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pardon

  • Pardonner pour devenir libre

    (4.3.2001)  Matthieu 18

    Pardonner pour devenir libre

    Nombres 14 : 11-20.        Ephésiens 4 : 17-24.         Matthieu 18 : 21-34

    télécharger le texte : P-2001-03-04.pdf

    Chers amis,

    Alors que je préparais cette prédication sur le pardon à partir de la parabole du serviteur qui refuse de pardonner, qu'on connaît aussi sous le titre du "serviteur impitoyable", je suis tombé par hasard (mais y a-t-il des hasards ?) sur cette exclamation :

    "Voulez-vous être heureux un instant ? Vengez-vous !

    Voulez-vous être heureux toujours ? Pardonnez !"

    (Henri Larcordaire, in Un chemin pour renaître, le pardon, Ed., Ouvertures)

    Ces deux sentences reflètent les deux scénarios, les deux attitudes qui nous sont dépeintes dans la parabole de Jésus. D'un côté, le serviteur qui veut être remboursé tout de suite et qui se venge sur son collègue, de l'autre le roi qui voit qu'il ne sera jamais remboursé et qui laisse aller la dette, qui renonce à récupérer quoi que ce soit. Lequel des deux est le plus heureux en fin de compte ?

    L'épilogue, la fin de la parabole nous dit que le serviteur finit par être livré au bourreau (la traduction française édulcore en disant qu'il est puni, littéralement, il est livré au tortionnaire !). Une façon claire de nous dire que c'est une voie sans issue, sans bonheur possible.

    * * *

    Mais j'ai été un peu vite et nous allons reprendre tout cela. En ce premier dimanche de la passion, j'ai souhaité parler du pardon, parce que le pardon est, non seulement au coeur de l'enseignement de Jésus, mais aussi au coeur du mystère de la Passion. Jésus est mort en pardonnant à ses bourreaux : "Père, pardonne leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font" (Luc 23:34). Ensuite, les apôtres — il suffit de lire le livre des Actes ou les épîtres pour le voir — ont affirmé avec force que Jésus est mort pour le pardon de nos péchés. Ainsi nous le dit la lettre aux Ephésiens :

    "Pardonnez-vous réciproquement comme Dieu vous a pardonné dans le Christ" (Eph. 4:32).

    Comment ça marche, le pardon ? D'abord, il a une offense. Une agression et une blessure. Un mal commis et un mal subi. Un offenseur et un offensé. Un "malfaiteur" (celui qui fait du mal) et un lésé, une victime.

    Du côté du lésé, de la victime, il y a préjudice. Il peut être matériel, mais même dans ce cas il laisse une empreinte intérieure, donc le préjudice, au-delà du matériel est essentiellement une atteinte intérieure. Cela peut être un sentiment de perte de confiance, de perte de l'estime de soi. Un sentiment de peur, d'insécurité (est-ce que cela ne va pas recommencer ?). Un sentiment de colère aussi, contre l'injustice (pourquoi moi ?), colère contre ce qui a été cassé à l'intérieur, et qui ne sera plus comme avant.

    Tout cela appelle une réparation. Ce qui a été brisé doit être reconstitué, reconstruit. Ce qui a été dévasté doit retrouver son intégrité. La victime doit vivre un processus de reconstruction, de réparation, de reconstitution pour redevenir elle-même et laisser aller le mal qui lui a été fait.

    Du côté de celui qui a fait du mal, il y a deux possibilités. Il peut y avoir reconnaissance du mal commis et bonne volonté d'y remédier, cela s'appelle la repentance, et cela aide la victime à obtenir réparation, au moins une réparation partielle. Au contraire, s'il n'y a pas reconnaissance du tort, il n'y aura jamais de réparation pour la victime de la part de l'offenseur. La victime se retrouve seule à devoir affronter l'absence de réparation, à devoir se reconstruire.

    C'est là qu'intervient un choix pour la victime : choisir entre la vengeance et le pardon. La vengeance consiste à égaliser les situations en infligeant le même tort à l'offenseur. Puisque l'agresseur ne veut, ne peut pas comprendre la situation de la victime, la vengeance le forcera à comprendre puisqu'il deviendra victime à son tour ! Il y a égalisation par le bas ! Victime et bourreau seront liés à tout jamais par la même douleur.

    Le pardon consiste au contraire à se libérer de toute attache avec son bourreau et ne pas traîner avec soi le poids du mal subi.

     

    "Voulez-vous être heureux un instant ? Vengez-vous ! (et devenez semblable à ce que vous haïssiez !)

    Voulez-vous être heureux toujours ? Pardonnez !"

    Le pardon intervient lorsqu'on a réalisé qu'il n'y a pas de réparation (totale) possible, lorsqu'on réalise qu'il vaut mieux lâcher, laisser aller, faire une croix sur ce qu'on espérait encore plutôt que d'espérer en vain quelque chose qui ne viendra jamais.

    Le pardon est associé à la grandeur d'âme, à la possibilité d'élargir son coeur, ce que fait le roi dans le premier scénario de la parabole. Lorsqu'il pardonne la dette incroyable de son serviteur, il le fait parce qu'il est "ému de compassion".

    Dans ce premier scénario, Jésus appelle cet homme "un roi"; dans l'épilogue, lorsqu'il doit punir le serviteur, cet homme n'est plus qu'un "maître" dans la bouche de Jésus. Pardonner est l'attitude royale de celui qui a le pouvoir, le pouvoir de gracier, le pouvoir de diriger sa vie.

    Celui qui se venge n'est pas maître de sa vie, il est mû par les forces violentes du mal, même du mal qu'il a subi, ce mal qui cherche à se répandre et à se répéter. Tant qu'on ne cherche pas à avancer sur le chemin du pardon — et cela peut prendre du temps — on n'est pas un être libre qui dispose de sa vie.

    Celui qui cherche à pardonner, cherche la voie de la libération et de la liberté. Il cherche à se détacher de son agresseur, ou de son offenseur, ou des forces qui lui ont fait du tort. En pardonnant, la victime abandonne son rôle de victime pour endosser le rôle du roi, un rôle royal où il retrouve le pouvoir sur sa vie.

    Ce pouvoir de pardonner, Dieu nous l'a confié explicitement, à nous les humains. Il nous l'a confié en agissant, lui en premier, comme le roi de la parabole. Quelle que soit la dette que nous pouvons ressentir envers Dieu ou envers les autres — aussi incommensurable soit-elle — Dieu nous en a libéré, par le Christ, sur la croix.

    Aussi pouvons-nous, à l'inverse du serviteur de la parabole, pardonner à notre tour pour être libres, libérés des torts qui nous ont été faits, et vivre heureux, toujours...

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2021

  • Notre Père (4)

    14.6.2020

    Matthieu 9

    Notre Père (4)

    Matthieu 18 : 21-35.          Matthieu 9 : 1-8

    télécharger le texte : P-2020-06-14.pdf

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Depuis quelques semaines, j'ai commencé une série de prédications sur le Notre Père (pour lire toute la série sur le Notre Père, cliquer dans la colonne de droite la catégorie "Notre Père"). Celle-ci est la quatrième.

    Pour récapituler, je prends le Notre Père à l'envers. Remonter dans le Notre Père nous permet de suivre en parallèle l'histoire du peuple d'Israël. « Amen » et la doxologie finale correspondent à l'enracinement en Dieu du peuple d'Israël. « Délivre-nous du mal » correspond à la sortie d'Egypte et à la délivrance de l'esclavage. « Ne nous laisse pas entrer en tentation » au parcours dans le désert, où Dieu acccompagne et soutien son peuple sur un chemin difficile.

    Aujourd'hui, nous abordons les phrases sur le pardon. « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés » sont les phrases liturgiques de notre prière.

    Mais le texte, autant chez Matthieu que chez Luc parle de remise de dette (Mt) ou de remise des péchés (Luc). Il s'agit de vocabulaire économique et pas moral. Il y a interaction entre un créancier et un débiteur. Celui qui réclame de l'argent (ou un bien) et celui qui le doit, qui doit rembourser.

    Jésus a illustré ces rapports dans la parabole dite du « serviteur impitoyable », mais qui devrait plutôt s'appeler du « créancier généreux ».

    Dans la parabole, la dette est remise, elle est effacée, alors qu'il s'agissait d'une somme énorme. Elle est effacée sans condition préalable, par compassion, par générosité, par grandeur d'âme. Voilà comment Jésus nous présente le « Royaume de Dieu », donc l'agir de Dieu. Il remet notre dette.

    Aujourd'hui, nous n'avons pas tellement le sentiment d'être redevable, d'avoir une dette envers Dieu ou la Vie, ou nos parents. Nous ne le ressentons pas comme nos ancêtres ou les contemporains de Jésus.

    Peut-être est-ce parce que nous ne percevons plus le coût d'avoir reçu la vie et de nous maintenir en vie. Nous n'avons pas le sentiment que notre naissance a mis la vie de notre mère en danger.

    Nous ne percevons pas le coût, en peine et en vies, de notre nourriture : nous ne récoltons ni ne moissonnons, nous ne tuons pas de nos mains les animaux dont nous consommons la viande. Nous ne percevons pas la sueur des cueilleurs de bananes ou d'avocats, d'oranges ou de tomates.

    Nous ne percevons pas la pollution des puits de pétrole ou des mines dont sont extraits les minerais de nos téléphones et de nos ordinateurs.

    Nous sommes déconnectés du coût réel du fait de vivre. On nous cache le poids de destruction de la planète et de la biodiversité que nous engendrons.

    Peut-être faudrait-il se reconnecter à cette dette-là pour comprendre l'immensité de la générosité de Dieu de ne pas nous en faire porter le poids moral et nous ouvrir à la responsabilité qui en découle.

    C'est là qu'on passe de la dette au péché ou à la faute. Il y a ici deux aspects à relever.

    A. La culpabilité est inscrite dès la petite enfance dans notre fonctionnement. Un enfant se voit comme le centre du monde. Tout tourne autour de lui. Aussi, quand il lui arrive quelque chose de négatif, pense-t-il qu'il en est la cause, l'origine. Il se sent coupable de ses malheurs, voire des malheurs de ceux qui vivent autour de lui. L'enfant retourne le malheur contre lui sous forme de faute commise, alors qu'il n'y peut rien.

    Nous gardons tous quelque chose de cette attitude lorsque nous disons : « Mais qu'est-ce que j'ai fait au bon dieu pour mériter cela, ce malheur ? » Nous avons besoin d'être guéris de ce dysfonctionnement.

    B. Le second aspect à relever est que la culpabilité a un effet paralysant. A compter tous les effets de nos comportements sur le climat et l'état de la planète, nous pourrions arriver à nous dire : il vaut mieux que j'arrête tout, voire que j'arrête de vivre.

    Le deuxième récit, où Jésus associe le pardon des péchés et la guérison du paralysé est instructive à cet égard. Jésus commence par remettre les péchés de cet homme. Il efface l'ardoise sans condition, ce n'est pas accompagné d'une demande de changement ou de conversion, ni suivi d'un ordre « Va et en pèche plus. » La remise est inconditionnelle.

    Mais pourquoi est-il question de péchés. Nous avons vu dans la prédication sur « délivre-nous du mal » que la Bible ne fait pas de différence, dans le mal, entre le mal subi et le mal commis. Il y a « du malheur ». Il y a de l'injustice et de l'infortune et il en découle du mal et de la répétition du mal, donc du mal commis.

    C'est tout ce malheur qui paralyse et qui doit être ôté, allégé, remis. La traversée du désert du peuple d'Israël débouche sur l'entrée dans le pays de Canaan. C'est un peuple régénéré qui entre dans la terre promise.

    La guérison porte autant sur nos fautes que sur les malheurs que nous avons subis, sous lesquels nous sommes écrasés. Ce sont de ces malheurs que Jésus veut nous relever.

    Il est intéressant de noter que le mot utilisé pour dire « se lever » est aussi utilisé, dans les Evangiles, pour la résurrection de Jésus qui se lève d'entre les morts.

    Ce que Jésus fait dans cette guérison, c'est non seulement de faire disparaître les blocages de la paralysie, mais c'est redonner la vie avec le mouvement. Permettre à nouveau la vie, malgré et au-delà de la dette.

    Nous voir remettre notre dette de vie, c'est nous remettre en marche, nous relever, pour avoir l'énergie de remplir notre mission, nos responsabilités. Notre responsabilité, c'est d'imiter Dieu et Jésus dans la remise des dettes à ceux qui nous doivent quelque chose.

    Nous sommes appelés à cette réciprocité dans la deuxième partie de la phrase de notre prière. Non pas comme une condition, mais par reconnaissance.

    Quant à la remise de notre dette par rapport à notre poids sur la planète, elle doit nous encourager à la responsabilité. Sous la forme, d'abord, de la prise de conscience de notre emprise destructrice. Si nous sommes allégés de notre sentiment de culpabilité, c'est pour sortir de notre paralysie et agir : prendre nos responsabilités pour diminuer ce poids ; pour renforcer la responsabilité légale de nos entreprises et de nos multinationales.

    Pour que nous ayons davantage d'énergie pour nous battre « en faveur de » plutôt que de nous replier dans le désespoir de notre impuissance.

    Notre dette est remise, soyons reconnaissants et devenons acteurs et responsables.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

     

     

  • Le pouvoir du pardon donné aux humains

    Pour le dimanche 26.4.2020

    Jean 20

    Le pouvoir du pardon donné aux humains

    Colossiens 3 : 12-15.       Matthieu 9 : 1-8.       Jean 20 : 19-23.

    télécharger le texte : P-2020-04-26.pdf

     

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Lorsqu'on lit l'Evangile à la suite, en entier, on constate tout de suite que l'enseignement que Jésus a donné est concentré dans la première partie, lors de son ministère sur les chemins de Galilée, de Samarie et de Judée. Ensuite vient le récit de la Passion. Puis pour terminer, une partie très courte rapportant la période après la résurrection.

    Aussi, les paroles de Jésus après sa résurrection, sont-elles très rares. On peut penser qu'elles sont d'autant plus importantes. Elles sont comme le testament, un ultime rappel, qui renvoie — en le mettant en évidence — à l'enseignement qui a été donné précédemment.

    Dans cette apparition de Jésus que nous dépeint Jean — le soir du jour de la résurrection — Jésus prononce peu de paroles. Il dit : "La paix soit avec vous" (deux fois) et prononce trois phrases :

     

    "Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie" et "Recevez le Saint-Esprit. Ceux à qui vous pardonnerez leurs péchés obtiendront le pardon; ceux à qui vous refuserez le pardon ne l'obtiendront pas." (Jn 20:21-22).

    "Moi aussi, je vous envoie..." c'est le transfert des pouvoirs, de Jésus à ses disciples, de Jésus aux êtres humains, de Jésus à nous qui formons son Eglise ! Ce transfert se fait à travers le don de l'Esprit Saint, et le pouvoir qui est donné, c'est celui du pardon.

    Vous avez entendu dans le récit de la guérison de l'homme paralysé, la polémique qu'a eu Jésus avec les maîtres de la loi sur qui ? a le pouvoir de pardonner. Pour les théologiens de l'époque de Jésus, "Dieu seul peut pardonner les péchés" (Mc 2:7). Mais, c'est une affirmation que Jésus conteste. Jésus conteste cela en affirmant que les péchés de l'homme paralysé sont pardonnées — et cela provoque la colère des théologiens — il "prouve", en quelque sorte, que Dieu est d'accord en guérissant cet homme.

    Après ce pardon et cette guérison, ce rétablissement, ce relèvement, la foule souligne — comme un choeur le ferait dans une tragédie grecque — l'importante transformation opérée par Jésus : "la foule loua Dieu d'avoir donné un tel pouvoir aux humains" (Mt 23:8). Oui, c'est aux humains, donc à nous que Jésus donne — avant et après la résurrection — le pouvoir de pardonner, de pardonner les péchés.

    Il est important de bien comprendre le sens de ces deux termes, car avec le temps, ils se sont un peu déformés. Le péché. Un mot qui ne nous parle plus tellement aujourd'hui, il n'a plus vraiment la cote. Un mot qu'on n'aime pas rencontrer sur son chemin parce qu'il fait penser à la faute, à la culpabilité, à être coupable.

    En fait, le mot "péché" désigne tout ce qui fait obstacle à une vie harmonieuse, en paix, avec soi-même, avec Dieu et avec les autres. Ce mot ne désigne donc pas en premier lieu les fautes, les petites fautes qu'on commet, mais tous les poids, tous les fardeaux, les malheurs ou les rancunes, les blessures ou les ressentiments qui empoisonnent notre vie, sans que forcément nous-mêmes ou quelqu'un d'autre n'ait commis de faute. La vie est compliquée et souvent injuste, cela suffit souvent à rendre les choses difficiles. Nous portons donc tous quelques malheurs, quelques souffrances qui nous paralysent et qui nous pèsent.

    Jésus nous offre le pouvoir de nous en débarrasser. Oui, le terme de pardon signifie en premier lieu dans la bouche de Jésus le fait de délier, de libérer une attache, libérer un animal attaché. Cela signifie défaire les cordes, les liens qui nous attachent au malheur, au mal qu'on a subi. Le pardon des péchés que Jésus nous offre est plus que son pardon — comme si nous avions commis tant de fautes envers lui — c'est un outil efficace, un pouvoir, pour être libérés de ce qui nous retient du côté du malheur.

    Le pardon, c'est accepter de laisser aller sa rancune contre le destin, pour aller vers une réconciliation intérieure de son être, pour retrouver sa paix intérieure, l'intégrité de sa personne.

     

    Ce pardon offert, c'est plus qu'une philosophie, c'est un vrai style de vie ! Il permet d'accueillir la vie telle qu'elle se présente à nous, non pas avec résignation, mais avec confiance. Il s'agit d'un pouvoir, de quelque chose qui nous rend capable d'affronter la réalité et de la transformer.

    Jésus insiste sur cette notion de pouvoir et de choix puisqu'il dit non seulement que ceux à qui on pardonne obtiennent le pardon, mais aussi que si l'on refuse le pardon, ce pardon ne surgira pas miraculeusement d'ailleurs. Le refus du pardon est aussi décisif que le don du pardon. Il est donc nécessaire d'y prendre garde.

    A partir de ce pouvoir de se libérer du poids du mal subi, la porte est ouverte à la transformation de sa propre vie. Plus besoin de se laisser enfermer dans un rôle — rôle de victime ou rôle de dominateur. Ce pardon est une liberté, liberté de choisir comment on reçoit son destin et comment on dirige sa vie, en paix avec soi-même, avec Dieu ou avec les autres.

    En nous donnant ce pouvoir de pardonner, Jésus nous donne le pouvoir de choisir notre style de vie, et donc le pouvoir de devenir heureux ou de rester malheureux. Nous n'avons pas de pouvoir sur bien des événements "qui nous arrivent", "qui nous tombent dessus", mais il nous appartient de décider comment recevoir et vivre cela : avec amertumes et rancoeurs contre un destin qui ne nous épargne pas ou avec la sagesse du pardon, pour être délié des fardeaux de la colère et du ressentiment.

    Jésus nous fait ce cadeau, apprenons à le recevoir et à en faire bon usage dans notre vie.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

     

  • Ce que Judas nous révèle...

    Pour le dimanche 15 mars 2020

    Matthieu 26

    Ce que Judas nous révèle...

    Matthieu 26 : 14-16.     Matthieu 27 : 1-10

    télécharger le texte : P-2020-03-15.pdf

     

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Dans le récit de la Passion, deux disciples tiennent des rôles particulièrement importants : Pierre et Judas. Le premier semble tenir un rôle côté lumière et le second un rôle côté ténèbres. Mais finalement, Jésus s'est quand même retrouvé tout seul face à la mort, abandonné de tous. Toutes les autorités ont condamné Jésus, tous les disciples ont abandonné Jésus, toute la foule a crié "Crucifie !" Il y a eu unanimité contre Jésus, ce jour-là.

    Mais dans la tradition chrétienne, dans les récits des Evangiles, c'est Judas qui est désigné comme "le mauvais", celui qui a livré et trahi Jésus. Déjà dans les listes des disciples que donne chaque Evangile, Judas est placé en dernier et désigné comme celui qui trahit, qui livre Jésus (Mt 10:4). Dans les Evangiles on ne crée pas de suspens.

    Ainsi, Judas porte la marque de l'infamie. Pourtant, il n'est qu'un rouage dans la grande machine qui a conduit à la condamnation de Jésus. Mais il est un rouage, le seul rouage qui vient de l'entourage immédiat de Jésus, il est l'un des Douze. Cela accentue l'incompréhensible.

    Comment un proche de Jésus, quelqu'un qui l'a suivi, qui l'a accompagné pendant des mois, qui l'a entendu prêcher, qui l'a vu faire des miracles, guérir, nourrir les foules, etc., comment Judas a-t-il pu trahir son maître ? On donne généralement trois explications différentes.

    1) Ce serait de la jalousie, comme Caïn à l'égard d'Abel. Cette raison est trop subjective et peu présente dans les Evangiles.

    2) Ce serait l'appât du gain. L'Evangile de Jean place plusieurs touches dans ce sens (Judas était le caissier du groupe, il blâme la femme qui verse du parfum sur les pieds de Jésus et crie au gaspillage, et, ajoute Jean, "il dit cela parce qu'il était voleur" (Jn 12:6)). Le fait que Judas soit payé pour livrer Jésus va dans ce sens, mais la somme est modeste pour un homme cupide.

    3) La troisième raison, qui a été souvent développée dans la littérature est une raison théologique et me semble la plus intéressante. Judas aurait livré Jésus pour qu'il puisse accomplir son destin messianique — en tout cas le destin messianique tel que Judas l'envisageait.

    Dans la liste des disciples — à la fin de la liste — on trouve Simon le nationaliste (ou le zélote) et Judas l'Iscariote. Iscariote pourrait venir de "sicaire", le poignard et distinguer Judas comme un résistant à l'occupant romain, comme Simon le nationaliste auquel il est rattaché dans les textes.

    Judas se serait joint aux disciples de Jésus parce qu'il était persuadé que Jésus était le Messie qui devait délivrer Israël de l'occupant romain. Judas aurait été sourd à l'enseignement de Jésus sur la messianité souffrante; il n'aurait pas été réceptif aux remises à l'ordre de Pierre par Jésus chaque fois que Pierre refusait les annonces de la Passion.

    Judas pouvait donc attendre de la montée à Jérusalem et de l'entrée triomphale de Jésus avec l'épisode des rameaux qu'elles soient suivies d'une révélation éclatante. Judas peut s'être vu investi d'une mission dans ce dévoilement. Qu'est-ce qui serait plus éclatant que des myriades d'anges venant délivrer le Messie des mains de l'occupant ? Il fallait donc provoquer l'arrestation de Jésus pour déclencher le processus, pour mettre Dieu en demeure de réagir, de sauver son Fils et de libérer le peuple d'Israël.

    Ainsi, à ses propres yeux, Judas aurait pu avoir un motif honorable de livrer Jésus. C'était une façon de collaborer au plan de Dieu. Et bien, cela a été une façon de collaborer à ce qui devait arriver, mais pas selon le plan de Judas. En effet, le plan ne tourne pas comme Judas l'attendait :

    "Lorsque Judas vit que Jésus avait été condamné, il fut pris de remords et rapporta les 30 pièces d'argent et dit : « J'ai péché en livrant un innocent à la mort »." (Mt 27:3-4)

    Judas se retrouve-là dans la même situation que Pierre juste après son reniement. Tous deux ont trahi leur maître. Mais leur destinée ne sera pas la même. Pierre vit, Judas meurt. Que se passe-t-il ?

    Pierre et Judas n'ont pas le même regard sur la messianité de Jésus et sur eux-mêmes. Après l'arrestation de Jésus, Pierre se voit tel qu'il est, avec sa faute. Judas voit sa faute, mais il veut l'effacer par la restitution de l'argent. Il veut effacer le passé, remonter le temps, retrouver le Jésus d'avant, et probablement réessayer autrement de faire advenir le Messie glorieux. Comme cela est désespérément impossible, il n'a plus d'espérance, tout est fini. Il va se pendre.

    Pierre de son côté a retenu l'enseignement de Jésus. Il garde un espoir dans le Messie, même s'il ne peut espérer l'incroyable, la résurrection.

    Judas a été marqué du sceau de l'infamie parce qu'il représente la tentation — toujours forte — de brusquer Dieu, de le mettre à l'épreuve, de le pousser vers la toute-puissance pour nos propres intérêts.

    En Jésus-Christ, Dieu a choisi la difficile voie de l'impuissance, de la faiblesse pour se révéler. C'est un amour qui se propose, mais ne s'impose pas. Face à cela, nous gardons toujours — comme Judas — la tentation de la trahison en réclamant de Dieu une manifestation plus vigoureuse, plus contraignante, plus imposante.

    Le temps de la Passion nous rappelle que Dieu a choisi la voie de la douceur et du pardon. Il a choisi de porter nos fardeaux, nos soucis, nos faiblesses, nos souffrances avec nous. Il n'est pas le Messie glorieux qui ôte les obstacles de notre route, il est le Messie souffrant qui traverse les difficultés avec nous, à nos côtés.

    Il est celui qui relève Pierre et tous ceux qui faiblissent sur le chemin. Ce visage, c'est celui de Dieu qui nous est révélé en Jésus-Christ, mort sur la croix et ressuscité le troisième jour.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

     

  • Célébration œcuménique : Dieu remet les compteurs à zéro

    Eglise Orthodoxe

    25.1.2019

    Célébration œcuménique : Dieu remet les compteurs à zéro

    Deutéronome 16 : 18-20          Luc 4 : 14-21

    télécharger le texte ici : P-2019-01-25.pdf

     

    Chers frères et sœurs en Christ,

    Dimanche passé, nous vivions une célébration œcuménique à l’Eglise anglicane avec les communautés chrétiennes du quartier.

    Aujourd'hui, nous sommes chez vous et nous vous remercions de votre accueil. Dimanche dernier, j’ai parlé de ce même récit biblique : la première prédication de Jésus à Nazareth. Jésus y avait lu ce passage du livre d'Esaïe :

    "L'Esprit du Seigneur est sur moi, il m'a choisi pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres. Il m'a envoyé pour proclamer la délivrance aux captifs et le don de la vue aux aveugles, pour libérer les opprimés, pour annoncer l'année où le Seigneur manifestera sa faveur." (Luc 4:18-19). et il avait ajouté: “Aujourd'hui ces paroles sont accomplies !”

    Dimanche passé, j’ai développé ce que Jésus voulait dire par cette parole : “Dieu m'a choisi pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres.” Aujourd'hui j'aimerais développer la parole de Jésus : “Il m'a envoyé pour libérer les opprimés, pour annoncer l'année où le Seigneur manifestera sa faveur.”

    Le thème de cette semaine de l’unité, c’est l’établissement de la justice, une justice qui permette la paix, c’est-à-dire le vivre ensemble. C’est justement cette justice que Jésus appelle en parlant de cette année de faveur.

    Cette année de faveur à une histoire dans l'Ancien Testament. Dans le livre du Lévitique est décrit un système économique très spécial. Un premier cycle de sept ans est introduit, où la septième année, l'année sabbatique est une année de repos pour le sol. Pendant six ans tout le monde travaille, sème et récolte, la septième année est une année de repos. A ce premier cycle se superpose un deuxième cycle de sept fois sept ans, soit 49 années au total. L'année qui suit, soit la 50e est le Jubilé, l'année du Seigneur. Lors de cette 50e année, on rétablit les personnes dans leurs biens, dans leurs terres ou dans leur liberté pour celles qui ont été asservies pour n'avoir pas pu payer leurs dettes. On remet les compteurs à zéro.

    Ce système économique présuppose une situation de départ équitable et juste et un monde très stable, au moins démographiquement. Cet astucieux système économique n'a jamais été mis en place en Israël, mais il témoigne d'une tentative d'ordonner le monde économique à la volonté divine tout en laissant de la place à la liberté humaine et en tenant compte de certaines réalités : Ce système laisse une liberté de commerce et d'entreprise aussi grande que possible à tous pendant le cycle de 49 ans. Il ne laisse cependant pas croître les inégalités jusqu'à un point de rupture ou de non retour grâce à l'année du Jubilé qui instaure une redistribution.

    Jésus nous dit : "Aujourd'hui s'accomplit cette parole d'Esaïe : l'année du Seigneur, de la restauration, c'est maintenant."

    Pourtant Jésus n'est pas venu accomplir une révolution économique, comme il n'est pas venu pour chasser les Romains de Palestine. Il vient restaurer notre être, pas nos avoirs. Jésus est venu remplacer — dans nos modes relationnels — l'économie de marché fondé sur la pénurie, par l'économie du Royaume fondée sur l'abondance. C'était-là la Bonne Nouvelle annoncée aux pauvres.

     

    Le départ équitable qui est donné à tous à la naissance, c'est de vivre dans l'abondance de l'amour. Chaque enfant naît avec l'amour et le pardon de Dieu dans son cœur, avec une capacité d'aimer à l'infini. Ensuite, malheureusement, la situation se dégrade. Les détresses subies nous aliènent et le mal prend de l'ampleur dans nos vies et limitent nos capacités d'aimer, comme dans le Lévitique.

    La situation voulue au départ se dégrade. Chacun vit — sans que ce soit la faute de personne — des événements pénibles, tristes, frustrants, parce que la vie est dure, la société injuste et qu'il est impossible d'obtenir tout ce que nos désirs souhaitent. Nous accumulons des dettes sous forme de culpabilités et perdons nos libertés, en façonnant nos stratégies relationnelles.

    La bonne nouvelle, c’est que Jésus vient nous libérer de nos propres enfermements, de nos dettes, de nos culpabilités, de tout ce qui nous paralyse. C'est ainsi que se réalise la parole d'Esaïe : "Dieu libère les captifs et renvoie en liberté les opprimés".

    Jésus vient nous délivrer du péché. Voilà, le mot est lâché : le péché. Le péché, c'est l'ensemble des choses qui dégradent la situation de départ pendant les 49 ans du cycle du Lévitique, jusqu'à ce que Dieu rétablisse la justice et l'équité pendant la 50e année.

    Jésus ne parle du péché que lorsqu'il parle du pardon, lorsqu'il libère ou qu'il compatit et guérit. Pour Jésus, le péché originel n'existe pas. La seule chose qui existe pour Jésus, c'est le pardon originel.

    Constamment, Jésus veut nous guérir de notre aveuglement qui nous fait voir le péché seulement comme les actes mauvais, les fautes. Il veut nous redonner la vue sur la détresse, sur la souffrance subie, sur la dégradation des relations. L'année de faveur du Seigneur que Jésus réalise, c'est le retour à l'état de personne pardonnée, aimée. Dieu nous offre aujourd'hui d'être restaurés dans cet état premier par le pardon, ce pardon qui permet d'aimer et d'agir.

    Amen.

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • Un détour pour parler du pardon

    Matthieu 18 11.3.2018

    Un détour pour parler du pardon

    Matthieu 18 : 21-34

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Depuis plusieurs mois nous racontons des paraboles aux enfants. Comme vous l’avez vu, nous nous sommes penchés sur cette parabole du « serviteur qui ne veut pas pardonner », c’est son nouveau nom. Autrefois on parlait du « serviteur impitoyable », ce qui était peut-être plus exact — il n’a pas pitié de son compagnon — mais peut-être moins politiquement correct.

    Le titre « le serviteur qui ne veut pas pardonner » est moins juste également parce qu’il gomme un décalage entre l’intervention de Pierre sur le pardon et le contenu de la parabole de Jésus. Pierre pose une question sur le pardon envers celui qui a péché contre lui. Dans sa parabole, Jésus ne mentionne jamais le péché, il ne parle que de dette et de remise de dette. Le serviteur est impitoyable en ce qui ne remet pas la dette de son compagnon, comme on la lui a remise. Il n’est pas question d’un serviteur qui ne pardonne pas.

    Pour parler de pardon — suite à la question de Pierre — Jésus raconte une parabole qui ne parle pas de pardon non plus. Jésus a besoin de faire un détour pour pouvoir recadrer la question du pardon à son prochain.

    Restons donc d’abord uniquement sur cette parabole. Comme souvent Jésus commence son récit en disant : « le Royaume des cieux est semblable à…». Les paraboles servent à expliquer ce qui ne peut pas se laisser expliquer, définir, cerner dans notre logique. Comme Dieu ne se laisse pas enfermer dans des définitions, alors Jésus l’évoque dans ces histoires que nous appelons des paraboles. De même le Royaume des cieux n’est pas une terre localisable, c’est plutôt le monde des relations et surtout des relations nouvelles que Dieu instaure et habite.

    Un des éléments fréquents dans les paraboles, c’est la démesure. Pensez à la petite graine de moutarde censée se développer en un arbre qui abrite les nids des oiseaux. Ou le levain qui fait lever toute la pâte.

    Ici, la démesure est entre les deux dettes. D’un côté 1'500 années de salaire, de l’autre 100 jours de salaire. Imaginez que vous deviez rembourser pour demain 1’500 fois votre salaire annuel, c’est l’énormité de la dette du premier serviteur. Et le serviteur de promettre qu’il remboursera tout, il a juste besoin d’un délai. Il en appelle à la patience de son maître ! Et voilà que le maître (à partir de là le texte dit « le Seigneur ») remet toute cette dette. Il libère totalement son serviteur de cette dette monstrueuse.

    Il y a dans beaucoup de paraboles ce type de retournement, comme dans la parabole des ouvriers de la onzième heure où le maître de la vigne paie la même chose aux derniers arrivés alors qu’on attend des comptes proportionnels au temps travaillé. On attend des comportements logiques, rationnels, habituels alors que les paraboles surprennent. La logique de Dieu est toute différente de la nôtre.

    C’est là que Jésus veut emmener Pierre. La logique du Royaume des cieux n’est pas semblable à notre logique économique, rationnelle. La logique de Dieu est tout autre, elle jette toute calculette aux orties.

    Jésus raconte cette parabole à Pierre (quand celui-ci s’interroge sur le pardon) pour le faire sortir de ses calculs. Dans cette parabole, Jésus nous dit que nous avons une dette impossible à rembourser à l’égard de la vie, que ce soit Dieu, nos parents, la société etc.

    Cette parabole nous invite à prendre conscience de tout ce que nous avons reçu — gratuitement. Nous avons reçu la vie, une famille, une éducation. Nous faisons partie d’un réseau qui fait que nous n’avons que quelques pas à faire pour acheter notre nourriture et nos effets. Nous dépendons du travail de tous les autres humains sur cette terre — et par moment pendant une tranche de notre vie, nous contribuons également.

    Jésus nous appelle à voir tout ce que nous avons reçu, à voir cela d’un côté comme une dette (impossible à rembourser) et de l’autre comme une dette effacée !

    Il n’y a rien de culpabilisant chez Jésus à propos de cette dette. Elle est là, mais elle est effacée. Mais il faut avoir conscience de ces deux faces pour réaliser que nous sommes appelés à la réciprocité. C’est ce que manque le serviteur impitoyable ! Comme il ne réalise pas ce qui lui arrive — l’effacement de sa dette — il ne peut pas accorder la réciproque à son compagnon. C’est parce que notre dette est effacée, que nous pouvons à notre tour effacer les dettes de nos prochains et sortir de relations calculées, comptées, comptabilisées.

    C’est là qu’on revient au pardon. Les mots « remettre» et « dette» sont les mêmes mots qui sont utilisés dans le Notre Père que Jésus enseigne à ces disciples dans le Sermon sur la Montagne (Mt 6:12) et qui sont traduits dans le Notre Père liturgique par : «Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés » littéralement : «remets-nous nos dettes, comme nous les remettons aussi à nos débiteurs. »

    Comme nous avons été libérés de notre énorme dette de vie, nous pouvons à notre tour remettre les dettes de temps, d’énergie, de soins à ceux qui nous entourent. De même, comme Dieu nous a effacé nos fautes, nos péchés — sans compter — nous pouvons pardonner sans compter à ceux qui nous ont offensés.

    Jésus souligne par cette parabole — pour Pierre et pour nous— que nous ne saurions faire ce pas du pardon et de la remise de ce que nous pensons que les autres nous doivent, que si nous mesurons tous ce que nous avons reçu gratuitement. C’est parce que nous sommes riches de tout cela, que nous ne nous appauvrissons en rien de donner ou pardonner à notre tour. Riche de ce cadeau immense nous pouvons offrir la réciprocité à nos compagnons de vie.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Genèse 44. Joseph renonce au repas froid de la vengeance

    Genèse 44

    11.2.2018

    Joseph renonce au repas froid de la vengeance

    Gn 44 : 1-18 + 33-34       Gn 45 : 1-7

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Le plan qu'a mis en place Joseph pour éviter la famine en Egypte, — après les rêves de vaches grasses et de vaches maigres du Pharaon — fonctionne à merveille. L'Egypte a des réserves. Le pays joue son rôle de grenier pour ses habitants, même pour ceux des pays voisins.

    C'est ainsi que les frères de Joseph viennent s'approvisionner en Egypte, par deux fois. Cependant, chaque fois, ils sont en butte à des tracasseries, ou même pire. Etrangers et vulnérables, loin de chez eux, ils sont accusés, d'abord d'être des espions, puis d'être des voleurs.

    Le récit souligne cependant deux choses à propos de ces accusations. - D'abord, qu'elles sont fausses. Les dix frères sont innocents, ils sont faussement accusés. - Ensuite ces accusations sont montées de toutes pièces par Joseph. C'est lui qui tire les ficelles. Il manipule ses frères. Alors, on peut se demander : Pourquoi Joseph fait-il cela ? Est-il sadique ? Cherche-t-il à se venger de ses frères ?

    On connaît assez bien ce mécanisme aujourd'hui : où celui qui a été victime répète la même violence, - soit en retour contre les mêmes personnes, sous forme de vengeance ouverte, - soit contre d'autres personnes, sans même le savoir comme le font les victimes de violence ou d'abus. Ainsi — en filigrane — le récit attire notre attention sur le risque du phénomène de répétition : Joseph ne le fait-il pas deux fois, lors de chaque voyage ? C'est peut-être le côté sombre de Joseph ! Il ne peut s'empêcher d'être violent à son tour.

    Mais le texte ne s'arrête pas là. Ces pièges que dresse Joseph contre ses frères ont aussi une valeur de test. Joseph veut se rendre compte dans quelle mesure l'attitude de la fratrie est restée celle du temps de son expulsion, ou si cette attitude a changé. "Joseph soumet ses frères coupables [envers lui] en somme, à une tentation qu'ils connaissent bien puisqu'ils y ont déjà succombé [une fois], celle d'abandonner impunément le plus jeune et le plus faible d'entre eux."*

    Dans son deuxième piège, Joseph — d'abord par l'intermédiaire de son intendant, puis de sa propre bouche — propose une solution simple à ses frères pour s'en sortir : "le coupable seul deviendra mon esclave; les autres seront libres" (Gn 44:10 et 17)

    Les frères peuvent sauver leur peau, se sortir de cette situation périlleuse s'ils abandonnent leur jeune frère ! C'est là le test. Vont-ils choisir la lâcheté ou la solidarité ? D'un côté, il y a le chemin de la répétition du mal et de la culpabilité; de l'autre, il y a le difficile chemin de risquer de perdre sa liberté pour sauver l'unité de la fratrie, pour sauver la relation et la vérité de la relation.

    C'est Juda — au nom de tous ses frères probablement — qui affronte l'égal de pharaon et tente de sauver Benjamin. Il a choisi la voie de la solidarité. Il est prêt à prendre la place de Benjamin, comme esclave, plutôt que de l'abandonner en Egypte et provoquer la mort de leur père !

    Les paroles de Juda sont celles qu'attendait Joseph ! Ses frères ont changé, découvre-t-il. Ils ont renoncé à leur attitude passée, ils sont devenus une vraie fratrie, il ne reste qu'à y réintégrer Joseph lui-même. L'heure de la réconciliation a donc sonné, heure de la révélation, du dévoilement de l'identité de ce premier ministre.

    Maintenant, Joseph peut pardonner pleinement à ses frères et vivre une vraie réconciliation avec eux. Il peut évoquer le passé avec eux, sans ressentiment, sans rancune. La fraternité l'a emporté sur la haine. Joseph va faire lui-même une relecture de sa propre histoire, non pas en termes de victime, mais avec les yeux de Dieu :

    "Dieu m'a envoyé dans ce pays avant vous, pour que vous puissiez y avoir des descendants et y survivre; c'est une merveilleuse délivrance." (Gn 45:7)

    Pas facile de relire sa propre histoire, notre propre histoire — avec ses hauts et ses bas — comme l'histoire que Dieu lui-même a dessinée pour notre vie. Certaines choses restent longtemps incompréhensibles, et pourtant, notre vie a-t-elle plus de sens si nous n'y voyons pas la main de Dieu ?

    Combien de coïncidences, de rencontres, d'événements ne viennent-ils pas s'intégrer dans notre vie au bon moment, comme une réponse, comme un stimulant à avancer, à découvrir une nouvelle dimension, une nouvelle direction à notre vie ?

    Une personne me disait lors d'une visite à l'hôpital : "Quand je regarde ma vie, je vois la synchronisation que Dieu met dans mes rencontres... comment il me prépare à ce qui va arriver..." Il appelait cela de la synchronisation. Combien de choses viennent à point nommé ? Savons-nous les recevoir, les interpréter comme un signe de la Providence ? Voir comment Dieu agit dans nos vies, nous aide également à pardonner à ceux qui nous ont fait du tort, comme Joseph le dit à ses frères :

    "Ne vous tourmentez pas et ne vous faites pas de reproches pour m'avoir vendu ainsi. C'est Dieu qui m'a envoyé ici à l'avance, pour que je puisse vous sauver la vie" (Gn 45:5)

    Traditionnellement, Joseph est vu comme une figure messianique, qui préfigure le Messie, le Christ. Joseph, fait figure de Messie en ceci : Il est d’abord rejeté (lorsqu’il est vendu par ses frères), puis abaissé (lorsqu’il est injustement envoyé en prison), ensuite, il devient le Messie qui sauve l'humanité de la mort, de la pénurie (lorsqu’il devient intendant du pharaon et gérant de toutes les récoltes du pays), enfin, ici, finalement (par d'étranges détours — des pièges au pardon —) il est celui qui inaugure une réconciliation fraternelle qui met fin à toute violence.

    Le repas des retrouvailles, de la paix et de l'entente peut avoir lieu, anticipation et actualisation du repas du Royaume auquel Dieu nous invite tous, sans exclusion.

    Amen

    * Citation de : René Girard, Je vois Satan tomber comme l'éclair, Paris, Grasset, 1999, p. 176-177.

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Jean 20. Notre mission : apporter un message de paix et de pardon

    Jean 20
    4.5.2014
    Notre mission : apporter un message de paix et de pardon
    Genèse 2 : 4-8       Jean 14 : 18-26        Jean 20 : 19-23

    Téléchargez ici la prédication : P-2014-05-04.pdf


    Culte d’installation du Conseil paroissial


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous avons quand même de la chance ! Non, mais, vous avez entendu ce que dit Jésus à ses disciples ? Il leur parle de paix et de pardon. La paix et le pardon, voilà de quoi les disciples sont porteurs. Un message de paix et un message de pardon, c’est ce que Jésus envoie les disciples annoncer au monde. C’est ce dont nous sommes porteurs aujourd’hui encore, 2'000 ans après ce premier envoi.
    Mais reprenons le récit dans le détail. Nous sommes le premier jour de la semaine, le dimanche de Pâques. Les disciples sont réunis, mais ils se sont enfermés, ils ont peur après ce qui est arrivé à Jésus. Est-ce que ce sera leur tour d’être arrêtés ? Si ce n’est pas le cas, ont-ils perdu leur temps auprès de Jésus ? Comment retourner chez eux en Galilée après un tel échec ? Comment vivre cette honte ? S’être trompé à ce point ! Voilà l’état d’esprit des disciples.
    Ils se sentent orphelins, abandonnés, sans repères. Dans leur désarroi, ils ont oublié les paroles de Jésus, ces paroles des « discours d’adieu » de Jésus qui voulait les préparer au grand choc. « Je ne vous laisserai pas orphelins, je viens à vous » (Jn 14:18). Les disciples sont enfermés dans leurs pensées noires autant que dans cette chambre haute.
    Et pourtant, justement, Jésus vient et il se tient là, au milieu d’eux, alors qu’ils ne l’attendent pas. Et les premiers mots que Jésus prononce, c’est « la paix à vous » « shalom aleikhem » (Jn 20:19). Soyez apaisés, n’ayez pas peur !
    Jésus vient se révéler aux disciples, aux croyants, comme celui qui vient apporter la paix, l’apaisement des peurs, de l’angoisse, des soucis. Et il leur montre ses mains, son côté percé par la lance du soldat. Il est bien le crucifié qui est vivant.
    Il est vivant, mais pas simplement réanimé. Il n’a pas échappé à la mort, il l’a traversée, il est monté vers le Père et se tient au milieu d’eux dans sa nouvelle vie pour leur apporter sa paix. A la transformation de Jésus en Christ vivant correspond la transformation de la peur des disciples en joie. Les promesses de Jésus s’accomplissent : il y a une vraie vie. Jésus revient se manifester aux disciples, rien n’est fini, tout commence, à neuf.
    Là, le récit quitte le dévoilement de l’apparition pour un temps d’enseignement, qui s’ouvre à nouveau sur le souhait de paix. « La répétition du souhait de paix dit l’essence du nouveau temps. »* C’est un temps de Shalom qui s’ouvre, le temps de la paix entre Dieu et l’humanité, le temps de la réconciliation et de la cohabitation (Jn 14:23).
    Un temps marqué par de nouveaux rôles : jusqu’à Pâques, Jésus était l’Envoyé de Dieu dans le monde, il était l’ambassadeur qui transmettait la parole de Dieu au monde et aux disciples. Depuis Pâques, le rôle de Jésus est transmis aux disciples. « Comme mon Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. » (v.21). Est-ce qu’on réalise bien ici la transmission du flambeau, la passage du témoin de Jésus à nous ? Il était l’Envoyé de Dieu et il nous passe la main. Nous sommes maintenant les envoyés de Dieu.
    Pour accomplir cela, Jésus souffle sur ses disciples et leur donne l’Esprit saint. Jésus insuffle l’Esprit aux croyants (v.22). Ce mot « insuffle » est le même que celui du récit de la Genèse où Dieu insuffle l’haleine de vie au premier humain (Gn 2:7). L’évangéliste Jean établit clairement ici un parallèle entre le don de la vie humaine lors de la création et le don de l’Esprit saint par Jésus, ici à Pâques. Il est vraiment question d’une nouvelle création, ou de la création d’une nouvelle vie, d’une vie nouvelle.
    La première création était marquée par la sortie du jardin d’Eden et par la malédiction de l’être humain. Ici, il est question de la seconde création où l’être humain est destiné à la paix, à l’apaisement de ses tourments et de ses angoisses. La malédiction est levée. Jésus est venu apporter la réconciliation avec Dieu, le pardon. Ici le péché originel est remplacé par le pardon originel, celui que Dieu a toujours voulu faire triompher.
    « Recevez le saint Esprit ! Ceux à qui vous pardonnerez leurs péchés obtiendront le pardon ; ceux à qui vous refuserez le pardon ne l’obtiendront pas. » (v.23) Cette phrase est difficile. Elle n’est pas à comprendre dans le registre de la morale : « si je ne lui pardonne pas, il ne sera jamais en paix » non. Ici, il s’agit de l’annonce du pardon de la part de Dieu, de l’annonce que Dieu se réconcilie avec tous les humains, que sa porte est ouverte.
    Donc on peut reformuler la phrase ainsi : « Tous ceux à qui vous annoncerez le pardon divin, ils pourront l’obtenir, en profiter. Mais, tous ceux à qui vous ne l’annoncerez pas, ils ne pourront pas en profiter ; ils ne pourront pas en vivre, s’ils restent dans l’ignorance. »
    Nous avons de la chance, nous avons un beau message — de paix et de pardon — à transmettre. Mais nous avons aussi une grande responsabilité : faire entendre ce message pour que le plus grand nombre puisse choisir d’en profiter et d’en vivre. C’est notre responsabilité de croyant, c’est notre responsabilité d’Eglise.
    Aujourd’hui, une poignée d’hommes et de femmes dans notre paroisse est installée dans une fonction de conseiller(e) de paroisse. Comme conseiller(e) vous aurez des tâches pratiques et souvent terre à terre à effectuer pour diriger cette paroisse. L’important est de ne pas perdre de vue l’essentiel, la mission de l’Eglise que Jésus nous a donnée — à tous — d’apporter la paix dans les lieux où nous vivons et d’annoncer que le ciel a fait la paix avec la terre, que le pardon l’emporte toujours sur toutes les fautes et les désaccords. Dieu en a décidé ainsi et nous a envoyé Jésus pour nous le manifester.
    Paroissiens et paroissiennes, soutenez et encouragez ce Conseil, accompagnez-le dans cette mission qui est la mission de toute l’Eglise : faire la paix et annoncer le pardon de Dieu.
    Amen

    * Jean Zumstein, L’Evangile selon saint Jean (13—21), Commentaire du Nouveau Testament, Genève, Labor et Fides, 2007, p.285.


    © Jean-Marie Thévoz, 2014

  • Genèse 44. Joseph, artisan d'une réconciliation fraternelle

    Genèse 44
    23.7.2000
    Joseph, artisan d'une réconciliation fraternelle

    Genèse 44 : 1-34    Genèse 45:1-7
    téléchargez ici la prédication : P-2000-07-23.pdf


    Chers amis,
    Le plan qu'a mis en place Joseph pour éviter la famine en Egypte, après les rêves de vaches grasses et de vaches maigres du Pharaon, fonctionne à merveille. L'Egypte a des réserves. Le pays joue son rôle de grenier pour ses habitants, même pour ceux des pays voisins.
    C'est ainsi que les frères de Joseph viennent s'approvisionner en Egypte, par deux fois. Cependant, chaque fois, ils sont en butte à des tracasseries, ou même pire. Etrangers et vulnérables, loin de chez eux, ils sont accusés, d'abord d'être des espions, puis d'être des voleurs.
    Le récit souligne cependant deux choses à propos de ces accusations. D'abord, qu'elles sont fausses. Les dix frères sont innocents, ils sont faussement accusés. Ensuite que ces accusations sont montées de toutes pièces par Joseph. C'est lui qui tire les ficelles. Il manipule ses frères. Alors, on peut se demander : Pourquoi Joseph fait-il cela ? Est-il sadique ? Cherche-t-il à se venger de ses frères ?
    On connaît assez bien ce mécanisme aujourd'hui, où celui qui a été victime répète la même violence, soit en retour contre les mêmes personnes, sous forme de vengeance ouverte (voire ce qui se passe au Kosovo où les victimes deviennent si facilement des bourreaux), soit contre d'autres personnes, sans même le savoir comme le font les victimes de violence ou d'abus. Ainsi, en filigrane, le récit attire notre attention sur le risque du phénomène de répétition : Joseph ne le fait-il pas deux fois, lors de chaque voyage ? C'est peut-être le côté ombre de Joseph ! Il ne peut s'empêcher d'être violent à son tour.
    Mais le texte ne s'arrête pas là. Ces pièges que dresse Joseph contre ses frères ont aussi une valeur de test. Joseph veut se rendre compte dans quelle mesure l'attitude de la fratrie est restée celle du temps de son expulsion, ou si cette attitude a changé. "Joseph soumet ses frères coupables [envers lui] en somme, à une tentation qu'ils connaissent bien puisqu'ils y ont déjà succombé [une fois], celle d'abandonner impunément le plus jeune et le plus faible d'entre eux."*
    Dans son deuxième piège, Joseph, d'abord par l'intermédiaire de son intendant, puis de sa propre bouche, propose une solution simple à ses frères pour s'en sortir :

    "le coupable seul deviendra mon esclave; les autres seront libres" (Gn 44:10 et 17)
    Les frères peuvent sauver leur peau, se sortir de cette situation périlleuse s'ils abandonnent leur jeune frère ! C'est là le test. Vont-ils choisir la lâcheté ou la solidarité ? D'un côté, il y a le chemin de la répétition du mal et de la culpabilité; de l'autre, il y a le difficile chemin de risquer de perdre sa liberté pour sauver l'unité de la fratrie, pour sauver la relation et la vérité de la relation.
    C'est Juda — au nom de tous ses frères probablement — qui affronte l'égal de pharaon et tente de sauver Benjamin. Il a choisi la voie de la solidarité. Il est prêt à prendre la place de Benjamin, comme esclave, plutôt que de l'abandonner en Egypte et provoquer la mort de leur père !
    Les paroles de Juda sont celles qu'attendait Joseph ! Ses frères ont changé, découvre-t-il. Ils ont renoncé à leur attitude passée, ils sont devenus une vraie fratrie, il ne reste qu'à y réintégrer Joseph lui-même. L'heure de la réconciliation a donc sonné, heure de la révélation, du dévoilement de l'identité de ce premier ministre.
    Joseph peut pardonner pleinement à ses frères et vivre une vraie réconciliation avec eux. Il peut évoquer le passé avec eux, sans ressentiment, sans rancune. La fraternité l'a emporté sur la haine.
    Joseph va faire lui-même une relecture de sa propre histoire, non pas en termes de victime, mais avec les yeux de Dieu :

    "Dieu m'a envoyé dans ce pays avant vous, pour que vous puissiez y avoir des descendants et y survivre; c'est une merveilleuse délivrance." (Gn 45:7)
    Pas facile de relire sa propre histoire, notre propre histoire, avec ses hauts et ses bas, comme l'histoire que Dieu lui-même a dessinée pour notre vie. Certaines choses restent longtemps incompréhensibles, et pourtant, notre vie a-t-elle plus de sens si nous n'y voyons pas la main de Dieu ? Combien de coïncidences, de rencontres, d'événements ne viennent-ils pas s'intégrer dans notre vie au bon moment, comme une réponse, comme un stimulant à avancer, à découvrir une nouvelle dimension, une nouvelle direction à notre vie ?
    Une personne me disait lors d'une visite à l'hôpital : "Quand je regarde ma vie, je vois la synchronisation que Dieu met dans mes rencontres... comme il me prépare à ce qui va arriver..." Il appelait cela de la synchronisation. Combien de choses viennent à point nommé ? Savons-nous les recevoir, les interpréter comme un signe de la Providence ?
    Voir comment Dieu agit dans nos vies, nous aide également à pardonner à ceux qui nous ont fait du tort, comme Joseph le dit à ses frères :

    "Ne vous tourmentez pas et ne vous faites pas de reproches pour m'avoir vendu ainsi. C'est Dieu qui m'a envoyé ici à l'avance, pour que je puisse vous sauver la vie"
    (Gn 45:5)
    Joseph, d'abord figure du Messie rejeté, abaissé, devient le Messie qui sauve l'humanité de la mort, de la pénurie, puis, ici, finalement celui qui, par d'étranges détours — des pièges au pardon — inaugure une réconciliation fraternelle qui met fin à toute violence.
    Le repas des retrouvailles, de la paix et de l'entente peut avoir lieu, anticipation et actualisation du repas du Royaume auquel Dieu nous invite tous, sans exclusion.
    Amen

    * Citation de : René Girard, Je vois Satan
    © Jean-Marie Thévoz, 2013