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spiritualité - Page 16

  • La valeur assurée de l’être humain

    2 Corinthiens 5
    6.3.2016
    La valeur assurée de l’être humain

    Genèse 3 : 8-19        2 Corinthiens 5 : 17-21

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Dans ce temps de Carême, nous sommes invités à nous tourner vers le Christ, à regarder son ministère et le chemin qui l’emmène vers Jérusalem et son destin. Jésus a assumé ce chemin qu’il sait conduire à Vendredi-saint et à Pâques. Il choisit de donner sa vie pour l’humanité, pour nous.
    Tous les récits du Nouveau Testament essayent d’expliquer ce chemin et les changements que ce destin de Jésus amorce dans le monde. Chaque auteur du Nouveau Testament essaie, dans ses mots et dans ses catégories et celle de ses auditeurs, d’illustrer, d’expliquer, de montrer ce que Jésus change, transforme.
    C’est aussi ce que Paul fait dans ce passage de 2 Corinthiens 5 que vous venez d’entendre. Paul se sert de deux références pour expliquer ce que signifie le fait de « vivre en Christ » ou d’être « uni au Christ », la référence à la nouveauté et la référence à la réconciliation.
    1) Paul commence avec la nouveauté en disant : « Dès que quelqu’un est uni au Christ, il est une nouvelle créature, ce qui est ancien à disparu, ce qui est nouveau est là. » (2 Co 5 :17) En parlant de « nouvelle créature », Paul fait allusion à la création et au récit de Genèse 2 et 3 qui raconte comment Dieu a créé l’humanité en Eden, comme un monde idéal où il n’y a pas de séparation entre l’homme et Dieu et entre les humains.
    Cependant à voir le monde tel qu’il est par rapport à tel qu’il a été voulu, il doit y avoir eu un « bug » à un moment donné. La Genèse l’explique par la faute humaine. La transgression humaine crée une division, une séparation qui provoque une dégradation du monde, illustrée par la sortie du jardin d’Eden. Plus rien n’est comme avant, le malheur et la dureté de la vie sont là. L’être humain vit dans la dysharmonie avec ses semblables et dans la séparation d’avec Dieu. Pour que le monde soit tel que nous le voyons, quelque chose a été irrémédiablement rompu, détruit. Dans ce contexte de dégradation, Paul annonce que l’union avec le Christ ouvre une ère nouvelle, une re-création, où ce monde dégradé appartient au passé. L’être humain devient une nouvelle créature, dans un monde rénové, ré-harmonisé, recréé, et — cela ouvre à la seconde référence — réconcilié avec Dieu.
    2) En effet, la seconde catégorie que Paul développe pour dire l’effet de la vie du Christ est celle de la réconciliation. La réconciliation s’oppose à la séparation, à la désunion. La réconciliation est de l’ordre de la restauration de la situation première voulue par Dieu lors de la création : la possibilité d’une vie harmonieuse et unie entre Dieu et les êtres humains, les êtres humains entre eux et les êtres humains avec la création, la nature.
    La dysharmonie du monde, ou entre les êtres humains, est patente. Nous éprouvons un monde qui va de plus en plus mal, qui court à sa perte, tellement il y a de tensions et de volontés contraires. On n’arrive pas à se mettre d’accord sur le désarmement, sur la préservation de notre environnement, sur la sauvegarde des emplois etc. Nous avons besoin de ré-harmonisation, de ré-unification, de réconciliation. Nous sommes nostalgiques de temps meilleurs. Le Christ nous dit que ces temps ne sont pas derrière nous, mais devant nous, comme des temps nouveaux.
    Paul explique que Dieu avec le Christ ont accompli cette réconciliation et qu’elle est là pour nous, et pour que nous en fassions notre mission. Paul parle de nous comme des ambassadeurs de cette réconciliation (v. 20). Cette réconciliation a été réalisée par le Christ, par un mécanisme de substitution. Il a pris notre place et nous avons été conduit à sa place (v. 21). Voilà les deux références — nouveautés et réconciliation — que Paul utilise pour faire comprendre à ses auditeurs l’œuvre du Christ pour eux.
    Comment pouvons nous exprimer cette œuvre aujourd’hui pour nos concitoyens, nos contemporains, dans un vocabulaire qu’ils puissent comprendre, sachant qu’ils ne connaissent plus les références à l’Ancien Testament que Paul met en avant. Quelles sont les préoccupations de nos contemporains ? Dans quels termes expriment-ils leurs préoccupations, leurs doutes face à la société d’aujourd’hui ? Je vais en retenir deux : le sentiment de perte des valeurs sociales et le sentiment de ne rien valoir soi-même.
    A. Commençons par le sentiment répandu que tout est égal, qu’il n’y a plus de valeurs partagées. C’est l’idée que chacun peut faire comme il veut selon son système de croyances. Tout le monde a raison, on n’a plus le droit de dire que certains comportements ne sont pas admissibles. L’individu est devenu le seul référent. « Ça me plaît alors c’est bon ! » Cela conduit à une société atomisée ou l’individualité, pour ne pas dire l’égoïsme, est roi. « Personne ne doit me limiter, c’est une atteinte à mes droits ! » Rien ne doit m’empêcher de soigner mon nombril. Évidemment cela crée de l’isolement, de l’écrasement et de l’oppression des faibles par les plus forts. Il y a beaucoup de laissés-pour-compte au bord de la route.
    Et bien l’œuvre du Christ, c’est de donner de la place à ceux qui sont écrasés par l’égoïsme des autres. L’œuvre du Christ c’est de restaurer le lien entre tous les humains en redonnant du sens et de la valeur à la pratique de l’altruisme, à la défense des petits et à la dénonciation des nombrils qui prennent trop de place et écrasent tous les autres.
    B. La deuxième préoccupation de nos contemporains que j’ai choisie, c’est la question de la valeur de soi. Dans le monde économique qui veut s’imposer à tous aujourd’hui, le discours dominant, c’est de dire que la valeur de la personne, est à la mesure de ce qu’elle rapporte en fonction de ce qu’elle produit. Ainsi on parle des employés et du personnel comme des « ressources » humaines qu’il faut valoriser ou jeter comme un Kleenex, si ces gisements sont épuisés ou ne sont plus rentables. Cette forme de discours touche tous ceux qui travaillent, mais envahit maintenant perfidement ceux qui se retrouvent à la retraite et pire encore ceux qui se retrouvent en EMS. « Je suis devenu un poids inutile » entend-on de plus en plus souvent.
    Le message clair du christianisme, à travers l’œuvre du Christ, c’est d’affirmer que tout être humain a une valeur irrévocable. La valeur de l’être humain ne dépend pas de son travail ou de ce qu’il rapporte ou produit ; souvenez-vous de la parabole des ouvriers de la 11e heure, (Mat 20:1-15).
    Une banque nationale assure la valeur de ses billets de banque. Quel que soit l’état d’un billet — chiffonné, déchiré, taché — la banque le remplace à sa valeur faciale. De même Dieu assure la valeur de chaque être humain quelque soit son âge, sa santé ou son statut ! La valeur faciale de chaque être humain, c‘est le Christ. Personne n’a le droit de rabaisser quelqu’un, de le déclarer sans valeur, quand Dieu l’a racheté au prix de la vie de Jésus.
    En ce temps de Carême, qui nous prépare au temps de la Passion du Christ, souvenons nous en qu’elle estime Dieu nous tient, à quelle valeur il nous estime : la valeur de son fils Jésus-Christ. Comme ambassadeurs de ce message de Dieu pour tous les humains sur cette planète, nous sommes porteurs d’un beau message, d’un message d’espérance et de réconfort pour tous. Soyons fiers de l’œuvre du Christ pour le monde. Soyons fier de ce message. Nos concitoyens en ont besoin, ils l’attendent.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2016

  • Matthieu 5. Cologne, Marseille, Mali. Personnes imprudentes ?

    Matthieu 5
    31.1.2016
    Cologne, Marseille, Mali. Personnes imprudentes ?

    Matthieu 5 : 27-30         Matthieu 15 : 10-11+15-20
    Télécharger le texte : P-2016-01-31.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Ce matin, j’ai choisi ce texte difficile du Sermon Sur la Montagne qui parle de l’adultère (Mt 5:27-30). Mais je ne vais pas parler de conjugalité ou de sexualité. Ces paroles de Jésus vont bien au-delà d’une question de morale sexuelle. Ce qui est intéressant — primordial — dans ces paroles, dans cet enseignement, c’est la posture de l’être humain mise en place par Jésus. Ce récit est une réponse à la question sous-jacente : dans les situations de tentations, qui est responsable, où sont les responsabilités ? Quand l’occasion d’être tenté se présente, que dois je faire ? Quelle est ma responsabilité et celle de l’autre ?
    Prenons un exemple, disons, un billet de banque ou un millefeuilles traîne sur le bureau de mon collègue dans notre open-space. Puis-je le prendre en me disant : « Tant pis pour lui, il n’avait qu’à pas le laisser traîner ! » ? Ou bien dois-je le laisser là et y renoncer ? Là c’est un objet inerte, c’est peut-être facile pour nous. Mais si c’est une situation qui implique d’autres personnes ? Trois situations de cette sorte ont été évoquées en détail dans les médias récemment :
    - D’abord les violences de Cologne à Nouvel-An, où des femmes ont subi des violences et des attouchements non désirés dans la foule.
    - Ensuite un enseignant juif de Marseille a été attaqué et blessé. Le président du consistoire juif de Marseille à recommandé à ses fidèles d’être prudents et de renoncer à porter la kippa dans la rue jusqu’au retour de jours meilleurs.
    - Enfin la missionnaire bâloise Béatrice Stockli a été enlevée par AQMI (Al Qaïda au Maghreb islamique) pour la deuxième fois au Nord du Mali. Un journaliste pose la question : « Jusqu’où doit-on aller pour secourir une tête brûlée ? *»
    Dans ces trois situations on a entendu des gens soulever le problème de la responsabilité ou de l’imprudence des victimes : « N’est-ce pas imprudent pour des jeunes femmes de sortir le soir dans un espace public ? » ; « N’est-il pas imprudent de montrer qu’on est juif dans un quartier où il y a des musulmans ? » ; «  N’est-il pas imprudent pour une occidentale d’habiter ou de continuer à habiter (elle y vivait depuis des années) dans un pays où sévit AQMI ? » Ainsi, selon certains, les victimes sont coupables de s’être trouvées là où il ne fallait pas, de s’être habillées comme cela ne convenait pas, de porter un signe religieux distinctif où cela pouvait être pris pour une provocation.
    Que pouvons-nous dire sur ses propos, depuis une position chrétienne, qui repose sur l’enseignement du Christ ? Reprenons le passage du Sermon Sur la Montagne. Jésus cite une ligne du Décalogue : « Tu ne commettras pas d’adultère » et il la réinterprète à sa façon : « Celui qui regarde une femme pour la désirer commet l’adultère dans son cœur. » (v.28)
    Décomposons la séquence. Première étape : Un homme voit une belle femme qui passe. C’est l’événement déclencheur. Cela arrive, simplement. On ne peut pas marcher dans la rue les yeux fermés ! Cet homme est frappé par cette beauté. Jusque-là c’est neutre, il n’y a qu’une image.
    Mais, deuxième étape, cette image fait naître en lui une émotion : admiration, plaisir,  désir. C’est là qu’on se trouve à un tournant. À tout moment peut naître en nous une émotion, c’est quelque chose de spontané en nous que rien ne peut éviter. Cela surgit. Tout à coup on peut avoir peur, ou éprouver de la colère ou du dégoût ou de la tristesse. Cela — ce surgissement— nous ne pouvons pas l’éviter.
    Mais nous avons quelque chose à en faire, c’est la troisième étape. C’est à nous qu’appartient de savoir comment nous allons gérer ou transformer cette émotion. Allons nous la contrôler ou la laisser s’échapper ? Allons-nous simplement sourire au plaisir d’avoir croisé une belle femme ou allons nous fantasmer pendant des heures ? Cette troisième étape, c’est ce que j’appelle la résolution. C’est là qu’intervient notre intention, notre volonté. Dans le texte, c’est le passage du regard au désir.
    C’est dans la résolution que notre responsabilité est engagée. C’est sur la résolution que Jésus met l’accent, il y consacre les versets 29 et 30, qui sont d’une grande violence : «Si ton œil ou ta main est occasion de chute, débarrasse-t-en ! Il vaut mieux perdre un membre que de se perdre tout entier. » Une remarque importante, qui désamorce l’aspect violent. Tout ce que dit Jésus se passe dans le théâtre intérieur de la personne. Il n’y a ni juge, ni tribunal, ni bourreau pour arracher l’œil ou couper la main. C’est un processus totalement intérieur et autonome, une réflexion personnelle sur son propre être et son propre devenir.
    Que tout se passe dans ce théâtre intérieur, sans intervention extérieure, est très important. Cela veut dire qu’aucun facteur extérieur de tentation n’est déterminant. Aucun de ces facteurs extérieurs ne peut orienter la résolution ou exempter de la responsabilité personnelle. En d’autres termes, la femme — aussi belle soit-elle — n’est pas responsable de la décision intérieure de l’homme. Elle n’a pas à modifier son comportement, à ce cacher, à se voiler ou à disparaître de la scène publique. C’est à l’homme de se maîtriser et d’assumer la responsabilité de ses émotions, de ses sentiments, de ses désirs.
    Jésus a repris cela lorsqu’il parle de ce qui entre en nous et ne peut pas nous contaminer (Mt 15:11). Par contre, il insiste sur le fait que c’est ce qui sort de notre cœur (dans la vision de l’être humain qu’a la Bible, le cœur est le siège de notre volonté), c’est-à-dire comment nous agissons, ce que nous exprimons, comment nous dirigeons notre volonté qui détermine la qualité de nos comportements. C’est la résolution de notre émotion première dont nous sommes responsables.
    Il y a là un clair refus de l’extériorisation de la contamination ou de la provocation ou de la tentation. C’est sur ce principe de responsabilité personnelle, intérieure, que s’est bâtie notre société occidentale. Et cela vient directement de la bouche de Jésus ! Je suis responsable de ma vie intérieure, de mes émotions et de mes pulsions, de mes réactions, de ma résolution. Je ne peux pas en blâmer l’autre et lui faire assumer la responsabilité de mes comportements. Cela bannit quelques phrases qu’on entend trop souvent et qui reviennent à blâmer la victime : « Elle l’a bien cherché », « Il/elle l’a provoqué en portant (choisissez votre accessoire) la kippa, le voile, la mini jupe…
    Le christianisme est bâti sur la confession que la condamnation de Jésus était injuste, qu’il n’avait rien fait pour mériter cela. Que c’était un homme juste, injustement blâmé et condamné. C’est pourquoi les chrétiens devraient être en première ligne pour débusquer et dénoncer tous les propos qui blâment les victimes, qui les rendent responsables de ce qui leur arrive, des violences qu’elles subissent.
    Nous avons le devoir de rappeler aux violents que leur violence vient d’eux-mêmes et pas des comportements de leurs victimes. C’est à eux de changer — pas aux victimes — que ce soit à Cologne, à Marseille ou au Mali.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2016

     

    * TSR, Journal du matin du 28.1.2016 à 7:53 (enregistrement TSR, minute 18:54)

  • Rappeler qu’on peut rencontrer tout le monde.

    Luc 7
    17.1.2016
    Rappeler qu’on peut rencontrer tout le monde.

    Luc 7 : 36-50       Luc 19 : 1-10

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Vous avez entendu le récit de deux rencontres que Jésus a faites, l’une chez Simon le pharisien, avec une femme que les gens de la maison disqualifiaient et l’autre avec Zachée, un homme méprisé et haï par les habitants de son village pour sa rapacité.
    J’ai choisi ces deux récits, parce qu’ils sont représentatifs des rencontres que Jésus se permettait.
    A. Jésus osait aller au devant des autres et faire des rencontres improbables ou carrément interdites. Dans un pays occupé, il rencontre des romains, il guérit même le serviteur d’un officier romain (Lc 7:1-10). Il rencontre des agents du fisc qui récoltent l’impôt pour l’occupant, c’est le cas de Lévi/Matthieu (Mt 9:9-13) et Zachée. Il converse avec des étrangers, des syriens (Luc 6:17-19), des cananéens (Mc 7:24-30), des samaritains (Jn 4). Il parle, voir il touche ou est touché par des femmes (Mt 9:20-22), ce qui était considéré comme absolument inconvenant. Il entre en contact avec des handicapés, des infirmes, des malades et des personnes bannies de la société pour le risque de contagion : les lépreux (Luc 17:11-19).
    Les Evangiles nous racontent toutes ces rencontres pour nous dire à quel point Jésus sortait de l’ordinaire, bousculait les barrières sociales, combien il n’avait pas peur des conventions et du qu’en-dira-t-on. Il ne le faisait pas pour choquer ou ridiculiser la société dans laquelle il vivait. Il faisait cela pour transmettre le message divin suivant : Devant Dieu chaque être humain a la même valeur ; Devant Dieu chaque être humain est important ; Tous peuvent vivre ensemble devant Dieu ; Tous peuvent vivre les uns avec les autres : les barrières peuvent tomber.
    B. Quand Jésus renverse les barrières, ce n’est pas pour détruire, mais pour construire le vivre ensemble. Dans chaque rencontre, il repêche la personne exclue, limitée, handicapée, pour la remettre debout et la réintroduire dans sa communauté de vie. C’est pourquoi tant des rencontres de Jésus nous sont racontées sous la forme de guérisons, de résurrection ou de démons chassés. Jésus est là pour redonner de la vie, pour redresser ce qui a été tordu, pour réhabiliter ceux qui ont été exclus.
    C. Ainsi, les Évangiles ne sont pas des textes de morale ou des listes de principes. Ce sont des récits qui nous content, qui nous racontent la vie de Jésus. Ils nous racontent son existence parmi les humains pour nous dire qu’un vivre ensemble est possible, qu’il est souhaitable, que c’est même la seule issue pour sortir de la violence du monde.
    Les Evangiles nous disent aussi le coût qu’il y a à se risquer sur cette voie de la rencontre. Jésus se fait des amis parmi les personnes rencontrées, mais il se fait aussi des ennemis parmi ceux qui profitent des barrières et des haines entre groupes différents. Et Jésus en payera le prix, de sa vie.
    Ainsi, les Évangiles et la Bible racontent une vision du monde, celle d’un monde fondé sur l’égale valeur de tous les individus, une valeur garantie en Dieu. La Bible nous raconte un monde où chacun est invité à honorer ce Dieu qui garantit la valeur de chacun. Un monde où chacun est invité à aimer son prochain, puisque ce prochain est aimé de Dieu, que ce prochain est un représentant, une image du Christ lui-même.
    Voici le narratif, l’histoire — en résumé — que l’Évangile, la Bible nous propose, propose à la société d’aujourd’hui ! Une histoire qui dit notre origine commune (tous créés à l’image de Dieu) ; notre présent commun (tous aimé de Dieu) ; et notre destin commun (vivre ensemble en frères et sœurs).
    D. Mais, comme vous le savez, ce message, cette histoire, est aujourd’hui délaissée, n’est plus racontée, enseignée… Le message chrétien est traité de ringard, de vieux, de dépassé. Le christianisme est jeté aux orties avec toutes les autres religions, accusées ensemble de ne susciter que des guerres de religion et des massacres, voir la dernière couverture de Charlie Hebdo. Tout le monde se donne le mot pour dénigrer les religions. Mais qui dit aujourd’hui le besoin de vivre ensemble ? Qui dit d’où nous venons, pourquoi nous sommes ici et quel est notre destin pour l’avenir ? Personne.
    Il n’y a plus de récit commun ! Nous sommes dans une société morcelée où chaque âge, chaque groupe, a des références différentes. Et nos jeunes vont chercher sur YouTube ou sur Google l’histoire du monde et de leur avenir. Au mieux ils y trouvent des séries romantiques et des ados déjantés pour leur expliquer le pourquoi de la vie. Mais ils y trouvent aussi toutes les théories du complot, tous les « illuminati » ou les djihadistes du monde.
    Pas étonnant que tant de personnes — qui n’ont aucun ancrage — partent à la dérive et suivent la première théorie séduisante qui fera d’eux le héros médiatique d’un moment, parfois le moment de leur mort.
    Que voulons-nous pour nos enfants ? Nous avons dans le christianisme une tradition éprouvée, solide, qui met l’amour comme but suprême. Certes, notre tradition chrétienne doit être relue et reformulée en termes compréhensibles pour nos contemporains. Mais je crois fermement qu’elle contient tous les éléments pour un vivre ensemble en paix, dans le respect et la tolérance, y compris de ceux qui trouvent les mêmes valeurs dans une autre doctrine ou une autre religion.
    Jésus, par sa vie et ses rencontres, nous montre trois choses :
    1. On peut rencontrer tout le monde. Chaque personne est un trésor, chaque personne est aimable, quels que soient son origine, sa religion, sa culture.
    2. L’ouverture et la confiance sont des valeurs sûres. Elles nous permettent d’aller à la rencontre de tous et ce mouvement vers les autres, avec ouverture et confiance, les aident à déployer le meilleur d’eux-mêmes.
    3. Cette voie n’est pas facile et elle peut coûter cher. Il y a des ennemis de l’ouverture et il n’y a pas d’autres façons de les rencontrer que d’aller vers aussi, désarmés, au risque de sa vie.
    Jésus n’a cessé de prêcher l’amour et vivre l’ouverture dans toutes ces rencontres, et il en a payé le prix, le prix de sa vie. Mais c’est justement parce qu’il est allé jusqu’au bout, jusqu’au bout avec amour, sans violence et sans haine, que son message est le plus fort, que son message est encore entendu et vécu aujourd’hui, que son message est plus actuel que jamais, que son message est plus nécessaire que jamais.
    C’est ce message d’amour inconditionnel qui vaincra la haine, la violence et la terreur qu’on veut nous imposer. C’est ce message d’espérance que nous avons à diffuser auprès de nos enfants, de nos proches, de nos voisins et dans le monde entier.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz 2016

  • Esaïe 49. Le Christ voit la lumière qui réside en nous

    Esaïe 49
    6.12.2015
    Le Christ voit la lumière qui réside en nous

    Esaïe 49 : 1-6      Ephésiens 5:8-14

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous avons sur la table de communion des bougies allumées sur une couronne de l'Avent. Certaines années, nous recevons dans nos boîtes aux lettres une grande bougie avec une sorte d'échelle numérotée de 1 à 24 pour pouvoir l’allumer chaque jour en attendant Noël. Les enfants adorent allumer cette bougie chaque jour, regarder la flamme vaciller. Ils ont les yeux qui brillent. Ils sont tout réjouis.
    Les bougies, la flamme, la lumière qu'elles dégagent, exercent sur nous une fascination. A divers moment de l'année, surtout au mois de décembre, nous allumons des bougies, souvent à placer sur le rebord d'une fenêtre pour manifester notre solidarité avec d'autres :
    • le 1er décembre pour les malades du sida 
• le 10 décembre pour l'application des droits humains dans le monde
    Nous le voyons à chaque fois qu’il y a un drame, les gens apportent des fleurs et allument des bougies pour rendre hommage, pour protester contre la violence, pour faire acte de solidarité avec les victimes. Allumer une bougie et la faire briller devant les autres, pour faire du bien, pour manifester sa solidarité, c'est un signe que nous pouvons tous faire. Mais que signifie-t-il s'il n'est pas accompagné, soutenu, motivé par une disposition intérieure, une disposition de l'âme et du cœur ?
    Dans la période de l'Avent nous attendons, nous rappelons l'attente de la venue de Jésus, de la venue de ce Serviteur dont parle Esaïe : celui qui a été choisi par Dieu, qui a reçu son nom — comprenez son être profond — de Dieu, celui qui est appelé à être LE serviteur, celui qui rassemble les descendants de Jacob, celui qui est la lumière des nations pour étendre le salut jusqu'au bout du monde.
    Il est venu comme Serviteur ! Cet envoyé de Dieu — que nous reconnaissons comme le Messie, le Christ et qui vient à Noël — n'est pas venu pour nous enseigner de nouvelles pratiques religieuses,  n'est pas venu pour nous demander d'accomplir de nouveaux rites (comme d'allumer des bougies ou des sapins de Noël !).
    Il est venu pour changer, transformer notre cœur, notre être intérieur, notre âme, notre compréhension du monde, notre vision des gens autour de nous. Il est la lumière du monde parce qu'il éclaire le monde d'un éclairage différent de notre propre éclairage humain.
     Ce choc des deux éclairages (divin - humain) nous le trouvons au milieu de ce texte d'Esaïe :
    "Dieu m'a dit : « C'est toi qui es mon serviteur, l'Israël dont je me sers pour manifester ma gloire. » Quant à moi, je pensais m'être donné du mal pour rien, avoir usé mes forces sans résultat, pour du vent. Or le Seigneur garantit mon droit, mon Dieu détient ma récompense." (Es 49:3-4).
    Le serviteur pensait avoir échoué dans sa mission, mais voilà que sous l'éclairage de Dieu la mission est accomplie. Lorsque Jésus dit : "Vous êtes la lumière du monde" (Mt 5:14) ne sommes-nous pas tentés de dire : "pas moi" ? Cependant, le Christ l'affirme : "Vous êtes la lumière du monde", non pas par nos propres forces, de notre propre initiative, mais parce que nous sommes sous l'éclairage, sous le projecteur de Dieu.
    Dans la lettre aux Ephésiens, l’apôtre dit que "la lumière révèle la vraie nature des choses" (Eph 5:13). Sous la lumière du Christ, notre vraie nature est révélée, celle que Dieu nous confère, nous offre, celle que Dieu transfigure par sa vraie lumière. La lumière du Christ révèle notre vraie valeur d'humanité.
    J'en entends déjà penser "oui, il révèle tout ce qui cloche en moi, la vraie nature de mes côtés sombres". Mais c'est là notre regard, pas celui du Christ. Le Christ voit la lumière qui réside en nous, même si nous la trouvons vacillante. Le Christ voit l'être que nous pouvons devenir, l'épi contenu dans le grain, l'arbre contenu dans la graine de moutarde.
    Contrairement à notre société qui attise nos désirs les plus sauvages, nos penchants pour la compétition et l'anéantissement des autres, le Christ encourage en nous le meilleur et le plus digne, le plus lumineux et le plus solidaire.
    Eclairé de cette lumière qui vient du Christ, nous pouvons alors "nous comporter comme des personnes qui appartiennent à la lumière" (Eph 5:8).
    Alors, nous pouvons allumer autant de bougies que nous voulons pour témoigner de la lumière du Christ, ou comme le dit Jésus dans le Sermon sur la Montagne : nous pouvons "manifester cette lumière devant les hommes afin qu'ils louent le Père qui est dans les cieux." (Mt 5:16).
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2015

  • Mobiliser pour le « vivre ensemble »

    Luc 10
    22.11.2015
    Mobiliser pour le « vivre ensemble »

    Jérémie 29 : 10-14      Luc 10 : 1-11

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Il y a quelques semaines, j’ai lu ce récit de Jésus qui envoie ses 72 disciples en mission. Et mon attention avait été retenue par la fin du récit et par cette expression « secouer la poussière de ses pieds » (Lc 10:11). Je m’étais dit alors que j’allais garder ce texte et cette expression pour le dernier dimanche de l’année ecclésiastique, c’est à dire aujourd’hui.
    J’avais l’idée, en choisissant ce récit pour ce dimanche, que nous pourrions revenir sur les événements que nous avons traversés cette année et faire un tri. Un tri entre ce que nous voudrions garder, emmagasiner, les choses qui nous ont fait du bien, et les choses que nous voudrions laisser derrière nous, comme de la poussière qu’on secoue de ses pieds (de ses souliers aujourd’hui) pour ne pas traîner derrière nous des choses lourdes, des regrets ou des rancunes, des fardeaux.
    Ce besoin de regarder en arrière et ce tri subsiste, et je pense que c’est une bonne chose si nous arrivons à le faire. Mais entre-temps, il s’est passé des attentats qui réclament une réflexion plus profonde. Le 31 octobre, un avion russe explose en plein vol. Le 12 novembre, un attentat a lieu au cœur de Beyrouth au Liban. Et le 13 novembre voici les attentats de Paris.
    Nous avons besoin de plus que des pensées sur une bonne hygiène de vie par le tri de nos souvenirs de l’année, même si c’est toujours profitable de l’appliquer. Cette hygiène de vie, ce tri est juste un moyen qui doit servir un but, un projet. Et c’est bien ce que dit, justement, notre récit. Lorsque Jésus envoie ses disciples, il leur donne un but, un projet, on appelle aussi cela une mission. Cette mission s’articule sur trois points.
    D’abord Jésus envoie les 72 disciples « aux endroits où lui même devra se rendre » (Luc 10:1). Les disciples sont une avant-garde, ils sont des précurseurs, ils ouvrent le chemin à Jésus. Mais c’est Jésus lui-même qui vient. Nous pouvons juste lui ouvrir le chemin.
    Ensuite, les disciples apportent la paix en disant : « La paix sur cette maison » (v.5). C’est le premier message indiqué par Jésus. Ensuite il est question de vivre ensemble, de partager nourriture et boisson avec ceux qui sont là, dans la maison, et de guérir les malades.
    Enfin, deuxième partie du message, qui est plus une constatation : Dites « le Royaume de Dieu s’est approché de vous ! » (v.9) Il semble qu’il faut comprendre que la cohabitation et le compagnonnage — ce qu’on appelle aujourd’hui la convivialité et le vivre ensemble — sont constitutifs du Royaume de Dieu. Lorsqu’il y a vivre ensemble, le royaume de Dieu s’est approché, s’est manifesté.
    Et tant pis pour ceux qui ne veulent pas ce vivre ensemble, ou s’en éloignent, on secoue alors la poussière de ses pieds, mais le Royaume de Dieu s’est tout de même approché de ces gens là (v.11). Mais ils ont leur liberté et peuvent choisir de s’en tenir écartés. Le Royaume de Dieu est offert, il ne peut pas être imposé.
    Le projet de Jésus c’est que ce vivre ensemble soit proposé à tout le monde, ensuite chacun fait ce qu’il veut. Il y a assez de monde qui souhaitent ce vivre ensemble pour ne pas s’attarder auprès de ceux qui le refusent.
    On trouve la même idée de projet dans le texte de Jérémie. Dieu dit : « Je forme pour vous un projet de bonheur, de bonne vie. Je vous donne un avenir à espérer. »
    Pour comprendre le monde d’aujourd’hui, je crois qu’il est nécessaire de le regarder à travers les lunettes d’un « avenir à espérer ». Là où les gens ont une vision claire de l’avenir qu’ils espèrent, alors ces gens sont forts, ils avancent, il peuvent surmonter tous les obstacles, la vie a un sens.
    Si l’on regarde vers le passé, vers l’Histoire, on peut énumérer quelques projets qui ont été des « avenirs à espérer », des moteurs : découvrir le monde avec Christophe Colomb ; inventorier le savoir avec Diderot ; apporter la civilisation ; vaincre les épidémies avec Pasteur ; construire une Europe unie pour éviter le risque de guerre ; marcher sur la lune. Évidemment, tous ces projets n’ont pas la même valeur, tous ces projets n’ont pas fait que du bien (on pense à la colonisation par exemple) mais ils ont mobilisé.
    Aujourd’hui : quel projet mobilise l’Occident ? Nous sommes plutôt en panne. Nous ressentons de l’impuissance, nous nous sentons sur la défensive. Les projets avec le vent en poupe, c’est de fermer les frontières, c’est de se défendre et de se méfier.
    En l’absence de projet constructif, il ne faut pas s’étonner que les pires projets, mais les projets qui promettent un but, une victoire, un combat glorieux : ceux-là remportent du succès, on le voit malheureusement avec Daech. En Europe, la réplique contre Daech ne veux pas être seulement militaire, c’est une lutte morale ou même spirituelle.
    Qui a un « avenir à espérer » à offrir, pour mobiliser la jeunesse qui cherche l’aventure, qui cherche les exploits, qui cherche l’adrénaline, la camaraderie ? Tant que notre occident n’a que la consommation ou la célébrité sur YouTube à offrir, nous ne pourrons pas rivaliser avec les recruteurs fanatiques ! Notre occident a besoin d’un « avenir à espérer », d’un avenir à créer, à construire. Sans projets mobilisateurs, ce sont d’autres qui mobiliseront les déçus de la société occidentale et les laissés pour compte, les jetés hors du système.
    Quel est notre espérance comme chrétien ? Qu’est-ce qui nous mobilise, nous motive et que nous pouvons proposer à d’autres ? Sur quels projets allons nous appeler d’autres à se joindre à nous, parce que ces projets ont du sens, parce qu’ils font du bien, parce qu’ils apportent de la paix.
    Dans ce récit, Jésus mobilise ses disciples parce que la moisson est grande. En effet ceux qui sont sans projets sont nombreux. Mais Jésus a un projet de paix, un projet de vivre ensemble. Jésus a le projet de faire s’approcher le Royaume de Dieu pour que tous les humains vivent en paix ensemble. Ce projet en vaut la peine. Le monde a besoin de paix et de vivre ensemble. Le monde a besoin des chrétiens. Le monde a besoin de nous.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2015

  • Exode 20. A quoi sert le dimanche ?

    Exode 20
    15.11.2015
    A quoi sert le dimanche ?

    Exode 20 : 1-2+8-11      Marc 2 : 23-28

    Télécharger : P-2015-11-15.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Vous avez reçu, cette fois, avec votre journal Bonne Nouvelle, la brochure : « Réformés ? Et alors ? 40 thèmes pour agir… » Des thèmes pour repenser notre vie et notre action comme protestants dans notre monde. Des thèmes de réflexion pour repenser notre façon de marquer notre appartenance au Christ dans ce monde.
    Aujourd’hui j’ai choisi le thème 18 qui porte sur la place du dimanche dans notre société et dans nos vies. Pour les chrétiens, le dimanche a une certaine importance, on y tient, mais en même temps il pourrait disparaître en tant que jour de repos pour tous. Certains se demandent pourquoi ne pas ouvrir les centres commerciaux le dimanche. Pourquoi ne pas travailler le dimanche ? Alors nous nous demandons : comment revaloriser le dimanche ou bien comment faire — comme chrétien, comme protestants — pour que nos dimanches deviennent quelque chose d’enviable ? Comment valoriser ce jour de congé pas comme les autres dans une société du 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, une société de l’agitation, du stress et du travail acharné ?
    D’où vient ce jour de congé, ce jour de repos ? Avant de nommer le sabbat et de voir ce qu’il recouvre, j’aimerais signaler que dans les civilisations voisines d’Israël, il y avait aussi des jours chômés. Chez les babyloniens, le 15e jour du mois était « jour d’expiation», on n’y travaillait pas. En Mésopotamie, il y avait des jours dits « jours de malheur» où il ne fallait pas avoir d’activités, celles-ci risquant de mal tourner.
    Dans cet environnement-là, et le Décalogue vient proclamer : « Moi le Seigneur, j’ai béni le jour du sabbat et je veux qu’il me soit consacré. » (Ex 20:11) Le sabbat n’est pas institué pour conjurer le malheur, il est institué comme une bénédiction. C’est souligné par le récit de la création où Dieu lui-même se repose le septième jour.
    Il y a du bon dans le fait d’arrêter ses tâches, son travail. Le sabbat est d’abord une bénédiction, qui vient comme une sorte d’antidote à la malédiction posée sur le travail lorsqu’Adam et Eve ont été chassés du jardin d’Eden. Vous vous souvenez du « tu cultiveras la terre à la sueur de ton front » (Gn 3:19). Une brèche est ouverte dans la nécessité du travail pour laisser passer un souffle et apporter du repos.
    A. Cet aspect « libération du travail » est le premier aspect du sabbat. C’est rompre la chaîne infernale des jours épuisants. C’est déclarer qu’il existe autre chose dans la vie que le labeur, la production, le rendement, la productivité, l’efficacité. Il y a place pour autre chose. La vie ne se réduit pas à « métro boulot dodo ».
    Dans ce sens-là, le sabbat n’est ni privation, ni interdiction, il s’agit d’une libération, et l’ouverture d’un espace où l’on peut souffler et se ressourcer. Lorsque les pharisiens ont transformé cela en liste d’interdit, Jésus intervient pour redonner la priorité à la libération, d’où toutes les guérisons qu’il effectue le jour du sabbat. C’est pourquoi Jésus redonne à l’humain la maîtrise du sabbat : « Le sabbat n’a pas été fait pour l’homme, pas l’homme pour le sabbat » (Mc 2:28).
    Voilà le premier aspect du sabbat : sortir l’être humain de l’enfermement que peut représenter le travail, la production, la performance. Ce message a un sens — plutôt à contre-courant — dans notre monde qui ne jure que par « plus de productivité », « plus de croissance », au risque d’anéantir la planète.
    B. Le deuxième aspect du sabbat et le fait de consacrer ce temps à Dieu. Il y a là la volonté d’un décentrement radical. Toute la semaine, on est avec le nez dans le guidon, à pédaler pour avancer et produire ; le jour du repos on peut lever le nez du guidon et se demander : pourquoi ? Pourquoi fais-je tout cela ? Pourquoi ou pour quoi est-ce que je me tue à la tâche ? Où vais-je ? Quel est le sens ?
    Consacrer le sabbat à Dieu, c’est sortir de soi, c’est s’ouvrir à des dimensions qui nous dépassent, c’est reconnaître qu’il y a quelque chose qui me surplombe. Je ne suis pas le centre du monde ! C’est sortir de ses besoins et de ses affaires pour regarder autour de soi, élargir son horizon. C’est faire place à la communauté qui nous entoure et considérer les besoins communs, communautaires.
    Quand la société délimite cinq jours de travail et deux de jours de loisirs, pour soi, pour se divertir, pour se remettre en forme, pour être prêt à recommencer à travailler le lundi, ce n’est pas faire sabbat. La société des loisirs n’est pas une forme moderne de sabbat, c’est juste une façon de faire tourner la société de consommation et de production pendant les jours fériés.
    Les loisirs sont des occupations, comme le travail. Le sabbat se voudrait un temps dés-occupé. Un temps où nous ne sommes pas occupés mais disponibles. Un temps où nous ne sommes pas préoccupés, mais dépréoccupés de tout, un temps libre, un temps libéré. Un temps libéré du travail et des préoccupations, un temps libéré de soi pour être ouvert aux autres. Un temps non occupé par du « faire », pour être libre d’ « être » : être soi, être avec les autres, être avec Dieu.
    Ce temps ne peut pas être commandé, ordonné, prescrit. On ne peut pas prescrire d’être ! On peut par contre y aspirer, y tendre, se mettre en condition pour que cet état puisse émerger. On peut faire de la place pour favoriser ce passage à l’être.
    Le protestantisme déteste les règles et les prescriptions. Le protestantisme ne comporte pas d’obligation. On ne va donc pas reformuler une obligation de maintenir une journée sabbatique. Mais par contre, dans notre monde agité, stressé, préoccupé, nous pourrions être témoins d’une autre façon d’envisager et le travail et les congés.
    Nous pourrions être témoins de cette libération de l’asservissement au travail qui baigne notre société. Nous pourrions témoigner que la consommation, y compris des loisirs, n’est pas la seule façon d’être au monde. Nous pourrions marquer comment notre relation à Dieu, en même temps bénit et limite notre travail. Comment notre relation à Dieu nous invite à tenir davantage compte des autres dans notre façon de consommer ou dans notre façon de tout attendre de la croissance économique.
    Dans notre façon d’être — dans notre travail comme dans nos congés — nous pouvons témoigner des bénédictions que Dieu nous donne, en montrant combien il nous libère et combien il nous ressource.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2015

  • Esaïe 56. Quelle communauté l’Évangile construit-il ?

    Esaïe 56
    1.11.2015
    Quelle communauté l’Évangile construit-il ?

    Esaïe 56 : 1-7     Matthieu 5 : 1-10

    Télécharger le texte P-2015-11-01.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aujourd’hui nous vivons un culte de reconnaissance pour toutes les personnes engagées dans la paroisse, les bénévoles qui font tourner la paroisse, qui animent des activités, qui donnent de leur temps, occasionnellement ou régulièrement. Ensemble, tous ensemble, nous formons l’Eglise, dans sa diversité et dans son unité.
    Aujourd’hui nous fêtons également le dimanche de la Réformation. Nous rappelons ainsi les événements qui ont façonné notre manière de formuler notre foi réformée. Dans deux ans, en 2017, nous allons fêter le 500e anniversaire du début de la Réforme, qu’on date du 31 octobre 1517, le jour ou Martin Luther a affiché les thèmes qu’il voulait voir débattus par les théologiens.
    Une démarche commence dès maintenant pour nous préparer à cet anniversaire. Avec le prochain Bonne Nouvelle que vous allez recevoir à la fin de la semaine, vous trouverez une petite brochure intitulée : « Réformés ? Et alors ! 40 thèmes pour agir… » Quarante thèmes sont proposés à notre réflexion dès maintenant et pour toute l’année 2016, avec pour but de transformer ses réflexions en proposition de formulations modernes et contemporaines de l’Évangile. Ces formulations actualisées seront exposées ensuite pendant toute l’année anniversaire 2017 au niveau Suisse par la FEPS. Chacun, chacune, chaque paroisse est invitée à participer à ce processus.
    Pour aujourd’hui j’ai choisi de vous présenter le thème 3 « Quelle communauté l’Évangile construit-il ? » Le texte biblique qui accompagne cette question est le texte d’Esaïe 56 que vous venez d’entendre.
    Un petit mot sur le contexte dans lequel est écrit ce texte. Cet oracle de la troisième partie du livre d’Esaïe a été prononcé après le retour de l’Exil, retour autorisé par l’empereur perse Cyrus. Les textes contemporains, dans la Bible, sont les livres d’Esdras et de Néhémie. La situation historique est la suivante : 47 ans plutôt (en 587 av. J.-C) le pays de Juda a été envahi par les babyloniens. Les élites et une partie de la population a été déportée à Babylone, le Temple et la ville de Jérusalem ont été détruits.
    Pendant ces 47 ans, dans le pays de Juda, ceux qui sont restés ont occupé les maisons et les terres de ceux qui sont partis ; d’autres personnes s’y sont aussi installées. Ceux qui ont été déportés à Babylone y ont refait leur vie, se sont mélangés à la population babylonienne et on élaboré une foi juive qui peut se vivre hors du pays et sans le Temple de Jérusalem. Après l’édit de Cyrus autorisant le retour (en 540 av. J.-C), certains reviennent au pays dans l’idée de reprendre leur vie d’avant. Mais voilà, le temps ayant passé, rien n’est comme avant. Des étrangers occupent leurs maisons et leurs terres et eux-mêmes sont considérés comme des étrangers par ceux qui sont restés sur place. Il y a deux populations qui se considèrent chacune être le peuple légitime et les autres comme des étrangers. Ils ont une origine commune, mais ont eu des chemins différents. Qui est l’étranger ? Qui occupe légitimement le pays ? Qui est le vrai peuple de Dieu ? Pour répondre à cette question nous pouvons regarder dans le livre d’Esdras ou dans le livre d’Esaïe, et trouver des réponses opposées.
    Esdras défend le maintien d’une lignée ethniquement pure et préconise le renvoi des épouses babyloniennes (Esd 9—10). Au contraire Esaïe, dans les lignes que vous avez entendues, préconise le regroupement de tous ceux qui reconnaissent Dieu et observent ses commandements, quelle que soit leur provenance, leur appartenance ethnique ou leur origine. Ce qui importe, c’est l’adhésion à la justice de Dieu, c’est la foi et le culte.
    Ce qui est intéressant, c’est qu’Esaïe ajoute à la problématique de l’étranger celle de l’eunuque. Dans la loi de Moïse (Dt 23:2; Lév 21:20-21), l’eunuque est rejeté de la communauté de foi et du sacerdoce parce qu’il ne peut pas avoir de descendance, donc son nom ne sera pas transmis, son nom va s’effacer de la surface de la terre. Et cela, c’est une une malédiction aux yeux de la loi juive. Mais voilà que, dans la bouche d’Esaïe, Dieu déclare qu’il va écrire le nom des sans-descendance sur les murs du Temple et que ceux-ci auront mieux que des fils et des filles. S’ouvre ici le thème de la vie éternelle, voire de la résurrection, une vie qui n’est pas attachée à la transmission des gènes ! Esaïe transmet ici une parole de Dieu qui ouvre à l’inclusion, qui lutte contre l’exclusion.
    Mais ce qui est intéressant à relever dans cette parole d’Esaïe, c’est qu’il n’est pas question d’une exclusion de l’étranger ou de l’eunuque par les autres, mais d’une auto-exclusion ! « Il ne faut pas que l’étranger aille s’imaginer : le Seigneur me met à l’écart ! Il ne faut pas non plus que l’eunuque se mette à penser : je suis en arbre sec ! » (v.3)
    Combien de fois n’imaginons-nous pas des jugements de la part de Dieu. Jugements qui ne sont que dans nos têtes, mais pas dans la pensée divine. Combien de fois pensons-nous être indignes d’approcher de Dieu, alors que lui nous attend et nous espère. Ne confondons pas nos pensées, nos projections et celle de Dieu.
    C’est souvent ce qui nous piège avec l’Eglise. Nous pensons à telle ou telle barrière, alors que cette barrière est dans notre tête, pas dans la pensée de Dieu. Dieu n’attend pas des gens parfaits, impeccables. Jésus n’a-t-il pas proclamé, dans les béatitudes, heureux les pauvres, heureux ceux qui sont tristes, heureux les doux-naïfs, heureux les miséricordieux, heureux les persécutés. Ce ne sont pas des héros. Heureux, non pas ceux qui baignent dans le bonheur, mais heureux parce que nous sommes pleinement accueillis par Dieu, acceptés par Dieu. L’accueil de Dieu est large, c’est pourquoi la maison de Dieu est dite être « une maison de prière pour tous les peuples » (v.7).
    Appartiennent au peuple de Dieu, non pas ceux qui sont d’une certaine condition, mais ceux qui agissent de la façon que Dieu désire. Le croyant n’est pas celui qui jouit d’une certaine condition, mais celui qui adhère, celui qui se joint au projet de Dieu.
    Nous n’avons pas d’avenir comme protestants si nous ne comptons que sur notre descendance pour maintenir vivante la foi protestante. Alors nous ne serions que des eunuques dans le nom va s’éteindre. Pourtant Dieu fait cette promesse de pérennité qui sera mieux que des fils et des filles. Nous avons une transmission spirituelle a assurer, parce que l’Évangile est un projet de vie. Jésus-Christ nous a transmis des valeurs de vie qui ont un sens et une place dans notre société.
    Au point de départ de notre réflexion de ce matin il y avait cette question : « Quelle communauté l’Évangile construit-il ? » Le Christ rassemble des hommes et des femmes avec leurs faiblesses et leurs insuffisances, leurs capacités et leurs compétences : NOUS. Nous ne sommes pas une élite ou des gens particulièrement forts, parce que Dieu ne met pas de barrière, pas de filtre, pas de tri à l’entrée des églises.
    Mais, c’est l’Évangile qui rend les gens plus forts, qui rend la communauté forte et solidaire. Ensemble nous sommes renforcés et rapprochés de Dieu. Ensemble nous pouvons ouvrir nos portes à l’image du cœur ouvert de Dieu. Ensemble nous pouvons faire de l’Eglise une maison de prière pour tous les peuples.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2015

  • Prends courage, lève toi, il t’appelle !

    Marc 10
    18.10.2015
    Prends courage, lève toi, il t’appelle !

    Josué 6 : 1-5        Marc 10 : 46-52

    Téléchargez le texte : P-2015-10-18.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Pour bien comprendre la portée de la guérison de l’aveugle Barthimée, il est nécessaire de comprendre quand, dans la vie de Jésus, se passe cet épisode. Nous sommes à Jéricho. Jéricho est une ville étape sur la route entre la Galilée et Jérusalem. Depuis le lac de Galilée, il est bien plus facile de suivre la vallée du Jourdain jusqu’à Jéricho, puis de monter à Jérusalem, que de traverser toutes les montagnes de Samarie.
    Jésus a donc terminé son ministère en Galilée, il a fini son enseignement, il monte à Jérusalem pour ce qu’il sait être le temps de sa Passion. Il a déjà annoncé sa Passion à ses disciples par trois fois, mais ceux-ci ne comprennent toujours pas. Ils restent aveugles face au destin de Jésus. Cette guérison est donc emblématique du besoin des disciples —  et des lecteurs — de se voir ouvrir les yeux sur la personne et le rôle de Jésus.
    Cette rencontre avec Barthimée se passe aux portes de Jéricho. Il n’est pas possible de ne pas penser à ce que l’Ancien Testament dit de Jéricho et de l’effondrement de ses murailles. C’est le lieu même où la foi — sans le recours à la violence — a fait tomber les murailles, les obstacles, les remparts. C’est le lieu que Jésus choisit pour faire tomber les obstacles à notre foi, les murailles que nous érigeons pour nous protéger, pour nous séparer des autres ou de Jésus.
    C’est là que Jésus rencontre Barthimée et que cette rencontre va transformer la vie de ce mendiant aveugle, assis au bord de la route, attendant passivement les aumônes. Jésus passe là avec ses disciples et une petite foule. Barthimée s’en rend compte, il identifie le personnage principal et il l’interpelle : «Jésus fils de David, aie pitié de moi». « Aie pitié de moi » C’est l’appel classique du mendiant. Faire appel à la charité, à la miséricorde, à la compassion, pour recevoir une aumône, de quoi vivre ce jour là. Ceux qui accompagnent Jésus ont deux réactions opposées. Les uns rabrouent Barthimée et l’enjoignent au silence. Il ne faut pas déranger le maître. Les autres soutiennent la demande de Barthimée en disant : « Prends courage, lève toi, il t’appelle. » (Mc 10:49)
    Jésus est en effet attentif. Il est attentif aux cris, aux appels, aux prières qui lui sont adressés. Mais le monde est ambivalent, plus souvent sourd et fermé. Le monde actuel est plutôt du côté de faire taire ceux qui crient à Dieu. La mode, c’est de dire que la foi c’est ringard, c’est dépassé, c’est quelque chose pour les naïfs.
    Qui allez vous écouter ? Ceux qui disent tais-toi, ou ceux qui disent « Prends courage, lève toi, il t’appelle » ?
    Ici, dans la paroisse, vous n’aurez que des encouragements, que du soutien, que de l’aide : prenez des forces là où elles vous sont offertes. Ces paroles « Prends courage, lève toi, il t’appelle. » sont un antidote au repli, à la passivité, au ressassement sans fin de la plainte, du malheur.
    Votre cri est entendu, votre appel parvient aux oreilles de Jésus, il se tourne vers vous et engage le dialogue. Jésus commence par demander ce dont nous avons besoin : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » (v.51) Chacun a des besoins différents ; les besoins changent au cours du temps et Jésus veut donner une réponse adaptée. Il attend la réponse de Barthimée. Il attend votre réponse personnelle : que veux-tu ? Et Barthimée demande de recouvrer la vue.
    Et Jésus est heureux de cette demande. Barthimée aurait pu juste demander une aumône, de quoi subsister un jour de plus. Non, Barthimée est confiant, il demande un changement de vie. Barthimée a passé de la prière des besoins à une prière de transformation. Il a confiance que Jésus peut transformer sa vie, et lui redonner la vue et la vie. Jésus approuve cette demande et c’est pourquoi il lui dit : « Va ta foi, ta confiance t’as sauvé » (v.52)
    Et Barthimée revoit. Cette nouvelle vue, c’est ce que Barthimée reçoit. Mais il y a aussi dans ce récit une promesses pour le lecteur. Le lecteur aussi peut recevoir une nouvelle vue, une nouvelle vision en faisant confiance à Jésus.
    Ici à Jéricho, entre l’enseignement de Jésus (sur l’amour et les nouvelles relations que chacun peut entretenir avec son prochain en suivant Jésus) et la montée à Jérusalem pour sa Passion, ici doit se passer la guérison de notre propre aveuglement. L’aveuglement de ne pas connaître la vraie nature de Dieu. L’aveuglement de croire que Dieu veut s’imposer. L’aveuglement de croire que Dieu est loin au-dessus de nous.
    Ce récit nous invite à nous laisser ouvrir les yeux sur le fait que Dieu se révèle vraiment dans la Passion de Jésus. C’est dans sa Passion, sur la croix, que Jésus est le plus proche de nous, qu’il est vraiment à nos côtés. Il n’est pas un Dieu lointain qui nous surplombe et reste indifférent à nos malheurs. Non, il est plongé dans notre monde, dans nos luttes, dans nos tristesses, dans nos souffrances, véritablement à nos côtés. À cette réalité, nos yeux sont trop souvent fermés. Nos yeux ont besoin d’être ouverts à cette proximité. Besoin d’être ouverts à cette position nouvelle de Dieu : il est à nos côtés dans nos souffrances. Nos yeux ont besoin d’être ouverts pour découvrir le monde autrement, à l’aulne de cette révélation.
    Jésus nous offre cette nouvelle vision du monde : nous ne sommes pas seul, il vit avec nous, il nous accompagne, nous soutient, nous relève. Il nous encourage, il nous relève, il nous appelle ! C’est ce que disent les disciples à Barthimée « Prends courage, lève toi, il t’appelle. »
    Cette guérison de la vue est le commencement d’une transformation intérieure complète. Au début du récit, Barthimée était assis au bord du chemin, prostré dans son manteau, attendant passivement les aumônes. Après sa rencontre avec Jésus, Barthimée se met en route pour suivre le chemin de Jésus, transformé, transfiguré.
    Ayez courage, ayez confiance, relevez-vous en saisissant la main que Jésus vous tend, il vous appelle, écoutez-le.
    C’est lui qui va faire tomber les murailles de Jéricho dans lesquelles vous êtes enfermés. C’est lui qui va faire tomber les remparts de tristesse, de chagrin, qui vous coupent des autres. C’est lui qui va faire surgir la lumière dans vos vies. C’est lui qui ouvre un chemin sous vos pas.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2015

  • 2 Rois 2. Rehausseur de saveur pour le monde.

     

    2 Rois 2

    11.10.2015

    Rehausseur de saveur pour le monde.

    2 Rois 2 : 19-22        Matthieu 5 : 13-14

    Télécharger le texte : P-2015-10-11.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Jésus dit à ses disciples dans le Sermon sur la Montagne : « Vous êtes le sel de la terre » (Mt 5:13) dans le sens où les disciples apportent une saveur particulière au monde par leur présence.

    Dans la Bible, le sel a diverses valeurs selon l’usage qui en est fait. Il peut être signe de malédiction et de destruction comme lorsqu’Abimélec rase la ville de Sichem et qu’il sème du sel pour que rien n’y repousse, pour rendre la ville inhabitable. C’est aussi ce que les Romains ont fait après la prise de Carthage.

    Le sel rend aussi l’eau saumâtre et imbuvable; c’est ce qui arrive au peuple hébreu conduit dans le désert par Moïse. Celui-ci va rendre cette eau à nouveau douce et potable (Ex 15:23-24). C’est ce que nous voyons aussi avec le prophète Élisée (2 Rois 2:21). La vie est rendue impossible parce que la source d’eau est polluée. Mais ici le sel va être source de réhabilitation, de régénération, de revivification.

    Que se passe-t-il dans ce récit ? Les habitants de Jéricho se plaignent : la vie n’est plus possible, la situation est intenable, la vie est gâchée. Et les habitants formulent la demande de purification, de changement. Ils adressent leur demande au prophète Élisée pour qu’il demande à Dieu de les sauver de cette situation. Élisée entend leur demande et mobilise les habitants en leur demandant d’apporter du sel dans une assiette neuve. Le prophète se fait alors porteur d’une parole, d’un oracle qui vient de Dieu, en jetant le sel dans l’eau. Une nouvelle vie et une nouvelle fécondité est apportée alors aux habitants de Jéricho.

    Nous pouvons lire aujourd’hui ce récit comme une métaphore de nos existences. Lorsque nous sommes confrontés à des difficultés dans notre existence, parce que nos cœurs sont polluées par les rancœurs, par l’amertume, la tristesse ou les regrets, nous avons alors besoin d’un prophète et d’une assiette pleine de sel pour retrouver vie, douceur et fécondité.

    Comme dans le récit, cela peut passer par le temps de la plainte. Plainte qu’il faut transformer en demande, demande concrète, expression du besoin de changement. Cette demande doit être adressé à quelqu’un, comme au prophète, pour porter cette demande à Dieu dans la prière. Et viendra une demande de participation à la résolution — apporter l’assiette de sel — parce que Dieu ne réalise rien sans notre participation. Et viendra le moment de recevoir une parole qui vient de Dieu et qui dira les changements possibles, les changements nécessaires, les changements promis. Et ce sel demandé et apporté accomplira la transformation vers une nouvelle étape de vie, vers une énergie retrouvée.

    Quel est ce mystérieux sel utilisé par l’Élisée pour assainir cette source ? Ce sel aurait dû rendre cette eau encore plus saumâtre ! C’est à rebours du bon sens. Il est clair qu’il ne faut pas chercher une explication physique ou chimique. Ce sel ne se trouve pas dans le tableau périodique des éléments chimiques.

    On peut le comparer au sel des larmes que nous versons dans nos moments de tristesse. Ces larmes salées finissent par adoucir notre chagrin et notre peine, bien plus que si nous ne les avions pas versées.

    Et on peut se référer au sel dont parle Jésus dans le Sermon sur la montagne. Jésus désigne là du sel alimentaire, de celui qui donne de la saveur aux aliments, celui qui est indispensable, non seulement à la cuisine, mais à notre métabolisme en général.

    Pourtant, Jésus ne fait pas un cours de cuisine ! De nouveau il parle en parabole. Lorsque Jésus dit : « Vous êtes le sel de la terre, si ce sel perd sa saveur, il ne sert plus à rien, il est jeté dehors. » (Mt 5:13) Jésus utilise le sel comme l’image d’autre chose que le sel alimentaire. Jésus parle, en fait, de son message, de l’Évangile, donc indirectement de lui-même.

    C’est en tant que porteur du Christ, de son message, de l’Évangile, que nous sommes le sel de la terre, que nous apportons quelque chose de bien spécifique dans le concert des nations

    Si nous n’apportons rien, si nous ne donnons pas un goût particulier au monde, par notre présence, par notre discours, par nos gestes, alors nous sommes comme un sel qui aurait perdu sa saveur. Alors nous  sommes comme tous les autres.

    Le message de Jésus a du piquant, un goût qui se différencie de celui du monde, il a une saveur particulière qui rehausse le goût de toute la société. C’est la même image que le levain qui fait lever toute la pâte, malgré sa quantité infime proportionnellement à la farine.

    Y a-t-il de ce sel là dans vos vies ? Êtes-vous du sel assaisonnant dans la vie de votre entourage ? Si vous avez l’impression que ce sel perd de sa saveur, qu’il n’a pas — en vous — ce facteur de réhausseur de saveur, alors il est temps de revenir à la source de cette saveur, vers le Christ lui-même.

    Pour être le sel de la terre, il est nécessaire d’être au contact du Christ, à travers la lecture et la relecture des Évangiles ; à travers la prière et la méditation des paroles de Jésus ; à travers un travail personnel de façonnement de son être au contact des valeurs du Christ : la bienveillance, le non jugement, la compassion, les gestes d’accueil et d’amitié les uns pour les autres.

    C’est dans la réalisation concrète de ses valeurs, dans notre propre être d’abord, puis envers tous ceux qui nous entourent, que nous témoignons de la présence vivante et vivifiante du Christ dans le monde. Le monde d’aujourd’hui a vraiment besoin de cette bienveillance. C’est par cela que nous sommes le sel de la terre.

    Amen

     © Jean-Marie Thévoz, 2015

     

  • Deutéronome 26. Agir en conséquence de son histoire.

    Deutéronome 26
    4.10.2015
    Agir en conséquence de son histoire.
    Lévitique 19 : 33-34      Deutéronome 26 : 1-11     Ephésiens 2 :11-14

    Télécharger le texte : P-2015-10-04.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Un point commun relie les trois lectures que vous venez d’entendre : c’est le rappel d’une situation ancienne qui a été changée, maintenant, dans le présent. C’est d’avoir été étranger et d’être maintenant accepté. C’est d’avoir été dans la détresse et l’instabilité et d’être maintenant installé dans la sécurité.
    Une bonne partie des lois d’Israël est fondée sur l’histoire vécue par le peuple d’Israël. Et je trouve cette méthode originale et intéressante. En général on attend d’une loi qu’elle se justifie elle-même : c’est un « tu dois » parce que c’est bien. Ou bien c’est une obligation parce qu’il va en découler un bien plus grand pour la société. La loi est utile et se justifie par son utilité, aujourd’hui on dirait par son efficacité et son rendement. Par exemple la loi oblige à prendre des vacances parce que le rendement du travailleur est meilleur pendant le reste du temps.
    Les lois de l’Ancien Testament ne sont pas fondées sur leur utilité, elles sont fondées sur l’histoire, sur le vécu du peuple. « Quand un étranger viendra s’établir dans votre pays, ne l’exploitez pas (…). Rappelez-vous que vous avez été étrangers en Égypte. » (Lév 19:33-34).
    Ce rappel de l’histoire est particulièrement développé dans le récit sur l’offrande des récoltes. Il est fait appel ici à un résumé de l’histoire de la libération d’Égypte. « Mon père était un araméen errant … » (Dt 26:5). Il est question ici de Jacob, installé d’abord auprès de Laban à Aram, dont il a épousé les filles Léa et Rachel. Il devient nomade avec ses troupeaux, devant descendre en Égypte pour fuir la famine, s’y installant après avoir été accueilli par Joseph. Suit l’esclavage en Égypte, puis la libération par Dieu, et le peuple conduit par Moïse au travers du désert jusqu’au pays de Canaan. C’est dans ce pays que sont offertes les prémices des récoltes. Et l’obligation de cette offrande est fondée sur le souvenir de cette histoire, comme une marque de reconnaissance.
    Dans le Nouveau Testament, Paul recourt au même procédé pour dire aux Grecs la chance d’être greffé à l’olivier, à la racine du peuple juif par la vertu du Christ (Ep 2:13, Rm 11:17). C’est une façon de rappeler que le bien-être ou la prospérité actuelle ne vient pas de nulle part et qu’il est profitable de ne pas oublier autant la détresse antérieure que la délivrance reçue et vécue. Seul cet ancrage existentiel donne un sens véritable autant à la loi, pour l’Ancien Testament, qu’à nos actes pour le Nouveau Testament et pour aujourd’hui.
    Le souvenir du parcours, de l’histoire personnelle, familiale et spirituelle — en nous rattachant à l’expérience des personnages bibliques — nous donne un ancrage solide, nous apporte un sens, une identité que nous ne pouvons pas créer de nos propres mains. C’est pourquoi, bien que nous ne soyons pas juif — mais en nous y rattachant par la foi, nous pouvons aussi dire « Mon père était un araméen errant » ou « mon ancêtre Abraham ».
    Là, j’ouvre une petite parenthèse géographique : lorsqu’on dit « araméen » on parle (1) d’une région qui se trouve actuellement couvrir le nord de la Syrie et de l’Irak et le sud de la Turquie, pays kurde. C’est exactement de là que proviennent les réfugiés qui fuient la guerre et cherchent asile en Europe. (2) l’araméen est une langue, celle que parlait Jésus, et celle qui est encore utilisée pour le culte par un grand nombre des chrétiens de rite syriaque, qui se trouvent dans ces régions en guerre.
    Je reviens à cet ancrage de la loi dans l’histoire et dans l’existence. Aujourd’hui, se pose évidemment la question de notre propre rattachement à ces généalogies anciennes. Nous pouvons faire une certaine gymnastique de l’esprit et nous dire descendants d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Si nous avons été imprégnés tôt dans l’enfance, par ces récits, ce n’est pas trop difficile. Mais si personne ne nous avait raconté ces histoires ? D’où l’importance de connaître les récits bibliques, mais aussi l’histoire de nos ancêtres, de nos familles.
    En tant que Protestants, nous pouvons nous rattacher à l’exode des Huguenots français qui ont fui après la révocation de l’Edit de Nantes. Exode qui a enrichi la Suisse, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Angleterre, pays qui sont devenus les moteurs économiques de l’Europe. Mais peut-être que certains d’entre vous ont une histoire personnelle de déplacement géographique, ou de séjours à l’étranger avec des anecdotes positives d’accueil ou négatives de rejet.
    Chacune de ces histoires — même éloignées ou fictives — peut devenir pour nous un ancrage et faire naître un agir particulier. Agir en conséquence de son histoire. Alors que souvent, on entend que celui qui a été victime, risque à son tour de faire des victimes autour de lui « l’abusé devient abuseur », la Bible dit qu’il y a une autre issue, qui passe par le refus du déni, ou du « faire comme si cela ne s’était pas passé ».
    La Bible montre que l’issue est différente, que la malédiction est brisée, lorsque la détresse originelle est reconnue comme vraie détresse, que les cris ont été entendus, la délivrance reconnue.
    Lorsque je reconnais que j’ai souffert, alors je peux comprendre celui qui souffre et agir en conséquence, et briser la chaîne de la malédiction. Se souvenir de son histoire, agir en conséquence auprès de ceux qui vivent une histoire semblable, c’est s’honorer soi-même ! Se détourner de la détresse, c’est ce renier, se déshonorer soi-même.
    Il n’est pas question ici de devoir ou de morale, il est question de respecter sa propre identité. L’autre vit juste une situation qui a été la mienne, ou qui aurait pu être la mienne. L’autre n’est pas si lointain, il est un prochain. Nous ne sommes pas séparés par l’expérience, juste par le temps entre nos expériences.
    Et Paul montre comment Jésus a aboli ces séparations, comment le Christ a relié les arbres généalogiques des grecs et des juifs (Paul dit que nous avons été greffée sur la racine juive de l’olivier (Rm 11:17)).
    Nous pouvons donc nous rattacher, nous greffer à ce père araméen errant, comme à ces Huguenots en fuite. Nous pouvons le faire, pourvu que nous ayons conscience de notre histoire et de notre rattachement à une histoire qui précède notre naissance.
    Nous, nous y arrivons encore ! Mais j’ai souci pour les jeunes générations. Qui raconte leur histoire antérieure, l’histoire de leurs arrière-grands-parents, de leurs ancêtres spirituels, de leurs ancêtres bibliques ? Seul notre lien à l’histoire et aux histoires peut nous motiver à agir en conséquence, en humain.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2015

  • Marc 9. Comment Jésus nous enseigne à servir Dieu ?

    20.9.2015
    Marc 9
    Célébration oecuménique du Jeûne fédéral

    Comment Jésus nous enseigne à servir Dieu ?

    Esaïe 66 : 1-2 +10-12       Marc 9 : 30-37

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens de nos deux paroisses,
    L’Évangile d’aujourd’hui nous livre trois éléments qui ont l’air à première vue plutôt disparates : une annonce de la Passion, une discussion des disciples sur la question : qui est le plus grand ? et un enseignement de Jésus où il place un enfant au milieu du groupe des douze disciples. Nous allons voir que ces trois éléments sont cohérents et qu’ils ont une place toute particulière dans l’Évangile selon Marc. Cet épisode est vraiment au centre du ministère de Jésus, au centre de l’Évangile selon Marc et au centre du Christianisme.
    Cet épisode a lieu à la fin du ministère public de Jésus en Galilée et juste avant la montée vers Jérusalem où va s’accomplir la Passion de Jésus. Jésus prend le temps d’un enseignement destiné tout spécialement aux douze disciples, à la maison, à Capharnaüm. Et Jésus leur enseigne vraiment le cœur de son message, le cœur de l’Évangile.
    Cet enseignement comporte trois parties, que je vais reprendre l’une après l’autre : (1) l’annonce (la deuxième sur les trois) de la Passion de Jésus. (2) La question de la grandeur, de la valeur de la vie, et (3) le juste culte rendu à Dieu. Reprenons.
    1. Par trois fois, Jésus annonce à ses disciples ce qui va lui arriver à Jérusalem, parce qu’il va affronter les autorités. Jésus dit qu’il va être livré aux hommes (pas à un petit groupe dont on ne ferait pas partie. Non il va être confronté à la nature fondamentale de l’être humain, de nous tous.) Il va être tué et il sera relevé par Dieu.
    Jésus peut annoncer cela parce qu’il connaît la vraie nature de l’être humain en société et il sait que celui qui dit la vraie nature de la société (et ne veut pas y participer) finit inexorablement broyé, exclu, martyre du genre humain. Jésus va payer de sa personne pour révéler au monde ce mécanisme, cette nature. Il accepte de le faire et de donner sa vie pour le révéler.
    2. Le deuxième enseignement est en ligne directe avec cette Passion annoncée, puisqu’il révèle la nature de la préoccupation des disciples en chemin. Les disciples se demandaient : Qui est le plus grand, le plus important d’entre eux, et probablement dans le royaume avenir de Jésus ? Cette question des disciples révèle exactement les préoccupations de tous les humains, nos préoccupations constantes. Ai-je assez ? Puis-je avoir plus que mon voisin ? Comment avoir plus de pouvoir, plus d’argent, plus d’influence, plus d’amis sur Facebook, une plus grosse voiture, une plus grande maison… etc. Ma sécurité, notre sécurité repose sur le sentiment de ne jamais manquer et pour cela il faut avoir plus, toujours plus.
    Et voilà que Jésus vient renverser tout cela. Dans l’échelle de valeur de Dieu, le premier est le dernier et le dernier est le premier. Aux yeux de Dieu, les valeurs du monde, les valeurs séculières sont fausses, inversées. Et les valeur de Dieu sont à l’inverse des valeurs de notre société. Là où notre société dit que la valeur des personnes est proportionnelle à leur pouvoir et à leur puissance, Dieu dit que la valeur la plus haute est celle du service et de l’abaissement.
    Il est intéressant de noter que, dans l’Évangile selon Marc, le verbe « servir » n’a été utilisé que dans deux situations : lorsque les anges servent Jésus au désert avant la tentation (Mc 1:13), et lorsque des femmes servent Jésus (la belle-mère de Pierre servant Jésus (Mc 1:31) et les femmes servant Jésus au pied de la croix (Mc 15:41).)
    C’est le travail le plus humble que Dieu valorise le plus. On voit directement — en observant les barèmes salariaux — que notre société fait exactement l’inverse ! Cette révélation des mécanismes du monde et leur dénonciation par Jésus, par ses actes et sa vie, conduit Jésus vers sa Passion.
    3. La troisième partie de l’enseignement de Jésus se traduit par une illustration, une mise en scène : Jésus place un enfant au milieu des disciples pour leur dire : « Celui qui accueille un enfant comme celui-ci par amour pour moi, le reçoit moi-même, et il ajoute cette phrase — qui pourrait directement sortir de l’Évangile selon Jean — celui qui me reçoit, reçoit aussi celui qui m’a envoyé. » (Mc 9:37) Cette phrase est vraiment l’expression du centre de l’évangile.
    D’abord elle fabrique une éthique, un programme d’action : s’occuper des plus petits, mettre en œuvre des aides pour les laissés pour compte. C’est important, mais ce n’est pas encore le renversement le plus total : la compassion existait sur terre avant cette phrase.
    Ensuite cette phrase change notre vision d’autrui : ce n’est plus n’importe qui, ou un inconnu, ou une personne distante, c’est le Christ lui-même que je peux reconnaître dans chaque personne rencontrée. C’est important, mais ce n’est pas encore le renversement le plus total.
    Enfin, et c’est le plus important, cette phrase — si on la prend vraiment au sérieux — opère un renversement total du fait religieux lui-même. C’est toute la religion qui est bouleversée, qui est mise sens dessus dessous. Et c’est bien là aussi une des raisons de la mise à mort de Jésus.
    La religion, logiquement, classe Dieu au centre ou au-dessus de tout. La religion nous dit que nous devons avoir Dieu pour priorité, Dieu avant tout, le reste après. Et voilà que Jésus place un enfant au centre et dit à ses disciples : C’est lui d’abord ! Si vous vous occupez de lui, alors vous vous serez occupés dignement, valablement de Dieu ! Si vous vous occupez des personnes dépendantes, sans valeur pour la société, ceux dont personne ne se préoccupe, alors vous êtes en train de rendre un culte à Dieu. C’est comme cela que vous le servez le mieux ! Voilà un déplacement radical du fait religieux !
    Dieu lui-même, par la vie et les paroles de Jésus, se met de côté pour faire de la place à l’être humain ! Comme si Dieu disait : ne mettez pas vos forces dans votre façon de me rendre un culte, mettez vos forces dans l’aide et la considération que vous pouvez apporter à votre prochain qui est dans le besoin.
    Voilà le cœur de l’évangile, voici la nouvelle façon d’être avec Dieu et avec notre prochain que nous enseigne Jésus. Voilà un défi pour les disciples, un défi pour chacun d’entre nous, un défi pour nos Eglises et une parole forte dans nos sociétés matérialistes.
    Aimer notre prochain, notre voisin, celui qui se trouve dans nos murs ou à notre porte, voilà la façon concrète d’aimer Dieu.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2015

  • Matthieu 22. Jésus, guide dans l’interprétation de l’Ecriture.

    Matthieu 22
    13.9.2015
    Jésus, guide dans l’interprétation de l’Ecriture

    Marc 10 : 1-9       Matthieu 22 : 34-40

    Télécharger le texte : P-2015-09-13.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Comme chrétiens, mais plus encore comme protestants réformés, nous affirmons que la Bible est notre livre de référence, notre mode d’emploi de notre relation à Dieu et le guide de nos valeurs éthiques ou de nos comportements. Nous obéissons à ce que dit la Bible !
    Vraiment ? En fait pas tellement ! Et là je ne parle pas de nos faiblesses ou de nos transgressions, comme de mentir sciemment pour nous tirer de ce que nous pensons être mauvais pas. Cela nous arrive, et nous avons mauvaise conscience et nous nous en repentons. Donc dans ce domaine la Bible reste notre référence.
    Quand je dis que nous n’obéissons pas à la Bible, je parle de toutes ces prescriptions bibliques que nous avons abandonnées, en toute bonne conscience, comme des prescriptions caduques, dépassées, inutiles ou inappropriées. Alors que c’est interdit par la Bible, nous mangeons du lapin, de l’autruche, des fruits de mer ou du porc. Alors que c’est prescrit par la Bible, nous ne faisons plus de sacrifices d’animaux, nous ne consacrons plus à Dieu les prémices de nos récoltes, nous avons d’autres lieux de culte que Jérusalem, et nous ne lapidons pas les couples adultères.
    Nous ne considérons donc pas que toute phrase imprimée dans la Bible a une valeur de commandement. Nous n’accordons pas à toutes les lois bibliques la même valeur, la même autorité. Enfin, nous — en tant que protestants réformés — ne le faisons pas.
    Mais certaines personnes ou certains groupes prennent une autre position et adoptent une lecture plus littérale. J’ai identifié trois positions différentes :
    A. Ceux qui croient à la vérité littérale de l’entier de la Bible, groupe dans lequel on trouve beaucoup d’évangéliques, dont, à l’extrême, les créationnistes qui pensent que le poème de la création est une description littérale de la formation de l’univers à valeur égale avec la science.
    B. Les détracteurs du judéo-christianisme, qui s’emparent de quelques versets violents pour discréditer toute la Bible, comme si les chrétiens appliquaient cette violence dans la réalité.
    C. Enfin les opportunistes qui piquent l’un ou l’autre verset de la Bible pour asseoir leurs préjugés personnels d’une aura divine. Nous en avons eu un exemple cet été dans la bouche de l’évêque de Coire.
    Comme réformés, nous pensons qu’il existe une hiérarchie des textes, que certains sont plus importants, plus normatifs que d’autres et qu’il faut donc toujours faire un travail d’interprétation. En résumé nous refusons de dire que l’Ecriture est la Parole de Dieu, nous disons qu’elle contient la Parole de Dieu.
    Voici comment notre Eglise l’exprime dans ses principes constitutifs : « A la lumière du Saint Esprit, l’Eglise cherche à discerner dans les Ecritures la Parole de Dieu. (…) Avec les Eglises de la Réforme, elle affirme que la Bible doit toujours être interprétée et soumet cette interprétation à la Bible elle-même. »*
    Ce principe n’a pas été inventé de toute pièce par les réformés au XVIe siècle ! Il vient de la lecture de la Bible elle-même, de la compréhension de ce que Jésus fait lui-même.
    Lorsque les pharisiens essaient de tendre un piège à Jésus — justement sur la question de la hiérarchie des commandements — en demandant : « Quel est le plus grand commandement ? » (Mt 22:36) Jésus répond par une hiérarchie : « Tu dois aimer Dieu… c’est le plus grand commandement et voici le second qui est d’une importance semblable… Tu aimeras ton prochain… » (vv. 37-39)
    1. Le premier principe que Jésus applique, c’est de soumettre toute la loi de l’Ancien Testament à une relecture, en fonction de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Tout doit s’ordonner, s’aligner sur ces deux commandements. Et tous ce qui pourrait leur être contraire sera réinterprété ou aboli. Aussi devient-il inutile de ressortir un verset particulier — qui prône la violence par exemple — pour discréditer toute la Bible ; nous avons fait ce travail d’élagage avant nos opposants. Et les chrétiens qui prôneraient cette violence — comme l’apartheid — se discréditent eux-mêmes.
    2. Le deuxième principe que Jésus applique, nous le voyons dans la discussion qu’il a à propos du divorce. Là aussi les pharisiens essayent de lui tendre un piège. La méthode de Jésus, c’est de remettre les choses en perspective, du point de vue de l’intention de Dieu. Jésus fait dire aux pharisiens ce qui est prévu dans la loi et il leur explique qu’il y a deux niveaux en jeu. Il y a l’intention divine « Au commencement… » (Mc 10:6) et Jésus cite deux verset de Genèse 2 et 3 où il montre que Dieu a fait l’homme et la femme l’un pour l’autre. Puis, Jésus explique que la réalité (nous avons le cœur dur) oblige à trouver des solutions pratiques quand la vie commune est devenue impossible. Par-là Jésus montre que le commandement pointe vers un idéal — ce qui est voulu par Dieu — mais que cet idéal n’est pas donné pour l’asservissement de l’être humain, c’est un idéal de bonheur. On voit la même méthode à l’œuvre quand il s’agit de l’observance du sabbat :  « Le sabbat est fait pour l’être humain, pas l’être humain pour le sabbat. » (Mc 2:27)
    3. Le troisième élément, c’est que la Parole de Dieu s’est incarnée en Jésus-Christ. « La parole s’est faite chair » (Jn1:14) nous dit l’évangéliste Jean. La clé d’interprétation de l’Ecriture devient toute la vie et tous les gestes de Jésus. Notamment le mystère de la croix et de la Passion. L’épître aux Hébreux définit Jésus comme le nouveau grand-prêtre (Hb 9:11); et l’Évangile selon Jean le définit comme l’agneau du sacrifice (Jn 1:36). Si bien que les premiers chrétiens ont vu dans la personne de Jésus le remplacement de toutes les normes cultuelles de l’ancienne alliance.
    Ainsi ces trois éléments, (i) la suprématie de l’amour, (ii) le retour à l’intention première de Dieu et (iii) la personne même de Jésus-Christ comme Parole de Dieu ont conduit la première Eglise à abolir les lois coutumières (alimentaires et sociales), les lois cultuelles et les lois morales, pour ne retenir que les deux commandements d’amour. Les questions morales devant être toujours à nouveau reprises, réfléchies, réinterprétées en fonction de la suprématie de l’amour et de la réalité de nos cœurs endurcis.
    C’est peut-être pourquoi il est difficile d’être protestant : rien n’est acquis. Toujours à nouveau il faut se remettre en question et faire appel à sa conscience pour prendre une bonne décision.
    Mais c’est aussi la grandeur de notre protestantisme de ne pas nous considérer comme des automates qui obéissent aveuglément à des lois pré-écrites.
    Dieu fait confiance à notre liberté, à notre réflexion, pour faire des choix qui ne sont pas dictés par la Loi mais inspirés par l’amour.
    Amen


     * Principes constitutifs de l’Eglise Evangélique Réformée du Canton de Vaud, article 2.
    © Jean-Marie Thévoz, 2015