pour que ce jour soit joyeux pour tout le monde.
    Le livre d'Esther fête donc, dans la joie, l'équipe qui a gagné dans le match justice contre mal. Dieu est vainqueur, il a sauvé son peuple.
    Alléluia.

    * Racine, Œuvres complètes, tome I, Bibliothèque de la Pléiade, 1999.
    Michel Le Guern, Sur l'Esther de Racine, in Lumière & Vie, 260, oct-déc 2003, pp.49-56.

    Sur Pourim, voir le site très complet : http://www.jafi.org.il/education/french/fetes/pourim/index.html

    © Jean-Marie Thévoz

  • Esther 3 - II - Un message pour les juifs en exil

    Esther 3

    22.7.2007

    Esther II - Un message pour les juifs en exil

    Esther  3 : 1-11    Esther  4: 12-16    Jean 15 : 18-20


    Chers Amis,
    Nous continuons notre exploration du livre d'Esther, ce récit qui présente, sous une forme romancée, une réalité trop souvent vécue par les juifs : l'exil et les persécutions.
    Au moment de sa rédaction, le Royaume d'Israël n'existe plus, le peuple vit sous domination grecque et une grand partie des juifs vit en exil, en diaspora : en Orient (Babylone, Perse) en Egypte (Alexandrie) et sur le pourtour méditerranéen.
    Le livre d'Esther condense en une histoire des situations qui se répètent dans divers lieux : des familles juives essaient de vivre leur foi et leurs traditions en terre étrangère. Ce livre d'Esther a de nombreux points communs avec le livre de Daniel qui montre aussi un juif qui essaie de respecter la Loi, la Torah, ce qui amène tracasseries et persécutions. Comment vivre sa foi, obéir à la Torah, préserver ses coutumes, tout en vivant en bonne harmonie avec la population indigène ?
    Le livre d'Esther nous propose deux modèles en parallèle : l'attitude de Mardochée et celle d'Esther. Mardochée a la même attitude que Daniel. Il représente le pratiquant convaincu qui affiche sa foi et sa pratique. Jamais il ne se prosternera devant un autre homme — serait-ce le premier ministre — quoi qu'il lui en coûte.
    On aime bien ce type de personnage chez nous; cela nous rappelle Guillaume Tell qui brave le bailli autrichien. Mais on déteste aussi ce personnage — lorsque nous sommes dans le rôle de l'indigène et qu'un étranger se permet de demander un voile pour sa fille ou un minaret pour sa mosquée.
    Mardochée, c'est lui. Touchant pour sa rectitude et sa loyauté à son Dieu, mais agaçant au possible de ne pas accepter les coutumes locales et l'assimilation. Cette attitude droite, mais provocante, va amener la persécution, pas seulement contre le seul Mardochée, mais contre l'entier du peuple juif. Cela en vaut-il la peine s'interrogent, au cours des siècles, les rabbins eux-mêmes ?
    De l'autre côté, il y a le personnage d'Esther, la cousine de Mardochée qui — cachant sa religion — a été choisie comme reine par le roi Xerxès. Elle a adopté, paradoxalement sur le conseil de Mardochée, le profil bas, la clandestinité. Elle cache sa foi.
    Le rédacteur affiche donc deux modèles de conduite et à aucun moment ne pose de jugement, n'indique de préférence. Ce sont deux modèles parallèles qui ont chacun leur raison d'être, leurs avantages et leurs inconvénients. Je trouve remarquable qu'ils coexistent simplement. Dans notre pensée occidentale, cartésienne, logique et tellement binaire, nous voudrions trancher, déclarer l'un meilleur que l'autre. Ah, l'emprise de la pensée unique !   Là, non, entre Esther et Mardochée, chacun doit se déterminer selon sa conscience, sa situation, ses capacités.
    En fait, c'est égal. En fin de compte, lorsque la situation de crise surgit, qu'on aie adopté l'une ou l'autre position, il vient un moment où l'on doit se dévoiler et agir. C'est ce qui arrive à Esther. Lorsqu'elle apprend l'existence du décret d'extermination, elle va agir et dévoiler son identité au roi de manière à sauver son peuple. Il y a toujours un temps où l'identité est révélée par la nécessité de la situation. Chacun doit prendre ses responsabilités ou perdre son identité. Esther se dévoile donc.
    Il est frappant de voir dans la résistance de Mardochée qu'il 'y a aucune explication à son refus de se prosterner. La seul "explication" qu'il donne est  : "Je suis juif" (Esther 3:4). C'est aussi sur ce seul "titre" que les rafles se déroulaient sous le régime nazi. Il n'était pas question de savoir si ces juifs étaient pratiquants ou non, libéraux ou orthodoxes, de gauche ou de droite. L'antisémitisme ne s'explique pas par une pratique, par des attitudes, par des qualités ou des défauts des juifs, mais il se décrète, comme le fait le ministre Haman.
    Ainsi, "le juif" représente cette insupportable limite opposée à la toute-puissance humaine : en signalant que cette aspiration au pouvoir total est une usurpation d'un pouvoir qui n'appartient qu'à Dieu seul. En tant que peuple à qui Dieu a confié la Loi, la Torah, le peuple juif est devenu porteur et représentant de cette limite à tout abus de pouvoir.
    Celui qui veut abuser du pouvoir à son profit ne peut supporter ce rappel incessant de sa transgression. C'est le cas de Haman, le vizir du roi Xerxès. C'est pourquoi le texte rattache Haman — par sa généalogie — à Agag, le roi amalécite, l'ennemi de Saül. Les Amalécites avaient aussi été le peuple qui s'était opposé au passage sur leurs terres des hébreux sortis d'Egypte pour se rendre dans le pays de Canaan. Amaleq, Agag, Haman sont les représentations de la haine de la Loi, loi qui garantit le droit, le droit de chacun, mais aussi de la veuve et de l'orphelin.
    Le livre d'Esther nous rappelle qu'il y a une lignée du mal qui peut ressurgir à chaque époque et contre tous ceux qui prennent la défense des sans-voix ou des opprimés, en réaffirmant les limites que les puissants ne doivent pas dépasser.
    Ce mal a fait d'innombrables victimes : les juifs persécutés sous les perses, les grecs, les romains; Jésus lui-même; les chrétiens martyrs; les juifs à nouveau persécutés, mais par les chrétiens, jusqu'à la Shoa; plus proche de nous, Ghandi, Martin Luther King ou Mgr Romero; des chrétiens persécutés sous le régime soviétique ou dans certains pays musulmans.
    Le livre d'Esther rappelle à tous les lecteurs de la Bible le prix qu'il peut en coûter de témoigner de sa foi, de la dignité de tout être humain quel qu'il soit, y compris les combattants, y compris les présumés terroristes.
    La question que je me pose est de savoir si nous, chrétiens, avons assez lu le livre d'Esther ? Pourquoi, encore aujourd'hui, les juifs sont-ils davantage interpellateurs des pouvoirs extrêmes que les chrétiens ? Nous avons le même Dieu et la même exigence de respect de chaque être humain ! Pourtant, il me semble que bien des pouvoirs oppressants se développent chez nous, que ce soit des pouvoirs économiques ou les pouvoirs de surveillance issus de la lutte anti-terroriste.
    Où est notre pouvoir d'interpellation en tant que chrétiens ? Sommes-nous des croyants cachés comme Esther ? Mais nous réveillerons-nous au moment nécessaire ? Ne devraient-ils pas se lever quelques Mardochées, quelques provocateurs pour nous ouvrir les yeux afin de voir dans quelles situations nous nous prosternons jusqu'à terre devant des pouvoirs dont nous espérons tirer aussi quelques profits ou avantages ? Notre Eglise vaudoise est-elle trop assimilée qu'elle en perd son identité et avec elle, un à un, ses membres ?
    Je vous laisse ces questions que je me pose. Je n'ai pas moi-même des réponses à chacune d'elles, mais je pense que nous devrions y réfléchir sérieusement si nous ne voulons pas simplement nous dissoudre dans la pensée unique actuelle.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Romains 8. La justification par la foi (II) : Nous sommes libérés du souci de nous-mêmes.

    Romains 8

    9.11.2003

    La justification par la foi (II) : Nous sommes libérés du souci de nous-mêmes.

    Rm 8 : 1-4    Eph 5 : 1-2 + 8-11


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Dimanche dernier, dimanche de commémoration de la Réforme, j'ai parlé de la signification de la justification par la foi du chrétien. Le terme "justification par la foi" signifie que notre valeur — aux yeux de Dieu et des humains — ne dépend pas de nos succès ou de nos échecs, de ce que nous faisons ou ne faisons pas, mais provient de Dieu lui-même, de son amour inconditionnel pour nous.
    Nous ne sommes plus sous la pression de l'exigence inatteignable de la Loi ou des contraintes sociales, des impératifs de modes ou du regard des autres.
    L'exigence de faire quelque chose pour être quelqu'un aux yeux de Dieu ayant disparu, se pose la question : cela ne conduit-il pas au laisser-aller, au désengagement, voire ouvre la porte à toute immoralité ?
    Historiquement, le protestantisme ne s'est pas engagé dans cette voie-là — au contraire ! On a suffisamment reproché au protestantisme sa rigueur, son sérieux, son puritanisme, son sens des responsabilité, voire la culpabilisation de ses fidèles. Comme si l'exigence qui a été chassé par la porte était revenue par la fenêtre !
    Comment a-t-on pu obtenir autant de rigueur, de responsabilisation et d'engagement, tout en ayant congédié l'exigence ?
    Je vais passer par un exemple, un peu terre à terre, mais que tous connaissent, celui de la circulation routière. Se passer de la peur du gendarme et obtenir les mêmes résultats, c'est le rêve de la prévention routière. Comment faire pour que les automobilistes respectent, par exemple, les limitations de vitesse ? On peut multiplier les contrôles, les amendes, etc... jusqu'à ce que chacun ait compris qu'il y a trop de risques de se faire prendre et punir. Ou alors... faire comprendre à chacun qu'il y va de sa propre vie (de son salut) et que la loi est là — non pour l'embêter — mais pour son avantage. Faire de l'automobiliste un être responsable, non par contrainte, mais par choix personnel.
    Je reviens à la théologie. Avec la justification par la foi en Jésus-Christ, Dieu, qui représente la loi, offre à l'être humain de le regarder non pas comme celui qui contraint, mais comme celui qui sauve, celui qui nous est favorable. La foi est une conversion de notre regard sur Dieu. A travers Jésus-Christ, Dieu s'offre comme celui qui est toujours de notre côté, le Dieu amour et non pas le Dieu juge, accusateur. A travers le crucifié, Dieu nous montre qu'il n'est pas un maître, un chef ou un tyran, mais qu'en s'abaissant, il nous hisse à sa hauteur. C'est pourquoi nous ne sommes plus appelés ses serviteurs, mais ses amis (Jn 15:15).
    Dieu a fondamentalement changé notre statut. La parabole du fils perdu et retrouvé (prodigue, Luc 15) l'exprime admirablement. Le fils se considère comme un misérable, lorsqu'il a perdu tout le bien reçu de son père. Il considère que son père ne peut le recevoir que comme un serviteur. Mais le regard du père est autre. Jamais le fils ne sera serviteur, il a toujours sa place d'héritier, quoi qu'il arrive !
    Le serviteur est celui qui obéit, par crainte du maître. L'obéissance est une motivation externe, extérieure (comme la peur du gendarme pour l'automobiliste). Mais la motivation de l'employé change lorsqu'il devient un associé dans l'entreprise. Confiez des responsabilités à quelqu'un et il n'obéira plus parce qu'il le doit, mais parce qu'il le veut, parce qu'il a choisi d'assumer ces responsabilités. L'associé est mu par une motivation interne, il sait pourquoi, pour qui il travaille. Paul appelle cette motivation interne le Saint-Esprit. C'est lui qui nous meut lorsqu'il nous habite.
    Dieu a donc fait de nous des partenaires, des associés, des amis, même ! Dieu donne à l'être humain les clés du Royaume (Mt 16:19), c'est-à-dire le pouvoir de pardonner. Ce statut et cette responsabilité sont donnés également à tous les chrétiens, c'est ce qu'on appelle le sacerdoce universel.
    Pour évoquer ce changement de statut, Paul parle d'un passage de l'obscurité à la lumière :

    "Vous étiez autrefois dans l'obscurité; mais maintenant, par votre union avec le Seigneur, vous êtes dans la lumière" (Eph 5:8).
    Pourquoi ce changement est-il un passage à la lumière ? Parce qu'il y a une illumination à découvrir que Dieu n'est pas tel qu'on le pensait et à découvrir que nous sommes aussi autres que nous ne le pensions.
    Dans la justification par Dieu de notre être et de notre place, il y a une véritable libération ! Nous sommes libérés du souci de nous-mêmes. Libérés du souci de gagner notre propre valeur. Libérés du souci d'affirmer notre être. Libérés du souci de défendre notre place. Notre valeur, notre être, notre place sont garantis par Dieu lui-même.
    Alors, nous pouvons nous dé-préoccuper de nous-mêmes ! Nous pouvons abandonner toutes ces petites questions insidieuses qui reviennent sans cesse et nous taraudent : est-ce que j'en ai assez fait ? Suis-je assez bien ? Ne va-t-on pas découvrir qui je suis derrière les apparences que je me donne ? Tout cela est effacé, écarté. Que d'énergie libérée !
    Dé-préoccupés de nous-mêmes, nous avons de l'énergie pour nous tourner vers les autres, pour prendre en mains les tâches que Dieu nous confie dans la gestion de son Royaume. Et cette fois, nous ne faisons pas cela pour... plaire à Dieu, pour me faire bien voir, mais parce que... j'ai été promu par Dieu au rang d'associé, d'ami, parce que je suis reconnaissant, parce que j'ai à coeur de faire découvrir cette libération à d'autres autour de moi qui plient sous les exigences du paraître, de la mode, de l'efficacité, etc..., tous nos esclavages modernes.
    Comme Paul le dit (et on commence à comprendre mieux son vocabulaire) :

    "Maintenant donc, il n'y a plus de condamnation pour ceux qui sont unis à Jésus-Christ. Car la loi de l'Esprit Saint, qui donne la vie par Jésus-Christ, t'a libéré de la loi du péché et de la mort. Dieu a accompli cela pour que les exigences de la loi soient réalisées en nous qui vivons non plus selon notre propre nature, mais selon l'Esprit Saint." (Rm 8:1-2+4)
    Vivre selon l'Esprit Saint, c'est donc vivre avec la nouvelle image de Dieu que l'Esprit Saint nous révèle lorsque nous voyons le Christ sur la croix : un Dieu d'amour. C'est donc vivre libérés, dé-préoccupés de nous-mêmes. C'est donc vivre portés par l'amour de Dieu qui nous nourrit et nous réconcilie avec ceux qui nous entourent.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Galates 2. La justification par la foi (I) : Dieu lui-même nous confère notre valeur.

    Galates 2

    2.11.2003

    La justification par la foi (I) : Dieu lui-même nous confère notre valeur.

    Ga 2 : 15-16    Ga 5 : 1-6


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous vivons aujourd'hui le dimanche de la Réformation, c'est-à-dire un dimanche où nous nous souvenons de nos racines réformées, protestantes. Je pourrais revenir sur les événements historiques de 1517 lorsque Luther a voulu instituer un débat pour réformer son Eglise et la faire revenir à une plus grande pureté évangélique. Ou alors parler de l'imposition de la Réforme dans le canton de Vaud par la puissance bernoise en 1536.
    Je préfère laisser de côté aujourd'hui les événements historiques pour rappeler plutôt les principes fondamentaux, les lignes de force qui sous-tendent la pensée protestante. Reste un problème, comment affirmer son protestantisme sans le faire contre le catholicisme ?
    Historiquement, il est clair que le protestantisme s'est constitué et développé comme un système de pensée qui voulait transformer et remplacer le catholicisme. Alors deux remarques. Premièrement le catholicisme actuel n'est plus le catholicisme du XVIe siècle. Secondement, le protestantisme n'est pas une pensée, une confession qui a besoin d'un adversaire pour exister. Le protestantisme a une ligne de pensée qui vaut par elle-même et qui garde une grande actualité dans notre monde contemporain. Ce sont quelques aspects de cette ligne de pensée que je vais développer aujourd'hui et dimanche prochain.
    Aujourd'hui, je prends comme point de départ cette phrase de l'apôtre Paul :

    "nous avons cru en Jésus-Christ, afin d'être reconnus justes à cause de notre foi au Christ et non pour avoir obéi à la Loi." (Ga 2:16)
    Il y a deux éléments importants dans cette phrase : "être reconnus justes à cause de notre foi" et "à cause de notre foi au Christ." Deux lignes de force de la pensée protestante : la justification par la foi seule et le salut par Jésus-Christ seul.
    Que signifie aujourd'hui — dans notre monde laïc et si peu croyant — "être justifiés par la foi" ou "être reconnu juste" ? Paul opposait cela à l'obéissance à la Loi juive. Les Réformateurs opposaient cela à la vente des indulgences et aux pratiques pénitentielles.
    Aujourd'hui, en quoi est-ce une bonne nouvelle que nous soyons "justifiés par la foi" alors que personne ne nous demande d'obéir à la Loi juive ou de payer notre place au paradis ? Nous avons besoin d'une traduction, de nouveaux mots pour exprimer cela. "Etre justifiés par la foi" dans le langage du Nouveau Testament signifie être considérés, avoir de la valeur aux yeux de Dieu ou des humains. Poser la question : par quoi suis-je justifié ? signifie aujourd'hui : qu'est-ce qui me donne ma valeur, mon statut, qu'est-ce qui fait que je vaux quelque chose aux yeux des autres.
    Dans notre monde actuel, il y a aussi une pression à justifier de notre valeur, de notre place dans la société. N'entendons-nous pas dire que certains dans notre société "coûtent" trop chers à cause du chômage, de la dépendance ou de l'âge ?
    Dans le langage d'entreprise, cela pourrait être votre patron qui vous demande : "Qu'est-ce qui justifie que vous occupiez cette place de travail ?" Traduction : est-ce que vous apportez une valeur à l'entreprise supérieure à votre salaire ? L'employé est justifié par le rendement de son travail dans l'entreprise.
    Le protestantisme affirme que nous sommes justifiés par notre foi en Christ, c'est-à-dire que notre valeur ne dépend pas de notre travail (nos bonnes oeuvres) ni de nos qualités, nos capacités, nos compétences. Notre valeur repose sur Dieu seul, sur le Christ seul. C'est son regard qui nous confère notre valeur. Ce n'est pas le regard des autres qui nous donne notre valeur.  Notre valeur repose en Dieu.
    Vouloir acquérir notre propre valeur, c'est penser qu'il est possible d'être parfait ou au moins supérieur à tous les autres, c'est penser aussi que Dieu ne peut aimer que des êtres parfaits, ou qu'il préfère les meilleurs (meilleurs sur quels critères ??). La valeur de notre personne ne dépend pas du regard des autres (pas besoin d'être jeune et beau pour être aimé); ne dépend pas de nos réussites ou de nos échecs,, il n'y a pas de modèle à atteindre, de paliers à dépasser chaque année.
    Notre seul rôle, c'est d'avoir confiance, de croire (au sens fort du terme) que notre valeur nous est bien donnée par Dieu et donnée gratuitement. Pas besoin d'entrer avec Dieu dans une relation de séduction ou de marchandage ! Pas besoin non plus d'intermédiaires entre nous et Dieu pour plaider notre cause. Ce serait un manque de confiance envers Dieu de penser qu'il ne fait pas attention à nous !
    Avoir la foi, c'est penser que Dieu ne regarde pas à nos manquements (à nos péchés). Avoir la foi, c'est convertir notre façon de voir Dieu. Il n'est pas "celui qui nous attend au contour pour nous faire des reproches sur nos imperfections." Au contraire, il est celui qui nous accueille, celui qui nous accepte tels que nous sommes, celui qui nous encourage à marcher sur le difficile chemin de la vie.
    Dieu n'est pas celui qui vient dans sa toute-puissance écrasante et dont nous devrions avoir peur. Il est celui qui est venu auprès de nous dans la peau du Christ crucifié, dépouillé de tout ce qui pourrait nous faire peur et nous éloigner de lui.
    Voilà ce que veut dire "justifiés par la foi au Christ", justifiés par la confiance que nous mettons en la bonté extrême de Dieu envers nous, de son amour inconditionnel à notre égard. La foi s'oppose à la peur, peur d'être jugés, peur de ne pas être à la hauteur, peur de ne pas accomplir les exigences présumées de Dieu.
    Sur la croix, Dieu a abandonné toute exigence à notre égard, il nous a simplement offert son amour. Il n'attend rien, sauf que nous le voyons tel qu'il est — un Dieu d'amour — et que nous lui fassions confiance en ceci : c'est lui qui nous garantit la valeur de notre être.

    .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .
    Si Dieu n'a plus aucune exigence à notre égard (l'obéissance à la Loi est abandonnée) n'est-ce pas la porte ouverte à tous les laisser-aller, à la perte de tous les repères, de toute éthique ?
    Pourquoi le protestantisme n'est-il pas tombé dans ce travers ? C'est ce que nous verrons dimanche prochain.
    A dimanche prochain...

    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Esther 1. (I) Un message pour les femmes

    Esther 1 - 2

    15.7.2007

    Esther I - Un message pour les femmes

    Esther 1 : 1-21    Esther 2 : 1-17    Esther 2 : 18-23


    Chers Amis,
    Pendant les trois prochains dimanches de ce mois de juillet, nous allons nous plonger dans le livre d'Esther, un récit peu lu dans nos Eglises protestantes. En effet, à la première lecture, le récit n'est pas très édifiant ni très moral et l'on n'y parle jamais de Dieu.
    En résumé, le récit nous présente la vie à la cour du roi perse Xerxès avec les intrigues de palais, la destitution de la reine Vashti, son remplacement par Esther. Puis un épisode où le "méchant" Haman s'en prend à Mardochée, un fonctionnaire juif, et par haine de Mardochée décrète l'anéantissement du peuple juif. Par un jeu habile d'interventions auprès du roi, Esther réussit à retourner le jeu de Haman, c'est lui qui finit sur le gibet qu'il destinait à Mardochée. Esther réussit ensuite à infléchir le roi de sorte qu'il permet aux juifs de se défendre, les armes à la main, contre leurs agresseurs mobilisés par le décret d'Haman. Le récit se termine donc par le massacre des ennemis des juifs et l'instauration d'une fête commémorative : la fête juive de Pourim.
    Le règne du roi perse Xerxès étant assez connu par l'archéologie, on peut être certain que cette histoire est une fiction placée à cette époque, mais écrite plus tardivement. Nous sommes donc en présence d'un roman biblique et non de la relation de faits historiques.
    Dans ce roman sont placés les craintes et les espoirs des juifs dispersés hors du pays d'Israël, ainsi que la confiance qu'ils ont dans une intervention divine qui retournerait l'histoire en leur faveur. Intervention divine —il faut le remarquer — qui passe entièrement par des intermédiaires humains, courageux et pleins de sagesse.
    Sous cette forme romancée, ce livre d'Esther nous envoie plusieurs messages. J'en ai retenu trois que je vais présenter ces trois dimanches : un message pour les femmes, un message pour les juifs en exil, un message pour les nations.
    Ce livre a deux héros : Esther et Mardochée, mais il est clair que c'est Esther qui a la première place. Le rôle de Mardochée est de mettre en valeur celui d'Esther. Mardochée est le tuteur d'Esther, il la conseille, il l'appuie, mais c'est elle qui agit et organise. Mardochée est un administrateur important à la cour du roi, mais Esther est la reine. Mardochée joue le rôle d'intermédiaire entre Esther et le peuple juif. mais c'est elle qui définit les tâches et commande.
    Dans les deux premiers chapitres du livre, il y a comme une mise en lumière du rôle imposé aux femmes dans l'empire perse, opposé au rôle de la femme juive.
    Le premier élément se trouve dans l'ordre du roi donné à la reine Vashti. Le roi, fortement éméché, veut exposer sa femme à l'admiration de ses convives. Il la traite comme un objet de spectacle pour susciter l'envie et l'admiration de ses sujets à son égard.
    Pour préserver sa dignité, la reine Vashti refuse, ce qui provoque un tollé dans l'administration : on ne peut pas tolérer une reine rebelle. Tous les foyers en seraient ébranlés. Tout est mis en œuvre pour rétablir la suprématie masculine, la reine Vashti est bannie.
    Mais on ne peut laisser le roi sans épouse… Alors s'organise la chasse à la nouvelle épouse. Les termes sont clairs, des jeunes filles sont enlevées à leurs familles, apprêtées pendant un an dans le harem royal, jusqu'à ce que le roi fasse son choix, comme on choisit de beaux fruits au marché. Les femmes ne sont que des objets pour le bon plaisir du roi.
    Pour accentuer cette chosification des femmes, le rédacteur emprunte des morceaux de phrases au récit de Joseph (le fils de Jacob, vendu en Egypte par ses frères) pour faire des parallèles. J'en cite deux. Dans la Genèse, il est dit à propos de la lutte contre la famine :
    "qu'on établisse des fonctionnaires dans tout le pays (…) qu'on rassemble toute la nourriture des bonnes années. (…) Ce discours plut à Pharaon." (Gn 41:34-37) et dans Esther à propos des jeunes filles :
    "que le roi établisse des fonctionnaires dans toutes les provinces du royaume, chargés de rassembler toutes les jeunes filles de bonne apparence (…) Ce discours plut au roi." (Esther 2:3-4).
    Deuxième exemple, à propos des soins de beauté à appliquer aux jeunes filles, le rédacteur écrit :
    "C'est le temps requis pour leurs toilettes" (Esther 2:12) ce qui renvoie dans le récit de la Genèse à la mort du père de Joseph, où l'on trouve l'expression suivante : "C'est le temps requis pour l'embaumement" (Gn 50:3).

    Clairement, le rédacteur du livre d'Esther dénonce cette exploitation des femmes qui se trouvent réduites à l'état d'objets, ce qui tue ce qu'il y a d'humain en elles.
    A l'opposé, nous est présentée Esther. Au commencement, elle est dans un rôle de victime, elle est orpheline, elle a perdu ses parents. Ensuite elle est emmenée loin de son cousin et de son peuple au harem, puis choisie par le roi.
    On remarque ici aussi le parallèle avec l'histoire de Joseph, vendu comme esclave, emmené en Egypte, jeté en prison, puis remarqué par le Pharaon.
    Mais c'est à cette place, qu'Esther n'a pas choisie, qu'elle prend sa vie en main et agit de sorte à être remarquée — par sa bienveillance dit le texte. C'est ainsi que — pour ses qualités humaines — elle est élevée au rang de reine. C'est à partir de cette situation, pas choisie, mais acceptée, qu'elle va jouer son rôle, un rôle où l'intelligence et la psychologie sont au premier plan.
    Comme Joseph, elle accède au pouvoir, souvent par l'intermédiaire de Mardochée. Elle est la tête, il est la main. C'est ainsi que, comme Joseph, il reçoit l'anneau d'or du roi (Esther 6:12 // Gn 41:43). C'est ainsi qu'Esther réussit à sauver son peuple du massacre que prévoyait le décret du premier ministre Haman.
    Nous avons donc, dans ce livre, la présentation d'une femme qui figure le messie, comme Joseph. Une femme qui sauve son peuple, par l'acceptation de son destin et le jeu de son intelligence. L'acceptation de son destin n'est pas une soumission ou une démission, mais la foi qu'en toutes circonstances — d'une épreuve ou d'un mal subi — peut surgir une opportunité ou un bien.
    S'il n'est jamais fait mention de Dieu par son nom dans ce récit, il est présent sous la forme d'une Providence qui justement alimente la transformation, la transfiguration d'un mal en bien, d'une épreuve en opportunité.
    Ce récit romanesque — que je vous encourage à lire en entier chez vous — nous ouvre donc à une lecture de notre propre réalité où découvrir la main de la providence divine. Elle est certainement dans le fait de nous donner à tous et à toutes une place et une valeur humaine — à ne pas nous laisser réduire à des objets — mais elle est sûrement également dans bien des événements de notre vie personnelle.
    A nous de nous retourner sur notre vie et à en lire le roman pour y voir la place que Dieu y a prise.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007