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prédication - Page 24

  • Exode 3. De la routine, rien que de la routine, jusqu'à la mort ?


    Exode 3
    24.6.2012

    De la routine, rien que de la routine, jusqu'à la mort ?

    Exode 3 : 1-4

    Téléchargez la prédication ici : P-2012-0624.pdf


    Culte paroissial avec la participation de l'Abbaye des Laboureurs de Bussigny


    Vendredi matin, En Ligne Directe, sur la RTS 1, demandait sur les réseaux sociaux : "Pourquoi la religion ne vous séduit plus ?" (sic). L'une des réponses donnée par un internaute était que la Bible, et donc les Eglises, sont déconnectées du présent.
    Comment pouvons-nous avoir encore recours à des textes vieux de centaines, ou de milliers d'années, avec la prétention de dire quelque chose de valable, pour nous, aujourd'hui ? Comment le texte qui parle de Moïse et qui vous a été lu pourrait nous dire quelque chose à nous qui sommes-là ce matin ?
    C'est vrai, comme texte historique, ce texte est vieux de 2'500 à 3'000 ans et il ne peut rien refléter pour nous. Par contre, si l'on reçoit ce texte comme un miroir, un miroir de notre vie actuelle, de nos personnes, de nos relations et de nos aspirations, alors — dans ce miroir — nous allons nous voir nous-mêmes et le texte va rejoindre notre présent !
    Je vais essayer de vous présenter ce miroir en espérant que nous allons nous y reconnaître. Mais encore un préalable avant de nous plonger dans le récit. Toute histoire, tout texte est la réponse à une question, question qui n'est pas prononcée dans le récit, mais que nous pouvons rechercher et trouver. Ici, le récit de la rencontre entre Moïse et le buisson ardent me semble être la réponse à la question : Comment entrons-nous en relation, en connexion, en lien avec le divin, avec ce qui nous dépasse, avec le mystère ? Et qui est-il ? N'allons pas tout de suite aux réponses traditionnelles et toutes faites, laissons les choses ouvertes pour le moment.
    Prenons maintenant le récit comme un miroir. Considérons que Moïse n'est pas un prince élevé à la cour du Pharaon. Moïse, c'est nous aujourd'hui, c'est moi, c'est vous. Cette personne est occupée par son travail journalier, son emploi, son gagne-pain. Cette personne garde les troupeaux de son beau-père, il les mène d'un pâturage à l'autre.
    Mais cela pourrait tout autant être un voyageur de commerce pris dans les bouchons de l'autoroute entre Morges et Ecublens, un employé sur un chantier ou un patron dans son bureau. Cet homme est dans la pratique quotidienne de son métier, dans sa routine et cela peut continuer comme cela jusqu'à la retraite ou jusqu'à la mort.
    Une petite vie tranquille, métro - boulot - dodo. Pas de vagues, mais pas d'excitation non plus. Une vie simple. Mais est-ce vraiment la vie, notre aspiration à la vie — nos rêves de jeunesse — que de rester dans cette routine ?
    Dans son ennui, Moïse regarde à droite, à gauche. Un jour son regard est attiré par quelque chose, de côté. Un feu. Ce feu est spécial, il ne consume pas, il ne dévore pas le bois sur lequel il brûle.
    Notre regard n'est-il pas attiré aussi, de temps en temps, vers quelque chose qui nous intrigue ? Quelqu'un qui a une lueur particulière dans le regard, ou une idée qui nous fait vibrer de manière inattendue, ou une coïncidence étrange ? Que faisons-nous à partir de là ?
    Moïse, lui, décide de faire un détour pour étudier le phénomène étrange. Il quitte sa routine. Il se laisse interpeller, dérouter, il ne veut pas laisser passer cela ! Et c'est là que la vie commence, c'est là que l'aventure démarre !
    Moïse se permet de se demander "Pourquoi ?" Pourquoi est-ce comme cela ? Pourquoi ce buissons brûle-t-il sans se consumer ? Pourquoi cette personne rayonne-t-elle pareillement ? Pourquoi cette idée me fait-elle vibrer ? Pourquoi ces coïncidences me parlent-elles ?
    Vous aurez remarqué que, c'est à partir du moment — nous dit le texte — où Moïse s'est dérouter et se demande "Pourquoi?" que Dieu s'intéresse à lui. C'est là qu'il l'appelle "Moïse, Moïse !"
    Quand notre curiosité est éveillée, quand nous nous laissons dérouter, sortir des ornières de nos routines, nous nous ouvrons à un appel extérieur. Quand notre curiosité est éveillée, nous pouvons entendre que la vie nous appelle, que ce qu'il y a de vivant autour de nous rejoint en nous ce qui attend d'être réveillé, relevé, ramené à la vie. Le buisson, la lueur dans le regard, la coïncidence nous appellent — le texte disait d'emblée "l'ange du Seigneur était dans la flamme" (Ex 3:2).
    Il y a tout le long de notre chemin des buissons, des curiosités, des gens qui cherchent à mettre notre côté vivant en éveil ! Chaque jour, quelque chose ou quelqu'un attire notre attention pour nous éveiller à la vie, à la vraie vie. La question est de savoir si nous regardons de côté, à côté des routines qui nous arrangent, à côté des routines qui nous reposent, à côté des routines qui sont sans risque pour nous ?
    Allons-nous nous laisser dérouter, ou bien préférons-nous continuer notre petite vie tranquille jusqu'à la retraite ou à la mort ?
    Moïse laisse sa curiosité être allumée. Il sort de son chemin ordinaire, il se laisse appeler, appeler par son nom et il répond à l'appel de la Vie, du Vivant : "Je suis là !" (Ex 3:4) Il dit oui à la vie qui l'appelle, à cette vie nouvelle, à cette vivacité, cette énergie qui va le faire quitter son désert et ses troupeaux pour une autre existence où il fera sortir le peuple hébreu d'Egypte.
    Devant nous s'étale la vie jusqu'à notre mort… Allons-nous suivre notre routine habituelle ou bien ouvrir les yeux aux interpellations de la vie ? Allons-nous changer de chemin pour avoir une vie plus vivante ?
    Cela vous donne envie, mais vous ne savez pas comment vous y prendre ? Il y a ici une communauté qui se réunit chaque dimanche pour apprendre à saisir la vie, pour apprendre à voir ce qui se passe en dehors de la routine quotidienne, pour apprendre à entendre l'interpellation du Vivant à vivre pleinement. A chacun de voir si cela vaut le détour !
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Exode 33. Dieu ne se laisse voir que de dos.

    Exode 33
    3.6.2012
    Dieu ne se laisse voir que de dos.
    Exode 33 : 18-23      Jean 1 ; 14-18      Jean 14 : 8-11

    Téléchargez la prédication ici : P-2012-06-03.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Moïse et Philippe, le disciple, font la même demande, ils veulent voir Dieu ! C'est notre aspiration humaine, une aspiration qui traverse le temps et l'espace, qui agite tout humain. Voir Dieu. Enfin savoir, enfin avoir une certitude. Plus encore, pouvoir maîtriser, contrôler notre vie, notre chemin, notre destin.
    Mais la Bible nous dit qu'il est impossible, incompatible de voir Dieu et de vivre. La Bible pose cela comme un principe, un axiome, sans explication, comme une évidence. Cela souligne la différence, la distance entre Dieu et l'humain, une distance de fait, comme l'eau et le feu, comme la matière et l'anti-matière, ou encore comme l'obscurité et la lumière. L'obscurité ne peut pas se maintenir dans la lumière, c'est incompatible, de fait. Voilà pour la distance.
    Pourtant, Dieu n'a de cesse de vouloir s'approcher de l'humain. Dieu n'a de cesse de nous adresser la parole. Dieu n'a de cesse d'attirer notre attention ! Dieu n'a de cesse de vouloir rompre cette distance, nouer un contact, créer une relation. Mais cette relation ne peut pas être directe, sans intermédiaire, sans médiation. C'est ce que disent, parallèlement, le récit de Moïse et l'entretien entre Jésus et Philippe.
    Dans l'Ancien Testament, la relation directe est symbolisée par la vue, le regard, la vision. La relation indirecte est symbolisée par l'ouïe. Dieu parle aux prophètes, aux rois, à Moïse et ces derniers retransmettent ces paroles au peuple.
    Un interdit sur la vue de Dieu est placé dans le Décalogue : "Tu ne te feras pas d'image de Dieu." Faire une image, c'est enfermer Dieu dans notre vision de lui, c'est en prendre possession, prétendre à le contrôler, à le maîtriser. C'est outrepasser la juste relation à Dieu.
    Comment conjuguer l'impossibilité de voir Dieu et son désir de se révéler, de se faire connaître ? Comment conjuguer l'impossibilité de voir Dieu avec notre soif de le connaître, de le découvrir ? Le récit de la demande de Moïse à voir Dieu nous en donne quelques pistes.
    Dieu ne repousse pas la demande de Moïse, il y répond même : il va faire passer sa gloire et proclamer son nom. Mais ce processus va être accompagné de mesures de protection et d'explications sur ce que Dieu va montrer de lui-même. C'est Dieu lui-même qui va, en même temps, exaucer la demande de Moïse et le protéger du danger de sa demande.
    Il y a trois mesures de protection :
    La première, c'est que Moïse se place dans le creux du rocher, protection terrestre, abri naturel. On peut comparer cela aux mesures de protection physiques, matérielles que nous sommes tous invités à utiliser pour nous protéger le mieux possible des risques et des dangers de l'existence. Ne pas prendre inutilement des risques qui mettent notre vie en danger.
    La deuxième protection, c'est que Dieu lui-même va placer la paume de sa main sur Moïse pour le protéger. C'est la protection divine qui recouvre Moïse. C'est la protection que nous pouvons demander à Dieu dans la prière, pour tout ce que nos propres protections ne peuvent pas protéger.
    La troisième protection que Dieu offre, c'est de ne pas montrer sa face, son visage, mais de se laisser entre apercevoir, "de dos" nous dit le texte. Dieu va soulever sa main de dessus Moïse pour que celui-ci puisse apercevoir Dieu de dos, à la fin de son passage au-dessus de Moïse. C'est une vision furtive qui est offerte à Moïse, c'est une vision d'après-coup.
    Cela me fait penser à la vision des pèlerins d'Emmaüs, qui reconnaissent Jésus après-coup, dans la fraction du pain, alors que Jésus disparaît de leurs yeux. Je reviendrai sur cette vision "après-coup" et sa signification.
    Dieu dit aussi ce qu'il va montrer à Moïse, et c'est surprenant. Moïse demande à voir la gloire de Dieu. En termes laïcs, la "gloire", en hébreu, c'est la valeur, même la valeur marchande. La "gloire" du Liban, ce sont ses cèdres, le bois de ses cèdres. C'est la ressource du pays, ce qui en fait la valeur.
    Ce que Moïse demande à voir de Dieu, c'est ce qui en fait la valeur, sa ressource, sa qualité première. Et voici la réponse que Dieu donne à Moïse, si vous vous en rappelez : "Je vais passer devant toi en te montrant toutes mes bontés et en proclamant mon vrai nom." (Ex 33:19). Et il ajoute : ce qui me caractérise, c'est que je fais grâce et que je m'émeus de compassion.
    Le visage de Dieu présenté — en paroles — à Moïse, c'est celui de la bonté, de la grâce et de la compassion. Ce sont les qualités que l'Evangéliste Jean attribue à Jésus, celles qu'il a reçues du Père. Dans le jeu de renvoi de Jésus au Père, dans l'Evangile de Jean, il y a ce même évitement de la vue face à face. Quand Philippe demande à Jésus de "voir le Père", celui-ci lui répond : "Celui qui m'a vu a vu le Père" (Jn 14:9).
    Jésus ne peut pas montrer le visage de Dieu au ciel, il est lui-même le visage de Dieu sur terre, mais un visage que personne ne voit directement. En tout cas pas les adversaires de Jésus qui cherchent toujours à le mettre à mort. Mais même les disciples — et Philippe en est un exemple — n'arrivent pas à voir vraiment le visage de Dieu. Même avec Jésus parmi eux, ils ne voient Dieu que "de dos." Voir Dieu "de dos" signifie que l'on ne peut voir de Dieu que la trace qu'il laisse en passant.
    Dieu est insaisissable, incontrôlable. Nous ne pouvons pas le maîtriser, le tenir, dire : il est là maintenant.
    Notre travail, c'est de chercher sa trace, de voir son dos lorsqu'il a passé dans un moment de notre existence. Ce travail — car c'est un travail, un travail auquel renoncent nombres de nos contemporains — ce travail c'est de relire notre journée, relire notre existence, revenir sur nos faits et gestes et voir chaque fois que nous avons été protégés, accompagnés, guidés, soutenus.
    Nous pouvons, chaque soir, monter sur la montagne, nous blottir au creux du rocher et tenter d'apercevoir, furtivement, après-coup, quelle trace Dieu a laissé dans notre journée.
    Amen  
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Actes 2. Il est temps de passer du Dieu extérieur au Dieu intérieur

    Actes 2
    27.5.2012
    Il est temps de passer du Dieu extérieur au Dieu intérieur
    Jérémie 31 : 31-34     Actes 2 : 1-4    2 Corinthiens 4 : 6-8

    Téléchargez la prédication ici :P-2012-05-27.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aujourd'hui à Pentecôte, nous fêtons le don de l'Esprit saint aux disciples. C'est l'accomplissement que Jésus avait annoncé et promis. Lui-même n'étant plus là, Dieu envoie l'Esprit saint comme présence divine auprès des disciples, des croyants.
    L'Evangéliste Luc en fait une représentation, une traduction dans la visible : même des inconnus autour de la maison entendent et voient des choses, même s'ils l'interprètent mal en pensant que les disciples sont ivres. 
    Cette représentation s'inscrit dans le plan de Luc pour le livre des Actes, ce livre qui montre comment l'Esprit de Jésus anime les apôtres et dirige l'annonce de l'évangile depuis Jérusalem jusqu'à Rome.
    Cette représentation peut devenir pour nous, aujourd'hui, un obstacle, si nous nous attachons aux "signes extérieurs", à la manifestation bruyante et visible. Cela risque de nous faire oublier que le don de l'Esprit est la réalisation de la nouvelle Alliance qu'annoncent tous les prophètes : Dieu se rend présent à nous. Jérémie annonce cette nouvelle Alliance et nous pensons avec raison que le Christ l'a réalisée.
    Cependant, je pense que nous ne sommes pas allés jusqu'au bout de l'enseignement de Jésus, nous n'en avons pas tiré toutes les conséquences ! Nous avons retenu que Jésus est le Fils de Dieu, c'est-à-dire que Jésus est habité pleinement par l'Esprit de Dieu. Nous avons retenu que le visage de tout prochain est porteur de l'image de Dieu, qu'il est le reflet du visage du Christ. Mais, nous hésitons à franchir le pas suivant, qui en est la suite logique : Dieu habite en nous. Dieu est au fond de nous-même.
    Si mon prochain est visage du Christ, pourquoi ne le suis-je pas pour moi-même ? Si Dieu est venu pleinement habiter dans l'homme Jésus, pourquoi n'habiterait-il pas en moi, comme il l'a promis ?
    Bien sûr, énoncer que "Dieu habite au plus profond de chaque être humain" est un courant minoritaire dans la Bible. Mais "le Messie souffrant" aussi était un courant minoritaire jusqu'à la mort sur la croix. Et pourtant, c'est la clé d'interprétation qu'a choisi le Christianisme pour relire l'Ecriture. A partir de la croix, le Christianisme a laissé tomber toute une partie de l'Ancien Testament, tout ce qui concerne le culte au Temple et les lois sacrificielles.
    N'est-il pas temps, aujourd'hui, de prendre au sérieux ce courant qui fait passer Dieu "de l'extérieur à l'intérieur" ? N'est-il pas temps de renoncer au Dieu extérieur, le maître de l'Histoire des peuples, le Dieu horloger, le Dieu "cause première" pour considérer le Dieu dont nous parle réellement Jésus : celui qui change les cœurs, celui qui soigne et guéri les plaies de l'âme, celui qui relève.
    A quoi sert de garder ce Dieu du dehors qui ne sert que de réceptacle aux reproches de nos contemporains qui disent avec raison de Lui : "pourquoi permet-il le mal s'il est tout-puissant" ?
    La Pentecôte est la fête de l'Esprit de Dieu qui vient en nous. C'est une représentation pour marquer qu'on entre dans une nouvelle période de la révélation. C'est la nouvelle Alliance préparée par les prophètes, celle qui concerne notre cœur de chair (Ez 11:19), celle qui s'inscrit dans nos consciences, à l'intérieur de nous, au plus profond de notre être intérieur.
    Que Dieu habite en nous reste difficile à croire et l'apôtre Paul marque le paradoxe en parlant de la lumière divine que nous portons dans des vases d'argile (2 Co 4:7). Rien dans l'aspect de ces vases ne laisse apparaître qu'ils contiennent quelque chose d'aussi précieux… et pourtant.
    Pas d'orgueil pour nous de porter Dieu au fond de nous-mêmes. C'est un cadeau, souvent un cadeau difficile à découvrir. Nous sommes nous-mêmes tellement "à l'extérieur." Anthony de Mello déclare : "nous accumulons des choses parce que notre cœur est vide." En effet, tant que nous n'avons pas découvert la lumière dans le vase d'argile, la présence de Dieu au plus profond de nous-mêmes, nous sentons le vide en nous.
    A la Pentecôte, Dieu vient habiter notre cœur vide, il le remplit de sa présence. Comme dans les paraboles, la perle est déjà dans le coquillage, le trésor est déjà dans le champ quand ils sont découverts. Ils sont là, maintenant, dans l'attente d'être découverts.
    Et je finirai par cette phrase de Rûmi : "Bien que tu sois ensorcelé par ce monde, au secret de toi-même, tu es un trésor caché. Ouvre les yeux intérieurs, reviens enfin à l'origine de ta propre origine."
    Que cette Pentecôte soit pour nous l'occasion de plonger en nous-mêmes — dans nos vases d'argile — pour y découvrir la lumière de Dieu, l'Esprit de Dieu, la Présence de Dieu qui nous habite.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Actes 1. En partant, Jésus ouvre un espace-temps et un espace géographique devant nous.


    Actes 1
    17.5.2012
    En partant, Jésus ouvre un espace-temps et un espace géographique devant nous.
    Luc 24 : 44-53     Actes 1 : 1-12

    Téléchargez la prédication ici : P-2012-05-17.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aujourd'hui, jeudi de l'Ascension, nous nous souvenons que Jésus a quitté les disciples pour retourner auprès du Père. Seul Luc raconte l'événement de l'ascension de Jésus. Les autres Evangiles se terminent sur les apparitions aux disciples. Mais Luc raconte la suite de l'Evangile dans le livre des Actes des Apôtres, il doit bien présenter la transition entre les apparitions et la prédication des apôtres.
    Ainsi, si Jésus s'est manifesté auprès des disciples après sa mort, il doit bien les quitter pour retourner auprès du Père. Luc en fait un événement en présence des disciples et nous présente deux fois cet événement, une fois à la fin de l'Evangile et une fois au début du livre des Actes.
    Dans l'Evangile, Luc nous donne trois récits à la suite de la mise au tombeau : 1) le récit des femmes qui vont au tombeau et ne trouvent pas Jésus. 2) le récit des pèlerins d'Emmaüs et 3) l'apparition de Jésus aux disciples réunis, où Jésus montre ses pieds et ses mains. Ensuite, sans indication de temps, ce qui laisse penser que tout se passe le même jour, le dimanche de Pâques, Jésus emmène les disciples près de Béthanie — qui se trouve sur le Mont des Oliviers — et il est enlevé au ciel.
    Ce récit insiste — au v. 48 qui dit "Vous êtes témoins de cela" — sur le bagage des disciples, sur le passé. Ces trois récits de Luc 24 soulignent que les disciples sont les témoins de la vie de Jésus, de sa Passion, de son enseignement. Ils comprennent que la Passion du Christ est l'accomplissement des Ecritures. Les disciples sont capables de reconnaître Jésus à ses paroles, à ses pieds et ses mains et dans le partage du pain. Ils sont prêts, formés, dans l'attente de leur envoi en mission.
    L'Evangile de Luc se termine donc sur une attente… Les disciples sont prêts, Jésus est remonté au ciel, tout peut commencer. C'est pourquoi Luc écrit la suite dans le livre des Actes. Il faut montrer maintenant comment tout commence, comment l'évangile va se déployer dans le temps et dans la géographie.
    C'est ce qu'on retrouve dans le début du livre des Actes. Après une dédicace où il explique son projet, Luc reprend son récit, un peu avant où l'Evangile se termine. Luc introduit un petit dialogue entre les disciples et Jésus, avant son ascension. C'est au cours d'un repas. Jésus dit à ses disciples de ne pas bouger. Ils doivent attendre son départ, puis l'envoi d'une force que le saint Esprit fera descendre sur eux.
    Cet ordre des choses est étrange et cette étrangeté atteste que c'est bien dans cet ordre que cela s'est passé. On s'attendrait à ce que Jésus — dans un dernier geste grandiose — pose les mains sur ses disciples pour les bénir et leur transmettre l'Esprit saint avant de partir.
    Mais non, cela ne s'est pas passé comme cela ! C'est l'inverse — et cela a dû passablement intriguer les disciples et Luc. D'abord Jésus part, ensuite la force promise est donnée. Pour donner un sens à cet ordre des choses, Luc introduit dans son livre des Actes un nouveau cadre temporel — qui est absent de la fin de son Evangile. Luc précise que Jésus est resté 40 jours avec ses disciples — comme Moïse est resté 40 jours sur le Sinaï pour recevoir la Torah. C'est après ce temps que Jésus est élevé et soustrait à la vue des disciples. Plus loin, Luc ajoute qu'il se passe encore 10 jours jusqu'à la Pentecôte pour recevoir l'Esprit saint. C'est ce calendrier que nous suivons aujourd'hui.
    Donc, Jésus annonce pour plus tard le baptême du saint Esprit, ce qui suscite une question des disciples : "Est-ce en ce temps que tu rétabliras le Royaume d'Israël ?" (Ac 1:6). La question tourne autour du temps, particulièrement des derniers temps, de la fin des temps avec le retour de Jésus.
    Jésus répond en disant son ignorance, cela appartient au Père, pas à lui. Mais il indique surtout quelle va être la mission des disciples. Après avoir reçu la force du saint Esprit, "vous serez mes témoins, à Jérusalem, dans toute la Judée, en Samarie et jusqu'au bout du monde." (v.8).  Face à cette question sur la clôture du temps posée par les disciples, Jésus ouvre un espace-temps et un espace géographique devant les disciples.
    Nous n'avons pas à nous préoccuper de la fin des temps, mais du temps qui est devant nous, du temps présent. Mais pour que ce temps s'ouvre, Jésus doit partir, Jésus doit, Jésus veut nous laisser la place, pour vivre et pour agir. En partant, Jésus ouvre le temps, il ouvre l'espace, il nous place en responsabilité. Jésus doit partir pour que notre mission commence ! Nous sommes en charge, nous sommes ses témoins, nous sommes investis d'une force et d'une mission.
    En rejetant la question de la clôture du temps, Jésus ouvre le temps de l'Eglise. A la question des disciples : "Est-ce que TU vas instaurer le Royaume d'Israël ?" (v.6) Jésus répond : "VOUS allez… être mes témoins…" (v.8).
    Aujourd'hui, Jésus nous laisse prendre les rênes, la direction. Aujourd'hui, nous sommes son Eglise, ses témoins, Il est retourné auprès du Père, nous laissant une force et une mission, à nous de jouer. A nous de jouer pour que l'Eglise existe, pour que le Christ soit annoncé, pour que le Christ soit présent pour nos contemporains. A nous de jouer.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Luc 24. Lire la Bible dans une perspective nouvelle.

    Luc 24
    13.5.2012
    Lire la Bible dans une perspective nouvelle.
    Luc 24 : 36-49
    Téléchargez la prédication ici : P-2012-05-13.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Depuis Pâques, nous suivons l'Evangile de Luc, le chapitre 24, qui nous présente les apparitions du Christ ressuscité. Un premier récit avec les femmes devant le tombeau vide, récit de Luc où les femmes repartent vers les disciples sans avoir vu Jésus, mais fortes de la parole des anges. Un second récit, celui des pèlerins d'Emmaüs, où Jésus chemine avec eux, sans qu'ils ne le reconnaissent tout de suite, où Jésus leur explique toutes les Ecritures et où leurs yeux s'ouvrent au moment de la fraction du pain. Mais alors, il disparaît de leur vue. Enfin ce troisième récit, où Jésus apparaît aux disciples, mais où ceux-ci le prennent pour un esprit, un fantôme. Après avoir montré ses pieds et ses mains et mangé du poisson, Jésus leur explique à nouveau les Ecritures.
    Il y a donc deux thèmes dans le récit d'aujourd'hui : montrer que Jésus n'est pas un fantôme et renvoyer aux Ecritures pour comprendre le ministère de Jésus. C'est ce deuxième thème que j'aimerais aborder aujourd'hui, parce qu'il me semble central dans la pensée de l'évangéliste Luc. Comprendre les Ecritures, ce qu'elles disent du Christ, c'est vraiment l'enseignement central du Christ ressuscité. Souvenez-vous de ce que disent les anges aux femmes : "Rappelez-vous ce qu'il vous a dit lorsqu'il était encore en Galilée : « Il faut que le Fils de l'homme soit livré à des pécheurs, qu'il soit cloué sur une croix et qu'il se relève de la mort le troisième jour. »" (Luc 24:6-7). Les femmes sont mises en mouvement lorsqu'elles se souviennent des paroles de Jésus annonçant sa Passion.
    Ensuite, dans le récit des pèlerins d'Emmaüs, on lit ceci :" Alors Jésus leur dit : « Gens sans intelligence, que vous êtes lents à croire tout ce qu'ont annoncé les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Messie souffre ainsi avant d'entrer dans sa gloire ? » Puis il leur expliqua ce qui était dit à son sujet dans l'ensemble des Écritures, en commençant par les livres de Moïse et en continuant par tous les livres des Prophètes." (Luc 24:25-27). Après coup, les disciples réalisent : "N'y avait-il pas comme un feu qui brûlait au-dedans de nous quand il nous parlait en chemin et nous expliquait les Écritures ?" (v.31). Enfin le troisième récit : "Jésus leur dit : « Quand j'étais encore avec vous, voici ce que je vous ai déclaré : ce qui est écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, dans les livres des Prophètes et dans les Psaumes, tout cela devait se réaliser. » Alors il leur ouvrit l'intelligence pour qu'ils comprennent les Écritures, et il leur dit : « Voici ce qui est écrit : le Messie doit souffrir, puis se relever d'entre les morts le troisième jour." (Luc 24:44-46).
    Dans les trois récits, le renvoi — pour comprendre et croire — porte toujours sur les souffrances du Messie, de l'envoyé de Dieu, du Christ. L'enseignement de tout ce chapitre, de ces trois récits est que la clé de compréhension de la vie et de la mort de Jésus se trouve dans la Bible.
    Jésus invite les disciples à reprendre la lecture de la Bible avec un angle nouveau, une question nouvelle, une lumière, une perspective nouvelle ! Il ne s'agit pas de lire des histoires diverses sur les patriarches, le peuple hébreu, les rois d'Israël. Il s'agit de découvrir la trace de Dieu dans l'histoire des êtres humains. Il s'agit de reprendre toute la lecture sous un jour nouveau, faire une nouvelle recherche avec une nouvelle grille d'interprétation. Il s'agit de lire entre les lignes des histoires pour voir la trace du Christ, pour découvrir le projet de Dieu, déjà écrit en filigrane dans le Premier Testament. C'est ainsi que Jésus leur ouvre l'intelligence (v.45).
    Et c'est bien ce dont nous avons besoin — à nouveau — aujourd'hui, pour nous et pour nos contemporains. Pourquoi personne ne lit-il plus la Bible aujourd'hui ? Parce qu'on ne sait plus quoi y chercher qui nous concerne, qui concerne aujourd'hui. Il semble que ce ne soient plus que de vieilles histoires. Exactement comme pour les disciples avant la croix.
    Jésus donne aux disciples une clé d'interprétation nouvelle. Il leur dit (v.46-47) : Dans l'Ecriture, vous allez voir le Messie souffrir, ressusciter le troisième jour et annoncer le changement de mentalité vers la libération. A nous, aujourd'hui, de laisser tomber les interprétations anciennes qui nous enferment et reprendre la lecture avec ces critères retrouvés.
    A. Premier critère. Où et comment les textes montrent-ils que Dieu souffre avec l'humanité ? Ça c'est un changement de perspective ! L'évangile nous dit : Dieu souffre. Dieu souffre avec l'humanité, avec le malade, avec l'endeuillé, avec l'humilié, avec celui qui est trompé. Chercher où et comment les textes nous montrent que Dieu souffre de nos situations et qu'il est à nos côtés. La Bible n'est pas muette de ce côté-là.
    B. Deuxième critère. Chercher partout où Dieu relève, où il fait pencher les choses du côté de la vie, où il transforme le malheur en promesse de vie, là où il suscite la résilience. L'évangile nous dit : Dieu ressuscite, il relève, il transforme le malheur en ressource, en relèvement. La Bible n'est pas muette de ce côté-là.
    C. Troisième critère. Cela se passe le troisième jour. Etrange critère. Je le comprends comme disant : il faut savoir — non pas attendre passivement mais— laisser mûrir ! Nous voudrions que la résurrection ait lieu une seconde après la mort. Nous voudrions que nos malheurs cessent avant d'avoir commencé. Nous voudrions que la souffrance cesse tout de suite, que le deuil ne suscite pas de peine. La vie a un rythme, le corps a son rythme, l'âme a son rythme. Il faut apprendre "la calme lenteur de toute germination*." La Bible n'est pas muette de ce côté-là.
    D. Enfin, le quatrième critère pour relire la Bible, c'est de voir qu'elle annonce "la conversion en vue de la rémission des péchés" dit Luc. Voilà du vocabulaire qu'il faut apprendre à traduire, et traduire avec les critères précédents. La "conversion" (metanoia), c'est un changement de l'esprit, c'est le changement de perspective dont j'ai déjà parlé. Dans tout son ministère, Jésus a parlé et agit pour changer les mentalités. Il a défait les liens entre maladie et faute, entre maladie et exclusion, entre différence de nationalité ou de sexe et mépris, entre contrainte et service libre de Dieu, pour ne citer que quelques-uns de ces changements. La "conversion pour la rémission." La rémission, c'est l'action de laisser partir, c'est le mot qui est utilisé pour libérer quelqu'un de ses obligations militaires ou pour remettre une dette. C'est donc libérer d'un fardeau, de quelque chose qui empêche d'être libre. Enfin, il y a ce terme de "péché" (la rémission des péchés) qui nous embarrasse aujourd'hui, tellement il a été lié à la faute, à la faute morale. Bien sûr, nous ne sommes pas exempts de fautes, mais les malheurs n'arrivent jamais en proportion de nos fautes. Le mot grec signifie, à la base : manquer sa cible. Il n'y a aucune connotation morale. C'est la flèche de l'archer qui dévie de sa trajectoire et qui manque sa cible. D'où la notion d'égarement, puis de se tromper de chemin, jusqu'à l'idée de faute.
    Le changement de perspective que Jésus a toujours voulu faire comprendre, c'est que notre situation de vie ne tient pas de la faute, mais plutôt de la déviation de trajectoire, de la trajectoire voulue par Dieu. Et Jésus est venu pour nous remettre sur la bonne trajectoire, c'est pourquoi il peut pardonner la déviation du paralytique et le remettre debout.
    Le changement de perspective auquel Jésus nous invite dans la lecture de la Bible et de notre trajectoire de vie, c'est à être libéré de notre égarement, à être libéré du fardeau qui consiste en l'obligation de réussir notre vie. Notre vie est faite de trajectoire en zigzag, de réussites et d'échecs, de joies et de deuils, de gestes amicaux et de coups tordus.
    Le Christ ressuscité nous invite à trouver Dieu au cœur de nos souffrances et de nos rattages, comme un ami bienveillant, à patienter jusqu'au troisième jour pour être relevé et pour recevoir cette compréhension que Dieu œuvre en nous pour nous libérer de la peur de rater notre vie.
    Amen.

    * Règle de Reuilly, p. 57.
    © Jean-Marie Thévoz

  • Luc 24. Pas de vision directe du ressuscité, pour l'évangéliste Luc.

    Luc 24
    6.5.2012
    Pas de vision directe du ressuscité, pour l'évangéliste Luc.
    Luc 24 : 13-35

    Télécharger la prédication ici : P-2012-05-06.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Christ est ressuscité ! C'est ce que nous proclamons depuis Pâques, comme chrétiens. C'est ce que les premiers chrétiens ont proclamé, cru et transmis, et que d'autres chrétiens ont relayé jusqu'à aujourd'hui. Il y a des Eglises encore aujourd'hui, et nous sommes-là en ce moment, parce que ce message a été proclamé.
    Il n'en reste pas moins que cette proclamation reste difficile à comprendre, à saisir ou à accepter. Et c'est bien aussi ce que nous dit le récit de Luc, de ces "pèlerins d'Emmaüs" qui cheminent, qui s'éloignent de Jérusalem pour retourner chez eux. Ils étaient montés à Jérusalem plein d'espoir, ils pensaient que ce Jésus était celui qui allait délivrer Israël (Luc 24:21). Ils rentrent attristés, déçus, tout a mal tourné.
    C'est dans ce contexte, cette situation, triste et bouchée, que Luc vient parler de résurrection, de Jésus ressuscité. Luc veut nous faire comprendre de quelle nature est la résurrection. Luc était médecin, il avait fait des études, ce n'était pas un illuminé, prêt à croire une fable ou l'illumination d'exaltés. Luc ne cherche donc pas à éblouir ou à aveugler par des éclairs. C'est le contraire; le récit est tout en retenue, Luc est même extrêmement économe dans ses récits d'apparition de Jésus.
    Dans ce récit des "pèlerins d'Emmaüs" Jésus chemine avec Cléopas et un autre homme, mais sans qu'ils ne le reconnaissent. Pour eux deux, c'est un inconnu qui chemine avec eux. Cela peut-être n'importe quel voyageur. Ensuite, quand les yeux de Cléopas et de l'autre homme s'ouvrent, Jésus disparaît.  Jésus n'est reconnu qu'après coup. (v.31)
    Pourquoi Luc joue-t-il à ce jeu de cache-cache ? Parce qu'il doit exprimer par des mots une réalité qui nous échappe, une réalité inconnue, toute nouvelle : Jésus est présent malgré le fait qu'il soit mort sur la croix. Sa présence persiste au-delà du mur de la mort. Mais cette présence n'est pas celle de quelqu'un qui aurait été réanimé, ni la présence d'un fantôme.
    Cette présence de Jésus chemine avec nous et dialogue avec nous. Jésus n'est ni sous terre, ni loin dans le ciel, il est sur les chemins de nos vies et il vient pour partager nos moments de vie et il vient incognito.
    Nous ne pouvons pas dire — à coup sûr — "il n'est pas là maintenant !" parce que nous ne le voyons pas. Il est dans notre cheminement. Il est dans notre questionnement, dans nos interrogations, dans nos déceptions ou nos joies.
    Il nous invite à penser notre vie. "De quoi discutiez-vous", "qu'est-il arrivé" demande-t-il. Il nous invite à raconter ce que nous vivons, à mettre des mots sur les faits, sur nos pensées, sur nos sentiments, sur nos émotions.
    Alors, ce processus nous met en contact avec nous-mêmes, avec notre être intérieur, avec notre histoire, pour coller ensemble, pour rassembler les différents épisodes de nos vies pour en faire un récit qui ait du sens. C'est dans ce processus que les yeux des deux hommes vont s'ouvrir. Ils racontent leur histoire, leurs pensées, leurs sentiments.
    Ensuite, Jésus fait deux choses : a) il relie ces faits et ces pensées avec la tradition, l'histoire du peuple d'Israël qu'on trouve dans l'Ecriture, dans la Bible. b) ensuite il répète les gestes que les disciples ont vécu : le partage du pain, vécu lors du dernier repas avec Jésus.
    Là, ça leur fait tilt. Leurs yeux s'ouvrent, ils comprennent, l'histoire a, tout à coup, un sens. Ce qui était absurde et désespérant prend la forme d'une histoire avec un plan, un but, une orientation. La mort de Jésus n'était pas la fin de l'histoire, mais le début. Jésus n'a pas été assassiné, mais il a donné sa vie pour nous ouvrir les yeux.
    Quand tout s'illumine pour ces deux disciples, Jésus n'a plus besoin d'être assis avec eux à la table, la présence de Jésus est maintenant en eux-mêmes, ils sont habités, ils peuvent se lever, se relever — c'est le verbe de la résurrection qui est utilisé là. Ils peuvent retourner à Jérusalem vers les autres disciples, parce que l'histoire commence maintenant.
    Dans ce récit, ce que Luc montre, c'est qu'il y a deux lieux où l'on peut reconnaître la présence du Christ : premièrement, c'est dans les Ecritures, dans la Bible. A la lumière du Premier Testament, la vie de Jésus et sa mort prennent un sens nouveau, qui est le début d'un histoire et non le terminus. Deuxièmement, c'est dans le partage du pain, dans la Cène que se révèle la vie du Christ ressuscité. C'est là, dans l'Ecriture et dans la Cène que se révèle la vie du Christ ressuscité.
    Pour Luc, il n'y a pas de vision directe du ressuscité. Il n'y a pas besoin de vision directe pour être croyant, pour comprendre. La vérité du Christ n'est ni sous terre dans un tombeau, ni au ciel — en sécurité dans le ciel, loin de la méchanceté humaine. Non, la vérité du Christ est dans cette présence invisible parmi nous qui se vit dans le lien entre notre histoire et l'histoire des croyants racontée dans la Bible et dans le partage du pain, signe du partage des biens et du partage des soucis de la vie quotidienne.
    A nous d'ouvrir les yeux pour voir qui chemine avec nous. Pour entendre les questions que nous posent ceux qui cheminent avec nous. Pour entendre les liens que tissent notre histoire avec les personnages de la Bible. Pour reconnaître le Christ dans ceux qui partagent le pain de l'existence avec nous.
    Christ n'est ni enfermé dans son tombeau, ni éloigné dans le ciel. Il chemine avec nous pour nous ouvrir les yeux, pour nous relever et pour nous donner la vraie vie avec lui.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Luc 24. "Souvenez-vous des paroles que Jésus vous a dites en Galilée."

    Luc 24
    8.4.2012
    "Souvenez-vous des paroles que Jésus vous a dites en Galilée."
    Luc 23 : 50-56    Luc 24 : 1-12

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous avons vu à Vendredi saint comment l'Evangéliste Luc interprète la Passion de Jésus. Luc présente la mort de Jésus sur la croix comme une injustice frappant un innocent. Jésus est présenté comme la figure du Juste qui souffre, mais qui garde confiance. Il pardonne à ses bourreaux. Il donne espérance au malfaiteur qui reconnaît ses propres fautes et témoigne de l'innocence de Jésus. Il remet à Dieu son esprit en toute confiance.
    Comment Luc nous présente-t-il maintenant la résurrection ? Cela commence par la mise au tombeau. Dans cette scène sont mis en place les lieux et les personnes qu'on retrouve le dimanche matin. La tombe est un tombeau individuel, neuf, n'ayant pas servi. Il est vu et reconnu par les femmes qui vont s'occuper, après le sabbat, de la toilette mortuaire et des rites funéraires. Il n'y aura pas de confusion de lieu ni de dépouille lors du retour des femmes.
    Ainsi, tout repose pendant le samedi, dans une stricte observance du commandement divin.
    A l'aube du lendemain du sabbat, notre dimanche, les femmes reviennent pour les rites funéraires. Elles ont à l'esprit les gestes traditionnels qui rendent hommage aux morts et nous préparent à la séparation. Elles ne s'attendent donc pas du tout à ce qu'elles vont trouver et ne pas trouver.
    Elles trouvent la pierre roulée et elles ne trouvent pas le corps du Seigneur Jésus. Et le récit nous dit là qu'elles ne savent pas quoi faire. Elles sont venues avec leur savoir-faire — le rite funéraire — mais il n'y a plus de mort. Elles sont désemparées.
    Apparaissent deux hommes avec des vêtements de lumière qui vont dire les paroles décisives : "Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts. Il n'est pas ici, il est réveillé" (Luc 24:6) et "Souvenez-vous des paroles qu'il vous a dites en Galilée !" (v.6). Ces paroles sont les annonces de la Passion que Jésus a répété trois fois aux disciples.
    Lorsqu'elles se souviennent, lorsqu'elles rassemblent leurs souvenirs, alors elles repartent du tombeau pour retrouver les autres disciples et elles leur racontent ce qu'elles ont vu. Mais les disciples ne les croient pas, pas encore. Seul Pierre doute assez pour aller voir de ses propres yeux et confirme que le tombeau est vide.
    Voilà le récit du matin de Pâques rapporté par Luc.
     Ce récit de Luc se différencie des trois autres Evangiles en ceci : chez Luc, les femmes vont du tombeau vide vers les disciples sans rencontrer Jésus. Dans les trois autres Evangiles, les femmes découvrent le tombeau vide d'abord, mais sur le chemin du retour elles rencontrent le Christ ressuscité et c'est de cette rencontre que les femmes vont témoigner auprès des disciples.
    Ici, Luc fait le tour de force de nous donner le récit de la résurrection sans rencontre avec le Ressuscité ! Que faut-il en penser ?
    Je crois que Luc place les femmes directement dans la situation de ses auditeurs et de ses lecteurs, ceux d'hier comme ceux d'aujourd'hui, dans une situation où ni elles, ni nous, ne voyons de nos yeux le Christ ressuscité. Nous ne pouvons plus dire : c'était plus facile pour ces femmes que pour nous aujourd'hui ! Nous sommes dans la même situation que les disciples, les disciples sont dans la même situation que nous. Tout repose sur la foi.
     Ce qui est intéressant dans le récit de Luc, c'est de voir comment naît et se développe la foi. Les témoins aux vêtements de lumière disent aux femmes : "Souvenez-vous des paroles que Jésus vous a dites en Galilée." (v.6). Et le déclic se passe effectivement pour les femmes (v.8) lorsqu'elles se remémorent les paroles de Jésus.
    Ce processus de remémoration, c'est le fait de mettre ensemble, de relier des événements, de faire des liens entre des mots et des faits. C'est ainsi que l'on donne sens à une suite de faits dans sa vie, quand on peut se dire : "En fait, tout se tient !" ou "Cela prend sens !" ou encore "Je comprends maintenant."
    Mettre les choses ensemble se dit en grec "symbolon" ce qui est le contraire de séparer, diviser qui se dit "diabolon." Cela parle par soi-même.
    Le lieu de la révélation, dans le récit de Luc, c'est la mémoire qui permet de mettre ensemble des éléments qui n'avaient pas encore de liens. Ce dimanche matin, les événements de la vie de Jésus prennent sens. Les femmes découvrent — devant le tombeau vide — que la vie du Juste n'est pas anéantie, mais que Dieu l'a relevée. Le Vivant n'est pas parmi les morts. Et c'est toute la vie de Jésus qui en témoigne.
    C'est la vie de Jésus qui est une attestation de la résurrection, pas une apparition ou une autre. C'est pourquoi Jésus n'apparaît pas aux femmes et que la première "apparition" de Jésus, chez Luc, devant les pèlerins d'Emmaüs, sera simultanément une transposition dans le pain et une disparition aux yeux des pèlerins (Luc 24:31).
    Chez Luc, la résurrection se passe avant tout dans le témoignage de la vie de Jésus avant sa mort, pas après la croix. Après la croix, c'est le Saint-Esprit qui témoigne de la présence de Jésus.
    C'est pourquoi, sans avoir vu Jésus, les femmes peuvent aller témoigner auprès des disciples de la résurrection du Christ.
    Et c'est la chaîne des témoins qui commence et se déroule. Des deux hommes vêtus de lumière aux femmes; des femmes à Pierre et aux premiers disciples; des disciples aux habitants de Jérusalem, puis jusqu'aux extrémités de la terre, jusqu'à nous. C'est une chaîne qui ne doit pas être interrompue.
    A chacun de se demander : Qu'ai-je entendu ? Qu'ai-je reçu ? De quelle parole puis-je me souvenir qui fasse lien, qui fasse sens et témoigne de la résurrection dans ma vie ?
    C'est de cette vie-là, de ce sens-là que je suis appelé à témoigner. Le Vivant est présent dans ma vie.
    Amen.
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Luc 23. Luc présente la mort de Jésus comme une erreur judiciaire

    Luc 23
    6.4.2012, Vendredi-saint
    Luc présente la mort de Jésus comme une erreur judiciaire
    Luc 23 : 22-56
    Télécharger la prédication : P-2012-04-06.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous sommes face au mystère de la mort de Jésus, face au mystère de la croix. Un mystère, pas une énigme, car nous savons comment cela s'est passé. L'enquête est close, les faits sont établis, nous savons comment Jésus est mort. Ce qui reste un mystère, c'est pourquoi est-il mort ?
    Les apôtres dans leurs lettres, puis les quatre Evangélistes, nous livrent chacun des pistes d'interprétation, pour répondre à la question "Pourquoi est-il mort ?"
    Le mystère ne signifie pas qu'il n'y a aucune réponse. L'existence du mystère signifie plutôt qu'aucune de ces réponses n'épuise le sujet. Même, toutes ces réponses ensemble ne comblent pas nos interrogations.
    Comment cela a-t-il pu arriver, que l'humanité présente puisse faire exécuter le Fils de Dieu ? Chacun de nous a besoin d'aborder ce mystère et de trouver une réponse qui le satisfasse, une réponse qui fasse sens, pour soi.
    En rédigeant le récit de la Passion, l'Evangéliste Luc apporte la réponse de sa communauté Le fruit de méditations, de réflexions, d'études des Ecritures et de la vie de Jésus.
    Dans son récit du procès et de la mort de Jésus, Luc met en évidence l'innocence de Jésus. Par trois fois, Pilate déclare qu'il ne trouve aucun raison de condamner Jésus (Luc 23:4, 14, 22). Ensuite, seul Luc rapporte le dialogue entre les deux malfaiteurs sur les croix. L'un accusant Jésus et l'autre protestant : "Pour nous cette punition est juste (…), mais lui n'a rien fait de mal." (v.41). Enfin, troisième témoignage — une fois que Jésus est mort — l'officier romain déclare : "Réellement, cette homme était juste" (v.47). Ainsi Luc nous présente-il la mort de Jésus comme une erreur judiciaire, comme la mise à mort d'un innocent, d'un juste.
    Et Luc montre les conséquences catastrophiques pour l'humanité et la création tout entière. Luc est le seul à parler des femmes qui suivent Jésus sur le chemin de Golgotha et à rapporter les paroles de Jésus : "Ne pleurez pas à cause de moi ! Pleurez plutôt sur vous et vos enfants" (v. 28). Jésus met en évidence que son exécution n'est que la figure, la mise en exemple de toutes les mises à mort injustes à venir dans l'Histoire. Ou si l'on regarde en miroir, il avertit qu'il nous faudra regarder les malheurs, les victimes futures comme son propre martyre.
    On peut penser ici à toutes les femmes et tous les enfants, victimes collatérales des conflits violents, ou celles directement visées et abusées, utilisées, pour faire plier et décourager les aspirations à la liberté. Dans ces femmes et ces enfants, c'est la Passion du Christ qui se répète. Et chaque fois que ces martyres se répètent, c'est le ciel qui s'obscurcit sur toute la terre, de midi à trois heures. Métaphore pour dire la tristesse de Dieu de voir des humains torturés et maltraités.
    Ainsi, dans son récit de la Passion, Luc nous montre toute la noirceur du monde en train d'assassiner le Juste, celui qui venait apporter la lumière aux humains. En ce moment, le Juste est réduit à l'impuissance, la lumière s'éteint, le mal triomphe.
    Il y a cependant, dans le récit de Luc, trois lampes qui brillent dans cette obscurité : ce sont les trois paroles de Jésus sur la croix.
    1) "Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font" (v.34). Jésus demande à son Père de ne pas ajouter du malheur au malheur. La situation est déjà assez sombre pour ne pas y ajouter des punitions supplémentaires. La culpabilité est évidente, les hommes se punissent assez eux-mêmes en agissant comme cela. Il n'y a rien à y ajouter.
    2) Sur la croix, Jésus répond en ces termes à la demande du malfaiteur qui reconnaît l'innocence de Jésus : "Je te le déclare, c'est la vérité, aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis" (v. 43). Une parole de délivrance et d'espérance. Il y a une issue pour ceux qui savent identifier où est le mal et où est le bien, pour celui qui sait distinguer entre le bourreau et la victime.
    Le récit de la Passion lui-même doit nous servir de grille de lecture, de grille d'interprétation dans notre lecture des nouvelles du monde. Nous devons apprendre à distinguer victimes et bourreaux. Jésus sur la croix, se tient résolument aux côtés des victimes, victimes tant des malheurs que de l'injustice.
    3) Au moment de mourir, Jésus crie : "Père, je remets mon esprit entre tes mains" (v.46). Une parole de confiance, une parole de certitude, le Père est là, près du Fils, les bras ouverts. Quand toute la violence du monde et des humains s'est liguée contre Jésus, il n'est pas seul, il n'est pas abandonné. Dieu est de son côté, il peut se réfugier en Lui et Lui remettre sa vie.
    Ces trois paroles illustrent, dans ces sombres événements, trois repères qui vont permettre de traverser la nuit de la mort et préfigurer Pâques : le pardon, l'espérance et la confiance.
    Le pardon sur le passé, sur notre passé, pour se relever comme le paralytique et nous mettre en marche à la suite de Jésus. L'espérance qui nous assure un avenir, l'espérance du royaume de Dieu, qui nous donne un but et une tâche pour mettre un peu de lumière dans notre monde obscur. La confiance pour notre présent, confiance dans la bonté, la bienveillance de Dieu qui veille sur nous comme un Père lorsque nous traversons l'obscurité.
    La mort du Juste nous montre l'obscurité du monde, mais le Juste a allumé les lampes — au cœur de cette obscurité — du pardon, de l'espérance et de la confiance.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Luc 6. "Celui qui tient un marteau dans la main cherche des clous"

    Luc 6
    25.3.2012
    "Celui qui tient un marteau dans la main cherche des clous"
    1 Thess 5 : 15-18     Luc 6 : 46-49
    Télécharger la prédication : P-2012-03-25.pdf

    "Celui qui tient un marteau dans la main cherche des clous."
    J'ai entendu cette phrase étrange dans une émission de radio qui parlait de la recherche du bonheur. "Celui qui tient un marteau dans la main cherche des clous." Cette phrase m'a donné à réfléchir sur le lien entre ce que fait notre corps et ce que nous pensons. Quand notre corps tient un objet, cela influence notre pensée. Quand nous faisons certains gestes, cela oriente notre esprit dans une direction plutôt que dans une autre.
    Cette phrase veut nous dire que notre regard, notre attention ne sont pas les mêmes selon que nous avons un marteau, un tournevis, un sarcloir ou une éponge à la main.
    Nous avons l'habitude de penser que tout est dans la tête. Que c'est notre cerveau qui dirige, que ce sont nos pensées qui nous façonnent. Nous pensons prendre des décisions de manière rationnelle et les faire exécuter par notre corps. La tête commande et le corps obéit, c'est notre façon habituelle de voir les choses.
    Et pourtant, combien de fois voyons-nous que c'est inefficace ! Entre nous, combien de temps avez-vous tenu les bonnes résolutions de Nouvel An ? Depuis combien de temps essayez-vous de vous débarrasser d'une certaine habitude… sans y parvenir ?
    Hélas, souvent, la volonté ne suffit pas ! L'apôtre Paul — déjà — ne disait-il pas : "Je ne fais pas le bien que je veux, mais je fais le mal que je ne veux pas" (Rom 7:19).
    Peut-être bien que nous prenons les choses à l'envers ? Nous cherchons à dominer le corps par l'esprit, peut-être vaut-il mieux en faire un allié, un collaborateur, un associé, un ami.
    "Celui qui tient un marteau dans la main cherche des clous." Cette phrase m'a fait penser à cette parole de Jésus à propos des deux maisons. Jésus oppose deux attitudes : celui qui écoute sa parole et la met en pratique et celui qui écoute sa parole et ne la met pas en pratique. Remarquez que les deux personnes écoutent la Parole de Jésus.
    La différence est dans la mise en pratique, dans la mise en route du corps, dans la mobilisation de tout l'être. L'intuition formidable de Jésus, c'est que la vie n'est pas seulement affaire de pensée, de réflexion, de volonté, d'intention. La vie est affaire d'action, d'émotion, de pratique, d'exercice, de mise en mouvement du corps, d'action transformatrice du monde.
    Je vous donne un exemple : au collège, j'avais un copain qui était tombé amoureux d'une camarade de classe. Celle-ci faisait de l'équitation. Mon copain s'est alors acheté un livre sur l'équitation. Il pensait pouvoir en apprendre assez sur l 'équitation — dans un livre — pour se rapprocher de cette fille. C'est sûr : il pouvait parler d'équitation, mais il ne savait pas monter à cheval.
    Ce que Jésus veut nous dire, c'est qu'on peut connaître la Bible par cœur, si on n'a pas de pratique, si on n'a pas exercé ce savoir dans la vraie vie, ça ne sert à rien.
    Et Jésus précise à quoi sert cette pratique, il en définit le but : à construire une maison solide dans la tourmente, ce qui est une image pour décrire une personnalité qui résiste aux épreuves de la vie. Le but est donc de construire sa personnalité pour pouvoir vivre heureux, sage ou serein, malgré les tempêtes de l'existence.
    Le savoir théologique ou psychologique ne suffit pas. Il faut s'être exercé. Il ne suffit pas de lire un livre pour savoir monter à cheval. Ce que Jésus nous dit, c'est que la pratique crée l'état d'esprit et la compétence, en même temps. 
    Je vais prendre un exemple qui sera aussi la matière sur laquelle vous pourrez vous exercer toute la semaine qui vient, si vous le souhaitez. Je vais prendre l'exhortation de Paul aux Thessaloniciens : "Soyez joyeux, priez sans cesse, soyez reconnaissants en toute occasion." (1 Thess 5:16-18).
    Cela ressemble typiquement à un ordre du genre : "Soyez spontanés !" impossible à mettre en œuvre ! Comment je fais si je ne suis pas joyeux ? Comment je fais s'il ne m'arrive rien de positif pour lequel être reconnaissant ?
    Et bien, ça ne marche pas, en effet, si on met la charrue avant les bœufs, si on pense qu'il faut d'abord être joyeux pour se sentir bien; s'il faut d'abord qu'il nous arrive quelque chose de vraiment bien ou d'extraordinaire pour être reconnaissant. C'est lié à l'idée que nos émotions doivent diriger nos comportements.
    Et si l'inverse était possible aussi, et si l'inverse était vrai ?
    J'aimerais vous parler d'un journaliste new-yorkais, A. J. Jacobs — spécialiste des paris un peu fous (son expérience précédente avait consisté à lire l'Encyclopédie Britannica en entier !) — ce journaliste a décidé de vivre selon la Bible pendant une année*. Lui, juif agnostique complet, a voulu tenter l'expérience d'obéir à tous les commandements bibliques, les uns après les autres.
    Et il est tombé sur ce commandement de Paul : "Soyez reconnaissants en toutes circonstances." Et il a essayé. Voici ce qu'il dit de cette expérience-là : "Je commence à voir la vie différemment. Quand on remercie Dieu à la moindre petite joie — à chaque repas, chaque fois qu'on se réveille, chaque fois qu'on boit une gorgée d'eau — on ne peut pas s'empêcher d'être davantage reconnaissant de la vie elle-même, du fait improbable et miraculeux qu'on existe." (p.242). Et il ajoute : "le comportement façonne les émotions" (p.409).
    "Celui qui tient un marteau dans la main cherche des clous." Celui qui lève les mains vers le ciel pour rendre grâce trouve toutes sortes d'occasions de remercier et par là même embellit sa vie et la rend joyeuse.
    Lancez-vous dans cette mise en pratique, prenez un carnet ou une feuille de papier dans votre poche et notez toutes les petites choses agréables qui vous arrivent, que vous voyez autour de vous, et vous verrez qu'il y en a, et vous serez surpris de les voir s'accumuler, vous en découvrirez de nouvelles, vous vous arrêterez à des choses à côté desquelles nous passions sans les voir.
    Ecouter les paroles de l'Evangile et les mettre en pratique n'est pas un devoir, un pensum, une charge, c'est le chemin d'une vie heureuse, d'une vie sereine et solidement établie.
    Amen

    * A. J. Jacobs, L'année où j'ai vécu selon la Bible, Actes Sud, 2008 (Babel 1007), traduit de l'américain par Yoann Gentric.

    Site de Jacobs en anglais
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • L'Ancien Testament en bref…


    12.2.2012
    L'Ancien Testament en bref…

    Téléchargez le texte : P-2012-02-12.pdf

    Connaissez-vous les Romains ? Quelques empereurs ? Jules César (à travers Astérix) ou Néron, celui de l’incendie de Rome ? Mon histoire se situe sous l’empereur Vespasien en 70 après J-C. Son fils Titus est général d’armée en Israël. Il vient de réprimer dans le sang une révolte du peuple juif. Titus veut effacer toute trace de la ville de Jérusalem pour dissuader toute nouvelle révolte des juifs.
    Nous nous trouvons sur le Mont des Oliviers, juste en face de Jérusalem. Un père est là avec son fils, Elkaïm, ils regardent, de l’autre côté du ravin, un terrain où il n’y a plus que des tas de pierres et de décombres. Elkaïm demande à son père : 

    — Qu’y avait-il à la place de ces énormes blocs effondrés ?

    — Tu vois, mon fils, c’est là que se dressait le deuxième Temple de Jérusalem. Là où, nos ancêtres depuis plusieurs générations et les juifs des alentours, venions rendre notre culte à Dieu. Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, celui de Moïse, de David et de Salomon. 

    — Pourquoi le deuxième Temple ? 

    — C’est une longue histoire... Dieu avait promis à son peuple d’avoir un pays et un Temple pour l’adorer. Mais le premier Temple a été détruit lui aussi quand les babyloniens nous ont envahis.

    — Qui avait construit le premier Temple ?

    — C’est le roi Salomon qui a construit le premier Temple, il y a environ 1’000 ans pour y placer l’arche de l’Alliance. Son père David avait construit son palais, mais n’avait pas construit de Temple pour Dieu.

    — Qu’est-ce que c’est l'arche de l’Alliance ?
    
— Ah l’arche de l’Alliance, c’est encore plus vieux que le Temple. C’est Moïse qui l’a fait construire quand il était avec le peuple dans le désert. C’était une sorte de caisse avec des statues d’anges dessus. On pouvait la transporter lors du long voyage dans le désert.

    —Pourquoi fallait-il transporter Dieu dans une caisse ?
    
— Ah tu es drôle. Dieu n’était pas dans la caisse ! Dans la caisse, il y avait les Tables de la Loi que Moïse avait reçues de Dieu. 
—Comment Moïse connaissait-il Dieu ?
    
—Il avait rencontré le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob dans la montagne.


    Mais je crois que je fais mieux de te raconter les choses depuis de début, dans le bon ordre, sinon tu ne vas rien comprendre.
    
— Tu vas commencer avec le début du monde ? 

    — Non, Elkaïm, les récits de création du monde sont venus plus tard. Pour nous les croyants, tout commence avec l’homme qui a fait le saut de la foi, qui a pris le risque de croire à celui qui l’appelait, et qui est parti vers l’inconnu.
    Cet homme s’appelait Abraham : il a reçu un appel à partir avec Sarah sa femme. Il a reçu la promesse d'avoir une descendance aussi nombreuse que les étoiles dans le ciel et un pays pour s'établir. 
“A travers toi, je bénirai toutes les nations de la terre.” Pourtant Sarah n’a pas eu d’enfant pendant des années. Mais Dieu a toujours répété sa promesse.Et finalement, Sarah a eu un fils qu’ils ont appelé Isaac. 
    Isaac a épousé  Rébecca. Rébecca a eu 2 jumeaux : Jacob et Esaü. Avec les jumeaux, il y a toujours des problèmes de rivalité. Ces deux-là, ils se battaient déjà dans le ventre de leur mère. Jacob était rusé et il a réussi à prendre à Esaü son droit d'aînesse et la bénédiction d’Isaac. La colère d'Esaü a été telle que Jacob a dû s'enfuir. Il est parti en exil chez son oncle Laban.
    En chemin, il a fait un rêve, il a vu une grande échelle qui descendait du ciel vers la terre. Des anges montaient et descendaient l'échelle. Jacob a compris que ce lieu était habité. Il y a reçu une nouvelle promesse de Dieu : "A travers toi et tes descendants, je bénirai toutes les nations de la terre. Je serai avec toi, je te protégerai partout où tu iras." Jacob y a élèvé une pierre et fait de Béthel un lieu sacré : la porte du ciel, la maison de Dieu.
    Laban avait deux filles, Léa et Rachel. Jacob est tombé amoureux de Rachel, il l'a demandée en mariage. Laban a accepté, mais il a trompé Jacob (chacun son tour !). Au lendemain du mariage, Jacob a découvert qu'il avait épousé Léa. Il épousera Rachel un peu plus tard.
    Puis, Jacob souhaite revenir dans son pays, mais il a toujours peur d'Esaü. Sur le chemin du retour, une nuit, il est attaqué par un personnage bizarre, ange ou démon, Jacob ne sait pas. Jacob gagne, mais en sort blessé, mais avec une nouvelle bénédiction. Esaü accepte la réconciliation.
    Jacob a douze fils. Le cadet, Joseph fait des rêves et provoque la jalousie de ses frères qui le vendent comme esclave à une caravane qui descend en Egypte. Joseph y vit des hauts et des bas. De la prison, il devient premier ministre d'Egypte. Il obtient que ses frères et leurs clans puissent s'établir dans le delta du Nil. Les hébreux s’installent en Egypte. Ils deviennent prospères, mais est-ce la terre promise ?
    Trois cents ans passent. Un pharaon se met à craindre la puissance des hébreux et commence à les persécuter. Il ordonne de tuer tous les garçons nouveau-nés des hébreux pour les affaiblir. Une famille essaie de sauver son enfant en le cachant dans une corbeille au bord du Nil. C'est une des princesses de pharaon qui découvre l'enfant et l'adopte. Elle l'appelle Moïse. Il grandit à la cour, mais, comme Siddhârta, il découvre la souffrance de son peuple. Pour défendre un hébreu maltraité, il tue un égyptien et doit fuir dans le Sinaï. Il y reçoit l'appel de Dieu à délivrer son peuple d'Egypte.
    Un bras de fer est engagé entre Moïse et Pharaon, avec les 10 plaies d'Egypte. “Pharaon, libère Israël” dit Dieu. Finalement Pharaon cède et laisse aller le peuple hébreu. Avant de partir, les hébreux mangent le repas de la Pâque, agneau rôti et herbes amères.
    On raconte que le peuple a marché pendant 40 ans dans le désert, il y reçoit les Tables de la Loi : le décalogue. Au bout du chemin, il y a la Terre promise. Dans le désert, Moïse fait construire l'arche de l'Alliance pour y mettre les Tables de la Loi et un Temple démontable.
    Enfin, le peuple arrive au bord du Jourdain, pour entrer dans la Terre promise. La Bible a placé là le livre de Josué qui raconte la conquête. En fait, c'est la conquête rêvée de la Terre promise, un point de vue écrit bien plus tard, lors de l’Exil.
    Trois cents ans passent encore, c'est le temps des Juges. Le peuple demande alors un roi au prophète Samuel. C’est Saül qui est désigné, mais il n’obéit pas à Dieu. Il est remplacé par David, l’un de ses chevaliers.
    David choisit la ville de Jérusalem pour construire son palais et y installe l’Arche de l’Alliance. La promesse d’avoir un pays est accomplie. Le peuple est prospère. Le prophète Nathan rappelle que — des plus petits aux plus grands, même le roi — chacun doit pratiquer la justice et obéir à la loi de Dieu.
    Salomon construit le premier Temple de Jérusalem. La promesse d’avoir un Temple pour adorer Dieu est accomplie. Il a plusieurs fils qui vont se battre entre eux  pour lui succéder, ce qui provoque la division du pays en deux parties : Israël au Nord et Juda au Sud, autour de Jérusalem. Les prophètes se lèvent pour réclamer la justice. Ils annoncent qu’Israël et Juda vont tout perdre s’ils s’éloignent de la justice que Dieu veut.
    En 722, invasion d’Israël du Nord par l’Assyrie. C'est la perte de l’indépendance annoncée par les prophètes. Les prophètes annoncent que le Sud, Juda va aussi être envahi et détruit, parce que les rois et le peuple abandonnent la justice : “Vous vendez comme esclave celui qui vous doit une paire de sandale !”
    En 587, le royaume de Juda est, en effet, envahi par les Babyloniens. C'est la destruction du Temple et ladéportation du roi, de son administration et du personnel du Temple. C’est l'exil à Babylone. Les prêtres et les scribes du roi ont emporté le plus d’archives possibles avec eux. 

    — Tu vois Elkaïm, en Exil, on s’est demandé : pourquoi est-ce arrivé ? Est-ce que Dieu nous a abandonné ? Est-ce que notre Dieu est vaincu par le dieu de Babylone ? Que deviennent les promesses faites à nos ancêtres ?
     On s’est mis à relire les histoires de nos ancêtres, on a rassemblé les textes pour en faire notre histoire. On a créé Le Livre. Là-bas l’Exode est devenu notre avenir. Les promesses de descendance et de pays sont devenues nos promesses d’avenir. Nous avons compris que nos actes ont des conséquences. Si on se divise, si on exploite ses frères, on s’affaiblit et on peut être balayé par un autre peuple. Nous avons appris que nous pouvions détruire ce qui nous avait été promis.
    Justice et liberté vont ensemble. Nous nous sommes mis à espérer que Dieu nous libérerait une deuxième fois. Nous avons écrit comment nous pensions que serait la reconquête, sous le nouveau Josué.
    Nous attendions un Messie, un nouveau Moïse qui nous conduirait au travers des déserts chez nous, à Jérusalem. Le prophète Ezéchiel a eu des visions : Que Dieu montait dans un char de feu et volait de Jérusalem à Babylone pour nous rejoindre ! Et puis un nouveau prophète Esaïe a annoncé que le Messie allait venir nous libérer. Et Cyrus, le roi Perse a vaincu les babyloniens et nous a permis de rentrer chez nous, en Israël. On a longtemps cru que Cyrus était le Messie promis par Dieu.
    Le retour a été moins glorieux que nous ne l’avions écrit dans le livre de Josué. Mais nous avons reconstruit Jérusalem et commencé à reconstruire le Temple de Dieu. Mais, nous ne sommes jamais redevenu indépendants. Il y a eu les Perses, puis les Grecs, enfin, maintenant les Romains. Cyrus a été un grand libérateur, mais ce n’était finalement pas le Messie.
    Nous attendions toujours le Messie qui nous donnera la justice que Dieu veut. La Loi et la justice sont plus importantes que le pays. L’important c’est d’être libre de pouvoir adorer Dieu. Finalement c’est le roi Hérode qui a fini la construction du deuxième Temple de Jérusalem. C’est dans ce Temple que Jésus est venu et qu’il a parlé au peuple. C’est ce Temple que Titus vient de détruire. Les juifs n’ont de nouveau plus de Temple en pierre. 

    — Mais alors, sans Temple, est-ce que l’Exil recommence pour nous ? demande Elkaïm.
    
— Qu’est-ce qui est le plus important ? d’avoir un Temple ou d’avoir trouvé le Messie ? Tu vois Elkaïm, l’histoire continue avec la venue du Messie Jésus... Il est celui qui accompli les promesses du Livre, mais je te raconterai cela une prochaine fois. Il est temps de rentrer à la maison pour la prière du soir.

    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Le Nouveau Testament en bref…


    11.3.2012
    Le Nouveau Testament en bref…

    téléchargez le texte : P-2012-03-11.pdf

    Elkaïm et son père sont revenus au Mont des Oliviers, où ils se trouvaient il y a un mois. Ils sont au jardin de Gethsémané. Elkaïm demande à son père : 

    — Il y a un mois tu m’as déjà emmené ici, pourquoi on y revient ?  

    — Il y a un mois, nous regardions les ruines du Temple d’Hérode. Et tu me demandais si l’histoire des juifs était finie. J’aimerais te dire comment ça continue !
    Tout n’est pas terminé avec la destruction du Temple, il y a encore un avenir pour les fils d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Dieu n’a pas abandonné son peuple ! L’histoire continue, parce que Dieu a envoyé quelqu’un pour la continuer...
    Tu vois Elkaïm, en même temps que naissait ton grand-père (mon père) naissait un autre personnage. C’était il y a 70 ans. Il s’est fait connaître quand, moi, je suis né. Il y a 40 ans, maintenant. Il est mort avant que je sois assez grand pour le connaître, mais mon père m’en a beaucoup parlé. Et je vais te raconter son histoire.

    Cet homme s’appelait Jésus. Il était de Nazareth. Son père y était charpentier, il s’appelait Joseph, sa mère s’appelait Marie. C’est vers l’âge de 30 ans, qu’il s’est fait remarquer, à peu près au moment de ma naissance. Jésus vivait avec un groupe d’amis qu’il avait rassemblé et qu’il appelait “ses disciples”. Il parcourait la campagne, allant de villages en villages.
    — Qu'est-ce qu'il faisait ?

    — Un jour, alors que Jésus marchait avec ses disciples. Un lépreux s’est approché de lui. Tout le monde reculait de peur d’être contaminé, mais Jésus est allé vers lui. Ils ont parlé et Jésus l’a touché... Tu te rends compte ? Personne ne prendrait le risque de toucher un lépreux, mais lui l’a fait. Après on a dit que le lépreux est reparti guéri.
    Un autre jour, c’est un centurion romain qui lui demande de venir soigner un de ses serviteurs. Et hop, Jésus le suit. Pourtant, on sait ce que les résistants font à ceux qui collaborent avec l’occupant. 
Mais on aurait dit que Jésus n’avait jamais peur. Là où il y avait de la souffrance, de la tristesse, il allait et faisait ce qu’il pouvait pour aider. Le serviteur a été guérit avant même que Jésus n’arrive à la caserne !
    Une autre fois, il était invité chez un Pharisien. Les pharisiens c’est les purs et durs de la pureté. On rigole pas avec eux, c’est comme des talibans. Chez ce pharisien débarque une sorte de mendiante malfamée qui se précipite auprès de Jésus, elle pleure sur ses pieds, elle lui essuye les pieds avec ses cheveux (elle était pas voilée). Et voilà que Jésus ne la repousse pas, ne la renvoie pas. Et Jésus se met à faire la leçon au Pharisien :
    
— Tu vois, tu ne m’as pas accueilli avec une bassine d'eau pour mes pieds, elle m’a donné ses larmes. Tu ne m’as pas embrassé quand je suis arrivé, elle a embrassé mes pieds. En un mot, Jésus lui a dit qu’elle valait plus que lui, parce qu’elle avait mis du coeur dans cette rencontre, alors que le Pharisien n’avait mis que de l’apparence dans ce dîner.

    Mais les disciples ne comprenaient pas Jésus. Alors il leur a dit :

    — On vous a toujours dit “aime ton prochain et haïs ton ennemi.” Mais moi je vous dis : “Aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent. Si vous aimez seulement ceux qui vous aiment, qu’y a-t-il là d’extraordinaire ? Soyez extra-ordinaire, comme Dieu est extra-ordinaire !”
    Un autre jour, Jésus était en ville, il a choisi d’aller manger chez Zachée. Tout le monde savait que c’était un collabo et un escroc. Il se faisait un blé pas possible en levant les impôts pour les Romains. Jésus l’a vu et il s’est invité chez lui. Après cela, Zachée a rendu de l’argent au gens qu’il avait escroqué et il est devenu honnête. 

— Tu vois Elkaïm, Jésus ne se comportait comme personne d’autre. Il était vrai avec tout le monde, il ne mettait pas de barrières dans ses relations. Tout le monde était important pour lui, même ceux que tous les autres mettaient de côté. Evidemment, il ne s’est pas fait que des amis avec ça. Mais il avait ses amis proches, ses disciples, qui essayaient de faire comme lui. Ça a duré trois ans comme ça.
    Ses disciples lui ont encore demandé comment il faisait pour aborder tout le monde, sans tenir compte des usages et des bonnes manières. Alors Jésus leur a dit : 

    — Je fais la volonté de mon Père qui est au ciel, et je vous donne un commandement nouveau: “Aimez-vous les uns les autres; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres.”
    Et il disait encore : “Je suis venu, non pour être servi, mais pour servir et donner ma vie.”
ou encore : “Quiconque veut être grand parmi vous, qu'il se fasse serviteur des autres.” “Car il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis.”

    Et Jésus a décidé de monter à Jérusalem pour fêter la Pâques avec ses disciples. Il est allé au Temple pour prier. Mais, il a été scandalisé par le bazar, le souk qu’il y avait. Il a voulu faire sortir les vendeurs d’animaux et les changeurs de monnaie. Il y a eu une bagarre. Il s’en est sorti de justesse avant que la police du Temple n’arrive. Mais c'est depuis ce moment-là, que la police du Temple a essayé de l’arrêter. Il y avait trop de monde qui venait l’écouter. Ça gênait les autorités. Les chefs juifs avaient peur des Romains. Les Romains avaient peur d’une révolte.
    Et Jésus, là au milieu, ne semblait pas se faire de souci. C’est comme s’il avait eu son plan. Jésus a réuni ses disciples pour le repas de la Pâques. Il a partagé avec eux le pain et le vin en leur disant :
    
— Souvenez-vous, comme je vous donne ce pain et ce vin, je vais donner mon corps et mon sang. Je donne ma vie pour vous. A ce moment ses disciples n’ont rien compris.
    Après le souper, Jésus est venu ici, dans ce jardin de Gethsémané. Et c’est là, la nuit, qu’il a été arrêté. Il a été conduit devant les autorités du Temple qui voulaient sa mort. Alors il l’ont conduit au matin vers Ponce Pilate, le procurateur de Judée, le gouverneur romain de la région. Ponce Pilate, qui craignait une révolte, a proposé à la foule de relâcher un prisonnier, soit Jésus, soit Barrabas, un meurtrier. Et bien la foule a choisi Barrabas. Et Jésus a été emmené à Golgotha et il a été crucifié là-bas, entre deux autres brigands.

    Ça a été terrible pour tous les disciples. C’était la fin de tout pour eux, comme un tremblement de terre. Comme le jour qui devient nuit. On avaient exécuté leur Seigneur. 

    — Mais alors, tout était fini ? demande Elkaïm à son père

    — C’est ce qu’ont cru les disciples. Trois jours plus tard, ils pleuraient tous dans la maison où ils avaient partagé le dernier repas avec Jésus, quand les femmes du groupes sont revenues du cimetière pour dire que le tombeau était ouvert, que le corps n’était plus là. Marie-Madeleine a même dit qu’elle avait vu Jésus vivant et lui avait parlé. 

    — Tu veux dire que Jésus était ressuscité ?
    
— J’avais 3 ans à cette époque. Moi je n’ai rien vu de cela. Mais ce que j’ai constaté, c’est que ces hommes et ces femmes désespérés se sont comme réveillés. Ils sont devenus plein d’énergie, de joie, d’enthousiasme. Il s’est vraiment passé quelque chose pour qu’ils soient transformés de cette façon !
    Ils se sont mis à annoncer partout que ce Jésus que les autorités avaient mis à mort, avait été ressuscité par Dieu, que Jésus est vivant pour toujours. Pendant quelques semaines, Jésus s’est manifesté à ses disciples, à Pierre, à Thomas qui ne pouvait croire sans voir. Et puis après 40 jours, ses disciples l’ont vu monter au ciel, rejoindre son Père. A la Pentecôte, les disciples ont reçu une force nouvelle qu’ils appelaient l’Esprit de Jésus, ou le saint Esprit.
    Et les disciples ont appelé au baptême pour recevoir cette même vie de Jésus. Et ils se sont mis à vivre d’une manière nouvelle, on voyait qu’ils s’aimaient les uns les autres et cela donnait envie à tout le monde de vivre comme eux. Ils étaient libres, comme Jésus était libre. Ils pouvaient parler avec tout le monde, ils pouvaient manger avec tout le monde. Tout à coup le monde était différent, joyeux.
    Enfin, ça a été joyeux jusqu’à ce que les autorités se mettent à les arrêter et à les emprisonner. Ils ont même lapidé certains d’entre eux, Etienne par exemple. Alors les disciples — et beaucoup des nouveaux disciples — sont partis en Samarie, en Galilée et là ils ont aussi annoncé la bonne nouvelle. Plus ils devaient fuir, plus l’Evangile était annoncé loin.
    Il y avait, parmi les persécuteurs, un jeune pharisien qui s’appelait Saul. Il était terrible. Il était là lors de la lapidation d’Etienne, il gardait les vêtements de ceux qui lançaient des pierres. Il avait reçu une nouvelle mission : aller jusqu’à Damas, pour arrêter des chrétiens. Mais sur le chemin de Damas, Jésus est apparu à Saul et lui a demandé : “Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ?” Saul en est tombé par terre ! Il a compris son erreur et depuis ce moment il est devenu un des apôtres de Jésus. Depuis, il se fait appeler Paul. Alors Paul s’est mis à prêcher le Christ, crucifié et ressuscité. Il était plus convaincant que tous les autres. Les disciples ont continué à prêcher aux juifs de Judée et de Galilée.
    Paul s’est mis à voyager, de synagogue en synagogue. Il est allé d’Antioche en Syrie à Ankara, à Antalya, à Ephèse, à Smyrne, à Troie. Puis il a traversé vers la Grèce, et passé à Philippes, Thessalonique, Athènes, Corinthe et il est revenu par Chypre. Il est revenu quelques fois à Jérusalem, pour discuter avec les autres disciples et pour apporter l’argent d’une collecte, pour soutenir l’Eglise de Jérusalem qui était toujours persécutée.
    Et puis, comme il ne pouvait aller partout ou retourner dans les Eglises qu’il avait créées un peu partout, il s’est mis à leur écrire des lettres. Ce sont devenu des “Collectors”. Chacun les copiait et on se les passait d’une Eglise à l’autre. Paul à écrit des lettres aux Corinthiens, aux Ephésiens, aux Philippiens, aux Colossiens et finalement aux Romains, à côtés de ses lettres personnelles à Timothée, à Tite ou à Philémon. Chaque fois, il expliquait pourquoi Jésus était vraiment le Messie pour les juifs et le Sauveur de tous les humains. Comment il a donné sa vie pour tous les humains, pour que nous soyons en paix avec Dieu.
    A travers Jésus, nous pouvons voir Dieu. Un Dieu qui nous aime, qui nous pardonne, qui nous libère de toutes les étiquettes, qui brise toutes les barrières entre les humains. Paul a dit :
    — “Il n'y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, il n'y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes un en Jésus Christ.” Jésus a donné sa vie pour que l’humanité soit totalement unie, forme un seul corps.
    Et puis Paul s’est fait arrêter à son tour. Comme citoyen romain, il a demandé à être jugé à Rome. Il y a été emmené. C’était son rêve d’aller annoncer l’Evangile jusqu’à Rome. Il paraît qu’il y est mort, il y a une dizaine d’année. Mais sa mort n’a pas empêché l’Evangile d’être annoncé. Il y a des Eglises dans toutes les grandes villes maintenant, même si cela déplait aux empereurs. Personne ne peut plus arrêter l’annonce de l’Evangile. 

    — Alors tu crois que cela va continuer ? Tu crois qu’il y aura toujours des chrétiens ? demande Elkaïm.

    — Je crois que le message de Jésus est un vrai message de vie : qu’y a-t-il de mieux que de s’aimer les uns les autres ? Mais je pense aussi que tout est remis en jeu à chaque génération. Chaque génération doit transmettre le message à ses enfants et le mettre en pratique. Si une génération s’arrête, tout peut s’arrêter... Mais que serait un monde sans amour ?
    Voilà pourquoi j’ai voulu t’emmener ici, Elkaïm, sur cette colline. Pour te raconter l’histoire de notre peuple et celle de Jésus. J’aimerais que tu apprennes à le connaître, et qu’à ton tour tu racontes cette histoire à tes enfants et aux enfants de tes enfants. J’aimerais qu’on aime encore Jésus, dans 1'000 ans, dans 2'000 ans et plus loin encore...

    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Jérémie 7. Nos actes ont des conséquences.

    Jérémie 7
    19.2.2012
    Nos actes ont des conséquences.
    Jérémie 7 : 1-15     Matthieu 5 : 21-24

    téléchargez la prédication ici : P-2012-02-19.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    J'ai repris ce matin, pour notre réflexion, le texte du prophète Jérémie qui a été le texte de notre première Exploration biblique (groupe de lecture biblique en paroisse). Cette Exploration biblique part à la découverte de la période de l'Exil à Babylone, une période clé, tant pour le peuple juif, que pour l'écriture de l'Ancien Testament.
    L'épisode de Jérémie 7 que nous avons entendu — cette prédication du prophète Jérémie à la porte du Temple de Salomon — se situe vers 600 av. J.-C., sous le règne du roi Josias. La situation politique est tendue. Le Royaume de Juda — avec Jérusalem comme capitale — se trouve dans le corridor qu'empruntent aussi bien le voisin du sud, l'Egypte, que le voisin du nord, l'Assyrie, pour se faire la guerre. En 722 (donc bien avant la prédication de Jérémie) l'Assyrie a envahi le Royaume d'Israël, la Samarie; et Silo, le Temple du Nord, a été détruit, ce que rapporte la fin de notre texte. Le Royaume d'Israël du Nord a donc perdu son indépendance.
    Là au milieu, le Royaume de Juda hésite entre se faire tout petit ou bien s'allier à l'Egypte. Là au milieu, Jérémie prêche la Parole de Dieu : "Améliorez votre façon de vivre et d'agir, alors je vous laisserai habiter dans ce pays." (Jr 7:3) et il ajoute : "Allez voir ce qui est arrivé à Silo ! Si vous ne changez pas de comportement, il arrivera la même chose à ce lieu." (Jr 7:12).
    Quelques années plus tard, en 598, Jérusalem est assiégée par les Babyloniens (qui ont remplacé les Assyriens). Et en 587, Jérusalem est prise, la ville ravagée et le Temple détruit. Les élites, l'administration royale et le personnel du Temple sont déplacés, déportés à Babylone, envoyés en Exil.
    Ce qui nous choque aujourd'hui dans ce texte, c'est que ces événements, l'invasion, la guerre, la prise d'une ville ou d'un pays sont déclarés être des actes voulus par Dieu, même être une punition divine. Il faut se rendre compte que dans le schéma de pensée de l'époque, il n'y a pas d'autres explications des causalités que la volonté de Dieu.
    Tout ce qui arrive vient de Dieu. C'est lui qui dirige les peuples, les actes des rois et des armées. Plus tard, Esaïe dira que c'est Dieu qui a envoyé Cyrus (le roi des Perses) pour libérer les juifs de Babylone et les faire rentrer en Israël. C'est un schéma de pensée.
    Mais il faut reconnaître que dans ce schéma se dessine aussi une ouverture. Le destin n'est pas écrit définitivement. Le prophète en appelle à un changement de comportement : Dieu n'est pas fermé à d'autres issues. L'être humain n'est pas impuissant. Au contraire, le prophète ne cesse de rappeler notre responsabilité dans le devenir du pays : "Si vous améliorez votre façon de vivre et d'agir, alors je vous laisserai habiter dans ce pays." (Jr 7:3)
    C'est une façon de dire : Attention, vos actes ont des conséquences. Vous n'êtes pas impuissants, vous pouvez changer les conséquences en changeant de comportement.
    Aujourd'hui, nous connaissons un peu mieux les causalités, quels effets produisent quelles conséquences. Nous savons même qu'il est tout à fait inutile que Dieu intervienne pour nous "punir", nous arrivons tout seuls à la destruction de notre environnement. Nous savons bien tout ce qui nuit à la nature ou à la cohésion sociale, mais nous renonçons si souvent à changer nos comportements ou nos modes de consommation.
    Les habitants de Jérusalem avaient un mantra pour se rassurer et ne pas changer : ils disaient ou chantaient, selon Jérémie : "Palais du Seigneur, Palais du Seigneur, Palais du Seigneur !" (Jér 7:4)
    Quels sont nos mantras aujourd'hui pour nous donner l'illusion que tout va bien, que nous n'avons pas besoin de changer radicalement de comportement ? Quels sont nos mantras ?
    Un des mantras que j'entends souvent, mais qui n'est pas le vôtre puisque vous êtes venus dans cette église ce matin, c'est : "Vous savez, Monsieur le Pasteur, je ne viens pas à l'Eglise, mais je suis croyant(e)." Etre croyant non-pratiquant, voilà un mantra. Ceux-là se donnent bonne conscience, à bon marché, vis-à-vis de Dieu.
    Quels sont nos mantras à nous ? Je pense à celui-là : "Je ne peux rien faire, je ne suis qu'une goutte d'eau dans l'océan." Evidemment, si tout le monde pense comme cela, le changement n'est pas pour demain et inévitablement, sur cette pente douce, nous arriverons à la catastrophe annoncée, pas besoin de Dieu pour nous donner un coup de pouce. Nous y arriverons tout seuls.
    Un autre mantra, plus insidieux, c'est : "Mieux vaut ne pas savoir !" Mieux vaut ne pas savoir comment sont fabriqués nos ordinateurs et nos téléphones, nos chaussures, nos T-shirts et nos Jeans en coton, les jouets que nous offrons à nos petits-enfants et d'où viennent nos asperges d'hiver.
    Arrivé-là, j'aimerais dire un mot à Jérémie :
    « Jérémie, dans notre monde globalisé, où la moitié de nos produits sont fabriqués en Chine ou en Indonésie, dans des conditions de travail que nous ne tolérons pas chez nous, comment puis-je faire pour ne pas nuire à mon prochain, là-bas ? L'exigence est devenue illimitée et il me semble que mon effort de bien faire ne sera jamais suffisant ! Jérémie : Comment serais-je acceptable aux yeux de Dieu ? Comment sortir de là ? Ne pas être paralysé ? Je veux, mais la tâche me semble impossible ! »
    Voilà ce que j'aimerais dire à Jérémie. Je nous sens coincés entre la bonne volonté et l'impuissance. Nous ne pouvons pas nous en sortir tout seuls. N'avons-nous pas besoin d'être sauvés de cette culpabilité qui nous conduit à la paralysie ?
    Mais le Christ n'est-il pas venu pour nous sortir de cette paralysie, par le pardon des péchés, lorsqu'il dit au paralytique : "Lève-toi et marche, tes péchés sont pardonnés !" (Mt 9:6). Seule la grâce de Dieu peut nous donner le courage d'avancer, d'améliorer notre conduite, de nous relever sans cesse, malgré nos chutes et nos manquements.
    Sans cette grâce, nous sommes impuissants et condamnés au désespoir et au sentiment de l'inutilité de nos efforts. Souvenons-nous — avec Jérémie, avec Jonas aussi — qu'avec Dieu, le pardon répond toujours à la repentance sincère.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012