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k) Matthieu - Page 5

  • Matthieu 28. Comment nourrir l'âme de nos enfants ?

    Matthieu 28
    7.10.2012
    Comment nourrir l'âme de nos enfants ?

    Dt 6 : 4-7    Matthieu 28 : 16-20

    Téléchargez la prédication ici :P-2012-10-07.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, 
    La semaine dernière, je suis tombé sur un article dans 24Heures qui avait pour titre : "Les jeunes baissent les bras face à l'adversité." (27.9.2012, p.29) Une enquête, menée sur Vaud et Genève, montrait que la plupart des jeunes — lorsqu'ils affrontent une situation difficile — sont résignés, ils ressentent un sentiment d'impuissance, d'absurdité et de solitude. Ils se sentent démunis, découragés.
    Je retiens le sentiment d'impuissance et la solitude. D'où cela vient-il ? Certainement qu'une part vient de la situation de notre monde. Tout est globalisé et cela donne le sentiment que notre sort se joue ailleurs et que nous avons bien peu d'influence sur les grands problèmes de ce monde — la finance, la crise, le climat etc…
    Cependant, les générations précédentes — et je pense à celles qui ont traversé la Première et la Seconde guerre mondiale — n'avaient pas plus de prise que nous sur les événements mondiaux. Malgré tout, ils gardaient espoir et n'ont pas baissé les bras !
    Qu'est-ce qui a changé entre les grands-parents d'alors et les jeunes d'aujourd'hui ? 
    Entre toutes les choses qui ont changé, et elles sont nombreuses, je vais choisir l'éducation. Avant la généralisation de l'école, les enfants apprenaient à imiter les gestes des parents et reprenaient le métier familial. Le fils du boulanger devenait boulanger.
    Avec l'école, on s'est mis à apprendre des contenus, des données : les langues, les dates importantes de l'histoire, les tables de multiplications,  des poésies. Il fallait accumuler du savoir.
    Aujourd'hui, avec Internet, il devient plus important de savoir où chercher et trouver les données, sans les accumuler. Mes numéros de téléphones sont dans mon portable, plus dans ma tête. 
    Je n'ai rien contre cette évolution du savoir lorsqu'il concerne le cerveau. Par contre, je pense que cela commence à poser un problème sérieux en ce qui concerne l'âme. Quand je parle d'âme, c'est un raccourci commode pour parler de la personnalité, du sentiment d'être, d'être une personne, de vivre une vie qui a du sens.
    Ce sens, le sens de l'existence, nous avons à le construire en nous-mêmes et par nous-mêmes. Nous ne pouvons pas aller le chercher sur Internet. Le sens de notre existence ne se trouve pas à l'extérieur de nous-mêmes. Notre personnalité — notre sens d'être un tout — doit être à l'intérieur de nous-mêmes. L'iCloud convient à l'ordinateur, Internet convient au cerveau, mais pas à l'âme.
    Pour avoir le sentiment que notre vie a un sens, nous devons pouvoir raconter notre vie comme une histoire qui a du sens, qui fait sens, où les différents épisodes de notre vie se tiennent, sont liés par quelque chose.
    Le Christianisme propose de voir sa vie tenue entre les mains de Dieu, d'un Dieu aimant et bienveillant, d'un Dieu qui nous aide à porter ce que nous devons porter et qui porte à notre place ce qui est insupportable. Un Dieu qui a vécu une vie humaine pour savoir de l'intérieur de quoi il s'agit et qui nous dit, au moment de repartir : "Je suis avec vous, tous les jours, jusqu'à la fin des temps." (Mt 28:20)
    Je crois que pendant ces 20 ou 30 dernières années, il y a eu un déficit dans la transmission de ce message de confiance et d'espoir. En ne parlant plus aux enfants de ce "Dieu avec nous" on a fait passer ce message implicite : Vous êtes seuls dans l'univers. Il n'y a personne à appeler au secours. Il n'y a personne qui puisse vous venir en aide.
    Cela n'aide pas à vivre. Cela n'aide pas à avoir confiance, ni à chercher de l'aide. Cela n'aide pas à garder l'espoir. Pas étonnant, dès lors, que les jeunes élevés ainsi baissent les bras devant l'adversité. On ne leur a pas permis d'avoir accès à la source de l'espérance. On les a privés de secours, on les a privés d'une source d'expérience : je veux parler des histoires bibliques.
    Nous avons vu que le sens de notre existence vient de la possibilité de raconter sa propre histoire comme un récit où les épisodes sont liés les uns aux autres par quelque chose qui leur donne une direction, un sens.
    Les histoires de la Bible — mais on peut y ajouter la mythologie ou les contes — sont un trésor d'expériences humaines qui disent comment avant nous, d'autres personnes ont surmonté leurs difficultés. Pensez à Joseph vendu par ses frères comme esclave, qui se retrouve intendant du palais de Potifar, puis jeté en prison sur une accusation fausse et qui rencontre en prison celui qui va le faire connaître au Pharaon, qui le nommera Premier ministre (Genèse 37—45). Ou l'histoire de Daniel dans la fosse aux lions (Daniel 6).
    Des histoires riches en symboles qui disent que nous sommes gardés, accompagnés, guidés. Ces histoires — racontés aux enfants — nourrissent leurs âmes d'expériences qui donnent espérance et confiance. Des histoires qui disent que lorsque nous nous sentons impuissants, Dieu prend le relais. Ce n'est pas à nous de sauver le monde, nous avons juste à faire notre petite part de travail.
    Parents, grands-parents, vous n'avez plus à faire l'école à vos enfants ou petits-enfants, mais vous avez à nourrir leur âme, à enrichir leur être, leur personnalité. Racontez des histoires — celle de votre famille, celles de la Bible, celles des contes — racontez des histoires qui vont devenir une bibliothèque mentale d'expériences humaines dans laquelle vos enfants et petits-enfants pourront puiser, au fur et à mesure de leur croissance.
    Ils auront ainsi une réserve d'histoires pleines de sens pour affronter l'adversité sans baisser les bras. Dans l'impuissance, ils se sauront secourus, dans la solitude, ils se sauront accompagnés. Transmettons ensemble la promesse de Jésus "Je suis avec vous, tous les jours, jusqu'à la fin des temps."
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Matthieu 2. Trois cadeaux : symboles de la vie, de la rencontre et du don.

    Matthieu 2
    24.12.2011
    Trois cadeaux : symboles de la vie, de la rencontre et du don.
    Matthieu 2 : 1-12

    Pour télécharger la prédication : P-2011-12-24.pdf

    Les mages sont partis d'Orient pour porter à Jésus leurs cadeaux. Trois cadeaux pour signifier le mystère de Noël : l'or, l'encens et la myrrhe. Trois cadeaux pour dire ce que l'humanité peut apporter à Dieu, peut déposer devant lui.
    Trois cadeaux pour dire, en retour, ce que Jésus le Christ apporte à l'humanité. Trois cadeaux symboles de la vie, de la rencontre et du don. Trois cadeaux symboles de ce qui est échangé à Noël, symboles de ce que nous pouvons donner et de ce que Dieu nous donne en cette nuit de Noël.
    *   *   *
    Commençons par la myrrhe. La myrrhe est une résine amère. Elle vient d'une plante médicinale. Elle était utilisé comme médicament, comme aphrodisiaque et pour les embaumements. Cette plante aurait poussé au paradis, elle évoque donc l'état originel, la vie avant l'état mortel.
    La myrrhe a donc affaire avec les blessures de la vie et avec le retour à la vie, avec notre finitude et notre aspiration à l'éternité.
    En offrant la myrrhe à Jésus, les rois mages déposent devant lui toutes les blessures de nos vies, toutes nos pertes, nos deuils, nos manques. Nous pouvons déposer devant le Christ toutes nos douleurs, toutes nos souffrances, toutes nos blessures, nos remords et nos erreurs impardonnables; les manquements commis autant que les violences subies.
    En déposant tout cela devant Jésus, Dieu nous offre en retour le baume qui cicatrise et nous rend un cœur aimant, un cœur capable d'ouverture et de chaleur. Dieu nous offre la capacité d'aimer et de vivre.
    La myrrhe, l'amer médicament sur nos blessures, nous ouvre à une vie renouvelée, à nouveau possible, régénérée.
    *   *   *
    Le deuxième cadeau, c'est l'encens. L'encens est également une résine, qui, si on la brûle, dégage un parfum agréable. De l'encens était brûlé dans le Temple de Jérusalem. L'encens évoque donc le sacré, le culte rendu à Dieu, la prière qui monte vers Dieu.
    Le parfum évoque le mystère divin. Une odeur ne se voit pas, peut pas être saisie, arrêtée, effacée. Une odeur franchit les portes et les murs, elle est partout présente, ne peut pas être étouffée comme un bruit ou éteinte comme une lumière. Le parfum nous remplit par notre respiration, notre souffle. Un beau parfum fait plaisir, enchante, enivre…
    L'offrande d'encens, c'est l'offrande de bonne odeur, de nos gestes de bonté, de générosité. L'encens est le symbole de notre quête de Dieu et de tous les gestes, nos efforts et nos tentatives de faire le bien autour de nous. Ce sont nos gestes d'amour que nous voulons déposer au pied de la crèche.
    Le mystère de Noël, c'est que Dieu répond à notre quête et à nos offrandes par la don de sa présence. A Noël, il se donne lui-même à l'humanité. A Noël, la rencontre a lieu entre notre aspiration et sa venue.
    A nos gestes maladroits et imparfaits, Dieu répond par le don fragile d'un nouveau-né, il vient à notre rencontre dans une fragilité pareille à la nôtre, sans nous brusquer. A Noël, notre quête rencontre sa Présence.
    *   *   *
    Et les mages donnent de l'or au nouveau-né ! L'or est ce qui nous est le plus proche. Je suis sûr qu'à peu près tout le monde ici peut toucher de l'or, sur soi ou sur son voisin ou sa voisine. Qui n'a pas un collier, un bracelet ou une alliance en or ?
    L'or est ce qui est précieux, qui a de la valeur, qui est rare. Qu'est-ce qui est précieux, qui a de la valeur et qui est rare ? Nous-mêmes. Chaque individu est différent de tous les autres. Nous sommes des  personnes uniques. Il y a en chacun de nous quelque chose d'unique : une qualité, une compétence, un talent, une qualité d'être, une capacité à écouter, un talent de cuisinier ou de jardinier, un talent artistique.
    Il y a en chacun de nous quelque chose d'unique, d'irremplaçable, d'infiniment personnel. Voilà ce que nous pouvons offrir en cadeau à Jésus. Offrir notre personne. Notre personne vaut plus que de l'or.
    A Noël, Dieu vient nous dire : "Tu es précieux à mes yeux, tu comptes pour moi." (Es 43:4). Vous vous souvenez de la parabole du marchand qui trouve une perle magnifique et qui vend tout pour l'acheter ? (Mt 13:45-46) Cette parabole nous parle de Noël. Dieu est le marchand qui donne ce qu'il a de plus précieux, son fils unique, pour nous acquérir, nous ! Il donne son fils contre notre personne. Il fait don de son fils pour entrer en relation avec nous. Cela vaut plus que de l'or !
    Ces trois cadeaux, l'or, l'encens et la myrrhe nous disent que Noël est le moment de notre rencontre avec Dieu, le moment où il nous fait don de son Fils pour que nous ayons la vie, la vraie vie.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2011

  • Matthieu 6. Prier pour trouver le trésor que Dieu a placé au fond de soi.

    13.2.2011
    Prier pour trouver le trésor que Dieu a placé au fond de soi.
    Luc 6 : 12-13   Mt 6 : 5-8   Mt 7 : 24-27

    Téléchargez la prédication : P 2011-2-13.pdf


    Chers catéchumènes, chers parents, chers paroissiens,
    Lors de la dernière rencontre de catéchisme, nous avons exploré le thème de la prière. Nous avons observé que la prière est universelle, qu'elle est pratiquée dans toutes les civilisations. Nous avons aussi vu la spécificité de la prière chrétienne avec le Notre Père. Que pourrais-je vous dire aujourd'hui qui vous amène à avoir envie de prier, à essayer de vous mettre à prier ou de vous encourager à continuer à prier ? A quoi sert la prière ? Quel sens cela a-t-il de prier ?
    Jésus, dans son Sermon sur la montagne (Mt 5—7), donne un enseignement sur la prière à ses disciples et aux foules qui sont venues l'écouter. Jésus leur dit trois choses. Premièrement de ne pas prier pour la galerie, le paraître. Deuxièmement que ce n'est pas la quantité de mots qui est importante. Troisièmement, il donne un bref modèle qui est devenu le Notre Père.
    Quand Jésus dit de ne pas répéter sans fin les mêmes choses dans nos prières, Jésus nous dit que la prière n'est pas un moyen de faire pression sur Dieu pour obtenir quelque chose. Ce serait croire que Dieu est éloigné ou qu'il ne s'intéresse pas à nous et que nous serions obligés d'attirer son attention pour qu'il jette un regard sur nous. Jésus nous dit : Vous vous trompez de Dieu, en fait, "Dieu sait déjà ce dont vous avez besoin avant que vous ne le lui demandiez." (Mt 6:8). Alors à quoi cela sert-il de prier ?
    L'autre partie de l'enseignement de Jésus dit d'entrer dans sa chambre, de fermer sa porte et de prier son Père dans le secret. Le mot qui est traduit ici par le mot "chambre" désigne à la base le "cellier", le cagibi où l'on garde les provisions du ménage ou bien la chambre forte dans laquelle les autorités gardent le trésor public, l'argent des impôts. Dans les deux cas, c'est la réserve, le trésor qui va faire vivre, qui va nourrir le ménage ou la ville.
     Jésus insiste sur l'isolement et l'intimité nécessaires pour la prière personnelle : ferme la porte, prie dans le secret ! Je lis cela comme une façon de parler de l'intériorité. En langage d'aujourd'hui on dirait : Trouve-toi un coin tranquille et descend en toi-même. Ferme les yeux, ouvre ton cœur et pars à la découverte de ton être profond.
    La prière est quelque chose qu'on fait pour soi, dans le secret de son cœur. Mais ce n'est pas seulement de la méditation. Les Evangiles nous montrent aussi Jésus se retirant pour prier.  Souvent, il monte sur une montagne pour prier. "Monter sur la montagne" c'est une allusion à Moïse qui monte sur la montagne du Sinaï pour rencontrer Dieu.
    La prière est bien une descente en soi-même, dans le secret de son être intérieur, mais une exploration qui se fait devant Dieu et avec sa lumière. Le rabbin Eliézer ben Jacob (un sage quasi contemporain de Jésus) disait sur son lit de mort : "… quand vous priez, pensez à Celui devant qui vous vous tenez, c'est ainsi que vous obtiendrez la vie éternelle (Berakot 28b)"*
    La prière n'est pas accumulation de paroles, elle est la construction d'une relation avec Dieu qui nous aide à voir clair en nous. C'est un dialogue avec soi-même devant Dieu, sous le regard bienveillant de Dieu, dans l'amour d'un Père qui nous connaît et nous aime.
    Jésus nous dit d'entrer dans la chambre du trésor, des réserves de nourriture. Cela fait penser à cette partie des contes qui parlent des nains de la montagne qui vont à la mine chercher les pierres précieuses. Dieu a placé au fond de nous un trésor, des réserves d'énergie. Pour vivre une vie pleine, nous devons avoir accès à cette énergie, à ce trésor enfoui.
    La prière — la vie spirituelle — est le chemin qui nous est donné pour descendre en nous-mêmes, dans notre intériorité, dans nos profondeurs, à la recherche de ce trésor, de cette énergie. Lorsque nous avons trouvé ce trésor, la vie ne nous pose plus de problèmes. Pas qu'il n'y aurait plus de problèmes, mais que nous serons équipés pour affronter tous les problèmes de la vie.
    C'est ce que Jésus nous dit dans la parabole des deux maisons. Nous avons chacun à construire notre personnalité et notre vie. Nous pouvons le faire sur le sable du paraître, de la façade, de la superficialité. Ou bien, nous pouvons creuser en nous, dans nos profondeurs, jusqu'à ce que nous atteignions le socle solide de notre trésor intérieur, celui que Dieu a placé en nous.
    Une fois ce socle atteint, nous pouvons y construire notre maison, notre personnalité, notre vie. Elle sera solide, résistante aux tempêtes de l'existence.
    Se risquer à prendre le temps de prier — jour après jour — c'est creuser en nous pour aller à la découverte de ce trésor, de cette richesse que Dieu a placée au fond de nous.
    "Lorsque tu veux prier, entre dans la chambre au trésor et prie ton Père qui est là dans ce lieu secret, et Dieu ton Père — qui voit ce que tu cherches en cette profondeur secrète — te récompensera." (Mt 6:6).
    Amen

    * in Pierre Bonnard, L'Evangile selon Saint Matthieu, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1963, p. 79.
    © Jean-Marie Thévoz, 2011

  • Matthieu 3. Jean Baptiste et Jésus : le même message ?

    16.1.2011
    Matthieu 3
    Jean Baptiste et Jésus : le même message ?
    Mt 3 : 1-10 Luc 18 : 9-14 Rm 7 : 14-20

    téléchargez la prédication :P-2011-01-16.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    En ce début d'année — après les fêtes de Noël — nous reprenons le début de l'évangile et le début du ministère de Jésus. Plus précisément aujourd'hui, la prédication de Jean Baptiste qui précède le début du ministère de Jésus.
    Jean Baptiste est un personnage historique qui a laissé des traces dans la littérature de son temps (hors du Nouveau Testament), plus même que Jésus ! Il a effectivement rassemblé les foules, baptisé, prêché. Pourtant, c'est le christianisme qui est devenu une religion universelle. Alors, qu'est-ce qui différencie Jean Baptiste et Jésus-Christ ? Qu'est-ce qui fait que le message de Jésus a persisté plutôt que celui de Jean Baptiste ?
    Partons d'abord des ressemblances. En effet, ce qui m'a frappé d'abord en cherchant les différences, c'est que Jean Baptiste et Jésus prêchent la même chose à première vue. Les Evangiles leur mettent les mêmes mots dans la bouche : "Changez de comportement, car le Royaume des cieux s'est approché" cette phrase est prononcée par Jean Baptiste en Mt 3:2 et par Jésus en Mt 4:17, puis, un tout petit peu différemment par les apôtres dans le livres des Actes (Ac 2:38 et 3:19). Jean Baptiste et Jésus prêchent la conversion et la venue du Royaume de Dieu.
    Ensuite je me suis dit qu'il n'y avait que Jean Baptiste pour engueuler les gens, pour les traiter de "races de vipères." Jésus devait être plus gentil, moins sévère sur l'être humain. Eh bien non, Jésus aussi invective avec les mêmes mots ses disciples (Mt 12:34) et les maîtres de la Loi (Mt 23:33).
    Où sont donc les différences ? Je pense que les différences sont d'abord dans l'idée qu'ils ont de l'être humain et dans sa capacité à faire le bien. Toute la prédication de Jean Baptiste est axée sur le changement du comportement. Repentez-vous, convertissez-vous, changez de comportement. "Accomplissez des actes qui montrent que vous avez changé de comportement" (Mt 3:8) demande Jean Baptiste aux pharisiens qui viennent le trouver.
    Jean Baptiste est pessimiste sur la nature de l'être humain, mais optimiste sur sa capacité à changer. Secouez fort les gens et ils finiront bien par changer. Les gens sont simplement engoncés dans leurs mauvaises habitudes. S'ils comprennent, s'ils voient ce qu'ils font de faux ou de mal, ils vont opter pour le changement. Il faut les sortir de leur paresse et c'est possible, pense Jean Baptiste. Donc chacun peut mieux faire, regardons ce qui n'est pas fait et mettons-nous au travail.
    Le problème avec ça, c'est que la tâche est infinie et que ce qui reste à faire pour atteindre la perfection pour plaire à Dieu est au-delà de nos forces. Comment un juif qui travaille dur, qui élève sa famille, qui remplit ses obligations à l'égard des Romains, peut-il satisfaire les 613 commandements de la Torah ?
    Est-ce que vous satisfaites, aujourd'hui, à toutes les recommandations du XXIe siècle pour être un bon consommateur, un bon citoyen, un bon écologiste, un bon conjoint, une bonne mère, un bon conducteur… ?
    Voyons cela ! La semaine passé avez-vous mangé 5 fruits et légumes par jour, avez-vous marché ou fait du sport 20 minutes chaque jour, avez-vous acheté des produits équitables, renoncé aux fruits exotiques, aux légumes cultivés sous serre, avez-vous baissé un peu votre chauffage, avez-vous renoncé à votre voiture pour des petits trajets, avez-vous tenu vos bonnes résolutions de Nouvel-An ?
    Nous ne connaissons plus les 613 commandements de la Torah, mais la société nous ordonne toujours une multitude de tâches pour nous sentir bien, pour être de bons citoyens. Jean Baptiste dirait : faites tout cela et tout ira bien. Mais Jésus prêchait autre chose à ses contemporains et à nous aujourd'hui.
    Bizarrement, Jésus était extrêmement pessimiste sur l'être humain. Pour lui, l'être humain n'est pas capable de faire le bien. L'apôtre Paul l'a bien compris et expliqué dans la lettre aux Romains quand il dit : "Je découvre ce principe : moi qui veut faire le bien, je suis seulement capable de faire le mal" (Rm 7:21). Calvin dira à sa suite que l'homme est incapable de tout bien.
    Ce qui est remarquable dans les Evangiles, c'est que Jésus ne le dit jamais, ne le prêche jamais. Il ne dénigre jamais l'être humain en parole, parce qu'il a en trop haute estime les créatures divines que sont ses frères et ses sœurs. Jésus aime les personnes, il ne dira jamais de mal sur elles, mais il les laisse agir et révéler leur/notre propre nature, ce qui arrivera inévitablement dans son procès et dans sa condamnation à la croix.
    L'homme est révélé incapable de tout bien quand il commet le plus grand mal en croyant faire ce qui est juste à ses yeux, en mettant à mort le Fils de Dieu ! Ainsi, c'est la vie et la mort de Jésus qui révèlent la profonde nature humaine qu'il n'a jamais condamnée en paroles.
    En effet, à côté de ce pessimisme total sur la nature humaine, Jésus a le plus profond amour envers la créature. Le péché entraînait chez Jean Baptiste un dégoût pour la nature humaine. Chez Jésus, le caractère pécheur de l'humain exacerbe sa compassion, son amour, sa tendresse. Jésus ne voit dans l'être humain incapable de tout bien que la blessure, la souffrance, le malheur. Et il est venu comme médecin de ces malades, de ces souffrants, de ces handicapés.
    Au lieu de voir — comme Jean Baptiste — tous les manques qu'il y a en nous pour être à la hauteur de toutes les exigences, Jésus voit tous les progrès que nous pouvons faire… si nous sommes aidés, si nous sommes soutenus, si nous sommes aimés.
    Ce que Jésus nous demande, ce n'est pas de satisfaire aux plus hautes exigences — il sait que nous en sommes incapables, que c'est impossible — ce qu'il nous demande, c'est de voir notre propre faiblesse, de la reconnaître et de l'accepter. Non pas l'accepter pour se fustiger et tout abandonner avec résignation. Mais de l'accepter comme la réalité de départ pour ne pas vivre dans l'illusion d'un pouvoir que nous n'avons pas et donc de sombrer dans le désespoir que provoque l'exigence inatteignable. C'est ce que Jésus nous dit dans la parabole du pharisien et du collecteur d'impôts.
    Acceptons que nous n'arrivons pas à être juste, bons, droits, comme l'exigence de justice totale le voudrait. Acceptons que Jésus nous accepte tels que nous sommes, et qu'à partir de là, il nous encourage et nous soutient dans chacun de nos progrès. Et qu'il nous relève de chacune de nos rechutes. Et si vous pensez qu'il n'y a pas de rechutes, vous pensez comme le pharisien.
    Avec son pessimisme absolu sur l'être humain, Jésus aggrave la situation, notre situation, mais pour la retourner complètement. Il nous dit par là : Abandonnez ce qui est impossible et faites simplement le possible, Dieu s'occupe du reste. Voilà une libération !
    Nous n'avons plus à regarder tout ce qui manque pour être à la hauteur, nous n'avons qu'à regarder les tout petits progrès que nous faisons. Le Christ est là pour nous aider, nous soutenir, nous aimer sur ce chemin-là.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2011

  • Matthieu 5. Le monde n'a pas besoin de plus d'objets, mais de plus de présence.

    Matthieu 5

    1.11.2009
    Le monde n'a pas besoin de plus d'objets, mais de plus de présence.
    Jn 14 : 15-17    Mt 5 : 1-10

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Les bénévoles engagés dans la Fête paroissiale ont reçu une invitation à participer à ce culte et à l'apéritif qui suivra tout à l'heure. Jésus de son côté est venu sur terre apporter l'invitation de Dieu à entrer dans le Royaume des cieux.
    Cette invitation de Jésus s'inscrit dans une longue tradition. Dieu s'est fait connaître à Abraham, un homme, une famille, puis à tout un peuple à travers Moïse, à une nation à travers David et les prophètes. Jésus ouvre cette invitation encore plus largement.
    C'est en voyant les foules autour de lui, qu'il voit à quel point chacun sur la terre a besoin de découvrir la présence de Dieu, découvrir la vraie forme de la Présence de Dieu auprès de tous les humains. En filigrane de son texte, Matthieu nous présent Jésus comme un nouveau Moïse. Depuis la montagne, il donne son enseignement. Les disciples sont à ses pieds et les foules en arrière-plan. Jésus, avec les Béatitudes et le Sermon sur la montagne, va donner un enseignement destiné aux croyants, mais dont la portée est universelle.
    Les huit Béatitudes présentent un enseignement choquant, paradoxal, qui confronte directement les valeurs du monde présent.
    Nous vivons dans une société de la performance, de l'efficience, de la production. Ce qui donne, aujourd'hui, de l'importance aux gens, c'est leur pouvoir d'achat, c'est leur visibilité médiatique, leurs coups d'éclat, leur agitation. Les gens ordinaires que nous sommes sont laissés de côté. Mais sommes-nous pour autant sans valeur ?
    A qui Jésus s'adresse-t-il depuis sa montagne ? A qui s'adressent les Béatitudes ? Qui sont ceux à qui Jésus offre son attention et ses promesses de bonheur ?
    Eh bien il parle (v.3) à ceux qui se savent pauvres en eux-mêmes, "pauvres en esprit", ce qui ne veut pas dire "faibles d'esprit" mais plutôt à court de souffle, essoufflés de courir tout le temps après la vie.
    (v.4) Il parle à ceux qui pleurent, à ceux qui sont affligés, à ceux qui vivent avec des blessures affectives, relationnelles.
    (v.5) Il parle aux doux, à ceux qui ne savent pas s'imposer, jouer des coudes, revendiquer haut et fort, qui s'effacent et s'inclinent.
    (v.6) Il parle à ceux qui aspirent au changement, qui en ont marre des passe-droits, des bonus indécents, qui sont scandalisé par le mépris des puissants.
    (v.7) Il parle à ceux qui sont miséricordieux (comme le mot à vieilli, nous sommes sûrement les seuls à l'utiliser encore !). Oui, il parle à ceux qui ont le cœur sur la main, à ceux qui écoutent leurs tripes, qui ouvrent leurs bras face à la souffrance des autres, ceux que leurs émotions submergent quand ils entendent parler du malheur des autres.
    (v.8) Il parle à ceux qui ont le cœur pur. Un cœur pur, c'est un cœur entier, sans mélange comme on le dirait d'une couleur, d'un pot de peinture. Ceux qui n'arrivent pas à mentir, à s'accommoder des petites compromissions si confortables pour justifier des comportements troubles.
    (v.9) Il parle à ceux qui recherchent la paix, que tout désaccord trouble, que les désunions rendent malheureux et donc qui mettent leur énergie à réconcilier, à rétablir le dialogue.
    (v.10) Il parle à tous ceux qui se font rabrouer parce qu'ils ont protesté contre les magouilles, de qui on s'est moqués parce qu'ils ont refusé d'aller dans le même sens que tout le monde, au nom de l'honnêteté et de l'intégrité.
    Dans ces Béatitudes, Jésus relève des attitudes simples, humbles, souvent silencieuses, mais toujours courageuses, droites, relevant de la fidélité à sa conscience. Et Jésus dit : c'est à vous qu'est ouvert le Royaume des cieux. Il ne cherche pas à débusquer les prix Nobel et les héros. Il ouvre le Royaume de son Père à chacun, à nous tous, qui nous reconnaissons dans ces portraits.
    Jésus ne va pas chercher les puissants, les performants, ceux qui ont réussi et sont au sommet. Jésus s'adresse à tous, à nous tous, même si nous nous sentons faibles, pas à la hauteur, malheureux, plein de chagrin ou de colère. Notre situation, quelle qu'elle soit, n'est pas un obstacle, elle est le lieu où Dieu nous rejoint. Elle n'est pas un obstacle, elle est le chemin qui nous conduit au Royaume des cieux.
    Jésus retourne les valeurs de notre société, du monde, les valeurs qui reposent sur l'accroissement du matériel, sur la productivité et la performance.
    Quand nous sommes jeunes, nous pouvons nous laisser aller à cette illusion de bonheur. Mais maintenant, quand notre position ou notre situation change, quand l'âge diminue nos forces, nous ne pouvons plus croire à cette illusion. Nous avons à changer de valeurs, à nous convertir et passer de la production matérielle au service, passer du service à la relation, passer de la relation à la présence.
    A travers les Béatitudes, Jésus nous montre un chemin qui quitte le monde du faire (faire toujours plus) pour aller vers l'être. L'être avec les autres, et l'être devant Dieu.
    Le monde n'a pas besoin de plus d'objets, mais de plus de présence. Jésus nous enseigne à être présent, à nous-mêmes et aux autres, en nous révélant la Présence du Père. Le Royaume des cieux promis, c'est un espace de relations, où personne n'est seul, où personne ne pleure sans être consolé, ne porte sa peine sans recevoir du soutien, où personne ne reste dépourvu devant l'injustice, où chacun peut manifester sa compassion, où la présence de Dieu se voit dans les regards d'affection des uns pour les autres, où la paix fait son chemin, où ceux qui souffrent de moqueries ou du dénigrement sont portés et réconfortés.
    Voilà le Royaume des cieux que Jésus offre. Voici le Royaume des cieux que le Christ nous invite  à construire, ici, ensemble. Je rêve que l'Eglise, la paroisse, puisse en être le commencement. Allons-nous le faire ensemble ?
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Matthieu 26. Les chemins divergents de Judas et de Pierre.

    Matthieu 26

    8.3.2009
    Les chemins divergents de Judas et de Pierre.
    Mt 26 : 14-25    Mt 26 : 31-35

    Nous sommes entrés dans le temps de la Passion et nous lisons depuis dimanche passé les récits des Evangiles qui racontent les derniers jours de Jésus. Jésus vit une dernière fois la fête de la Pâque juive avec ses disciples. Le récit nous fait suivre deux histoires en parallèle : ce que Jésus vit avec ses disciples et ce qui se prépare en coulisse pour le piéger, l'arrêter et l'exécuter.
    Jésus a conscience de ce qui se prépare derrière son dos. Il est prêt à assumer son destin, sa mission, et il essaie de préparer ses disciples, ses compagnons, à cette tragédie qui s'annonce. Jésus n'hésite pas à leur dire que les nouvelles sont mauvaises ! Il le fait par deux annonces, scandaleuses pour les disciples :
    — l'un de vous me trahira (Mt 26:21) et
    — vous allez tous m'abandonner (Mt 26:31).
    La première annonce "l'un de vous me trahira" est doublement surprenante pour les disciples. D'abord, c'est qu'il y a à l'intérieur du groupe quelqu'un qui va trahir Jésus, c'est l'un de Douze, un de ces hommes que Jésus a appelé, choisi pour faire partie de son équipe. Ensuite, personne ne sait qui c'est et tous les disciples se demandent en leur for intérieur si c'est lui. Et chaque disciple, l'un après l'autre de demander à Jésus : "Ce n'est pas moi, dis ?" (Mt 26:22). Que de doute intérieur. Que de peur aussi ! Pourrais-je le trahir d'un geste, d'une parole déplacée, quasi à mon insu ? Le pays est quand même occupé par les Romains, il doit y avoir des espions.
    Mais cela ne nous arrive-t-il pas aussi dans notre vie de tous les jours ? Nos silences gênés quand quelqu'un critique Jésus, ou l'Eglise ou les croyants ?
    Judas finit par être désigné et il est plaint par Jésus. Le traître désigné, on pourrait penser que le groupe est ressoudé et que tout va bien aller.  Non ! Jésus enchaîne : "Vous allez tous m'abandonner."
    Alors là, c'en est trop pour Pierre, le bouillonnant disciple. Lui, ça jamais, jamais il n'abandonnera Jésus, plutôt mourir que l'abandonner ! Jésus ne blâme pas Pierre, ni pour sa fierté, sa bravoure affichée, ni pour son reniement futur. Jésus dit juste ce qui est, ce qui sera : personne ne pourra résister à la pression, à la peur. Une façon de dire à tous : Acceptez-vous tels que vous êtes, acceptez-vous avec vos faiblesses et vos défaillances. Acceptez-vous tels que je vous ai choisi, tels que je vous accepte, tels que vous êtes.
    L'important n'est pas tellement ce qui va vous arriver. L'important, c'est comment vous allez réagir après ce qui va vous arriver. Les événements surgissent, les accidents arrivent, les malheurs surviennent, on n'y peut rien. La première réaction, la première émotion monte en nous et nous envahit. Elle est là, elle arrive, elle nous arrive et nous devons la découvrir et la nommer : peur, ou colère, ou tristesse, ou honte. Ce qui nous appartient, c'est ce que nous allons faire de cette réaction, de cette émotion qui est là.
    Divers chemins s'ouvrent à nous et les Evangiles nous montrent que Judas, face à la honte, a choisi la fuite, la mort. Après son geste de trahison, il n'a plus pu regarder Jésus, il n'a pas voulu affronter le regard de Jésus sur lui, il a choisi la mort.
    Pour Pierre, il nous est dit plus loin qu'il a pleuré (Mt 26:75). Pleurs de rage, de colère de ne pas avoir pu tenir sa parole "je ne t'abandonnerai jamais." Pleurs de tristesse sur lui-même "alors, je ne suis pas plus courageux, plus fort que n'importe qui ?" Pleurs de repentance "ah, comme Jésus avait raison, comme il me connaît bien, mieux que moi-même !"
    Destins opposés que ceux de Judas et de Pierre, destins opposés par les regards qu'ils portent chacun sur eux-mêmes : Judas est impitoyable avec lui-même, "après ce que j'ai fait, je ne mérite pas de vivre." Pierre est triste, mais il garde espoir, en lui-même et surtout en Jésus "il me connaît et il m'aime." Regards opposés sur Dieu. Judas désespère et craint le jugement de Dieu. Pierre espère et demande le pardon de Dieu.
    Dans ce début du temps de la Pâque et de sa Passion, Jésus avait deux mauvaises nouvelles : "l'un de vous me trahira" et "vous m'abandonnerez tous", mais il leur donne une raison d'espérer, il ajoute : "quand je serai de nouveau vivant, j'irai vous attendre en Galilée" (Mt 26:32).
    C'est bizarre comme Jésus dit à la suite "vous m'abandonnerez" et "j'irai vous attendre en Galilée." C'est que Jésus fait confiance à ses disciples — par delà leurs défaillances. Jésus leur fixe un rendez-vous. Rendez-vous en Galilée, dans votre région, dans votre village, au bord de votre lac, dans votre vie de tous les jours, je vous attendrai.
    Au-delà de nos trahisons, de nos abandons, des périodes où nous oublions, où nous nous éloignons de Dieu, au-delà de nos faiblesses, de nos échecs et de nos fuites, Jésus nous donne rendez-vous. Jésus nous attends, ici à Bussigny, à Villars-Ste-Croix, dans nos vies, dans notre famille, dans notre école, dans notre vie professionnelle, dans notre paroisse.
    Jésus nous attend au bord de notre vie, il attend que nous fassions un pas vers lui, il attend que nous lui fassions confiance, il attend que nous lui ouvrions la porte pour entrer dans nos vies, avec son amour et son pardon.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Matthieu 26. La priorité du moment : être avec Jésus, être dans sa Présence

    Matthieu 26

    1.3.2009
    La priorité du moment : être avec Jésus, être dans sa Présence
    Ex 30 : 22-32        Mt 26 : 1-13

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Cette semaine, depuis mercredi dernier, nous sommes entrés dans le temps de la Passion, le temps du Carême, quarante jours depuis le mercredi des Cendres jusqu'au dimanche des Rameaux. En tant que chrétiens, nous essayons de faire de cette période un temps de réflexion et de recentrage de notre vie sur notre relation à Dieu.
    Le calendrier Pain Pour le Prochain nous aide  dans cette voie en nous proposant des thèmes de méditations, des prières, des projets d'entraide. Nos paroisses organisent des soupes de Carême, pour nous réunir de manière conviviale, partager un repas léger et nous ouvrir au don, pour soutenir des projets d'entraide pour des populations moins favorisées que nous. Certaines associations nous invitent envore à renoncer à l'un de nos comportements habituels — renoncer temporairement au café, à la cigarette, au vin ou à la télé — pour nous rendre compte de la place ou de l'importance que nous accordons à cette habitude dans nos vies.
    Consommer moins pour donner un peu plus à d'autres, voilà qui est bien, une bonne action qui ouvre notre esprit à nous-mêmes et aux autres ! Cela profite à tout le monde, aux pauvres, à la société, à l'Eglise et… à notre ligne. Mais n'est-ce pas un peu triste, un peu rabat-joie d'avoir à témoigner de notre attachement au Christ et à son message par la privation, le renoncement, le jeûne ?
    N'est-ce pas tout cela que cette femme brise en versant un parfum de luxe sur la tête de Jésus ?
    Le récit du geste extra-ordinaire de cette femme est placé exprès au commencement du temps de la Passion. Jésus vient d'annoncer la croix pour la troisième fois. Les autorités complotent pour arrêter Jésus sans faire de vagues. Jésus s'est retiré à Béthanie, comme en retraite, avant sa dernière Pâque à Jérusalem.
    Et là une femme — anonyme dans le récit de Matthieu — oint la tête de Jésus d'une huile parfumée hors de prix. Cela nous rappelle le Ps 23 "Tu m'accueilles en versant sur ma tête un peu d'huile parfumée" (Ps 23:5). Un geste d'hommage de l'hôte à son invité.
    Cette femme accueille la présence de Jésus, lui rend hommage, l'honore d'un geste et d'un cadeau sans prix, à la mesure de la grandeur de son invité. Mais cette démesure, cet excès choque les disciples. Les disciples ont bien enregistré les paroles de Jésus, tout son programme de partage et d'entraide. Les disciples sont de bons soldats zélés et obéissants, ils savent ce qui est utile et bon, ce qui leur est demandé : aider les autres, aider les pauvres.
    Mais parmi cette assemblée, seule cette femme réalise ce qui se passe réellement, seule cette femme voit que ce programme ne tient qu'à la personne de Jésus.
    En versant de l'huile parfumée sur la tête de Jésus, non seulement elle l'honore, mais elle le place à nouveau au centre de tous les regards, au centre des préoccupations de tous les disciples. Rien d'autre n'est important — en ce moment — que ce Jésus dont nous partageons les derniers instants.
    Jésus va reformuler ce geste — pour détourner les disciples de leurs considérations éthiques, valables, mais déplacées — avec ces mots : "vous aurez toujours des pauvres avec vous, mais moi, vous ne m'aurez pas toujours avec vous" (Mt 26:11). Les disciples se trompent de priorité.
    Le geste du parfum réoriente tout le monde sur la priorité du moment : être avec Jésus, être dans sa Présence.
    Mais Jésus va encore plus loin, il voit encore plus loin que la femme ne pouvait voir. Au-delà de l'honneur que Jésus reçoit au travers de ce geste, il perçoit un hommage au don de sa vie qui va suivre. A ce geste excessif du parfum versé, va correspondre le don excessif de Jésus : il va verser son sang pour le salut de la multitude. A ce gaspillage du parfum va correspondre, pour les disciples, la perte de Jésus.
    "Vous aurez toujours des pauvres avec vous, mais moi, vous ne m'aurez pas toujours avec vous." Vous allez me perdre — ce n'est pas le moment de discuter du prix de ce parfum. C'est le moment de parler du prix de la grâce ! C'est le moment de réaliser la grandeur du don que Jésus nous fait pour nous sauver.
    Le temps du Carême, c'est le moment de réaliser la grandeur, l'étendue du don que Jésus nous fait. C'est le moment d'abandonner tous nos petits calculs, toutes nos pensées utilitaristes et comptables. C'est le moment de verser du parfum hors de prix sur la tête de Jésus.
    Comment vivre le temps du Carême avec la joie débordante de cette femme qui veut honorer Jésus ? Comment restituer à nos proches, à nos voisins le débordement de grâce, l'immensité du don du Christ dans le temps de la Passion et de Pâques ?
    Si le jeûne et les renoncements nous rendent tristes et nous montrent avec des visages défaits (Mt 6:16-18) pendant ce temps de Carême, alors nous sommes dans le contre témoignage ! Qui voudrait d'un Dieu content de nous voir tristes et la mine défaite ?
    Marchons sur les pas de cette femme qui marque sa joie de rencontrer Jésus, qui montre qu'on peut se réjouir de l'immensité du don de Jésus pour chacun. Le temps du Carême, c'est aussi se réjouir du don immense que Dieu nous fait de son amour. Si nous recevons pleinement ce cadeau de Dieu, nous saurons toujours quoi faire avec les pauvres.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Matthieu 16. Pierre est une fois dans le juste et une fois dans le faux

    Matthieu 16

    7.9.2008
    Pierre est une fois dans le juste et une fois dans le faux
    Mt 3 : 13-17    Mt 16 : 13-20    Mt 16 : 21-23

    Les deux derniers textes que vous venez d'entendre peuvent se résumer en trois phrases de Jésus :
    - Qui croit-on que je suis ?
    - Qui croyez-vous que je suis ?
    et - Je ne suis pas celui que vous croyez !
    Du temps de Jésus, les gens pensaient qu'il pouvait être Jean-Baptiste, ou Elie, ou Jérémie : de grands prophètes, c'est-à-dire des porteurs, des transmetteurs de paroles, de messages venus de Dieu.
    Que dit-on aujourd'hui — si l'on veut remplacer le vocabulaire biblique par des mots d'aujourd'hui ? On entendra : c'était un grand homme, un humaniste ou un humanitaire, un visionnaire ou un idéaliste, ou pourquoi pas un réformateur de la religion juive, un révolutionnaire social ou un doux rêveur.
    Après les réponses de la société, Jésus retourne la question vers ses disciples, donc aujourd'hui vers son Eglise, vers nous. Qui est Jésus pour nous ? Qui est Jésus pour nous, sans utiliser de mots bibliques ? Quelqu'un veut-il risquer une réponse ?
    Je pense que je peux dire qu'il est une inspiration, un modèle, le plus humain des humains, ou celui qui nous fait découvrir en même temps ce qu'il y a de plus humain en nous et ce qu'il y a de plus divin ou universel en nous. Mais c'est difficile de se passer du vocabulaire biblique !
    Dans notre idée de Jésus, il y a ce qui vient de l'extérieur, ce qu'on nous a appris (peut-être au catéchisme), dicté, ce que nous avons entendu et enregistré. Et puis, il y a ce qui vient de l'intérieur, ce que nous avons cherché, élaboré, réfléchi. Ou ce qui s'est éclairé en nous : "Ah oui, c'est ça pour moi !"
    Lorsque Pierre répond à Jésus : "Tu es le messie" il y a une conviction qui vient de l'intérieur : Jésus est en communion avec Dieu, il parle vrai, il touche le cœur, il libère des énergies en nous ! Et dans ce même mot "messie", il y a ce qui vient de l'extérieur, de la tradition juive, de l'époque où le peuple juif attendait un libérateur militaire pour chasser les Romains.
    Jésus voit ces deux aspects, intérieur et extérieur, et il répond à Pierre ne prenant un aspect après l'autre. "Tu es heureux, Simon, fils de Jean, car ce n'est pas un être humain qui t'a révélé cette vérité, mais mon Père qui est dans les cieux." (Mt 16:17). Oui, Pierre peut être heureux de reconnaître ce lien entre Jésus et Dieu, cette communion. En découvrant ce lien, Pierre peut entrer dans cette communion et être lui-même en lien avec Dieu. Ce lien fait de Pierre un membre fondateur de l'Eglise.
    Mais Jésus doit aborder le second aspect, l'espérance d'une libération militaire. Jésus doit dire à ses disciples : "Je ne suis pas celui que vous croyez !" Et Jésus leur parle — dès ce moment — "ouvertement" dit l'Evangile, de ce qui doit lui arriver. Il dévoile ce qu'on a appelé sa "messianité souffrante." C'est dans la faiblesse, c'est dans l'acceptation totale de son humanité mortelle que Jésus va accomplir son destin d'envoyé de Dieu.
    Il y a là un retournement que Pierre ne peut accepter et qui lui vaudra le fameux "Vade retro Satanas" (arrière de moi Satan, Mt 16:23). Mais Pierre n'est pas le seul ! Chaque fois que quelqu'un dit : "Si Dieu existait, il ne laisserait pas faire cela, les guerres, les accidents, la souffrance des enfants, etc." Chaque fois, c'est un Pierre qui s'ignore, c'est un Pierre qui dit "Dieu t'en garde, cela n'arrivera pas !" (Mt 16:22).
    Oui, c'est incroyable, Dieu a renoncé à sa toute-puissance, Dieu a renoncé à son pouvoir, à sa suprématie. Dieu change son mode d'intervention. Il accepte la condition humaine, il accepte la fragilité, la vulnérabilité, il accepte de souffrir et de mourir.
    C'est — aujourd'hui encore — aussi inacceptable et incompréhensible pour nous que pour Pierre ! Et pourtant, il l'a fait ! Et ce même Pierre — qui était une fois dans le juste et une fois dans le faux — est resté le disciple de Jésus. Jésus ne recherche pas des gens infaillibles, invulnérables, tout-puissants. Non, Jésus a choisi l'autre voie, celle de l'acceptation de la dimension humaine pour nous servir d'inspiration, de modèle.
    Jésus nous sauve du devoir d'être capable de tout, d'être compétent en tout, d'être toujours efficace et performant, de tout prévoir et de tout réussir. Jésus nous sauve du devoir de faire le bonheur de nos enfants, de nos proches, de nos voisins.
    Jésus, comme inspiration et comme modèle, nous permet d'abord, et nous apprend ensuite, à accepter nos limites, nos vulnérabilités, nos défauts, ce qui nous permet ensuite d'accepter aussi nos compétences, nos capacités et nos points forts.
    Regardez ce qui se passe lors du baptême de Jésus : Jean Baptiste voyant Jésus venir à lui veut refuser ce qui lui est demandé. "C'est moi qui ai besoin d'être baptisé par toi et c'est toi qui viens à moi." (Mt 3:14). Mais Jésus — voyant que Jean Baptiste est conscient de ses limites — lui redonne capacité et autorité. Jésus lie sa vie et sa destinée à des personnes faillibles, Jean Baptiste, puis Pierre, puis nous !
    Dieu — en Jésus — renonce à sa toute-puissance pour nous faire de la place, pour nous permettre d'exister, de vivre, d'agir en liberté et avec responsabilité. Nous avons à agir, nous avons à prendre nos responsabilités dans la vie et donner le meilleur de nous-mêmes, mais il ne nous est pas demandé de devenir des surhommes. Nous vivons dans une société qui voudrait que nous soyons des surhommes, que nous réussissions tout ce que nous entreprenons, que nous n'ayons jamais besoin des autres, de leur aide ou de celle de la société.
    Jésus nous appelle à reconnaître notre humanité dans la sienne : nous ne vivons pas tout seuls. Dans un temps de notre vie, nous pouvons donner aux autres, et dans un autre temps, n'ayons pas honte de demander aux autres. La vie est faite d'échanges, un temps pour donner, un temps pour recevoir, un temps pour servir et un temps pour être servi (Jn 13:8).
    N'ayons donc pas peur de montrer nos fragilités, elles sont simplement la marque de notre humanité. Cette humanité que Jésus est venu pleinement habiter.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Matthieu 22. "Aime et fais ce que tu veux !"

    Matthieu 22

    9.3.2008
    "Aime et fais ce que tu veux !"
    Ga 5 : 13-15    Mt 22 : 35-40

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers catéchumènes,
    Vous avez entendu tout à l'heure les réflexions des catéchumènes sur la question de la violence, des règles, du respect des autres. On sent qu'ils ont un sens très correct d'où est le bien, où est le mal, un sens de la justice et de l'injustice. En même temps, il reste des zones floues — pour nous adultes aussi d'ailleurs.
    Un exemple : on n'aime pas la délation et on dit à nos enfants : "Ce n'est pas bien de rapporter !" Mais en même temps, on leur demande de venir nous avertir si quelque chose ne va pas, tourne mal. Où est la frontière entre "avertir en cas de danger" et "rapporter une mauvaise action" ?
    On a besoin d'un mode d'emploi de la vie, des situations concrètes. Voilà plusieurs modes d'emploi : celui d'un appareil de photo, celui d'un lecteur DVD, celui d'une photocopieuse, celui d'un programme informatique. Et voici [montrer la Bible] le mode d'emploi de la vie.
    Il est épais, mais pas tellement, si on le compare aux autres. Surtout que chacun ne concerne qu'un seul objet à la fois, alors que la Bible concerne vos 70 ou 100 années de vie !
    Comme dans tout livre-mode d'emploi, il y a des pages-résumé : le décalogue, le Sermon sur la Montagne (Mt 5—7) et le Sommaire de la Loi énoncé par Jésus :
    "Tu dois aimer le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ton intelligence. C'est là le commandement le plus grand et le plus important. Et voici le second commandement, qui est une importance semblable : Tu dois aimer ton prochain comme toi-même."
    Les Evangiles et toute la Bible ne sont que des illustrations pratiques de ces deux commandements.
    Les catéchumènes trouvaient qu'il y avait trop de règles. C'est vrai, seul un avocat qui en fait son métier peut connaître toutes les lois, et encore. Les maîtres de la Loi du temps de Jésus comptaient 613 commandements. 248 commandements positifs (qui obligent à faire quelque chose) et 365 commandements négatifs (qui interdisent).
    Face à ce méli-mélo, Jésus est venu dire : il y a deux commandements : Aime Dieu et Aime ton prochain et ces deux commandements sont semblables. On fait la même chose en aimant Dieu et en aimant les autres. Un pasteur de la fin de l'empire romain (saint Augustin) disait : "Aime et fais ce que tu veux !" En choisissant l'amour comme raison d'agir, on se construit une personnalité juste.
    Il y a en nous une bagarre intérieure, des tensions, des envies contradictoires. Nous savons généralement où est le bien, mais nous sommes attirés par "le côté obscure de la force." Nous connaissons la vérité, mais nous sommes tentés de mentir. Nous voyons la souffrance des autres, mais nous sommes tentés par notre propre intérêt.
    Qu'allons-nous choisir ? Voici une histoire :

    « Un vieil indien parle de la vie à un enfant : "Une guerre se déroule en nous, deux loups se battent dans nos pensées. Le loup de la colère, de la jalousie, de la tristesse, du regret, de l'envie, de l'arrogance, de la culpabilité, de l'amertume, du sentiment d'infériorité, du mensonge, de la prétention, de l'ego.
    Le loup de la joie, de la paix, de l'amour, de l'espérance, de la sérénité, de la simplicité, de la gentillesse, de la bienveillance, de la sympathie, de la générosité, de la vérité, de la compassion, de la foi."
    L'enfant réfléchit un moment et demande : "Lequel gagnera ?"
    Le vieil homme répond : "Celui que tu auras nourri." »*
    Chacun de nos choix nourrit un des deux loups, une des deux parties de nous-mêmes ! Qui voulons-nous devenir ?
    Nous ne sommes pas seuls avec le mode d'emploi de la vie qu'est la Bible. C'est une des particularité du christianisme : nous ne sommes pas guidés par un livre, mais par une personne. Le but de la vie n'est pas d'obéir à une loi — même la loi de Dieu. Le but de la vie, c'est d'être en relation et de vivre heureux dans ces relations.
    Jésus n'a jamais dit : "Suivez la Loi." Jésus nous interpelle en nous disant : "Suis-moi !" Jésus est venu accomplir et remplacer la Loi. Nous n'avons plus à obéir à 613 commandements, mais à aimer une personne — Jésus — et à s'inspirer de ce qu'il a fait pour vivre avec les autres.
    La Bible est un mode d'emploi de la vie, parce qu'elle nous raconte comment Jésus a vécu et comment d'autres hommes et d'autres femmes ont vécu en suivant Jésus.
    Chacun de nous peut découvrir et mieux connaître Jésus pour voir comment il a vécu et comment il a aimé. Ainsi nous apprendrons à aimer à notre tour pour vivre heureux.
    Amen

    * Antoine Nouïs, Les cahiers du Caté, tome 3, Ed. Olivétan, Lyon, 2004, p. 61
    © Jean-Marie Thévou, 2008

  • Matthieu 20. Dieu peut agit malgré nos faiblesses, malgré nos vulnérabilités

    Matthieu 20

    4.11.2007
    Dieu peut agit malgré nos faiblesses, malgré nos vulnérabilités
    Deut. 7 : 6 - 8    Matthieu 20 : 20 - 28    Matthieu 20 : 29 - 34

    Chère paroissiennes, chers paroissiens
    Le pasteur français Alphonse Maillot — dans son petit livre sur les miracles*— commence par nous mettre en garde contre un danger : celui de nous focaliser sur le signe (le « comment » du miracle) et manquer ce que le signe nous désigne, nous montre : (le « pour-quoi » du miracle).
    Aussi j’abandonne tout de suite la problématique « comment Jésus fait-il pour guérir ces deux aveugles ». Ce qui nous intéresse ce matin, c’est « pour-quoi » Jésus guérit-il ces deux aveugles au sortir de Jéricho. Quel message nous donne-t-il par ce geste, autant aux disciples d’autrefois qu’à nous aujourd’hui ?
    Pour saisir ce message, il faut élargir notre vue du contexte. Que se passe-t-il avant, que se passe-t-il après ? Le début du chapitre 20 de Matthieu s’ouvre par la bien connue parabole de ouvriers de la 11ème heure. Un patron d’exploitation viticole engage des ouvriers tout au long de la journée et – finalement – leur donne à tous, y compris au dernier arrivé, le salaire d’une journée entière de travail. « Voilà à quoi ressemble le Royaume des Cieux » dit Jésus (Mt 20:1). Une pierre est posée dans la construction de notre compréhension de l’agir de Dieu : il traite chacun également, selon sa bonté, et non selon nos mérites.
    Juste après ce récit, une autre pierre est posée : La 3e annonce par Jésus de sa passion future à Jérusalem. Jésus et ses disciples se trouvent en ce moment à Jéricho. Il avait quitté la Galilée (Mt 19:1) probablement en descendant le Jourdain, et passe un temps en Transjordanie, puis à Jéricho. Cette ville est son point de départ pour sa « montée à Jérusalem ».  Ainsi Jésus, pour la dernière fois, annonce sa Passion. Une précédente annonce avait scandalisé Pierre et lui avait valu le fameux « vade retro Satanas » c'est-à-dire « loin de moi, tentateur ».
    En annonçant une nouvelle fois sa Passion, Jésus affirme qu’il n’évitera pas son destin, qu’il ne se détournera pas de sa mission, même si elle est incompréhensible à ses disciples. Ce chemin vers la croix est le passage vers la grâce annoncée par la parabole des ouvriers.
    Mais ce chemin n’est toujours pas compris, comme en témoigne l’épisode que vous avez entendu : la demande de la mère de Jacques et Jean. Elle demande à Jésus un portefeuille de ministre pour ses deux fils dans le futur gouvernement, lorsque Jésus aura chassé les Romains et pris le pouvoir. Car c’est de cela qu’il s’agit, dans la demande de la mère de Jacques et Jean. Qui aura le pouvoir quand Jésus sera roi, lui le fils de David, l’héritier du trône ?
    Ô comme il nous est difficile de sortir d’une lecture spiritualisante des texte bibliques ! Cette mère essaie d’obtenir une promotion politique pour ses fils. Nous raisonnons aussi encore en termes de pouvoir quand nous parlons de l'Eglise:
    « Notre Eglise vaudoise a perdu sa place dominante… »
    « Elle perd de l’audience, des paroissiens. »
    Oui, c’est vrai, c’est une réalité, et c’est triste. Mais ce n’est pas la perte d’influence qui est triste, mais la perte de spiritualité, de grâce.

    Dieu n’a jamais choisi le peuple d’Israël pour sa grandeur ou sa force, le texte du Deutéronome nous l’a rappelé. Jésus n’a jamais choisi ses disciples pour leurs forces ou leurs compétences. Dieu ne nous a pas choisi pour nos richesses, notre influence ou notre importance sociale. Nous sommes choisis parce qu’il nous aime et veut nous libérer, comme il a libéré les Hébreux des « griffes  de Pharaon », comme il veut libérer les disciples de leur servitude à la soif du pouvoir, comme il a libéré deux aveugles de leur nuit et de leur exclusion.
    Cette guérison est là pour nous ouvrir les yeux sur la véritable identité de Jésus, sur son véritable travail, sur sa véritable mission. Jésus vient de l’exprimer en toute clarté : « Le Fils de l’Homme n’est pas venu pour se faire servir, mais il est venu pour servir et donner sa vie comme rançon pour libérer beaucoup de personnes ». (Mt 20:28).
    Cette façon de voir Jésus et Dieu est impossible sans un miracle, sans l’intervention de Dieu lui-même. C’est Jésus lui-même qui doit nous ouvrir les yeux pour que nous voyions comment cette libération s’inscrit dans notre vie. Jésus ne va pas la faire contre notre gré !
    Voyez comment il s’adresse à ces deux aveugles : « Que voulez-vous que je fasse pour vous ? ». Jésus est respectueux de chacun. C’est sa façon de servir : il n’use pas de sa connaissance et de sa puissance sans que nous ne le lui demandions. Il est à l’écoute de nos besoins, puis il met sa force au service de cette prière.
    C’est en cela que Dieu peut agir malgré nos faiblesses, malgré nos vulnérabilités. L’apôtre Paul ira même plus loin en disant que notre faiblesse, nos vulnérabilités lui laissent la place d’agir lui-même à travers nous.
    C’est la grâce de Dieu qui agit dans le petit peuple qu’il s’est choisi, à travers les disciples, à travers nous. Nous sommes des vases d’argile, mais nous y portons la présence de Dieu. Nous sommes même, dans les terme de l’apôtre Paul, le temple du Saint Esprit ! Laissons-nous ouvrir les yeux à cette réalité. Laissons-nous habiter par cette confiance que Dieu nous fait, que Dieu place en nous.
    Il nous a choisi, il nous aime, il nous fait confiance pour témoigner de cette bonne nouvelle : il habite en nous. Laissons rayonner cette confiance, ouvrons-nous à cette grâce et cette grâce sera visible autour de nous. Laissons-nous habiter par cette grâce de Dieu.
    Amen.
    © Jean-Marie Thévoz, 2007


    *Alphonse Maillot, Ces miracles qui nous dérangent, Aubonne. Ed du Moulin, 1986.

  • Matthieu 13. N'arrachez pas l'ivraie de peur que vous ne déraciniez le blé avec elle

    Matthieu 13

    20.9.98
    N'arrachez pas l'ivraie de peur que vous ne déraciniez le blé avec elle       
    Célébration oécuménique

    Rom 14 : 1-8    Mt 13 : 24-30


    Frères et soeurs en Christ,
    Vous avez entendu cette parabole que Jésus a raconté pour enseigner ses disciples. Quel titre lui donnez-vous ? Formulez le titre dans votre tête et retenez-le ! Vous y êtes ? Les deux titres les plus probables sont : "le bon grain et l'ivraie" ou "l'ivraie et le bon grain". L'ordre qu'on a choisi dans sa tête peut révéler notre optimisme ou notre pessimisme sur le monde.
    Le mal était-il là dès le commencement du monde ? = "l'ivraie et le bon grain" ou n'est-il que second dans le monde ? = "le bon grain et l'ivraie". Jésus dans sa parabole établit un ordre très important. En premier, le maître sème du bon grain, ensuite vient en cachette, de nuit, l'ennemi qui sème l'ivraie. Finalement, après la moisson le bon grain est engrangé alors que l'ivraie est brûlée.
    La séquence est donc : bon grain — ivraie — bon grain. Le mal n'est là ni au début, ni à la fin, il n'est ni l'alpha, ni l'oméga, seul le Christ est l'alpha et l'oméga. Le mal n'est là que comme une parenthèse encadrée, limitée par Dieu.
    Le problème, c'est que nous vivons dans cette parenthèse et qu'il est difficile de la considérer comme peu de chose. Il est donc normal de prendre le mal au sérieux. Mais le risque est de ne voir que lui, de se laisser submerger et de perdre espoir... ou de se voir investi de la mission d'éradiquer le mal. C'est la première idée des serviteurs : "Veux-tu que nous allions l'arracher ?" (Mt 13:28). Et là Jésus nous livre la vision que Dieu a du monde: "Non, de peur qu'en ramassant l'ivraie vous ne déraciniez le blé avec elle" (Mt 13:29).
    Dieu interdit tout tri par les humains, pendant le temps présent. Ce sera un travail qu'il confiera à d'autres : "les moissonneurs", "à la fin des temps". Maintenant, ce n'est pas notre travail, nous ne sommes pas équipés pour cela. "Ne croyons pas disposer du désherbant que Dieu lui-même n'a pas voulu employer" (Alphonse Maillot).
    Je pense que cette parabole peut être lue à trois niveaux.
    1) Elle exprime, en condensé, l'histoire du monde, l'histoire du salut. La création est bonne, le mal s'est glissé mystérieusement dans le monde, comme un ennemi, et il est là maintenant. Il est intimement entremêlé au bien. L'être humain est incapable de faire le tri. Ce tri est réservé à Dieu. Le mal rencontré est un mélange de mal commis et de mal subi dont personne n'est entièrement à l'origine. Le mal ne vient pas forcément de l'homme. L'être humain n'est pas responsable de tout le mal qui arrive, il y a une part mystérieuse qui nous échappe. En conséquence, la vertu ou la bonne conduite des hommes ne sauvera pas le monde.
    2) Le deuxième niveau est celui des institutions. Toute institution humaine est un champ où le bon grain et l'ivraie sont mêlés. Aucune ne peut se proclamer pure et juger sa voisine, aucune ne peut faire le tri dans ses membres. L'apôtre Paul nous donne de bons conseils lorsqu'il nous dit : "Que celui qui mange de tout ne méprise pas celui qui ne mange pas de tout, car Dieu l'a accueilli" (Rom 14:3). L'unité ne se fait pas par l'uniformité des pratiques, mais par la référence au seul Dieu qui accueille chacun. Chacun a de bonnes raisons personnelles d'agir comme il le fait.

    3) Le troisième niveau est celui des personnes, de soi-même. Acceptons que le bon et le moins bon est mélangé en nous-mêmes. Nous sommes nés dans un monde où nous n'avons pas reçu que du bon. Nous avons aussi été touchés par des événements qui nous ont fait du mal et dont nous souffrons. Il ne nous est pas demandé d'arracher cela et de le jeter loin. C'est le travail de la grâce de Dieu, au temps voulu par lui. Mais il nous promet la guérison de ces blessures.
    Le bon grain et l'ivraie sont mélangés également chez ceux qu'on côtoie, et là, je pense que nous sommes appelés à recevoir et appliquer le même regard que Dieu. Cherchons à voir chez chacun le bon grain qui est en lui et laissons Dieu s'occuper de l'ivraie.
    C'est fou ce que notre attitude envers quelqu'un peut être transformée lorsque nous sommes persuadés qu'il y a quelque chose d'aimable en lui, en elle, que je suis appelé à découvrir.
    Il y a en chacun, en chacun de vous, en chacun des membres de votre famille, chez vos collègues, etc., une semence merveilleuse qui développe son fruit et que Dieu connaît déjà. Cet être précieux, Dieu veille dessus, c'est pourquoi il interdit qu'on désherbe, qu'on éradique, qu'on exclue, de peur que cet être soit touché aussi.
    Regardez le monde, les institutions, les personnes avec les yeux de Dieu. Libérez-vous du rôle du juge qui doit opérer le tri (c'est l'oeuvre que Dieu confiera aux moissonneurs). Concentrez-vous sur le bon, le bien, le beau. Regardez les gens pour trouver le trésor qui est en chacun et pour découvrir en votre prochain la présence même de Dieu.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Matthieu 18. "Devenez comme des enfants !"

    Matthieu 18

    13.9.98
    "Devenez comme des enfants !"       
    Mt 7 : 7-12    Mt 18 : 1-5


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aujourd'hui, nous accueillons des enfants qui vont commencer ou poursuivre le culte de l'enfance. Pour certains, c'est peut-être un peu nouveau de se trouver dans cette église. Il y a beaucoup de choses à découvrir dans une église. Ce matin, j'aimerais attirer votre attention sur les deux vitraux que vous pouvez voir. (Dialogue avec les enfants sur ce qu'ils voient). Le vitrail de gauche montre une scène de la parabole du fils prodigue, lorsque le père accueille son fils à bras ouverts. Sur celui de droite, on voit Jésus qui bénit des petits enfants que leurs mères lui présentent. Les évangiles soulignent à quel point Jésus se souciait des enfants.
    Dans le récit que vous venez d'entendre, c'est à un enfant que Jésus fait appel lorsque ses disciples se disputaient entre eux pour savoir qui était le plus grand. Pour régler leur dispute, ils se tournent vers Jésus. Ils espèrent probablement qu'il va les départager. "Qui est le plus grand dans le Royaume de Dieu ?", ce qui signifie : qui est le plus grand aux yeux de Dieu ?
    Jésus ne tombe pas dans le piège de désigner l'un ou l'autre de ses disciples. Cela risquerait de créer une bagarre ou de diviser le groupe.
    Jésus, alors, appelle un enfant et le place au milieu d'eux et il leur dit de changer leur état d'esprit pour devenir comme un enfant. Alors Dieu les accueillera tous.
    Jésus ne fait pas un calcul de grandeur ou de quantité. Il ne fait pas de comparaison des qualités et des défauts de chacun. Dieu ne fait pas ces calculs, cette comptabilité. Dieu regarde ce qu'il y a dans notre coeur. Dieu regarde notre attitude fondamentale, notre être profond. Il cherche l'enfant en nous.
    "Devenez comme des enfants !" Qu'est-ce que cela veut dire ? Jésus avait déjà dit la même chose à Nicodème qui lui avait répondu  qu'il ne pouvait pas retourner dans le ventre de sa mère ! Nous tous, adultes, nous nous sentons investis de responsabilités, nous ne pouvons pas les abandonner pour redevenir insouciants comme des enfants ! Nous avons un travail, nous ne pouvons pas aller jouer ! Nous faisons des choses sérieuses et importantes, nous ne pouvons retourner à la sieste !
    Et puis, qu'est-ce que l'enfant a que nous n'ayons pas ? N'avons-nous pas l'impression que c'est quand même mieux d'être adulte que d'être enfant ? Ne disons-nous pas à nos enfants : "Quand tu seras grand alors tu pourras..." L'enfance ne serait que le chemin qui mène au but : être grand, responsable, travailleur...
    Jésus, cependant, pense autrement ! Il y a dans l'enfance une qualité que l'adulte doit retrouver pour "entrer dans le Royaume de Dieu" comme dit Jésus. Dans notre recherche de cette qualité, on peut écarter tout ce qui paraît faire de l'enfance, un âge d'or, c'est un mythe de ce XXe siècle.
    En fait, c'est un travail énorme de grandir, de découvrir le monde, d'être confronté à l'inconnu, d'être si petit dans un monde si grand, d'être si dépendant de ses parents. L'enfant, c'est celui qui n'a pas le pouvoir. Pas le pouvoir de répliquer au mal, de se défendre adéquatement, de trier le vrai du faux dans ce qu'on lui dit.
    L'enfance peut être très heureuse dans son ensemble, mais elle est tout de même parsemée de situations difficiles et blessantes. Ainsi, personne ne sort-il intact de son enfance pour vivre sa vie d'adulte. Cette vie d'adulte est marquée par ces blessures qui restent souvent profondément enfouies et méconnues. Ces blessures conditionnent souvent longtemps nos comportements relationnels.

    Aussi Jésus nous invite-t-il à retrouver en nous notre être d'enfant, ce qui consiste en deux choses :
    1) reconnaître comment l'enfant en nous a été blessé, pour le guérir
    2) reprendre contact avec l'enfant créatif et plein d'énergie qui se cache derrière l'enfant blessé.
    Bien sûr, sous le terme "enfant" on parle de l'Etre fondamental qui nous habite et que nous sommes. Retrouver cet Etre véritable qui est en nous-mêmes, c'est retrouver la clé du Royaume de Dieu, comme le promet Jésus. Et si on lit attentivement le dernier verset de ce récit (Mat. 18:5) "Celui qui reçoit cet enfant, me reçoit moi-même", on constate que Jésus s'identifie même avec cet enfant en même temps blessé et créateur de vie. Cela est tout à fait analogue à sa destinée. Ce Jésus crucifié, c'est celui que Dieu a ressuscité. Cet enfant (blessé) en nous, c'est celui qui ressuscite aussi en nous lorsque nous reconnaissons sa souffrance et sa parenté avec nous.
    Ce Dieu qui ressuscite Jésus est le Père qui fait vivre son Fils. La relation que nous avons au Père, n'est pas une infantilisation de l'être humain. C'est une relation nourricière. Dieu est ce Père qui fait revivre en nous l'enfant, qui en prend soin, qui l'entoure de sa tendresse. Comme le père du fils prodigue et comme Jésus qui accueille tous les enfants que l'on voit sur les vitraux de cette église de Bussigny.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007