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évangile - Page 30

  • Jean 13. Un mot d'ordre qui a changé le monde !

    Jean 13

    21.6.2009
    Un mot d'ordre qui a changé le monde !
    Jn 13 : 34-35    Ga 3 : 27-29

    "Je vous donne un commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres !" dit Jésus.
    Pour nous, ce commandement n'a rien de nouveau, et je pense que tous, vous qui êtes-là ce matin, le connaissez depuis bien longtemps. Ce commandement n'a plus rien de nouveau pour nous aujourd'hui, il apparaît plutôt comme une rengaine trop souvent répétée.
    Dans notre monde, dans la situation actuelle, on nous dit qu'il s'agit plutôt de se battre et d'être compétitif si l'on veut survivre ! Mais cela suppose que Jésus ait demandé — à travers ces mots et sa vie — d'être simplement gentils les uns avec les autres. Non ! Jésus propose autre chose ! Il propose de changer le monde, et en fait, il l'a changé — en grande partie — et nous allons voir comment.
    Oui, ces paroles : "Aimez-vous les uns les autres !" ont changé le monde depuis l'Antiquité jusqu'à nous. Essayons de nous représenter ce qu'était le monde antique, autour de Jésus et dans l'Empire romain. Les relations humaines étaient fondées sur l'appartenance au groupe et sur une certaine ségrégation. Les citoyens romains étaient jugés selon la loi romaine — à laquelle l'apôtre Paul fera appel lorsqu'il sera arrêté. Les juifs n'avaient pas le droit — selon leur religion, au risque de devenir impurs — d'entrer dans la maison d'un romain ou de manger avec lui (Ac 10:28).
    Jésus a fait tomber ces barrières et les chrétiens ont formé des Eglises qui réunissaient juifs et païens. Aujourd'hui, nous n'aurions pas idée de refuser de manger avec quelqu'un parce qu'il est d'une religion ou d'un pays différent.
    Dans l'Antiquité, il y avait une hiérarchie entre hommes et femmes, des rôles bien déterminés. Les femmes étaient dépendantes des hommes, d'abord du père, puis du mari, puis du frère ou du fils. Le christianisme a donné une nouvelle place à la femme, même si — il faut le reconnaître — l'institution de l'Eglise est vite devenue une affaire d'hommes qui ont, à nouveau, exclu les femmes.
    Le mot d'ordre de Jésus : "Aimez-vous les uns les autres !" a souvent passé par d'autres canaux, dans la société, pour que cette égalité — pas encore parfaite — devienne la norme aujourd'hui (en tout cas dans l'idéal).
    Ce commandement a également bouleversé les relations de travail en remettant fondamentalement en cause la pratique de l'esclavage : si nous sommes tous égaux devant Dieu, comment peut-on exploiter des esclaves ?  L'esclavage de l'Empire romain a finalement été aboli par la force du christianisme, même s'il y a eu des rechutes avec l'esclavage des noirs. De nouveau-là, le commandement nouveau a repris le dessus et l'esclavage a été aboli, puis les droits des noirs américains restitués grâce à l'action du pasteur Martin Luther King.
    Tout cela a pris du temps et des chemins qui passent tantôt par l'Eglise : la mise en place des hospices pour recueillir les malades et les démunis, tantôt par la société civile : la déclaration des Droits Humains. Mais le commandement garde sa nouveauté et sa force de changement : le changement des rapports humains, des relations humaines.
    Savez-vous qu'entre l'Antiquité et aujourd'hui, la violence physique — les blessures et les meurtres — a diminué de cent à un ! Même s'il y a encore quelques irréductibles, nous réglons nos conflits par le dialogue, plutôt que par la violence. Même si ce dialogue passe parfois par les tribunaux, c'est une façon non-violente de résoudre un différend. C'est une application pratique du commandement de Jésus.
    Jésus a demandé à ses disciples de suivre son mot d'ordre comme signe pour tous les humains de quelque chose de nouveau pour le monde, comme un signe de ralliement de tous ceux qui croient, signe qu'il est possible de changer les rapports humains, de faire diminuer la violence, de faire augmenter le respect mutuel.
    Et ça a marché ! Pas parfaitement évidemment. Le monde n'est pas le paradis, la violence, bien que diminuée, est encore présente; l'inégalité, bien que diminuée, est encore présente; les rapports de force, bien que diminués, sont encore présents; les ségrégations, bien que diminuées, sont encore présentes. Cela dit le chemin parcouru — et pour lequel nous pouvons être reconnaissants, mais cela dit aussi le chemin qu'il reste à parcourir, le travail qu'il faut continuer à faire.
    Le mot d'ordre de Jésus reste d'actualité, il garde sa force de changement, pourvu qu'il y ait des gens pour en reconnaître la valeur, pour le transmettre, pour le mettre en pratique.
    Je vois deux domaines particuliers — chez nous — où nous avons beaucoup à progresser : dans la famille, d'abord, dans la communication dans le couple et avec les enfants. Il y a trop de divorces et d'enfants qui en souffrent. Pas parce que le divorce serait en soi immoral, mais parce qu'il fait souffrir et le couple et les enfants. Si nous apprenions à mieux communiquer — dès le début — dans le couple, nous nous éviterions beaucoup de souffrances.
    L'autre domaine qui mine notre société est la solitude. Et là, je salue le travail de votre Honorable Abbaye. En rassemblant notre village pour une fête, vous créez du lien — comme on dit. Vous permettez aux gens de se rencontrer, en vrai, pas en virtuel. Alors qu'en général, par peur de déranger, on s'enferme dans la solitude et dans l'ennui.
    En nous donnant ce "commandement nouveau," Jésus nous rappelle que les rapports humains peuvent changer, que le malheur n'est pas une fatalité, que les conflits peuvent se résoudre dans le dialogue, que la solitude se dissout dans la communion. Vivons ces relations renouvelées et que la fête soit belle.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Nombres 13. Selon ce que nous choisissons, nous modelons notre vie.

    Nombres 13

    14.6.2009
    Selon ce que nous choisissons, nous modelons notre vie.
    Nb 13 : 1-3, 17-24    Nb 13 : 25-33 — 14 : 1-9    Mt 7 : 7-11

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chères familles,
    Le peuple d'Israël se trouve à une frontière, faut-il avancer ou faire demi-tour ?
    Souvenez-vous, le peuple d'Israël est sorti de son esclavage en Egypte, il a échappé à la tyrannie du Pharaon, traversé la Mer des Roseaux et l'armée de Pharaon a été engloutie par les eaux. Le peuple d'Israël a traversé la péninsule du Sinaï où il a rencontré Dieu et reçu les Tables de la Loi. Le peuple d'Israël est libre, il est en route vers la Terre promise, il est à bout touchant : la Terre promise est devant eux. Vont-ils y entrer ?
    Des explorateurs ont été envoyés en reconnaissance, ils sont douze, un explorateur par tribu d'Israël. Ils reviennent avec des nouvelles, des nouvelles contrastées. "C'est un pays où coulent le lait et le miel" (Nb 13:27), ils y ont trouvé des fruits en abondance. Mais c'est une région habitée par des géants (Nb 13:33), les villes sont fortifiées, tout cela paraît bien risqué !
    Maintenant, quittons la géographie et l'histoire et faisons une lecture symbolique de cet épisode. Je crois que ce récit dépeint beaucoup de nos situations de vie, où nous nous sentons devant un avenir inconnu.
    •    Le petit enfant qui craint d'être séparé un jour de ses parents.
    •    L'enfant qui s'interroge sur sa capacité à grandir, à être à la hauteur du "plus grand" qu'il va devenir.
    •    L'adolescent qui se demande comment il va fais son entrée dans la vie active, indépendante.
    •    L'adulte qui se demande comment il va s'adapter à son nouveau travail, à une nouvelle entreprise.
    •    Les parents qui se demandent comment vont grandir leurs enfants.
    •    Les adultes qui s'interrogent sur le passage à la retraite ou leur entrée dans la vieillesse et, quand l'âge nous rattrape, que faire si je deviens dépendant, si je dois entrer en EMS ?
    A tout âge, on peut se trouver devant une frontière et se demander, vais-je avancer ou faire demi-tour. Remarquons que le récit nous dit que le demi-tour est un retour en arrière, vers la mort.
    Le futur — comme inconnu — est toujours ambivalent, en même temps "pays où coulent le lait et le miel" et pays "habité par des géants" face auxquels je me sens comme un microbe (l'hébreu dit "sauterelles", la traduction en français courant dit "fourmis").
    Que croire ? Que penser ? Quelle est la réalité, la réalité vraie, comme on dit ?
    Un phénomène bien vu dans le texte est ce jeu entre géants et microbes. Dans une situation inconnue, je me sens dé-sécurisé, je me sens tout petit et les autres me paraissent géants, compétents, assurés, tout ce qu'on veut, en contraste de moi. Et nous projetons notre propre perception sur les autres. "Nous nous sentions comme des fourmis, et c'est bien l'impression qu'ils devaient avoir de nous !" (Nb 13:33).
    Nous ne savons pas ce qu'ils pensent, mais nous projetons notre vision des choses dans leur cerveau. Une bonne façon d'augmenter notre peur ! Mais comment l'éviter ? Quels sont les ingrédients de la peur ? Quels sont les ingrédients pour franchir le pas et aller de l'avant ?
    Le récit nous présente un affrontement entre ceux qui veulent faire demi-tour et ceux qui veulent entrer en Terre promise. On peut voir comment ils argumentent :
    Les ingrédients du refus sont :
    - de gommer les éléments positifs,
    - d'augmenter — même faussement — l'attrait du présent ou du passé (argument du bon vieux temps),
    - accentuer les éléments négatifs de l'avenir,
    - projeter ses propres sentiments sur les autres,
    - avoir une faible estime de soi (se voir comme des microbes),
    - entretenir sa peur des autres (les voir comme des géants).
    Quels ingrédients sont-ils avancés pour faire le pas et accueillir l'avenir ?
    - considérer les éléments positifs (l'abondance dans le pays),
    - faire confiance dans le plan de Dieu (si Dieu le veut, alors cela se réalisera !),
    - avoir confiance en soi-même, cela fait baisser la peur des autres,
    - croire au soutien, à l'accompagnement de Dieu : nous ne serons pas seuls sur le chemin de l'avenir.
    Entre ces deux positions, quelles voix écouter ? Comment faire son choix ? Qu'est-ce qui fait la différence ? La différence entre l'attitude de refus d'avancer et celle de franchir le pas est une différence de vision du monde, d'interprétation de la réalité. Le monde, l'avenir, la Terre promise comportent deux réalités, l'abondance et le danger — on ne peut gommer ni l'une ni l'autre — mais c'est nous qui rencontrerons plutôt l'une ou plutôt l'autre selon notre attente !
    Nous décidons si le verre est à moitié plein ou à moitié vide. Selon que nous choisissons d'avancer avec confiance ou de reculer avec peur, nous modelons notre vie. Selon que nous choisissons de croire en la promesse d'un avenir ouvert et riche. Selon que nous croyons en la promesse d'être accompagné sur le chemin et soutenu pour traverser les épreuves et les difficultés, nous modelons notre vie. Selon que nous choisissons de nous croire abandonnés ou seuls, nous modelons notre vie.
    Quelle voix voulons-nous faire entendre à nos enfants : la voix de la peur ou du repli, ou celle de la confiance, celle de l'assurance d'une promesse de vie riche et pleine — ce qui ne veut pas dire dépourvue de difficultés — celle d'être accompagnés et soutenus au long du chemin ?
    La Bible, l'Evangile nous répètent que Dieu nous accompagne dans toutes les étapes de notre vie, qu'il nous soutient. Nous ne sommes pas seuls, abandonnés. Nous ne sommes pas des microbes face à des géants. Nous sommes simplement des humains qui pouvons avancer — sans crainte — faisant confiance en Dieu qui nous guide, qui nous soutient, qui nous accompagne de sa bonté. Un Dieu dans lequel nous pouvons mettre notre confiance, sur lequel nous pouvons nous appuyer pour asseoir notre estime de nous-mêmes.
    Nous croyons en un Dieu avec lequel avancer et affronter sereinement l'avenir. Voilà une base solide pour construire notre vie et éduquer nos enfants. 
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz

  • Luc 12. Allumer le feu de l'amour pour remplacer le monde ancien par un monde nouveau.

    Luc 12

    31.5.2009
    Allumer le feu de l'amour pour remplacer le monde ancien par un monde nouveau.
    Gn 2 : 4b-8    Ac 2 : 1-4    Lc 12 : 49-50

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chères familles,
    La Pentecôte marque dans le parcours des Evangiles un aboutissement. Après le départ de Jésus — à l'Ascension — les disciples reçoivent l'Esprit de Dieu pour être, en eux, la présence de Jésus pour les guider dans leur nouvelle vie.
    Mais la Pentecôte n'est pas seulement — même si c'est déjà beaucoup — un événement pour les disciples, pour les croyants, pour les chrétiens. Je crois que la Pentecôte est l'aboutissement, l'achèvement, l'accomplissement de l'œuvre créatrice de Dieu. La Pentecôte est l'achèvement de la création voulue par Dieu, pas seulement pour les croyants, mais pour tous les humains, pour toute l'humanité. La création n'est pas un projet pour les seuls croyants, mais l'aventure dans laquelle est embarquée toute l'humanité et toute la terre.
    L'être humain ne naît pas achevé, accompli. L'être humain vient à la vie, tout petit, dépendant, vulnérable, mais en même temps avec un infini de possibilités. L'être humain est un être en développement, en devenir, et le temps de notre existence nous est donné pour accomplir notre développement, notre vocation.
    La Bible en parle en images à décrypter, elle nous signale des étapes, des passages, des perspectives. Dans un des récits de création, on entend que Dieu fait l'être humain — Adam — à partir de la terre en façonnant de la poussière, puis en lui insufflant l'haleine de vie (Gn 2:7).
    (1) Premier élément : la terre, ce qui fait que nous sommes des terriens, des êtres liés à notre planète. Nous avons un corps, nous sommes un corps et notre société insiste beaucoup pour que nous nous occupions de cette partie de nous-mêmes ! Il faut se nourrir et bien. Il faut l'entretenir (sport), il faut l'embellir (il y a quantité de produit qu'on veut nous vendre pour cela), il faut le soigner, le satisfaire, etc… Mais nous ne sommes pas que de la chair.
    (2) Nous sommes animés par cette haleine de vie que Dieu nous a insufflé. On pourrait dire que ce sont nos émotions qui nous font nous sentir vivants : la joie et la tristesse, la peur ou la colère, l'envie ou la satisfaction. Cela nous anime, cela nous meut, parfois cela nous déborde et nous nous laissons emporter,
    (3) Mais la vie ne s'arrête pas là non plus. Dieu nous appelle à ne pas en rester là, au corps et aux émotions; il nous appelle à tisser des relations, à développer des liens, à faire circuler l'affection et l'amour. Nous découvrons là une nouvelle dimension, marquée autant par le beau et le bien que par l'échec et le mal. Autant on se sent bien lorsqu'on est aimé, autant la souffrance nous assaille lorsqu'une parole nous blesse et met en cause l'affection éprouvée.
    La Bible en parle en termes d'eau. L'eau de la source ou du puits qui donne la vie, rafraîchit ou purifie. L'eau du baptême qui efface toute vie ancienne pour permettre un recommencement dans nos relations. L'eau de la Mer Rouge traversée pour sortir de l'esclavage et inaugurer une nouvelle liberté. L'eau du Jourdain, franchie pour quitter le désert et entrer dans la terre promise.
    Nous avons, dans nos vies, à franchir des étapes, à quitter des états pour de nouveaux horizons, nous avons à dépasser des sentiments négatifs pour entrer dans de nouvelles relations. Une vie nouvelle pour des relations nouvelles. Dieu nous offre la possibilité, à tout moment, de puiser à la source de la vie pour devenir ressources pour d'autres. Dans ces passages, nous recevons un nouveau souffle.
    (4) Mais la Bible nous parle encore d'une étape supplémentaire : le feu. Vous avez entendu cette phrase énigmatique de Jésus : "Je suis venu apporter le feu sur la terre et combien je voudrais qu'il soit déjà allumé !" (Luc 12:49).
    Phrase énigmatique, parce qu'on associe le feu avec la destruction, avec la colère de Dieu, avec le jugement ou la vengeance, il n'y a qu'à penser à Sodome et Gomorrhe. Or nous avons de Jésus l'image de quelqu'un apportant la paix, le calme, la sérénité et un amour que nous confondons trop souvent avec la simple gentillesse.
    Dans la Bible, le feu est souvent associé à la violence ou au jugement, c'est vrai, mais pas seulement. Il est aussi le lieu de la révélation de la présence divine. Pensez au buisson ardent que découvre Moïse dans le désert (Ex 3:2). En regardant un feu on voit les étincelles et la fumée s'élever dans les airs. Le feu est ce qui élève l'âme vers Dieu, ce qui éclaire, illumine notre esprit. Il donne de l'ardeur, il embrase et là l'image débouche sur un amour dévorant, sur un amour communicatif, contagieux, qui transforme tout ce qu'il touche.
    En donnant sa vie pour nous sur la croix, Jésus a allumé le feu de l'amour, du don de soi. Le feu, les flammes que reçoivent les disciples à la Pentecôte sont un second baptême, une révélation de cet amour contagieux que nous communique le Christ.
    Comme dernière étape, Dieu nous appelle à une élévation nouvelle dans nos relations. Il ne s'agit pas seulement d'avoir de bonnes relations avec les autres, d'être en bonne entente et de pouvoir co-habiter tous ensemble sur cette même planète. Il s'agit de construire un monde plus pacifique, plus accueillant pour tous.
    Comme le feu, c'est un jugement sur la violence de ce monde, sur tous ses disfonctionnements et tous les égoïsmes rassemblés. C'est un feu qui plaide pour la destruction du mal, mais par le don de soi, pas par la destruction de l'autre. Jésus allume un feu sur la terre, mais un feu d'amour, une passion dirigée vers la vie, vers le soutien et le développement, vers la justice et la paix. Une passion qui combat toujours dans le plus grand respect de l'autre.
    Le Christ sur la croix nous a montré la voie : à nous d'allumer le feu de l'amour pour remplacer le monde ancien par un monde nouveau.
    Avec l'air et la terre, nous sommes des habitants de cette terre. Avec l'eau, nous puisons à la vie de Dieu et nous devenons des ressources de vie pour ceux qui nous entourent. Avec le feu de l'amour, nous accomplissons dans notre existence la finalité de la création voulue par Dieu.
    Dieu souhaite que nous soyons des feux qui éclairent, qui réchauffent, qui transmettent la chaleur de l'amour, de son amour infini autour de nous. Voilà ce que nous recevons à la Pentecôte, voilà ce à quoi nous sommes appelés, voilà notre vocation.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Actes 1. Ascension. Jésus passe le relais, nous sommes ses témoins.

    Actes 1    21.5.2009
    Ascension. Jésus passe le relais, nous sommes ses témoins.
    Luc 24 : 41b-53    Ac 1 : 1-4

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers JP,
    Nous avons entendu le récit de l'Ascension tel que nous le raconte l'Evangéliste Luc, à la fin de son Evangile et au début du livre des Actes. Luc a fait de l'Ascension l'élément charnière entre ses deux livres, le récit de la vie de Jésus et le récit de la vie de l'Eglise commençante.
    Luc est un écrivain doué qui sait mettre en scène les personnages et les événements pour faire ressortir le sens et les perspectives théologiques. Dans le récit de l'Ascension, Luc reprend une affirmation de foi des apôtres et témoins du Christ : "le Christ a été élevé au-dessus de tout (Ph 2:9), il a été glorifié (Jn 12:23) et il est maintenant assis à la droite de Dieu (Luc 22:69)" et il la met en récit visuel, devant les yeux des disciples.
    Il nous montre en quelque sorte Jésus rejoindre le monde de Dieu, représenté par le ciel et la nuée. Il nous rend visible, compréhensible, une vérité théologique. Mais plus important que de voir cela, c'est de comprendre le sens de cet événement. En plaçant l'Ascension à la charnière de l'Evangile et des Actes, Luc nous transmet plusieurs messages.
    Dans l'Evangile, l'épisode entourant l'Ascension est raconté comme une scène d'adieu. Jésus se sépare de ses disciples, il les enseigne une dernière fois, il leur ouvre l'intelligence pour qu'ils comprennent les Ecritures; il leur promet l'Esprit saint; il les bénit et s'en va. Jésus est actif et les disciples sont passifs, ils reçoivent l'enseignement, la promesse et la bénédiction. Et si l'on devait mettre en film la dernière image des disciples louant Dieu dans le Temple, on pourrait en faire une vue aérienne, comme si Jésus regardait ses disciples depuis le ciel.
    Dans le livre des Actes, Luc change la perspective (je vous avais dit que Luc était un écrivain doué). Luc commence par faire un petit résumé qui reprend — avec d'autres mots — les événements qui terminent l'Evangile, rappelant le temps (40 jours) entre la Résurrection et l'Ascension.
    Luc expose que le temps de Jésus était celui du baptême d'eau et que vient le temps du baptême de l'Esprit qui viendra "dans peu de jours" (à la Pentecôte) (Ac 1:5). Ensuite, les disciples questionnent Jésus sur l'établissement du Royaume d'Israël, qu'ils confondent encore avec le Royaume de Dieu dont parle Jésus. Alors Jésus les investit de leur mission : être témoin à Jérusalem, en Judée, en Samarie et jusqu'aux extrémités de la terre (Ac 1:8). Après cela, Jésus est élevé et caché aux yeux des disciples. En cinéma, ce serait une vue du sol vers le ciel.
    Dans cette scène on a vu des disciples actifs à questionner Jésus et investis d'une mission et un départ vu du point de vue de ceux qui restent.
    Voilà, Jésus est parti ! Qu'en penser et que faire ?
    Ce départ, cette ascension est bien différente du départ que les disciples ont déjà vécus lors de la mort de Jésus sur la croix. Ce départ n'est pas un abandon, une séparation douloureuse. Ce départ est préparé, les disciples ont reçu des instructions. Ce départ est préparé, les disciples ont reçu une mission. Ce départ est préparé, les disciples ont reçu une promesse.
    Les disciples vont recevoir l'Esprit saint, qui est la nouvelle forme de présence de Jésus, de Dieu en nous. Les disciples ont reçu une mission : ce sont eux, c'est nous qui sommes à présent les relais de la présence de Jésus. Nous sommes les témoins du message de Jésus. L'absence de Jésus "comme avant" est remplacée par une nouvelle forme de présence, par l'Esprit saint et par la communauté.
    « En s'effaçant du monde, le Ressuscité ouvre un espace dans lequel la communauté des croyants concrétisera la présence cachée du Christ »* Jésus passe le relais. Nous sommes ses témoins. Et ce message est destiné à la terre entière ! Comme un caillou qu'on jette dans l'eau fait des vagues concentriques qui s'étendent à toute la surface de l'eau, le message de Jésus est destiné à la terre entière et nous en sommes les messagers aujourd'hui.
    Les disciples ont apporté le message de Jésus dans tout l'empire romain, à travers le réseau de synagogues qui s'étendait dans tout l'empire. Le message a traversé les siècles, deux millénaires, jusqu'à nous. Une chaîne ininterrompue de témoins va des premiers disciples jusqu'à nous.
    Nous avons la responsabilité d'être à notre tour les témoins de Jésus auprès des humains de notre temps. Quelques jeunes de notre paroisse vivent ce culte avec nous avant de partir pour Taizé, y passer quatre jours.
    Vous les JP (jeunes paroissiens), vous avez reçu notre témoignage, vous avez reçu le Christ en vous et vous recevez aussi — comme cette communauté paroissiale toute entière — cette mission de témoigner du Christ et de sa vie.
    Les disciples se réunissaient pour prier dans une maison de Jérusalem, pour se ressourcer et prendre des forces pour se préparer à évangéliser la terre. Ils étaient onze disciples avec quelques autres personnes, des hommes et des femmes, comme vous êtes onze JP ce matin, avec quelques hommes et femmes de notre paroisse pour prier et louer Dieu.
    Nous allons aller nous ressourcer à Taizé pour que la Parole et l'Esprit de Jésus nous habitent et que nous puissions témoigner de cette vie en nous. Nous avons besoin de la prière et du soutien de toute la communauté de l'Eglise pour que l'Evangile — la bonne nouvelle — de Jésus continue d'être annoncée et vécue dans notre paroisse, dans notre pays et dans le monde.
    Le départ de Jésus à l'Ascension n'est pas un abandon, n'est pas un affaiblissement, il est le transfert de la responsabilité de la mission à tous les croyants. Assumons avec joie cette responsabilité, Jésus nous en promet la force par son Esprit.  
    Amen
    * Daniel Marguerat, Les Actes des Apôtres (1—12), Commentaires du Nouveau Testament, Labor et Fides, Genève, 2007, p. 51
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Jean 21. Etre conduit par le Christ.

    Jean 21

    10.5.2009
    Etre conduit par le Christ.
    Jn 1 : 35-43    Jn 21 : 15-19

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Avec ce dialogue entre Jésus et Pierre, nous arrivons au dernier épisode de l'Evangile de Jean, au dernier entretien de Jésus avec ses disciples. Ce dialogue se déroule juste après la pêche abondante et le repas partagé avec l'inconnu qui se révèle être Jésus sur la grève du lac de Galilée. Avant de quitter ses disciples pour retourner vers son Père à l'Ascension, Jésus doit encore affermir ses disciples pour qu'ils puissent accomplir leur mission.
    Dans ce dialogue, Pierre est le représentant de tous les croyants. Jésus ne parle pas seulement à Pierre, il nous parle à nous aussi il parle à toute l'humanité. Jésus pose trois fois la même question : "Pierre, m'aimes-tu ?" (Jn 21:15-17) Toi, mon disciple, m'aimes-tu ? Pourquoi une telle insistance ?
    Une première réponse concerne Pierre personnellement. Par trois fois, il a renié Jésus avant sa Passion. Faire dire à Pierre, par trois fois, qu'il aime son Seigneur, est une façon d'effacer le reniement, de passer plus loin, d'accepter le pardon reçu et la force de dépasser la faute. Ainsi, par trois fois, Jésus répète "Fais paître mes brebis." Une façon pour Jésus de redire, trois fois aussi, à Pierre qu'il lui fait confiance, il peut accomplir sa tâche, sa mission.
    Une autre réponse à cette insistance émerge si nous considérons que cette question nous est posée à nous. Vous connaissez l'énigme antique que le sphinx pose à Œdipe : "Qu'est-ce qui a quatre pattes le matin, deux pattes à midi et trois pattes le soir ?" C'est l'être humain dans les trois périodes de sa vie : petit enfant il marche à quatre pattes, adulte il est sur ses deux pieds et vieillard, il marche avec une canne.
    Nous passons tous par ces trois stades de la vie et Jésus nous repose la question "m'aimes-tu ?" à ces différents âges. Notre foi d'enfant n'est pas la même que notre foi d'adulte. Elle doit grandir, évoluer. Elle change selon les circonstances et les épreuves que nous traversons. elle doit encore s'adapter, évoluer quand nous entrons dans les soucis de l'âge et les problèmes de santé qui en découlent.
    A chacun de ces passages, Jésus nous redemande : "m'aimes-tu ?" et renouvelle notre ordre de mission. "Prends soin de ceux qui te sont confiés." Et notre mission n'est pas forcément la même à tout âge, comme jeunes avec nos camarades, comme adultes avec nos enfants ou nos collègues, comme retraités avec nos petits-enfants ou nos contemporains.
    Jésus nous suit dans la vie, il nous accompagne et renouvelle sa présence auprès de nous, son amour. Il nous demande aussi de nouvelles choses. C'est comme cela que je comprends la fin du dialogue entre Jésus et Pierre. C'est un échange énigmatique que je vous relis : "Je te le déclare, dit Jésus, c'est la vérité : quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture et tu allais où tu voulais, mais quand tu seras vieux, tu étendras les bras, un autre te mettra ta ceinture et te mènera où tu ne voudras pas aller." (Jn 21:18)
    Jésus dit à Pierre : dans ta jeunesse, tu t'habillais toi-même et tu choisissais où tu voulais aller, mais maintenant ou bientôt, quelqu'un d'autre t'habillera et te conduira là où tu n'as pas choisi d'aller. Je vois trois interprétations possibles :
    •    soit le fait d'être servi : quelqu'un te tendra tes habits et te servira de chauffeur,
    •    soit l'entrée dans la dépendance : quelqu'un t'habillera, te nourrira, te conduira par la main,
    •    soit, finalement : tu ne seras plus libre de tes mouvements, mais emprisonné, ceinturé, et l'on te conduira au lieu de ton martyre. C'est comme cela que la tradition l'a interprété, parce que l'histoire l'a confirmé.
    Mais qu'est-ce que cela peut nous dire à nous, si Pierre est vraiment la figure de tous les croyants ? Je crois qu'on peut y lire notre destinée à tous. Dans un premier temps de notre existence — lorsque nous ne connaissons pas Jésus ou que nous ne le suivons pas — nous suivons notre première nature, celle d'être pécheurs. Nous faisons ce que nous voulons, nous allons là où nous voulons, c'est-à-dire là où notre nature égoïste nous dirige. Comme Adam et Eve, nous nous habillons nous-mêmes — de feuilles de figuier (Gn 3:7). Nous suivons notre propre volonté, celle qui a été troublée par le serpent.
    Mais lorsque nous nous laissons trouver par le Christ, lorsque nous nous laissons remplir par son amour, c'est lui qui nous habille d'un nouveau vêtement, le vêtement de noce (Mt 22:12), la robe de fête du Royaume de Dieu et nous nous laissons guider, conduire par lui.
    Et lorsque nous remettons la conduite de notre vie à Jésus, il nous conduit selon sa volonté, là où il le veut. Nous n'allons plus là où notre première nature voulait aller, nous suivons la voie du Christ.
    Jean-Baptiste, en voyant Jésus pour la première fois, a dit : "Voici l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde." (Jn 1:29) Jésus, par son amour, ôte notre péché pour nous revêtir de la robe du Royaume, ce qui nous permet de répondre à son appel : "Toi, suis-moi !" (Jn 1:43; 21:19) Ce qui nous permet de répondre à sa mission : "Fais paître mes brebis !"
    Dans chacune des périodes de nos vies, Jésus renouvelle sa question : "m'aimes-tu ?" A chaque période de nos vies, nous avons à répondre à l'appel de Jésus, en quittant notre première nature pour nous laisser guider par sa volonté. Lui répondons-nous — aujourd'hui comme hier — "Toi qui connais tout, tu sais bien que je t'aime !" ?
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Jean 21. "Avez-vous quelque chose à manger ?"

    Jean 21

    26.4.2009
    "Avez-vous quelque chose à manger ?"
    Jean 6 : 29-35    Jean 21 : 1-14

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Depuis Pâques, nous lisons les récits des apparitions de Jésus dans l'Evangile de Jean. Il y a d'abord eu le matin de Pâques avec Marie-Madeleine, Pierre et le disciple que Jésus aimait. Puis le soir de Pâques, Jésus est apparu à quelques disciples dans une pièce fermée où ils étaient réunis. Une semaine après cela, Jésus apparaît dans les mêmes circonstances pour se présenter à Thomas qui doutait du témoignage de ses compagnons.
    Aujourd'hui, nous avons entendu le récit d'une troisième apparition de Jésus. Si les deux premières ont eu lieu à Jérusalem ou dans les environs immédiats, cette troisième apparition a lieu au bord de la mer de Tibériade, selon l'appellation romaine, appelée lac de Galilée par les habitants du coin (comme nous disons "Lac Léman" quand les américains disent "Geneva Lake.")
    Les disciples sont donc de retour chez eux. Deux à trois semaines après Pâques et la rencontre avec le Ressuscité, le soufflé semble retomber. Chacun rentre chez soi, la fête est finie, la vie de tous les jours reprend le dessus. Pour nous aussi, le train-train a repris après les fêtes de Pâques, la joie et les réunions de famille. Alors c'est tout ? Rien n'a vraiment changé ?
    Le travail reprend, Pierre repart à la pêche, ses compagnons le suivent : on ne peut pas rester sans rien faire; il faut bien manger, donc gagner sa croûte. Mais voilà, ils ne prennent rien cette nuit-là. Toute une nuit de travail et au final : rien à se mettre sous la dent pour reprendre des forces !
    Terrible parabole de la vie, terrible répétition de la malédiction d'être chassé du paradis : "Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front." (Gn 3:19) Terrible réalité d'une vie qui nous laisse constamment sur notre faim.
    Nous ne réalisons pas ce à quoi nous aspirons. La vie ne nous rassasie pas. Nous sommes constamment en quête, en quête de nouveauté, en quête d'être comblés, à courir toujours à nouveau après on ne sait plus quoi pour être assouvis, en paix, serein. Qui comblera notre faim, notre attente ?
    Après cette nuit qui n'a enfanté que du vide dans nos filets, l'aurore se lève et un inconnu sur le rivage vient demander : "Avez-vous quelque chose à manger ?" (Jn 21:5). Jusqu'à présent j'avais toujours compris cette question comme "Avez-vous quelque chose à me donner à manger ?" Mais plus loin dans le récit, Jésus ayant renvoyé ses disciples à la pêche, il a de la nourriture qu'il fait cuire pour les disciples en attendant leur retour (Jn 21:9). Aussi, faut-il plutôt entendre la question de Jésus comme : "Avez-vous de quoi vous nourrir ?" Avez-vous ce qu'il faut pour combler votre faim, vos aspirations ? Le monde vous donne-t-il de quoi être comblé ? Et les disciples de reconnaître : "Non" (Jn 21:5). Et l'on peut deviner les explications : Nous ne cessons de chercher et nous ne trouvons rien pour nous combler !
    Et l'inconnu les renvoie à la pêche et le filet est, cette fois, plein à se rompre. Faisaient-ils tout faux auparavant ? Je crois que le récit ne met pas en avant le miracle, la pêche miraculeuse, mais la présence de Jésus. Ce récit tisse plein de liens avec le récit de la multiplication des pains (Jean 6) après laquelle Jésus déclare : "Je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n'aura jamais faim et celui qui croit en moi n'aura jamais soif" (Jn 6: 35).
    Pendant que Pierre et ses compagnons sont dans leurs barques, Jésus a préparé un feu de braise et y a fait cuire du pain et des poissons (comme dans Jn 6:9) pour nourrir les disciples à leur retour. Quand les disciples s'aperçoivent qu'ils ont quantité de poissons dans leur filet, le disciple que Jésus aimait reconnaît l'inconnu. Ensuite, les autres disciples se doutent bien de quelque chose quand l'inconnu les invite à manger le repas préparé, et leurs yeux s'ouvrent complètement lorsqu'il prend le pain et le leur donne — les mêmes gestes que lors de leur dernier repas avec Jésus.
    Ce récit qui semblait nous dire : tout votre travail est vain si vous n'utilisez pas la "méthode Jésus" se transforme pour nous dire : Il n'y a pas de nourriture en dehors de Jésus. Le monde ne nous donne rien qui puisse combler notre faim, nos aspirations, notre besoin d'être aimés, soutenus, portés, pacifiés.
    Jésus est le pain de vie, la nourriture qui répond à nos aspirations, la nourriture qui répond à notre quête. Jésus vient sur le bord de la mer de Tibériade pour combler ses disciples, pour les nourrir, pour être leur nourriture : "prenez et manger, ceci est mon corps."
    Ensuite — parce que ce récit est aussi un envoi missionnaire — rassasiés, les disciples pourront porter la bonne nouvelle. Et l'on pourra lire — dans un deuxième temps — cette pêche miraculeuse comme la constitution de l'Eglise qui rassemblera tous les humains de la terre. "Je vous ferai pêcheurs d'hommes" disait Jésus (Mc 1:17) au début de son ministère. Mais il ne faut pas renverser l'ordre voulu par Jésus. C'est parce qu'il nous nourrit en premier de sa vie, que nous pouvons ensuite jeter notre filet sur le monde. Et jeter le filet, c'est annoncer la bonne nouvelle que Jésus vient nous nourrir de sa vie, qu'il vient remplir nos aspirations, qu'il vient combler nos attentes et nous donner la paix intérieure.
    Dans le récit de la multiplication des pains et des poissons, après que tous ont mangé, il reste encore des corbeilles pleines à distribuer. La bonne nouvelle, c'est que l'amour de Dieu ne s'épuise pas. Jésus est le pain de vie pour chacun, pour tous, il est là en abondance, n'ayons crainte de le partager avec tous ceux qui nous côtoyons.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Matthieu 26. Les chemins divergents de Judas et de Pierre.

    Matthieu 26

    8.3.2009
    Les chemins divergents de Judas et de Pierre.
    Mt 26 : 14-25    Mt 26 : 31-35

    Nous sommes entrés dans le temps de la Passion et nous lisons depuis dimanche passé les récits des Evangiles qui racontent les derniers jours de Jésus. Jésus vit une dernière fois la fête de la Pâque juive avec ses disciples. Le récit nous fait suivre deux histoires en parallèle : ce que Jésus vit avec ses disciples et ce qui se prépare en coulisse pour le piéger, l'arrêter et l'exécuter.
    Jésus a conscience de ce qui se prépare derrière son dos. Il est prêt à assumer son destin, sa mission, et il essaie de préparer ses disciples, ses compagnons, à cette tragédie qui s'annonce. Jésus n'hésite pas à leur dire que les nouvelles sont mauvaises ! Il le fait par deux annonces, scandaleuses pour les disciples :
    — l'un de vous me trahira (Mt 26:21) et
    — vous allez tous m'abandonner (Mt 26:31).
    La première annonce "l'un de vous me trahira" est doublement surprenante pour les disciples. D'abord, c'est qu'il y a à l'intérieur du groupe quelqu'un qui va trahir Jésus, c'est l'un de Douze, un de ces hommes que Jésus a appelé, choisi pour faire partie de son équipe. Ensuite, personne ne sait qui c'est et tous les disciples se demandent en leur for intérieur si c'est lui. Et chaque disciple, l'un après l'autre de demander à Jésus : "Ce n'est pas moi, dis ?" (Mt 26:22). Que de doute intérieur. Que de peur aussi ! Pourrais-je le trahir d'un geste, d'une parole déplacée, quasi à mon insu ? Le pays est quand même occupé par les Romains, il doit y avoir des espions.
    Mais cela ne nous arrive-t-il pas aussi dans notre vie de tous les jours ? Nos silences gênés quand quelqu'un critique Jésus, ou l'Eglise ou les croyants ?
    Judas finit par être désigné et il est plaint par Jésus. Le traître désigné, on pourrait penser que le groupe est ressoudé et que tout va bien aller.  Non ! Jésus enchaîne : "Vous allez tous m'abandonner."
    Alors là, c'en est trop pour Pierre, le bouillonnant disciple. Lui, ça jamais, jamais il n'abandonnera Jésus, plutôt mourir que l'abandonner ! Jésus ne blâme pas Pierre, ni pour sa fierté, sa bravoure affichée, ni pour son reniement futur. Jésus dit juste ce qui est, ce qui sera : personne ne pourra résister à la pression, à la peur. Une façon de dire à tous : Acceptez-vous tels que vous êtes, acceptez-vous avec vos faiblesses et vos défaillances. Acceptez-vous tels que je vous ai choisi, tels que je vous accepte, tels que vous êtes.
    L'important n'est pas tellement ce qui va vous arriver. L'important, c'est comment vous allez réagir après ce qui va vous arriver. Les événements surgissent, les accidents arrivent, les malheurs surviennent, on n'y peut rien. La première réaction, la première émotion monte en nous et nous envahit. Elle est là, elle arrive, elle nous arrive et nous devons la découvrir et la nommer : peur, ou colère, ou tristesse, ou honte. Ce qui nous appartient, c'est ce que nous allons faire de cette réaction, de cette émotion qui est là.
    Divers chemins s'ouvrent à nous et les Evangiles nous montrent que Judas, face à la honte, a choisi la fuite, la mort. Après son geste de trahison, il n'a plus pu regarder Jésus, il n'a pas voulu affronter le regard de Jésus sur lui, il a choisi la mort.
    Pour Pierre, il nous est dit plus loin qu'il a pleuré (Mt 26:75). Pleurs de rage, de colère de ne pas avoir pu tenir sa parole "je ne t'abandonnerai jamais." Pleurs de tristesse sur lui-même "alors, je ne suis pas plus courageux, plus fort que n'importe qui ?" Pleurs de repentance "ah, comme Jésus avait raison, comme il me connaît bien, mieux que moi-même !"
    Destins opposés que ceux de Judas et de Pierre, destins opposés par les regards qu'ils portent chacun sur eux-mêmes : Judas est impitoyable avec lui-même, "après ce que j'ai fait, je ne mérite pas de vivre." Pierre est triste, mais il garde espoir, en lui-même et surtout en Jésus "il me connaît et il m'aime." Regards opposés sur Dieu. Judas désespère et craint le jugement de Dieu. Pierre espère et demande le pardon de Dieu.
    Dans ce début du temps de la Pâque et de sa Passion, Jésus avait deux mauvaises nouvelles : "l'un de vous me trahira" et "vous m'abandonnerez tous", mais il leur donne une raison d'espérer, il ajoute : "quand je serai de nouveau vivant, j'irai vous attendre en Galilée" (Mt 26:32).
    C'est bizarre comme Jésus dit à la suite "vous m'abandonnerez" et "j'irai vous attendre en Galilée." C'est que Jésus fait confiance à ses disciples — par delà leurs défaillances. Jésus leur fixe un rendez-vous. Rendez-vous en Galilée, dans votre région, dans votre village, au bord de votre lac, dans votre vie de tous les jours, je vous attendrai.
    Au-delà de nos trahisons, de nos abandons, des périodes où nous oublions, où nous nous éloignons de Dieu, au-delà de nos faiblesses, de nos échecs et de nos fuites, Jésus nous donne rendez-vous. Jésus nous attends, ici à Bussigny, à Villars-Ste-Croix, dans nos vies, dans notre famille, dans notre école, dans notre vie professionnelle, dans notre paroisse.
    Jésus nous attend au bord de notre vie, il attend que nous fassions un pas vers lui, il attend que nous lui fassions confiance, il attend que nous lui ouvrions la porte pour entrer dans nos vies, avec son amour et son pardon.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Matthieu 26. La priorité du moment : être avec Jésus, être dans sa Présence

    Matthieu 26

    1.3.2009
    La priorité du moment : être avec Jésus, être dans sa Présence
    Ex 30 : 22-32        Mt 26 : 1-13

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Cette semaine, depuis mercredi dernier, nous sommes entrés dans le temps de la Passion, le temps du Carême, quarante jours depuis le mercredi des Cendres jusqu'au dimanche des Rameaux. En tant que chrétiens, nous essayons de faire de cette période un temps de réflexion et de recentrage de notre vie sur notre relation à Dieu.
    Le calendrier Pain Pour le Prochain nous aide  dans cette voie en nous proposant des thèmes de méditations, des prières, des projets d'entraide. Nos paroisses organisent des soupes de Carême, pour nous réunir de manière conviviale, partager un repas léger et nous ouvrir au don, pour soutenir des projets d'entraide pour des populations moins favorisées que nous. Certaines associations nous invitent envore à renoncer à l'un de nos comportements habituels — renoncer temporairement au café, à la cigarette, au vin ou à la télé — pour nous rendre compte de la place ou de l'importance que nous accordons à cette habitude dans nos vies.
    Consommer moins pour donner un peu plus à d'autres, voilà qui est bien, une bonne action qui ouvre notre esprit à nous-mêmes et aux autres ! Cela profite à tout le monde, aux pauvres, à la société, à l'Eglise et… à notre ligne. Mais n'est-ce pas un peu triste, un peu rabat-joie d'avoir à témoigner de notre attachement au Christ et à son message par la privation, le renoncement, le jeûne ?
    N'est-ce pas tout cela que cette femme brise en versant un parfum de luxe sur la tête de Jésus ?
    Le récit du geste extra-ordinaire de cette femme est placé exprès au commencement du temps de la Passion. Jésus vient d'annoncer la croix pour la troisième fois. Les autorités complotent pour arrêter Jésus sans faire de vagues. Jésus s'est retiré à Béthanie, comme en retraite, avant sa dernière Pâque à Jérusalem.
    Et là une femme — anonyme dans le récit de Matthieu — oint la tête de Jésus d'une huile parfumée hors de prix. Cela nous rappelle le Ps 23 "Tu m'accueilles en versant sur ma tête un peu d'huile parfumée" (Ps 23:5). Un geste d'hommage de l'hôte à son invité.
    Cette femme accueille la présence de Jésus, lui rend hommage, l'honore d'un geste et d'un cadeau sans prix, à la mesure de la grandeur de son invité. Mais cette démesure, cet excès choque les disciples. Les disciples ont bien enregistré les paroles de Jésus, tout son programme de partage et d'entraide. Les disciples sont de bons soldats zélés et obéissants, ils savent ce qui est utile et bon, ce qui leur est demandé : aider les autres, aider les pauvres.
    Mais parmi cette assemblée, seule cette femme réalise ce qui se passe réellement, seule cette femme voit que ce programme ne tient qu'à la personne de Jésus.
    En versant de l'huile parfumée sur la tête de Jésus, non seulement elle l'honore, mais elle le place à nouveau au centre de tous les regards, au centre des préoccupations de tous les disciples. Rien d'autre n'est important — en ce moment — que ce Jésus dont nous partageons les derniers instants.
    Jésus va reformuler ce geste — pour détourner les disciples de leurs considérations éthiques, valables, mais déplacées — avec ces mots : "vous aurez toujours des pauvres avec vous, mais moi, vous ne m'aurez pas toujours avec vous" (Mt 26:11). Les disciples se trompent de priorité.
    Le geste du parfum réoriente tout le monde sur la priorité du moment : être avec Jésus, être dans sa Présence.
    Mais Jésus va encore plus loin, il voit encore plus loin que la femme ne pouvait voir. Au-delà de l'honneur que Jésus reçoit au travers de ce geste, il perçoit un hommage au don de sa vie qui va suivre. A ce geste excessif du parfum versé, va correspondre le don excessif de Jésus : il va verser son sang pour le salut de la multitude. A ce gaspillage du parfum va correspondre, pour les disciples, la perte de Jésus.
    "Vous aurez toujours des pauvres avec vous, mais moi, vous ne m'aurez pas toujours avec vous." Vous allez me perdre — ce n'est pas le moment de discuter du prix de ce parfum. C'est le moment de parler du prix de la grâce ! C'est le moment de réaliser la grandeur du don que Jésus nous fait pour nous sauver.
    Le temps du Carême, c'est le moment de réaliser la grandeur, l'étendue du don que Jésus nous fait. C'est le moment d'abandonner tous nos petits calculs, toutes nos pensées utilitaristes et comptables. C'est le moment de verser du parfum hors de prix sur la tête de Jésus.
    Comment vivre le temps du Carême avec la joie débordante de cette femme qui veut honorer Jésus ? Comment restituer à nos proches, à nos voisins le débordement de grâce, l'immensité du don du Christ dans le temps de la Passion et de Pâques ?
    Si le jeûne et les renoncements nous rendent tristes et nous montrent avec des visages défaits (Mt 6:16-18) pendant ce temps de Carême, alors nous sommes dans le contre témoignage ! Qui voudrait d'un Dieu content de nous voir tristes et la mine défaite ?
    Marchons sur les pas de cette femme qui marque sa joie de rencontrer Jésus, qui montre qu'on peut se réjouir de l'immensité du don de Jésus pour chacun. Le temps du Carême, c'est aussi se réjouir du don immense que Dieu nous fait de son amour. Si nous recevons pleinement ce cadeau de Dieu, nous saurons toujours quoi faire avec les pauvres.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Genèse 18. Dans la Sainte-Cène, la réalité divine rejoint intimement notre réalité humaine.

    Genèse 18

    8.2.2009
    Dans la Sainte-Cène, la réalité divine rejoint intimement notre réalité humaine.
    Gn 18 : 1-8        Luc 15 : 11-24

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Pourquoi partageons-nous la sainte Cène ? Pourquoi est-ce important pour nous, en tant que chrétiens ? Bien sûr, il y a l'aspect "commémoration." Nous rappellons la mort de Jésus, comme il nous l'a demandé. Mais nous pourrions le faire avec des mots plutôt qu'en nous rassemblant autour d'une table et en partageant du pain et du vin (ou du jus de raisin).
    Il se trouve que dès le début du christianisme, il a été important de vivre un repas, avec du vrai pain et du vrai vin. La quantité n'est pas importante, mais la réalité du pain et du vin le sont. D'ailleurs dans notre tradition protestante, c'est le seul moment où nous faisons passer les gestes et le vécu avant la pensée et les paroles !
    Nous sommes dans la réalité, tangible, concrète, pendant le repas de la Cène. Une façon de nous dire — même plus — de vivre le fait que la réalité de Dieu vient toucher notre réalité concrète, notre vie, notre existence dans ce qu'elle a de plus vrai et de plus matériel. Dans la Cène, la réalité divine rejoint intimement notre réalité humaine. Il y a là un point de rencontre entre ces deux réalités.
    C'est ce qu'expérimente Abraham sous les chênes de Mamré, lorsqu'il reçoit la visite de ces trois mystérieux personnages. Trois voyageurs qu'Abraham reconnaît comme des envoyés de Dieu. Tout à coup, dans la vie de tous les jours d'Abraham, Dieu fait son entrée. Ce qui est remarquable, c'est que cette jonction se fait autour d'un repas. Je pense que la Cène est un de ces points de jonction où la réalité divine fait irruption dans notre réalité. Si vous connaissez la série télé "Stargate" eh bien, la sainte Cène est une de ces "portes des étoiles" qui font la jonction entre deux mondes et permet le passage de l'un à l'autre.
    Dans la Cène, le pain est du pain, celui qu'on trouve chez le boulanger, le vin est du vin, celui qu'on trouve dans les vignes de la région. Pourquoi le voyageur est-il un visiteur spécial pour Abraham, pourquoi le pain de la Cène est-il aussi autre chose ? Pourquoi le vin de la Cène est-il aussi autre chose ?  C'est une question de foi et c'est une question de vision, d'ouvrir les yeux sur la réalité derrière la réalité.
    Vous avez devant vous une image toute brouillée, pourtant, je vous le dis, il y a une autre image dans cette image brouillée ! [Télécharger]

    oeil2.gif

    (il est préférable d'agrandir l'image jusqu'à 13x18cm)
    Pour la voir, il faut changer de regard. Pratiquement, il faut regarder à l'horizon, derrière le papier, en décontractant complètement son regard pour garder les "rayons" de ses yeux tout à fait parallèles. On peut coller le papier sur son nez, regarder à l'infini et éloigner petit à petit le papier jusqu'à une distance d'environ 25 cm, mais sans essayer de fixer le papier ! Quelques-uns d'entre vous vont y arriver. A mon signal, vous direz tous ensemble ce que vous avez vu en relief, dans l'image brouillée.
    Voilà, plusieurs d'entre vous ont pu voir des dauphins (2 dauphins sautant dans un arceau) en trois dimensions dans le gribouillis. Certains d'entre vous n'ont pas pu le voir. Faites-vous confiance aux autres que les dauphins existent, même si vous ne les avez pas vus vous-mêmes, en attendant de les voir vous-mêmes ?
    Cette vision nouvelle demande de l'exercice, comme la foi ! Il faut faire confiance au témoignage des autres jusqu'à ce qu'on le vive soi-même. La Cène est un de ces lieux où — au-delà de notre réalité tangible, descriptible — peut se voir, se vivre, une autre réalité qui vient de Dieu.
    Dieu est venu nous rendre visite. Dieu nous envoie des signes, dans ou derrière notre réalité. A nous d'ajuster notre regard, de trouver où, quand, comment les recevoir et les lire. Cela demande de l'exercice, par exemple la lecture régulière de la Bible pour découvrir quels signes Dieu utilise, sous quelles formes il se fait connaître. A chacun d'entre nous de partir à la recherche de ces signes, dans cette quête de la réalité divine qui s'inscrit dans notre réalité.
    Un jour, un jeune homme est parti mener sa quête après avoir reçu sa part d'héritage. Il a arpenté le monde, dépensé son avoir dans sa quête de bonheur, jusqu'au moment où il s'est retrouvé seul face à lui-même. Il a réalisé que tout ce qu'il avait pu acquérir avec son héritage le laissait sur sa faim. Tout ce qu'il avait espéré trouver ailleurs se révélait vain. Il était toujours aussi vide qu'au départ. Il retourne chez lui, vers ce qu'il avait quitté ou fui. Il retourne à la source de sa vie. Et que découvre-t-il ? Qu'on l'attend et que l'on est si content de son retour qu'un festin lui est offert. On tue le veau gras, comme pour les visiteurs d'Abraham.
    Nous avons chacun besoin de mener notre quête, chercher ce qui va nous nourrir, nourrir notre existence, donner sens à notre vie. Où que nous fasse voyager notre quête, n'oublions pas qu'elle nous renvoie sans cesse à l'intérieur de nous-mêmes. Parce qu'aucune source extérieure ne peut nous rassasier et étancher notre soif.
    Un autre feuilleton télé disait "la vérité est ailleurs." Mais l'évangile nous dit "la vérité est ici." Dieu a inscrit sa Présence au milieu de nous, à l'intérieur de nous-mêmes. C'est en nous retrouvant qu'on retrouve la Présence de Dieu. C'est en retrouvant sa Présence qu'on se retrouve soi-même. La jonction entre Dieu et nous se fait à l'intérieur de nous-mêmes, chaque fois que nous nous rebranchons à la Source.
    Le repas de la Cène, la communion à la Table du Seigneur, la communion avec les autres membres de l'Eglise, c'est le moment où nous sommes en contact avec la source, avec l'Amour qui comble notre quête. Vivons dans ce repas, l'accueil du Grand Visiteur.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Esaïe 2. Mettre notre énergie à faire confiance

    Esaïe 2

    1.2.2009
    Mettre notre énergie à faire confiance
    Exaïe 2 : 1-5 Mat 9:35 — 10:4

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous vivons aujourd'hui notre culte Terre Nouvelle, autrefois appelé Dimanche missionnaire. Pendant longtemps, la mission a consisté à envoyer des personnes, du territoire où il y avait beaucoup de vocations vers un autre territoire où il y avait peu ou pas de chrétiens. Et nous sommes arrivés à la situation paradoxale, aujourd'hui, où les Eglise du Sud sont remplies pendant que celles du Nord se vident.
    Des hommes et des femmes du Sud se lèvent avec des vocations de témoignage, de service et de pastorat, alors que chez nous, on assiste à une baisse des vocations et des engagements dans le ministère diaconal et pastoral, et paroissial. Nous avons les postes, mais nous n'avons ou n'aurons bientôt plus les personnes. Ils ont les personnes, mais n'ont pas les postes ou les financements pour ces postes, c'est pourquoi nous ne devons pas baisser les bras et continuer de les aider. Ce sera l'objet de notre offrande d'aujourd'hui.
    Notre situation ressemble beaucoup à celle que Jésus rencontre lorsqu'il parcourt les campagnes de Galilée : "Jésus parcourait villes et villages (…) Son cœur fut rempli de pitié pour les foules qu'il voyait, car ces gens étaient fatigués et découragés, comme un troupeau qui n'a pas de berger." (Mt 9:36)
    N'est-ce pas ce que nous voyons aujourd'hui, autour de nous ? Des gens fatigués de courir partout, de travailler dur pour voir tous les prix, leurs loyers et leurs cotisations d'assurance grimper plus vite que leurs salaires. Des gens découragés de voir leurs retraites menacées par une crise financière, découragés face à une nature et un climat qui se dégradent, découragés face à des rapports humains de plus en plus juridiques et lointains. Des gens découragés face à un égoïsme et un repli sur soi qui semble devenir la norme.
    Oui, le tableau est bien sombre. La misère est bien réelle, d'autant plus douloureuse qu'elle doit rester cachée, pense-t-on. Face à cela, le cœur de Jésus est rempli de compassion, "ému dans ses entrailles, dans ses tripes" dit l'Evangéliste. Oui, Jésus est ému, bouleversé parce qu'il sait qu'il est possible de vivre autrement.
    Jésus est porteur du grand remède face à cette fatigue et ce découragement : la promesse d'un Dieu proche : "Le Royaume de Dieu s'est approché !" proclame-t-il (Mt 10:7).
    C'est la promesse déjà prononcée par le prophète Esaïe : la Présence de Dieu sur la colline de Jérusalem, un phare qui éclaire toutes les nations, un arbitre pour tous les conflits, une paix qui permettra de transférer toute l'énergie placée dans les préparatifs de guerre vers la production de nourriture pour tous : "de leurs épées, ils forgeront des charrues, de leurs lances, ils feront des faucilles." (Es 2:4)
    Combien d'énergie mettons-nous dans nos vies à éviter les autres, à nous défendre, à refuser d'être aidé, à nous protéger ou à attaquer les autres ? Toute cette énergie, pourquoi ne pas la mettre dans l'écoute, dans l'accueil de l'autre, dans la compréhension de celui qui nous parle.
    Avez-vous déjà remarqué à quel point — dans une conversation — une grande partie de notre cerveau est occupée à se demander "qu'est-ce que je vais lui répondre ?" plutôt que de se demander "qu'est-ce qu'il veut me dire ? qu'est-ce qu'il veut me faire comprendre ?" Combien de fois sommes-nous sur la défensive, avant que l'autre n'ait ouvert la bouche ?
    Jésus nous dit : "Le Royaume de Dieu s'est approché !" Ce qui peut être décodé en "du calme, détendez-vous." Personne ne vous en veut, Dieu vient en ami, vous pouvez faire confiance aux autres, vous pouvez sortir de votre solitude.
    Bien sûr, cela paraît impossible, ou dangereux, de faire confiance à tout le monde, aux inconnus ! C'est pourquoi, on a formé, ce que j'appellerai "des cercles de confiance," des ensembles de personnes qui partagent une même aspiration à baisser les armes. Un de ces cercles de confiance s'appelle l'Eglise, la paroisse !
    "Le Royaume de Dieu s'est approché !" dit Jésus, vous pouvez le vivre, au moins dans le cercle de l'Eglise. Laissez tomber vos armes, laissez tomber vos défenses, abandonner votre solitude et vos peurs. Oui, la paroisse, l'Eglise peut devenir ce havre de paix, ce lieu de trêve où se reposer de la fatigue de nos combats dans la société. Un lieu de trêve et de ressourcement où déposer le découragement et la lassitude que crée en nous la vue d'un monde qui se perd.
    Pouvons-nous réaliser cela ? Ne serait-ce pas un beau témoignage chrétien qui montrerait que le Royaume de Dieu s'est approché ? Je ne veux pas que notre Eglise disparaisse dans l'indifférence et l'épuisement de tous. Il y a à faire, ici et au loin. Retroussons nos manches. Reprenons confiance et ouvrons nos âmes et nos cœurs.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Romains 5. Calvin 2009. Une Eglise réformée qui témoigne de la grâce de Dieu

    Romains 5

    18.1.2009
    Calvin 2009. Une Eglise réformée qui témoigne de la grâce de Dieu
    Jn 1 : 35-42    Rm 5 : 1-5    Rm 5 : 6-11

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Cette année 2009, nous célébrons les 500 ans de la naissance de Jean Calvin, le réformateur qui a eu le plus d'influence en Suisse romande et qui a marqué de son empreinte tout le protestantisme réformé (à côté des Luthériens et des Anglicans). Il est donc né en 1509 à Noyon (France) et mort à Genève en 1564. Je ne suis pas là pour vous dresser un portrait ou une biographie de Calvin. Si vous souhaitez entendre une conférence, saisissez l'occasion d'aller entendre la directrice du Musée International de la Réforme qui parlera mardi à St-Sulpice. *
    Ce qui nous intéresse maintenant, c'est la pensée théologique de Calvin, la nouveauté qu'il a apportée au XVIe siècle et qui continue à nous nourrir aujourd'hui. Mais l'Eglise ne prêche pas tel ou tel auteur, aussi grand soit-il. C'est à la parole biblique qu'il faut remonter.
    L'épître aux Romains a été une grande source d'inspiration pour Calvin, aussi ai-je choisi quelques versets du chapitre 5 et en particulier les mots qui me semblent particulièrement bien traduire, résumer, la pensée fondamentale de Calvin : "nous sommes maintenant en paix avec Dieu !" (Rm 5:1)
    Le sommes-nous, en fait, personnellement ? Pour l'apôtre Paul, c'est une affirmation programmatique, parfois traduite par "soyons maintenant en paix avec Dieu !" Affirmation programmatique, injonction : oui, nous pouvons, oui, nous avons la permission, la possibilité d'être en paix avec Dieu, parce que Dieu l'a rendu possible ! Dieu l'a voulu, Dieu l'a fait, Dieu l'a mis à notre portée, à notre disposition. Cette paix, il nous la donne : aurons-nous confiance et la prendrons-nous ?
    Mais nous revenons de loin ! Oui, nous revenons de loin, et Paul n'hésite pas à parler de nous comme "pécheurs" (Rm 5:8) et de parler de la "colère de Dieu" (v. 9) et d'ajouter "nous étions les ennemis de Dieu, mais il nous a réconcilié avec lui, par la mort de son fils" (v. 10).
    Cette bonne nouvelle du salut, Calvin veut la proclamer partout, en prédicateur et écrivain infatigable. Il prêchait souvent deux fois par jour à la cathédrale St-Pierre à Genève, prenant les livres bibliques un à un, versets après versets, en lecture continue; prédications que nous possédons encore grâce à un sténographe qui les relevait et les transcrivait.
    A côté de cela, Calvin a commenté tout le Nouveau Testament (hormis l'Apocalypse) et une bonne part de l'Ancien Testament; et rédigé l'Institution de la Religion Chrétienne, un résumé systématique de sa théologie qui était un petit livre dans sa première édition, puis, par remaniements et ajouts successifs, constitue aujourd'hui une suite de 4 tomes. Ces quatre livres suivent un plan précis qui nous disent beaucoup sur sa théologie et ce que je viens de vous dire sur ces quelques versets de l'épître aux Romains.
    Le premier livre, qui a pour but — dans les mots de Calvin — "de connaître Dieu en titre et en qualité de Créateur et souverain gouverneur du monde" nous place, tout petits devant la grandeur, la gloire de Dieu. Ce Dieu, maître de l'univers, aucun humain ne peut l'affronter. Personne ne peut tenir une minute debout devant lui ! Qui — s'il est sincère — pourrait laisser scanner sa vie, de la première à la dernière minute, et oser dire — sans mourir de honte ou de ridicule — "je me suis toujours bien comporté !"
    Nous sommes tous pécheurs devant la Loi et la justice de Dieu et il n'y a pas moyen d'en sortir. Est-ce désespéré ? Oui, tout a fait et complètement. Enfin, de notre côté, nous ne pouvons rien faire, mais Dieu a décidé de prendre les choses en main et de retourner la situation.
    Et c'est le deuxième livre de l'Institution de la Religion Chrétienne, intitulé "la connaissance de Dieu, en tant qu'il s'est montré rédempteur en Jésus-Christ, laquelle [connaissance] a d'abord été connue par les Père sous la Loi [Ancien Testament], et depuis nous a été manifestée en l'Evangile [Nouveau Testament]."
    Dieu a changé notre sort en nous montrant son visage à travers Jésus-Christ. Il n'a pas abandonné son exigence de justice, mais il y a ajouté sa grâce. Il n'a pas effacé la Loi, il a levé la condamnation. De sorte que si nous lui faisons confiance — la foi — nous pouvons vivre justifiés, avec la certitude de son amour et de sa bienveillance, avec la certitude que : "nous sommes maintenant en paix avec Dieu !"
    Cette certitude nous est donnée par le Saint-Esprit (Rm 5:5), "le témoignage intérieur du Saint-Esprit" dit Calvin. Le troisième livre de l'Institution de la Religion Chrétienne nous parle du Saint-Esprit et de "la manière de participer à la grâce de Jésus-Christ, des fruits qui nous en reviennent et des effets qui s'en suivent".
    Et finalement, le quatrième livre traite de l'Eglise et du gouvernement civil, comme "les moyens extérieurs ou aides dont Dieu se sert pour nous convier à Jésus-Christ son Fils et nous retenir en lui."
    En construisant —en quatre livres — le développement de sa théologie, Calvin reprend exactement le plan du Symbole des Apôtres, confession de foi ancienne et pratiquée dans l'Eglise catholique de son temps comme du nôtre. On voit là que Calvin n'a jamais souhaité établir une nouvelle Eglise, à côté de l'Eglise catholique, mais a toujours eu l'espoir de réformer toute l'Eglise et maintenir une Eglise universelle, pour tous les croyants, mais réformée sur la base de l'évangile biblique. Nous savons que, malheureusement, l'histoire n'a pas évolué dans cette direction.
    L'Eglise invisible, cependant, rassemble tous ceux qui acceptent la réconciliation offerte par Dieu en Jésus-Christ et qui peuvent dès maintenant vivre en paix avec lui. Cette Eglise n'est pas elle-même la lumière. Elle est seulement porteuse de la lumière de Dieu pour apporter ce message de paix, de réconciliation à tous les humains, à tous nos voisins et nos proches.
    A ce propos, j'aimerais partager une inquiétude. Au mois de mars, il y aura l'élection du Conseil paroissial et de divers Conseils régionaux. Avec les déménagements et les départs de conseillers et de bénévoles qui ont travaillés de nombreuses années, nous avons entre 10 et 12 places à repourvoir, dont 7 au Conseil paroissial. La relève s'annonce difficile et je vois la paroisse en danger.
    Merci de porter ce souci, cette inquiétude, dans vos prières, mais aussi dans vos réflexions personnelles et vos discussions avec votre entourage. De nouveaux disciples sont appelés, se lèveront-ils pour faire partager cette réconciliation et cette paix que Dieu nous offre ?
    Amen

    * la conférence est passée, mais on peut voir le calendrier des manifestations sur : http://www.calvin09.org/FR/home/accueil.html
    ou se référer à : Calvin sans trop se fatiguer, Christopher Elwood,  Mix & Remix, Labor et Fides, 2008
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Luc 2. L'homme calcule. Dieu ne compte pas sa grâce.

    Luc 2

    25.12.2008
    L'homme calcule. Dieu ne compte pas sa grâce.
    Gen 15 : 1-5 Apoc 7 : 9-12 Luc 2 : 1-20

    54… 55… 56…
    Excusez-moi, je fais le recensement, le compte des paroissiens de Noël ! Bussigny a — paraît-il —atteint les 8'000 habitants et Villars-Ste-Croix a dépassé les 600 habitants, mais le nombre total des protestants est en baisse sur notre paroisse.
    L'Evangéliste Luc place la naissance de Jésus au moment du recensement demandé à Quirinius par l'empereur César Auguste. Auguste semble avoir inauguré les recensements dans l'empire romain. Cela servait à déterminer le montant des impôts de chaque province : pas étonnant que cela laisse des traces dans les mémoires. Luc accroche la naissance de Jésus à ce souvenir historique. Il est possible que ce soit juste pour dater la naissance de Jésus, mais je pense qu'on peut y trouver un sens symbolique.
    Dénombrer le peuple, c'est un acte de pouvoir, de puissance. On peut aussi bien compter ce que cela va rapporter en impôts que compter le nombre de soldats que la population va fournir. C'est sûrement pour cela que les livres des Chroniques condamnent les recensements. Cela donne une puissance illusoire, qui repose sur les forces humaines, au lieu de compter sur Dieu seul.
    Le recensement évoqué dans le récit de la naissance de Jésus manifeste le pouvoir de l'empereur Auguste, qui ordonne "un recensement de toute la terre" (Luc 2:1). A cela s'opposent deux choses, d'abord la terre appartient à Dieu et lui seul peut en voir et éventuellement en compter toute la richesse, ensuite, à cette puissance, Dieu oppose un signe dérisoire : la naissance d'un bébé.
    Ce que Luc ne pouvait pas savoir, mais qu'il envisage, c'est que ce bébé va provoquer la chute de l'empire romain ! A la puissance de l'argent et des armes qui découle du recensement, Luc oppose juste une naissance.
    Oui, Dieu a une autre façon de compter que les humains, ou plutôt une autre façon d'être et d'agir, puisque Dieu refuse justement de compter — à l'opposé des êtres humains.
    Déjà à Abraham, Dieu promettait une descendance aussi innombrable que les étoiles du ciel ou les grains de sable du désert. Aux calculs de nos mérites, de nos heures de bénévolat ou de travail, de nos bonnes actions, Dieu oppose une grâce incalculable — souvenez-vous de la parabole du serviteur impitoyable (Mt 18:21-35).
    Au moment où l'empereur compte ses moyens, ses richesses, compte les humains comme des objets qui peuvent rapporter, Dieu donne, Dieu donne son fils aux êtres humains. Dieu nous donne son fils. Au moment où l'empereur dénombre, comptabilise, calcule son pouvoir, sa richesse, Dieu prend le risque de déposer son fils dans le monde, comme un cadeau à tous les humains, sans garantie, sans sécurité, mais avec l'espoir, la confiance en l'être humain qu'il sera reçu, accueilli.
    Marie et Joseph le reçoivent comme un cadeau. Les bergers le reçoivent comme un cadeau et viennent l'adorer. Ici ou là, des hommes et des femmes ouvrent leurs cœurs pour l'accueillir et marcher avec lui. Des disciples, des hommes et des femmes, font route avec lui, des apôtres, des prophétesses, des légionnaires, des marchands, des femmes d'affaires formeront la première Eglise après avoir recueilli sa parole. Une poignée de personnes — comme le levain dans la pâte — à chaque époque, reçoivent l'évangile, en vivent et le transmettent à la génération suivante. Une poignée de personnes qui transforment la société, le monde.
    On ne peut pas en faire le recensement, on ne peut pas les dénombrer, mais ils font — vous faites — partie de cette innombrable multitude — dont parle l'Apocalypse — qui s'avance pour louer Dieu.

    "Je regardais encore et je vis une foule immense ; personne ne pouvait compter tous ceux qui en faisaient partie. C'était des gens de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue. Ils se tenaient devant le trône et devant l'Agneau, habillés de robes blanches et avec des branches de palmier à la main." (Ap 7:9-10).
    Une foule que personne ne peut compter a accueilli Jésus, a ouvert son cœur, se nourrit de sa force pour avancer chaque jour. Cette foule n'est pas recensée par les administrations, elle n'est connue que de Dieu seul.
    Peut-être est-elle même un peu trop inconnue, anonyme, dans notre monde contemporain. Elle échappera toujours à l'administration et c'est une bonne chose, mais elle devrait être connue de nos voisins. A Noël, ne recevons-nous pas un cadeau — nous les chrétiens — que tous devraient connaître et pouvoir recevoir ?
    Dieu ne compte pas des dons, il donne avec abondance, il a assez de grâce et d'amour pour tout le monde. Ne gardons pas ce trésor pour nous seuls ! Prenons exemple sur les bergers qui repartent de la crèche pour rendre public ce qu'ils ont vu, ce qu'ils ont reçu, ce qu'ils ont vécu.
    Dieu a pris le risque de nous donner son fils dans cette nuit de Noël. Dieu ne compte pas ses bienfaits, mais il compte sur nous pour que nous diffusion cette bonne nouvelle : Dieu nous fait confiance, il nous a confié ce qu'il avait de plus précieux et de plus cher. Partageons la joie de ce trésor qui ne peut pas s'épuiser.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2009