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bussigny - Page 2

  • Esaïe 6. Esaïe doit annoncer au peuple que, dorénavant, Dieu refuse de pardonner.

    Esaïe 6

    29.6.2008
    Esaïe doit annoncer au peuple que, dorénavant, Dieu refuse de pardonner.
    Es 6 : 1-13        Mc 4 : 10-12

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Quand on choisit un texte biblique au début de la semaine pour la prédication du dimanche, on peut être très surpris par ce qu'on y découvre, même si on pensait bien le connaître. J'avais choisi ce récit de la vision d'Esaïe pour deux raisons : d'abord, je me disais que ce récit, qui nous replace avec Esaïe face à Dieu, face à sa splendeur, pouvait nous stimuler dans notre quête de Dieu avant l'été, pouvait nous aider à approfondir notre relation à Dieu. Ensuite, j'ai fait le projet de prêcher cet été — au mois d'août — sur des passages du livre d'Esaïe pour vous faire (re)découvrir ce prophète. Commencer aujourd'hui par le récit de sa vocation me paraissait naturel.
    Mais voilà, le texte peut nous surprendre ! Même un texte bien connu — peut-être d'autant plus un texte trop connu — peut s'être affadi dans notre souvenir. On a tendance à gommer ce qui nous dérange, à embellir ce qui nous fait peur !
    Essayons de saisir ce que vit Esaïe, pas encore prophète. Au moment où Esaïe s'aperçoit qu'il voit Dieu, qu'il est en sa présence, il prend conscience de l'abîme qui le sépare de Dieu ! Il est perdu, il va mourir, puisqu'il est indigne et transgresse l'interdit de voir Dieu ! Esaïe doit être terrifié par la grandeur et la puissance de Dieu.
    Les anges flamboyants, les séraphins, ne doivent pas être rassurants non plus ! Il ne faut pas imaginer des angelots joufflus, des petits cupidons Renaissance, mais plutôt des sortes de dragons ailés et crachant du feu, formant la garde rapprochée d'un grand souverain. Ces êtres terrifiants crient la louange de leur roi et ces cris ébranlent les portes et dégagent de la fumée. Rien de rassurant là-dedans.
    Vient ensuite l'épreuve du feu, du tison sur les lèvres d'Esaïe. Un geste bienveillant de la part de Dieu qui admet ainsi Esaïe en sa présence en le purifiant, mais qui ressemble plus à une épreuve initiatique ou à une torture qu'à un signe de bienvenue. A cela s'ajoute la mission confiée à Esaïe : il est chargé d'empêcher le peuple de revenir vers Dieu !
    Et quand Esaïe se soucie de la durée de cette mission "jusques à quand ?" pour découvrir le but ultime, le but réel après la phase d'endurcissement, Dieu lui répond que c'est la destruction qui attend le peuple, sans sursis, sans rémission et jusqu'aux derniers. S'il en réchappe un dixième, ceux-là encore seront fauchés, comme ce qui repousse d'une souche !
    Voilà pour la belle vision, voilà pour la belle vocation, voilà pour la belle mission !
    Que faire d'un tel message ? Car il faut en faire quelque chose, d'autant plus que Jésus reprend à son compte la mission d'Esaïe lorsqu'il explique pourquoi il parle en parabole. Cette mission ne peut pas être gommée, effacée en disant simplement que cela appartient à une conception de l'Ancien Testament.
    On ne peut pas non plus tout effacer à cause de la dernière ligne qui redonne espoir : "Mais cette souche est le gage divin d'un nouveau commencement" (Es 6:13).
    Il faut prendre en compte que Dieu est fâché. Il est fâché de cet Israël qui compte sans cesse sur sa bonté, sa miséricorde, son pardon pour continuer à mal se comporter, à exploiter son prochain, à fausser la justice, à adorer d'autres dieux.
    A un moment, Dieu dit STOP. Cessez de considérer ma miséricorde, mon amour comme une garantie d'impunité renouvelable à l'infini. STOP.
    Esaïe doit annoncer au peuple que, dorénavant, Dieu refuse de pardonner, Dieu refuse d'être miséricordieux, que Dieu refuse d'être son Dieu ! Aie, aie, aie, comment prêcher cela, comment comprendre cela, comment comprendre que Jésus ait repris cela ?
    Vous n'en avez jamais eu marre de bien faire, d'être gentil, de faire du bien, d'aider et que cela ne mène à rien ? Alors vient l'idée de dire stop et de faire voir ce que cela fait lorsqu'on change d'attitude du tout au tout. Puisque les êtres humains sont contre Dieu, pourquoi ne pas utiliser cette attitude, ce comportement comme levier pour faire prendre conscience de ce qui se passe ?
    Puisque les êtres humains disent non à Dieu — et c'est ce qu'on voit dans le monde actuel et c'est ce que Jésus voyait autour de lui et l'a conduit à la Passion — puisque les êtres humains disent non à Dieu, au Dieu aimant, peut-être diront-ils non à Dieu, au Dieu juge et destructeur, retrouvant par là la valeur de ce qu'ils avaient négligé et qu'ils ont maintenant perdu !
    Peut-être les êtres humains vont-ils s'indigner que Dieu affirme qu'il va renoncer à son amour, à son pardon et que cette indignation va leur rappeler qu'ils ont eux-mêmes — et les premiers — renoncé à l'amour et au pardon dans leurs relations.
    En se présentant aux êtres humains comme un juge, comme un procureur inflexible, Dieu se place en miroir de nous-mêmes pour que nous nous y voyions tels que nous sommes, dernier espoir de transformation ! Lorsque Dieu se présente comme juge et procureur, parce que nous abusons de sa patience, il ne cherche pas notre destruction — nous nous en occupons très bien tout seuls — mais il cherche, en fin de compte, notre transformation, notre purification, comme pour Esaïe.
    Dieu utilise des voies paradoxales pour nous mettre en face de nous-mêmes. C'est souvent dur, mais c'est toujours, en fin de compte, par amour. Aussi dur que soit le texte, sa dureté est égale à la dureté de notre cœur et de nos attitudes. Aussi dur que soit le texte, il débouche sur une promesse de renouveau : Dieu a toujours à cœur de nous accueillir dans son amour.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Genèse 17. L'héritage d'Abraham, notre héritage.

    Genèse 17

    22.6.2008
    L'héritage d'Abraham, notre héritage.
    Gn 17 : 1-8    Rm 4 : 13-17a

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    J'ai choisi Abraham pour nous accompagner dans notre réflexion ce matin et parmi les épisodes de la vie d'Abraham que nous rapporte la Bible, ce rappel de l'alliance que Dieu conclut avec lui. Ce récit a plusieurs choses à nous dire aujourd'hui.
    D'abord, c'est Dieu qui interpelle Abraham. Dieu prend l'initiative de se faire connaître, de se révéler à Abraham. Dieu se rend disponible à nous, il nous appelle à lui répondre, à le suivre, à l'écouter. Et Dieu vient avec une offre, où Dieu ne vient pas d'abord demander, réclamer quelque chose de nous pour ensuite nous donner quelque chose, non, c'est le contraire : il donne d'abord et nous pouvons lui répondre ensuite.
    Dieu vient offrir à Abraham une alliance : "Je m'engage envers toi" dit Dieu à Abraham. A quoi Dieu s'engage-t-il ? A donner à Abraham un avenir ! A cet homme âgé, Dieu annonce un avenir, un futur, une descendance. Comme marque de cet avenir, Dieu change le nom d'Abraham : d'Abram (père très haut), il devient Abraham (père d'une multitude de peuples).
    Une alliance, le don d'un nouveau nom, dans notre terminologie chrétienne on parlerait d'un baptême : une promesse de vie donnée à une personne pour qu'elle marche sous le regard et sous la protection de Dieu.
    Cet avenir, pour Abraham, se décline de deux façons : il va devenir l'ancêtre d'une descendance nombreuse et le destinataire d'une terre, d'un pays. Ce destin, nous le voyons se dérouler dans l'histoire que la Bible nous raconte en suivant les personnages bibliques. Isaac, Jacob et Esaü, Joseph. Puis le peuple en Egypte libéré par Moïse et conduit dans le désert jusqu'au bord du Jourdain. Ensuite, Josué qui fait entrer le peuple hébreu dans le pays de Canaan, le pays de la promesse. Etablissement de la royauté avec Saül, David, Salomon et d'autres rois. Puis, histoire moins connue, les invasions, assyriennes qui prennent le royaume du Nord (Samarie) puis babyloniennes qui prennent le royaume de Juda.
    C'est l'Exil, la pays est perdu, l'élite, les prêtres, l'administration sont exilées à Babylone. Et c'est là, pendant cet exil, que sont reprises les traditions des patriarches, les récits, les annales royales pour tisser un récit qui rappelle au peuple juif ses racines et son histoire.
    Et notre texte — au sujet d'Abraham — est repris lui aussi dans ce contexte de l'Exil et de la perte du pays pour redonner espoir aux juifs de ce temps. Qu'en est-il — au bord des fleuves de Babylone (Ps 137:1) — de l'alliance et des promesses faites à Abraham ? Si le pays est perdu, que reste-t-il ?
    Le récit nous dit que l'alliance tient toujours, que Dieu est toujours présent auprès de son peuple. Il n'y a plus de Temple, mais il y a toujours la Torah, l'alliance, la loi qui permet d'être connecté à Dieu. Il n'y a plus de pays, mais il y a les enfants qui sont toujours porteurs de la promesse et de l'avenir.
    Les enfants sont un signe que l'alliance faite avec Abraham par Dieu est toujours valide. Les générations qui se succèdent sont le signe de la permanence de l'alliance de Dieu avec son peuple. La promesse persiste et persistera tant qu'on transmettra la Parole de Dieu de génération en génération.
    Nous sommes les descendants d'Abraham, nous sommes les récipiendaires de cette promesse et nous avons la responsabilité de la transmettre à notre tour. Si une génération s'arrête, tout s'arrête ! Nous avons une responsabilité : recevoir et transmettre le don que Dieu nous a fait, le transmettre à la génération suivante. Il n'y a plus de pays à transmettre, mais il y a un héritage bien plus important : la richesse d'une promesse d'avenir.
    La Bible, après Abraham, nous détaille cette richesse, ces valeurs qui se développent dans le don de la Loi qui rappelle l'exigence de respect et de justice dus à tous les êtres humains. Ensuite vient le don que Jésus fait de sa vie sur la croix, où il nous apprend la valeur du pardon, du don de soi et de l'amour suprême. Voilà notre héritage, celui que nous recevons d'Abraham, héritage bien plus précieux que n'importe quelle terre, n'importe quelle possession.
    Et puis j'aimerais faire un dernier lien avec notre texte, puis que ce dimanche et le dimanche des réfugiés. Ce récit rappelle qu'Abraham est étranger sur cette terre au moment où il reçoit cette alliance et cette promesse comme le peuple d'Israël qui relit ce récit alors qu'il est en exil à Babylone.
    Et pourtant, il nous est dit qu'Abraham est le père d'une multitude de peuples, autre façon de dire que — même en appartenant à des peuples différents — tous les êtres humains sont frères ou cousins aux yeux de Dieu. La provenance, l'origine géographique n'a pas d'importance aux yeux de Dieu. Il nous appelle à partager les valeurs que j'ai énumérées précédemment : le respect et la justice dus à tous les êtres humains, le pardon, le service et l'amour du prochain sans distinctions.
    Voilà nos valeurs, notre héritage, le fruit de l'alliance que Dieu conclut avec nous. Apprenons à partager ces fruits autour de nous.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Marc 10. Se mettre au service les uns des autres pour ajouter de la convivialité

    Marc 10

    15.6.2008
    Se mettre au service les uns des autres pour ajouter de la convivialité
    Marc 10 : 35-45
    Chers membres de l'Abbaye des Laboureurs, chères paroissiennes, chers paroissiens,
    J'aimerais tout de suite écarter un malentendu possible après le texte biblique que vous avez écouté. En relevant la parole de Jésus : "si l'un d'entre vous veut être important, il doit être votre serviteur et si l'un de vous veut être le premier, il doit être votre esclave" (Mc 10:26-27) je ne me prépare pas à tirer à boulets rouges contre votre compétition sportive, je ne me prépare pas à dénigrer la course aux lauriers des meilleurs tireurs de votre Abbaye.
    Non, j'aimerais plutôt attirer votre attention sur une autre facette de votre fête, c'est-à-dire sur le fait que si vous pouvez prendre part à cette fête, c'est qu'elle a été organisée, mise sur pied par votre Comité et par une foule de bénévoles. Votre Abbé-président, vos membres de Comité, avec d'autres, n'ont pas hésité à passer des heures au service de votre Honorable Confrérie pour préparer cette fête pour que vous puissiez la vivre et faire participer tout le village à ces festivités.
    Et certainement que ceux qui avaient les plus hautes fonctions ont passé le plus grand nombre d'heurs à travailler pour arriver à ce résultat. Ils se sont mis à votre service et pour cela nous pouvons tous leur en être reconnaissants.
    Au cœur des Sociétés locales, des paroisses et des Associations, il y a des hommes et des femmes qui se dévouent, qui se mettent au service les uns des autres pour ajouter de la convivialité dans une société civile où les relations deviennent de plus en plus tendues, où les rapports de forces l'emportent souvent sur l'harmonie et l'amitié.
    Ces hommes et ces femmes réalisent ainsi l'invitation du Christ de se mettre au service les uns des autres. J'en suis heureux, mais j'envisage cependant l'avenir avec une certaine crainte : aurons-nous encore — dans les prochaines années — des personnes de bonne volonté qui accepteront de se mettre au service les uns des autres ? Ne trouvez-vous pas que la société se durcit ? Ne constatez-vous pas un repli sur soi, ou un repli "dans son chez soi" ? N'est-il pas de plus en plus difficile de trouver des personnes d'accord de donner de leur temps pour une cause, pour une société, pour une paroisse ?
    Mais peut-on imaginer une société sans bénévolat ? Vous imaginez-vous devoir salarier votre Comité, payer chacun des services "au prix du marché" ? Quel serait l'esprit d'un Comité devenu "Entreprise à créer des Events" ?
    Lorsque Jésus propose d'inverser les valeurs en mettant le service envers les autres au-dessus du pouvoir, ce n'est pas pour embêter le peuple. C'est pour révéler, mettre au jour, une vérité fondamentale sur la vie humaine et le bonheur. C'est pour faire comprendre toutes les tensions qu'il y a dans nos aspirations toutes humaines et leurs réalisations.
    Nous aspirons tous au bonheur et nous nous faisons tous une idée du chemin pour parvenir à ce bonheur, à notre bonheur. Le chemin le plus court vers notre bonheur semble être de s'occuper de soi-même. « Je vais faire mon bonheur ! »
    Jésus nous invite à réaliser que notre bonheur ne peut s'obtenir en ligne droite, mais seulement par ricochet, en passant par le service des autres. John Fitzgerald Kennedy l'avait bien compris lorsqu'il a dit aux Américains : "Ne cherchez pas ce que l'Amérique peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour l'Amérique."
    Jésus propose un nouvel ordre des valeurs pour mieux retrouver la vraie valeur des choses. Le bonheur humain ne se trouve pas dans le pouvoir, l'importance ou la célébrité. Le bonheur humain se trouve dans l'action même, dépréoccupée du but, du résultat. Il n'y a pas de bonheur dans la quête individualiste, égoïste de la gloire.
    Le rédacteur du récit biblique nous fait d'ailleurs un clin d'œil lorsqu'il parle du désir de Jacques et de Jean d'être à droite et à gauche de Jésus dans sa gloire, puisque ce sont deux brigands en croix qui se trouveront à droite et à gauche de Jésus à Golgotha !
    La vraie valeur, le vrai bonheur se trouve dans la satisfaction qu'on peut trouver dans l'agir même, au moment d'agir, sans attendre d'autres récompenses. Pourquoi aller tirer, si tirer ne fait pas plaisir, une récompense n'ajoutera rien.
    Jésus fait le pari qu'il y a plus de plaisir à servir les autres qu'à être servi. "Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir" (Ac 20:35). Jésus en a fait sa façon d'être avec les autres, sa façon d'entrer en contact, de rencontrer chacun. Il a choisi de servir plutôt que d'être servi.
    En cela il devient pour nous un modèle. Non pas pour agir correctement et être bons, cela serait une autre manière d'essayer de gagner une récompense, d'être bien vu des autres ou de Dieu. Non, servir pour retirer la satisfaction de faire quelque chose de digne de notre existence humaine, faire quelque chose qui apporte de la lumière aux autres et par ricochet nous fasse du bien, rehausse notre estime de soi, renforce notre satisfaction intérieure, en d'autres mots nous rende heureux !
    Dans cette société que nous sentons se durcir, apprenons à regarder autour de nous tous ceux qui sont au service — à commencer par ceux et celles qui feront le service à table à midi — et regardons les différemment : ces personnes sont importantes !
    Regardons les personnes qui s'engagent dans les Sociétés locales, les paroisses, les Associations : elles sont importantes !
    Et puis finalement, n'avons-nous pas aussi envie de devenir importants, de chercher un peu de bonheur ? Alors mettons-nous au service les uns des autres.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Luc 4. Directives pour une Eglise dynamique

    Luc 4

    25.5.2008
    Une prédication de Martin Luther King
    Luc 4 : 16-21    Mt 11 : 28-30

    Directives pour une Eglise dynamique.
    Prédication prononcée par Martin Luther King en l'église baptise d'Ebenezer à Atlanta, le 5 juin 1966.

    J'aimerais ce matin vous soumettre l'hypothèse que nous, disciples de Jésus-Christ et responsables de la vie de son Eglise, avons aussi quelques directives de base à suivre. Quelque part, derrière le mince voile d'éternité, Dieu présente ses directives. Et à travers ses prophètes et plus encore par son fils Jésus-Christ, il déclare : « Il y a des choses que mon Eglise doit accomplir. Il y a des directives que mon Eglise doit suivre. » Et si nous, dans l'Eglise ne voulons pas que les crédits de grâces du trésor divin soient coupés, nous devons suivre ces directives. Elles nous sont clairement données dans les mots prononcés par notre Seigneur et Maître, un jour lors de sa venue au Temple, alors qu'il cite Esaïe : « L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il ma conféré l'onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres, il m'a envoyé guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté, proclamer une année d'accueil par le Seigneur. » (Lc 4:6-22) Ce sont les directives.

    L'Eglise, voyez-vous, n'est pas un club social (…). L'Eglise n'est pas un centre de divertissement (…)
    En dernière analyse, l'Eglise a un but. L'Eglise se bat avec ce qui compte le plus pour l'homme. Et par conséquent elle doit suivre certaines directives. (…)

    Commençons par réfléchir au fait que si l'Eglise veut suivre ces directives, elle doit guérir ceux qui ont le cœur brisé. Il n'y a probablement pas de situation plus tourmentée que d'avoir le cœur brisé. Voyez-vous le fait d'avoir le cœur brisé ne traduit pas une condition physique, mais une condition d'épuisement spirituel. Et qui d'entre vous n'a jamais éprouvé cela ? Je dirais même qu'une telle condition est le fruit de la désillusion. Et je ne crois pas que beaucoup de mes auditeurs ce matin n'aient jamais éprouvé cela.

    (…)MLK donne 3 exemples :  Un jeune qui ne peut faire les études qu'il espérait faire, un couple qui voit se briser le rêve de leur mariage et une famille qui lutte pour élever ses enfants mais les voit emprunter une mauvaise voie. Il reprend…

    Et c'est ainsi que grandit la tragédie ultime de la vie, ce quelque chose qui brise le cœur. Qui ce matin n'en a jamais fait l'expérience ? Lorsque le cercueil passe dans l'allée centrale. Cette expérience que l'on appelle la mort, l'irréductible dénominateur commun entre tous les hommes. Et personne ne peut perdre un bien-aimé, une mère, un père, une sœur, un frère, un enfant, sans en avoir le cœur brisé. Avoir le cœur brisé est une réalité de la vie.
    Et dimanche après dimanche, semaine après semaine, des gens se rendent à l'église de Dieu avec le cœur brisé. Ils ont besoin de paroles d'espérance. Et l'Eglise a une réponse — si elle n'en a pas, ce n'est pas une Eglise. L'Eglise doit dire en substance qu'avoir le cœur brisé est un fait de la vie. Qu'il ne s'agit pas de fuir lorsque vous en faites l'expérience. Ni de réprimer. Ni de traiter avec cynisme. Ne devenez pas méchants lorsque cela vous arrive. L'Eglise doit proclamer aux hommes et aux femmes que le vendredi saint est un fait de la vie, que l'échec fait partie de la vie. Certains ne dépendent que de leurs succès, que de ce qu'ils accomplissent. Aussi, lorsque surviennent les difficultés et les fardeaux de la vie, il ne peuvent les assumer.
    Mais l'Eglise doit dire à ces hommes que le vendredi saint fait autant partie de la vie que Pâques, l'échec autant que la réussite, la désillusion autant que l'accomplissement. Et l'Eglise doit dire aux gens de prendre en charge leur fardeau, leur peine, les inciter à y être attentifs, à ne pas les fuir. Dites-vous, c'est ma peine et je dois la porter. Examinez-la sérieusement et interrogez-vous : “Comment puis-je transformer ce handicap en avantage ?"
    C'est le pouvoir que Dieu vous donne. Il ne dit pas que vous n'aurez pas de tension, que nous n'éprouverez pas de désillusion, que vous échapperez aux ennuis et aux difficultés. Mais ce que dit la religion, c'est ceci : Si vous avez foi en Dieu, Dieu a le pouvoir de vous donner un équilibre intérieur au travers même de votre peine. Aussi ne laissez pas votre cœur se troubler. « Si vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi » (Jn 14:1) Une autre voix résonne : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés. » (Mt 11:28) Comme pour dire : Venez à moi, vous tous qui êtes écrasés. Venez à moi, vous tous qui êtes frustrés. Venez à moi, vous tous dont les esprits sont assombris par les nuages de l'anxiété. Venez à moi, vous qui n'en pouvez plus. Venez à moi, vous tous qui avez le cœur brisé. « Venez à moi, vous tous qui êtes chargés de lourds fardeaux, et je vous donnerai le repos. » (Mt 11:28) Et le repos que donne Dieu est un repos qui dépasse toute compréhension. Le monde ne comprend pas ce genre de repos, car c'est un repos qui vous rend capables de tenir au milieu de la tempête et de vous maintenir dans un calme intérieur. Si l'Eglise suit ses directives, elle guérit ceux qui ont le cœur brisé. 

    Deuxièmement, quand l'Eglise suit ses directives, elle proclame la libération des captifs. C'est le rôle de l'Eglise : libérer les gens. Cela signifie simplement libérer ceux qui sont esclaves. Cependant, notez-le, certaines Eglises ne lisent jamais cette partie. Certaines Eglises ne s'estiment pas concernées par la libération de quiconque. (…) Ensuite vous avez un autre groupe, assis, qui aimerait bien faire quelque chose à propos de l'injustice raciale, mais qui craint les représailles sociales, politiques ou économiques, d'où son silence. (…)
    L'Eglise est appelée à libérer ceux qui sont captifs, libérer ceux qui sont victimes de l'esclavage de la ségrégation et de la discrimination, ceux qui sont pris dans l'esclavage de la peur et du préjugé.

    Et l'Eglise [3e], si elle agit en conformité avec ses directives, doit prêcher l'année de la faveur du Seigneur. Vous savez, l'année de la faveur du Seigneur, c'est une année de faveur aux yeux de Dieu parce qu'elle remplit les exigences de son Royaume. Quelques-uns en lisant ce passage estiment qu'il évoque une période au-delà de l'histoire, mais je vous le dis ce matin, l'année de la faveur du Seigneur peut se réaliser cette année. Et l'Eglise doit le prêcher.
    L'année de la faveur du Seigneur, c'est n'importe quelle année où l'homme décide de bien agir.
    L'année de la faveur du Seigneur, c'est n'importe quelle année où l'homme cessera de lyncher et de tricher. (…)
    L'année de la faveur du Seigneur, c'est cette année où les hommes apprendront à vivre fraternellement ensemble.
    L'année de la faveur du Seigneur, c'est cette année où les hommes hisseront leur théologie à la hauteur de leur technologie. (…)
    L'année de la faveur du Seigneur, c'est cette année où les hommes hisseront leur moralité à la hauteur de leur mentalité.
    L'année de la faveur du Seigneur, c'est cette année où les dirigeant du monde s'assiéront à la table de négociation et comprendront que [comme le disait Kennedy] à moins que le genre humain ne mette un terme à la guerre, c'est la guerre qui mettra un terme au genre humain.
    L'année de la faveur du Seigneur, c'est cette année où les hommes martèleront leurs épées pour en faire des socs de charrue, et leurs lances des serpes.; où les nations ne se lèveront plus les unes contre les autres et n'apprendront plus à faire la guerre. (Es 2:4) (…)
    L'année de la faveur du Seigneur, c'est cette année où les hommes feront pour les autres ce qu'ils voudraient qu'ils leur fissent à eux-mêmes.
    L'année de la faveur du Seigneur, c'est cette année où les hommes aimeront leurs ennemis, béniront ceux qui les maudissent et prieront pour ceux qui les calomnient.
    L'année de la faveur du Seigneur, c'est cette année où les hommes découvriront que Dieu les a tous créés d'un seul sang pour peupler la surface de la terre (Ac 17:26).

    Ce sont les directives, et si seulement nous les suivons, nous serons prêts pour le Royaume de Dieu, accomplissant ce que l'Eglise de Dieu est appelée à faire. Nous ne serons pas un club social. Nous ne serons pas un petit centre de divertissement. Mais nous serons concernés par quelque chose de sérieux, apporter le Royaume de Dieu sur terre.
    Il me semble entendre le Dieu de l'univers s'adresser à l'Eglise en souriant : « Tu es une grande Eglise, car j'ai eu faim et tu m'as donné à manger. Tu es une grande Eglise, car j'étais nu et tu m'as vêtu. Tu es une grande Eglise, car j'étais malade et tu m'as visité. Tu es une grande Eglise, car j'étais en prison et tu m'as apporté consolation en venant à moi. » (Mt 25:35-36) Et c'est cette Eglise-là qui va sauver le monde.
    « L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a conféré l'onction pour guérir ceux qui ont le cœur brisé, pour proclamer aux captifs la libération et pour prêcher l'année de la faveur du Seigneur. » (Es 61:1-2)

    © Extraits tirés du livre : Martin Luther King, Minuit, quelqu'un frappe à la porte, Les grands sermons de Martin Luther King, Paris, Bayard, 2000, pp. 119-127 (traduction de l'américain par Serge Molla).

  • Ezéchiel 36. La Pentecôte, aboutissement et commencement.

    Ezéchiel 38

    11.5.2008
    La Pentecôte, aboutissement et commencement.
    Ez 36 : 24-28    Actes 2 : 1-13   

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous vivons le dimanche de Pentecôte, l'aboutissement, la dernière étape du calendrier de l'Eglise, dernière étape qui marque l'accomplissement de la mission de Jésus et de l'œuvre de Dieu.
    Le calendrier de l'Eglise chrétienne commence en décembre avec les dimanches de l'Avent et la fête de Noël. Il continue avec le temps de la Passion, marqué par la semaine sainte : jeudi la dernière Cène, vendredi la crucifixion et dimanche de Pâques, la résurrection. Ensuite se passe le temps de la présence du Christ ressuscité auprès de ses disciples — 40 jours jusqu'à l'Ascension. Puis, 10 jours après, vient la Pentecôte où l'Esprit saint est donné aux disciples pour qu'ils puissent remplir leur mission de témoignage et d'annonce de l'évangile. 
    A partir de Pentecôte commence le temps de l'Eglise, de l'annonce de l'évangile au monde entier. Ce calendrier de l'Eglise, nous le parcourons ainsi chaque année, pour nous souvenir de l'œuvre du Christ et nous mettre en marche pour en témoigner autour de nous.
    Pentecôte est encore l'aboutissement d'un projet plus grand. Le projet d'histoire du salut que Dieu a commencé dès la création du monde et dont toute la Bible témoigne. Il ne va pas de soi, ni que Dieu se révèle aux humains, ni surtout que les humains puissent recevoir cette révélation de Dieu. Aussi Dieu a-t-il procédé par étapes. Et la Bible nous décrit les étapes qui ont été reconnues.
    Le début de la Genèse nous montre la création et comment Dieu fait alliance avec l'humanité toute entière, à travers Adam et Eve, Caïn et Abel, Noé et sa famille. Dieu témoigne de sa bienveillance et de sa volonté en faveur de la vie humaine, sans attente de retour, de reconnaissance ou de foi. C'est un geste unilatéral de Dieu en faveur du monde.
    Ensuite, Dieu choisit de se faire connaître à un homme, Abraham, et à sa famille, sur plusieurs générations. De la famille on passe à une peuplade, les hébreux, à qui Dieu donne sa Loi à travers Moïse. La peuplade nomade devient un peuple avec des institutions, un roi, un temple, un pays.
    A travers l'Exil, ce peuple vivra en même temps une dispersion géographique et la découverte de son identité, toute entière reliée à Dieu au travers du livre qui recueille sa parole; c'est l'expansion du judaïsme. Dans l'Empire romain, le judaïsme est répandu et bien considéré, mais reste une religion "ethnique", liée à l'appartenance physique au peuple d'Israël. 
    Pour que le message de Dieu dépasse le peuple d'Israël et s'ouvre au monde entier, il faut encore une étape. Celle-ci se développe au travers de Jésus. Même si Jésus s'est adressé prioritairement aux juifs d'Israël, son message — d'un amour divin offert à tous, sans barrière, sans restriction, sans condition — est de portée universelle.
    Ainsi la Pentecôte est aussi l'aboutissement du projet de Dieu de se faire connaître au monde entier. Avec le don de l'Esprit saint — qui dans le récit de Luc permet aux disciples de parler toutes les langues du monde connu — Dieu se donne à tous, sans frontière. Le message de l'amour de Dieu est clairement ouvert au monde entier et va parcourir le monde, en commençant par le réseau existant de synagogues parsemées dans tout l'Empire romain.
    Pentecôte, aboutissement et bien sûr commencement. Pentecôte est pour chacun aussi accomplissement et commencement.
    La Pentecôte — à côté de son aspect universel — a aussi un côté personnel et intérieur. La révolution de la Pentecôte n'est pas seulement que la Parole est offerte au monde, c'est aussi que chaque personne reçoit en soi-même la présence même de Dieu.
    Comme l'exprimait déjà le prophète Ezéchiel sous forme de promesse :
    "Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J'enlèverai votre cœur de pierre et je le remplacerai par un cœur de chair." (Ez 36:26).
    Pentecôte, c'est la promesse d'un accomplissement spirituel : Dieu nous équipe directement. Il nous restaure, nous régénère, nous redonne la vie. Là où l'existence nous a blessée, a meurtri notre cœur, nous a poussé à nous blinder, à nous enfermer dans des carapaces, à nous pétrifier, Dieu agit.
    Il nous soigne, il nous remplace notre cœur insensible comme une pierre par un cœur sensible, un cœur à nouveau capable de ressentir, de se mettre en empathie, capable de compassion, d'affection, capable d'amour. Dieu nous transforme pour être à son image, c'est-à-dire capables d'amour, d'en ressentir et d'en donner. 
    Pentecôte, c'est un accomplissement qui nous permet des recommencements. C'est un accomplissement qui nous permet de vivre en accord avec Dieu et les uns avec les autres. C'est un accomplissement qui nous permet de témoigner des bienfaits de Dieu envers nous.
    Pentecôte, c'est un commencement, c'est un nouveau départ, c'est un renouvellement de nos forces, de nos capacités d'aimer.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Jean 6. Qu'est-ce qui nous comble ?

    Jean 6

    27.4.2008
    Qu'est-ce qui nous comble ?
    Jn 6 : 3-13    Jn 6 : 24-29

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Si vous suivez l'actualité depuis quelques mois, vous aurez remarqué l'apparition d'un nouveau mot, et son utilisation de plus en plus fréquente — dans les journaux, chez les politiciens et maintenant chez les économistes — il s'agit de l'adjectif "durable." On est passé des énergies renouvelables au développement durable et — depuis mercredi, à l'assemblée générale des actionnaires de l'UBS — au "profit durable" !
    Ce mot "durable" signifie deux choses différentes, mais liées. Cela signifie le ras-le-bol du jetable, de l'éphémère, de ce qui se détériore et qu'on ne peut pas réparer, du gadget aussitôt usé et abandonné ou duquel nous sommes tout de suite lassés. On veut des choses qui durent, qui ne nous lâchent pas, qui nous accompagnent fidèlement dans la durée.
    Et puis, c'est le souci de la survie de notre planète. Nous n'en avons qu'une et nous devons la sauvegarder, pour nous et nos enfants, la faire durer, donc être plus justes dans notre utilisation des ressources, des matières premières, de la nature. Nous sommes appelés à changer nos comportements pour faire durer notre planète et ne pas la perdre.
    Nous sommes en train de devoir changer notre mentalité pour passer de l'instantané à la recherche de la permanence, de l'éphémère à ce qui conserve sa valeur. Mais cela ne sera pas suffisant si nous ne faisons ce changement que dans le monde matériel. Ce serait certes un progrès si nous nous mettons tous à promouvoir le développement durable. Mais cela n'empêchera pas de rester dans la course où nous serons tous perdant, à la fin, puisque nous sortons tous nus et sans possessions à la fin de notre vie.
    La vie ne peut pas avoir de sens satisfaisant en restant dans la consommation ou l'accumulation de biens. Qu'est-ce qui nourrit véritablement notre existence ? Qu'est-ce qui nous satisfait, nous comble, au fond ? Qu'est-ce qui peut résister aux tempêtes de la vie, tenir bon, rester en permanence, durablement ?
    Comme la foule qui cherche Jésus parce qu'il leur a donné du pain, nous sommes affamés. Nous passons le plus clair de notre temps à travailler, à ramer pour gagner suffisamment pour payer notre consommation de biens, d'objets, de loisirs.
    Là au milieu, Jésus nous dit : "Ne travaillez pas pour la nourriture qui se gâte" — pour des biens de consommation qui s'usent et qui nous lassent — "mais travaillez pour une nourriture qui dure et qui est source de vie véritable" (Jn 6:27) — pour quelque chose qui nous comble vraiment et que rien ni personne ne peut nous ôter.
    Là où Jésus nous place, nous ne sommes pas dans l'usage "durable" de la planète, nous sommes questionnés sur notre vie intérieure. Qu'est-ce qui nous comble ?
    On nous a habitué à chercher à l'extérieur la satisfaction de nos besoins, d'abord par la nourriture puis par les objets, ou la lecture, ou la musique, ou la télé, toutes sortes de façons de remplir notre temps, en croyant remplir notre vie.
    Qu'est-ce qui nous comble ? C'est la question de la foule à Jésus : "que devons-nous faire pour travailler à être comblés ?" Et Jésus répond : "Votre travail, c'est de croire en celui que Dieu à envoyé" c'est-à-dire en Jésus lui-même. Croire en Jésus, avoir confiance en Jésus, dans sa façon de vivre avec Dieu, dans sa façon de nous présenter Dieu.
    La clé, pour combler sa vie, c'est la confiance. La foule suivait Jésus pour remplir son estomac. Jésus l'invite à remplir sa vie pour être comblée. Mais alors, comment remplir sa vie de quelque chose qui nous satisfasse, qui nous comble et qui ne puisse jamais disparaître ?
    Première étape, c'est de prendre acte du vide ! Prendre conscience d'un manque fondamental. Découvrir qu'il y a en nous un besoin, un manque, une quête. Que nous cherchons à combler. S'avouer à soi-même le malaise, le vide, le manque.
    Deuxième étape, réaliser que ce vide, ce manque nous fait peur et qu'en réaction nous cherchons à le fuir, à l'éviter, à nous en détourner (lui tourner le dos, c'est le sens du mot "se divertir"). La plupart de nos comportements cherchent à remplir le vide avec tout ce qui nous passe sous la main. Cela explique la boulimie, les achats compulsifs, la mode etc. auxquels nous cédons tous. Il ne s'agit pas de se blâmer pour cela. Juste de constater. Tant que nous ne voyons pas cela, nous ne pouvons pas en sortir.
    La troisième étape, c'est de faire la liste de nos aspirations profondes. De quoi avons-nous besoin, fondamentalement. Est-ce de sécurité, d'attachement, ou plutôt de liberté, d'amour, d'intimité. Il est plus facile de chercher et de trouver lorsqu'on sait ce qu'on cherche !
    La quatrième étape c'est se mettre en marche dans cette quête. Pour cela nous avons besoin d'appui, d'aide. Nous avons d'un côté besoin d'un appui intérieur, d'une certitude : que nous sommes soutenus dans notre démarche. C'est là que la confiance en Dieu intervient. Acceptons que Dieu nous accompagne sur ce chemin de quête, faisons confiance qu'il nous accepte tels que nous sommes et nous entoure de son amour pour nous soutenir dans notre démarche. Cet amour est notre nourriture sur ce chemin et le but de notre voyage.
    Et puis nous aurons aussi besoin d'aide et de compagnonnage "extérieur", de personnes de confiance avec  qui cheminer et expérimenter. Nous ne voyons pas forcément combien nous avançons et il est précieux d'avoir des personnes qui puissent nous le dire et nous encourager, ou nous aider et nous soutenir dans les moments de découragement.
    Aidés par la prière et la louange, nous pouvons avancer et progresser dans la confiance de la découverte de l'amour infini de Dieu pour nous.
    Cet amour est fidèle (un ancien mot pour dire "durable"), il est solide, il est source qui vivifie et nourrit. Seul cet amour peut nous combler.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Jean 21. Reconnaître la présence de Jésus, de l'intérieur.

    Jean 21

    19.4.1998
    Reconnaître la présence de Jésus, de l'intérieur.
    Ezéchiel 36:24-28    Jean 21:1-14    1 Pierre 3:18-22


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous vivons, dans le calendrier de l'Eglise : le temps pascal, qui va de Pâques à Pentecôte. C'est le temps entre la résurrection et l'ascension, un temps où Jésus est apparu à ses disciples. C'est le temps de la présence du ressuscité parmi les hommes.
    On pourrait s'attendre à des récits merveilleux, des retrouvailles fêtées, des discussions interminables sur les événements de Pâques. On pourrait s'attendre à ce que les disciples manifestent ces retrouvailles par de la vénération, par l'adoration, en se prosternant devant Jésus, etc.
    Les évangiles ne nous racontent rien de ce type. Jésus apparaît et c'est à peine si ses disciples finissent par le reconnaître ! Jésus apparaît comme s'il était transparent, quasi invisible. Dans ses apparitions, Jésus est comme incognito. On ne le reconnaît pas par les sens, la vue ou l'ouïe, on ne le reconnaît que par la foi, dans des événement quasi périphériques, par ce qui se produit dans la vie des disciples.
    Pas de discours, pas de nouvel enseignement de Jésus, seulement une présence discrète, par des paroles qui pourraient être dites par n'importe qui !
    — N'avez-vous rien pris cette nuit ?
    — Allez-y, recommencer, ça peut mordre.
    — Venez, partageons notre repas... etc.
    Dans ce récit de pêche, suivi d'un repas, l'évangéliste veut faire passer deux messages difficiles à tenir ensemble :
    1) la présence de Jésus apporte une dimension inouïe, extraordinaire à la vie quotidienne
    2) la présence de Jésus entre Pâques et l'ascension est vraiment très semblable à sa présence dans l'Eglise des années après l'ascension.
    Les récits d'apparition sont des récits sur la présence de Jésus auprès des disciples de tous les temps. Ils ne sont pas propre au temps de Jésus. Ils sont contemporains de tous les chrétiens. Finalement, ce que les disciples contemporains de Jésus ont vécu, nous pouvons le vivre aussi. Il n'y a pas eu un âge d'or d'abord, puis un âge, disons de plomb, maintenant. Non ! La présence de Jésus au bord du lac de Tibériade et sa présence aujourd'hui sont de la même qualité : l'extraordinaire dans le quotidien.
    Comme les disciples au bord du lac de Tibériade, nous avons à ouvrir les yeux et reconnaître la présence de Jésus dans notre univers quotidien.
    Un inconnu marche sur le rivage de notre vie, il nous demande :
    — alors, ça n'est pas bien allé ces derniers jours ? Que se passe-t-il ? Voulez-vous en parler ?
    — Allez, jetez le filet dans l'eau de votre vie et voyons ce qu'on va en retirer cette fois-ci !
    Il y a dans nos vies des moments de rencontre où l'on peut voir Jésus dans son interlocuteur.
    Cela m'est arrivé, mais je suis aussi embarrassé que l'évangéliste pour dire en même temps :
    1) l'extraordinaire que cela a apporté dans ma vie, d'être écouté et aimé de cette façon. Cela a valut plus que 153 poissons.
    2) dire aussi que tout cela a passé par des mots et des gestes qui restent complètement banals.
    Le surgissement de l'extraordinaire, c'est de voir tout à coup, avec les disciples, que ce Jésus est toujours présent et se manifeste à nous, de manière mystérieuse, mais réelle, sensible. Tout é coup, face à l'abondance de la pêche, face aux gestes du partage du pain, on peut se dire "Il est là, c'est le Seigneur !". La reconnaissance de la présence de Jésus ne provient pas d'un trait particulier de son visage ou de son corps — pas même ses mains ou ses pieds — la reconnaissance ne vient pas de la vue, de l'extérieur, la reconnaissance vient de l'intérieur, d'un sentiment, d'un ressenti particulier, lié à la qualité de la relation, lié à une impression de surabondance.
    Tout à coup, on sent cette présence par la transformation intérieure qui s'est faite en nous. "Aucun disciple n'osait lui demander "Qui es-tu?" car ils savaient qui il était" (Jn 21:12).
    "Ils savaient qui il était". La présence de Jésus incognito éveille quelque chose dans la vie intérieure du disciple, en nous. Cette présence rencontre un écho, touche un point sensible, ouvre en nous un espace nouveau.
    C'est probablement ce qu'exprime le prophète Ezéchiel lorsqu'il parle de la promesse de Dieu de rassembler son peuple et de lui donner un coeur nouveau, un coeur réceptif.
    Ce Jésus qui a vécu parmi nous, qui a souffert, qui est mort et ressuscité, ce Jésus est là encore aujourd'hui auprès de nous pour toucher et transformer nos vies et nos coeurs.
    Proche de nous dans nos nuits, il nous invite à jeter le filet dans la mer de nos vies, pour en sortir l'abondance qui s'y trouve et la partager les uns avec les autres, comme le poisson et le pain rompu et partagé sur la plage avec Jésus.
    Amen.
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Luc 24. Nous avons plus de chance, nous aujourd'hui, que les disciples au matin de Pâques.

    Luc 24

    23.3.2008
    Nous avons plus de chance, nous aujourd'hui, que les disciples au matin de Pâques.
    Luc 18 : 31-34    Luc 24 : 1-12


    Chers amis,
    Ce matin, nous fêtons la résurrection du Christ ! Ce matin, nous nous rappelons le premier dimanche de Pâques, la première aube pascale où les femmes ont découvert le tombeau vide et ont été porter la nouvelle de la résurrection aux autres disciples !
    Nous avons raison de nous réjouir, nous avons raison de laisser éclater notre joie et notre foi en la résurrection, car nous pouvons le faire, aujourd'hui, bien mieux que les disciples au premier matin de Pâques. Oui, je crois que nous avons plus de chance, nous aujourd'hui, que les disciples au matin de Pâques. Il nous est plus facile de croire au Christ ressuscité aujourd'hui, au XXIe siècle, que le surlendemain de la mort de Jésus.
    Je sais que la plupart des gens regrettent le passé et qu'ils pensent qu'il aurait été plus facile d'être croyant, de croire à la résurrection en assistant aux apparitions de Jésus avec ses disciples. Et bien, je crois que c'est une erreur.
    D'abord, lisons les textes, tels qu'ils sont écrits, et non pas tels que nous les imaginons. Les femmes arrivent au tombeau pour embaumer un corps qu'elles ne trouvent pas. Leur réaction ? "Elles ne savent que penser"(v.4). Perplexité. Ensuite "elles sont saisies de frayeur" (v.5) lorsque deux messagers leur apparaissent. Ces femmes vont raconter aux autres disciples ce qu'elles ont vu et entendu et les disciples trouvent leurs propos "absurdes" (v.11). Les disciples ne croient pas les femmes. Pierre part vérifier ce que disent les femmes. Il voit les bandes de lin dans le tombeau et retourne "très étonné" (v.12) chez lui.
    Où est la foi ? Perplexité, peur, incrédulité, étonnement. Voilà les divers états d'esprit des proches de Jésus le jour de Pâques ! De foi ? Aucune ! Les disciples sont déstabilisés, pleins de questions. Que se passe-t-il ? Que s'est-il passé ?
    Une piste leur a été donnée : "Rappelez-vous ce qu'il vous a dit en Galilée." (v.6) La foi va naître de la mémoire, du rappel des paroles et des gestes de Jésus. Ce que Jésus a fait et dit se réalise ! Ce que Jésus a annoncé à propos de Dieu et de lui-même arrive, se passe. Une transformation s'effectue, une lumière s'allume qui donne sens à ce qui a été vécu avec Jésus, à ce qu'il a dit, à ce qu'il a fait.
    Jésus n'apparaît même pas dans le récit du tombeau vide raconté par Luc ! Ce n'est qu'après un travail de mémoire et les gestes du partage du pain que les disciples d'Emmaüs reconnaissent que Jésus a fait chemin avec eux auparavant.
    La foi ne naît pas de la vision de la résurrection (elle ne nous est jamais montrée ou décrite), la foi naît de la vision des effets de la résurrection dans la vie de tous les jours.
    C'est là notre grand avantage par rapport aux disciples. Les disciples n'ont que quelques heures, quelques jours derrière eux, pour voir les effets de la résurrection autour d'eux. Nous avons vingt siècles d'histoire du monde.
    La résurrection elle-même reste un mystère indéchiffrable, mais ses traces dans notre histoire sont lisibles. Elle laisse une trace chaque fois que ce qui devait être une fin, un terminus, ouvre à un nouveau début; chaque fois que ce qui devait être un anéantissement ouvre à un réveil, à un surgissement, à une renaissance. Chacun en a des exemples dans sa propre vie.
    La résurrection du Christ est la façon qu'a eue Dieu de mettre son sceau, sa signature sur les paroles et les gestes de Jésus. Et notre monde — malgré toute l'obscurité qu'il comporte encore — porte les marques nombreuses de la dynamique de vie des paroles et des gestes de Jésus. C'est la puissance de la résurrection dans notre monde !
    Sans la résurrection,  le message de Jésus serait tombé dans l'oubli.
    Sans la résurrection, nous ne vivrions pas sous le signe de l'égale valeur de tous les êtres humains, comme enfants d'un même Père, nous serions une société de castes avec ses hommes libres et ses esclaves ou ses parias.
    Sans la résurrection, nous ne vivrions pas la liberté individuelle, y compris celle de quitter le Père comme le fils prodigue.
    Sans la résurrection, nous n'aurions pas d'émancipation des femmes ou de protection des enfants.
    Sans la résurrection, nous n'aurions pas de combat pour la justice sociale et d'attention aux plus pauvres, aux plus démunis ou aux opprimés.
    Sans la résurrection, nous n'aurions pas de séparation entre le pouvoir religieux et le pouvoir politique, amalgame qui a conduit Jésus sur la croix.
    Sans la résurrection, nous n'aurions pas cette attention constante au prochain qui a fait naître les hôpitaux, la Croix-Rouge et les organisations humanitaires.
    Nous ne savons toujours pas comment Jésus est ressuscité, nous ne savons pas l'expliquer et le décrire, mais nous pouvons lire dans le monde les signes, les effets, les conséquences de la résurrection.  C'est pourquoi je pense que nous avons plus de chance que les disciples au matin de Pâques. Joyeuses Pâques à tous !
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Matthieu 22. "Aime et fais ce que tu veux !"

    Matthieu 22

    9.3.2008
    "Aime et fais ce que tu veux !"
    Ga 5 : 13-15    Mt 22 : 35-40

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers catéchumènes,
    Vous avez entendu tout à l'heure les réflexions des catéchumènes sur la question de la violence, des règles, du respect des autres. On sent qu'ils ont un sens très correct d'où est le bien, où est le mal, un sens de la justice et de l'injustice. En même temps, il reste des zones floues — pour nous adultes aussi d'ailleurs.
    Un exemple : on n'aime pas la délation et on dit à nos enfants : "Ce n'est pas bien de rapporter !" Mais en même temps, on leur demande de venir nous avertir si quelque chose ne va pas, tourne mal. Où est la frontière entre "avertir en cas de danger" et "rapporter une mauvaise action" ?
    On a besoin d'un mode d'emploi de la vie, des situations concrètes. Voilà plusieurs modes d'emploi : celui d'un appareil de photo, celui d'un lecteur DVD, celui d'une photocopieuse, celui d'un programme informatique. Et voici [montrer la Bible] le mode d'emploi de la vie.
    Il est épais, mais pas tellement, si on le compare aux autres. Surtout que chacun ne concerne qu'un seul objet à la fois, alors que la Bible concerne vos 70 ou 100 années de vie !
    Comme dans tout livre-mode d'emploi, il y a des pages-résumé : le décalogue, le Sermon sur la Montagne (Mt 5—7) et le Sommaire de la Loi énoncé par Jésus :
    "Tu dois aimer le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ton intelligence. C'est là le commandement le plus grand et le plus important. Et voici le second commandement, qui est une importance semblable : Tu dois aimer ton prochain comme toi-même."
    Les Evangiles et toute la Bible ne sont que des illustrations pratiques de ces deux commandements.
    Les catéchumènes trouvaient qu'il y avait trop de règles. C'est vrai, seul un avocat qui en fait son métier peut connaître toutes les lois, et encore. Les maîtres de la Loi du temps de Jésus comptaient 613 commandements. 248 commandements positifs (qui obligent à faire quelque chose) et 365 commandements négatifs (qui interdisent).
    Face à ce méli-mélo, Jésus est venu dire : il y a deux commandements : Aime Dieu et Aime ton prochain et ces deux commandements sont semblables. On fait la même chose en aimant Dieu et en aimant les autres. Un pasteur de la fin de l'empire romain (saint Augustin) disait : "Aime et fais ce que tu veux !" En choisissant l'amour comme raison d'agir, on se construit une personnalité juste.
    Il y a en nous une bagarre intérieure, des tensions, des envies contradictoires. Nous savons généralement où est le bien, mais nous sommes attirés par "le côté obscure de la force." Nous connaissons la vérité, mais nous sommes tentés de mentir. Nous voyons la souffrance des autres, mais nous sommes tentés par notre propre intérêt.
    Qu'allons-nous choisir ? Voici une histoire :

    « Un vieil indien parle de la vie à un enfant : "Une guerre se déroule en nous, deux loups se battent dans nos pensées. Le loup de la colère, de la jalousie, de la tristesse, du regret, de l'envie, de l'arrogance, de la culpabilité, de l'amertume, du sentiment d'infériorité, du mensonge, de la prétention, de l'ego.
    Le loup de la joie, de la paix, de l'amour, de l'espérance, de la sérénité, de la simplicité, de la gentillesse, de la bienveillance, de la sympathie, de la générosité, de la vérité, de la compassion, de la foi."
    L'enfant réfléchit un moment et demande : "Lequel gagnera ?"
    Le vieil homme répond : "Celui que tu auras nourri." »*
    Chacun de nos choix nourrit un des deux loups, une des deux parties de nous-mêmes ! Qui voulons-nous devenir ?
    Nous ne sommes pas seuls avec le mode d'emploi de la vie qu'est la Bible. C'est une des particularité du christianisme : nous ne sommes pas guidés par un livre, mais par une personne. Le but de la vie n'est pas d'obéir à une loi — même la loi de Dieu. Le but de la vie, c'est d'être en relation et de vivre heureux dans ces relations.
    Jésus n'a jamais dit : "Suivez la Loi." Jésus nous interpelle en nous disant : "Suis-moi !" Jésus est venu accomplir et remplacer la Loi. Nous n'avons plus à obéir à 613 commandements, mais à aimer une personne — Jésus — et à s'inspirer de ce qu'il a fait pour vivre avec les autres.
    La Bible est un mode d'emploi de la vie, parce qu'elle nous raconte comment Jésus a vécu et comment d'autres hommes et d'autres femmes ont vécu en suivant Jésus.
    Chacun de nous peut découvrir et mieux connaître Jésus pour voir comment il a vécu et comment il a aimé. Ainsi nous apprendrons à aimer à notre tour pour vivre heureux.
    Amen

    * Antoine Nouïs, Les cahiers du Caté, tome 3, Ed. Olivétan, Lyon, 2004, p. 61
    © Jean-Marie Thévou, 2008

  • Ps 137. Comment continuer à louer Dieu dans la détresse ?

    Ps 137

    24.2.2008
    Comment continuer à louer Dieu dans la détresse ?
    2 Rois 25 : 8-12     Ps 137 : 1-9    Mt 26 : 36-46


    "Assis au bord des fleuves à Babylone, nous pleurions en évoquant Sion." Ps 137:1
    Ce Ps 137 mélancolique a inspiré les musiciens. Dans la lignée réformée, le compositeur Wolfgang Dachstein, en 1525 — donc tout au début de la réforme —  a écrit la musique de ce cantique (que nous chanterons tout à l'heure) et dont nous entendrons une variation écrite par J.S. Bach après la prédication.
    [jouer le thème] [http://www.hymnary.org/hymn/CCEH/803]
    Plus récemment, Boney M. chantait "By the rivers of Babylon" [jouer la mélodie] [http://www.youtube.com/watch?v=Nm1g8FFRArc]
    Ce Psaume est très particulier parmi les 150 psaumes de la Bible, parce qu'il est le seul psaume qui peut être daté et relié à un événement précis de l'histoire d'Israël. Il fait directement référence à l'Exil d'Israël à Babylone entre 587 et 538 av. J.-C.
    Jérusalem a été détruite comme nous le raconte la fin du livre des Rois et l'élite du peuple a été déportée à Babylone. Et là, ce psaume est comme une fenêtre ouverte sur l'histoire de cet exil, comme une signature biographique du groupe des chantres de Jérusalem à l'intérieur du psautier.
    L'Exil a été un bouleversement complet pour le peuple d'Israël, ses dirigeants et tout le personnel du Temple. C'est la fin de la royauté, c'est la fin du Temple, c'est la fin de l'unité ou de la résidence dans le pays, la terre promise, donc la fin d'une identité. Le peuple d'Israël aurait pu être rayé, non seulement des cartes de géographie, mais de l'Histoire ! Et pourtant, cet Exil a probablement été l'événement qui a fait naître le judaïsme et la Bible tels que nous les connaissons.
    Pour ne pas perdre son identité, son Dieu, son histoire, le groupe des déportés a rassemblé ses traditions, son histoire, sa liturgie dans un ensemble qui est devenu la Torah, puis notre Bible.
    Dans ce Ps 137, nous avons la trace — par ceux qui ont collecté et édité les Psaumes — d'une part de leur état d'esprit "sur les rives des fleuves de Babylone" et d'autre part de leur serment de ne jamais oublier Jérusalem, leurs traditions, leurs chants.
    Historiquement, l'évocation de ce souvenir est important, il ressemble aux signatures des tailleurs de pierre sur les blocs des cathédrales, on touche ici un signe des bâtisseurs de la Bible, le monument qui fonde notre foi.
    Spirituellement, ce Ps 137 est aussi important, parce qu'il pose la question cruciale :
    "Comment pourrions-nous chanter un cantique du Seigneur sur une terre étrangère ?" (Ps 137:4)
    Comment continuer à louer Dieu, à lui rendre un culte dans la détresse, dans le deuil, dans le malheur ? Quelle attitude, quelle foi conserver en Dieu lorsque nous sommes plongés dans le malheur ? C'est par là que ce Ps se rattache au temps de la Passion et qu'on peut le mettre en parallèle avec la nuit que Jésus passe à Gethsémané.
    Décorticons un peut les étapes du Ps :
    Il y a d'abord la situation qui provoque la tristesse.
    •    Puis le comportement inadéquat des autres "Comment osent-ils nous demander de chanter ?".
    •    Puis la question fondamentale : peut-on encore chanter ? L'interrogation profonde : est-il encore possible d'être heureux avec ce qui nous arrive… et tous les pourquoi qui accompagnent le malheur.
    •    Puis le serment de garder la mémoire du passé, garder la mémoire des temps heureux. C'est une manière de ne pas se laisser happer tout entier dans le noir du moment présent : oui, il y a eu des temps heureux, ce n'est pas toute la vie qui est malheureuse, mais le temps présent. Cela ouvre à la possibilité d'un retour des temps heureux, même si non ne voit pas encore comment.
    •    Enfin, cette fin du Ps qui nous laisse mal à l'aide avec ces appels à la revanche, à la vengeance, à la destruction totale et brutale de ses persécuteurs.
    Résumons : tristesse, inadéquation de l'entourage, interrogations, ancrage dans le souvenir, révolte et colère.
    Il est intéressant de voir à quel point on retrouve ces éléments dans le récit de Gethsémané :
    •    la tristesse et l'angoisse de Jésus
    •    l'inadéquation des disciples qui n'arrivent pas à rester réveillés
    •    l'interrogation "n'est-il pas possible d'éloigner cette coupe ?"
    •    l'ancrage en Dieu : c'est à lui que Jésus s'adresse dans la confiance de ce qui a été construit auparavant dans leur relation.
    •    la révolte et la colère contre la faiblesse humaine. Cette colère n'est cependant pas orientée dans le sens de la vengeance, mais canalisée comme la détermination d'assumer son arrestation et son destin.
    Qu'est-ce que cela nous dit sur notre rapport à Dieu lorsque nous traversons le malheur ? D'abord qu'il y a une acceptation de nos sentiments humains : tristesse, interrogations, révolte et colère, même le désir de vengeance. Nous pouvons exprimer tout cela et Dieu est assez fort pour l'entendre et le recevoir.
    Plus encore : Jésus est passé par là, il nous comprend. Tristesse, interrogations, imprécations, révolte ou même l'impossibilité de prier ne sont pas des manques de foi. Ce sont des passages, des étapes, comme l'Exil pour le peuple d'Israël, comme le sommeil des disciples, qui peuvent déboucher sur quelque chose de tout différent. C'est comme la lente germination du blé sous le gel de l'hiver.
    Mais ensuite, pour ne pas être emporté par la tempête, ne pas être submergé par la douleur, les idées noires, il est nécessaire d'avoir un ancrage.
    Les chantres, au bord des fleuves de Babylone avaient leurs souvenirs de Jérusalem, Jésus avait son ancrage dans sa relation à son Père. Il est important pour nous de trouver notre ancrage personnel — et si possible avant la tempête, avant le malheur. 
    Qu'est-ce qui compte vraiment pour nous ? Qu'est-ce que nous avons vécu de bon, de beau, d'essentiel que rien ni personne ne peut nous enlever ? Chacun possède en lui une ressource qui peut devenir son ancrage personnel pour surmonter les difficultés, les malheurs.
    A chacun d'identifier ce moment, cet événement, à chacun de lui attacher quelques mots ou images claires pour pouvoir l'évoquer, l'invoquer chaque fois qu'une situation difficile, douloureuse se présente. Avec cet ancrage, chacun peut recevoir la détermination d'affronter et d'assumer son destin.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Marc 9. Jésus lève le voile sur son identité pour affermir ses disciples

    Marc 9

    22.3.1998
    Jésus lève le voile sur son identité pour affermir ses disciples
    Ex 24:12-18    2 Pierre 1:15-19    Marc 9:1-9

    Qui est Jésus ? Qui est-il vraiment ?
    Qui peut répondre à cette question par une explication qui se tienne, par une définition? Jésus ne se laisse cerner par les mots d'aucune langue. Le définir, ce serait l'enfermer dans un espace fini, donc le défigurer. Les premiers témoins, les disciples, les évangélistes ont été confronté à des difficultés pour dire qui était Jésus. Il s'est avéré plus juste de raconter que de définir.
    Voici pourquoi nous sommes en face du récit de la transfiguration. C'est un récit pour nous aider à cerner qui est Jésus ! Evidemment, ce récit tire ses références, ses clés, d'une culture différente de la nôtre. Il va donc falloir décrypter le texte pour nous approcher de la personne de Jésus. Le récit de la transfiguration est devenu difficile à comprendre. Il fait allusion à des épisodes de l'Ancien Testament, de l'Exode, de la rencontre de Moïse avec Dieu (Ex 24). Rappelons quelques éléments :
    •    Moïse monte sur la montagne du Sinaï, emmenant avec lui un compagnon, Josué.
    •    La nuée recouvre la montagne pour signaler et masquer la présence de Dieu.
    •    Dieu parle à Moïse pour lui communiquer la loi.
    •    Lorsque Moïse redescend de la montagne, son visage resplendit ("Moïse redescendit du mont Sinaï, en tenant les deux tablettes de pierre qui constituaient le document de l'alliance; il ignorait que la peau de son visage brillait à cause de son entretien avec Dieu. Quand Aaron et les Israélites virent l'éclat de son visage, ils eurent peur de s'approcher de lui." Ex 34:29-30).
    •    Aaron, comme les disciples, sont effrayés.
    Jésus est donc présenté comme un nouveau Moïse, le dépositaire de la loi, de la volonté de Dieu. Mais le récit va plus loin encore. Jésus est plus que Moïse. On ne doit pas le confondre avec lui, c'est pourquoi Jésus est montré en dialogue avec Moïse. De même, il est plus qu'Elie, le Messie annoncé par l'Ecriture (Malachie 3:22-24).
    Jésus dépasse les grands prophètes d'Israël, Jésus dépasse la loi et les prophètes, Dieu lui-même en rend témoignage en parlant depuis le ciel : "Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le !"
    Jésus est plus que Moïse, plus qu'Elie, il est le Fils de Dieu.
    Vous aurez remarqué que la phrase qui vient du ciel est la même que celle entendue lors du baptême de Jésus... enfin, presque la même. Remarquez la différence :
    Lors du baptême, la voix dit : "Tu es mon fils bien-aimé..."
    Lors de la transfiguration, la voix dit : "Celui-ci est mon fils bien-aimé...".
    Lors de son baptême, Jésus a reçu une parole pour lui-même, pour l'affermir lui (cf. prédication du 8.3.98). Lors de la transfiguration, la voix s'adresse aux disciples, pour les affermir eux. Au moment de la transfiguration, les disciples viennent d'être éprouvés. Ils ont passé par des hauts et des bas, ils ont subi des douches écossaises.
    Imaginez plutôt ! Nous sommes à la moitié de l'Evangile de Marc, les disciples accompagnent Jésus, ils le voient prêcher et accomplir des miracles. Tout se passe merveilleusement. Ces derniers jours, ils ont vécu la multiplication des pains puis la guérison d'un aveugle à Bethsaïda, puis Jésus les a interrogé sur ce que pensent de lui les gens ? "Qui dit-on que je suis ?". Et ensuite "et vous, qui dites-vous que je suis?" et Pierre a répondu avec enthousiasme qu'il était le Messie.

    Mais voilà, Jésus prend un air sombre, et leur explique de l'avenir ne sera pas comme ils se l'imaginent, "il faut que le fils de l'Homme souffre..." (Marc 8:31) Jésus leur parle pour la première fois de sa passion. Pierre ne peut accepter cela. C'est la douche froide. Pierre se fait traiter de Satan.
    L'identité de Jésus est mystérieuse et complexe, elle allie l'eau et le feu. Il est Messie souffrant et Messie glorieux. Il faut entendre ensemble l'annonce de la souffrance et la voix de la transfiguration. Les deux vont de pairs, comme la croix et la résurrection.
    Il faut tenir ensemble — pour comprendre Jésus — la souffrance et la gloire de Dieu, dans la même personne. Celui qui va souffrir et mourir sur la croix, c'est bien lui le bien-aimé de Dieu.
    "Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le!"
    Le crucifié et le transfiguré sont une seule et même personne.
    Cette parole, cet événement n'a pas été compris sur le moment. Mais il est une pierre posé comme fondation pour plus tard. La transfiguration est une anticipation, un préfiguration pour tenir plus tard. C'est un soutien pour la foi, un soutien pour notre foi, au milieu des coups durs et des turbulences de l'existence.
    Jésus, le crucifié, est le transfiguré. Nos vies, atteintes par la douleur et la souffrance, sont transfigurées par la présence de ce Jésus, souffrant et glorieux.

    Amen.
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Luc 13. Jésus fait de l'attention au prochain la vraie façon de consacrer le temps qui est réservé à Dieu.

    Luc 13

    27.1.2008
    Jésus fait de l'attention au prochain la vraie façon de consacrer le temps qui est réservé à Dieu.
    Exode 20 : 1-11        Luc 13 : 10-17

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Jésus n'a pas craint de choquer ! Jésus n'a pas craint de diviser !
    L'Evangéliste Luc nous rapporte quatre guérisons réalisées par Jésus le jour du sabbat dans des synagogues. Cela nous montre d'une part que Jésus avait l'habitude de se rendre de synagogue en synagogue pour dispenser son enseignement, et d'autre part qu'il était attentif aux situations qui se présentaient à lui.
    Jésus ne cherchait pas la polémique ou l'affrontement pour faire passer ses idées, mais il ne renonçait pas à intervenir en fonction des réactions de son entourage. C'est là qu'on voit la totale liberté que vivait Jésus : liberté d'intervenir chaque fois que le besoin se fait sentir, liberté d'intervenir quelles que soient les réactions ou les conséquences qui peuvent survenir.
    Jésus ne se laisse dicter sa conduite par personne, il ne vise que la transmission de l'amour que Dieu a pour tous les êtres humains. C'est avec cette ouverture aux autres et avec cette liberté que Jésus se retrouve dans une synagogue, un jour de sabbat, face à une femme handicapée depuis 18 ans.
    Le sabbat — jour chômé, jour de repos et de culte — est l'objet du 4e commandement du Décalogue :
    "N'oublie jamais de me consacrer le jour du sabbat. Tu as six jours pour travailler et faire tout ton ouvrage. Le septième jour, c'est le sabbat qui m'est réservé, à moi, le Seigneur ton Dieu; tu ne feras aucun travail ce jour-là, ni toi, ni tes enfants, ni tes serviteurs ou servantes, ni ton bétail, ni l'étranger qui réside chez toi. Car en six jours j'ai créé le ciel, la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, puis je me suis reposé le septième jour. C'est pourquoi moi, le Seigneur, j'ai béni le jour du sabbat et je veux qu'il me soit consacré." (Ex 20:8-11).
    Comment honorer ce commandement, comment y obéir ? La question se posait au temps de Jésus, comme elle se pose encore aujourd'hui pour nos dimanches. Mais restons au temps de Jésus. Le commandement est très affirmatif, mais pas très descriptif. Il faut consacrer, réserver ce jour-là. N'y faire aucun travail, même ne faire faire aucun travail par ses serviteurs et ses servantes, pas même par ses animaux domestiques ! Mais qu'est-ce qui relève du travail ?
    Il y a toute une jurisprudence, une casuistique qui tente de définir ce qui est du travail et ce qui n'en est pas. Jésus semble connaître cette casuistique puisqu'il reproche à ses auditeurs — qui le blâment pour cette guérison — de mener leurs bêtes à l'abreuvoir pendant le jour du sabbat. Laisser une bête assoiffée parce que c'est le jour consacré à Dieu devait être considéré comme inhumain. Et c'est justement là-dessus que Jésus va baser son argumentation pour redéfinir la volonté de Dieu contenue dans ce 4e commandement.
    Remarquez que la discussion vient après la guérison. Le récit raconte d'abord la guérison par Jésus, et il le fait d'une façon qui renvoie à Dieu et au Dieu créateur : Jésus, voyant la femme, prononce une parole affirmative : "Tu es délivrée de ta maladie." (Lc13:12). C'est la parole du Dieu créateur ou recréateur. Une parole forte et efficace, qui rappelle Genèse 1. Ensuite vient le geste, la réalisation de la guérison et la louange de la femme guérie. Jésus se pose donc en maître de la vie, ensuite, il va expliquer et enseigner pour que son geste puisse être compris et interprété correctement, c'est-à-dire comme une nouvelle façon de comprendre la Loi, la volonté de Dieu.
    Le chef de la synagogue est indigné par le geste de Jésus parce que pour lui c'est une transgression de la Loi de Dieu. Pour le chef de la synagogue, l'ordre des choses c'est : 6 jours de la semaine pour s'occuper des êtres humains et 1 jour — le sabbat — pour s'occuper de Dieu. "Revenez donc vous faire soigner pendant un jour ouvrable" et tout sera propre en ordre.
    Jésus vient déranger ce bon ordre classificateur. Il le fait violemment par la guérison, il le fait en douceur dans l'explication. En se servant de leur propre casuistique, Jésus leur fait voir qu'eux-mêmes n'arrivent pas à s'en tenir vraiment à cet ordre entre jours ouvrables et sabbat. Ils font déjà des aménagements. Lorsqu'ils trouvent quelque chose d'inhumain, ils se sont donnés la permission de faire une exception, notamment pour détacher les bêtes et les mener ou les laisser aller à l'abreuvoir.
    Jésus entre dans cette brèche pour montrer que ce qu'ils font pour leurs bêtes, ils peuvent le faire pour un être humain ! Cette femme, liée par Satan, peut être déliée le jour du sabbat. Là, Jésus va plus loin que l'exception tolérable, il en fait un devoir. Cela est visible dans le fait que ces guérisons le jour du sabbat se multiplient dans les évangiles. S'occuper de son prochain qui souffre n'est pas une exception tolérable, c'est un devoir devant Dieu. C'est même la bonne façon d'honorer Dieu. Là où les hommes voudraient séparer le service envers le prochain du service envers Dieu, Jésus les lie.
    Jésus fait de l'attention au prochain — de son relèvement — une façon, même la vraie façon, d'honorer Dieu, de lui consacrer le temps qui lui est réservé.
    Cet épisode se passe à la synagogue. Mais l'action de Jésus a une portée symbolique qui peut retentir jusque dans le Temple de Jérusalem. Le Temple était divisé en cours successives jusqu'au centre du Temple, le Saint des Saints. Les non-juifs ne pouvaient entrer que dans la première cour. Les femmes ne pouvaient entrer que dans la deuxième cour. Les hommes juifs dans la troisième où se trouvait l'autel des sacrifices. Finalement seuls les prêtres pouvaient entrer dans le lieu saint et seul le grand prêtre, une seule fois par année, dans le Saint des Saints.
    En guérissant le jour du sabbat, Jésus renverse ces barrières, Dieu lui-même s'approche de cette femme en la guérissant. Elle est — bien qu'infirme, bien que femme — en contact avec le Saint des Saints quand Jésus la touche. Toutes les barrières qui limitent l'accès à Dieu tombent par l'action de Jésus. Il en a fallu du temps pour que ces barrières détruites par Jésus le soient aussi dans nos sociétés. Peu à peu dans l'histoire, et sous la poussée des chrétiens et souvent aussi de personnes hors des Eglises — mais qui avaient saisi cette intention de Jésus — ont été abolis :
    •    l'esclavage,
    •    la ségrégation, l'apartheid, le racisme légitimé.
    Et dans nos Eglises :
    •    la discrimination envers les étrangers (tous ont le droit de vote à l'assemblée paroissiale et peuvent être élus dans les divers Conseils d'Eglise ou au Synode)
    •    la discrimination envers les femmes (elles ont accès au ministère et à tous les postes à responsabilité)
    •    et finalement — mais là l'Eglise n'est pas en avance — la reconnaissance des personnes quelle que soit leur orientation sexuelle, comme membre de notre Eglise et leur accès à des responsabilités dans l'Eglise.
    La guérison de cette femme à la synagogue par Jésus a créé une division parmi ceux qui étaient présents ce jour-là, comme nous le rapporte le récit. Jésus n'a pas craint de choquer ou de diviser pour affirmer — au prix de sa vie — que Dieu aime tout être humain et ne se laisse pas enfermer par les classifications humaines. L'amour de notre prochain — quel qu'il soit — est l'inscription dans la réalité de notre amour pour Dieu.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008