Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

prédication - Page 14

  • Conte : Ce soir c’est Noël !

    Veillée du 24 décembre 2016

    Conte : Ce soir c’est Noël !

    Reprise de :

    http://clamans.hautetfort.com/archive/2013/12/23/conte-ce-soir-c-est-noel-5253961.html

  • Le recensement qui compte (suite)

    Luc 2

    18.12.2016

    Le recensement qui compte…

    Luc 2 : 1-18     Mat 2 : 1-6

    télécharger le texte : P-2016-12-18.pdf

     

    Quelques mots pour prolonger la saynète des enfants. Chacun compte, donc ! Nous n’avons pas trop de problème avec cette idée d’égalité, avec l’idée que chacun est égal aux yeux de Dieu et que cela devrait aussi être le cas dans la société.

    Mais qu’en est-il de notre propre valeur ? à nos yeux ? Oui, dans le fin fond de soi-même, dans notre être intérieur, au creux de notre estomac, qu’en est-il de notre estime de nous-mêmes ? Suis-je sûr de moi ? Pas dans l’arrogance, simplement dans la lucidité. Comment ai-je confiance en moi, face aux autres ? Si je dois m’exprimer dans un groupe, si je dois faire valoir mes idées face à mon patron ou simplement face à mon conjoint ? Ou bien, ai-je des questionnements tels que “Est-ce que j’en fais assez ?” ; “Est-ce que mon repas de Noël va plaire ?” ; “Est-ce que mes cadeaux seront appréciés?” ; “Est-ce que je suis à la hauteur ?”

    On estime que la moitié de la population cache un sentiment intérieur d’insécurité, (on appelle cela le syndrome de l’imposteur). Croire qu’on va être dévoilé; croire qu’on n’est pas à sa place et que cela va finir pas se savoir. Alors on déploie des efforts et de l’énergie pour masquer cela, dans l’angoisse d’être découvert, malgré tout. On craint de tout perdre.

    Comment sortir de ce sentiment ? Comment être sauvé de cet enfer ? Et bien j’ai une bonne nouvelle. La bonne nouvelle de Noël, c’est que nous n’avons pas à gagner notre valeur et notre vie pour ne pas perdre la face. La vie nous est donnée une fois pour toute, avec sa valeur. La valeur de notre vie est déjà assurée, garantie, en Dieu. Nous comptons pour Dieu et il garanti la valeur de notre vie, quoi qu’il arrive. Si vous avez des doutes sur le “quoi qu’il arrive”, je vais l’illustrer par une parabole.

    Vous voyez ce billet de banque (sortir un billet de 20 francs). Quelle est sa valeur ? Oui, il vaut 20.- au sortir du bancomat, tout neuf, tout beau. S’il passe de mains en mains et se froisse et s’use. Combien vaut-il ? Et s’il tombe dans la boue et ressort franchement sale. Combien vaut-il ? Et s’il est piétiné, taché, même écorné et déchiré, Combien vaut-il ? Il vaut toujours la même chose ! Il ne change pas de valeur quoi qu’il lui arrive ! Pourquoi cela ? Parce que la BNS en garantit sa valeur, sa valeur faciale.

    Il en est de même pour nous de la part de Dieu. Notre valeur faciale est donnée dès notre naissance, elle ne varie pas aux yeux de Dieu en fonction de ce que nous vivons ou de ce qui nous arrive. Nous avons toujours notre pleine valeur quoi qu’il arrive. Dieu sauve notre valeur, malgré tous les aléas de notre existence.

    C’est la bonne nouvelle que Dieu nous communique à Noël. La vie nous est donnée, notre valeur nous est donnée et elle est assurée, garantie, sauvé en Dieu. Faisons-lui confiance et soyons libérés, sauvés de nos inquiétudes et de nos soucis sur nous-mêmes.

    Joyeux Noël.

    © Jean-Marie Thévoz, 2016


     

  • Le recensement qui compte…

    Luc 2

    18.12.2016

    Le recensement qui compte…

    Luc 2 : 1-18     Mat 2 : 1-6

    Saynète jouée par un groupe de 16 enfants

    Scène 1 :     

    Narratrice :      A Rome, l’empereur décide un recensement de tout son empire, il aime les chiffres et aujourd’hui lui paraît un bon jour pour comptabiliser les sujets de son grand empire. Aujourd’hui, c’est le 27 du mois de Quintilis, il sait qu’il faut s’y prendre bien à   l’avance car cela prendra un certain temps et pour la fête du solstice d’hiver les comptes devront être bouclés.

    Centurion :      Soldats, je compte sur vous! L’empereur compte sur vous pour une mission qui sera une mission de grande envergure, le recensement de toutes les personnes de tout son empire.

    Soldat : Et comment allons-nous nous y prendre ? Faut-il vraiment compter tout le monde, hommes, femmes, enfants, esclaves ?

    Centurion :      Non, bien sûr, je veux des chiffres de valeurs sûres : vous compterez les hommes           d’abord ; il m’importe peu de connaître le nombre d’esclaves, d’enfants et d’étrangers bien entendu. L’empereur veut un empire romain fort, solide et sûr. Vous compterez donc d’abord les hommes. Si cela vous pose problème, je peux trouver d’autres soldats pour vous remplacer. J’ai des lions qui ont faim pour ceux qui refusent…

    Tous les soldats : Bien, à vos ordres !

    Soldat :            Bon, il ne faut pas traîner, sinon les lions ce sera pour nous.

    Narratrice :      Le centurion envoie des soldats dans toutes les régions de l’empire pour faire ce recensement.

    Chant : Ils ont marché aux pas des siècles.

    Scène 2 :   

    Narratrice :      A Rome le recensement se met rapidement en place, mais dans les provinces éloignées c’est plus compliqué, les centurions ont convoqué leurs chefs de dizaines et organisé une formation d’une journée, comptabilisée en formation continue :

    Centurion :      Soldats, il n’y a pas de temps à perdre, la formation sera brève, parce que la       tâche est simple et que vous êtes des hommes vaillants. Pas compliqué. Voici la marche à suivre : Point 1 : Donnez des instructions claires et précises à vos employés. Point 2 : Fournissez stylos et papiers en nombre suffisant. Point 3 : Faites noter les consignes : seront comptabilisés les hommes seulement. Parmi les hommes, on ne consignera ni les étrangers, ni les sans domicile-fixe, ni esclaves. A chaque homme correspondra un trait sur le papier. Pour les femmes ce sera un demi-trait et pour tous les autres 0. Questions ?

    Soldat : Oui, chef, comment y sera le trait pour un homme ?

    Centurion :      Comme un bâton, il me semble que c’est cela qu’on vous a appris au berceau, non ?...Viens au tableau : un trait pour un, 2 traits pour 2, 3 traits pour 3, un trait devant le V pour 4. Le V tout seul pour 5.

    Narratrice :      La formation est terminée ; tout le monde sait qui il faut compter et comment. Et chacun part dans une région de l’empire, comme l’a décidé l’empereur, pour y recenser les habitants.

    Lecture biblique : Recensement. Luc 2, 1 à 5

    Scène 3 :   

    Narratrice :      Il y a 2000 ans, à peu près, à Bethléem, étaient assis des recenseurs. Vous savez, ceux qui doivent inscrire les gens selon l'ordre de Rome, ceux qui doivent compter pour que Rome puisse dénombrer chaque individu. Ils sont réunis, ce matin-là, autour de leur chef qui leur rappelle brièvement les consignes :

    Recenseur :     Souvenez-vous : un homme vaut un point. Une femme vaut un demi-point, car il faut deux femmes pour faire un homme. Un enfant c’est zéro ne le comptez pas, car cela ne vaut pas encore grand-chose. Un étranger zéro, rien, il n'est pas d'ici. Est-ce bien clair ?

    Les soldats:     Oui chef !

    Recenseur :     Bon alors toi, tu te postes à l’entrée de ce chemin là-bas. Toi tu vas à la voie romaine. Vite dépêchez-vous, là-bas il y a des gens qui arrivent.

    Joseph :.         Marie, ça y est nous arrivons à Bethléem, nous allons trouver une place à l’hôtel et tu pourras te reposer un peu. Ah non on n’y est pas encore, là-bas il y a de nouveau un recenseur.

    Recenseur :     "Nom et lieu d'habitation ?"

    Joseph :          Moi c’est Joseph et voici ma femme Marie. Elle attend un enfant. Vous savez, nous venons de Nazareth et le chemin a été long. Nous sommes très fatigués et nous cherchons un hôtel pour…"

    Recenseur :     (l’interrompt) "Bon ça va ! J'ai les renseignements qu'il me faut : un homme « +un », une femme "+un demi", un bébé dans le ventre "0", lieu d'habitation "Nazareth". Vos problèmes, ce n'est pas mon problème. Alors passez, j'ai du travail." Au suivant :

    Aubergiste :    Ah non, moi vous m’avez déjà compté, je travaille ici à Bethléem, je suis aubergiste, j’ai affaire, laissez-moi passez.

    Joseph :          Eh monsieur, ai-je bien entendu ? Vous êtes aubergiste ? Ma femme est enceinte, s’il vous plaît logez-nous.

    Aubergiste :    Ça va être compliqué, je crois que chez nous c’est complet, mais allez dans la maison là-bas il y a mon serviteur responsable des réservations pour les voyageurs, c’est lui qui a la liste de mes hôtels.

    Joseph (s’approchant du serviteur) : Bonsoir monsieur, il paraît que c’est vous qui allez pouvoir nous aider.

    Serviteur :       Que puis-je pour vous ?

    Joseph :          Ma femme est sur le point d’accoucher et nous cherchons une chambre.

    Serviteur :       Quoi mais c’est pas possible ça va déranger les autres clients et de toute façon tout est pris.

    Joseph :          Ah là, là, là,… qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire…

    Narratrice :      Heureusement la femme de l’aubergiste passe juste à ce moment-là pour lui apporter son repas…

    La femme :      Tenez mon fidèle serviteur voici votre repas, et vous, vous allez dans quelle chambre ?

    Marie :            Y a pas de place pour nous…

    La femme        (regardant son serviteur) : Mais on ne peut pas les laisser comme ça. On pourrait leur laisser l’étable. 

    Serviteur :       Heureusement que vous ne passez pas chaque fois que des clients me demandent une chambre, car je n’aurai même plus de lit pour moi ! Bon alors je vais vous montrer l’étable.

    Lecture: Luc 2, 6-7.

    Chant : Voici Noël

    Scène 4 :

    Narratrice :      Pendant ce temps au plus haut des cieux, c’est le stress.

    Dieu : Vite mes anges, on se dépêche, c’est mon fils unique qui va naître tout bientôt et je veux que tout soit parfait.

    Ange 1 :         Tout soit parfait laisse-moi rire ! Elle vient d’accoucher dans une étable !

    Ange 2 :          Oh l'ange grognon, ça suffit, dépêche-toi, viens avec nous l’annoncer aux bergers.

    Narratrice :      Les anges annoncent aux bergers la naissance du Fils de Dieu. Après discussion, les bergers se mettent en route pour aller voir le nouveau-né.

    Chant : Gloria de Taizé

    Lectures : Luc 2, 8-14.

    Scène 5 :

    Narratrice :      Pendant ce temps-là les recenseurs ne chôment pas, il faut dire qu’en ce temps-là on ne comptait pas ses heures. Voilà maintenant qu’arrive un tout grand groupe, on dirait des bergers.

    Recenseur :     Bizarre, d'habitude, les bergers ne viennent pas dans les villages. Qu'est-ce qui leur prend? Bonjour: Nom et lieu d'habitation ?

    Berger :           Moi, je m'appelle Jean, et voici mon fils Jean-Gabriel, voici mon père Jean-le-vieux. Et voici mon cousin, Jacob. Voici son fils Jacob-le-jeune et voici son père Jacob-l'ancien. Puis voici mon frère Elie, voici son fils Elie-Benjamin et voici son père Elie-le-sage. Voici mon autre cousin…

    Recenseur :     Mais enfin d'où venez-vous ?

    Berger  3 :       Nous venons d'une prairie là-bas. On gardait les moutons, puis on a vu de belles lumières, c'était Dieu qui nous disait de venir adorer le roi des rois…"

    Recenseur :     Mais d'où venez-vous réellement ?

    Berger 2 :        Nous venons de partout et de nulle part, nous sommes de toute la terre, nous…

    Recenseur :     Quoi, vous n'avez pas de domicile fixe. Alors vous n'êtes pas dignes d’être comptabilisés. Vous n'êtes rien. Zéro. Le soldat leur met un zéro. Et ne restez pas là, vous m'empêchez de travailler.

    Lecture : Luc 2, 15-18 

    Chant : les anges dans nos campagnes

    Scène 6 :

    Narrateur :      Les bergers étant partis pour la crèche, d’autres gens continuent d’affluer et cette fois ça a l’air bien plus intéressant. Ceux qui s’approchent ont l’air bien riche.

    Recenseur :     Ouah ! Magnifique cette belle caravane qui arrive. Que de belles parures, que de beaux chameaux. Ce sont assurément des gens importants.

    Narratrice :      Les recenseurs se redressent, époussètent leurs habits et demandent :

    Recenseur :     Veuillez s’il vous plaît nous indiquer votre nom et auriez-vous l'amabilité de préciser le lieu d'où vous venez ?

    Mage 1 :          Je viens d'une belle contrée au-delà des frontières, je suis le sage d'une ville nommée la très belle.

    Recenseur :     Vous n'êtes pas d'ici. Alors zéro, vous ne valez rien ! Les soldats mettent le 0. Et vous ?

    Mage 2 :          Moi, ma demeure se trouve au-delà des montagnes…"

    Recenseur :     Encore un étranger : zéro. Les soldats mettent le 0.

    Mage  3 :         Nous sommes venus en suivant cette étoile lumineuse. Elle nous a guidés depuis l'au-delà des mers et…

    Recenseur :     Vous me faites perdre mon temps, vous êtes tous des étrangers, partez, Les soldats mettent le 0. vous            me faites de l'ombre et je ne peux pas travailler.

    Mage 1 :          Merci beaucoup, bonne journée à vous, nous on retourne à la suite de notre étoile.

    Lecture : Matthieu 2, 1-6.

    Chant : Il est né le divin enfant.

    Scène 7 :

    Narratrice :      Et pendant que les mages arrivent auprès de Jésus, le recenseur a fini son travail. Il met encore de l'ordre dans ses feuilles, quand tout à coup, un souffle éparpille toutes ses feuilles. Elles s'envolent partout, loin à la ronde. Pris de panique, il se remet en chemin pour recommencer tous ses comptes. Il passe vers tous et note avec son crayon "1" pour les hommes, "un demi" pour les femmes, "0" pour les enfants, "0" pour les étrangers, "0" pour les sans domicile fixe. Au milieu de la nuit, il arrive enfin au dernier hôtel. Il réveille l'hôtelier qui lui indique le nombre de ses hôtes.

    Recenseur :     Enfin, j'ai fini !

    La femme de l’aubergiste : "Mais non, il reste encore l'étable là-bas. J'y ai fait dormir des gens."

    Narratrice :      Le recenseur va vers l'étable, entre et voit les riches personnages, les bergers, l'homme et la femme, réunis tous ensemble.

    Recenseur :     Cela va être facile à compter, beaucoup ne comptent pour rien. Je les reconnais bien, il y a tous ces étrangers venus dont on ne sait où, les bergers.

    Narrateur :      Quand le recenseur s'approche de la mangeoire, il voit l'enfant, un enfant qui le regarde intensément, alors dans son cœur quelque chose se passe.

    Recenseur :     Ce petit être va compter, je le sens. Quand je vois ce regard rempli de vie et de lumière, je me dis que ça ne peut pas compter pour rien. Ah. Mais alors un regard qui compte, c’est ça qui doit être comptabilisé, car moi, je vois bien que je compte à ses yeux. Il faut que je recommence mes calculs. Les bergers et leurs sourires, ça fait Octante coches, (les bergers mettent leur smileys et vont devant l’autel) les mages et la lumière dans leurs regards, ça en fait 3. Joseph et Marie, 2 et l’enfant 1. Je vais noter un pour chaque regard. "1" pour Marie, "1" pour Joseph, "1" pour chaque berger. Et je note même chaque prénom, car c’est important un prénom, ça chante l’amour de celui qui l’a donné. Bon reprenons : "1" pour chaque roi mage sans oublier "1" pour chaque serviteur.

    Narratrice :      A la fin, il fait les comptes et quand il les présente à son centurion, il est le seul à fournir un si grand nombre de coches et personne n’y comprend rien et tous se moquent de lui, mais à la crèche chacun s’était réjoui de cette nouvelle manière de compter. Un berger avait même dit :

    Berger 3 :        ça ne m’étonne pas, parole de berger, quand on compte avec le cœur, c'est le ciel et la terre qui se rejoignent. Et ça donne une autre valeur aux gens".

    Narratrice:       Il ne reste plus qu’à raconter cette histoire à tous ceux qui comptent pour nous. Venez les enfants, chacun de nous compte pour Dieu (tous enfants viennent chercher leur smileys). Dieu nous aime tous et il nous accueille ; allons le dire.

    Tous les enfants : Alors allons-y… (et tous s’en vont partout dans l’église distribuer les smileys.)

    D’après un compte de Noël trouvé sur http://cossonaygrancy.old.eerv.ch/2010/12/25/un-compte-de-noel/ et adapté par les monitrices du culte de l’enfance de la paroisse.

     

     

  • Esaïe 11. L'âne et le bœuf autour de la crèche

    Esaïe 11

    11.12.2016

    L'âne et le bœuf autour de la crèche

    Es 1 : 1-3        Es 11 : 1-10       Jean 1 : 1-5 + 10-11

     

    Télécharger le texte : P-2016-12-11.pdf

     

    Chers frères et sœurs en Christ,

    Aujourd'hui, je souhaite vous parler de l'âne et du bœuf de la crèche !

    Il n'y a pas de représentations de la naissance de Jésus sans l'âne et le bœuf, ce sont des figures incontournables ! Pourtant l'âne et le bœuf ne figurent pas dans les récits de la naissance de Jésus qu'on trouve dans le Nouveau Testament. L'âne et le bœuf sont des ajouts de la tradition. Bien sûr, la crèche, qui est une mangeoire pour animaux, suggère la présence d'animaux domestiques, et le pas a été vite franchi.

    L'âne est l'animal domestique voué au transport et la tradition — de nouveau elle — montre Joseph conduisant l'âne sur lequel est assise Marie. Seule pour le voyage de Nazareth à Bethléem, avec Jésus dans ses bras pour la fuite en Egypte, c'est à cela qu'on distingue les deux épisodes sur les tableaux, les mosaïques ou les vitraux. Le bœuf, de son côté, est l'animal de trait, celui ou ceux qui sont sous le joug et qui tirent la charrue pour tracer le sillon. Deux animaux communs, ordinaires et proches de la population d'un monde rural.

    Mais l'âne et le bœuf n'ont pas été introduits dans les tableaux ou récits de la nativité "pour faire joli", "pour faire champêtre", mais pour donner du sens ! Au fil de mes recherches, j'ai découvert trois pistes, trois références ou interprétations qui donnent du sens à la présence de ces animaux.

    1) Dans la première piste, les rôles de l'âne et du bœuf sont indépendants l'un de l'autre. Le bœuf est retenu pour son aspect placide, pacifique. On trouve cet aspect dans l'annonce de la venue du Messie dans Esaïe où les animaux cohabitent en paix et où le bœuf devient l'exemple pour le lion : "Le lion, comme le bœuf, mangera du fourrage." (Es 11:7) Le bœuf, animal pacifique, appartient au monde futur du Messie.

    L'âne, lui, nous renvoie à l'épisode du prophète Balaam (Nombres 22), où l'âne (en fait une ânesse), chevauché par Balaam voit l'ange qui lui barre le chemin, alors que le prophète ne le voit pas. Ici l'âne est l'animal qui voit Dieu là où l'homme est encore incapable de le distinguer. L'âne de la crèche percevrait donc déjà la divinité de Jésus encore nourrisson, bien avant les humains.

    2) Deuxième interprétation. L’âne et le bœuf sont ensemble. Cette interprétation se fonde sur un verset d'Esaïe : "Un bœuf connaît son propriétaire, et un âne le maître qui lui donne à manger." (Es 1:3) Cette phrase doit être comprise dans son contexte : Esaïe a en face de lui un peuple rebelle, révolté contre son Dieu.

    Le peuple d'Israël ne reconnaît plus Dieu comme son Seigneur et son maître, comme celui qui le nourrit et lui veut du bien. Aussi Esaïe désigne-t-il les animaux comme des exemples. Même les animaux sont capables de reconnaissance envers leur maître. Vous les humains, qui n’êtes plus capables de reconnaître votre maître, Dieu, d’être reconnaissant pour tout ce qu’il vous donne, et bien vous êtes moins que des bêtes, vitupère Esaïe.

    L'âne et le bœuf dans la crèche ont là un rôle de mise en relief, de repoussoir : ils rappellent le péché humain, la distance que les humains mettent entre eux et Dieu. Ces animaux rappellent que le Christ naît dans un monde d'obscurité, de mal, de mensonge.

    L'Evangéliste Jean le dit en d'autres termes : "La lumière brille dans l'obscurité, et l'obscurité ne l'a pas reçue. Celui qui est la Parole était dans le monde. Dieu a fait le monde par lui, et pourtant le monde ne l'a pas reconnu. Il est venu dans son propre pays, mais les siens ne l'ont pas reçu." (Jn 1:5+10-11).

    Avant que les bergers n’arrivent à la crèche, l'âne et le bœuf sont là, signalant l'impossibilité des humains à recevoir Dieu, sans qu'il prenne lui-même l'initiative !

    3) Troisième piste, une interprétation rabbinique à partir de la signification symbolique de ces deux animaux. Le bœuf est l'animal qui tire la charrue et trace le sillon. Il est le symbole de celui qui va droit, qui marche droit, le symbole de celui qui suit une direction. C'est donc le symbole de l'homme intègre, celui qui suit la direction de la Torah, qui marche droit en suivant la volonté divine.

    L'âne, lui, est l'animal têtu, qui résiste, qui ne se laisse pas guider s'il a une autre idée dans la tête. Il représente la nature humaine dans ce qu'elle a d'indomptable, de raide, de récalcitrant. (C'est peut-être cet âne que Jésus monte aux Rameaux et qu'il dompte (peut-être en lui-même) pour accepter la volonté divine.) Ainsi dans la crèche, au pied de Jésus se retrouvent autant l'homme droit que l'homme révolté. Tous deux sont là et ont également besoin du salut qu'apporte Jésus (comme les deux fils de la parabole du fils prodigue !).

    Voilà pour les trois pistes de réflexion. Que pouvons-nous en retenir ? Au-delà du charme champêtre, la présence de ces deux animaux près de la crèche nous rappelle les deux côtés opposés mais inséparables de l'humanité.

    D'un côté, l'âne et le bœuf sont là pour nous rappeler que nous oublions sans cesse qui est notre maître et propriétaire, qui est Dieu pour nous et qu'il nous veut du bien. Le Messie arrive dans un monde qui lui est hostile, et il ne l'est pas moins aujourd'hui qu'hier ! La venue de Dieu dans le monde amène à une confrontation, un jugement : nous ne savons pas servir Dieu convenablement (lisez tout le premier chapitre d'Esaïe).

    De l'autre côté, en présentant aux humains le signe d'un nouveau-né, Dieu n'est pas venu menacer les humains de son jugement, mais nous sauver, nous délivrer du mal pour nous réconcilier avec Lui. Que l'on soit obéissant à la Loi ou révolté, peu importe, nous avons tous besoin du salut que Jésus apporte, nous avons tous besoin de sa grâce.

    Dans les deux cas, le Christ est venu pour nous, pour nous réconcilier avec Dieu, pour que nous entrions dans sa lumière. Que l’on soit “âne” à la nuque raide, ou plutôt “bœuf” qui marche droit, nous recevons le même cadeau de la venue de Jésus. Il vient pour nous. Il vient pour tous, pour tous les humains de la terre, pour apporter son amour inconditionnel à tout humain.

    Amen  

    © Jean-Marie Thévoz, 2016

  • Exode 17. Recevoir la force de ne pas baisser les bras

     Exode 17

    20.11.2016

    Recevoir la force de ne pas baisser les bras

    Exode 17 : 8-13      Ephésiens 3 : 14-19      Matthieu 7 : 24-29

    Télécharger le texte : P-2016-11-20.pdf

    Chers frères et sœurs en Christ,

    Plusieurs d'entre vous sont venus ce matin en réponse à notre invitation, pour vivre un culte de l’espérance. Un temps de culte pour nous rappeler les deuils vécus, les séparations subies, les chagrins éprouvés. Cependant, je n'ai pas l'intention de vivre ce culte avec vous en me tournant vers le passé. Je souhaite que nous vivions d'abord dans le présent un temps reconstituant, un temps de reconstruction, de re-création avec Dieu.

    Pour retrouver ainsi des forces et avancer vers un avenir plus serein, plus confiant, j'ai choisi ce texte de l'Exode qui nous montre Moïse soutenir un combat. Je prends délibérément l'option d'une interprétation symbolique de ce récit.

    On nous dit que Josué, à la tête du peuple hébreu combat le peuple des Amalécites, leurs ennemis. L'issue du combat repose sur les épaules de Moïse. "Tant que Moïse tenait un bras levé, les Israélites étaient plus forts, mais quand il le laissait retomber, les Amalécites l'emportaient" (Ex 17:11) dit le récit. Dans le récit, il y a deux armées en présence qui combattent pour avoir le dessus. Mais bizarrement, l'issue du combat ne dépend aucunement de ces forces en présence, mais d'un homme (en dehors du combat) qui lève ou baisse les bras ! Tout est lié à la position du bras, tout est lié au lieu que désigne le bras. Soit il montre le ciel, soit il montre la terre. Le bras désigne, montre, deux réalités différentes, les réalités auxquelles on peut se raccrocher, se rattacher, se confier lorsqu'on est engagé dans un combat, dans une lutte pour la vie.

    Je crois que lorsqu'on est touché par le deuil, lorsqu'on perd quelqu'un qu'on aime, on est entraîné au cœur d'une bataille entre les forces de vie et les forces de mort. Un combat qui se déroule à l'intérieur de soi-même, où l'on est ballotté d'une pensée à une autre, d'une émotion à une autre, d'un comportement à un autre. Il y a des moments où l'on s'accroche à toute parole rassurante, à tout signe, à tout espoir, et des moments de découragement, de tristesse, de lassitude ou de rage, où l'on a envie de laisser tomber ses bras et de tout abandonner. Parfois on lève les bras vers le ciel pour demander un peu de force, parfois on baisse les bras et on est tenté de s'abandonner au malheur.

    Même Moïse fatigue et peine à tenir le bras levé. Il y a une inertie, une réalité de la nature, qui va dans le sens du bas, de l'abandon. Il est "dans la nature des choses", "dans la nature du monde" que tout aille vers sa dégradation, vers la mort.

    Cependant, la Bible, l'Evangile, nous alerte sur l'existence d'une autre force, d'une autre réalité, qui tend vers le haut, qui tend vers la vie, vers la vraie vie.

    J'aimerais illustrer ces deux réalités par une petite histoire tirée du bouddhisme :

    "Bouddha rencontre un bandit qui a l'habitude de tuer ceux qu’il rencontre.

    Bouddha demande au bandit :

    — Peux-tu me faire le plaisir de couper une branche avec ton épée ?

    Le bandit coupe la branche et lui demande ce qu'il doit en faire.

    — Remets-la à sa place, dit Bouddha.

    Le bandit se met à rire :

    — Tu deviens fou de penser qu'on peut faire ça !

    — Au contraire, c'est toi qui est fou de penser qu'on est puissant parce qu'on peut blesser ou détruire. C'est une pensée d'enfant. Les puissants sont ceux qui savent comment créer et guérir." *

    La vraie puissance n'est pas dans "la nature des choses", dans la réalité des apparences. La vraie puissance est ailleurs. La vraie puissance est dans la possibilité :

    - de rendre l'espoir à un être fragile,

    - de réconforter celui qui pleure,

    - de tourner vers la vie celui qui baisse les bras.

    La Bible, l'Evangile et le témoignage des croyants, nous rappellent que Dieu a abandonné la toute-puissance du bandit pour développer la puissance fragile du simple, celle qui crée, construit et guérit, celle qui redonne de la force, là où l'on pensait que tout avait été épuisé.

    La résurrection de Jésus fait partie de ces signes à la fois fragiles — nous n'en avons aucune preuve, c'est une question de foi — et en même temps puissants : le signe dit qu’on est en droit de croire que la mort n'a pas le dernier mot — malgré toutes les apparences contraires. Croire cela en dépit de tout, parce que c’est notre dignité d’être humain de donner du sens, même — surtout — quand tout paraît absurde. Lever le bras vers Dieu pour recevoir cette foi et le reconnaître à nos côtés dans notre souffrance, c'est le premier geste que nous pouvons faire. Cette confiance est le premier pas, confiance dans la bonté de Dieu.

    Dans la lutte du deuil pour reprendre pied dans la vie, il est important de bien identifier qui sont nos alliés et qui sont nos ennemis. Si nous mettons Dieu du côté de la nature et de l'inertie, qui pourra nous sauver du désespoir et de la haine ? En Jésus-Christ, Dieu a clairement montré qu'il s'est placé à nos côtés, du côté de la vie, des relations vraies, de l'amour et de la vérité. Nous avons, dans les paroles et les gestes de Jésus, de quoi construire nos vies comme une maison bâtie sur le roc (Mat 7 : 24-29).

    Lever les bras n'est pas toujours facile et le récit nous montre que lorsque Moïse faiblit, Aaron et Hour viennent le soutenir. Qui sont les Aaron et Hour qui sont venus à vous pour vous soutenir ? La foi est aussi affaire de relations, de solidarité, de communauté. Comme vous en avez fait l'expérience, c'est souvent dans les moments dramatiques qu'on découvre ce qui nous est précieux, combien les relations et le soutien que l'on reçoit sont importants, combien l'essentiel de la vie se trouve dans l'amour partagé, donné et reçu. Dommage qu'il nous faille passer par des événements tragiques pour le découvrir et nous mettre à apprécier cet essentiel. Tâchons au moins de ne pas perdre cette découverte !

    Vous avez passé par ce combat — pour certains ce combat est encore la dure réalité quotidienne — alors j'aimerais que vous puissiez réaliser que la communauté paroissiale (celle-ci ou celle de votre domicile) est là pour soutenir vos bras levés vers le ciel. Vous n'êtes pas seuls dans votre combat, vous n'êtes pas abandonnés, mais ou contraire entourés de l'amour de Dieu.

    C'est pourquoi j'aimerais reprendre — pour vous — la prière de l'apôtre Paul :

    "Je demande à Dieu (…) qu'il fortifie votre être intérieur, par la puissance de son Esprit, et que le Christ habite vos cœurs par la foi.

    Je demande que vous soyez enracinés et solidement établis dans l'amour, pour être capables de comprendre (…) combien l'amour du Christ est large et long, haut et profond.

    Oui, puissiez-vous connaître son amour (…) et être ainsi remplis de toute la richesse de Dieu." (Eph 3:16-19).

    Amen

    * Antoine Nouis, Un catéchisme protestant, Lyon, Réveil Publications, 1997, p. 263

    © Jean-Marie Thévoz, 2016

  • Jésus accepte toutes les facettes de son humanité

    30.10.2016

    Jean 4

    Jésus accepte toutes les facettes de son humanité 

    Mat 3 : 13-17       Jean 4 : 1-10

    télécharger le texte : P-2016-10-30.pdf

    Chères frères et sœurs en Christ,

    Vous avez entendu le récit du baptême de Jésus —selon l'évangéliste Matthieu — et le début de la rencontre de Jésus avec la femme samaritaine — dans l'évangile de Jean. Ces deux récits sont bien différents, puisqu'ils racontent des événements et des rencontres dissemblables, mais deux choses les réunissent : ils ont l'eau en commun et chaque écrit tourne autour d'une demande de Jésus.

    - Jésus demande à Jean Baptiste de le baptiser et

    - Jésus demande à la femme samaritaine de lui donner à boire.

    Cela paraît évident que, dans la vie, on demande certains services, certaines choses. Cela va de soi ! Pourtant, ici, cela ne va pas de soi, puisque les deux fois, Jésus rencontre une résistance.

    Jean Baptiste s'oppose. Il ne veut pas baptiser Jésus, il trouverait plus normal d'être baptisé par Jésus ! Jean Baptiste voudrait donc inverser les rôles. En disant cela, Jean Baptiste reconnaît, confesse en Jésus un être supérieur à lui, plus proche de Dieu, un être auquel il n'a rien à donner, mais tout à recevoir. Pourtant, Jésus demande ce baptême à Jean Baptiste, même si "théoriquement" Jésus n'a pas à être purifié, pardonné. (Mais les évangiles ne nous présentent pas un Jésus "théorique"). Mais Jésus — bien que Fils de Dieu, comme la voix dans le ciel le proclame lors de son baptême — ne veut pas être élevé au-dessus de sa condition d'être humain, en tout cas pas avant sa mort sur la croix.

    C'est ce que nous retrouvons sous la plume de l'évangéliste Jean dans la rencontre avec la Samaritaine : un Jésus tout humain.

    - Il est en voyage, en marche de la Judée vers la Galilée.

    - Il est midi, il a envoyé ses disciples acheter des provisions au village.

    - Il est fatigué, comme un homme qui a marché toute la matinée sous un soleil de plus en plus chaud. Il s'est assis sur la margelle du puits de Jacob.

    - Il a soif. (Notez que c’est aussi la parole de Jésus sur la croix que l’évangéliste Jean relève dans son Evangile, donnant ainsi à cette rencontre et à cette demande une importance particulière.)

    Jésus a soif, comme tout homme qui a marché longtemps sous le soleil. Jésus est montré comme ayant des besoins humains, il vit une vie d'homme avec tout ce que cela représente de finitude, de soif et de faim à calmer, de fatigue à compenser, de repos à trouver. Et lorsque Jésus a soif, il demande à boire, et il le demande à la personne qui se trouve là, en l'occurrence une femme, une étrangère de surcroît.

    En lui adressant la parole, Jésus brise deux tabous : celui d'un homme qui s'adresse à une femme et celui d'un juif qui s'adresse à un samaritain. Mais Jésus n'a rien à faire de ces tabous, ce qui est important, c'est qu'il manifeste qu'il n'est pas autosuffisant, qu'il ne vit pas de manière autarcique. Jésus manifeste que — comme tout être humain — il a besoin des autres. Pas seulement de ses amis, de ses disciples, qu'il a envoyé chercher à manger. Non, Jésus a besoin de chacun, même des inconnus et il n'a pas peur de le faire savoir. Il demande comme un enfant demande, en toute innocence, en toute confiance.

    Il demande comme nous ne savons souvent pas demander. Je ne sais pas si vous réalisez comme on a peur de demander dans ce Canton, tellement on a peur de déranger, tellement on a appris qu'il fallait y arriver tout seul, par ses propres moyens.

    Il y a souvent de la honte à demander de l'aide.

    - Combien de personnes ici à Lausanne ou dans le Canton se passent d'aide sociale ou de prestations complémentaires d'AVS, parce qu'il faut les demander !

    - Combien sommes-nous à éviter de déranger notre voisine pour lui demander un œuf ou du sucre et à préférer prendre sa voiture pour aller à la station-service pour en acheter le soir ou le dimanche ?

    Cela me rappelle une rencontre que j’ai faite à l’EMS, une ancienne infirmière, qui me disait combien elle trouvait gênant, voir humiliant de devoir demander de l’aider pour se lever, pour sa toilette, pour s’habiller. Elle qui avait consacré sa vie à faire cela pour les autres, qui avait dû trouver valorisant d’exercer ce métier d’aide et de soutien, elle ne supportait pas de se trouver de l’autre côté !

    Demander, c’est difficile, c'est dévoiler un manque, une vulnérabilité, une imprévoyance, voire une faiblesse. C'est avouer : "je ne suis pas autosuffisant", "je ne suis pas parfait, parce que je n'ai pas prévu d'avoir assez de sucre ou d'œuf." “Je ne suis plus autonome.” Ah ! comme c'est plus facile de proposer de l'aide que d'en demander !

    Eh bien, voilà que Jésus se présente avec ses demandes, avec ses limites d'être humain, pour nous dire : "Il n'y a pas de honte à être humain, à être imparfait, à être vulnérable, à dépendre d'autrui." Dans la demande même, Jésus nous fait cadeau de son humanité, de son acceptation paisible de toutes les limites humaines. Non, nous n'avons pas à être des surhommes, ou des super-women, à être partout à la fois, à faire trois choses à la fois, à être parfait(e)s. Accepter d'avoir besoin des autres, c'est aussi un cadeau que nous leur faisons.

    Regardez ces petits enfants qui attendent tout de leurs parents, ne sont-ils pas des cadeaux dans leur façon ingénue de demander ? Ne nous apprennent-ils pas la vraie vie ? Jésus a dit une fois "Le Royaume des cieux appartient à ceux qui leur ressemblent" (Mt 19:14) Le Royaume de Dieu n'est pas pour ceux qui pensent avoir accompli la perfection dans leur vie, mais pour ceux qui ont soif, pour ceux qui se savent fatigués, limités et s'offrent aux autres avec leurs demandes et leurs possibilités.

    Jésus a demandé le baptême à Jean Baptiste parce qu'il savait qu'une vie d'être humain a besoin du soutien, de l'aide de Dieu et des autres. Il savait que chaque être humain a besoin de la grâce et de l'amour de Dieu pour avancer et qu'il en avait besoin lui aussi. C'est ce qui nous est offert chaque jour par la présence de Dieu dans votre vie. Il suffit de le demander !

    Amen  

    © Jean-Marie Thévoz 2016

  • Jésus vient libérer l’être humain de la religion

    Jean 2

    16.10.2016

    Jésus vient libérer l’être humain de la religion

    Amos 5 : 21-24      Michée 6 : 6-8      Jean 2 : 13-22

    Télécharger le texte : P-2016-10-16.pdf

    Chers frères et sœurs en Christ,

    On a l’habitude d’entendre ce récit de Jésus chassant les marchands du Temple. Bien que son geste soit scandaleux, on se dit que Jésus avait de bonnes raisons de faire cela puisqu’il est notre héros. Du coup on ne voit plus le côté choquant, scandaleux, de l’agir de Jésus. Non mais, vous imaginez, si quelqu’un venait ici et se mettait à renverser nos présentoirs et notre vaisselle liturgique, en nous disant que ce n’est pas comme cela qu’il faut adorer Dieu ! Comment réagirions nous ? Ne demanderions-nous pas, nous aussi, des explications, des justifications ?

    Reconnaissons-le, Jésus se comporte scandaleusement, pour les responsables du Temple de Jérusalem, mais peut-être pour nous aussi. Enfin, nous verrons ce que ces agissements d’alors ont pour conséquences pour nous aujourd’hui. Nous serons peut-être aussi choqués par les bouleversements que cela exige que nous, dans nos vies d’aujourd’hui.

    Oui, parce que cet événement — dans le Temple — est programmatique, il annonce le sens de la mission de Jésus. L’évangéliste Jean a placé deux récits — après la présentation de Jésus et l’appel des disciples dans le chapitre 1 — deux récits, dans ce chapitre 2, qui annoncent son plan, son programme, sa mission.

    Le premier récit est celui des noces de Cana, qui annonce que Jésus est venu apporter du goût à la vie, de la joie dans une vie insipide. Jésus est venu pour donner à chacun accès à la vraie vie. Il a changé l’eau en vin, la vie plate en une vie pleine, ce que j’ai appelé la vie en 3D dimanche dernier. Dans le récit qui se passe au Temple, Jésus annonce l’autre partie de son programme, ou le moyen d’arriver à la vraie vie : trouver Dieu, entrer en vraie relation à Dieu.

    En plaçant l’un à la suite le récit de Cana et le récit de Jésus qui chasse les marchands du Temple — et cela tout au début de son Évangile (alors que les Synoptiques placent cet épisode après le ministère de Jésus au Galilée, à son arrivée à Jérusalem, juste avant sa Passion) — Jean montre qu’il y a un lien étroit entre la vraie vie et la juste relation à Dieu. Alors en quoi épisode où Jésus chasse les marchands du Temple exprime-t-il la juste relation à Dieu ?

    D’abord, le geste de Jésus est une condamnation sans appel de certaines pratiques religieuses, de certaines idées sur Dieu. En chassant les vendeurs d’animaux et les changeurs, Jésus s’en prend à la commercialisation de la religion et à la vision de Dieu qu’elle implique. Il y a deux aspects. L’aspect commercial, c’est-à-dire faire du profit sur la faiblesse humaine est dénoncé, c’est clair. Cela vise l’instrumentalisation de la religion, autant par le pouvoir économique (ça rapporte) que par le pouvoir politique (ça tient les gens tranquilles ou bien ça les rend dociles).

    Le second aspect, qui préoccupe davantage Jésus, c’est l’image de Dieu que ce commerce renvoie. Cela signifie : Dieu s’achète ! Un petit don peut effacer un petit péché, un gros don peut effacer un gros péché. C’était le système des indulgences au Moyen Âge. C’était déjà présent dans le système commercial des sacrifices au Temple. Avec cette pratique Dieu ne peut plus exercer son amour et sa grâce, il est enfermé dans des barèmes et dans la rétribution. A tel péché, telle punition, à tel don, telle rémission.

    C’est cela que Jésus vient casser, détruire, cette fausse image, cette fausse représentation de Dieu. Cette image est tellement forte qu’il faut a une grande violence pour la renverser, la mettre à bas.

    Là, Jésus s’inscrit dans la droite ligne de la violence des prophètes. Déjà ceux-ci s’en prenaient à la pratique religieuse, à cette pratique qui donnait bonne conscience, mais qui ne se traduisait pas en termes de relations justes. Déjà les prophètes s’élevaient contre la religiosité et les bondieuseries, ils invitaient à rendre le culte vrai à Dieu : celui de pratiquer la justice et d’agir avec bienveillance (Michée 6:8). Voilà également le programme de Jésus.

    Il s’agit de libérer l’être humain de la religion qui asservit, de la religion du marchandage, de la rétribution, de la religion du bâton et de la carotte, de la religion du calcul.

    Évidemment, en face, les responsables du Temple, demandent à Jésus de se justifier et de s’expliquer. Et Jésus leur donne une explication énigmatique : « Détruisez ce Temple, et en trois jours je le rebâtirai. » (Jn 2 :19) C’est typique de l’évangéliste Jean de construire de telles phrases, où il introduit en même temps une ambiguïté (un malentendu sur un mot) et un double sens (sur la phrase). Je m’explique. Le malentendu porte sur le mot « Temple ». Pour les juifs il s’agit du monument en pierre. Pour Jésus, et les lecteurs de l’Évangile, il s’agit du corps de Jésus. Les uns et les autres ne parlent pas de la même chose, tout en étant d’accord sur le fait qu’en disant « Temple » on parle du lieu où Dieu se trouve.

    Les juifs disent donc que Dieu se trouve dans le monument, alors que l’Évangile dit que Dieu se trouve dans le corps du Christ. Ceci pour le malentendu. Ensuite c’est la phrase à double sens. La phrase de Jésus peut être entendue au premier degré comme un ordre, ce que comprennent les juifs. Mais elle peut aussi être entendue comme une annonce prophétique : et bien détruisez ce Temple et vous verrez bien, je le rebâtirai, c’est bien ce qui arrivera. Sous-entendu : Dieu n’est pas là où vous le pensez, il n’est pas dans le Temple de pierre, il est dans le corps du Christ.

    L’enjeu n’est pas Jérusalem, l’enjeu est de savoir où chercher Dieu, de savoir où on le trouve. Et l’évangéliste Jean l’annonce dans ce récit programmatique : Dieu n’est pas dans les structures de la religion. Dieu est dans le corps du Christ qui va souffrir, être exécuté et être ressuscité par Dieu le troisième jour. Et les disciples — après Pâques — se souviendront de ce qui s’est passé au Temple et comprendront. Il y a donc bien plus qu’un enjeu économique dans ce récit. Il y va de la libération de l’être humain des contraintes de la religion. Et dans ce sens là on ne devrait pas parler du christianisme comme d’une religion ! Jésus est venu libérer l’être humain de la religion pour lui donner un accès libre et direct à Dieu.

    Jésus a libéré l’être humain de la contrainte locale, géographique. Quand la Samaritaine demande à Jésus où il faut aller pour adorer Dieu, « sur cette montagne ou à Jérusalem ? » (Jn 4:20) Jésus répond : « les vrais adorateurs doivent adorer en esprit et en vérité » (v.23). Jésus a libéré l’être humain des pratiques sacrificielles pour nous ouvrir à la grâce, à la gratuité.

    Jésus n’a institué aucune pratique religieuse, aucune forme autorisée de pratiques de la foi, si ce n'est de partager nos repas. Il n’y a pas aux yeux de Jésus de formes de culte plus autorisées que d’autres, pourvu que la priorité soit donnée à la pratique de la justice et de la réconciliation.

    Jésus n’a pas formé de prêtres ou d’intermédiaires patentés entre l’être humain et Dieu. Il a seulement envoyé des disciples pour annoncer l’entrée libre auprès de Dieu, l’invitation à tous de venir au grand banquet du Royaume.

    Quel programme ! Agir non par devoir, mais par reconnaissance. Vivre le culte, non pour plaire à Dieu, mais pour recevoir des forces. Agir dans le monde, non pour obtenir quelque chose de Dieu, mais pour faire jaillir la justice comme un torrent intarissable (Amos 5:24). Oui quel beau programme ! Quel joie de marcher dans les traces de ce Jésus.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2016

     

  • Vivre la vie en 3D

    Jean 3

    9.10.2016

    Vivre la vie en 3D

    Genèse 12 : 1-5         Jean 3 : 1-12

    Télécharger le texte : P-2016-10-09.pdf

    Chers frères et sœurs en Christ,

    On relisant le récit de la rencontre de Jésus avec Nicodème, j’ai réalisé que Jésus demandait à Nicodème, la même chose que Dieu demandait à Abraham. Vous vous souvenez du début de l’histoire d’Abraham, avec cette demande de Dieu de tout laisser et de partir, vers un autre pays, vers un autre horizon, vers une autre patrie. Ce voyage nous est présenté comme un itinéraire géographique, mais nous percevons que Dieu ne demande pas seulement un déménagement, mais une démarche de foi.

    Le déplacement n’est pas seulement une affaire de kilomètres à parcourir, mais un déplacement dans sa tête : accepter d’être dérangé dans ses habitudes, dans ses routines ; accepter d’envisager un ailleurs — encore inconnu, encore mystérieux, sur la foi d’une promesse. Il y a bien un ailleurs promis, un avenir ouvert, une nouvelle vie au bout du chemin, dans le chemin même. Comme lecteur de ce récit, nous sommes invités à nous associer à Abraham, donc à faire avec lui ce voyage, qui devient pour nous un voyage spirituel.

    Abraham est bien un père spirituel, le père d’une multitude de nations, comme le dit son nom. Abraham était en tout cas le père spirituel duquel les pharisiens disaient descendre et se rattacher. Sachant cela, le dialogue entre Nicodème et Jésus prend une tournure encore plus ironique. Ce maître pharisien ne comprend rien au discours de Jésus sur la nouvelle naissance, alors que Jésus ne demande rien d’autre à Nicodème que ce que Dieu a demandé à Abraham : « Commence une nouvelle vie !» Va, pars, quitte ton ancienne vie et commences-en une nouvelle. C’est ce que signifie l’injonction : « tu dois naître de nouveau. »

    Mais Nicodème est comme nos rationalistes d’aujourd’hui, il ne voit la vie qu’en deux dimensions : il y a ce qui est devant et derrière soi, il y a ce qui est à droite et à gauche. Mais il ne voit pas ce qu’il y a en-dessus et en-dessous. C’est la vie en 2D. Alors que la vie nous est donnée en 3D. Il y a tout ce qui est au-dessus de nous.

    L’évangéliste Jean joue sur le double sens, en grec, du mot qui veut dire en même temps « de nouveau » et « d’en haut ». Jean joue sur ce double sens pour montrer aux lecteurs comment Nicodème manque une dimension de la vie. Il reste à ras terre, dans le concret, le visible, le tangible. Jésus parle de nouvelle naissance et Nicodème se représente un accouchement et voit l’impossibilité concrète de recommencer. Mais Jésus est à un autre niveau. Jésus voit la vie en 3D. La vie n’est pas plate, elle a du relief, il y a quelque chose au-dessus de nous.

    Ce que Jésus cherche à faire dans ses dialogues, c’est d’ouvrir ses interlocuteurs à cette troisième dimension, à la réalité divine qui surplombe notre réalité visible, qui lui donne du relief, de la vie, de la vraie vie.

    On voit cela dans ce dialogue avec Nicodème entre le premier degré de l’accouchement et le deuxième degré de la nouvelle naissance. On voit cela dans le dialogue avec la Samaritaine avec l’eau. La Samaritaine pense à l’eau du puits, lorsque Jésus parle de l’eau jaillissante, l’eau qui donne la vie.

    L’évangéliste Jean utilise plusieurs moyens littéraires pour ouvrir le lecteur à cette dimension nouvelle. Il utilise — comme ici — le malentendu sur un terme qui peut avoir un sens concret et un sens symbolique (la naissance, l’eau). Il utilise aussi l’ironie ou les phrases à double sens : c’est le cas lorsque Caïphe — pour convaincre qu’il faut mettre à mort Jésus — dit : « Il vaut mieux qu’un seul homme meurt plutôt que tout le peuple » ce qui est épouvantablement cynique, mais en même temps la description de l’œuvre salvatrice de Dieu. Il utilise enfin la symbolique, des réalités concrètes, pour renvoyer à la réalité divine dans les phrases où Jésus affirme « je suis» la lumière du monde, le pain de vie, la porte des brebis, la vigne etc.

    Le Dieu de la Bible — et Jésus en tête — veut nous entraîner à sortir du monde en 2D pour entrer dans le monde en 3D de la vie spirituelle. Ce passage n’est pas naturel. Nous ne naissons pas dans la 3D, nous y parvenons pas une prise de conscience. Quelqu’un a dit : « Tout être humain a deux vies, la seconde commence quand on réalise qu’on en a qu’une. »

    La vie spirituelle commence lorsque nous réalisons que le monde, ou la vie, nous échappe. Que nous ne sommes pas maître de tout. Que l’essentiel nous échappe. Alors nous nous mettons à chercher le sens de la vie, de notre existence et de la destinée du monde. Alors nous nous mettons en route pour chercher la terre promise, cette troisième dimension qui donne sens, qui explique comment fonctionne le monde.

    Être croyant, c’est croire que cette troisième dimension existe, qu’il y a quelque chose au-dessus de nous, qu’il y a une dimension spirituelle. Cela beaucoup de nos contemporains le croient.

    Être Chrétien, c’est croire que cette troisième dimension — nous disons habituellement « le ciel» dans le langage biblique — est habitée par le Dieu de Jésus-Christ. C’est-à-dire un Dieu bienveillant, qui nous aime inconditionnellement.

    Être chrétien, c’est voir Dieu à l’œuvre dans nos vies. Être chrétien, c’est mettre la 3D dans nos vies. C’est voir plus loin que le visible et le tangible. C’est voir dans l’eau du baptême plus que de l’eau. C’est voir dans le pain de la cène plus que du pain, c’est voir dans le vin de la cène plus que du vin. Être chrétien, c’est croire qu’une autre réalité, celle du royaume ou de la terre promise, habite nos réalités visibles et tangibles.

    Nous pouvons appliquer cela à notre lecture de la Bible. Ne pas rester bloqués dans une lecture historique est géographique des textes pour trouver le sens symbolique et spirituel des récits. Quel est le pays promis pour moi ? De quelle Égypte Dieu veut-il m’aider à sortir ?

    Nous pouvons appliquer cette 3D à nos rencontres. Qu’est-ce que Dieu me dit dans les paroles que prononce cette personne ? Et si c’était Dieu qui m’avait fait croiser les pas de cet individu ? Qu’est-ce qu’il m’apporte ? Que puis-je lui apporter ? Abraham n’a-t-il pas accueilli Dieu lui-même dans les trois messagers qui sont venus à la porte de sa tente ? Cette vision des rencontres ne va-t-elle pas modifier la qualité même de nos dialogues, de nos échanges ?

    Nous pouvons appliquer cette vision 3D aux événements qui nous arrivent. Si je crois en un Dieu bienveillant, ce qui m’arrive aura une autre couleur que si je pense que la vie est dirigée par des forces obscures. Nous pouvons nous demander si les événements que nous traversons n’ont pas une face cachée et apporter quelque chose d’insoupçonné. Comme dans un roman, tant qu’on n’a pas tourné la dernière page, il peut survenir une surprise qui renverse la perspective et permet de tout reconsidérer sous un jour nouveau.

    Le récit de Jean — qui nous présente Nicodème comme incapable de comprendre — nous place, comme lecteur, avec l’envie de lui souffler les bonnes réponses ! Avec l’envie de lui dire : pars, va, quitte tes vieilles idées et commence une nouvelle vie ! Ferons-nous pour nous-mêmes ce que nous avons envie de recommander à Nicodème ?

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz 2016

  • Jésus, une nourriture pour notre faim

    Marc 8

    11.9.2016

    Jésus, une nourriture pour notre faim

    Aggée 2 : 3-5       1 Corinthiens 1 : 4-9       Marc 8 : 1-10

    Télécharger le texte : P-2016-09-11.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Pendant cet été, je vous ai fait découvrir quelques petits prophètes : Amos, Osée et Michée. J’avais gardé pour aujourd’hui le prophète Aggée qui intervient après le retour de l’Exil à Babylone. La population qui est revenue d’exil à Jérusalem ne retrouve que des ruines, notamment celles du Temple de Salomon. Et ils sont découragés devant l’ampleur de la tâche. Comment relever le Temple qui n’a plus la splendeur d’autrefois, avec des ressources de réfugiés revenus au pays ?

    On peut facilement transposer cela à notre Eglise vaudoise, qui n’a plus le lustre et le faste d’antan. La fréquentation du culte a baissé, les parents n’envoient plus leurs enfants au culte de l’enfance ou au catéchisme comme avant. Plus rien est comme avant, peut-on se lamenter.

    Pourtant la promesse de Dieu continue à se faire entendre : «Mettez vous au travail, je serai avec vous — dit Dieu par la bouche d’Aggée — je vous le promets ! Je serai donc présent au milieu de vous et vous n’aurez rien à craindre » (Ag 1:4-5). Et le livre d’Aggée se termine par la promesse de la venue d’un Messie.

    Comme chrétiens nous croyons que ce Messie annoncé est Jésus. C’est lui qui vient accomplir cette promesse de présence de Dieu auprès de chaque peuple, de chaque être humain. Le Temple à reconstruire a été remplacé par une Eglise, toujours à construire et reconstruire, mais qui s’appuie non sur des pierres, mais sur le Christ et ses disciples.

    C’est dans ce sens là que j’ai choisi le récit de la multiplication des pains. C’est un miracle, mais je vais lire ce récit comme une parabole, comme une parabole de l’Eglise. Ce récit nous décrit les rapports entre le monde, l’Eglise et le Christ. La foule représente le monde, les disciples représentent l’Eglise et le Christ joue son propre rôle.

    Le récit commence au moment où la foule, qui suit Jésus, n’a plus rien à manger. La foule a un creux à l’estomac, ce qui veut dire dans le langage des paraboles que le monde a faim, faim de sens, faim d’une direction, faim pour des valeurs, pour ne pas tomber dans l’absurde et le désespoir d’une vie vide.

    Cela ne passe pas inaperçu aux yeux de Jésus. A voir cette faim, Jésus est ému aux entrailles, touché aux tripes. Jésus n’est pas indifférent à notre sort, au contraire, il est plus que préoccupé par cet état au bord de l’inanition de la foule. Cet état précaire, en sursis, est marqué et accentué par la précision : « voilà trois jours qu’ils n’ont rien à manger ». Trois jours dans l’Évangile fait immanquablement penser aux trois jours que Jésus passe au tombeau. Au bout de trois jours, soit il ne se passe rien et c’est la mort pour toujours, sois Dieu intervient et on peut espérer. Ces trois jours, dans ce récit, montrent qu’on est arrivé au point que c’est une question de vie ou de mort. On a dépassé un point de non-retour, les gens n’auront pas la force de rentrer chez eux si on les renvoie. Jésus en est conscient et expose la situation aux disciples. Ceux-ci sont bien désemparés et disent leur impuissance : où pourrait-on trouver de quoi les faire manger dans cette endroit désert ?

    Jésus leur demande alors de faire l’inventaire de leurs ressources : c’est maigre, sept pains et quelques petits poissons. Jésus ne semble pas se soucier du peu à disposition, ce qui importe ce n’est pas ce qu’on a, mais qui est là pour le distribuer. Jésus organise la foule, il prend le pain, il remercie Dieu, il le rompt et le donne aux disciples pour qu’ils distribuent les morceaux.

    Il y a là en même temps un miracle et une parabole. Pour le miracle, c’est la constante disproportion entre la réalité et l’idéal, entre les ressources et les besoins, entre les personnes disponibles et la mission. « La moisson est grande, mais les ouvriers sont peu nombreux » (Luc 10:2).

    Dans ce récit, cette distance, cette disproportion est comblée. Le miracle c’est que ce n’est pas aux disciples de combler cette distance, cette disproportion. C’est Jésus qui fait ce travail-là. C’est le Christ qui voit la réalité et en est ému. C’est le Christ qui s’en soucie. C’est le Christ qui mobilise les disciples. C’est le Christ qui multiplie les pains de sorte que chacun mange à sa faim.

    Et c’est là qu’il faut revenir à la parabole. Le récit dévoile — entre les lignes, entre les mots — où réside vraiment le miracle. Il ne s’agit pas d’un miracle de boulangerie. Il s’agit de comprendre ce qui se passe au-delà de la réalité visible, dans le monde invisible, dans notre monde intérieur qui a faim.

    Le récit, en utilisant exactement les mots de la liturgie de cène : « Jésus prend le pain, remercie Dieu, rompt le pain et le donne à ses disciples », le récit nous dit que ce qui est donné à la foule pour la rassasier, c’est le Christ lui-même.

    Dans ce désert où rien ne nourrit, le Christ se donne lui-même comme nourriture spirituelle pour la foule, pour le monde. Dans ce monde — notre monde qui n’a que des voitures, des téléphones ou des assurances à nous vendre pour calmer notre faim de sens et notre angoisse face à la mort — Jésus s’offre lui-même pour remplir notre vie. Le pain qui est donné dans ce désert à la foule, c’est la présence même de Jésus, comme dans la Cène. Ce pain qui rassasie (au-delà de nos espérances) c’est la présence du Christ, c’est sa Parole, ce sont ses valeurs qu’il nous a transmises.

    Nous n’avons pas à créer cette présence ou ces valeurs : Jésus en est porteur. Il nous demande de les distribuer, de les donner au monde, qui a tellement faim.  « Jésus donna les pains à ses disciples pour qu’ils les distribuent à tous, et chacun mangea à sa faim, et les disciples emportèrent sept corbeilles pleines des morceaux qui restait. » (Mc 8:6,8)

    La présence du Christ est inépuisable, il y en aura toujours des surplus. Les valeurs du Christ sont permanentes, inépuisables, toujours actuelles : l’égale et infinie valeur de tout être humain ; l’abolition de toutes les barrières entre les personnes ; l’existence d’une place pour toute personne dans la société ; la valeur de l’amour, des relations, qui subsistent malgré les épreuves et même la mort.

    Avec le Christ, avec l’Évangile, il nous est remis un trésor entre les mains, un trésor inépuisable qui peut nourrir les aspirations spirituelles de tous nos contemporains. Nous ne pouvons pas garder cela pour nous. C’est un trésor, du levain dans la pâte, du sel dans la nourriture, de la lumière pour le monde.

    Jésus ne nous demande pas de les fabriquer — il est déjà là — il nous demande de les distribuer à tous ceux qui ont faim. Notre richesse c’est l’Évangile, c’est le Christ !

    Je vais partir pour une autre paroisse. Un autre pasteur arrivera pour me remplacer. Nous sommes de simples disciples. Peu importe la main qui vous tend le pain, c’est le pain qui nourrit, c’est la présence du Christ qui rassasie, c’est Jésus qui est le pain de vie.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2016

  • Dieu est l’unificateur de l’humanité

    Matthieu 5

    4.9.2016

    Dieu est l’unificateur de l’humanité

    Aggée 2 : 11-13        Matthieu 9 : 13-22     Matthieu 5 : 13-16

    Télécharger le texte : P-2016-09-04.pdf

     

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    J’ai une bonne nouvelle ! Jésus nous dit : « Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde ! » Cela devrait nous remplir de joie, mais cela a un certain goût de rabâché, voir un arrière goût de reproche. On se dit : « je n’ai pas particulièrement brillé ces derniers temps ». Ou « le témoignage ne fait pas partie de mon vocabulaire ». « De manière générale, les chrétiens ne se font pas remarquer par une saveur particulière… » Alors qu’est-ce que Jésus voulait dire par là ?

    Il faut faire un retour en arrière pour comprendre, à partir de la société dans laquelle Jésus vivait. Il faut s’imaginer une société compartimentée entre divers groupes qui ne se fréquentent pas. D’abord entre hommes et femmes : chacun son domaine. Entre juifs et samaritains. Entre autochtones et occupants romains. Entre malades et bien portant. Entre les vivants et les morts. Toutes ces séparations sont bâties sur la notion de pur et d’impur. Entre purs, on est en sécurité, mais dès qu’on sort, on risque d’être contaminé par l’impureté. Le mécanisme est simple comme le résume Aggée : l’impur contamine le pur, c’est toujours dans ce sens. Aussi le pur doit-il se protéger, ériger des barrières, des murs, des remparts pour rester pur. Ce n’est pas une société où l’on se serre la main et où on se fait la bise. On s’évite, on se craint. Gare aux intouchables !

    Or que fait Jésus selon le témoignage des Evangiles ? Il parle en tête-à-tête avec la Samaritaine. Il guérit le fils d’un officier romain. Il touche les sourds et les lépreux. Il se laisse toucher par la femme qui perd son sang. Il se laisse oindre de larmes ou de parfum par une femme. Il va manger chez Zachée et chez Mathieu ! Jésus renverse complètement la logique d’Aggée sur la pureté et l’impureté. Pour Jésus — et c’est son pouvoir divin — la pureté est plus forte que l’impureté !

    La femme qui perd son sang — ce qui la rend impure selon la loi du Lévitique (Lév 15:19) — en a l’intuition : « si je peux seulement toucher son vêtement, je serai guérie. » (Mt 9:21) Un lépreux — directement après le Sermon sur la Montagne — l’explicite ouvertement en disant à Jésus : « Maître, si tu le veux, tu peux me rendre pur ! » (Mt 8:2)

    Jésus renverse complètement le code de pureté du Lévitique. Jésus pratique la contamination positive ! Il rend pur ce qui était considéré comme impur, parce que rien est impur à ses yeux et aux yeux de Dieu. (Reprendre aujourd’hui une seule phrase du Lévitique pour condamner une catégorie de personne, c’est se dresser contre le Christ).

    Cette attitude de Jésus a des conséquences pour la société. Elle a eu des conséquences gigantesques pour le monde. Le monde méditerranéen d’abord, puis l’Europe jusqu’en Irlande, et le Moyen-Orient, en ont été transformés en quelques centaines d’années ! Toutes ces régions se sont converties au christianisme. Cela a été une traînée de poudre. Le christianisme était le sel de la terre et la lumière du monde.

    Quel sel, quelle lumière ? Une ouverture à l’autre, un accueil de l’autre, aussi différent qu’il soit de nous, pas d’importance. Porte ouverte au prosélytisme, parce que l’ouverture est contagieuse. Le message est positif : les barrières sont tombées.

    Y a-t-il eu des réticences à propager le message que le mur de Berlin était tombé, que le rideau de fer n’existait plus ? Le message de Jésus est pareil. Il n’y a plus de barrière entre juifs et grecs, nous dit l’apôtre Paul aux Galates (Ga 3:28), c’est-à-dire plus de barrière religieuse — en clair, il n’y a pas d’impureté à accompagner un voisin à l’Eglise, à la synagogue ou à la mosquée ! Il n’y a plus de statut d’homme libre ou d’esclaves — tous les humains ont la même valeur. Il n’y a plus de barrières entre hommes et femmes, chacun peut serrer la main de chacun, chacun peut montrer son visage à l’autre, personne ne rend personne impur ! Voilà le message de Jésus, voilà le message du christianisme dont nous sommes porteur ! Ah voilà du sel, voilà de la lumière !

    Nous proclamons que nous sommes tous frères et sœurs, même si rares sont les prédicateurs qui saluent l’assemblée d’un « frères et sœurs ». Proclamer que les chrétiens sont frères et sœurs, cela signifie une dé-sexualisation des relations humaines (la sexualité est réservé à la conjugalité) et donc la possibilité de se côtoyer, de se regarder dans les yeux, et de se toucher sans ambiguïté. Cela permet de travailler ensemble, de prendre le bus ensemble, d’être sur la même plage ensemble.

    Jésus à mis en marche un mouvement d’unification du genre humain. Bien sûr, il y a des résistances et des retours en arrière, et il y en a eu beaucoup dans l’Eglise même. Mais ce mouvement est en marche, et l’Eglise devrait être un moteur pour le propager, le répandre, pour disséminer cette doctrine de l’accueil universel et de la valeur égale de toute personne. Le mouvement de contamination positive a été lancé par Jésus, ne vaut-il pas la peine de le propager, de le répandre, comme le levain dans la pâte, comme le sel et la lumière ?

    Vous aurez remarqué que les images du levain, du sel et de la lumière utilisées par Jésus sont positives aussi. Il ne s’agit pas de casser les pieds des gens que nous rencontrons avec un témoignage à l’eau de rose. Nous avons bien plus précieux que cela : les valeurs de Jésus. L’égale valeur de tout individu, hommes et femmes, handicapés et bien portant, autochtones ou étrangers, religieux ou pas religieux.

    Jésus a une vision universaliste de l’être humain parce qu’il a une vision universaliste de Dieu. Le Dieu de Jésus est l’unificateur de l’humanité. C’est très en contraste avec la place des religions dans le monde d’aujourd’hui, qui semblent plutôt être des obstacles.

    Cela questionne notre pratique religieuse ! Cela questionne notre façon de percevoir, de comprendre ce que Jésus voulait mettre en place. Je ne crois pas que Jésus entendait mettre en place un culte particulier, une forme nouvelle du judaïsme qui se rattacherait à lui. Jésus a une vision de Dieu plus large, à la façon des prophètes de l’Ancien Testament qui réclament la justice avant la dévotion. Dieu n’est pas là pour diviser l’humanité sur des questions de culte. Dieu est l’unificateur de l’humanité, le pourfendeur des barrières qui divisent l’humanité en catégories qui s’excluent.

    Si notre pratique religieuse nous sépare des autres humains, alors nous ne suivons pas correctement le Christ ! C’est bien sûr la tentation de toutes les religions, de toutes les Eglises : chercher la pureté, une doctrine plus pure que les autres. Mais cela conduit à la séparation, c’est donc contraire au message du Christ.

    Suivre le Christ — en Eglise, en paroisse — c’est témoigner de cela et mettre en pratique cette ouverture, cette contamination positive à l’égard de tous. Comme cela nous sommes le sel de la terre et la lumière du monde ! Comme cela nous sommes disciples du Christ.

    Amen

     © Jean-Marie Thévoz, 2016

  • Osée 2. Prophètes (II) : Un amour paradoxal


    Osée 2
    14.8.2016
    Prophètes (I) : Un amour paradoxal
    Osée 1 : 1-9     Osée 2 : 4-9     Osée 2 : 15-25

    Télécharger le texte : P-2016-08-14.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Dans cette série sur les petits prophètes, nous allons cheminer avec le prophète Osée ce matin. Osée est contemporain d’Amos. Il prophétise entre 750 et 725 av. J.-C. Le pays est en paix, mais on sent la pression de l’Assyrie qui aboutira à la chute d’Israël du Nord en 721 av. J.-C.
    Osée n’a pas la même mission qu’Amos, dont nous avons vu dimanche dernier qu’il s’en prenait à l’injustice et à la corruption. Non, Osée a pour mission de lutter contre le glissement du peuple Israël vers la religion cananéenne, qui était un culte à Baal, le dieu de la fertilité, fertilité des champs autant que fertilité des femmes. Cet attrait vers un culte de la nature est vécu comme un éloignement du culte à Dieu, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et de Jacob, le Dieu de Moïse, le Dieu du désert du Sinaï.
    Face à cet éloignement de son peuple, Dieu confie une mission étrange à son prophète Osée : il doit épouser une prostituée sacrée — donc voué au culte de Baal — et avoir des enfants avec elle. On peut facilement s’imaginer la réaction de son entourage et du peuple : un prophète de Dieu qui épouse une femme d’une autre religion, qui s’engageait corps et âme (c’est le cas de le dire) dans cette religion opposée au culte du Dieu du Sinaï ! C’est proprement scandaleux !
    Oui, mais c’est justement le message que Dieu veut faire passer ! Cette incompatibilité exposée dans la vie du prophète n’est que l’image de l’incompatibilité de ce qui se passe tous les jours dans les foyers d’Israël. À côté de Dieu, on vénère aussi Baal : « on ne sait jamais », « ça peut toujours servir », « ça ne peut pas faire de mal» si les récoltes sont meilleures et les enfants plus nombreux. Autant manger à tous les râteliers, disent-ils.
    Mais Osée est là pour dire, en acte, que ça ne va pas. Qu’on ne peut pas faire tout et son contraire. Osée ne peut pas laisser sa femme aller librement voir ses amants, c’est inconvenant ! L’idée du message, c’est que ceux qui disent cela s’aperçoivent que c’est justement leur situation devant Dieu.
    Il s’agit là d’une parabole qui doit servir à se regarder dans le miroir et s’apercevoir que ce qu’on reproche à Osée, on le fait soi-même. On met Dieu dans la situation d’être trompé. Dieu se retrouve avec un peuple adultère, idolâtre. C’est pourquoi Dieu dit — au travers des noms des enfants d’Osée — vous serez appelés « Mal-aimée » et « Pas-mon-peuple» !
    De l’exposé de la situation, on passe aux menaces, menace d’abandon et de rejet, de destruction. Dieu annonce la rupture, il va quitter son peuple adultère. C’est tout à fait dans la ligne prophétique. Le prophète utilise le contexte politique de menaces de l’Assyrie pour concrétiser la menace divine. L’idée est que la privation (Dieu ne s’occupe plus de son peuple et l’abandonne aux envahisseurs) va faire réfléchir et revenir son peuple vers lui. Une privation qu’il fait réfléchir, en vue d’un retour.
    Mais Dieu lui-même ne semble pas croire à l’efficacité de la menace. Et si ça marche pas ? Alors la rupture sera totalement consommée, ce que Dieu ne veut pas finalement. Alors Dieu, par la bouche d’Osée, va annoncer une autre stratégie, la stratégie qu’ils ne va cesser de mettre en œuvre, continuellement, jusqu’à nous : une stratégie de reconquête !
    Peu importe ce qui s’est passé, Dieu se donne pour tâche de reconquérir son peuple. Pour cela il veut le ramener « au désert» (Os 2:16). Cela peut vouloir dire lui faire passer un temps d’épreuve, mais aussi (je pencherais plutôt de ce côté) le faire revenir au premier temps de leur relation, au temps de la révélation sur le Sinaï, au temps des premières amours, à la source de leur relation.
    Ce que Dieu propose, c’est un nouveau départ, depuis le début. Ça avait mal tourné, tant pis, on recommence. Dieu propose un nouveau statut à son peuple. Il propose, toujours avec les métaphores conjugales, « je ne serai plus ton maître (ton Baal) mais ton mari (littéralement ton homme) » (Os 2:18)  non pas un statut légal, mais un statut relationnel, comme entre des personnes amoureuses.
    Dieu est prêt à payer la dot, lors des fiançailles, une deuxième fois, et le prix de la dot est exprimée par quatre mots qui sont toute la substance de la théologie biblique : la justice, le droit, la fidélité et l’amour (Os 2:21).
    Voilà les quatre qualités qui feront la solidité des fiançailles de ce nouveau mariage. Des relations justes ; des règles énoncées, connues, pas de non-dits et de flottement qui conduisent aux reproches ; une fidélité qui permet la permanence, la sécurité, la confiance ; un amour qui donne le ton de la relation, c’est-à-dire un amour inconditionnel, fait d’attention à l’autre, d’attachement. Ce terme sera traduit plus tard par la LXX et dans le Nouveau Testament par le mot « agapè ».
    Seul l’amour inconditionnel peut continuellement être relancé et offert, quelle que soit la réponse en retour de celui à qui cet amour s’adresse. Cet amour débouche sur un changement des noms des enfants d’Osée. « Mal-aimée » est renommée « Bien-aimée ». « Pas-mon-peuple » est renommé « Mon-peuple ».
    L’amour inconditionnel de Dieu est facteur de changement, facteur de transformation, de réhabilitation. L’amour inconditionnel de Dieu est capable d’abolir les négations et de restituer l’intégrité, la valeur, la positivité.
    Le message d’Osée, avec son image de la conjugalité, sera repris par Jérémie (2:33 ; 3:1s ; 30:14 ; 31:22) et par Ezechiel (chap. 16 et 23). Il trouvera son aboutissement et son accomplissement dans l’œuvre du Christ qui nous offre gratuitement l’amour de Dieu, malgré la dureté du cœur humain qui le conduit jusqu’à la croix. Croix  qui devient — paradoxalement et scandaleusement — le sommet de l’amour divin pour l’être humain, le lieu de la plus incroyable déclaration d’amour à l’humanité. Les apôtres reprendront l’image conjugale pour exprimer le lien entre le Christ (l’époux) et l’Eglise (l’épouse) dans une nouvelle relation apaisée et harmonieuse.
    Mais toujours à nouveau, à chaque génération, Dieu se relance à notre reconquête, en nous proposant toujours à nouveau son amour. En sommes-nous vraiment conscient ?
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2016

  • Amos 1. Prophètes (I) : Un appel à la justice

    7.8.2016
    Prophètes (I) : Un appel à la justice
    Amos 1 : 1-2     Amos 2 : 6-16    Amos 5 : 4-7 + 10-14

    Télécharger le texte : P-2016-08-07.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Pendant ce mois d’août je me propose de vous faire découvrir quelques-uns des petits prophètes de l’Ancien Testament. Je peux présumer, sans prendre trop de risques de me tromper, que les petits prophètes ne sont pas vos pages préférées de la Bible. En effet, ces paroles sont souvent rudes et difficiles à recevoir. Mais en même temps cette rudesse, cette violence verbale, en font aussi tout l’intérêt.
    Dans l’Ancien Testament, on trouve trois grands livres de prophète : Esaïe, Jérémie, Ezéchiel et douze petits prophètes, des écrits moins longs, mais tout aussi percutants. Le plus ancien : Amos, s’est exprimé vers 780 av. J.-C. et le plus récent, Malachie vers 480 av. J.-C. Ainsi, les 15 prophètes qui ont leur livre dans la Bible (on en mentionne d’autres dans les livres de Samuel et des Rois) ces 15 couvrent la période de prospérité de Juda et d’Israël, leurs invasions successives par l’Assyrie et Babylone, puis la période de l’Exil enfin le retour de l’Exil : trois siècles d’histoire mouvementée, trois siècles pendant lesquelles Dieu s’adresse à son peuple, paroles que les prophètes relaient, souvent au péril de leur vie.
    Amos est le premier de ces prophètes dont les paroles ont été recueillies dans un livre qui porte son nom. C’est un éleveur-propriétaire dans le territoire de la Judée qui est appelé par Dieu à aller porter sa parole dans le territoire d’Israël, les deux Royaumes étant alors séparés.
    C’est une période de prospérité, puisque les deux grands voisins, l’Égypte au sud et la Mésopotamie au nord, ne sont pas en guerre. Il faut voir que le territoire d’Israël et celui de Juda forment un corridor emprunté par ces deux empires chaque fois qu’ils se font la guerre. Ainsi, chaque fois, les armées traversent et piétinent Israël et Juda lorsque ces empires prennent les armes l’un contre l’autre. Ce n’est pas le cas à cette période, c’est la paix, ainsi chacun peut cultiver ses champs, faire du commerce. En temps de paix c’est une route commerciale entre les deux empires et Israël et la Judée en profitent.
    Mais, du temps d’Amos, cette prospérité générale attise la cupidité et l’avidité. Les riches et les puissants deviennent plus riches et se sentent les coudées franches pour élargir leurs champs et exploiter davantage leurs employés, leurs ouvriers, pour biaiser le droit et corrompre les juges et les autorités.
    C’est dans ce contexte (on dirait aujourd’hui d’un capitalisme débridé) que Dieu envoie Amos comme prophète. Il est envoyé avec un message qu’on pourrait résumer en trois expressions « C’est trop, ça suffit, ça doit changer ». Le message de Dieu porté par Amos contient un constat, une menace et un remède.
    1. Le constat, c’est que l’injustice règne en Israël. « Je leur reproche en particulier ceci : ils vendent l’innocent comme esclave pour récupérer leur argent, ils vendent le malheureux pour une paire de sandales.» (Am 2:6) Il s’agit de spoliation et de corruption de la justice, pour s’enrichir et cela se passe jusque dans les lieux de culte ou sont offerts les produits volés aux pauvres (v.8).
    2. Face à ces comportements corrompus, le prophète annonce la venue de la destruction de la région. Ces oracles de destruction étaient courants dans les religions avoisinantes. On en retrouve aussi en Égypte. Mais ses oracles étaient toujours adressés aux peuples ou aux territoires ennemis. Ce qui est donc surprenant chez Amos, puis chez les autres prophètes de la Bible, c’est qu’à coté d’oracles contre les ennemis, se trouvent des oracles contre soi-même ! Contre son propre peuple ! C’est une spécificité biblique, du Dieu de la Bible. Il n’y a pas d’un côté les nôtres qui sont parfaits et les autres qu’on peut ou qu’il faut fustiger. La fracture n’est pas entre nous et les autres. La fracture est entre ce qui est aimable ou non, entre ce qui est détestable ou non. La fracture passe par l’attitude éthique, par la façon d’appliquer le droit et la justice, même à l’intérieur de sa propre communauté !
    Ce qui importe à Dieu, ce n’est pas un territoire, ce n’est pas un groupe de gens ou un peuple particulier, c’est une façon d’être les uns avec les autres. Et la bonne façon d’être repose sur l’application du droit.
    3. C’est particulièrement visible dans la troisième lecture que vous avez entendue et qui dresse le remède à la menace de destruction. La menace est suspendue à un changement de comportement. Cette suspension est liée à une injonction, un impératif qui est répété trois fois : « Cherchez ! » (v4, 6, 14)  « Cherchez moi et vous vivrez ! » (v4).  « Cherchez le Seigneur et vous vivrez ! » (v6). « Cherchez le bien est non le mal afin que vous viviez ! » (v14)
    Il y a deux liens primordiaux qui sont exprimés ici, le lien entre Dieu et notre vie ; et le lien entre Dieu et le bien. Le bien étant obtenu par l’application de la justice au travers du respect du droit.
    Le droit est enraciné en Dieu, qui en est le garant — c’est pourquoi il envoie des prophètes pour dénoncer la corruption des juges et des tribunaux et appeler en retour à la justice et à la protection des faibles. La relation correcte à Dieu se réalise dans des comportements éthiques à l’égard d’autrui. C’est pourquoi Amos fustige aussi bien le faste des cérémonies dans les divers lieux de culte (5:21-24), que la proclamation liturgique : « le Seigneur, Dieu de l’univers, est avec nous » (5:14) qui est prononcée dans les temples.
    Dieu n’a rien à faire de nos formules liturgiques si elles sont contredites par des comportements injustes. C’est ce qu’Amos proclame en rapportant cette parole : « Cherchez à faire ce qui est bien et non ce qui est mal. Ainsi vous vivrez et le Seigneur Dieu, Dieu de l’univers, sera vraiment avec vous, comme vous le dites.» (5:14)
    Cette position d’Amos, qui place la justice, la juste relation à l’autre, avant le culte rendu à Dieu — ou comme forme juste du culte à rendre à Dieu — ressemble fort à l’injonction de Jésus dans le Sermon sur la Montagne : «si ton frère a quelque chose contre toi au moment de déposer ton offrande, va te réconcilier avec lui, puis reviens et présente ton offrande à Dieu.» (Mt 5:23-24)
    Sous des abords souvent rocailleux, les prophètes disent bien des paroles qui viennent de Dieu et qui nous rappellent que c’est bien dans nos relations aux autres que se joue notre relation à Dieu. Les commandements d’aimer Dieu et notre prochain sont indissolublement liés, déjà dans l’Ancien Testament. Le message des prophètes est toujours actuel. Notre monde a encore besoin de l’entendre s’il ne veut pas courir à la destruction, à l’autodestruction. « Cherchez le Seigneur et vous vivrez ! »
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2016