Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

parole

  • Le Sermon sur la Montagne (IV) : Un être de parole

    Matthieu 5
    10.7.2016
    Le Sermon sur la Montagne (IV) : Un être de parole
    Juges 11 : 29-40      Matthieu 5 : 33-37


    Télécharger le texte :  P-2016-07-10.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Voulez-vous un exemple laïc d’une déchristianisation qui me semble bien plus problématique que les églises qui se vident (soi-disant) ?
    Vous avez tous en mémoire l’évocation de la poignée de main entre acheteurs et vendeurs, poignée de main qui scelle la vente d’un char de blé ou de quelques vaches sur un marché vaudois. Cette poignée de main qui garantit l’échange et la validité des paroles échangées.
    Aujourd’hui les conditions générales comportent des pages et des pages de petites lettres, sans parler des contrats de licence et règles de confidentialité qu’il faut approuver d’un clic pour tout téléchargement ou achat sur Internet.
    Jésus avait-il prévu tout cela dans son enseignement du Sermon sur la Montagne ? En tout cas il parle des serments. Cela comprend les vœux, les contrats, les serments et les jurons.
    Les techniciens du langage d’aujourd’hui parleraient de « paroles performatives », c’est-à-dire des paroles qui ont des effets concrets dans la réalité. Lorsqu’un président de séance déclare « le vote est clos », et bien plus personne ne peut arriver et ajouter son vote. Quand le pasteur prononce les paroles du baptême, l’enfant est baptisé. Les paroles, nos paroles, transforment la réalité, c’est pourquoi il faut les prendre au sérieux et les manier avec précaution. Dans certaines circonstances, avec certaines formules « top-là », « pari tenu », « marché conclu », « adjugé », la parole atteste, la parole certifie, la parole conclut, et ajoute-t-on : « cochon qui s’en dédit » !
    C’est cette importance de la parole dite, de la parole donnée, que relève Jésus dans cet antithèse du Sermon sur la Montagne. Il est conscient du poids de la parole et donc de l’enjeu et des risques que comportent ces serments.
    Le terrible exemple de Jephté dans le livre des Juges nous le montre : un serment est extraordinairement dangereux. Le serment engage (en positif aussi : pensez au oui du mariage !).
Jephté se lance dans un serment pour gagner une guerre. Et — pour son malheur— il la gagne. C’est la malheureuse expérience de Jephté qui s’est lancé dans un marchandage avec Dieu et qui se trouve enfermé dans son propre piège.
    Face à cela, Jésus dit : ne faites pas de serment, ni par le ciel ni par la terre ni sur votre tête. Ces serments déshonorent Dieu — c’est penser qu’il peut être acheté — et vous engage sur des enjeux qui ne vous appartiennent pas, vous n’êtes même pas maître de la couleur (naturelle !) de vos cheveux, encore moins de votre vie ou de celle des autres.
    Le serment est trop risqué, il nous dépasse, il nous embarque, ce n’est pas raisonnable, mais plus encore c’est hors de notre portée. Dans le serment, ou le vœu, ou le contrat, c’est tout le langage qui est engagé, c’est donc toute la communauté humaine qui est embarquée. Et, le plus grave, c’est Dieu qui est — au minimum — pris à témoin — au pire — prétendument lié par le contrat.
    Ce lien est plus visible en grec où le terme « logos » signifie aussi bien le langage, la parole avec « p » minuscule que la Parole avec « P » majuscule et donc Dieu lui-même (Jn 1:1). Dans le serment, c’est tout le « logos » qui est pris en otage. C’est le langage, la communication et la parole qui sont pris en otage.
    C’est le propre des lois, règlements et contrats, que tous les mots soient définis, pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté. C’est justement ce que Jésus dénonce : l’ambiguïté. C’est pourquoi il propose de sauver le langage, la communication, la parole (logos) en proposant que notre oui soit oui et que notre non soit non, sans ambiguïté.
    Le langage est le propre de l’être humain, dit-on. Le langage est également la base, le fondement de la vie communautaire, du vivre ensemble. On doit pouvoir se comprendre. On doit pouvoir convenir des choses ensemble. On doit pouvoir se mettre d’accord pour vivre ensemble. Et pour cela, il faut que notre langage soit clair, compréhensible, et que nous ayons les mêmes références. Ce besoin se traduit en termes d’intégrité, d’honnêteté, de clarté, de franchise.
    Cela commence dans le rapport à soi-même. Devant le logos, c’est-à-dire devant le langage, devant Dieu, comment pouvons-nous penser que Dieu ne connaisse pas d’avance toutes nos « petites lettres » ? Comment penser que Dieu peut se laisser entraîner dans nos petites combines ou nos grands marchandages par nos vœux ?
    La relation à Dieu, nous dit Jésus, n’est pas de cet ordre. La relation à Dieu, c’est l’occasion de nous regarder nous-mêmes avec les yeux de Dieu, sans nous mentir à nous-mêmes, sans esquiver les problèmes, sans se cacher la réalité et malgré tout porter sur soi un regard bienveillant. Jésus nous invite à porter un regard vrai sur nous-mêmes. Être vrai pour être bien et pour être libre, parce que le mensonge sur soi c’est une forme d’esclavage, de servitude.
    Ensuite cette antithèse va plus loin que les vœux et les serments. C’est un style de vie qui est proposé. C’est un style de société qui est proposé. Jésus mise sur l’honnêteté de chacun, sur l’intégrité de chacun, sur la droiture de chacun. Cette droiture individuelle est la base de la confiance communautaire. La poignée de main qui scelle un contrat, c’est le signe de la confiance mutuelle dans la droiture individuelle que chacun se reconnaît.
    Cette droiture se marque par la cohérence entre le dire et le faire. Et en cela Jésus est exemplaire. Il a mis un point d’honneur à rendre son enseignement et sa vie absolument cohérents. Par exemple, son enseignement sur le renoncement à la violence et sur l’amour de l’ennemi, Jésus l’a vécu jusqu’à la mort sur la croix. En cela il a véritablement accompli sa vocation.
    Lorsque Jésus dit « que votre oui soit oui et que votre non soit non » (Mt 5:37), il nous appelle à vivre pleinement notre vocation d’êtres humains. Jésus valorise là ce qu’il y a de plus propre à l’être humain et ce qui le rapproche le plus de Dieu : la parole. Plus notre parole est vraie et plus nous sommes vrais et authentiques, plus nous serons profondément humains et plus nous accomplissons notre vocation d’êtres humains.
    C’est à cela que Jésus nous appelle : à être de parole, à être des êtres de parole, dans chaque mot que nous prononçons, dans chaque geste que nous effectuons, dans chaque relation que nous entretenons, dans chaque pensée que nous développons dans notre être intérieur. C’est à cela que Jésus nous appelle : être un être de parole pour accomplir notre vocation d’être humain.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2016

  • Marc 6. La mort de Jean-Baptiste : sans cesse la Parole de Dieu ressuscite !

    Marc 6
    19.2.2006
    La mort de Jean-Baptiste : sans cesse la Parole de Dieu ressuscite !
    Gn 3 : 1-13 Mc 6 : 14-29

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    En quoi l'Evangile — la bonne nouvelle — est-elle annoncée dans le récit de la mort de Jean Baptiste ? C'est sûrement à cause de cette difficulté que ce texte n'est pas inscrit au lectionnaire et rarement choisi pour le culte. Cependant, il est d'une grande richesse — même s'il est vraiment macabre !
    Ce récit est placé dans un chapitre qui tente de cerner l'identité de Jésus. Il y a la prédication à Nazareth où Jésus n'est pas cru. Il y a la multiplication des pains, un miracle qui assimile Jésus aux prophètes Elie et Elisée (1 R 17:10-16; 2 R 4:42-44). Jésus est revêtu de la puissance divine lorsqu'il marche sur l'eau et identifié au messie dans son pouvoir de guérison.
    Ce chapitre donne quelques réponses aux questions qui ouvrent notre récit : Jésus est-il Jean Baptiste ressuscité ? Est-il Elie ? Est-il un prophète ? Mais que vient faire le récit de la mort de Jean Baptiste dans cette quête d'identité ?
    Je crois qu'il est une sorte d'avertissement, de contre-point pour ceux qui veulent s'enthousiasmer. C'est une sorte de première annonce de la Passion. Attention : Jésus est le Messie, il guérit, il nourrit, il domine la mort (c'est le sens symbolique de la marche sur l'eau), mais rappelez-vous le sort des vrais prophètes ! Voyez ce qui est arrivé à Jean Baptiste ! C'est ce que va vivre Jésus aussi ! Et cela dit aussi — aux premiers chrétiens qui lisent cet Evangile — que c'est aussi le sort des témoins. Ce n'est pas pour rien que ce récit est encadré par l'envoi des Douze en mission (Mc 6:7-13) et leur retour (Mc 6:30).
    Le témoignage, l'annonce de la Parole, le rappel de la Loi divine entre directement en conflit avec les pouvoirs du monde et ceux-ci réagissent brutalement "depuis la fondation du monde" (Lc 11:50). En effet, ce qui est mis en scène dans ce récit de la mort de Jean Baptiste, c'est la répétition incessante du péché originel, mis en acte sous la forme du meurtre du juste.
    Je suis d'accord que le rapport entre le péché d'Adam et Eve et notre récit n'est pas évident, mais je vais vous le montrer. Ce qui m'a mis sur cette piste, c'est la circulation, d'une part de la demande de la tête de Jean Baptiste, puis la circulation en sens inverse de la tête de Jean Baptiste, d’autre part. Je relis une partie du texte :

    "La jeune fille sortit donc et dit à sa mère : Que dois-je demander ? Celle-ci répondit : La tête de Jean Baptiste. La jeune fille se hâta de retourner auprès du roi et lui fit cette demande : Je veux que tu me donnes tout de suite la tête de Jean Baptiste sur un plat !" (v. 24-25).

    "Le soldat apporta la tête sur un plat et la donna à la jeune fille, et la jeune fille la donna à sa mère" (v. 28).
    La demande est prononcé par Hérodiade (la mère de la jeune fille, nommée Salomé par la tradition), dite à Salomé et transmise à Hérode. Ensuite la tête est apportée par le soldat (qui représente Hérode) à Salomé qui la donne à sa mère.
    C'est ce retour de la tête qui m'a fait penser à Genèse 3 et à l'épisode de la "pomme". Quand Dieu interroge Adam : "Aurais-tu goûté au fruit ?" il répond : "C'est Eve qui me l'a donné." Et lorsque Dieu se tourne vers Eve, elle répond : "C'est le serpent…"
    Et précédemment, nous retrouvons le trio dans l'ordre inverse : le serpent propose le fruit, Eve le prend et le passe à Adam. Le même trio, le même aller-retour. Hérodiade joue le rôle du serpent, elle est l'instigatrice rusée qui tend le piège. Salomé joue le rôle d'Eve, la femme manipulée. Hérode (ou son soldat qui le représente) joue le rôle d'Adam, l'homme faible — faible non pas dans le sens physique ou congénital, mais parce qu'il renonce à se servir de la Loi divine comme d'une colonne vertébrale. Je reviendrais sur cette faiblesse synonyme de péché.
    Ainsi donc, se rejoue — sur le mode du meurtre, comme en Genèse 4 avec Caïn et Abel — le péché originel. Personne n'est dupe, toute le monde voit et sait que l'exécution de Jean Baptiste est un mal. Pourquoi ajouter une référence au péché originel ?
    Je pense que c'est pour accentuer le lien entre Jean Baptiste et Jésus, et celui de Jésus avec tous les prophètes qui l'ont précédé, qui ont été des porteurs de la Parole de Dieu avant lui. Ce qui est en jeu, c'est la place de la Parole de Dieu dans le monde. Et le texte dit avec force : On peut tuer les prophètes les uns après les autres, toujours la Parole de Dieu revient !
    C'est ce que dit Hérode — sans en avoir conscience — lorsqu'il dit : "Ce Jésus, c'est Jean Baptiste ressuscité !" (Mc 6:16) Toujours la Parole ressuscite et revient, jamais la Loi de Dieu ne sera tuée ou abolie. Au contraire, chaque fois qu'un témoin (martyr) est tué, cela renforce la Parole, c'est-à-dire cela montre à quel point elle est vraie. Tout le mal qui s'ajoute renforce l'affirmation que le mal est mal. La croix sera la dénonciation absolue du mal et en cela l'antithèse du péché originel.
    Je reviens à ce que j'ai appelé "la faiblesse" d'Adam, qui — dans notre récit — est celle d'Hérode. Je crois que ce récit est aussi une sorte de parabole sur la force et la faiblesse : Qui est vraiment fort et qui est vaincu par sa faiblesse ? Hérode manifeste des signes de force, de puissance, vis-à-vis de son entourage et de ses convives. Il peut aller jusqu'à donner la moitié de son royaume sans avoir l'impression de s'affaiblir. Mais il se trouve complètement dépourvu, lorsqu'il est pris au mot et qu'on lui demande d'exercer sa puissance contre Jean Baptiste. Il n'a pas envie de tuer Jean Baptiste, alors pourquoi le fait-il, s'il est puissant ?
    Dans le vocabulaire de Paul, on dira qu'il est "l'esclave du péché". Ici, je dirai qu'il est faible, parce qu'il choisit de ne vivre que de ses propres forces. Et celles-ci ne sont rien face au piège du serpent. Sa faiblesse, c'est son illusion d'être puissant, même tout-puissant. Il est piégé et se voit forcé d'exécuter Jean Baptiste parce qu'il n'écoute pas les limites que place la Loi divine. Son illusoire toute-puissance lui souffle que — s'il est maître de son royaume — il est aussi maître de la vie de Jean Baptiste. C'est ce que sous-entend perfidement la demande d'Hérodiade. Or la Loi divine dit justement que la vie, que toute vie humaine, appartient à Dieu et à Dieu seul.
    Hérode n'entend pas la Parole divine qui pourrait le sauver de cette situation. Ne lui aurait-il pas suffit de dire à ses convives et à Hérodiade : "la vie appartient à Dieu, demande-moi quelque chose qui m'appartienne" pour sortir du piège ?
    Ce récit renvoie au péché originel pour illustrer ce qu'est le péché. Le péché, c'est tuer la Parole de Dieu en soi. Le serpent tuait la Parole de Dieu en la mettant en doute : "Dieu a-t-il vraiment dit…" Hérodiade tue la Parole en insinuant qu'Hérode est le maître de la vie et de la mort. Nous tuons la Parole en nous chaque fois que nous la mettons de côté pour — pensons-nous — nous sauver d'un mauvais pas, ne pas perdre la face, ou gagner un avantage sur les autres. En faisant cela, nous nous séparons de la force de la Vie.
    Sans la Parole de Dieu, l'être humain n'est que faiblesse, qu'une coquille vide, manipulable à merci. La Parole de Dieu, le Christ, nous sauve de cette faiblesse — de cet état de péché en termes théologiques. En cela, même de façon plutôt macabre, ce récit nous rappelle la bonne nouvelle du salut.
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.

  • Matthieu 7. Dépasser quelques obstacles qui rendent la prière difficile.

    Matthieu 7

    12.2.2006
    Dépasser quelques obstacles qui rendent la prière difficile.
    Luc 18 : 1-8 Mt 7 : 7-11


    Questions écrites par les catéchumènes à propos de la prière :

    Nous nous sommes posés quelques questions pratiques sur la prière :

    Pourquoi devons-nous assembler nos mains pour prier ?
    Pourquoi doit-on fermer les yeux et joindre les mains pour la prière ?
    Pourquoi doit-on dire « Amen » à la fin d’une prière ?
    Pourquoi suivant les religions on prie différemment ?
    Pourquoi des religions prient-elles en groupe ?

    Et puis quelques questions sur les effets de la prière :

    Quand on est plusieurs à prier, est-ce d’une plus grande valeur ?
    Pourquoi Dieu ne me fait-il pas faire des bonnes notes ?
    Est-ce que la prière peut faire revivre une personne disparue, morte ?
    Est-ce qu’une prière peut faire changer l’esprit d’une personne sur une chose ?
    Est-ce que la prière peut changer le cours de ma vie ?

    Enfin, des questions sur la communication avec Dieu :

    Est-ce que toutes les personnes peuvent entendre Dieu ?
    Est-ce que Dieu peut me répondre ?
    Est-ce que Dieu nous écoute tout le temps lorsqu’on prie ?

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aborder la question de la prière avec des adolescents n'est pas facile. En fait, je ne suis pas sûr que prier soit beaucoup plus facile pour des adultes, même si certaines questions, notamment pratiques, sont résolues. Je n'ai pas de "recettes" concernant la prière; je ne pense pas non plus être le détenteur des "bonnes" réponses aux questions que vous avez entendues. Les catéchumènes en ont sûrement découvert eux-mêmes dans leurs groupes. J'aimerais plutôt relever quelques obstacles à la prière qui appartiennent à notre société et à notre temps. Je vais illustrer ces obstacles par quelques petites histoires.

    Imaginez maintenant un alpiniste qui se prépare à escalader un sommet difficile dans les Alpes. C'est le soir, il vérifie son matériel dans la cabane qui va lui servir de point de départ. Il est concentré. Le gardien de la cabane vient vers lui et lui demande ce qu'il veut faire le lendemain. L'alpiniste lui nomme le sommet et lui dit en même temps ses craintes et son espoir d'y arriver. A ce moment, le gardien lui dit : " L'hélicoptère doit me livrer des marchandises demain. Si tu veux, il peut te déposer au sommet. Comme ça tu y seras et tu n'auras pas à avoir peur d'échouer !"

    L'attitude du gardien est celle de toute notre société : le bonheur, c'est d'atteindre le but sans effort. Et souvent nos prières reflètent cet état d'esprit. Nous demandons à Dieu d'aplanir les difficultés, de réaliser nos souhaits sans notre participation, sans notre engagement. Une partie de nous souhaite cela. Mais une autre partie voit que cela n'a aucun sens.
    Le projet de l'alpiniste n'est pas de poser le pied sur le sommet seulement. C'est le chemin qui est important. C'est la lutte, l'effort, le combat qui donne un sens à sa présence ensuite au sommet. Demander la réalisation de nos souhaits, c'est prendre Dieu pour le Père Noël. Prendre Dieu pour le Père Noël, c'est se priver du bonheur de faire le chemin soi-même, même si le chemin se révèle difficile. Le Père Noël donne le but sans le chemin, donc en fin de compte il nous prive de l'expérience de la vie. Ce serait comme recevoir un bébé sans vivre la rencontre amoureuse ! Ne nous laissons pas prendre dans l'illusion que le bonheur est dans le but. La vraie vie est dans le chemin.

    Un homme arrive au paradis. Il est fâché. Il dit à Dieu : "Toute ma vie j'ai prié pour gagner à la loterie et jamais tu ne m'as exaucé !" Dieu lui répond : "Tu aurais pu m'aider en achetant au moins une fois un billet, non ?"
    Qu'est-ce que je fais de mon côté pour que ma prière se réalise ?

    La prière, ce n'est pas donner des ordres à Dieu, ni le faire plier à force de paroles. Bien sûr, la prière peut être un cri (voyez les Psaumes) dans une situation d'impuissance totale : "Je suis perdu, viens à mon secours !" Dans ce cas la prière permet de situer Dieu (au-dessus de moi) et de me situer moi-même et de faire le point.

    Mais le plus souvent, la prière va nous révéler que là où nous nous sentons impuissants à faire quelque chose à l'extérieur, nous pouvons au moins commencer à le faire à l'intérieur de nous-mêmes ! Tout changement commence à l'intérieur de soi-même. Lorsque je demande que quelqu'un change, je peux me demander pourquoi ce qu'il fait me dérange tellement et voir en moi ce que je peux transformer pour faire bouger la situation. Puis-je demander à l'autre de pardonner (tolérer) mes défauts, si je ne pardonne (tolère) pas les siens ? Commençons par acheter ce fameux billet de loterie avant de nous plaindre de ne jamais gagner.

    Un homme raconte à ses amis son voyage dans le Sahara.
    — Et puis le 3e jour, je me suis perdu. Je ne retrouvais pas le campement. J'ai marché toute la journée, puis la nuit. Le jour suivant, j'étais désespéré, je n'avais ni eau ni vivres. J'étais sûr de mourir, alors je me suis mis à prier : « Seigneur, sauve-moi, sauve-moi ! » Un de ses amis l'interrompt et lui dit :
    — Alors Dieu a répondu à ta prière puisque tu es là aujourd'hui !
    Et lui de répondre :
    — Non, il n'en a pas eu le temps ! A ce moment-même j'ai aperçu une caravane qui surgissait de derrière la dune.

    La réponse à une prière restera toujours une question d'interprétation, une question de foi. On peut aussi bien évoquer l'intervention de Dieu que la coïncidence. Dieu ne s'impose jamais avec des preuves incontestables. C'est une question de confiance…
    Lorsque Jésus parle de la prière, il met en jeu la confiance que nous mettons en Dieu, et en l'homme ! Il décrit des situations humaines — bonnes ou mauvaises — un juge qui fait la sourde oreille ou des parents biens disposés envers leurs enfants. Et Jésus montre qu'avec des gens ordinaires on arrive à obtenir ce qu'on demande. Ce n'est pas la question de tomber sur une personne bonne ou sur la bonne personne.
    Alors, si l'on fait confiance dans la bienveillance fondamentale de Dieu à notre égard, nous pouvons nous risquer à demander, à prier ! Jésus nous appelle à faire confiance à Dieu, à sa bienveillance. Dieu n'est pas un obstacle, Dieu n'est pas un ennemi, il est là — dans sa grandeur — non pour faire les choses à notre place, mais pour être comme un entraîneur, un coach qui nous aide à aller au bout de nos possibilités.
    Que demanderions-nous à notre entraîneur pour améliorer nos performances, sachant que ce n'est pas lui, mais nous qui allons nous battre pour la médaille olympique, pour vivre vraiment notre vie ?
    Prions comme nous parlerions à notre entraîneur !
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.

  • Genèse 45. Joseph et ses frères, une histoire de réconciliation

    Genèse 45
    29.1.2006
    Joseph et ses frères, une histoire de réconciliation
    Gn 42 : 6-24 Gn 45 : 1-9 Rm 8 : 26-29

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Ce dimanche Terre Nouvelle, nous nous penchons sur deux pays voisins — entre eux — le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC). Ces deux pays ont fait la une de nos journaux depuis plusieurs années, la plupart du temps malheureusement pour des événements sanglants, génocide, guerre, déplacement de population, camps de réfugiés, guérilla, viols, etc…
    Cependant, même si les journaux en parlent moins, il y a aussi d'énormes efforts de réconciliation qui sont entrepris, notamment au Rwanda. Je n'ai pas la compétence pour vous parler des processus mis en place là-bas pour construire la réconciliation, mais je trouve que le roman autour de Joseph, dans le livre de la Genèse, est une histoire de réconciliation qu'il vaut la peine de regarder de plus près.
    Je ne prétends pas que cette histoire soit le modèle de toutes les réconciliations, mais elle offre une vision d'un parcours qui me paraît instructif. Il émane de cette histoire une vraie sagesse. Voyons cela !
    Vous connaissez les péripéties du début de l'histoire. Joseph, le 11e fis de Jacob se met à dos ses frères aînés en racontant des rêves où il les domine tous. Agacés et jaloux, ses frères veulent le tuer pour s'en débarrasser. Finalement, un peu calmé par un frère aîné, Joseph n'est "que" vendu comme esclave, mais déclaré mort à son père Jacob.
    En Egypte, Joseph — grâce au don divin d'interprétation des rêves qui lui avait valu son mauvais sort — devient premier ministre du pharaon. Il gère tous les greniers du pays. Un jour, il voit venir ses frères pour lui acheter du blé. C'est là que commence l'histoire de leur réconciliation.
    D'abord, il faut relever que cette réconciliation n'est pas donnée comme automatique ou évidente. Dans un premier temps elle va dépendre entièrement de Joseph. Lui seul reconnaît ses frères. Eux pas. Ils sont comme aveuglés. Comment pourraient-ils reconnaître dans l'homme d'Etat, second d'Egypte, le frère nu et misérable qu'ils ont vendu comme esclave ?
    Le récit nous a fait vivre les péripéties de Joseph, mais n'a rien dit de son parcours intérieur. Cependant, ce qu'on voit de lui, c'est un homme sûr de lui dans cette cour de pharaon, un homme reconnu et vénéré pour ses compétences de gestionnaire. C'est loin de l'image d'une victime (du sort ou des circonstances) qui en veut à tout le monde et cherche vengeance !
    Joseph nous apparaît comme quelqu'un qui a digéré ses revers, qui n'en veut plus à ceux qui lui ont fait du tort (et il n'y a pas que ses frères…). Il est pacifié à l'intérieur de lui-même. Cela ne veut pas dire qu'il est angélique et sans méfiance. Il reçoit ses frères avec une certaine rudesse qui relève de la distance de quelqu'un qui a déjà été échaudé. Avant de se dévoiler, il doit vérifier s'il peut ou non leur faire confiance. C'est de la simple prudence.
    Dans les dialogues qui s'instaurent entre Joseph et ses frères, on constate que c'est Joseph qui tient le couteau par le manche. Il a totalement quitté son rôle de victime, il n'a pas attendu de revoir ses frères pour cela, il n'a pas attendu une parole ou un geste de repentance de leur part. S'il avait attendu cela de ses agresseurs, il aurait maintenu vis-à-vis d'eux une dépendance, il serait resté dans son rôle de victime, il serait resté assujetti à leur bon vouloir.
    Il y a là l'idée intéressante que le sort, ou le sortir, du rôle de victime n'appartient absolument pas à ceux qui ont fait du tort, ou aux circonstances, ou à un jugement des coupables. Tout est entre les mains de Joseph. Tout est à l'intérieur de soi, c'est à chacun de choisir et décider de sortir de cet état. Il est clair que c'est plus facile si l'on peut s'appuyer sur des alliés bienveillant, notamment sur Dieu.
    Deuxième constatation, ce sont les frères qui vivent les affres de l'angoisse. Ce sont eux qui ont peur, qui ont honte, qui vivent la culpabilité. Entre eux, ils évoquent leur méfait et font le lien entre leur peur et le mal qu'ils ont commis. Sûr que cela fait du bien à Joseph de les entendre avoir des regrets et des remords. C'est un cadeau pour lui, mais nous avons vu que ce n'est pas une condition pour Joseph pour être en paix avec lui-même.
    Jusque-là, Joseph et ses frères ont parcouru des chemins séparés : Joseph a éteint en lui la rancune, les frères ont réalisé le mal qu'ils ont commis. Le chemin de la réconciliation peut commencer. On pourrait penser que ce chemin va se faire ensemble. Eh bien pas tout de suite. La mise à l'épreuve est encore un chemin séparé. Le récit nous rappelle que les dialogues se font au travers d'un interprète — qui occupe la place d'un médiateur. De fait, les frères ne reconnaissent toujours pas Joseph.
    Joseph est comme caché derrière le masque de sa fonction, cependant ce masque craque. Au fur et à mesure que Joseph découvre à quel point ses frères ont changé — à quel point ils sont unis et solidaires et ne laissent pas tomber celui qui doit rester en otage — Joseph est ému et pleure. Trois fois le texte souligne que Joseph pleure et doit se retirer (Gn 42:24; 43:30; 45:2) Enfin, Joseph, n'y tenant plus, il laisse tomber son masque et se dévoile à ses frères.
    La réconciliation se matérialise autour d'un repas partagé. Fête de retrouvailles où les rôles disparaissent, tous se retrouvent frères, enfants d'un même père. Et là se déroule la dernière étape de la réconciliation : la relecture de l'histoire de Joseph avec cette déclaration : "Ce n'est pas vous qui m'avez envoyé ici, mais Dieu." (Gn 45:8)
    Quelle confession de foi étonnante pour quelqu'un qui s'est retrouvé esclave et prisonnier avant d'être relevé ! "Ce n'est pas vous … mais Dieu !" Il n'y a pas de plus belle déclaration pour dire qu'il n'existe plus de rancune entre ces frères. C'est peut-être là le secret de Joseph, la force qu'il a utilisée pour sortir du rôle de victime dans lequel ses frères l'ont précipité : s'en remettre à Dieu dans une confiance totale.
    "Ce n'est pas vous … mais Dieu !" c'est une phrase de confiance totale en la Vie, en Dieu. Une phrase qui affirme que tous les événements peuvent receler un chemin, une voie vers le bien, vers le bonheur, même si l'on passe par des circonstances qui nous abattent.
    C'est cette même confiance totale qui se manifeste dans les paroles de l'apôtre Paul lorsqu'il affirme que "tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu" (Rm 8:28). Comment, dans notre vie, y compris lorsqu'on a été victime ou que l'on se sent victime, arriver à ce stade de sagesse ?
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.

  • Luc 2. Dieu vient habiter dans nos existences et y placer des signes.

    Luc 2
    24.12.2005
    Dieu vient habiter dans nos existences et y placer des signes.

    Lecture de Habacuc 1:12—2:3

    Voilà, c'est Noël ! C'est le temps de la joie, des cadeaux, des lumières. C'est un temps de fête, de réunions de famille, de réjouissances… Mais, il me semble qu'on gomme artificiellement une partie de la réalité, si on ne prend pas en compte la fatigue — par exemple de ceux qui ont travaillé dans les magasins jusqu'à 17h aujourd'hui. Ou bien la lassitude de ceux pour qui Noël, cette année, sera moins lumineux qu'auparavant.
    Je ne veux pas jeter un voile de tristesse sur la joie de Noël, mais qui peut dire qu'il n'a pas aussi un sentiment mitigé, partagé. Nous voudrions bien être complètement dans la joie, mais nous n'y arrivons pas. Il reste en nous-mêmes un lieu qui n'est pas comblé, une part toujours en attente du bonheur. Comment pourrions-nous être totalement joyeux alors qu'une grande partie du monde souffre ?
    C'est dans ce monde réel que le prophète Habacuc en appelle à Dieu ! Non, le monde n'est pas satisfaisant, notre vie ne nous comble pas, nous ne sommes pas totalement heureux. Toujours, nous avons cette impression qu'il nous manque quelque chose pour être heureux, parfois peu, parfois beaucoup.
    Noël ne vient pas gommer l'obscurité, effacer nos manques. C'est au cœur de cette réalité-là que Dieu vient faire retentir sa promesse : "Je viens habiter ce monde !" Tout ce que nous vivons, la routine conjugale, les conflits avec les enfants, ou les parents, la pénibilité du travail, la solitude de l'âge, tout cela, Dieu vient l'habiter de sa présence. La lumière vient briller dans les ténèbres.
    « Après la longue et sombre nuit, le ciel va rayonner » Cantique 263.
    * * *
    Lecture de Luc 1 : 46-55

    Jésus habite et grandit dans le ventre de Marie. Dieu vient habiter et grandir dans nos existences. Dieu se fait une place dans la vie réelle des humains. Le Vivant, la Vie, nous rejoint.
    Le cantique de Marie exprime la joie de recevoir ce cadeau de Dieu. Rendez-vous compte, Il s'abaisse jusqu'à notre petite personne pour y déposer la Vie, venir y habiter et grandir en nous.
    Nous aurions tellement voulu nous élever jusqu'à Dieu, trouver le moyen de lui plaire pour qu'il nous aime — n'est-ce pas ce que nous faisons constamment face aux autres dans notre vie ? — pour être aimés. Mais non, c'est lui qui — le premier — pose un regard sur nous.
    Il pose un regard sur nos vies, sur le concret de nos vies ! Sur nos relations à nos enfants ou à nos parents; sur notre travail ou notre mariage; sur notre solitude ou nos engagements. Il pose un regard, il vient y habiter et il les transfigure, il les transforme.
    Comme vous l'avez entendu, Dieu vient bouleverser nos hiérarchies, renverser nos situations :

    "Il renverse les rois de leurs trônes,
    il donne un place élevée aux humbles.
    Il accorde des biens en abondance à ceux qui ont faim,
    il renvoie les riches les mains vides." (Luc 1:52-53).
    En posant un regard sur nos vies, Dieu rétablit les valeurs, il remet l'essentiel à la première place, il nous confronte à nos blocages, à nos entraves, à nos inachèvements pour nous élever. En ce Noël, Dieu vient habiter chacun de nous. Dans notre vie, dans notre existence concrète, il vient mettre sa Vie pour qu'une partie oubliée, négligée ou morte de nous-mêmes revienne à la vie.
    Je vous invite à méditer — pendant le silence qui suit — quelle partie de vous Dieu peut faire revenir à la vie, peut féconder.
    Silence, puis cantique 261, « L'enfant qui naît à Bethléem »
    * * *
    Lecture de Luc 2 : 1-19

    Croyez-vous qu'il a été facile pour les bergers de croire le message transmis par les anges ?
    Croyez-vous qu'il a été facile pour Marie et Joseph de comprendre que leur nuit dans l'étable était un grand miracle et une bénédiction pour l'humanité ?
    Nous sommes tellement habitués à ce récit que nous ne voyons plus la réalité tellement les signes sont devenus envahissants. Les signes du mystère sont devenus plus grands que l'événement. On voit davantage les lumières et les paillettes que l'épaisseur du réel : le froid de la nuit, le risque d'un accouchement et la démangeaison de la paille !
    N'est-ce pas l'inverse dans nos vies ? Osons-nous seulement penser que nos vies sont parsemées de signes qui marquent le passage de Dieu ? Saurons-nous faire de nos vies des récits de Noël, c'est-à-dire oser faire la lecture des signes que Dieu y sème ?
    Noël, c'est l'affirmation que les signes de Dieu ne restent pas dans le ciel, dans les étoiles, mais qu'ils sont inscrits dans la réalité terrestre de nos vies, et de nos vies toutes simples, toutes humbles ou souffrantes.
    Dans une paroisse de Lausanne, le pasteur a proposé aux catéchumènes d'être — pendant un trimestre — l'ange d'un autre catéchumène. Mais cela devait se faire dans le secret, dans la discrétion. L'ange ne devait pas se révéler comme tel, mais laisser quelques signes à reconnaître. A chacun de trouver ces signes et peut-être de reconnaître son ange gardien.
    On peut imaginer à quel point l'atmosphère du groupe s'en est trouvée transformée ! Comment cela serait-il à l'échelle de la paroisse, du village, du canton, du pays, du monde ?
    Quelle joie de recevoir un signe, même anonyme ! Quelle joie dans le déploiement d'ingéniosité pour placer un signe sans être découvert !
    Dieu a placé un signe dans la crèche et bien d'autres encore dans chacune de nos vies. Alors, partons joyeusement à leur découverte !
    * * *
    Prions
    Nous avons besoin, Seigneur, de signes quotidiens qui relèvent notre tête vers la lumière.
    Comment pourrions-nous avancer dans la vie sans personne qui nous encourage à progresser ?
    Comment pourrions-nous aimer, sans recevoir, au milieu de nos jours, des gestes de tendresse et d'offrande ?
    Comment pourrions-nous croire, Seigneur, sans rencontrer au long du chemin une communauté qui révèle ta présence ?
    Comment pourrions-nous espérer sans la passion de ceux qui — malgré les échecs et les doutes — réveillent en nous l'enthousiasme des rêves à réaliser ?
    Seigneur, fais-nous prendre conscience des signes disposés dans notre vie et qui nous appellent à mener notre existence humaine à la clarté de l'évangile de Jésus de Nazareth, Lui, le signe de Dieu venu parmi les hommes.
    Amen

    © 2005, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.

  • Matthieu 1. Trois naissances marquées par la main de Dieu.

    Matthieu 1
    4.12.2005
    Trois naissances marquées par la main de Dieu.
    Ex 2 : 1-10 Jg 13 : 1-5+24-25 Mt 1 : 18-25


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    La Bible nous rapporte plusieurs récits de naissances au fil de ses pages, plusieurs témoignages de personnages qui confessent que Dieu les a choisis dès le sein de leur mère, dès leur naissance, comme Jérémie (Jr 1:5) ou l'apôtre Paul (Ga 1:15).
    C'est une démarche fréquente — lorsque quelqu'un devient célèbre — de chercher dans sa vie, dans son enfance, ou même dès sa naissance, des signes annonciateurs de son "génie." Ainsi on a été rechercher les carnets scolaires d'Albert Einstein, ou les dessins d'enfant de Picasso ou de Paul Klee; peut-être va-t-on rechercher les premières dictées que Bernard Pivot a écrites à l'école ?
    Après coup, on remonte le temps pour chercher l'origine du caractère particulier de la personne. On pense, en effet, qu'un personnage extra-ordinaire doit avoir eu une naissance ou une enfance extra-ordinaire.
    Dans la Bible, dans les récits de naissances, on trouve trois sortes de "marques," de "types" de naissances extraordinaires.
    A. En premier lieu, il y a les annonces de naissance. Un messager de Dieu, un ange, vient prévenir les parents. C'est le cas pour Samson — l'homme qui tirait la force de ses cheveux — dont la naissance est annoncée par "l'ange du Seigneur" à sa mère. C'est aussi le cas pour la naissance d'Ismaël, d'Isaac et de Jean-Baptiste.
    B. En deuxième lieu, il y a les naissances impossibles. Souvent, elles ont été accompagnées d'une annonce. Ce sont des naissances que j'appelle "impossibles" parce que les parents sont stériles ou trop âgés. elles sont impossibles aux yeux des humains, mais réalisables par Dieu. On retrouve Isaac et Jean-Baptiste, auxquels on peut ajouter Samuel. Certaines femmes passent par des stérilités temporaires comme Rébecca ou Rachel.
    C. Enfin, en troisième lieu, il y a les naissances d'enfants qui échappent à un décret de mort. C'est le cas de Moïse "sauvé des eaux", mais surtout sauvé du décret du pharaon qui voulait que tous les nouveaux-nés mâles du peuple hébreu soient tués à la naissance.
    Maintenant, lorsqu'on lit — dans les Evangiles de Matthieu et de Luc — les récits autour de la naissance de Jésus, on s'aperçoit que les trois types de récits de naissance ont été appliqués à celle de Jésus.
    A. Joseph, chez Matthieu, Marie, chez Luc, reçoivent d'un ange l'annonce de la naissance de leur enfant.
    B. La naissance de Jésus est une naissance "impossible" puisque Marie est vierge et que Marie et Joseph ne se sont point encore connus, selon la terminologie biblique (Mt 1:25, Luc 1:34).
    C. Enfin, dans l'Evangile de Matthieu, Jésus échappe au Massacre des Innocents commandé par Hérode. Ici le parallèle avec Moïse est frappant.
    Chacun de ces types de signes — déjà séparément — montre que la main de Dieu est posée sur ces enfants. Ensemble, ces signes accumulés sur Jésus indiquent que Jésus a un statut particulier dans le cœur de Dieu, ce qu'on a traduit dans notre langage en disant : Jésus est le fils de Dieu.
    Oui, la main de Dieu repose spécialement sur Jésus. La résurrection après la croix a été le début de la révélation de ce lien particulier entre Dieu et Jésus. A la lumière de la résurrection, il a été possible de voir la Passion du Christ sous une lumière nouvelle, puis de comprendre les signes parsemés tout au long de son ministère, depuis son baptême par Jean-Baptiste.
    Et quelques-uns des évangélistes ont voulu montrer que Dieu avait un lien intime et particulier avec Jésus depuis son origine. Matthieu et Luc font remonter ce début à l'annonce de la naissance, voir plus haut, puisque chacun d'eux donne une généalogie de Jésus. Matthieu remonte jusqu'à Abraham, Luc jusqu'à Adam. L'évangéliste Jean place même ce lien avant la création lorsqu'il dit : "Au commencement était la Parole (=Jésus) et la Parole était auprès de Dieu" (Jn 1:1).
    Ces récits sont donc des réflexions sur la question : d'où vient vraiment Jésus ? d'où et de qui lui vient qu'il nous montre si bien qui est Dieu ? Et la réponse, ou plutôt les réponses, ne peuvent pas mieux faire que de pointer Dieu lui-même. Jésus vient de Dieu, il révèle Dieu lui-même.
    Ces questions sur les origines de Jésus nous pouvons aussi nous les poser à propos de nous-mêmes. Que s'est-il passé "au début" pour que je sois maintenant qui je suis ? D'où me vient ma personnalité ? Il y a beaucoup de pistes à suivre dans cette quête :
    - l'arbre généalogique : qu'ai-je reçu de mes parents et de mes ancêtres ?
    - mes parrains et marraines, au sens large des personnes qui ont veillé sur moi et m’ont marquées,
    - mon milieu (histoire et géographie),
    - mes décisions personnes, et si l'on pousse assez loin l'introspection on va s'apercevoir que certaines décisions remontent tôt dans l'enfance, (par exemple pour certains choix professionnels),
    - et puis les événements, les circonstances qui ont bouleversés nos vies,
    - enfin, dernier sur ma liste, mais pas le moins important, quelle trace puis-je découvrir dans ma vie de la main de Dieu ? de l'ange du Seigneur ?
    Toute vie compte aux yeux de Dieu, toute vie est dans le creux de sa main. Que puis-je voir de sa présence ?
    Dans ce temps de l'Avent, de l'attente impatiente de la venue de Jésus à Noël, voulons-nous accueillir davantage "la main de Dieu", "l'ange du Seigneur" ? L'accueillir par la reconnaissance de la place qu'il a dans notre vie ? L'accueillir pour lui laisser une place de guide, de conseiller dans notre vie — au travers de la prière ?
    Se préparer à Noël, à la venue de Jésus, ce n'est pas seulement attendre qu'il fasse quelque chose dans le monde, c'est l'accueillir dans sa vie personnelle, pour qu'il soit un compagnon sur notre route, pour qu'il soit un guide dans notre vie et dans celle de nos enfants dès leur naissance, dès leur enfance, pour qu'ils puissent voir dans leurs vies les traces de sa présence. Dans ce temps de l'Avent, laissons-nous saisir par la main de Dieu.
    Amen

    © 2005, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.