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  • Genèse 8. L'alliance avec Noé

    (23.10.2005)

    Genèse 8

    L'alliance avec Noé

    Genèse 5:28-32, 7:11-16.        Genèse 7:24, 8:1, 5-12, 15-21a.       Genèse 9 : 8-16

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  • Genèse 6. Après nous le Déluge ?

    Genèse 6

    5.5.2019

    Après nous le Déluge ?

    Genèse 6 : 9-22      Deutéronome 30 : 15-18

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    Le récit du Déluge est choquant ! Nous dire que l’humanité est pourrie (fr c.), que le monde est dévoyé et qu’en conséquence, Dieu veut éliminer l’être humain de la surface de la terre et qu’il le fait ! Oui c’est choquant. Mais n’est-ce pas aussi ce que nous voyons aujourd’hui autour de nous dans le monde. Il y a la violence humaine directe, à travers les guerres, le terrorisme et tous les mauvais traitements. Il y a aussi la violence indirecte de nos sociétés qui conduit à la sixième extinction et au réchauffement climatique. Aussi, je crois que ce texte a du sens. Ce récit veut nous dire quelque chose d'important pour nous aujourd'hui.

    Aussi farfelus que soient les détails et le déroulement, il est maintenant presque certain qu'un fait réel est à la base de ce récit de Déluge, récit qu'on retrouve dans toutes les civilisations du Moyen Orient Ancien. Deux scientifiques américains (William Ryan et Walter Pitman*) — des géophysiciens — ont découvert le cataclysme qui est à l'origine de ces récits et qui s'est déroulé vers 5'500 ans av. J.-C.

    Pour le comprendre, il faut remonter à l'ère glaciaire. Lorsque les glaciers recouvraient toute l'Europe et une bonne partie de l'hémisphère Nord, le niveau des océans était beaucoup plus bas qu'aujourd'hui. Avec la fonte des glaces, les océans se sont mis à remonter, lentement. La Méditerranée s'est donc aussi mise à remonter. Parallèlement, ce qui est aujourd'hui la Mer Noire, était un lac d'eau douce à environ 120 mètres en-dessous de son niveau actuel. Vers 5'500 ans av. J.-C. le niveau de la Mer Méditerranée est monté au-dessus de la barrière rocheuse qui sépare la Mer de Marmara, au delà d'Istanbul, du Bosphore, et dans un cataclysme inimaginable, la mer à commencé à se déverser dans le bassin de la Mer Noire actuelle, provoquant une inondation démesurée. En quelques mois les niveaux se sont équilibrés, mais au prix de nombreuses terres définitivement englouties.

    Cet événement — cataclysmique pour les populations locales — est resté dans les mémoires de tous les peuples du Moyen-Orient Ancien. On en retrouve des traces dans leurs récits mythologiques.

    Le texte biblique — appelé communément le Déluge, mais dont le terme utilisé signifie "inondation" ou "cataclysme" — essaie de faire, longtemps après, une interprétation théologique de cet événement !

    On peut donc voir dans ce récit le travail de pensée, de réflexion de croyants qui se demandent : d'où vient une pareille catastrophe ? Quelle est l'implication de Dieu ? Sommes-nous tous, toujours menacés ? L'existence est-elle alors absurde, ou bien y a-t-il pour nous une promesse de vie ? Y a-t-il un signe qui nous rappelle cette promesse ?

    Ce récit nous donne donc à réfléchir et cherche à nous donner des réponses qui ont du sens, des réponses qui prennent sérieusement en compte l'existence du mal dans le monde.

    Si l’on écoute attentivement les experts, aujourd’hui il n’y a pas besoin d’un jugement de Dieu pour que la planète soit en danger. Nous allons tout seul vers notre propre destruction. Les signes sont là, visibles. Nous sommes avertis.

    C’est là que le récit du Déluge est intéressant. Il a un message pour nous aujourd’hui. Comment le récit est-il construit ? Il y a trois éléments qui se succèdent :

    1. D’abord la constatation du mal et le jugement sur ce mal. Il y a un mal si grand sur la terre que cela constitue une menace, une menace sur la vie, autant animale qu’humaine. Il faut s’occuper de ce mal, le traiter pour permettre un nouveau départ. Cela passe par l’anéantissement de l’humanité !
    2. Ensuite, il y a une cependant une grâce, un salut, une volonté de préservation. La destruction ne doit pas être totale, il faut la possibilité d’un nouveau départ. Noé est avertit. Dieu lui fait part d’un plan.
    3. Enfin, il y a l’action qui conduit au salut. Comment cela se passe-t-il ? Il y a deux phases. La part de Dieu et l’œuvre de l’humain.

    L’action divine consiste à avertir Noé de ce qui va se passer et de lui donner quelques informations pratiques. Ensuite, c’est à Noé de mettre en œuvre, à prendre les mesures concrètes. Pratiquement, il doit croire que l’avertissement est sérieux, il doit mobiliser ses ressources et sa volonté et se mettre au travail pour construire l’arche. Cela nous enseigne trois choses.

    1. Il y a des avertissements. Nous avons assez de rapports sur l’état de la planète, de la nature pour prendre conscience que notre société humaine ne peut pas continuer à vouloir croître, en confort, en consommation et en nombre sur une planète limitée. Nous sommes avertis, comme Noé l’a été de ce qui va advenir.
    2. Il n’y aura pas de sauvetage matériel miraculeux de la part de Dieu. La part de Dieu c’est de nous ouvrir les yeux. Sa Providence nous a donné une intelligence et une science qui nous permettent d’observer le monde et de voir ce qu’il va arriver. Le constat est fait, il est évident. Tout est entre nos mains.
    3. C’est donc à nous de nous mobiliser. Comme le dit la jeune Greta Thunberg, les outils et les solutions pour sauver la planète sont déjà là, ils sont connus, ils sont disponibles. Mais il manque la volonté de se mettre en marche.

    Nous sommes comme un Noé qui a reçu l’avertissement du Déluge, mais qui se dit : « buvons encore une bière et profitons de ce beau coucher de soleil. Je ne vais pas m’embêter à renoncer à mon confort, dépenser mes sous à construire un bateau et chercher tous ses animaux. Encore moins à m’enfermer tout ce temps, inconfortablement, dans un espace restreint... Je transmettrai l’information à mes enfants et ils s’en occuperont... »

    Est-ce responsable ? Le problème actuel de notre société, c’est notre peur de perdre. Nous ne voulons pas renoncer à nos acquis, à notre confort, à notre luxe. Nous ne voulons rien sacrifier aujourd’hui, pour infléchir l’avenir. Mais plus nous attendons, plus il sera difficile de prendre le virage indispensable à la survie de l’humanité sur notre planète. Noé aurait-il pu construire son arche avec les pieds dans l’eau ?

    Nos Eglises ont un rôle à jouer dans la transition écologique vers une société durable, c’est-à-dire vers une société qui vive sur ce que produit réellement la planète et pas en puisant de manière illimitée dans ses réserves.

    Nous confessons un Dieu bienveillant pour l’humanité, un Dieu qui prend soin des humains. Un Dieu qui nous a confié le monde comme un jardin pour l’entretenir, pas pour le détruire. Mais il ne va pas nous fournir une seconde planète après que nous ayons détruit la première. Il nous a donné un code de conduite et une intelligence pour recevoir les avertissements — à la manière de Noé pour choisir la VIE (Deut. 30:15-18).

    Qu’allons-nous faire de cela ? Aurons-nous le courage de Noé de recevoir l’avertissement que la planète est au bord de la destruction ? Allons-nous nous mettre au travail — même avant les autres — pour sauver le monde vivant ? Allons-nous changer de mode d’existence pour que la vie sur terre soit encore possible pour les générations suivantes, qui sont celles de nos enfants et de nos petits-enfants ?

    Ou bien serons-nous ceux qui disent « Après nous le Déluge... ? »

    Amen

     

    * William Ryan et Walter Pitman, Noah’s Flood, New York, Simon & Schuster, 2000.

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • Genèse 41. Le souci économique de Joseph est un souci de salut.

    Genèse 41

    28.1.2018

    Le souci économique de Joseph est un souci de salut.

    Genèse 41 : 14-38      Genèse 41 : 53-57

    Télécharger le texte : P-2018-01-28.pdf

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Dans l’épisode précédent de la saga de Joseph, nous avons laissé Joseph alors qu'il était emmené comme esclave en Egypte. Aujourd'hui, nous le retrouvons en prison ! On dirait que le destin s'acharne contre lui. Chez son maître Potifar, Joseph a été injustement accusé (relisez le chap. 39) et jeté en prison. C'est comme une descente aux enfers, la situation de Joseph ne peut guère être pire. Et pourtant, il ne désespère pas, il fait confiance en Dieu.

    Cette confiance ne le place pas "en attente", comme si tout devait tomber du ciel. En fait, Joseph ne reste pas inactif, à se plaindre de son destin et à maudire le ciel. Dans toutes les circonstances, on le voit prendre les devants, prendre des initiatives. Esclave chez Potifar, il était devenu l'intendant de la maison. Ici en prison, il se fait remarquer par le chef de la garde et se voit confier la direction des travaux des prisonniers (Gn 39:22). Joseph sait tirer parti, faire ressortir ce qu'il y a de bon de toutes les circonstances, il sait apprendre de ses malheurs. Il est celui qui sait rebondir en toutes occasions.

    C'est en cela que l'histoire de Joseph est souvent considérée comme un petit traité de sagesse. Joseph est un sage, parce qu'en toutes circonstances — même les pires — il est capable d'apprendre quelque chose, de prendre des dispositions qui améliorent son sort, de témoigner de patience, tout en se laissant interpeller par la situation et les malheurs de ses compagnons d'infortune. C'est ainsi que Joseph est remarqué et se voit offrir des responsabilités.

    Dans les responsabilités qu'il obtient, Joseph fait l'apprentissage de la direction. Il est en contact avec de hauts personnages (l'échanson et le boulanger) et ne manque pas d'en tirer quelque chose, tout en se mettant à leur service, en exerçant son don d'interprétation des rêves.

    C'est ainsi qu'il va être tiré de sa prison, le jour où plus aucun magicien ne peut interpréter les rêves de Pharaon, ses rêves de vaches grasses et de gros et beaux épis. Dans le dialogue entre Pharaon et Joseph, il y a deux choses remarquables :

    1) Joseph refuse de s'octroyer le mérite de l'interprétation des rêves. S'il possède ce don, ce don vient de Dieu seul. Tout comme le rêve de Pharaon lui-même ! C'est Dieu qui agit, qui informe Pharaon de ce qui va se passer. Joseph est là l'instrument de Dieu pour que Pharaon comprenne le message et que des mesures soient prises.

    2) La deuxième chose remarquable, c'est que Joseph ne se contente pas de dire la signification des deux rêves, il prend l'initiative de dire au Pharaon ce qui peut être fait pour que le pays ne soit pas dévasté. Joseph a son plan, son projet pour l'Egypte, il en fait part à Pharaon et il attend.

    Joseph a là une attitude impressionnante. Il n'est ni inactif face à la crise qui s'annonce, ni réactif, attendant de voir si ce qui est annoncé se réalise (alors les années d'abondance auront passé et il sera trop tard pour agir). Il est ce que les psychologues appellent aujourd'hui "pro-actif". Joseph est pro-actif, ce qui signifie qu'il anticipe la situation et qu'il propose une mesure innovante pour éviter les effets catastrophiques de la famine avant que celle-ci ne s'installe.

    Nos politiciens feraient bien de s’en inspirer pour parer les crises qui s’annoncent, comme la crise du réchauffement climatique !

    Maintenant, ce que Joseph a appris dans la maison de Potifar, dans sa prison et plus tôt dans sa famille va lui servir ! Il est l'homme de la situation et Pharaon le remarque. C'est Joseph qui va tenir les rennes de l'économie de l'Egypte pendant deux septennats — un septennat d'abondance et un septennat de pénurie.

    Joseph va planifier ces 14 ans avec à coeur la problématique qu'il a emporté avec lui de sa famille : Comment les humains peuvent-ils vivre ensemble fraternellement, même en temps de crise ? C'est un véritable défi, car s'il est déjà souvent difficile de vivre pacifiquement quand tout va bien, qu'en est-il lorsque les tensions augmentent ?

    Ici, en Egypte, le domaine économique devient un lieu d'enjeu de la fraternité humaine. Joseph sait bien qu'avec la famine, la crise et les tensions vont monter et faire augmenter dangereusement le risque de la désintégration de la société, le risque des exclusions, le risque de phénomènes de boucs émissaires, le risque de mort.

    De par son expérience personnelle, Joseph connaît tout cela de l'intérieur, et il a décidé d'anticiper, d'agir pour éviter ces catastrophes. Il dresse un plan social pour que la famine ne fasse pas de victimes.

    Je ne ferai pas l'apologie des moyens que Joseph utilise pour parvenir à ses fins. Je ne crois pas qu'ils soient transposables dans le temps, ni qu'ils soient proposés par le narrateur de l'histoire comme un idéal. En effet, ils conduisent à une nationalisation totale des biens de tous les égyptiens en faveur de Pharaon.

    Ce qui est important ici, c'est la préoccupation de Joseph pour le bien commun de tous. Le projet social de Joseph est de faire en sorte que tous puissent se nourrir, que tous puissent vivre, que l'abondance des premières années puisse profiter à tous dans les années de disette.

    Le maintien de la fraternité humaine passe par ce partage, par cette solidarité de tous pour tous. Sans cette attention au bien commun qui passe par l'attention aux plus fragiles, aux plus vulnérables, la cohésion de la société risque de disparaître et donc aboutir à un désastre social, un désastre humain, inhumain, faudrait-il dire !

    On a régulièrement vu dans le personnage de Joseph une figure messianique. Cette dimension messianique — c’est-à-dire porteuse d’une véritié divine, d’un rapprochement avec Dieu — se marque particulièrement dans ce souci du salut de tous. Ce salut n'est pas seulement celui de l'âme au-delà de la mort. Ce salut, c’est déjà une vie en plénitude dès maintenant. Pas une vie seulement pour soi seul, égoïstement, mais une vie assurée pour tous, sans exclus, sans laissés pour compte, sans personnes laissées sur le bord du chemin. Si les moyens mis en place par Joseph ne sont pas forcément un modèle à reprendre, le but — par contre — de ne laisser personne affamé, même dans les pays voisins, ce but d’un salut communautaire est dans la droite ligne de la volonté divine. La vie que Dieu veut voir changée est déjà celle que nous vivons ici et maintenant, sur cette terre et pour tous les habitants de la terre.

    C'est donc déjà ici et maintenant que nous pouvons avoir ce souci économique des moins bien lotis et marcher ainsi dans les pas de Joseph.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Genèse 3. Sortir du « mode survie » et entrer dans une histoire

    Genèse 3
    24.8.2014


    Sortir du « mode survie » et entrer dans une histoire


    Genèse 2 : 8-9+15-17    Genèse 3 : 1-5    Genèse 15 : 1-6

    Télécharger le texte : P-2014-08-24.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,
    Pour la troisième fois, nous abordons ce chapitre 3 de la Genèse avec cette histoire d’Adam et Eve. Nous avons vu que ce récit est construit avec un avant et un après. Il y a d’abord une situation idéale, décrite comme le Paradis, situation qui est bouleversée par la transgression des premiers humains et qui conduit à une vie et une terre dégradée. Un avant et un après qui sont suivis d’une remédiation humaine et d’une remédiation divine.
    Nous avons suivi plusieurs pistes les dimanches précédents et il nous reste aujourd’hui celle de la vie et de la mort. En effet, Dieu déclare que celui qui mangera du fruit de l’arbre interdit va mourir. Il y a donc un avant tourné vers la vie et un après tourné vers la mort.
    Cependant, ce qui est étonnant, c’est que la promesse divine « celui qui mangera de ce fruit mourra » (Gn 2:17) ne se réalise pas ! Personne ne meurt dans ce récit, et un peu plus loin, on nous dit qu’Adam meurt à l’âge de 930 ans (Gn 5:5). Ce n’est pas un vie raccourcie, même si les chiffres sont d’ordres mythologiques. 
    Je pense qu’il faut lire ce récit, avec son avant et son après, comme une protestation contre la mort. Ici est exprimé le sentiment que la mort, le deuil, ne devraient pas exister dans un monde idéal. On se rend bien compte que ce n’est pas réaliste. Il ne peut y avoir de vie sans que celle-ci se termine, sinon ce ne serait pas de la vie, du vivant. On aurait quoi, juste de la pierre ?
    Mais en même temps, la mort, et surtout la mort précoce ou injuste, fait trop souffrir pour qu’elle ne soit pas le résultat d’une distorsion ou d’une transgression. Dans un monde de bénédiction, la mort est une anomalie. C’est pourquoi le récit de Genèse 3 donne à la mort ce statut de disharmonie, de dérèglement. Quelle peut être la remédiation humaine ?
    Cela va être de survivre ! La vie est précaire, elle est difficile, elle est en danger : il faut mettre son énergie à lutter pour sa survie. Il faut se nourrir, se battre, se faire une place. Mais survivre n’est pas vivre pleinement.
    Le remédiation divine va consister à faire sortir l’être humain du « mode survie » pour l’inviter à une vraie vie. La vie vaut mieux que juste survivre. Nous ne sommes pas faits pour nous contenter de « métro-boulot-dodo. » Dieu nous invite à sortir de la routine. Dieu nous invite à lever les yeux au ciel comme Abram (Gn 15:5), pour découvrir d’autres dimensions à la vie.
    Pour cela, Dieu nous fait deux cadeaux. Le premier cadeau est de faire alliance avec l’humanité. Dieu n’est pas contre nous, il est avec nous, il se tourne vers nous avec bienveillance, pour nous aider à nous en sortir, pour nous accompagner dans les bons et les mauvais moments de l’existence.
    Le deuxième cadeau que Dieu nous fait, ce sont les enfants. Il a donné à l’humanité le pouvoir de transmettre la vie. Transmettre la vie biologique, mais aussi la vie relationnelle et spirituelle. Parce que donner la vie biologique n’est pas tout. Comme chaque parent le sait, c’est l’éducation qui est le grand défi.
    Nous pouvons donner la vie, mais nous avons plus à donner et transmettre à nos enfants. Nous avons à leur donner une place dans le monde et dans la vie, une place dans une lignée, une place dans une histoire. C’est pourquoi la Bible est si pleine d’histoires de familles et de généalogies.
    Un enfant n’est pas un électron libre, il naît dans une famille, qui est une longue suite de parents, de grands-parents, d’aïeuls, d’ascendants. S’inscrire dans une histoire est un cadeau, c’est une assurance d’avoir une place, de se savoir situé. Pouvoir dire à son enfant, à ses petits-enfants : « Tu viens de quelque part ! » C’est lui dire son importance, son rôle, sa mission. Chacun a une place, sa place, en lien avec d’autres.
    La Bible nous dit à quel point la filiation est importante, mais aussi qu’il y a une filiation commune de tous les êtres humains. En affirmant que toute l’humanité descend d’Adam et Eve, la Bible affirme que l’humanité forme une seule famille humaine. Tous nous sommes reliés à Dieu. Tous nous pouvons nous rattacher à la lignée biblique. Tous nous pouvons faire remonter notre généalogie à Abraham au travers de la foi et jusqu’à Adam dans notre humanité commune.
    Quel cadeau faire à nos enfants et petits-enfants : les rattacher à Adam, à Abraham, à David, à Jésus. Les inscrire dans une histoire vivante, les rattacher à des hommes et des femmes dont on peut lire l’expérience de vie et s’en inspirer. Cela leur donne de l’assurance. Cela donne de l’assurance à ses enfants lorsqu’ils peuvent dire « Je sais d’où je viens. »
    Je sais qu’aujourd’hui on veut toujours laisser ses enfants choisir. Mais on n’imagine pas la difficulté devant laquelle on place ses enfants en leur faisant tout choisir. Pourquoi ne pas choisir pour eux, les faire commencer et les laisser se déterminer ensuite. Est-ce la peur qu’ils nous rejettent en rejetant les choix qu’on a fait pour eux qui nous empêche de faire des choix pour eux ?
    Vous faites un cadeau à vos enfants en les inscrivant dans une généalogie, une généalogie qui remonte à votre famille et saute ensuite vers les personnages bibliques. C’est une façon de mettre de la vie dans leur vie, de sortir du « mode survie ».
    Ce que Dieu veut pour nous, c’est que nous sortions du mode survie pour arriver à une vie en plénitude. Et une vie enracinée est une vie qui s’épanouit. La taille de l’arbre ne dépend-elle pas de la taille de ses racines ?
    Il n’y a pas de remède à la mort autre que la vie elle-même. Mettre le plus de vie possible dans sa vie et dans celle des autres. C’est ce que nous montre Jésus lorsqu’il guérit, lorsqu’il nourrit les foules, lorsqu’il renverse les tabous dans ses rencontres. Jésus nous donne libre accès à Dieu pour que nous recevions de lui le surplus de vie dont nous avons besoin. Sachons nous enraciner dans la vie qu’il nous donne.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014

  • Genèse 2. L’intention divine première c’est de bénir la terre et les humains qui y habitent.

    Genèse 2
    6.7.2014
    L’intention divine première c’est de bénir la terre et les humains qui y habitent.
    Genèse 2 : 4-15     Esaïe 55 : 6-13     Jean 4 : 10-14

    Télécharger le texte : P-2014-07-06.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Je vous propose pour les dimanches de cet été de nous plonger dans les récits de création que la Bible nous offre. Dans la plupart de nos confessions de foi, — notamment le Symbole des apôtres que nous trouvons à la dernière page de nos psautiers — nous déclarons : « Je crois en Dieu, créateur du ciel et de la terre. » Que voulons-nous dire par là ?
    Affirmons-nous que Dieu a créé le monde de ses propres mains ? Qu’il a conçu le plan de chaque atome du tableau périodique des éléments ou qu’il a inventé chaque plante et chaque animal ? Croyons-nous que Dieu a créé le monde en 6 jours, il y a quelques 6'000 ans ?
    Certains chrétiens le pensent. On dit alors qu’ils sont « créationnistes. » Ils remplacent le discours scientifique par le discours biblique, croyant que la Bible explique comment Dieu a créé le monde.
    Je n’arrive pas à me retrouver dans leurs théories. Je crois que la Bible nous dit autre chose que le « comment » des choses. Je crois que la Bible nous dit le « pourquoi » des choses, ou encore le « pour quoi », le « en vue de quoi » de la vie et du monde.
    Comment donc penser, et pouvoir confesser, Dieu créateur, sans être créationniste, en acceptant que la science dit des choses correctes sur l’origine de l’univers et de la vie sur terre ? Je crois que c’est possible en nous attachant au sens et à l’intention. La Bible nous dit l’intention qu’il y a derrière la présence du monde. Il nous dit le sens de l’existence, de notre présence sur terre et c’est une explication qui a une autre valeur que l’explication scientifique. Deux explications qui peuvent être juxtaposées sans que ni l’une ni l’autre ne perde de sa qualité ni de son sens, parce qu’elles ont des rôles différents.
    Je vais l’expliquer par un exemple concret qui porte aussi sur deux explications concernant une question d’origine. Lorsqu’un enfant demande à ses parents « Pourquoi est-ce que je suis là ? » Les parents ont le choix entre deux explications. Ils peuvent se lancer dans l’explication biologico-chimique : « Tu sais, lorsque le spermatozoïde rencontre l’ovule… etc… » Ou bien ils peuvent se lancer dans une explication de leurs intentions. « Tu sais, ta maman et moi, nous avions très envie d’avoir un enfant… »
    Les deux explications sont justes, pertinentes, exactes. L’une est scientifique, mais froide. L’autre est poétique, mais pleine de sens et de promesse pour l’enfant, elle va le soutenir dans son être et sa joie de vivre.
    Les récits bibliques de création sont de ce deuxième ordre : poétiques et plein de promesse. Lorsque nous disons que Dieu a créé le ciel et la terre, nous formulons un énoncé poétique qui nous rappelle que Dieu a une intention pour le monde et pour nous, il a un projet pour l’humanité et ce projet passe par notre vie sur cette planète terre.
    Le livre de la Genèse nous présente deux récits de création. Celui du chapitre 1 — un grand poème en 7 strophes pour 7 jours — remonte à l’époque de l’Exil à Babylone. Nous y reviendrons ultérieurement.
    Le récit des chapitres 2 et 3 est plus ancien et plus composite. On le sens plus fruste dans l’explication pratique, mais il est riche par contre d’une dramatique humaine qu’il dessine autour du bien et du mal.
    Le fait même d’avoir deux récits incompatibles entre eux au niveau factuel du « façonnage de la terre » devrait renvoyer les créationnistes à leur étude du texte biblique.
    Que nous dit le récit le plus ancien de l’intention divine pour l’être humain et le monde ? (En fait, je vais réserver la part sur l’être humain pour dimanche prochain.)  Que nous dit ce récit de Genèse 2 sur le monde ? Ce récit utilise l’eau comme une métaphore pour nous parler du monde.
    Il y a un état premier où la terre est sèche. Elle existe, mais rien ne pousse, c’est pire qu’un désert. Il n’y a ni arbuste, ni herbe, ni être humain.
    Dans un deuxième état, il y a une sorte de brouillard, de brume qui s’élève de la terre pour l’irriguer. Mais il n’y a toujours pas de végétation.
    Il faut un acte de Dieu pour y implanter l’homme, puis la végétation. L’homme est là pour cultiver cette végétation. Ensuite le récit s’interrompt pour parler géographie. Une sorte de parenthèse, un paragraphe copié-collé ici dont on ne connaît pas l’origine.
    Il situe l’Eden (vers l’est) et le donne comme la source d’un fleuve qui traverse le jardin et en sort en se séparant en quatre bras pour irriguer la terre. Deux fleuves ne sont pas identifiés et deux autres, le Tigre et l’Euphrate, sont connus, c’est le croissant fertile.
    Ce paragraphe lie le jardin et la terre habitée à la même source, unique, qui vient de l’Eden. L’eau voulue par Dieu va donner la vie, pas seulement au jardin — on anticipe le drame de Genèse 3 — mais à la terre entière, les territoires connus comme les territoires inconnus. 
    Il y a là l’affirmation d’une bénédiction première et universelle. Quoi qu’il se passe dans l’histoire humaine, la vie et la bénédiction sont premières. On sait déjà — parce qu’on connaît la suite, et tout être humain sait qu’il n’habite plus le jardin d’Eden — que la vie est difficile sur la terre. Mais ce récit de création affirme que cette vie difficile s’inscrit dans un cadre qui est fait de bénédiction. 
    Une façon de dire déjà que des limites sont posées face au mal et au malheur. L’intention divine première c’est de bénir la terre et les humains qui y habitent. A l’origine, il y a une bénédiction et à l’horizon, il y a la promesse d’un pays où habiter. C’est le cadre de la création. (On verra dans la lecture du poème de Genèse 1 à quel point le caractère « habitable » de la terre est souligné).
    Ainsi, ce récit, le plus ancien, confesse que le monde n’est pas le résultat d’un accident, mais d’une intention. Ce récit montre que l’être humain ne naît pas non plus accidentellement. Le monde est là pour accueillir l’être humain et sans lui le monde est comme en attente. Le monde est l’objet de la bénédiction divine, depuis le début. Nous ne sommes pas un accident de l’histoire, tombés par malheur dans un monde maudit.
    Comme des parents peuvent dire à leur enfant : « Nous avons souhaité que tu nous sois donné et nous sommes heureux que tu sois là et grandisse avec nous » dans ces récits de création, c’est comme si Dieu nous disait : « J’ai disposé le monde pour vous accueillir et j’ai souhaité que vous soyez là pour y habiter. Je suis heureux que vous puissiez y vivre sous mes yeux. »
    Voilà ce que nous confessions lorsque nous disons : « Je crois en Dieu, créateur du ciel et de la terre. »
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014

  • Genèse 45. Chercher la trame sous-jacente de sa vie (Typologie IV)

    Genèse 45
    8.9.2013

    Chercher la trame sous-jacente de sa vie (Typologie IV)

    Genèse 37 : 1-9      Genèse 45 : 1-10     Marc 9 : 33-37
    Télécharger la prédication : P-2013-09-08.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    J’aime beaucoup cette histoire de Joseph, le fils de Jacob. Cette histoire nous parle de la vie, de la vie réelle, avec ses hauts et ses bas, les relations difficiles, les chutes et les ascensions vertigineuses.
    Précisément, cette histoire nous parle de la jalousie dans une fratrie, de la haine et du rôle de bouc émissaire quand les frères veulent tuer Joseph, et finalement le vendent comme esclave. Cette histoire parle du travail qui fait progresser et de l’injustice qui fait chuter, Joseph se retrouve en prison. Cette histoire nous parle de compétence et de réseau social quand la capacité à interpréter les rêves fait sortir Joseph de prison et l’amène devant Pharaon qui le nomme premier ministre.
    Ce récit nous parle de relations familiales difficiles, de mise à l’épreuve pour sonder les intentions, de tentatives de réconciliation, de savoir s’il faut ou non montrer ses émotions, de remplacer la rancune par la générosité.
    Ce récit peut donc être lu comme un enseignement sur la vie, comme une histoire déployant une certaine sagesse, dont nous pouvons tirer des leçons pour notre vie. Mais cette histoire n’est pas seulement cela. Cette histoire peut également se lire à un deuxième niveau, en regardant ce qui donne la force à Joseph de tout supporter et de surmonter les événements contraires, les malheurs. Oui, comment supporter la haine de ses frères, comment supporter d’être injustement jeté en prison, comment rester zen à ce point ?
    Joseph peut le faire parce qu’il regarde ce qui lui arrive d’une façon différente de l’ordinaire.
    Reprenons les rêves d’adolescent que Joseph raconte à ses frères : les onze gerbes de blé et les onze étoiles figurent ses frères qui se prosternent devant lui. Les frères lisent cela au premier degré : Joseph veut devenir leur maître, il veut que ses frères, ses aînés, soient ses serviteurs. Et cela les rend fous et on les comprend.
    La lecture que Joseph fait de ces rêves n’a rien à voir avec la domination. La clé nous en est donnée dans le chapitre 45 de la Genèse, lorsque Joseph dit à ses frères : «  Ce n’est pas vous qui m’avez envoyé ici, mais Dieu. Et c’est encore lui qui a fait de moi le ministre de Pharaon. » (Gn 45 :8) En effet, ici le rêve de Joseph s’est réalisé, ses frères se sont prosternés devant lui pour obtenir du blé, mais c’est dans une perspective de salut et pas de domination.
    Joseph ajoute encore — laissant tomber toute rancune : « Ne vous faites pas de reproches pour m’avoir vendu ainsi. C’est Dieu qui m’a envoyé ici à l’avance, pour que je puisse vous sauver la vie. » (Gn 45 :5).
    Joseph ne regarde pas la jalousie et la haine passée de ses frères, il voit la trame sous-jacente de sa vie, comment Dieu a tout organisé pour sauver sa famille. Joseph surmonte tous les obstacles parce qu’il fait pleinement confiance en Dieu, en un Dieu qui le soutient et le relève à chaque étape de sa vie.
    Joseph arrive à avoir et à garder ce regard sur sa vie. C’est le regard qu’essaient de nous donner les Evangiles en nous racontant la vie de Jésus. Un regard qui voit comment Dieu agit, quelles positions Dieu prend dans la vie, pour nous. Et c’est là que nous pouvons faire des parallèles entre la vie de Joseph et celle de Jésus, des parallèles qui viennent de la constance de l’action de Dieu, de sa position permanente. C’est ce que nous apprend la lecture typologique de la Bible, comme nous l’avons déjà vu précédemment.
    Comme les frères de Joseph complotent pour le faire mourir, les prêtres et les pharisiens complotent contre Jésus pour le faire mourir.
    Comme Joseph est écarté, exclu de sa fratrie, Jésus est écarté, exclu de la société des hommes par sa condamnation à mort, « La pierre qu'ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la principale de l’angle » (Mt 21:42; Mc 12:10; Lc 20:17; Ac 4:11; 1 P 2:7).
    Comme Joseph devient le sauveur de ses frères, Jésus devient le sauveur de l’humanité.
    Dans les deux récits de vie, on voit la position que Dieu prend. Celui que les hommes écartent, Dieu lui donne une place de choix ; celui qui tombe, Dieu le relève. Et là, il est à noter que les évangiles utilisent deux mots pour parler de la résurrection, tantôt Dieu réveille Jésus, tantôt Dieu relève Jésus de la mort.
    Ainsi Dieu cherche toujours à nous relever de nos malheurs, de nos échecs, des injustices qui nous arrivent. Le Dieu de Joseph, auquel il fait confiance, est un Dieu qui recueille les exclus, les laissés pour compte, les méprisés.
    Vous avez entendu Jésus parler à ses disciples quand il les surprend à se demander lequel d’entre eux est le plus important. Il leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, il doit être le dernier de tous et le serviteur de tous » (Mc 9:35).
    Dieu a une autre échelle de valeur que celle de notre société actuelle. L’importance ne dépend pas de la célébrité ou du nombre d’amis sur Facebook. La vraie grandeur se révèle dans le service et souvent dans le service le plus humble, le moins visible.
    Ah si notre société donnait plus de valeur à l’attention d’une maman pour chacun de ses enfants ! Ah si notre société donnait plus de valeur aux gestes de respect des uns envers les autres, on verrai moins d’incivilités ! Ah si notre société donnait plus de signes de reconnaissance à ceux qui exercent des fonctions publiques indispensables au bon fonctionnement de la société : enseignant, gendarmes, infirmières, voyers, caissières, personnel des EMS, etc…
    Ces fonctions de service, si souvent méprisées, Dieu les place en haut de l’échelle des valeurs et nous pouvons nous aussi leur donner une plus juste appréciation.
    Joseph a su voir, dans sa vie, la valeur que Dieu donne à ces services, à ces personnes méprisées et cela lui a donné la force de tenir, de surmonter le malheur, jusqu’au retournement de sa situation.
    Saurons-nous avoir le courage de lire la trace de Dieu dans nos vies, la valeur qu’il donne à chacun de nos gestes ?  Saurons-nous voir comment il retourne les valeurs dans nos vies, comment il peut changer notre regard pour adopter la valeur que lui-même donne plutôt que le mépris qu’affiche la société ? Saurons-nous voir comment Dieu travaille à nous relever, à nous redonner vie et force pour avancer ? Saurons-nous être fiers d’être au service de la société, sachant que Dieu — à défaut des hommes — que Dieu apprécie à sa juste valeur ce que nous faisons et ce que nous sommes ?
    Amen.
    © Jean-Marie Thévoz, 2013

  • Genèse 18. Dans la Sainte-Cène, la réalité divine rejoint intimement notre réalité humaine.

    Genèse 18

    8.2.2009
    Dans la Sainte-Cène, la réalité divine rejoint intimement notre réalité humaine.
    Gn 18 : 1-8        Luc 15 : 11-24

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Pourquoi partageons-nous la sainte Cène ? Pourquoi est-ce important pour nous, en tant que chrétiens ? Bien sûr, il y a l'aspect "commémoration." Nous rappellons la mort de Jésus, comme il nous l'a demandé. Mais nous pourrions le faire avec des mots plutôt qu'en nous rassemblant autour d'une table et en partageant du pain et du vin (ou du jus de raisin).
    Il se trouve que dès le début du christianisme, il a été important de vivre un repas, avec du vrai pain et du vrai vin. La quantité n'est pas importante, mais la réalité du pain et du vin le sont. D'ailleurs dans notre tradition protestante, c'est le seul moment où nous faisons passer les gestes et le vécu avant la pensée et les paroles !
    Nous sommes dans la réalité, tangible, concrète, pendant le repas de la Cène. Une façon de nous dire — même plus — de vivre le fait que la réalité de Dieu vient toucher notre réalité concrète, notre vie, notre existence dans ce qu'elle a de plus vrai et de plus matériel. Dans la Cène, la réalité divine rejoint intimement notre réalité humaine. Il y a là un point de rencontre entre ces deux réalités.
    C'est ce qu'expérimente Abraham sous les chênes de Mamré, lorsqu'il reçoit la visite de ces trois mystérieux personnages. Trois voyageurs qu'Abraham reconnaît comme des envoyés de Dieu. Tout à coup, dans la vie de tous les jours d'Abraham, Dieu fait son entrée. Ce qui est remarquable, c'est que cette jonction se fait autour d'un repas. Je pense que la Cène est un de ces points de jonction où la réalité divine fait irruption dans notre réalité. Si vous connaissez la série télé "Stargate" eh bien, la sainte Cène est une de ces "portes des étoiles" qui font la jonction entre deux mondes et permet le passage de l'un à l'autre.
    Dans la Cène, le pain est du pain, celui qu'on trouve chez le boulanger, le vin est du vin, celui qu'on trouve dans les vignes de la région. Pourquoi le voyageur est-il un visiteur spécial pour Abraham, pourquoi le pain de la Cène est-il aussi autre chose ? Pourquoi le vin de la Cène est-il aussi autre chose ?  C'est une question de foi et c'est une question de vision, d'ouvrir les yeux sur la réalité derrière la réalité.
    Vous avez devant vous une image toute brouillée, pourtant, je vous le dis, il y a une autre image dans cette image brouillée ! [Télécharger]

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    (il est préférable d'agrandir l'image jusqu'à 13x18cm)
    Pour la voir, il faut changer de regard. Pratiquement, il faut regarder à l'horizon, derrière le papier, en décontractant complètement son regard pour garder les "rayons" de ses yeux tout à fait parallèles. On peut coller le papier sur son nez, regarder à l'infini et éloigner petit à petit le papier jusqu'à une distance d'environ 25 cm, mais sans essayer de fixer le papier ! Quelques-uns d'entre vous vont y arriver. A mon signal, vous direz tous ensemble ce que vous avez vu en relief, dans l'image brouillée.
    Voilà, plusieurs d'entre vous ont pu voir des dauphins (2 dauphins sautant dans un arceau) en trois dimensions dans le gribouillis. Certains d'entre vous n'ont pas pu le voir. Faites-vous confiance aux autres que les dauphins existent, même si vous ne les avez pas vus vous-mêmes, en attendant de les voir vous-mêmes ?
    Cette vision nouvelle demande de l'exercice, comme la foi ! Il faut faire confiance au témoignage des autres jusqu'à ce qu'on le vive soi-même. La Cène est un de ces lieux où — au-delà de notre réalité tangible, descriptible — peut se voir, se vivre, une autre réalité qui vient de Dieu.
    Dieu est venu nous rendre visite. Dieu nous envoie des signes, dans ou derrière notre réalité. A nous d'ajuster notre regard, de trouver où, quand, comment les recevoir et les lire. Cela demande de l'exercice, par exemple la lecture régulière de la Bible pour découvrir quels signes Dieu utilise, sous quelles formes il se fait connaître. A chacun d'entre nous de partir à la recherche de ces signes, dans cette quête de la réalité divine qui s'inscrit dans notre réalité.
    Un jour, un jeune homme est parti mener sa quête après avoir reçu sa part d'héritage. Il a arpenté le monde, dépensé son avoir dans sa quête de bonheur, jusqu'au moment où il s'est retrouvé seul face à lui-même. Il a réalisé que tout ce qu'il avait pu acquérir avec son héritage le laissait sur sa faim. Tout ce qu'il avait espéré trouver ailleurs se révélait vain. Il était toujours aussi vide qu'au départ. Il retourne chez lui, vers ce qu'il avait quitté ou fui. Il retourne à la source de sa vie. Et que découvre-t-il ? Qu'on l'attend et que l'on est si content de son retour qu'un festin lui est offert. On tue le veau gras, comme pour les visiteurs d'Abraham.
    Nous avons chacun besoin de mener notre quête, chercher ce qui va nous nourrir, nourrir notre existence, donner sens à notre vie. Où que nous fasse voyager notre quête, n'oublions pas qu'elle nous renvoie sans cesse à l'intérieur de nous-mêmes. Parce qu'aucune source extérieure ne peut nous rassasier et étancher notre soif.
    Un autre feuilleton télé disait "la vérité est ailleurs." Mais l'évangile nous dit "la vérité est ici." Dieu a inscrit sa Présence au milieu de nous, à l'intérieur de nous-mêmes. C'est en nous retrouvant qu'on retrouve la Présence de Dieu. C'est en retrouvant sa Présence qu'on se retrouve soi-même. La jonction entre Dieu et nous se fait à l'intérieur de nous-mêmes, chaque fois que nous nous rebranchons à la Source.
    Le repas de la Cène, la communion à la Table du Seigneur, la communion avec les autres membres de l'Eglise, c'est le moment où nous sommes en contact avec la source, avec l'Amour qui comble notre quête. Vivons dans ce repas, l'accueil du Grand Visiteur.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Genèse 17. L'héritage d'Abraham, notre héritage.

    Genèse 17

    22.6.2008
    L'héritage d'Abraham, notre héritage.
    Gn 17 : 1-8    Rm 4 : 13-17a

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    J'ai choisi Abraham pour nous accompagner dans notre réflexion ce matin et parmi les épisodes de la vie d'Abraham que nous rapporte la Bible, ce rappel de l'alliance que Dieu conclut avec lui. Ce récit a plusieurs choses à nous dire aujourd'hui.
    D'abord, c'est Dieu qui interpelle Abraham. Dieu prend l'initiative de se faire connaître, de se révéler à Abraham. Dieu se rend disponible à nous, il nous appelle à lui répondre, à le suivre, à l'écouter. Et Dieu vient avec une offre, où Dieu ne vient pas d'abord demander, réclamer quelque chose de nous pour ensuite nous donner quelque chose, non, c'est le contraire : il donne d'abord et nous pouvons lui répondre ensuite.
    Dieu vient offrir à Abraham une alliance : "Je m'engage envers toi" dit Dieu à Abraham. A quoi Dieu s'engage-t-il ? A donner à Abraham un avenir ! A cet homme âgé, Dieu annonce un avenir, un futur, une descendance. Comme marque de cet avenir, Dieu change le nom d'Abraham : d'Abram (père très haut), il devient Abraham (père d'une multitude de peuples).
    Une alliance, le don d'un nouveau nom, dans notre terminologie chrétienne on parlerait d'un baptême : une promesse de vie donnée à une personne pour qu'elle marche sous le regard et sous la protection de Dieu.
    Cet avenir, pour Abraham, se décline de deux façons : il va devenir l'ancêtre d'une descendance nombreuse et le destinataire d'une terre, d'un pays. Ce destin, nous le voyons se dérouler dans l'histoire que la Bible nous raconte en suivant les personnages bibliques. Isaac, Jacob et Esaü, Joseph. Puis le peuple en Egypte libéré par Moïse et conduit dans le désert jusqu'au bord du Jourdain. Ensuite, Josué qui fait entrer le peuple hébreu dans le pays de Canaan, le pays de la promesse. Etablissement de la royauté avec Saül, David, Salomon et d'autres rois. Puis, histoire moins connue, les invasions, assyriennes qui prennent le royaume du Nord (Samarie) puis babyloniennes qui prennent le royaume de Juda.
    C'est l'Exil, la pays est perdu, l'élite, les prêtres, l'administration sont exilées à Babylone. Et c'est là, pendant cet exil, que sont reprises les traditions des patriarches, les récits, les annales royales pour tisser un récit qui rappelle au peuple juif ses racines et son histoire.
    Et notre texte — au sujet d'Abraham — est repris lui aussi dans ce contexte de l'Exil et de la perte du pays pour redonner espoir aux juifs de ce temps. Qu'en est-il — au bord des fleuves de Babylone (Ps 137:1) — de l'alliance et des promesses faites à Abraham ? Si le pays est perdu, que reste-t-il ?
    Le récit nous dit que l'alliance tient toujours, que Dieu est toujours présent auprès de son peuple. Il n'y a plus de Temple, mais il y a toujours la Torah, l'alliance, la loi qui permet d'être connecté à Dieu. Il n'y a plus de pays, mais il y a les enfants qui sont toujours porteurs de la promesse et de l'avenir.
    Les enfants sont un signe que l'alliance faite avec Abraham par Dieu est toujours valide. Les générations qui se succèdent sont le signe de la permanence de l'alliance de Dieu avec son peuple. La promesse persiste et persistera tant qu'on transmettra la Parole de Dieu de génération en génération.
    Nous sommes les descendants d'Abraham, nous sommes les récipiendaires de cette promesse et nous avons la responsabilité de la transmettre à notre tour. Si une génération s'arrête, tout s'arrête ! Nous avons une responsabilité : recevoir et transmettre le don que Dieu nous a fait, le transmettre à la génération suivante. Il n'y a plus de pays à transmettre, mais il y a un héritage bien plus important : la richesse d'une promesse d'avenir.
    La Bible, après Abraham, nous détaille cette richesse, ces valeurs qui se développent dans le don de la Loi qui rappelle l'exigence de respect et de justice dus à tous les êtres humains. Ensuite vient le don que Jésus fait de sa vie sur la croix, où il nous apprend la valeur du pardon, du don de soi et de l'amour suprême. Voilà notre héritage, celui que nous recevons d'Abraham, héritage bien plus précieux que n'importe quelle terre, n'importe quelle possession.
    Et puis j'aimerais faire un dernier lien avec notre texte, puis que ce dimanche et le dimanche des réfugiés. Ce récit rappelle qu'Abraham est étranger sur cette terre au moment où il reçoit cette alliance et cette promesse comme le peuple d'Israël qui relit ce récit alors qu'il est en exil à Babylone.
    Et pourtant, il nous est dit qu'Abraham est le père d'une multitude de peuples, autre façon de dire que — même en appartenant à des peuples différents — tous les êtres humains sont frères ou cousins aux yeux de Dieu. La provenance, l'origine géographique n'a pas d'importance aux yeux de Dieu. Il nous appelle à partager les valeurs que j'ai énumérées précédemment : le respect et la justice dus à tous les êtres humains, le pardon, le service et l'amour du prochain sans distinctions.
    Voilà nos valeurs, notre héritage, le fruit de l'alliance que Dieu conclut avec nous. Apprenons à partager ces fruits autour de nous.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Genèse 26. Un puits, une pièce et des voeux de changement

    Genèse 26

    26.11.2000
    Un puits, une pièce et des voeux de changement

    Gn 26 : 12-25 + 32-33        Luc 15 : 8-10

    Il y a des jours... Il y a des jours, où l'on se sent complètement vide, sans ressort, sans énergie, sans élan.
    Il y a des jours... Il y a des jours, où tout semble gris, sans relief, tout semble bouché, on se sent piégé au fond d'un trou, au fond ... ? Au fond d'un puits qui a été comblé de terre. Le puits semble desséché, bouché, inutile.
    Il y a des événements dans la vie, des accidents, des ruptures, des séparations, des deuils qui mettent nos fontaines à sec, qui comblent nos puits, qui nous éloignent de nos sources.
    C'est l'histoire d'Isaac qui nous est racontée ce matin. Il a été béni de Dieu, il reçu tout ce qui peut combler un homme — ne se dit-on pas parfois : "n'ai-je pas tout pour être heureux ? N'ai-je pas tout pour être heureuse ?" — et pourtant, après la mort de son père, Abraham, Isaac découvre que les puits dont il a hérité ont été comblés. Il ne donnent plus d'eau. Ils sont secs.
    Chacune, chacun d'entre nous a reçu un puits, source d'eau vive, source d'énergie vitale, au fond de lui-même.
    L'évangile, en relisant l'Ancien Testament, affirme même que l'effigie de Dieu a été gravée en nous (Mt 22:21), comme est frappée sur chaque pièce d'argent l'effigie de celui qui émet la monnaie. Deux images pour dire une même réalité : le puits, source de vitalité; la pièce de monnaie : image de Dieu, source de tout amour, gravée au fond de nous.
    Une pièce et un puits. Un puits et une pièce. Ces deux mots ensemble me font immanquablement penser à ces lieux touristiques où les gens ne peuvent s'empêcher de jeter une pièce de monnaie dans le puits, la fontaine ou le bassin qui s'ouvre devant eux. Ils le font pour faire un voeu.
    Ce voeu que l'on ne dit pas à haute voix, mais dont on espère la réalisation, c'est l'espérance de quelque chose de nouveau dans notre vie, l'espérance d'un changement ou d'une délivrance. C'est le souhait de pouvoir commencer à creuser ce puits pour retrouver la source qui est toujours au fond, avec son eau, au fond de nous-mêmes, mais qui est temporairement inaccessible.
    C'est le souhait de descendre en soi — jetant derrière soi (hors du puits) tout ce qui nous encombre, tout ce qui nous fait mal, tout ce qui pèse sur nos épaules — regrets, remords, rancunes, révoltes — pour retrouver la pièce qui est au fond de nous.
    Il faut du temps pour désensabler le puits, pour le vider. Il faut du temps, mais ce n'est pas le temps qui creuse ! Souvenez-vous de la femme qui recherche sa pièce de monnaie. Elle allume une lampe pour y voir clair dans sa vie, elle prend un balai pour évacuer tout ce qui encombre et visite tous les recoins de son âme. Un vrai travail, mais un travail qu'on ne fait pas tout seul.
    Ce travail de recherche — autant du berger qui cherche sa centième brebis, que de la femme qui cherche sa pièce, ou du père qui cherche le contact avec ses deux fils (tous dans Luc 15) — c'est un travail que Dieu fait avec nous, que Dieu fait en nous.
    Le berger, la femme, le Père, Isaac, ce sont aussi bien des figures de Dieu qui cherche à retrouver et à redonner vie à notre être intérieur, que des images de nous-mêmes à la recherche de l'essentiel qui habite au fond de nous-mêmes.
    Cet essentiel qui habite au fond de nous-mêmes, nous savons qu'il est là, qu'il vit et qu'il n'aspire qu'à être découvert, à être exhumé et à reprendre vie pour devenir à nouveau source, source d'énergie dans notre existence.
    Cet essentiel — qui demeure au fond du puits qui nous a été donné — est une pièce de monnaie tout à fait exceptionnelle, telle qu'on n'en trouve dans aucune banque. Cette pièce a deux faces. Non pas un côté face avec un visage et un côté pile avec un nombre. Cette pièce a deux faces, deux visages.
    D'un côté, il y a notre propre visage, ce visage qui nous révèle mystérieusement, qui dit qui nous sommes, tels que nous sommes, visage humain et absolument unique, personnel, singulier, exceptionnel.
    De l'autre côté, il y a un autre visage, unique et humain, le visage que Dieu a pris en son fils unique, devenu pleinement humain en prenant sur lui la souffrance et les malheurs de nos existences.
    Deux visages si semblables sur une même pièce, enfouis au fond de nous-mêmes, en attente d'être retrouvés, réunis en un seul, réconciliés. Une réconciliation qui devient source de vie et de joie pour tous.
    Il y a des jours... Il y a des jours, où l'on peut tenir cette pièce dans la main et sentir la force qui émane de ces deux visages réunis.
    Il y a des jours... Il y a des jours, où l'on peut sentir l'apaisement et la joie d'avoir retrouvé l'essentiel en soi, la source d'eau vive et son propre visage qui se reflète dans celui de Dieu, au fond du puits, désensablé.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2007

     

    Selon une idée d'Origène :

    « Chacune de nos âmes contient un puits d'eau vive, il y a en elle (...) une image de Dieu enfouie. C'est ce puits que (...) les puissances adverses ont obstrué de terre. * (...) Mais maintenant qu'est venu notre Isaac (le Christ), accueillons son avènement et creusons nos puits, rejetons-en la terre (...) : nous trouverons en eux l'eau vive, cette eau dont le Seigneur dit : « Celui qui croit en moi, des fleuves d'eau vive jailliront de sa poitrine » (Jn 7:38). (...)
    Car il est là, le Verbe de Dieu, et son opération actuelle est d'écarter la terre de votre âme à chacun, pour faire jaillir votre source. Cette source est en vous, et ne vient pas du dehors, car « le Royaume de Dieu est en vous » (Lc 17:21). Ce n'est pas au dehors mais chez elle, que la femme qui avait perdu sa pièce de monnaie la retrouva : elle avait allumé sa lampe, elle avait balayé sa maison (...) et c'est là qu'elle retrouva sa pièce de monnaie. (Lc 15:8)
    Quant à vous, si vous allumez votre lampe, si vous vous servez de l'illumination du Saint-Esprit, si vous « voyez la lumière dans sa lumière » (Ps 36:10), vous trouverez la pièce de monnaie en vous. Car c'est en vous que se trouve l'image du roi céleste. Quand Dieu fit l'homme au commencement, il le fit à son image et ressemblance (Gn 1:26); et il n'imprima pas cette image à l'extérieur mais au-dedans de l'être humain. (...) Faites resplendir en vous maintenant « l'image de l'homme céleste ». (...) L'artisan de cette image est le Fils de Dieu. Artisan d'une telle valeur que son image peut bien être obscurcie par la négligence, mais non pas détruite par le mal. L'image de Dieu demeure toujours en toi. »

    * Origène fait allusion à Gn 26:15-25 : Isaac doit creuser une deuxième fois les puits creusés déjà par son père Abraham parce que les Philistins les avaient bouchés et comblés de terre.

    Homélie sur la Genèse XIII, 3-4, in Olivier Clément, Sources, Les mystiques chrétiens des origines, Stock, Paris, 1982, p. 118, trad. O. Clément.
    Extrait publié dans : Soyons l'âme du monde, Textes choisis des chrétiens des premiers siècles. Les Presses de Taizé, 1996, pp. 46-48

  • Genèse 2. L'arbre de la confusion du bien et du mal

    Genèse 2

    12.7.1998

    L'arbre de la confusion du bien et du mal

    Gn 2:4b-9 + 15-17    Apoc. 22:1-5    Jean 15:5-9

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Des enfants me demandaient récemment : "Mais comment s'est passée la création du monde ?" J'ai dû leur dire tout d'abord que personne n'était là pour voir comment cela s'était passé. Ensuite il a fallu leur expliquer que d'un côté la science pouvait reconstituer à peu près comment cela pouvait s'être passé et que de l'autre côté la Bible nous parlait plutôt du pourquoi ou du pour quoi cela était comme cela aujourd'hui. Le récit de création que nous avons entendu vise essentiellement à répondre à la question : "quelle est la place de l'être humain dans le monde ?" ou "quelle était l'intention de Dieu en plaçant l'être humain dans le monde ?".
    Le récit part clairement du présent pour réfléchir à un "avant". Le texte dit : "il n'y avait encore aucun buisson sur la terre..." ou "Dieu n'avait pas encore envoyé la pluie..." comme c'est le cas maintenant. Eh bien, en premier lieu, dans ce récit, Dieu crée l'être humain, avant même de créer les plantes ou les animaux. La première préoccupation de Dieu, c'est de faire l'être humain, et de faire de lui un être vivant, un vivant qui respire. Ce n'est qu'après cela que Dieu s'occupe de son cadre de vie : le jardin, puis plus tard encore, ses compagnons et sa compagne.
    Si le récit de création de Genèse 1 décrit en détail les étapes de la création, ici au chapitre 2, il n'est question que d'un jardin, un jardin planté tout de même "de toutes sortes d'arbres à l'aspect agréable et aux fruits délicieux" (Gn 2:9). Parmi ces arbres s'en trouvent deux qui vont retenir notre attention. Ils sont au centre du jardin, ce sont l'arbre de vie et l'arbre de la connaissance du bien et du mal. La dramatique du récit va se construire autour de ces deux arbres, parce que Dieu y inscrit son premier commandement :

    "Tu peux manger les fruits de n'importe quel arbre du jardin, sauf de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Le jour où tu en mangeras, tu mourras."
    (Gn 2:16-17).  
    Dans cette première parole, il y a trois choses importantes : Premièrement, il y a le don, le don du jardin tout entier, donc l'ouverture d'un espace de liberté. Dieu donne, et il donne la liberté. Deuxièmement, Dieu place un interdit qui touche un seul arbre parmi tous les autres. Enfin, en troisième, une information sur la conséquence de la transgression de l'interdit est donnée. Ainsi, les choses sont claires, il n'y a pas de non-dit entre Dieu et les hommes, il n'y a pas d'embrouilles ou de confusion sur ce qui est permis et interdit.
    Une chose frappe cependant par rapport à l'idée qu'on peut se faire du jardin d'Eden. A l'intérieur du paradis, il y a déjà un interdit ! Le paradis n'est pas un monde sans loi. Le loi fait partie des choses bonnes du monde, des choses voulues par Dieu et nous allons voir pourquoi.
    Pour cela, il faut approcher de cet arbre mystérieusement appelé "arbre de la connaissance du bien et du mal". Qu'est-ce que cet arbre ? Qu'est-ce que ce nom veut dire ? "Connaître" en hébreu biblique a un sens très pratique d'entrer en connexion, en relation; ce n'est pas une connaissance intellectuelle, rationnelle, mais l'expérimentation pratique d'une réalité. On peut donc remplacer "connaître" par "faire l'expérience de".
    Ensuite, il y a cette expression "le bien et le mal". Dans notre tradition et par un jeu de mémoire qui nous fait rouler dans des ornières, on prend cette expression comme "le bien ou le mal", comme pour en faire la distinction, et on en déduit que c'est la capacité de distinguer le bien du mal. Mais ici, pourquoi ne pas prendre au sérieux la conjonction "et", au sens de "avec", et parler du bien avec le mal, ou du bien mêlé au mal. Ainsi cette arbre ne serait pas celui de la capacité de distinguer le bien du mal, mais plutôt l'arbre de "l'expérience du bien mêlé au mal". Cet arbre, il vaudrait peut-être mieux l'appeler "l'arbre de l'expérience de la confusion du bien et du mal".
    Ainsi, manger du fruit de cet arbre, c'est entrer dans le monde de la confusion, où le mal et le bien sont tellement mélangés qu'on ne peut plus les distinguer et faire la part des choses. Manger de ce fruit, entrer dans ce monde de confusion, c'est assurément sortir du jardin où tout était clair entre le permis et l'interdit, d'où l'avertissement "tu mourras". Entrer dans le monde de la confusion, perdre ses repères, c'est effectivement entrer dans un monde de mort.
    Mais il ne faut pas oublier qu'à côté de cet arbre, il y a aussi l'arbre de vie, un arbre absolument disponible dans le jardin. (L'interdit sur l'arbre de vie découlera plus tard de la transgression). Cet arbre, symboliquement, c'est le Christ, la vie donnée, offerte par le Christ, comme en parle l'Apocalypse : "l'arbre de la vie, qui donne du fruit douze fois par année, chaque mois, dont les feuilles servent à la guérison, et qui supprime la malédiction" n'est-ce pas une façon imagée de résumer le ministère du Christ sur la terre, qui nous a nourrit, guérit et réconcilié avec Dieu ?
    Ainsi, Dieu s'est-il servi successivement de deux moyens pour contrer la confusion engendrée par le péché. Premièrement, il a donné sa loi sur le Sinaï, comme un moyen pratique de moins confondre le bien et le mal. Mais, c'est resté un moyen imparfait, acceptable pour maintenir des relations entre les humains, mais insuffisant pour réconcilier l'être humain avec Dieu. Deuxièmement, il a envoyé son fils, comme un pur geste d'amour gratuit, comme une seconde invitation à choisir entre l'arbre de la connaissance du bien et du mal et l'arbre de vie qui guérit.
    A nous de choisir... maintenant.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Genèse 11. De Babel à Pentecôte

    Genèse 11    27.5.2007
    De Babel à Pentecôte
    Gn 11 : 1-7    Ac 2 : 1-11   


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    J'ai choisi de mettre face à face les deux récits bibliques de la Tour de Babel et de Pentecôte. Ces deux récits ont des correspondances — ressemblances et différences — qui permettent de mieux comprendre l'action de Dieu qui nous est relatée dans ces deux temps de l'histoire du salut.
    Le récit de la Tour de Babel vient clore la période mythologique des commencements de la Bible. Après Adam et Eve, Caïn et Abel, Noé et le Déluge, vient la Tour de Babel. Ensuite les personnages historiques entrent en scène avec Abraham, Isaac, Jacob, les patriarches.
    Les récits mythologiques des chapitres 1 à 11 de la Genèse essaient d'expliquer la réalité présente que chacun peut percevoir autour de lui. Le récit de Babel est un type d'explication de l'existence des nombreux peuples à la surface de la terre, des différentes langues et cultures. Pourquoi cette diversité, alors que quelques paragraphes plus haut, on nous disait que l'humanité n'avait qu'un seul ancêtre, Adam et Eve, puis Noé et sa famille ?
    Eh bien, le texte répond : Dieu l'a voulu ! C'est Dieu lui-même qui a dispersé les peuples sur toute la terre et c'est lui qui a brouillé les langues humaines pour que les humains ne puissent pas former un seul peuple. Bizarre décision !
    A partir de là, les interprétations commencent… Les uns disent : Dieu était jaloux de cette unité et de cette force, il a puni les humains orgueilleux en les dispersant. Les autres disent : cette action de Dieu est une bénédiction pour les humains. Dieu, en brouillant les langages, évite la formation d'un unique empire totalitaire où tous les humains seraient asservis à un pouvoir centralisé.
    Alors, bénédiction ou malédiction pour les humains de se retrouver différents, divers, multiples ? Je trouve cette question très importante et intéressante. Est-ce un bien ou un mal pour les humains que cette décision divine ? En bon vaudois, on répondra : "Ça dépend!" Oui, ça dépend d'une décision de principe : comment considère-t-on Dieu ? Comme un Dieu jaloux, méfiant, qui cherche à coincer l'être humain, ou bien comme un Dieu qui a le souci du bonheur de l'être humain et cherche son bien ?
    Toute décision qui nous touche, tout événement qui nous arrive, nous pouvons le prendre comme une bénédiction ou une malédiction, selon la façon dont on considère Dieu. En fin de compte, notre vie tournera vers le malheur ou le bonheur en fonction de ce regard que nous portons nous-mêmes sur ce qui arrive. Ainsi, j'incline plutôt à voir dans la dispersion des peuples et des langages une bénédiction pour l'humanité.
    Dans ce récit de la construction d'une tour qui monte jusqu'au ciel, il y a la mise en garde contre plusieurs impasses sociales et personnelles. La tentation de devenir des dieux à la place de Dieu, c'est-à-dire croire que l'on peut tout savoir, tout prévoir et ainsi faire le bien de nos semblables, comme s'il n'existait qu'une seule sorte de bonheur pour tout le monde. Ou la tentation de dominer, d'écraser en se créant un monopole. Ou la tentation de vouloir monter vers Dieu et l'atteindre, le rejoindre par nos propres efforts.
    Par sa décision, Dieu montre que ce que nous croyons être des chemins vers le bien, le bonheur, ne sont que des impasses qui ne mènent pas là où nous le pensons, elles ne mènent nulle part.

    C'est là qu'intervient le récit de la Pentecôte. Ce récit prend acte de la réalité des différences, de la diversité des langages, de la dispersion. La Pentecôte n'annonce pas d'unification, n'annonce pas une nouvelle langue unique et universelle. La bonne nouvelle de l'évangile n'est pas annoncée dans une seule langue que les auditeurs apprennent ou reçoivent par miracle. Non, l'évangile est prêché dans toutes les langues des destinataires. Ainsi, aujourd'hui, la Bible est traduite en 2'400 langues, pour toucher les gens là où ils sont, dans leurs mots, dans leurs cultures. Pas besoins d'apprendre une langue unique pour lire le livre sacré. Chacun peut recevoir la Parole de Dieu dans sa langue.
    Alors que la Tour de Babel voulait s'élever jusqu'au ciel pour se rapprocher de Dieu, à la Pentecôte, c'est Dieu, sous la forme des langues de feu, qui descend sur chacun, comme il était descendu sur le Sinaï pour remettre la Loi à Moïse.
    Babel exprimait un mouvement ascendant, une quête pour monter vers Dieu. La Pentecôte exprime un mouvement descendant, que Dieu instaure, prolonge — parce qu'il y en a de multiples expressions dans l'Ancien Testament — et rend définitif. Le don de l'Esprit de Dieu est l'accomplissement de la venue de Jésus comme Dieu devenu homme sur la terre. Cet Esprit, cette Présence de Dieu est donnée à tous, ici, sur la terre, dans tous les lieux, aussi dispersés qu'ils soient aux quatre coins du monde.
    L'amour de Dieu est descendu sur la terre. Lorsque nous avons besoin d'être aimés, nous n'avons plus besoin de mettre en œuvre des stratagèmes et des stratégies pour monter le chercher jusqu'au ciel, il est là autour de nous. Dieu nous donne à chacun un nom, il nous appelle par notre nom, nous n'avons plus besoin de nous fabriquer un nom sur la terre, nous n'avons pas besoin de devenir célèbres, il connaît notre nom.
    Nous n'avons pas besoin de monter jusqu'au ciel, Jésus y est monté pour nous auprès de Dieu et maintenant sa présence nous accompagne ici sur terre. Nous pouvons déployer nos activités — non pas pour prouver quoi que ce soit — mais juste pour faire ce que nous devons faire, chacun à notre place. Faire ce que nous avons à faire, non pour attirer le regard de Dieu, les louanges de nos collègues, etc. Mais faire ce que nous avons à faire simplement par reconnaissance, parce que nous avons reçu une place, parce que nous avons reçu des compétences, parce que nous sommes quelqu'un et que nous avons tous la capacité d'aimer.
    Etre nous-mêmes et aimer autour de soi, retransmettre ce que nous avons reçu, voilà comment nous pouvons passer de Babel à Pentecôte.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Genèse 9. Le Déluge, un châtiment devenu inacceptable

    Genèse 9

    25.3.2007

    Le Déluge, un châtiment devenu inacceptable

    Gn 6 : 9-22 Gn 9 : 8-13 Jn 18 : 28-40

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Jeudi de cette semaine, 25 paroissiens ont suivi une visite guidée de l'exposition "Visions du Déluge" à Lausanne et samedi j'y ai emmené 16 catéchumènes. Cette exposition nous présente une série d'œuvres — des gravures et des peintures — de la Renaissance jusqu'au XIXe siècle qui tournent autour du thème du Déluge. C'est évidemment la partie inondation, engloutissement de l'humanité, qui donne lieu aux représentations les plus dramatiques. À l'opposé, la survie de Noé et de sa famille est peu spectaculaire et n'intéresse pas beaucoup les peintres.
    Ce qui est remarquable dans cette exposition, c'est de voir l'évolution des mentalités de la société à propos du récit du Déluge. Les peintres présentent le Déluge, mais aussi un point de vue sur le Déluge, sur la décision divine.
    Ainsi, au Moyen Age et à la Renaissance, les peintres mettent l'accent sur le châtiment mérité de cette humanité violente et méchante. Il y a foule sur les tableaux, les gens se battent entre eux pour défendre qui son radeau, qui sa barque ou son tonneau. Le spectateur n'est pas invité à la pitié mais plutôt à la peur, à la peur du châtiment.
    Au XVIe siècle, le déluge est souvent représenté comme un avertissement, il préfigure le jugement dernier et nous invite — toujours par la peur — à nous détourner du mal.
    Au XVIIe siècle, les peintres diminuent le nombre de personnages sur leurs tableaux et invitent plutôt les spectateurs à l'émotion et à la compassion.
    Aux XVIIIe et XIXe siècles, les peintres ne représentent plus que quelques personnages, 6 ou 4, voir même seulement deux et attirent notre attention sur l'injustice de leur sort. Comment cette femme, cet enfant pourraient-ils être coupables d'un tel châtiment ? Il y a là, dans des tableaux qui précèdent et suivent la Révolution française, un mouvement de révolte contre les morts innocentes, notamment causées par les tremblements de terre (Lisbonne et Messine) et les éruptions volcaniques (Vésuve, Etna).
    D'un juste châtiment, les représentations du Déluge sont passées à l'expression de l'injustice de la mort innocente. Cette révolte, qui ne nous étonne pas aujourd'hui, s'accompagne d'un rejet de Dieu, du Dieu du Déluge. Les peintres remplacent d'ailleurs souvent le Déluge par d'autres catastrophes pour révéler l'injustice du monde.
    Les tableaux, comme la société, expulsent de plus en plus le thème biblique et le Dieu juge du Déluge. On passe de la représentation du Déluge à celle de la catastrophe, de la représentation du châtiment à celle de l'injustice, de la représentation de la Bible à celle de l'athéisme et du rejet de Dieu. Ce mouvement est très fort et entraîne encore les sociétés actuelles. Faut-il s'en plaindre ou s'en réjouir ?
    Je pense que ce mouvement est inscrit au cœur même de la Bible et du christianisme. C'est la puissance libre de l'évangile qui est à l'œuvre !
    Ce mouvement — révolte contre l'injustice et contre la mort de l'innocent, finalement contre le Dieu qui menace et punit — s'est développé à l'extérieur du christianisme établi parce que (autour de la Révolution française) l'Eglise officielle était trop liée au pouvoir et à la royauté, elle avait perdu son sel évangélique, elle défendait les puissants et non les petits, les exclus, les affamés.
    Ce mouvement qui crie la révolte de voir l'innocent écrasé — même par les catastrophes — c'est l'essence même du christianisme.
    Cette exposition s'arrête sur la représentation de deux personnages, deux amoureux, qui vont périr dans le Déluge, deux amoureux aux cœurs purs qui ne méritent pas la mort. Pourquoi l'exposition s'arrête-t-elle à deux personnages ? N'y a-t-il aucun tableau qui représenterait une seule personne injustement condamnée dans les réserves du Musée cantonal des Beaux-Arts ?
    Ponce Pilate déclare à ceux qui accusent Jésus : "Je ne trouve aucune raison de condamner cet homme" (Jn 18:29). Voilà le personnage unique, innocent, mais condamné par tous, qui manque pour achever cette exposition.
    Le récit de la mort de Jésus — l'innocent cloué sur la croix — n'est-il pas le modèle premier de dénonciation de la mort innocente qui a fait comprendre, petit à petit, à l'humanité combien est révoltant toute mort d'innocents ?
    La graine de la révolte contre le châtiment du Déluge, c'est Dieu lui-même qui l'a plantée dans le cœur de l'homme en nous montrant la croix de Jésus. Dénoncer les morts innocentes, ce n'est pas s'en prendre à Dieu, c'est prendre son message au sérieux !
    C'est parce que l'évangile de la Passion est lu et relu chaque année dans nos Eglises que la société ne peut plus accepter le châtiment du Déluge, ne peut plus accepter les catastrophes sans aller porter secours, ne peut plus accepter les maladies sans financer la recherche médicale et les soins, ne peut plus accepter les accidents sans chercher de nouveaux moyens de prévention.
    En cela, la mort de Jésus a parfaitement réussi — avec et parfois malgré l'Eglise et les pratiquants — à changer le monde, à changer notre façon de regarder les événements autour de nous.
    Il est donc important de ne pas jeter Dieu avec l'eau du Déluge.
    Il est important que l'histoire de la Passion soit relue, reméditée, redite continuellement.
    Il est important de renforcer notre témoignage chrétien en répétant avec force qu'aucun intérêt ne peut justifier le sacrifice de qui que ce soit.
    Il est important de relever que nos valeurs modernes (démocratie, droits humains, égalité) sont enracinés dans l'évangile de la Passion, même si elles ont été laïcisées.
    Il est important de refuser que le christianisme soit renvoyé dans la sphère privée — hors de l'espace public, politique et économique — ce serait la mort de nos valeurs occidentales.
    Nous pouvons être fiers de porter en nous les valeurs de l'évangile. Nous pouvons être fiers d'être fidèles à cette tradition qui a formé et porte encore notre société. Nous pouvons être fiers et le dire autour de nous.
    Amen