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jean - Page 3

  • Jean 1. L’Evangile selon Jean a pour but de nous ouvrir la porte d’accès à la Source de la vie

    Jean 1
    19.1.2014
    L’Evangile selon Jean a pour but de nous ouvrir la porte d’accès à la Source de la vie

    Jean 1 : 1-18     Jean 20 : 30-31

    Téléchargez ici le texte : P-2014-01-19.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Pour comprendre L’Evangile selon Jean, il faut commencer par la fin. En effet, l’évangéliste a marqué la fin de son Evangile par deux phrases de conclusion. L’une disant le travail de choix et de tri qu’il a fait dans les épisodes de la vie de Jésus. La seconde phrase pour indiquer dans quel but il a fait ces choix et cette rédaction : il l’a fait pour amener sa communauté à croire que Jésus le Christ est le Fils de Dieu et qu’en croyant cela, on accède à la vraie vie. Il y a donc deux mouvements qui se suivent : croire et accéder à la vraie vie.
    L’Evangile selon Jean est donc le moyen, le chemin pour accéder à la foi et à la vraie vie. Ce chemin, je vous propose de l’emprunter — pas à pas — dans les dimanches qui viennent et dans le parcours d’Exploration biblique paroissial qui s’étendra de février à avril.
    C’est dans cette perspective de croire pour vivre vraiment que Jean écrit son Evangile. Il fait ce travail de rédaction alors que d’autres Evangiles, Marc d’abord, puis Matthieu et Luc circulent déjà. On appelle ces trois Evangiles (Matthieu, Marc et Luc) les Evangiles synoptiques parce qu’ils se ressemblent beaucoup dans leurs structures et le choix des épisodes de la vie de Jésus. Ainsi peut-on les « regarder ensemble » sur trois colonnes, d’où leur nom de « synoptiques ».
    Sachant que les Evangiles synoptiques existent, Jean peut faire un pas de plus dans l’explication du message de Jésus. Il n’a plus besoin de donner des informations sur la vie de Jésus, par contre, sa communauté a besoin d’explications pour comprendre sa situation actuelle.
    C’est la deuxième, voire la troisième génération de chrétiens, qui forme l’auditoire de Jean. Et Jésus n’est par revenu établir son règne ! Alors, que signifie l’annonce de la venue du Royaume de Dieu dans les synoptiques ? Jean va répondre à cette question.
    La communauté johannique (johannique signifie rassemblée autour de Jean) a été chassée des synagogues, il y a rupture totale avec le judaïsme, il y a même animosité, qu’est-ce que cela signifie ? Jean va répondre à cela.
    Paul prêchait la résurrection pour tous, mais voilà que la première génération de chrétiens, et maintenant la deuxième s’en va. On meurt encore ! Que faut-il en penser ? Qu’est-ce que Jésus est venu apporter ? Jean va répondre à cela.
    L’Empire romain était très tolérant envers les juifs (ils étaient établis dans toutes les grandes villes tout autour de la Méditerranée), mais maintenant l’Empire persécute les chrétiens. La vie de chacun est en danger. La prospérité diminue au profit de la précarité. Tout cela à cause de Jésus et de la foi en son nom ! Jésus est-il vraiment le messager de Dieu ? Jean va répondre à cela.
    Jean le fait dans son Evangile, dans la construction du plan de son Evangile, dans la construction de chaque récit et dans les formules littéraires qu’il utilise, nous verrons cela au fil des dimanches.
    L’Evangile selon Jean est fait de deux parties. La première (1—12) expose la révélation de Jésus devant le monde. La seconde partie (13—20) expose la révélation de Jésus devant les siens. L’Evangile selon Jean est écrit pour des croyants, pour une communauté, pour une Eglise. La communauté connaît déjà le Jésus des synoptiques, mais elle a besoin de plus. Elle a besoin d’approfondir sa foi. Elle a besoin de vivre sa foi dans la réalité. Elle a besoin de recevoir cette vie, cette vie nouvelle dans sa réalité.
    Peut-être est-ce aussi ce dont nous avons besoin ?
    Comment le message de Jésus transforme-t-il nos vies ? Qu’est-ce que le message de Jésus nous apporte-t-il ? Comment améliore-t-il nos vies ? C’est à ça que Jean veut répondre et c’est ce que nous allons découvrir au fur et à mesure qu’il le dévoile dans son Evangile.
    Ce matin, nous avons entendu le Prologue, l’ouverture de l’Evangile selon Jean. C’est un texte compliqué. Nous allons débrouiller un peu cela.
    Les cinq premiers versets se passent dans les sphères célestes, loin de nous : « Au commencement était la Parole, (ou le Verbe)… » (Jn 1:1). L’évangéliste utilise le mot « logos » en grec, qu’on retrouve dans les mots « logique » ou « biologie » en français. Traduit pour nous aujourd’hui, le logos des grecs, c’est le langage de l’univers, ce qui permet de le comprendre, c’est l’équation unifiée que cherchent les mathématiciens et les physiciens, c’est la clé numérique qui permet de comprendre l’univers, le code-source du cosmos. Et Jean nous dit que cette clé était Dieu et que cette clé était à la source de l’univers. Là, on est dans les grandes spéculations physiques et métaphysiques !
    Ensuite, Jean fait un glissement du logos vers la lumière. Le logos est la lumière et là il ne faut pas voir une ampoule au plafonnier, mais plutôt une ampoule dans la bulle d’une bande dessinée, lorsque le chercheur s’écrie Euréka ! La lumière, c’est ce qui permet de voir et de comprendre, de saisir le sens. Le logos nous éclaire puisqu’il nous révèle le sens des choses.
    Ici, Jean glisse que cette lumière va rencontrer l’opposition de l’obscurité. Le drame est annoncé. Il va y avoir du brouillage sur la ligne, mais c’est dit juste en passant.
    Ce qui est important — inédit et inouï — c’est que ce logos, cette clé de compréhension de l’univers est descendue sur terre, s’est incarnée dans un homme pour nous communiquer le contenu de cette clé. Ceux qui croient en celui qui porte la clé (Jn 1:12) ceux-là ont un accès à la source du sens et ils reçoivent la vie qui a du sens (v.13). Ils ne la reçoivent pas « naturellement / biologiquement », mais dans un autre ordre (d’en haut dira Jésus à Nicodème, Jn 3).
    Comme le disait Erasme : « On ne naît pas homme, on le devient. » Jean nous dit que devenir un être humain c’est possible à travers celui qui a accès à la source et qui est venu nous la faire connaître. Et c’est le but de l’Evangile de Jean : « Personne n’a jamais vu Dieu, mais le Fils unique, qui est Dieu et demeure auprès du Père, lui seul l’a fait connaître. »  (Jn 1:18). L’Evangile selon Jean a pour but de nous faire connaître la porte d’accès à la Source de la vie ; cette porte a été ouverte par Jésus Christ ; et nous sommes appelés à passer cette porte pour avoir accès à la vraie vie.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014

  • Jean 2. A Cana, Jésus opère trois changements fondamentaux

    Jean 2
    13.1.2002

    A Cana, Jésus opère trois changements fondamentaux

    Esaïe 62 : 1-5      2 Pierre 1 : 2-8      Jean 2 : 1-11

    Téléchargez la prédication ici : P-20020113.pdf

    Chers amis,
    Après Noël où nous avons fêté la naissance de Jésus, après l'épiphanie où nous nous sommes rappelés les rois mages, nous faisons un grand saut dans le temps pour retrouver Jésus au début de son ministère.
    Jésus a 30 ou 33 ans et — il ne le sait pas encore — il a trois ans à vivre devant lui, pendant lesquels il va réaliser l'entier de sa mission. Une mission d'enseignement, une mission de guérison, une mission de révélation du visage de Dieu.
    En seulement trois ans, Jésus va révolutionner le regard de l'humanité sur Dieu et changer toute l'histoire humaine puisque nous sommes ici, 2000 ans plus tard, à continuer à chercher à comprendre, à saisir toute la richesse qu'il y a en lui et à vivre des paroles qu'il a prononcées et des gestes qu'il a faits.
     Aujourd'hui, nous nous penchons sur le premier signe de Jésus que l'évangéliste Jean nous a transmis, celui des Noces de Cana. Ce miracle est un peu embarrassant pour nous, car il ressemble vraiment à un acte de magicien ! Jean veut-il nous présenter Jésus comme un magicien, comme quelqu'un qui est capable des tours de passe-passe les plus réussis ?  Croire parce que le tour a réussi, c'est plus être crédule qu'avoir la foi !
    Je pense qu'il faut laisser tomber l'idée que l'accent est mis sur le côté miraculeux pour voir l'aspect signe, significatif. D'ailleurs Jean ne parle pas du premier miracle de Jésus, mais de son premier signe, de son premier geste significatif. Ce geste a pour but de mener ses disciples à croire, à avoir la foi, en effet, le récit de Jean se termine par ces mots :
    "Voilà le premier signe de Jésus. Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui." (Jn 2:11)
    Pourquoi les disciples se mettent-ils à croire en Jésus ? D'abord "croire en Jésus" signifie reconnaître la gloire de Dieu qui se manifeste en Jésus, voir au travers des actes, des paroles, du visage de Jésus, les actes, les paroles et le visage de Dieu lui-même.
    En quoi les disciples — nous-mêmes — pouvons-nous reconnaître la présence de Dieu dans ce premier signe de Jésus ? Dans ce signe, Jésus fait trois choses, il opère trois changements fondamentaux :
    1) Il transforme de l'eau en vin (c'est le plus évident)
    2) l transforme les bassins de purification en tonneaux — il faudra voir ce que cela signifie !
    3) Il renverse l'ordre des choses en faisant servir le bon vin après le moins bon.
    Reprenons ces trois changements.
    1) Jésus change de l'eau en vin. Faire cela comme premier signe, c'est annoncer la couleur de  tout son ministère : ce sera une mission de changement, de transformation profonde et cela indique aussi le sens, la direction des transformations en vue. Ce qui est insipide, inodore et incolore, ce qui est commun, ordinaire et sans saveur va être transformé en extra-ordinaire, en fête, en joie.
    Jésus nous dit que Dieu veut transformer le banal de nos vies en y insufflant de la joie et du bonheur. Lorsque notre vie et notre propre joie viennent à manquer, Dieu vient nous ranimer, nous remettre debout, remettre de la couleur et de l'abondance dans nos vies.
    2) Ensuite, Jésus transforme l'usage des bassins de pierre dans lesquels les juifs effectuaient leurs rites de purification. Qui dit purification, besoin de purification, dit qu'il y a des choses à laver, à nettoyer pour se sentir propre devant Dieu.
    L'usage des bassins de purification illustre une attitude face à Dieu : le fait de se sentir sale devant lui et surtout l'idée que par nos propres efforts nous allons pouvoir nous rendre présentables devant Dieu. Que nous allons pouvoir plaire à Dieu, que nous allons pouvoir être à la hauteur de ce que nous pensons qu'il attend de nous !
    Mais qui — en étant honnête avec soi-même — peut penser arriver à se montrer parfait face à Dieu ? Qui peut penser être sans tache, sans faute, sans ombre devant Lui ? C'est un effort sans fin et sans aucune garantie de succès. C'est un travail désespérant et ... désespéré.
    En transformant ces bassins en tonneaux où l'on vient puiser le vin, Jésus supprime toute idée de purification par nos propres moyens. L'attitude juste devant Dieu, c'est d'accepter que nous ne pouvons rien faire par nous-mêmes, seulement venir puiser la vie à sa source, accepter de la recevoir comme ce vin puisé dans ces bassins.
    Ces bassins deviennent des fontaines de vie, un lieu où l'on vient s'abreuver, recevoir de quoi étancher sa soif, recevoir ce qui va remplir notre vie de joie et de satisfaction.
    3) Enfin, troisième changement, Jésus a renversé l'ordre humain des choses qui veut que l'on serve les bonnes choses, le bon vin, au début, parce que tout se dégrade avec le temps, à commencer par nos facultés d'apprécier la vie. Là encore, Jésus veut nous parler de notre rapport à Dieu. Jésus renverse l'ordre de la religion.
    L'ordre humain veut que nous nous efforcions de plaire à Dieu, d'essayer de monter jusqu'à lui. L'ordre de Dieu, le père de Jésus-Christ et notre Père, c'est que c'est lui qui vint à nous, c'est lui qui prend l'initiative. Et son initiative, c'est de nous réhabiliter, de nous purifier lui-même, de nous rendre juste pour que nous puissions répondre par des comportements justes à l'égard de notre prochain.
    C'est Dieu lui-même qui prend l'initiative de ne pas compter nos fautes, de ne pas tenir compte de ce que nous lui devons. C'est lui qui prend l'initiative de venir chez nous, pourvu que nous lui ouvrions la porte, parce qu'il ne veut pas entrer par effraction.
    A nous d'inviter Jésus à entrer dans nos vies — comme les mariés de Cana l'ont invité — pour qu'il vienne transformer l'eau de nos existences en vin de joie et de fête.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2013

  • Romains 1. Qu'est-ce qui nous justifie d'être, d'exister ?


    Jean 20

    4.11.2012   Culte de la Réformation

    Qu'est-ce qui nous justifie d'être, d'exister ?

    Romains 1 : 16-17      Jean 20 : 19-23

    Téléchargez la prédication ici : P-2012-11-04.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens, Chers bénévoles de la paroisse,
    La première parole que Jésus dit à ses disciples après la résurrection, c'est "la paix soit avec vous." (Jn 20:19). Et Jésus répète cette parole une deuxième fois, puis une troisième fois avec Thomas. "La paix soit avec vous" c'est le message du Christ ressuscité. C'est le message qu'il veut nous laisser, nous transmettre. On peut relire tout l'Evangile, tous les actes de Jésus à la lumière de cette Parole.
    Que vient-il apporter de la part de Dieu ? Il vient nous dire que Dieu est en paix avec nous, avec le malade paralysé, avec le lépreux, avec l'employé du fisc romain, avec l'homme riche, avec Simon le pharisien, avec la femme adultère. Jésus apporte le message que nous pouvons vivre en paix, intérieurement avec Dieu.
    Dieu veut nous donner la paix intérieure, la paix du cœur. Une paix qui se veut capacité d'accueillir ce qui arrive dans l'existence, sans en être anéanti ou dévasté. Capacité de prendre du recul, de mettre les choses en perspective. Capacité de ne pas se laisser emporter par une tempête dans un verre d'eau. Mais aussi capacité à ne pas tout contrôler pour laisser de la place à l'inattendu.
    Pourquoi n'avons-nous pas cette sérénité (la plupart du temps, la plupart d'entre nous) ? Pourquoi l'élève tremble-t-il devant le maître, l'ouvrier devant le patron ? Pourquoi nous troublons-nous devant certaines personnes ? C'est souvent parce que nous nous voyons comme inférieurs ou insuffisants et que l'autre a le pouvoir de nous abaisser ou de diminuer notre valeur.
    Nous nous sentons menacés lorsque nous devons nous justifier. Se justifier, c'est devoir attester de sa propre valeur. Ce n'est pas seulement difficile, c'est un piège : comment attester de ma propre valeur quand justement le doute s'insinue en moi ?
    Combien de fois devons-nous nous justifier, si ce n'est extérieurement, du moins intérieurement face à soi-même ! Répondre de nos actes, c'est normal, c'est la responsabilité. Mais cela devient insidieux et dévastateur lorsqu'on nous demande de justifier de notre place, de notre être, de notre existence. Et là je pense aux chômeurs, aux personnes à l'AI ou au RI, ou ceux qui reçoivent une bourse d'étude ou aux personnes dans les EMS. Mais on rencontre aussi cela dans nos relations, est-ce que je mérite son attention, son amitié, son amour ? Qu'est-ce qui nous justifie d'être, d'exister ?
    Vous connaissez tous la situation — en avion ou au théâtre — où quelqu'un arrive et vous dit : "C'est ma place !" alors que vous êtes déjà assis. Qui va départager ? C'est le ticket, le billet avec le numéro de la place.
    J'aimerais rapporter cela à Martin Luther, le Réformateur. Martin Luther était moine dans un couvent. Il avait choisi d'être moine pour être en ordre avec Dieu. Au moins, au couvent, on vit une vie digne de Dieu. Mais voilà, dans sa vie quotidienne, Luther ne se sentait pas en règle avec Dieu, il était comme un voyageur sans billet, ou avec un billet griffonné de sa propre main. Essayez de prendre l'avion avec un billet écrit de votre propre main ! Luther vivant dans l'angoisse de celui qui voyage sans billet, jusqu'au jour où il a lu le passage de la lettre de Paul aux Romains : "La bonne nouvelle révèle comment Dieu rend les humains justes devant lui" (Rm 1:17).
    Qu'est-ce que Luther a compris de ce verset ? Il a compris que Dieu lui-même délivre le ticket qui justifie la place qu'on a dans le monde. Un billet émis par Dieu lui-même ! Quel soulagement, quelle délivrance. Dieu lui-même nous attribue notre place dans le monde. Nous avons une place assurée, nous avons un justificatif de voyage, plus besoin de vivre dans l'angoisse du passage du contrôleur.
    "La paix soit avec vous" votre ticket est valable. Nous sommes à notre place. Plus besoin de passer sa vie au couvent, chacun peut accomplir sa vocation dans le métier, le rôle de son choix. En fait, chacun peut être lui-même, il n'y a pas de modèle imposé. Steve Jobs le disait dans ces mots : "Votre temps est limité, ne le gâchez pas en menant une existence qui n'est pas la vôtre."
    Nous avons seulement à être nous-mêmes, à développer nos ressources propres, à les mettre au service d'autrui, à offrir ce qu'on a, seulement ce qu'on a, tout ce qu'on a, là où on est.
    Voilà ce que la Réforme a rappelé à partir de 1517 : Dieu nous apporte la paix, la paix du cœur. Nous n'avons pas à justifier de notre place sur la terre, notre vocation n'est pas ailleurs ou autre chose. Il ne s'agit pas de faire plus ou autrement, mais de faire pleinement ce que nous savons faire. Il s'agit d'être pleinement ce que nous sommes.
    Et la vocation de l'Eglise, c'est de rassembler ceux et celles qui cherchent à être eux-mêmes et de communiquer cette permission d'être, d'être soi-même sous le regard bienveillant de Dieu. En participant à la vie de l'Eglise, à la vie de la paroisse, vous participez à cette mission de faire croître la paix du cœur.
    Merci.
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Jean 3. Jésus est venu dans le monde pour révéler la deuxième dimension de la vie.

    Jean 3
    2.9.2012
    Jésus est venu dans le monde pour révéler la deuxième dimension de la vie.
    Marc 1 : 9-11     Jean 3 : 1-9

    Téléchargez la prédication ici : P-2012-09-02.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,
    Nous découvrons aujourd'hui le personnage de Nicodème, dans sa rencontre avec Jésus. Le récit nous dit qu'il appartient au parti des Pharisiens, qu'il est un des chefs des juifs — il fait partie du Conseil appelé le Sanhédrin — et il dit lui-même qu'il est âgé.
    Les Pharisiens sont un groupe de gens très religieux, qui cherchent à se rapprocher de Dieu au travers de leur pratique, de leur stricte obéissance de la Loi de Moïse. Ils l'ont détaillée en une longue liste de commandements. Les Pharisiens ne se contentent pas d'observer et de pratiquer ces commandements, ils surveillent aussi les autres pour que chacun observe également ces commandements.
    Jésus est souvent confronté à leurs critiques. Il ne manque pas non plus de dénoncer leur hypocrisie, les accusant de filtrer le moucheron, mais d'avaler le chameau (Mt 23:24).
    Cette nuit-là, Nicodème vient secrètement rencontrer Jésus. Nicodème perçoit quelque chose d'exceptionnel chez Jésus, il croit reconnaître une origine divine aux paroles et aux actes de Jésus. Avant même que Nicodème ne pose une question à Jésus, Jésus lui dit ce qui lui manque : "Personne ne peut voir le Royaume de Dieu s'il ne naît pas de nouveau, ou s'il ne naît pas d'en haut" (Jn 3:3) (le mot grec signifie en même temps de nouveau et d'en haut). Jésus perçoit que Nicodème est en recherche, en quête du Royaume de Dieu, dans une quête spirituelle.
    Suit une sorte de dialogue de sourd où Nicodème oppose l'impossibilité pour un adulte ou une personne âgée de naître de nouveau de sa mère. Nicodème reste dans le terre-à-terre. Il reste dans les possibilités matérielles : personne ne peut retourner dans le ventre de sa mère pour naître une deuxième fois. C'est que Nicodème n'a pas vu la deuxième signification de ce "renaître." En fait, de manière générale, Nicodème ne voit pas la deuxième dimension de l'existence. Et Jésus est justement venu dans le monde pour révéler cette deuxième dimension de la vie, celle qui vient d'en haut.
    Nous naissons tous une fois dans ce monde, et nous avons besoin de ce corps pour y vivre, et nous avons besoin de nourrir ce corps, d'en prendre soin, de le faire grandir… pas de problème. Mais la vie ne se limite pas à cette dimension. Nous ne nous nourrissons pas seulement de lait maternel ou de pain. Nous avons besoin du regard de nos parents, nous avons besoin de recevoir de l'amour, nous avons besoin de relations.
    La vie humaine ne se réduit pas à la vie matérielle. Nous avons besoin d'être nommés. Nous avons tous besoin d'être appelés, nous avons tous besoin d'être adoptés.
    C'est ce que nous voyons dans le baptême de Jésus. Il y a la part matérielle avec l'eau du baptême pour le corps, mais ensuite il y a cet esprit qui vient d'en haut — visualisé par la colombe — et il y a cette parole d'amour et d'adoption : "Tu es mon fils bien-aimé en qui je mets toute mon affection." (Mc 1:11).
    C'est cette parole qui nous fait vivre, bien plus que ce que nous mangeons. Ce sont ces paroles d'amour et ces gestes d'affection qui affermissent notre confiance dans la vie, dans la valeur de notre existence. Peu importe l'ADN partagé ou non, c'est l'amour que nous recevons qui nous constitue comme être humain, aimé, engendré d'en haut.
    Nous sommes faits de cette double dimension, le charnel et le spirituel. Nous sommes boiteux si nous oublions une de ces dimensions. Et c'est ce que fait Nicodème. Comme Pharisien, il était tellement dans le contrôle de l'obéissance pratique aux commandements qu'il en oubliait la raison, le but ou la provenance : en haut.
    C'est pourquoi Jésus lui rappelle tout de suite l'essentiel : "Il faut naître à la vie d'en haut" et Jésus ajoute que cet "en haut" relève de l'eau et de l'esprit, l'esprit qui est comme le vent. Ce que Jésus veut dire, c'est que la vie d'en haut, cette deuxième dimension de l'existence ne peut pas se laisser enfermer dans un catalogue de prescriptions. Cette deuxième dimension de l'existence et de l'ordre de la liberté, de la danse, de la joie. Cette deuxième dimension, c'est ce qui donne du relief à l'existence, ce qui donne de la vie à la vie.
    Dans chaque moment de la vie, on peut saisir ces deux dimensions. Quand je fais la vaisselle, je peux penser à la corvée que cela représente, mais je peux aussi penser que je rends service à mon conjoint, à ma famille et plus encore, je peux anticiper le plaisir d'une belle table avec ses invités.  Quand je travaille, je peux penser au salaire qui tombera à la fin du mois et à la sueur que cela me demande, mais je peux aussi me réjouir de ce que mon travail apporte aux autres, comment il leur facilite la vie, comment ce que je fais contribue au bien commun. Quand je vois un coucher de soleil, je peux penser qu'il ne s'agit que de la réfraction d'ondes lumineuses au travers des couches de l'atmosphère, ou bien je peux m'émerveiller et me réjouir du jeu des couleurs et avoir envie de partager cette joie avec ceux que j'aime.
    Jésus appelle Nicodème à lever les yeux du guidon, à voir au-delà du factuel et du matériel. Nous sommes appelés à voir le monde, à voir ceux qui nous entourent avec un autre regard. Quitter le terre-à-terre pour un regard illuminé d'une lumière qui vient d'en haut.
    Nous sommes invités à aller au-delà des explications matérielles qui ne nous nourrissent pas, pour recevoir ou inventer une réponse poétique qui enchante nos sens; une réponse qui nous entraîne dans un pas de danse sur les ailes du vent.
    Amen

    ©Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Jean 9. Jésus ouvre les yeux de ses disciples sur leur propre pouvoir, il les mobilise, il les envoie.

    Jean 9
    4.9.2011
    Jésus ouvre les yeux de ses disciples sur leur propre pouvoir, il les mobilise, il les envoie.
    1 Jn 4 : 7-9    Rm 12 : 1-2     Jn 9 : 1-7

    téléchargez la prédication ici : P-2011-9-04.pdf

    téléchargez le projet général de DM-Echange et Mission à Madagascar dans l'enseignement

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers invités,
    J'ai choisi le récit de cette guérison d'un aveugle par Jésus pour le message de ce matin parce que la personne que nous envoyons aujourd'hui en mission à Madagascar (par l'intermédiaire de DM-Echange et Mission) a trouvé sa vocation professionnelle dans le travail auprès des personnes handicapées. Son travail de fin d'étude traite de la représentation du handicap en Occident et à Madagascar.
    Questionner la représentation du handicap, c'est se demander quelle image mentale nous nous faisons du handicap, d'où il provient, quel sens il peut avoir. Et c'est exactement ce que nous trouvons comme questionnement dans la bouche des disciples : "Pourquoi cet homme est-il né aveugle ? A cause de son propre péché ou à cause de celui de ses parents ?" demandent les disciples (Jn 9:2).
    Les disciples ont une image mentale de l'origine du handicap, ils ont une représentation qui leur dit que le handicap est sûrement la conséquence d'une faute, d'un manquement.
    La représentation, c'est un peu comme un théâtre, intérieur à soi, dans lequel on joue une scène de rencontre avant qu'elle ne se produise. On fait une répétition générale pour se préparer (comme on préparerait un entretien d'embauche). Mais dans cette représentation théâtrale, on joue tous les rôles. Alors on invente le rôle de l'autre, ce qui donne une couleur à ce qui sera joué dans la réalité. Par cette représentation préalable, on influence la rencontre elle-même. Dans le meilleur des cas, notre représentation sera modifiée par la rencontre et l'on s'exclamera : "Ah, ben j'aurais pas cru ça de lui ou d'eux !"
    Les disciples ont donc une représentation du handicap qui repose sur une faute passé ("Est-ce à cause d'un péché…") Les disciples sont focalisés sur le passé, sur l'origine. S'ils trouvent l'origine du mal, ils seront rassurés et pourront se positionner face à cet homme — pensent-ils.
    Mais Jésus ne répond pas à la question de l'origine. Plus, il récuse l'idée qu'on puisse reporter la cause sur quelqu'un (la personne elle-même ou ses parents). Jésus donne une réponse énigmatique à la question des disciples. "Ce n'est pas à cause de… c'est pour que… pour que l'œuvre de Dieu puisse se révéler en lui !" (v.3)
    Jésus  nous détourne du passé et de l'origine pour nous orienter vers le présent et le futur. Ne cherchez pas dans le passé, faites quelque chose de ce présent pour améliorer la condition de cet homme. Et c'est ce que Jésus va faire en pétrissant de la boue à appliquer sur les yeux de l'aveugle. Ensuite, Jésus donne une tâche à l'aveugle pour le rendre participant de sa propre guérison. Il l'envoie se rincer les yeux à la piscine de Siloé.
    Les disciples avaient une représentation attachée au passé qui pouvait déboucher sur le reproche et qui aboutit à blâmer la victime. Jésus barre cette issue pour nous mobiliser dans le présent et pour nous pousser à une action constructive. Comme si Jésus disait : Cet homme est là pour que vous puissiez faire quelque chose pour lui !
    Jésus change la représentation des disciples face à cet homme. On peut même dire que Jésus ouvre les yeux de ses disciples sur leur propre pouvoir, il les mobilise, il les envoie.
    Pour moi, ce n'est pas un hasard que la personne guérie soit aveugle. Le récit veut nous ouvrir les yeux sur une réalité : Jésus est celui qui veut nous sortir de nos aveuglements. Le récit se veut porteur de notre guérison aussi, c'est pourquoi l'évangéliste Jean y insère cette parole de Jésus : "Je suis la lumière du monde." (Jean 9:5). Jésus est venu pour nous faire sortir de l'obscurité.
    C'est dans ce même sens que l'apôtre Paul nous dit : "Ne vous conformez pas aux représentations de ce monde, mais laissez Dieu vous transformer pour un changement complet de votre intelligence ! Vous pourrez alors comprendre ce que Dieu veut." (Rm 12:2).
    Ce changement complet de l'intelligence, c'est nous guérir de trois aveuglements, changer trois de nos représentations :
    (i) notre représentation de Dieu. Jésus est venu remplacer un Dieu comptabilisateur de nos manquements par un Dieu qui nous soutient comme un Père.
    (ii) Jésus est venu pour transformer notre vision des gens, des "autres" : comme nous sommes tous les enfants d'un même Père, nous pouvons rencontrer les autres comme des frères et des sœurs. Le monde ne tournerait-il pas plus rond si nous cessions de nous méfier les uns des autres ?
    (iii) Jésus vient changer notre idée de nous-mêmes. Ne sommes-nous pas constamment en train de nous faire des reproches à nous-mêmes, tournés vers le passé ? Nous nous accusons et nous condamnons, alors que Dieu ne nous condamne pas (Rm 8:33), mais nous accueille comme ses enfants. Il nous mobilise et nous envoie.
    Dieu nous offre de nous guérir de ces trois aveuglements; irons-nous nous laver à la piscine de Siloé ? Parce que nous avons notre part à faire en réponse à cette guérison ! Dans ce récit, Jésus barre le retour sur le passé, mais il ouvre un avenir en nous désignant le grand dessein de l'existence : "nous devons accomplir les œuvres de celui qui m'a envoyé" (Jn 9:4). A nous de réaliser le travail pour lequel nous sommes faits. A nous de réaliser la vocation à laquelle le créateur nous a appelé.
    Aujourd'hui, nous saluons la vocation et l'envoi d'une jeune femme pour un travail à Madagascar. Mais n'oublions pas que nous avons tous reçu un appel du Seigneur, une vocation et un envoi. Forts du "changement complet de notre intelligence" que Jésus nous propose, nous pouvons partir raffermis — comme de vrais enfants de Dieu — sur nos lieux de vie et de travail pour accomplir l'œuvre de Dieu.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2011

  • Jean 1. Noël, une lumière dans la nuit !

    Jean 1
    25.12.2010
    Noël, une lumière dans la nuit !
    Luc 2 : 1-20    Jn 1 : 1-10

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    Chers Amis,
    Nous voici à nouveau devant ce récit de Noël de l'Evangile de Luc, ce récit de la naissance de Jésus, avec la crèche et la visite des bergers; ce récit premier de l'Evangile qui a été alimenté ensuite de toutes les légendes et de tous les contes que nous avons entendus, années après années; les ajouts avec le bœuf et l'âne, les rois mages et tous les personnages qui viennent porter des cadeaux ou leur simple présence comme dans les crèches provençales.
    Tous ces embellissements par rapport au récit premier, nous aident et nous trompent sur ce qu'est Noël ! Nous aident et nous trompent dans notre compréhension du sens de la venue de Jésus.
    Les contes nous aident à percevoir le caractère merveilleux, voir incroyable du cadeau de Dieu. Il nous donne son Fils, il vient habiter parmi nous. Cela doit être salué par un accueil digne de Lui, digne de ce don suprême.
    Aussi faut-il des histoires pour dire que toute le monde accourt à la crèche et vient avec un cadeau. Et il faut aussi que soit souligné que la richesse du cadeau n'est pas dans son prix ou sa beauté, mais dans le don intérieur, dans le don de soi qu'il implique.
    Et puis les contes soulignent la part divine, la part miraculeuse de cette naissance par les conversions, les guérisons, les transformations du cœur qui ont lieu à la vue de Jésus. L'avare devient généreux, le tyran devient compatissant, l'obscurité devient lumière.
    Tout cela nous amène à entrevoir le pouvoir transformateur de Jésus sur nous et sur notre être intérieur.
    Mais d'un autre côté, ces légendes peuvent aussi nous tromper sur ce qui se passe dans cette étable, ce qui se passe à ce moment entre Dieu et le monde.
    Tous ces cadeaux déposés devant la crèche masquent la pauvreté assumée et acceptée du Fils de Dieu qui naît pauvre et misérable dans une étable.
    Tout ce monde qui se presse pour voir l'enfant Jésus masque le fait que seuls quelques bergers appelés par les anges ont fait le déplacement. Cela masque les absents. Le Fils de Dieu débarque dans le monde, hors du champ des caméras, dans l'anonymat. Dieu vient sur terre incognito, personne n'est là.
    L'étoile, la joie, l'émerveillement masquent le fait que la vie de Jésus va être marquée par la persécution et le rejet, pour finir abandonné de tous. Il n'y a que quelques femmes au pied de la croix.
    Je ne veux pas gâcher la fête en soulignant le côté obscur du récit. Je souhaite seulement qu'on accepte ces deux faces et que nous pouvons les garder toutes les deux.
    C'est ce que l'Evangéliste Jean met en mot, lui qui ne met pas la naissance de Jésus en scène. Il résume le venue de Jésus en quelques mots qui reflètent les deux aspects que j'ai mis en évidence : "La lumière brille dans l'obscurité, mais l'obscurité ne l'a pas reçue." (Jn 1:5).
    Oui, Noël, c'est la venue de cette lumière divine dans notre monde obscur. Nous avons donc bien raison de fêter Noël et de fêter Noël un 25 décembre, au plus sombre de la nuit, là où les nuits sont les plus longues. Et nous avons bien raison de mettre des bougies, des illuminations dans la nuit, parce que Noël, c'est bien la lumière qui brille dans l'obscurité.
    Mais ce que nous voyons aussi, c'est que cette lumière n'est pas reçue, elle n'est pas reconnue ni acceptée. Au point que Noël devient une corvée pour les gens.
    Avez-vous vu les deux sondages parus simultanément mercredi dernier dans 24Heures et dans Migros Magazine ? Dans Migros Magazine la question posée était celle-ci : Vous réjouissez vous de fêter Noël ? Un tiers répond : Non (35%), un tiers répond : Bof ! (33%) et un tiers répond : Oui, j'adore ! (32%). Dans 24Heures, la question était : Pour vous, Noël, est-ce un plaisir ou une corvée ? Deux tiers des gens répondent : Une corvée (59%) et un tiers : Un plaisir (35%), 6% sans opinion.
    Dans ces deux sondages, seul un tiers des gens se réjouissent de fêter Noël !
    Aujourd'hui, l'obscurité ne reçoit pas la lumière. Ce qui devrait être une fête avec des retrouvailles en famille, des cadeaux et de la joie devient pour deux tiers de la population un jour de tensions familiales, un jour où le poids des dépenses est plus lourd ce celui du don, où la fête devient corvée.
    L'obscurité du récit de Noël est en train de reprendre le pas sur la lumière, sur la joie. C'est triste et c'est dommage. Cela montre que le combat pour la lumière est toujours d'actualité.
    L'étable était dans l'obscurité de la nuit, mais à l'intérieur brille la lumière divine. Et ce jour-là, les bergers sont venus — appelés par les anges. Ce matin, vous êtes venus, comme les bergers, pour voir cette lumière et vous réjouir de cette naissance de l'enfant Jésus.
    Vous êtes les bergers recueillis devant le Sauveur. Alors réjouissez-vous de cette lumière qui nous est donnée. Oublions un moment l'obscurité du dehors. Repoussons l'obscurité pour adorer la lumière divine qui nous est donnée.
    Jésus nous dit : "Je suis la lumière du monde." (Jn 8:12) et c'est cette lumière qu'il nous donne qui nous permet à notre tour de devenir lumière pour le monde, comme Jésus l'a dit dans le Sermon sur la Montagne : "Vous êtes la lumière du monde !" (Mt 5:14).
    Ce matin, laissons-nous baigner dans cette lumière divine, malgré l'obscurité du monde, pour nous réjouir de sa venue.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • Jean 20. Le don du souffle et de l'apaisement.

    23.5.2010

    Le don du souffle et de l'apaisement.

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    Jér. 31 : 31-34      Jean 20 : 19-23

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Cinquante jours après Pâques, nous fêtons la Pentecôte, la fête qui nous rappelle que Dieu nous donne son Esprit après le départ de Jésus à l'Ascension. Notre calendrier a été établi à partir des récits de Luc dans son Evangile et dans les Actes des Apôtres.

    L'Evangile de Jean ne se préoccupe pas de calendrier, mais de signification. Ainsi, comme nous l'avons entendu dans la lecture ce matin, Jésus donne l'Esprit saint aux disciples le premier jour, lors de sa première rencontre avec l'ensemble de ses disciples. Ce qui est important pour Jean, c'est de montrer le lien entre la résurrection et le don de l'Esprit. C'est le Christ ressuscité qui rencontre ses disciples et qui leur donne l'Esprit saint.

    Comment se passe cette Pentecôte pour l'Evangéliste Jean ? D'abord, il y a quelques mots sur la situation des disciples. Ils se sont rassemblés dans un local fermé, fermé à clé, verrouillé. Les disciples ont peur. Ils ont peur des autorités. N'étaient-ils pas comparses — il n'y a qu'un pas vers complices — d'un condamné à mort ? On pourrait s'en prendre à eux. Nous sommes le soir du premier jour de la semaine. Les disciples sont encore sous le choc de la mort, de l'exécution de leur maître. Ils sont en deuil. Aujourd'hui, on dirait qu'ils sont en état de choc post-traumatique. Un ensemble de personne qui ne sait pas quoi penser après les nouvelles bouleversantes et contradictoires des témoins : Jésus a été mis au tombeau le vendredi soir, on ne l'a pas retrouvé ce matin. Le tombeau était vide. Est-ce vrai ? Est-ce du déni ?

    Et ensuite voilà que — dans cette situation de confusion — Jésus se tient debout au milieu d'eux. On ne nous dit pas qu'il entre, ni qu'il surgit, ni qu'il apparaît. Il est là, au milieu d'eux, au centre de leur groupe. Au cœur de nos désarrois, au cœur de nos inquiétudes, de nos deuils, de nos malheurs, Jésus est là, il se tient au milieu de nous. Il salue et montre ses mains et son côté, comme pour dire : "Vos souffrances, je les porte dans mon corps, je suis vraiment avec vous."

    Jésus salue ses disciples en leur disant : "La paix pour vous." Je n'ai pas trouvé si c'était la façon ordinaire de dire bonjour à Jérusalem en ce temps-là, comme on dit "Salam aleikoum" en arabe aujourd'hui, en hébreu ce serait "Shalom lakhem." Mais comme Jésus répète cette même phrase encore une deuxième fois plus tard, je crois qu'il faut la prendre à la lettre. Jésus souhaite vraiment nous donner la paix, sa paix, le shalom, la plénitude de l'apaisement au cœur de nos turbulences et de nos épreuves.

    En fait, Jésus donne trois choses à ses disciples dans cette rencontre. Il leur donne la paix dans la salutation. Il leur donne l'Esprit saint quand il souffle sur eux. Et il leur donne une mission — il les envoie à leur tour — avec le pouvoir sur les péchés. La paix est le but final, le souffle est l'inspiration qui leur permet d'avancer vers ce but, et le moyen d'aller vers ce but est résumé dans le pouvoir de lâcher ou retenir les péchés.

    Dès qu'on parle de péché, il faut préciser et recadrer ! Jésus ne parle jamais du péché comme d'une faute morale, mais toujours comme d'une séparation, d'un éloignement des autres ou de Dieu. On a toujours mis l'accent sur la faute commise — qui peut effectivement nous séparer des autres, briser les relations. Mais souvenons-nous qu'il y a tout l'ensemble du mal subi, des malheurs, des épreuves qui nous mettent tellement à mal que cela perturbe aussi toutes nos relations.

    Pour mieux comprendre ce que Jésus donne comme pouvoir à ses disciples, je vais remplacer le mot "péché" par le mot "tension" (même si ce mot ne recouvre pas tout le champ du péché) parce que vous savez comme on peut empoisonner la vie des autres lorsque nous sommes sous tension, trop tendus.

    Jésus nous dit que lorsque nous lâcherons nos tensions, elles seront relâchées, mais que si nous gardons (maintenons, retenons) nos tensions, elles ne disparaîtront pas comme par enchantement. Nous avons-là un pouvoir et une responsabilité — en tant que chrétiens.

    Nous inspirer du Christ — recevoir son Esprit — c'est chercher la paix en nous libérant de nos tensions, en relâchant la pression, en nous et sur les autres. C'est la mission qu'il nous donne, qu'il nous confie : défaire nos tensions pour arriver à l'apaisement et communiquer cette paix autour de nous.

    Pour donner son Esprit à ses disciples, le texte nous dit que Jésus souffle sur eux. Dans la Bible, le même mot est utilisé pour dire l'esprit (ou Esprit), le souffle, voir le vent (RUa'H en hébreu et pneuma en grec). De tout temps, les spirituels ont lié l'Esprit et la respiration; et la respiration à l'apaisement.

    Prenez un instant conscience de votre position assise sur votre banc. Ces bancs en bois ne sont pas confortables. Je suis sûr que pour rester assis, il y a quelques-uns de vos muscles qui sont tendus, peut-être inutilement tendus. En respirant profondément, vous pouvez détendre tout ce qui est inutilement tendu en vous. Cet exercice sur le corps, nous pouvons aussi le faire pour notre âme ou notre vie.

    Au cœur de nos tensions, de nos difficultés, Jésus se tient-là, debout, pour nous apporter la paix. Il souffle sur nous, il souffle en nous son Esprit de paix pour que nos tensions puissent se relâcher et nous conduire à l'apaisement. Apprenons à accueillir ce souffle et cet apaisement.

    Amen

     

  • Jean 1. "Voici l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde."

    7.3.2010

    "Voici l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde."

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    Esaïe 53 : 1-8, Apoc 7 : 9-12, Jn 1 : 23-29

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Le temps du Carême, temps de la Passion, est propice pour se redemander comment comprendre la mort annoncée de Jésus. Comment comprendre le parcours de Jésus, y compris sa mort ? Les évangiles et les lettres du Nouveau Testament nous proposent plusieurs interprétations, nous exposent plusieurs significations.

    L'évangéliste Jean nous propose de voir Jésus comme l'agneau de Dieu. Ce sont les mots qu'il met dans la bouche de Jean Baptiste : "Voici l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde" (Jn 1:29). Dans le récit de la Passion, l'évangéliste Jean associe la mort de Jésus au sacrifice de l'agneau de l'Exode. Enfin, l'Agneau est très présent dans l'Apocalypse, il règne en souverain auprès de Dieu.

    Dire de Jésus qu'il est l'agneau de Dieu permet de donner sens à la mort tragique de Jésus et permet de montrer comment la mort de Jésus ouvre au salut, offre une bénédiction à tous les humains.

    A. Dire que Jésus est l'agneau de Dieu, c'est associer Jésus à la Pâque juive, c'est faire un transfert de signification de l'un à l'autre. L'agneau pascal de la fête juive, c'est le rappel de l'Exode : un peuple en servitude va être libéré. Des êtres menacés de mort vont être sauvés. Le sang de l'agneau doit être badigeonné sur les montants et le linteau de la porte de la maison pour que la Mort passe son chemin.

    L'agneau doit être mangé — en famille — pour prendre des forces avant un voyage long et difficile qui doit mener en terre promise. Le sang et la chair de l'agneau donnent la vie, comme le corps et le sang du Christ consommés dans la Cène.

    Dans la fête de la Pâque, Dieu est encore en vis-à-vis des humains — en face, de l'autre côté de la barrière, à l'extérieur — mais il offre, à travers l'agneau, un moyen de protection, un élément protecteur.

    B. Lorsque Jean Baptiste dit de l'agneau de Dieu qu'il ôte le péché du monde, il fait référence aux poèmes du Serviteur souffrant qu'on trouve chez le prophète Esaïe : "Le serviteur a grandi comme une simple pousse, il était celui qu'on dédaigne, la victime, le souffre-douleur. Or il supportait le malheur qui aurait dû nous atteindre. Il a subi notre punition et nous sommes acquittés. Il s'est laissé maltraiter comme un agneau qu'on mène à l'abattoir." (Es 53:1-8 extraits).

    Le serviteur, l'agneau, est celui qui accepte de souffrir avec, qui souffre du malheur des autres, qui compatit. Même plus, il porte la douleur des autres, il accepte de se substituer aux autres. Il renonce à la force, à son droit, à la puissance. Il est celui qui chemine avec ceux qui souffrent, qui les accompagne sur leur chemin de douleur. Parfois il est celui qui se sacrifie pour leur éviter du mal. Combien de fois, comme parents, nous voudrions assumer ce rôle pour nos enfants, leur éviter les tourments et les malheurs. Nous pouvons les accompagner, être avec eux, plus rarement nous substituer.

    Jésus — comme l'agneau de Dieu — n'est plus dans le vis-à-vis, il est dans le compagnonnage, dans l'être-avec; Emmanuel, Dieu avec nous. Il chemine à nos côtés, nous accompagne et nous porte, sans que cela ne nous évite les écueils de la route. Mais nous ne sommes plus seuls sur notre chemin.

    Sur notre chemin terrestre, Jésus est à nos côtés; vers notre chemin céleste, Jésus se substitue à nous, il a endossé le poids de nos fautes et obtient pour nous l'acquittement pour tout ce qui nous accable et nous culpabilise.

    Pour nous suivre sur notre route terrestre, Jésus a renoncé à toute puissance divine, il a accepté notre impuissance humaine à changer les choses, à éviter le malheur et la mort. C'est en cela qu'il est un agneau et non un lion.

    C. Alors, il est bizarre de lire que l'Agneau de l'Apocalypse règne à la droite de Dieu et l'emporte sur tous les adversaires des humains ! Oui, dans l'Apocalypse, l'Agneau est un souverain, un juge qui réhabilite les victimes dans leur position, un maître qui efface les larmes et établit une terre nouvelle.

    Je crois qu'il y a, là, la révélation (c'est le sens du terme "Apocalypse" — en anglais ce livre s'appelle Revelation) d'un processus que nous pouvons aussi expérimenter. Jésus, comme agneau de Dieu, accepte l'impuissance de la condition humaine : nous pouvons certes faire beaucoup de choses, mais nous sommes impuissants à faire quoi que ce soit contre le malheur, le deuil, la mort. Nous sommes impuissants, nous n'avons pas de baguette magique.

    Mais si nous reconnaissons cette impuissance, si nous reconnaissons que nous ne pouvons rien faire, nous pouvons entrer dans une autre dimension, — quitter le pouvoir du faire quelque chose — pour entrer dans la dimension de l'être, de l'être avec les autres. Nous pouvons quitter l'illusion de la puissance pour accepter que nous ne pouvons qu'être-là, auprès de, à côté de, dans l'empathie, dans la compassion, dans l'accompagnement. Deux êtres qui partagent une même présence, une même souffrance.

    Je vous donne un exemple très concret. Il y a quelques années, la Gendarmerie vaudoise a réalisé que lorsqu'elle doit gérer un décès tragique, elle sait faire un tas de chose : sécuriser la place, appeler les secours, annoncer le décès. Mais une fois qu'il n'y a plus rien à faire et que le gendarme se retrouve face à quelqu'un qui pleure, il se sent impuissant. Alors la Gendarmerie a demandé de pouvoir passer le relais à un service des Eglises : l'assistance spirituelle d'urgence.

    Quand il n'y a plus rien à faire, il y a encore quelque chose qu'on peut faire : simplement être-là et accompagner la douleur, la souffrance du cœur. Simplement être en communion, en communion d'humanité.

    L'agneau de Dieu accepte cette impuissance pour réinvestir la puissance de l'être, l'être-là, l'être avec, l'être en communion. Reconnaître son impuissance à faire quelque chose, c'est se donner la possibilité de retrouver cette autre puissance, cette autre richesse que Dieu a placé au plus profond de chacun d'entre nous : être humain.

    L'agneau de Dieu nous précède, nous accompagne sur ce chemin-là.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • Jean 10. Cette parabole parle de notre combat pour garder la maîtrise de notre liberté.

    Jean 10

    28.2.2010

    Cette parabole parle de notre combat pour garder la maîtrise de notre liberté.

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    Jérémie 31 : 31-34 Jean 10 : 1-6

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,

    Nous avons entendu une parabole de Jésus qui parle de moutons et d'enclos. C'est plutôt loin de notre vie de citadin d'aujourd'hui ! Y a-t-il quand même quelque chose à comprendre là-dedans, surtout quand le narrateur ajoute — après le récit de Jésus — que les auditeurs de Jésus, à l'époque, n'ont rien compris non plus. Cette phrase est là pour nous alerter, nous inviter à chercher un sens caché.

    La parabole est l'image de quelque chose d'autre qu'une histoire de moutons. Et c'est vrai que Jésus ne nous donne pas un cours d'élevage, mais veut nous parler de Dieu, de nous-mêmes et de la relation entre Dieu et nous. Il faut donc transposer les images dans notre monde intérieur, dans notre réalité psychique.

    Commençons à penser : "Je suis l'enclos, je suis le gardien, je suis le troupeau…" Si je suis l'enclos, qu'est-ce que je comprends ? L'enclos est une frontière entre l'intérieur et l'extérieur, avec un contenu. Nous connaissons notre frontière physique : c'est notre peau. Une frontière psychique, psychologique est plus difficile à définir. Qu'est-ce qui contrôle ce qui entre et ce qui sort de notre tête, de notre cerveau, de notre âme ?

    C'est là qu'intervient le gardien. C'est lui qui ouvre la porte ou qui la ferme, qui laisse entrer ou sortir. Le gardien est notre libre-arbitre. Je choisis ce que je veux lire ou pas. Je choisis ce que je veux écouter ou pas. Je choisis ce que je veux regarder ou pas. Oui… en principe, je choisis ce que je veux, mais dans la réalité, c'est plus complexe.

    On s'aperçoit vite qu'il y a des choses qu'on aurait mieux fait de ne pas lire, de ne pas écouter de ne pas regarder. Il y a des choses qu'on nous refile, qu'on nous impose, qui nous agressent et qu'on n'a pas pu éviter. Il y a des choses qu'il n'a pas été possible de ne pas voir, de ne pas entendre, de ne pas subir.

    Souvent, trop souvent, le gardien est contourné, court-circuité, voire maîtrisé et ligoté. Voilà ce dont parle cette parabole, de notre combat pour garder la maîtrise de notre liberté. Nous sommes assiégés par des voleurs, par des brigands. Ce sont plus souvent des messages que des personnes.

    Ce sont des messages qui nous perturbent, qui nous agressent ou nous paralysent. "Tu devrais… Tu ne devrais pas… Il faut… Fais cela… Ne fais pas cela… Yaka… Taka… etc." Des voix intérieures qui répètent des messages enregistrés dès l'enfance qui coupent nos élans : "Tu n'y arriveras pas… Tu n'es bon/bonne à rien… Ça ne peut pas marcher… Tu finiras comme Untel… Débrouille-toi tout seul… On finit toujours par payer les moments de bonheur…"

    Ça fait déjà pas mal de messages; mais il y a encore une sorte de message plus retord — et je crois que Jésus dit cette parabole pour abattre, neutraliser le message suivant : "Dieu voit tout ce que tu fais, jusqu'au plus profond de toi, et il te punira…"

    Là, Jésus dit NON ! Le berger entre par la porte après que le gardien la lui a ouverte (Jn 10:2-3). Dieu n'entre pas par effraction. Dieu ne place pas une caméra de surveillance dans votre intimité. Dieu n'entre que là où on choisit de le laisser entrer. Dieu n'est pas dans la surveillance, dans l'espionnage, dans l'accusation. Il est le berger qui prend soin du troupeau et qui veut que les humains aient la vie et la vie en abondance (Jn 10:10).

    Le berger s'occupe du troupeau, au contraire des voleurs qui veulent s'en emparer et le disperser. Alors, qu'est-ce que ce troupeau de moutons et de chèvres dans notre monde intérieur ?

    Un troupeau, pour un propriétaire, c'est une richesse, c'est quelque chose de vivant, quelque chose qui nourrit, qui fait vivre. Le troupeau représente notre force de vie, notre élan, ce qui nous fait nous lever le matin et accomplir notre journée. Certains psychologues l'appellent notre "enfant intérieur" ou notre "enfant créateur", l'enfant en nous, un dynamisme, un ressort, l'énergie qui nous donne envie de dévorer la vie à pleines dents.

    La parabole nous dit que ce troupeau est dans l'enclos. Il nous est donné, il est là en nous, en chacun d'entre nous. Mais pour être créateur dans le monde, ce troupeau doit sortir dans le monde. On ne va pas tout garder à l'intérieur. Cette force créatrice, cet élan doit s'exprimer à l'extérieur.

    L'un des rôles du berger est de favoriser cette expression : "il mène le troupeau dehors" (Jn 10:3). Il y a de nouveau opposition entre le voleur et le berger. Le voleur vole notre énergie (repensez à ces phrases que j'ai citées et à celles que vous entendez dans vos têtes et qui vous paralysent en énumérant tous les obstacles). Le voleur nous épuise, nous disperse, nous pompe, nous met à plat.

    Le berger, lui, rassemble, réunit et conduit le troupeau, il le canalise pour qu'il puisse atteindre son but : avoir la vie en abondance, vivre le surplus de la vie. Tout cela en accord avec le gardien que nous sommes.

    Voilà la nouvelle alliance qu'annonçait le prophète Jérémie. Non pas une alliance comme un mariage arrangé, de convenance, mais une alliance comme un mariage d'amour où les partenaires se choisissent librement, pour partager leur amour et vivre avec tout le potentiel créateur qui les habitent. Voilà la vie possible avec Dieu pour berger.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • Jean 13. Un mot d'ordre qui a changé le monde !

    Jean 13

    21.6.2009
    Un mot d'ordre qui a changé le monde !
    Jn 13 : 34-35    Ga 3 : 27-29

    "Je vous donne un commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres !" dit Jésus.
    Pour nous, ce commandement n'a rien de nouveau, et je pense que tous, vous qui êtes-là ce matin, le connaissez depuis bien longtemps. Ce commandement n'a plus rien de nouveau pour nous aujourd'hui, il apparaît plutôt comme une rengaine trop souvent répétée.
    Dans notre monde, dans la situation actuelle, on nous dit qu'il s'agit plutôt de se battre et d'être compétitif si l'on veut survivre ! Mais cela suppose que Jésus ait demandé — à travers ces mots et sa vie — d'être simplement gentils les uns avec les autres. Non ! Jésus propose autre chose ! Il propose de changer le monde, et en fait, il l'a changé — en grande partie — et nous allons voir comment.
    Oui, ces paroles : "Aimez-vous les uns les autres !" ont changé le monde depuis l'Antiquité jusqu'à nous. Essayons de nous représenter ce qu'était le monde antique, autour de Jésus et dans l'Empire romain. Les relations humaines étaient fondées sur l'appartenance au groupe et sur une certaine ségrégation. Les citoyens romains étaient jugés selon la loi romaine — à laquelle l'apôtre Paul fera appel lorsqu'il sera arrêté. Les juifs n'avaient pas le droit — selon leur religion, au risque de devenir impurs — d'entrer dans la maison d'un romain ou de manger avec lui (Ac 10:28).
    Jésus a fait tomber ces barrières et les chrétiens ont formé des Eglises qui réunissaient juifs et païens. Aujourd'hui, nous n'aurions pas idée de refuser de manger avec quelqu'un parce qu'il est d'une religion ou d'un pays différent.
    Dans l'Antiquité, il y avait une hiérarchie entre hommes et femmes, des rôles bien déterminés. Les femmes étaient dépendantes des hommes, d'abord du père, puis du mari, puis du frère ou du fils. Le christianisme a donné une nouvelle place à la femme, même si — il faut le reconnaître — l'institution de l'Eglise est vite devenue une affaire d'hommes qui ont, à nouveau, exclu les femmes.
    Le mot d'ordre de Jésus : "Aimez-vous les uns les autres !" a souvent passé par d'autres canaux, dans la société, pour que cette égalité — pas encore parfaite — devienne la norme aujourd'hui (en tout cas dans l'idéal).
    Ce commandement a également bouleversé les relations de travail en remettant fondamentalement en cause la pratique de l'esclavage : si nous sommes tous égaux devant Dieu, comment peut-on exploiter des esclaves ?  L'esclavage de l'Empire romain a finalement été aboli par la force du christianisme, même s'il y a eu des rechutes avec l'esclavage des noirs. De nouveau-là, le commandement nouveau a repris le dessus et l'esclavage a été aboli, puis les droits des noirs américains restitués grâce à l'action du pasteur Martin Luther King.
    Tout cela a pris du temps et des chemins qui passent tantôt par l'Eglise : la mise en place des hospices pour recueillir les malades et les démunis, tantôt par la société civile : la déclaration des Droits Humains. Mais le commandement garde sa nouveauté et sa force de changement : le changement des rapports humains, des relations humaines.
    Savez-vous qu'entre l'Antiquité et aujourd'hui, la violence physique — les blessures et les meurtres — a diminué de cent à un ! Même s'il y a encore quelques irréductibles, nous réglons nos conflits par le dialogue, plutôt que par la violence. Même si ce dialogue passe parfois par les tribunaux, c'est une façon non-violente de résoudre un différend. C'est une application pratique du commandement de Jésus.
    Jésus a demandé à ses disciples de suivre son mot d'ordre comme signe pour tous les humains de quelque chose de nouveau pour le monde, comme un signe de ralliement de tous ceux qui croient, signe qu'il est possible de changer les rapports humains, de faire diminuer la violence, de faire augmenter le respect mutuel.
    Et ça a marché ! Pas parfaitement évidemment. Le monde n'est pas le paradis, la violence, bien que diminuée, est encore présente; l'inégalité, bien que diminuée, est encore présente; les rapports de force, bien que diminués, sont encore présents; les ségrégations, bien que diminuées, sont encore présentes. Cela dit le chemin parcouru — et pour lequel nous pouvons être reconnaissants, mais cela dit aussi le chemin qu'il reste à parcourir, le travail qu'il faut continuer à faire.
    Le mot d'ordre de Jésus reste d'actualité, il garde sa force de changement, pourvu qu'il y ait des gens pour en reconnaître la valeur, pour le transmettre, pour le mettre en pratique.
    Je vois deux domaines particuliers — chez nous — où nous avons beaucoup à progresser : dans la famille, d'abord, dans la communication dans le couple et avec les enfants. Il y a trop de divorces et d'enfants qui en souffrent. Pas parce que le divorce serait en soi immoral, mais parce qu'il fait souffrir et le couple et les enfants. Si nous apprenions à mieux communiquer — dès le début — dans le couple, nous nous éviterions beaucoup de souffrances.
    L'autre domaine qui mine notre société est la solitude. Et là, je salue le travail de votre Honorable Abbaye. En rassemblant notre village pour une fête, vous créez du lien — comme on dit. Vous permettez aux gens de se rencontrer, en vrai, pas en virtuel. Alors qu'en général, par peur de déranger, on s'enferme dans la solitude et dans l'ennui.
    En nous donnant ce "commandement nouveau," Jésus nous rappelle que les rapports humains peuvent changer, que le malheur n'est pas une fatalité, que les conflits peuvent se résoudre dans le dialogue, que la solitude se dissout dans la communion. Vivons ces relations renouvelées et que la fête soit belle.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Jean 21. Etre conduit par le Christ.

    Jean 21

    10.5.2009
    Etre conduit par le Christ.
    Jn 1 : 35-43    Jn 21 : 15-19

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Avec ce dialogue entre Jésus et Pierre, nous arrivons au dernier épisode de l'Evangile de Jean, au dernier entretien de Jésus avec ses disciples. Ce dialogue se déroule juste après la pêche abondante et le repas partagé avec l'inconnu qui se révèle être Jésus sur la grève du lac de Galilée. Avant de quitter ses disciples pour retourner vers son Père à l'Ascension, Jésus doit encore affermir ses disciples pour qu'ils puissent accomplir leur mission.
    Dans ce dialogue, Pierre est le représentant de tous les croyants. Jésus ne parle pas seulement à Pierre, il nous parle à nous aussi il parle à toute l'humanité. Jésus pose trois fois la même question : "Pierre, m'aimes-tu ?" (Jn 21:15-17) Toi, mon disciple, m'aimes-tu ? Pourquoi une telle insistance ?
    Une première réponse concerne Pierre personnellement. Par trois fois, il a renié Jésus avant sa Passion. Faire dire à Pierre, par trois fois, qu'il aime son Seigneur, est une façon d'effacer le reniement, de passer plus loin, d'accepter le pardon reçu et la force de dépasser la faute. Ainsi, par trois fois, Jésus répète "Fais paître mes brebis." Une façon pour Jésus de redire, trois fois aussi, à Pierre qu'il lui fait confiance, il peut accomplir sa tâche, sa mission.
    Une autre réponse à cette insistance émerge si nous considérons que cette question nous est posée à nous. Vous connaissez l'énigme antique que le sphinx pose à Œdipe : "Qu'est-ce qui a quatre pattes le matin, deux pattes à midi et trois pattes le soir ?" C'est l'être humain dans les trois périodes de sa vie : petit enfant il marche à quatre pattes, adulte il est sur ses deux pieds et vieillard, il marche avec une canne.
    Nous passons tous par ces trois stades de la vie et Jésus nous repose la question "m'aimes-tu ?" à ces différents âges. Notre foi d'enfant n'est pas la même que notre foi d'adulte. Elle doit grandir, évoluer. Elle change selon les circonstances et les épreuves que nous traversons. elle doit encore s'adapter, évoluer quand nous entrons dans les soucis de l'âge et les problèmes de santé qui en découlent.
    A chacun de ces passages, Jésus nous redemande : "m'aimes-tu ?" et renouvelle notre ordre de mission. "Prends soin de ceux qui te sont confiés." Et notre mission n'est pas forcément la même à tout âge, comme jeunes avec nos camarades, comme adultes avec nos enfants ou nos collègues, comme retraités avec nos petits-enfants ou nos contemporains.
    Jésus nous suit dans la vie, il nous accompagne et renouvelle sa présence auprès de nous, son amour. Il nous demande aussi de nouvelles choses. C'est comme cela que je comprends la fin du dialogue entre Jésus et Pierre. C'est un échange énigmatique que je vous relis : "Je te le déclare, dit Jésus, c'est la vérité : quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture et tu allais où tu voulais, mais quand tu seras vieux, tu étendras les bras, un autre te mettra ta ceinture et te mènera où tu ne voudras pas aller." (Jn 21:18)
    Jésus dit à Pierre : dans ta jeunesse, tu t'habillais toi-même et tu choisissais où tu voulais aller, mais maintenant ou bientôt, quelqu'un d'autre t'habillera et te conduira là où tu n'as pas choisi d'aller. Je vois trois interprétations possibles :
    •    soit le fait d'être servi : quelqu'un te tendra tes habits et te servira de chauffeur,
    •    soit l'entrée dans la dépendance : quelqu'un t'habillera, te nourrira, te conduira par la main,
    •    soit, finalement : tu ne seras plus libre de tes mouvements, mais emprisonné, ceinturé, et l'on te conduira au lieu de ton martyre. C'est comme cela que la tradition l'a interprété, parce que l'histoire l'a confirmé.
    Mais qu'est-ce que cela peut nous dire à nous, si Pierre est vraiment la figure de tous les croyants ? Je crois qu'on peut y lire notre destinée à tous. Dans un premier temps de notre existence — lorsque nous ne connaissons pas Jésus ou que nous ne le suivons pas — nous suivons notre première nature, celle d'être pécheurs. Nous faisons ce que nous voulons, nous allons là où nous voulons, c'est-à-dire là où notre nature égoïste nous dirige. Comme Adam et Eve, nous nous habillons nous-mêmes — de feuilles de figuier (Gn 3:7). Nous suivons notre propre volonté, celle qui a été troublée par le serpent.
    Mais lorsque nous nous laissons trouver par le Christ, lorsque nous nous laissons remplir par son amour, c'est lui qui nous habille d'un nouveau vêtement, le vêtement de noce (Mt 22:12), la robe de fête du Royaume de Dieu et nous nous laissons guider, conduire par lui.
    Et lorsque nous remettons la conduite de notre vie à Jésus, il nous conduit selon sa volonté, là où il le veut. Nous n'allons plus là où notre première nature voulait aller, nous suivons la voie du Christ.
    Jean-Baptiste, en voyant Jésus pour la première fois, a dit : "Voici l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde." (Jn 1:29) Jésus, par son amour, ôte notre péché pour nous revêtir de la robe du Royaume, ce qui nous permet de répondre à son appel : "Toi, suis-moi !" (Jn 1:43; 21:19) Ce qui nous permet de répondre à sa mission : "Fais paître mes brebis !"
    Dans chacune des périodes de nos vies, Jésus renouvelle sa question : "m'aimes-tu ?" A chaque période de nos vies, nous avons à répondre à l'appel de Jésus, en quittant notre première nature pour nous laisser guider par sa volonté. Lui répondons-nous — aujourd'hui comme hier — "Toi qui connais tout, tu sais bien que je t'aime !" ?
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Jean 21. "Avez-vous quelque chose à manger ?"

    Jean 21

    26.4.2009
    "Avez-vous quelque chose à manger ?"
    Jean 6 : 29-35    Jean 21 : 1-14

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Depuis Pâques, nous lisons les récits des apparitions de Jésus dans l'Evangile de Jean. Il y a d'abord eu le matin de Pâques avec Marie-Madeleine, Pierre et le disciple que Jésus aimait. Puis le soir de Pâques, Jésus est apparu à quelques disciples dans une pièce fermée où ils étaient réunis. Une semaine après cela, Jésus apparaît dans les mêmes circonstances pour se présenter à Thomas qui doutait du témoignage de ses compagnons.
    Aujourd'hui, nous avons entendu le récit d'une troisième apparition de Jésus. Si les deux premières ont eu lieu à Jérusalem ou dans les environs immédiats, cette troisième apparition a lieu au bord de la mer de Tibériade, selon l'appellation romaine, appelée lac de Galilée par les habitants du coin (comme nous disons "Lac Léman" quand les américains disent "Geneva Lake.")
    Les disciples sont donc de retour chez eux. Deux à trois semaines après Pâques et la rencontre avec le Ressuscité, le soufflé semble retomber. Chacun rentre chez soi, la fête est finie, la vie de tous les jours reprend le dessus. Pour nous aussi, le train-train a repris après les fêtes de Pâques, la joie et les réunions de famille. Alors c'est tout ? Rien n'a vraiment changé ?
    Le travail reprend, Pierre repart à la pêche, ses compagnons le suivent : on ne peut pas rester sans rien faire; il faut bien manger, donc gagner sa croûte. Mais voilà, ils ne prennent rien cette nuit-là. Toute une nuit de travail et au final : rien à se mettre sous la dent pour reprendre des forces !
    Terrible parabole de la vie, terrible répétition de la malédiction d'être chassé du paradis : "Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front." (Gn 3:19) Terrible réalité d'une vie qui nous laisse constamment sur notre faim.
    Nous ne réalisons pas ce à quoi nous aspirons. La vie ne nous rassasie pas. Nous sommes constamment en quête, en quête de nouveauté, en quête d'être comblés, à courir toujours à nouveau après on ne sait plus quoi pour être assouvis, en paix, serein. Qui comblera notre faim, notre attente ?
    Après cette nuit qui n'a enfanté que du vide dans nos filets, l'aurore se lève et un inconnu sur le rivage vient demander : "Avez-vous quelque chose à manger ?" (Jn 21:5). Jusqu'à présent j'avais toujours compris cette question comme "Avez-vous quelque chose à me donner à manger ?" Mais plus loin dans le récit, Jésus ayant renvoyé ses disciples à la pêche, il a de la nourriture qu'il fait cuire pour les disciples en attendant leur retour (Jn 21:9). Aussi, faut-il plutôt entendre la question de Jésus comme : "Avez-vous de quoi vous nourrir ?" Avez-vous ce qu'il faut pour combler votre faim, vos aspirations ? Le monde vous donne-t-il de quoi être comblé ? Et les disciples de reconnaître : "Non" (Jn 21:5). Et l'on peut deviner les explications : Nous ne cessons de chercher et nous ne trouvons rien pour nous combler !
    Et l'inconnu les renvoie à la pêche et le filet est, cette fois, plein à se rompre. Faisaient-ils tout faux auparavant ? Je crois que le récit ne met pas en avant le miracle, la pêche miraculeuse, mais la présence de Jésus. Ce récit tisse plein de liens avec le récit de la multiplication des pains (Jean 6) après laquelle Jésus déclare : "Je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n'aura jamais faim et celui qui croit en moi n'aura jamais soif" (Jn 6: 35).
    Pendant que Pierre et ses compagnons sont dans leurs barques, Jésus a préparé un feu de braise et y a fait cuire du pain et des poissons (comme dans Jn 6:9) pour nourrir les disciples à leur retour. Quand les disciples s'aperçoivent qu'ils ont quantité de poissons dans leur filet, le disciple que Jésus aimait reconnaît l'inconnu. Ensuite, les autres disciples se doutent bien de quelque chose quand l'inconnu les invite à manger le repas préparé, et leurs yeux s'ouvrent complètement lorsqu'il prend le pain et le leur donne — les mêmes gestes que lors de leur dernier repas avec Jésus.
    Ce récit qui semblait nous dire : tout votre travail est vain si vous n'utilisez pas la "méthode Jésus" se transforme pour nous dire : Il n'y a pas de nourriture en dehors de Jésus. Le monde ne nous donne rien qui puisse combler notre faim, nos aspirations, notre besoin d'être aimés, soutenus, portés, pacifiés.
    Jésus est le pain de vie, la nourriture qui répond à nos aspirations, la nourriture qui répond à notre quête. Jésus vient sur le bord de la mer de Tibériade pour combler ses disciples, pour les nourrir, pour être leur nourriture : "prenez et manger, ceci est mon corps."
    Ensuite — parce que ce récit est aussi un envoi missionnaire — rassasiés, les disciples pourront porter la bonne nouvelle. Et l'on pourra lire — dans un deuxième temps — cette pêche miraculeuse comme la constitution de l'Eglise qui rassemblera tous les humains de la terre. "Je vous ferai pêcheurs d'hommes" disait Jésus (Mc 1:17) au début de son ministère. Mais il ne faut pas renverser l'ordre voulu par Jésus. C'est parce qu'il nous nourrit en premier de sa vie, que nous pouvons ensuite jeter notre filet sur le monde. Et jeter le filet, c'est annoncer la bonne nouvelle que Jésus vient nous nourrir de sa vie, qu'il vient remplir nos aspirations, qu'il vient combler nos attentes et nous donner la paix intérieure.
    Dans le récit de la multiplication des pains et des poissons, après que tous ont mangé, il reste encore des corbeilles pleines à distribuer. La bonne nouvelle, c'est que l'amour de Dieu ne s'épuise pas. Jésus est le pain de vie pour chacun, pour tous, il est là en abondance, n'ayons crainte de le partager avec tous ceux qui nous côtoyons.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009