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amour - Page 17

  • Matthieu 22. Jésus, guide dans l’interprétation de l’Ecriture.

    Matthieu 22
    13.9.2015
    Jésus, guide dans l’interprétation de l’Ecriture

    Marc 10 : 1-9       Matthieu 22 : 34-40

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Comme chrétiens, mais plus encore comme protestants réformés, nous affirmons que la Bible est notre livre de référence, notre mode d’emploi de notre relation à Dieu et le guide de nos valeurs éthiques ou de nos comportements. Nous obéissons à ce que dit la Bible !
    Vraiment ? En fait pas tellement ! Et là je ne parle pas de nos faiblesses ou de nos transgressions, comme de mentir sciemment pour nous tirer de ce que nous pensons être mauvais pas. Cela nous arrive, et nous avons mauvaise conscience et nous nous en repentons. Donc dans ce domaine la Bible reste notre référence.
    Quand je dis que nous n’obéissons pas à la Bible, je parle de toutes ces prescriptions bibliques que nous avons abandonnées, en toute bonne conscience, comme des prescriptions caduques, dépassées, inutiles ou inappropriées. Alors que c’est interdit par la Bible, nous mangeons du lapin, de l’autruche, des fruits de mer ou du porc. Alors que c’est prescrit par la Bible, nous ne faisons plus de sacrifices d’animaux, nous ne consacrons plus à Dieu les prémices de nos récoltes, nous avons d’autres lieux de culte que Jérusalem, et nous ne lapidons pas les couples adultères.
    Nous ne considérons donc pas que toute phrase imprimée dans la Bible a une valeur de commandement. Nous n’accordons pas à toutes les lois bibliques la même valeur, la même autorité. Enfin, nous — en tant que protestants réformés — ne le faisons pas.
    Mais certaines personnes ou certains groupes prennent une autre position et adoptent une lecture plus littérale. J’ai identifié trois positions différentes :
    A. Ceux qui croient à la vérité littérale de l’entier de la Bible, groupe dans lequel on trouve beaucoup d’évangéliques, dont, à l’extrême, les créationnistes qui pensent que le poème de la création est une description littérale de la formation de l’univers à valeur égale avec la science.
    B. Les détracteurs du judéo-christianisme, qui s’emparent de quelques versets violents pour discréditer toute la Bible, comme si les chrétiens appliquaient cette violence dans la réalité.
    C. Enfin les opportunistes qui piquent l’un ou l’autre verset de la Bible pour asseoir leurs préjugés personnels d’une aura divine. Nous en avons eu un exemple cet été dans la bouche de l’évêque de Coire.
    Comme réformés, nous pensons qu’il existe une hiérarchie des textes, que certains sont plus importants, plus normatifs que d’autres et qu’il faut donc toujours faire un travail d’interprétation. En résumé nous refusons de dire que l’Ecriture est la Parole de Dieu, nous disons qu’elle contient la Parole de Dieu.
    Voici comment notre Eglise l’exprime dans ses principes constitutifs : « A la lumière du Saint Esprit, l’Eglise cherche à discerner dans les Ecritures la Parole de Dieu. (…) Avec les Eglises de la Réforme, elle affirme que la Bible doit toujours être interprétée et soumet cette interprétation à la Bible elle-même. »*
    Ce principe n’a pas été inventé de toute pièce par les réformés au XVIe siècle ! Il vient de la lecture de la Bible elle-même, de la compréhension de ce que Jésus fait lui-même.
    Lorsque les pharisiens essaient de tendre un piège à Jésus — justement sur la question de la hiérarchie des commandements — en demandant : « Quel est le plus grand commandement ? » (Mt 22:36) Jésus répond par une hiérarchie : « Tu dois aimer Dieu… c’est le plus grand commandement et voici le second qui est d’une importance semblable… Tu aimeras ton prochain… » (vv. 37-39)
    1. Le premier principe que Jésus applique, c’est de soumettre toute la loi de l’Ancien Testament à une relecture, en fonction de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Tout doit s’ordonner, s’aligner sur ces deux commandements. Et tous ce qui pourrait leur être contraire sera réinterprété ou aboli. Aussi devient-il inutile de ressortir un verset particulier — qui prône la violence par exemple — pour discréditer toute la Bible ; nous avons fait ce travail d’élagage avant nos opposants. Et les chrétiens qui prôneraient cette violence — comme l’apartheid — se discréditent eux-mêmes.
    2. Le deuxième principe que Jésus applique, nous le voyons dans la discussion qu’il a à propos du divorce. Là aussi les pharisiens essayent de lui tendre un piège. La méthode de Jésus, c’est de remettre les choses en perspective, du point de vue de l’intention de Dieu. Jésus fait dire aux pharisiens ce qui est prévu dans la loi et il leur explique qu’il y a deux niveaux en jeu. Il y a l’intention divine « Au commencement… » (Mc 10:6) et Jésus cite deux verset de Genèse 2 et 3 où il montre que Dieu a fait l’homme et la femme l’un pour l’autre. Puis, Jésus explique que la réalité (nous avons le cœur dur) oblige à trouver des solutions pratiques quand la vie commune est devenue impossible. Par-là Jésus montre que le commandement pointe vers un idéal — ce qui est voulu par Dieu — mais que cet idéal n’est pas donné pour l’asservissement de l’être humain, c’est un idéal de bonheur. On voit la même méthode à l’œuvre quand il s’agit de l’observance du sabbat :  « Le sabbat est fait pour l’être humain, pas l’être humain pour le sabbat. » (Mc 2:27)
    3. Le troisième élément, c’est que la Parole de Dieu s’est incarnée en Jésus-Christ. « La parole s’est faite chair » (Jn1:14) nous dit l’évangéliste Jean. La clé d’interprétation de l’Ecriture devient toute la vie et tous les gestes de Jésus. Notamment le mystère de la croix et de la Passion. L’épître aux Hébreux définit Jésus comme le nouveau grand-prêtre (Hb 9:11); et l’Évangile selon Jean le définit comme l’agneau du sacrifice (Jn 1:36). Si bien que les premiers chrétiens ont vu dans la personne de Jésus le remplacement de toutes les normes cultuelles de l’ancienne alliance.
    Ainsi ces trois éléments, (i) la suprématie de l’amour, (ii) le retour à l’intention première de Dieu et (iii) la personne même de Jésus-Christ comme Parole de Dieu ont conduit la première Eglise à abolir les lois coutumières (alimentaires et sociales), les lois cultuelles et les lois morales, pour ne retenir que les deux commandements d’amour. Les questions morales devant être toujours à nouveau reprises, réfléchies, réinterprétées en fonction de la suprématie de l’amour et de la réalité de nos cœurs endurcis.
    C’est peut-être pourquoi il est difficile d’être protestant : rien n’est acquis. Toujours à nouveau il faut se remettre en question et faire appel à sa conscience pour prendre une bonne décision.
    Mais c’est aussi la grandeur de notre protestantisme de ne pas nous considérer comme des automates qui obéissent aveuglément à des lois pré-écrites.
    Dieu fait confiance à notre liberté, à notre réflexion, pour faire des choix qui ne sont pas dictés par la Loi mais inspirés par l’amour.
    Amen


     * Principes constitutifs de l’Eglise Evangélique Réformée du Canton de Vaud, article 2.
    © Jean-Marie Thévoz, 2015

  • 2 Corinthiens 4. Ce qui est visible est provisoire, ce qui est invisible dure toujours.

    2 Corinthiens 4
    6.9.2015

    Ce qui est visible est provisoire, ce qui est invisible dure toujours.

    2 Corinthiens 4 : 16-18—5 : 1-5       Jean 3 : 12-17
    Télécharger le texte : P-2015-09-06.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Dimanche dernier nous avons entendu que Dieu sauve, sauvegarde notre être essentiel, sans toujours nous épargner les épreuves ou la maladie. Aujourd’hui j’aimerais continuer sur cette ligne, voir comment le Nouveau Testament parle de l’être intérieur.
    Or il se trouve que l’apôtre Paul utilise justement cette opposition « intérieur - extérieur » pour parler de notre condition humaine (2 Co 4:16). Paul vient de parler de la vulnérabilité physique. Il a parlé de notre condition humaine avec l’image des vases d’argile qui contiennent un trésor spirituel (v.7). Puis il parle des risques (physiques) liés à son apostolat — et on sait qu’il a été persécuté, battu, emprisonné et que cela a eu un retentissement sur sa santé. Mais il invite au courage en opposant l’extérieur — qui peut être touché, blessé — et l’être intérieur qui se renouvelle, que Dieu régénère. (v.16)
    Et Paul continue avec une image qui fait penser à une balance avec d’un côté la détresse présente qui ne fait pas le poids face à la gloire promise (v. 17). Le présent, que Paul appelle le visible, est provisoire, éphémère, impermanent. Alors que l’invisible, le monde de Dieu, est permanent, éternel, infini. Renoncer au visible contre l’invisible c’est comme échanger un parapluie contre une maison, face à la tempête.
    On a presque là le pari de Pascal : misez notre vie (si courte) pour gagner la vie nouvelle (éternelle) c’est un pari gagnant à tous les coups. Il suffit de miser pour gagner, il suffit de croire pour recevoir la vie éternelle.
    « Ce qui est visible est provisoire, ce qui est invisible dure toujours. » (v.18) C’est en ces termes que Paul parle de l’être extérieur et de l’être intérieur.
    Dans un deuxième temps, Paul change d’images pour approfondir sa pensée. Il va parler d’habits et d’habitat. Les verbes parlent d’habillement : se vêtir se dévêtir et se revêtir. Les noms parlent de tente pour le provisoire, de maison qui n’est pas faite de mains d’homme ou d’habitation céleste pour ce qui est d’ordre divin.
    Et Paul explique que nous gémissons dans nos habits ou notre habitation provisoire et que nous espérons être vêtus ou habiter dans l’habitation céleste que Dieu nous réserve.
    Paul laisse une ambiguïté dans le texte pour savoir si l’habit ou l’habitation céleste va remplacer ou recouvrir notre tente, notre corps terrestre. Pour lui l’important est ailleurs, l’important est dans la direction qui est impulsée par Dieu : c’est la vie qui va engloutir, absorber, recouvrir la mort.
    Il y a là un grand retournement — et c’est vraiment le sens de tout l’évangile et de toute la mission de Jésus : la vie l’emporte sur la mort malgré toutes nos images. C’est l’inversion de l’image de l’océan qui noie le marin ou l’image de la baleine qui engloutit Jonas. Non, avec Dieu, c’est la mort qui est engloutie (1 Co 15:54), c’est la vie qui contamine la mort. Les captifs sont libérés, les tombeaux s’ouvrent.
    Et la foi, c’est de croire à cette inversion des forces, c’est de croire que la force de vie que Dieu insuffle dans le monde l’emporte sur les forces de mort. Et cela malgré les apparences contraires, puisque nous restons vulnérables et mortels.
    Comment conjuguer cette force de la vie et nos vulnérabilités ? En fait, plus nous avons foi dans l’habitat du ciel, plus nous pouvons accepter notre vulnérabilité ici-bas, parce que nous savons qu’elle est vaincue, qu’elle n’a pas le dernier mot, qu’elle est provisoire et que le meilleur nous attend.
    La perspective d’une autre réalité (l’invisible) nous permet de traverser le provisoire (le visible), comme la perspective de la guérison nous permet de supporter l’hôpital, les douleurs et les désagréments des traitements. La foi crée une mise en perspective qui nous permet de mieux traverser le présent.
    Le problème, c’est que certains ont dénoncé cette perspective comme l’opium du peuple ! « La vie est dure, mais ne vous révoltez pas, vous aurez le paradis ! »
    Comment échapper à ce juste reproche, à ce risque existant de baisser les bras, d’avoir une acceptation résignée face au malheur ? Ce qui est reproché là, justement, c’est une acceptation passive de la réalité, une mise en attente. Or justement le christianisme a toujours eu une double attitude.
    A. D’un côté la confiance et l’acceptation en regardant l’invisible derrière le visible. C’est la part de Dieu, nous donner une espérance, préserver notre être intérieur, nous préparer une habitation céleste.
    B. Mais d’un autre côté, il y a notre travail, notre mission qui est d’agir et de servir dans la société, dans le monde. Agir, avec Jésus comme modèle, lui qui n’a cessé d’accueillir et de guérir partout où il passait. C’est la force de l’incarnation de nous rappeler que le corps et la vie physique n’est jamais méprisable. Même si la vie humaine, corporelle, est provisoire, elle ne peut être dédaignée, méprisée, négligée. Notre travail, c’est de soigner le monde et de favoriser la vie.
    Nous avons à le faire sur trois plans au moins.
    1. Sur le plan de notre être intérieur, favoriser la vie, la joie, la relation, aux dépens de la tristesse, de la dépression et de l’isolement.
    2. Sur le plan de nos relations et de la société. Tout être humain sur la terre a autant de valeur que moi, que chacun. Dieu ne fait pas de différences entre les personnes. Il ne privilégie pas le fort sur le faible. Il n’abandonne personne. Et c’est à nous de le manifester et de le rappeler aux puissants.
    3. Sur le plan de la planète, nous devons sauvegarder la vie — à tous les niveaux — parce que nous sommes tous interdépendants. Il n’y a pas de survie de l’humanité sans la survie des animaux, des plantes et des écosystèmes dont nous dépendons.
    Notre acceptation de notre réalité provisoire n’est pas une carte blanche pour la passivité. Au contraire cette dépréoccupation de notre sort — parce que notre être intérieur est garanti par Dieu — nous libère et nous apporte des forces nouvelles pour rendre notre monde meilleur. Accepter la condition humaine et notre vulnérabilité, nous pouvons le faire parce que Jésus-Christ lui-même l’a revêtue, mais comme lui nous devons agir pour humaniser notre monde qui en a bien besoin.
    Sachant que notre être intérieur est déjà sauvegardé auprès de Dieu, nous pouvons utiliser nos ressources pour humaniser le monde.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2015

  • Job 1. « Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour mériter ça ? »

    Job 1
    30.8.2015

    « Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour mériter ça ? »
    Job 1 : 1-12        Jean 9 : 1-7

    Télécharger le texte : P-2015-08-30.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    « Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour mériter ça ? »
    C’est une phrase qu’on entend lorsque des personnes sont brusquement plongées dans le malheur, quand elles sont dépassées par ce qui leur arrive. Ces mois de juillet et août j’ai pris du temps pour faire des visites, d’une clinique à un hôpital, d’un EMS à une Unité de soins de réhabilitation. En effet, plusieurs de nos fidèles paroissiens ont été affectés dans leur santé, avec pour les uns un retour en santé et à la maison et pour d’autres des séquelles : un départ en EMS ou un suivi en soins palliatifs.
    Et chaque fois vient de question du « pourquoi ? » Et chacun peut se poser la question —  dans ces situations — « Mais qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour mériter cela ? »
    Il y a deux faces à cette question : la question du soi. En quoi suis-je complice ou responsable de ce qui m’arrive ? Et la question de Dieu : Que fait Dieu dans tout ça ? Où est-il ?
    A. Prenons d’abord la question de soi. Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter cela ? C’est une question inévitable, utile un moment si on veut prendre des mesures pour ne pas répéter la même erreur, si y en a une. Mais en même temps c’est une question piège, parce que tout n’arrive pas par notre faute, par nos erreurs, par notre responsabilité. Il y a également dans cette question une touche de culpabilité. C’est le propre de l’être humain de retourner contre soi ce qui arrive. A-t-on mérité ce qui nous arrive ? La réponse est ambivalente : on a toujours quelque chose à se reprocher, parce que personne n’est irréprochable. Mais en même temps, ce qui nous arrive n’est pas du tout en proportion de ce qu’on a fait. Il est donc nécessaire de dire : « Ça suffit ! Stop ! » à cette culpabilité.
    C’est ce que Jésus dit à ses disciples lorsqu’ils lui demandent qui a péché pour que cet homme soit né aveugle. Stop, ce n’est ni lui ni ses parents. La maladie n’est pas un châtiment, elle arrive, point.
    B. Quand on a fini de s’en prendre à soi, on s’en prend à Dieu : « Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu ? » C’est l’autre cause possible lorsqu’on est face a l’infortune. (Je distingue l’injustice — qui est un malheur créé par les humains — de l’infortune — qui est un malheur qui vient de la nature et du hasard.)
    Face à une infortune on peut crier contre Dieu ! Pourquoi Dieu a-t-il permis cela ? Je n’ai pas mérité cela ! C’est le cri de Job sur qui le malheur s’abat. Il n’y a pas de problème à crier contre Dieu— les Psaumes sont remplis de ses cris. Dieu est assez grand et assez fort pour recevoir et supporter tous nos cris, et les comprendre.
    Le problème est de savoir si le cri est adressé à la bonne personne. Ou pour le dire autrement, si Dieu est bien à l’image que nous en faisons. Dans le malheur — mais peut être en tout temps — nous imaginons que Dieu est là pour nous protéger, pour ôter les pierres sur notre chemin, pour nous éviter les maladies et les malheurs.
    C’est l’image exacte qu’a le Satan, l’accusateur de l’histoire de Job. « Si Job t’est fidèle, est-ce gratuitement ? Ne le protèges-tu pas de tous côtés, comme par une clôture, lui, sa famille et ses biens ? » (Job 1:9-10a).
    Le Satan pense que Job vit dans un enclos bien protégé. Nous aimons à penser que Dieu veille sur nous et sur nos biens et qu’il maintient une clôture entre le monde et nous pour qu’il ne nous arrive rien. Mais que se passe-t-il quand le malheur arrive ? Quand la clôture est brisée ? Quand Dieu n’assume pas la casco-totale à laquelle nous avions cru souscrire ? Si nous avons de Dieu l’image d’un assureur— qui protège celui qui paye ses primes — alors nous plongeons et nous le perdons au premier malheur. C’est bien la difficulté du Dieu Providence, vu comme un Dieu assurance.
    C’est vrai que l’historiographie du peuple Israël dans l’Ancien Testament nous est présentée sous cet angle. Lorsque le peuple obéit aux commandements, le pays est prospère et obtient des victoires. Mais lorsqu’il désobéit, alors le pays est envahi, d’abord par les Assyriens puis par les Babyloniens. C’est aussi ce que croient les pharisiens. Et c’est pourquoi Jésus a tellement d’affrontements avec les pharisiens.
    Jésus vient changer l’image de Dieu. Il vient renverser, abolir l’image du Dieu assurance, l’image d’un Dieu rétributeur.
    Jésus parle d’un Dieu qui fait lever son soleil sur les bons comme sur les méchants (Mt 5:45), d’un Dieu qui paye de la même façon les ouvriers de la première et de la onzième heure (Mt 20:1-16). Il accueille le péager et la prostituée comme le pharisien ou le centurion romain.
    Jésus vient lui-même comme la nouvelle image de Dieu — déjà présente dans certaines pages de l’Ancien Testament — comme Emmanuel, Dieu avec nous. Le changement d’image est de passer d’un Dieu contre l’être humain à un Dieu avec l’être humain, un Dieu à nos côtés dans l’épreuve et le malheur. Une position que Jésus a endossée jusqu’à la mort, une mort pareille à la nôtre. Jésus abandonne l’image d’un Dieu qui régente l’univers et la nature, pour un Dieu qui prend place à nos côtés.
    Cette position est une immense remise en question, pour les pharisiens comme pour nous aujourd’hui. Pouvons-nous nous passer de l’image d’un Dieu Providence ? Un Dieu qui veille sur nos biens, voir qui favorise notre succès, cela peut-être, même sûrement. Mais pouvons-nous renoncer à un Dieu qui veille sur notre santé, qui garantit notre vie, notre survie terrestre ? Où est-ce que Dieu agit ? Où est-il en contact avec nous ?
    Lorsque le Satan met Dieu au défi d’ouvrir la clôture, Dieu l’y autorise, mais place une limite. Il lui dit : « Tu peux prendre tout ce qui est à lui, mais ne touche pas à lui ! » (Job 1:12).
    Il y a quelque chose en nous que Dieu protège, malgré toutes nos pertes. Il y a un noyau, une place, un centre en nous — notre être essentiel — qui reste intouchable quoi qu’il arrive. On pourrait le comparer à l’abri anti-atomique de nos maisons. Si tout est détruit, ce qui sera dans l’abri sera sauvegardé.
    Cela pose de questions, avec lesquels je vous laisserai. 1) La première question est celle de notre préparation. Comment prenons-nous soin de notre être intérieur pour qu’il soit le plus riche possible au moment où tout le reste disparaîtra ? En image : que mettons-nous à l’abri dans notre abri anti atomique ?
    2) La deuxième question est : Quelle est l’espérance que nous plaçons en Dieu ? Puisqu’il n’est pas une assurance-casco contre les événements de la vie. Où est notre espérance ? Je crois que la réponse est dans la réponse à cette autre question sur laquelle chacun pourra méditer :  « Qu’est-ce que Jésus avait en lui, qui lui a permis d’aller à la croix sans  se dérober ? »
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2015

  • 2 Rois 5. Femmes de la Bible (V) : la « jeune fille » de Naaman

    2 Rois 5
    2.8.2015
    Femmes de la Bible (V) : la « jeune fille » de Naaman

    2 Rois 5 : 1-17      Marc 4 : 30-32

    Télécharger le texte : P-2015-08-02.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Dans notre série sur les femmes peu connues de la Bible, nous nous penchons ce matin sur une bien modeste personne, une petite jeune fille. Celui qui nous raconte cette histoire où elle intervient ne lui donne même pas de nom, comme si elle n’avait pas d’importance. Et pourtant, sans elle, il n’y aurait rien à raconter. Elle est à l’origine de tout ce qui se passe dans ce récit.
    Il s’agit de la petite jeune fille qui est au service de la femme du général syrien Naaman. Reprendre dans toutes mes phrases ce descriptif serait fastidieux, aussi ai-je décidé de lui donner un nom. Nous allons l’appeler Amielle.
    Amielle est une israélienne qui vit dans la famille du général syrien Naaman. Le récit nous dit qu’elle a été faite prisonnière en Israël par une bande armée et ramenée en Syrie chez le général. Il est difficile de savoir quel âge elle a. Le texte utilise deux mots « fille» et « petite ». Mais le mot fille désigne aussi Ruth (revenue avec sa belle-mère Naomi) lorsqu’elle va glaner dans les champs de Booz. Ce mot de « fille » peut donc désigner n’importe quelle femme jusqu’à son mariage. Cependant, la mention de « petite » laisse penser que c’est une jeune adolescente ou une pré-adolescente. Elle a donc vécu en Israël et elle a été arrachée à sa famille, à sa culture, tout en en gardant un souvenir aigu et précis. Elle se souvient de son culte au Dieu d’Israël et du prophète Elisée qui siège dans le royaume du Nord, en Samarie.
    On voit que la situation politique et militaire entre la Syrie et Israël du Nord est tendue. Il y a des escarmouches et des razzia. Il y a une méfiance dans les relations politiques entre les deux Etats, cela se voit à la réaction du roi d’Israël lorsqu’il reçoit la lettre du roi de Syrie. Il se demande tout de suite où est le piège, où est le traquenard dans cette demande de guérison.
    Mais revenons à Amielle. Elle vit dans cette famille, soit comme une fille adoptée, soit comme une aide, comme une servante. Aucun vocabulaire ne fait référence à de l’esclavage. Amielle est « devant» la maîtresse de maison, comme Naaman est « devant » le roi et sera plus tard « devant » le prophète. On voit là un rapport de respect, rapport hiérarchique certainement, mais pas un rapport de soumission humiliante. C’est pourquoi Amielle peut librement parler à la maîtresse de maison. Amielle est touchée par la souffrance du général, par le contraste marqué dans le texte entre ses états de service — un vrai héros — et sa maladie.
    Alors que — comme jeune fille enlevée à ses proches — elle pourrait s’enfermer dans la rancune, dans la haine et dans la « schadenfreude » (se réjouir de la souffrance d’autrui), Amielle est attentionnée, compatissante, bienveillante. Elle offre son aide, à partir des ressources qu’elle a: elle se souvient du prophète Elisée qui porte la Parole de Dieu et peut soulager les souffrances. Elle en parle à sa maîtresse, qui en parle à son mari, qui en parle au roi.
    À partir de la parole timide d’une adolescente, c’est tout une machine qui se met en marche. Les rouages de l’administration et de la diplomatie produisent une lettre d’introduction et de demande. On frôle même l’incident diplomatique quand le roi d’Israël craint un piège. Heureusement le prophète Elisée est mis au courant et il remet les choses en ordre, il va s’occuper lui-même du cas.
    Il rédige l’ordonnance et la fait porter au général. Celui-ci est vexé ! Quoi ! il n’a pas droit à une consultation ? (voir la prédication) Il trouve ridicule la prescription que lui fait le prophète. Il est décidé à tout laisser tomber et à rentrer chez lui. On est à un cheveu de l’échec complet. Ce sont ses serviteurs qui le raisonnent : « N’auriez-vous pas suivi l’ordonnance si on vous avait demandé quelque chose de très compliqué ? Ne soyez pas rebuté par la simplicité. Essayer au moins ! »
    Ce retour à la simplicité est intéressant, parce qu’il nous renvoie — comme si c’était le thème de ce récit — aux mots tout simples d’Amielle. Quelques mots tout simples, même dit en passant, un geste d’amitié spontané, un signe donné au bon moment peut illuminer une journée, changer l’obscurité en lumière. Une parole de quelqu’un qui me semblait tellement peu important, auquel on ne prête d’habitude même pas l’oreille, peut être la parole qui nous faut entendre, les mots les plus importants de la journée.
    Et en effet, le sort de Naaman, le général syrien est totalement bouleversé, changé, à la suite des quelques mots qu’Amielle a glissé à sa maîtresse. Elle ne se doutait probablement pas de ce qu’elle allait mettre en marche. Mais elle l’a fait. Elle a prononcé ces mots, elle a transmis le message qui lui tenait à cœur. Elle a cherché dans ses racines, dans ses souvenirs, elle a puisé dans ses ressources, dans sa culture, elle s’est souvenue du Dieu d’Israël et elle en a témoigné, elle a dit ce qu’on pouvait en attendre.
    Ce témoignage a conduit Naaman à reconnaître la grandeur du Dieu d’Israël. C’est pourquoi il demande d’emporter de la terre d’Israël sur deux mulets, pour créer chez lui — à son retour — une petite enclave qui lui rappellera Israël, où il pourra rendre son culte au Dieu d’Israël, peut-être guidé dans ses paroles liturgiques et dans ses gestes par Amielle.
    Tout geste compte, toute parole compte et produit des effets inattendus, sans commune mesure, comme la plus petite graine peut produire un arbre dans lequel les oiseaux viennent nicher.
    Amen


    © Jean-Marie Thévoz, 2015

  • 2 Samuel 13. Femmes de la Bible (IV) : Tamar, fille de David

    2 Samuel 13
    26.7.2015
    Femmes de la Bible (IV) : Tamar, fille de David

    2 Samuel 13 : 1-22      Luc 12 : 2-7

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Il y a dans la Bible des histoires terribles ! C’est le cas de ce récit du viol de Tamar. Comment une telle histoire peut-elle faire partie de l’Histoire sainte, du livre qui contient la Parole de Dieu, de l’Ecriture qui doit nous rapprocher de Dieu ? Eh bien justement, la Bible témoigne de la rencontre entre Dieu et le monde, du choc que représente l’irruption de Dieu dans le monde réel. Ainsi la Bible est-elle en même temps le reflet du monde et de la vie réelle et le jugement de Dieu sur ce monde ! D’où la présence de textes violents, de situation perturbantes. C’est le reflet du monde réel. C’est pourquoi la Bible n’est pas moins violente que nos journaux !
    Aujourd’hui nous accompagnons Tamar dans son parcours. Le récit la concernant nous montre comment se prépare le piège qui va se refermer sur elle, le crime dont elle a été victime et les conséquences qui en découlent. Nous allons voir d’abord quelques éléments de la réalité sociale et humaine, ensuite les perturbations que produit ce viol, enfin le jugement de Dieu sur ces violences.
    A. D’abord quelques éléments de la réalité sociale et humaine qu’on trouve dans toutes les sociétés et à toutes les époques (évitons de penser : aujourd’hui nous sommes plus civilisé). C’est la domination des hommes sur les femmes. La violence qui est toujours sous-jacente dans les rapports humains, y compris dans la sexualité. Et le fait, statistiquement reconnu, que la majorité des violences sont le fait de personnes connues ou proches de la victime et pas de psychopathes tombant au hasard sur une personne dans la rue. Tous ces éléments sont présents dans notre récit et sont toujours actuels.
    B. Ensuite j’aimerais m’attarder sur les perturbations induites par le viol (v. 15-22). On observe un retournement des sentiments d’Amnon. Il se croyait fou amoureux, il se découvre juste la marionnette de ses désirs. Il se dégoûte lui-même, mais n’ose pas regarder ce sentiment en face, aussi projette-t-il ce dégoût sur Tamar et la prend-il en haine. Il fait de sa victime la coupable de ce qui s’est passé. C’est une deuxième négation de la victime. Cela conduit au rejet de Tamar et à son expulsion de l’appartement d’Amnon (même terme que dans Genèse 3 pour l’expulsion du jardin d’Eden). Cela conduit à la désolation pour Tamar. Le viol est une négation de sa personne, de sa parole (elle essaye d’éviter la violence par le dialogue), la négation de son être intérieur. La victime n’est plus sûre de rien, le sol se dérobe sous ses pas. L’état de choc conduit à un état de deuil, la perte de ses repères, la perte de ses soutiens, la perte de son estime de soi. Cet isolement est renforcé par les prises de positions et les « conseils » de ses proches : «Garde le silence», « N’en fait pas une histoire». Il y a une minimisation des faits, de la douleur, de la blessure intérieure. Cela conduit à la paralysie, à l’inaction, au sentiment d’impuissance : personne ne veut entendre le cri de Tamar. La solidarité se crée autour des coupables, des complices, au lieu de se former autour de Tamar. Cela conduira à une augmentation de la violence, puisqu’Absalom va tuer Amnon, mais sans que Tamar soit réhabilitée et puisse vivre une vie à peu près normale. Voilà les conséquences du viol que nous présente le texte biblique.
    C. Que peut-on y lire du jugement de Dieu ? Il faut lire entre les lignes et tenir compte de la Bible en entier, y compris le Nouveau Testament, pour voir le jugement de Dieu. Le récit ne fait pas intervenir les foudres divines, c’est plus plus subtil et plus encourageant pour nous ainsi. Ce qui est révélateur du jugement de Dieu, c’est la position du narrateur. Le narrateur se pose comme une sorte de chroniqueur judiciaire. Il ne passe rien sous silence. Il montre la planification du crime, sa préméditation, la construction minutieuse du piège, le rôle des complices, puis l’exécution pas-à-pas de ce qui a été planifié. Rien n’est passé sous silence, tout est dévoilé. Cette chronique est déjà — en soi — une dénonciation du crime, elle pointe les coupables et innocente totalement Tamar. Elle n’y est pour rien, elle est juste victime, elle est victime juste. Aucun reproche ne peut être imputé à Tamar, alors qu’on sait combien de fois les procès pour viols tournent à l’accusation de la victime.
    Le crime est dénoncé comme un crime dans le récit. Cela nous rappelle le procès de Jésus, sa Passion, où les narrateurs font ce même travail de déconstruction minutieuse du mensonge habituel qui fait de la victime le coupable, responsable de ce qui lui arrive. Non, ici, le texte dit bien où est le mal, où est le bien. Nous avons ici un récit précurseur du récit de la Passion, une chronique judiciaire qui montre le juste qui n’est pas reconnu comme tel par les personnes autour de lui, mais que le lecteur peut reconnaître comme innocent. Ce qui aurait dû être caché dans la vie de David et de ses fils — parce que cela ternit l’image de la royauté — cela-même est révélé dans le récit biblique. Le juste n’est pas toujours reconnu comme juste et innocent de son vivant, mais Dieu le voit et ne l’oublie pas : «Tous ce qui est caché sera découvert, tout ce qui est secret sera connu» dit Jésus (Luc 12 :2).
    Les actes et les gestes de Jésus apportent une lumière sur les relations sociales. Lorsque Jésus mange chez Simon le Pharisien et que celui-ci juge « de mauvaise réputation» la femme qui baigne les pieds de Jésus de parfum et les essuie avec ses cheveux (Luc 7:16-50), Jésus réhabilite cette femme. Lorsque les pharisiens amènent à Jésus la femme adultère (Jean 8:1-11) (qui comparait seule accusée, comme si elle avait pu commettre l’adultère sans homme !) Jésus renvoie tout le monde au compte de ses propres péchés. Chaque fois, le jugement de Dieu se manifeste par la réhabilitation, la restitution de la dignité à la personne blessée. Le monde écrase la victime, Dieu relève la victime.
    Quelles que soient les atteintes, les blessures, aux yeux de Dieu la victime est sans tache, sans traces de collaboration avec le bourreau, sans reproche à se faire, sans honte à éprouver. Le Christ en croix est la figure de toutes les victimes maltraitées, violentées, abusées. Et on peut élargir le cercle des personnes abusées pour y joindre les enfants placés, les enfants soldats, la traite des femmes, les victimes d’inceste et d’abus, les conjoints battus etc. sans parler des victimes des violences étatitques et institutionnelles et celles des violences guerrières ou économiques.
    Toutes ces personnes sont assimilées au destin du Christ dans le cœur de Dieu. Dieu souffre de les voir souffrir injustement dans les mains des hommes et il leur réserve la même réhabilitation, la même résurrection, la même vie nouvelle qu’à Jésus.
    De même que la vie du Christ est gardée intacte dans la main de Dieu, de même le noyau intime de toute personne abusée est gardé intact dans le cœur de Dieu.
    Comme Jésus blessé sur la croix meurt et ressuscite, chaque personne blessée ressuscite avec lui, avec les marques de ses blessures, mais vivante à nouveau.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2015

  • 1 Samuel 25. Femmes de la Bible (II) : Abigaïl

    1 Samuel 25
    5.7.2015

    Femmes de la Bible (II) : Abigaïl

    1 Samuel 25 : 2-42

    Télécharger ici le texte : P-2015-07-05.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aujourd’hui nous découvrons la personne d’Abigaïl dans un épisode qui pourrait quasiment sortir du recueil des mille et une nuits, une sorte d’histoire racontée dans un style oriental où se mêlent richesse et pouvoir, vie et mort, beauté et orgueil. Alors on peut se demander pourquoi cette histoire est restée dans la Bible, à part le fait qu’elle appartient à la saga de David ? Comment s’inscrit-elle dans l’histoire de David et dans l’histoire biblique ?
    Quelques mots sur le contexte de cette histoire. En gros, le premier livre de Samuel nous relate l’établissement de la royauté avec Saül comme premier roi. Un roi insatisfaisant, un roi qui n’est pas fait sur le modèle de la royauté que Dieu veut établir sur Israël. Aussi ce livre mêle-t-il la royauté de Saül à l’histoire de l’ascension de David vers le trône d’Israël. Le deuxième livre de Samuel est consacré au règne de David. Les deux livres des Rois traitent ensuite de sa succession et de ses successeurs.
    Mais là nous sommes encore dans le premier livre de Samuel. Il est donc question de l’ascension de David à la royauté et, en quelque sorte, de sa formation en tant que roi.
    On voit d’abord David au service du roi Saül, on ne le voit vaincre Goliath, s’allier à Jonathan contre Saül, être en guerre contre Saül et — dans le chapitre 24 — celui qui précède le nôtre,  on voit David épargner la vie de Saül, pourtant à sa merci dans la grotte d’En-Guédi. Épisode qui se répète dans le chapitre 26, où, là non plus, David ne porte pas atteinte à la vie de Saül, car la vie de celui qui a été oint comme roi par le prophète de Dieu est sacrée !
    Notre chapitre 25, avec l’histoire de David face à Nabal et Abigaïl, comporte une unité de thème avec ses deux chapitres qui l’encadrent : celui de la vengeance. Lorsque Nabal refuse de payer les services de protection de David que la bande armée a assurée autour de ses troupeaux, David est furieux, il ne pense qu’à tuer celui qui lui fait affront. Le récit n’est pas clair : David vient-il chercher le payement d’un contrat loyal, ou bien vient-il racketter Nabal pour une « protection » de type sicilienne, mais peu importe. Peu importe que la colère de David soit justifiée ou orgueilleuse. Il y a un désir de vengeance, de faire couler le sang. Et David en a le pouvoir, comme chef d’une petite armée.
    C’est là qu’intervient Abigaïl. Elle parle longtemps à David pour le convaincre de renoncer à son geste funeste. Les prédicateurs parlent beaucoup de la nourriture et des gâteaux qu’elle apporte, mais c’est son discours qui est remarquable ! C’est d’ailleurs le discours de femme le plus long rapporté dans la Bible.
    Que dit-elle à David pour le convaincre ? Quels arguments utilise-t-elle ? D’abord ceux qu’elle n’utilise pas. L’appel à la pitié ; la compensation ou la réparation (tu as ce que tu voulais, j’ai apporté la nourriture que tu voulais de Nabal) ; l’appel à sa beauté — qui est remarquable comme le souligne le texte.
    Non, dans son discours, elle commence par en faire une affaire personnelle, interpersonnelle entre elle et David. Elle prend sur elle toute la faute. Cela nous paraît injuste — et faux en plus ! Cela ressemble à un discours misérabiliste, culpabilisé : « tout est de ma faute, n’en veut pas aux autres ». Elle aurait pu négocier un échange : « c’est ma faute, prends-moi et laisse la vie sauve aux autres ». Mais ce n’est pas ce qu’elle fait. En affirmant que la faute lui revient, elle se pose en interlocutrice unique et responsable, en position de négocier et d’arriver à un accord. En fait elle évacue Nabal, son mari, de la négociation. Abigaïl règle d’ailleurs son compte à son mari dans une phrase pleine de jeux de mots puisque Nabal veut dire vaurien ou fou ou imbécile. Abigaïl prend les rênes de la négociation, mais elle se place en position inférieure à David, non pas parce qu’elle est une femme, mais parce qu’elle sait être en face de celui qui a été oint par Dieu et qui sera le prochain roi d’Israël. Un homme on aurait fait autant (sauf son fou de mari).
    Ensuite, Abigaïl met en question la volonté de vengeance et la violence de David : « Mais maintenant, par le Seigneur vivant et par ta propre vie, le Seigneur lui-même te retient d'en venir au meurtre et de te faire justice toi-même. » (1S 25:26) Et là, on voit la parenté avec les chapitres 24 et 26. Vis-à-vis du roi Saül, David a su se retenir d’exercer sa vengeance. Ne devrait-il pas agir de même envers la maison de Nabal ? Oui, mais là, David n’a pas affaire avec un oint du seigneur ! Quelle raison aurait David d’épargner Nabal et sa maison ?
    C’est là le génie d’Abigaïl, et selon moi, la raison pour laquelle ce récit a sa pleine place dans la Bible et devient pour nous un enseignement. Abigaïl rappelle à David les promesses que Dieu lui a faites : « Lorsque le Seigneur accomplira tous les bienfaits qu'il t'a promis et fera de toi le chef d'Israël… » (v.30). Abigaïl rappelle à David sa raison d’être, les raisons pour lesquelles il a rassemblé une armée. Elle lui rappelle que l’accomplissement est à bout touchant et qu’il pourrait tout risquer, maintenant, en commettant un faux pas. Abigaïl fait donc appel aux fondamentaux de la vie de David, à sa raison d’être, à sa vocation, à sa mission, pour avoir un critère de décision pour savoir ce qu’il est juste de faire ou injuste de faire dans ces circonstances. Abigaïl pose un principe éthique fondamental, une méthode de décision dans les situations difficiles : ce que je dois faire dans cette situation, doit être en cohérence avec ma vocation, avec le but de ma vie, avec la personne que je suis et que je veux être. Toutes les petites décisions doivent être orientées vers l’ essentiel, en cohérence avec les valeurs supérieures que je poursuis.
    Abigaïl en appelle donc à la vocation, à la mission de David. Elle ne lui dit pas ce qu’il doit faire ! Elle lui demande : soit cohérent avec qui tu es et qui tu vas devenir, ne fait pas quelque chose que tu regretteras, quelque chose qui sera une tache dans ton parcours.
    Abigaïl donne ici une leçon de politique extrêmement sensée, qui s’applique à David, mais dont tous les hommes politiques devraient s’inspirer. Pas seulement dans la période où ils visent le pouvoir, mais également dans l’exercice du pouvoir.
    C’est une des questions qui tourmente les rédacteurs de la Bible : savoir comment limiter le pouvoir, le pouvoir de ceux qui sont au sommet, au sommet du pouvoir ! « Capitaine après Dieu ! » Qui pourra limiter leurs pouvoirs ? Les deux livres de Samuel et les deux livres des Rois essaient des pistes sur cette question de la limitation du pouvoir. Et la réponse est toujours la même : c’est la loi divine, le respect de Dieu, ce savoir soumis à une loi supérieure qui peut seule limiter le pouvoir de ceux qui ont le pouvoir de la force. Ainsi se sont mit en place, au fil du temps, des mécanismes de régulation. Au XXe siècle ce sont les droits de l’homme et les tribunaux internationaux, comme tentatives de limiter le pouvoir des superpuissants.
    Ici nous sommes dans le dialogue entre Abigaïl et David et on voit que le discours d’Abigaïl, l’appel à la mission et à la vocation de David, l’appel aux promesses divines fait réfléchir David. Et en effet, il va subordonner sa fureur à sa vocation. Il va renoncer à entacher son parcours avec le sang de Nabal et de sa maisonnée. C’est tout seul que Nabal va aller vers son sort, une crise cardiaque ou un AVC l’emporte.
    Ensuite David va profiter du veuvage d’Abigaïl pour l’épouser de manière à avoir auprès de lui une femme d’un tel niveau d’intelligence et de si bons conseils. Les compétences psychologiques et relationnelles d’Abigaïl sont, en quelque sorte, récompensées dans le récit par le fait qu’elle est débarrassée d’un mari sans valeur, pour devenir l’épouse du roi. Le conte oriental finit bien, non sans nous avoir laissé une maxime de valeur : «Oriente tous les choix de ton existence de manière à ce qu’ils te fassent avancer vers tes plus hautes valeurs. »
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2015

  • Juges 4. Femmes de la Bible (I) : Déborah

    Juges 4   
    28.6.2015
    Femmes de la Bible (I) : Déborah


    Juges 4 : 1-16 +23-24    Luc 8 : 1-3

    Télécharger le texte : P-2015-06-28.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous voilà, aujourd’hui, avec Déborah dans le livre des Juges. J’ai choisi, pour cette été, de vous faire découvrir quelques femmes de la Bible, et parmi les femmes de la Bible celles qui ne sont pas très connues.
    On a tout dit sur le caractère patriarcal, voire macho, de la Bible. Et pourtant, la Bible met en scène un grand nombre de femmes, ce qui nous offre un tableau très complet de la condition féminine au temps de la Bible.
    Déborah est définie comme une femme prophète et comme une juge, dans le livre des Juges (Jg 4:4). Elle se tient sous un palmier (qui a pris son nom), comme saint Louis sous son chêne. Le livre des Juges présente diverses histoires — souvent rocambolesques — qui sont situées dans le temps entre la conquête du pays Canaan par Josué et l’établissement de la monarchie avec Saül puis David. C’est une période troublée, où les tribus d’Israël subissent souvent l’oppression ou le pillage. Le fil littéraire qui rapproche ses histoires très variées est le suivant : dans une période de détresse extrême, le peuple crie à Dieu pour être délivré de ses oppresseurs. Dieu appelle alors quelqu’un — qui est appelé un « juge » — pour délivrer son peuple. Cette personne est un médiateur qui va réaliser la délivrance qui vient de Dieu.
    Dans notre histoire, aujourd’hui, c’est Déborah qui est appelée par Dieu pour apporter cette délivrance. Déborah a déjà un rôle de leader dans sa communauté puisqu’elle porte le titre de prophète, comme plus tard Samuel ou Nathan. En tant que telle, elle reçoit les messages de Dieu et les transmet. C’est ainsi qu’elle va transmettre à Barak l’appel de Dieu pour qu’il lève une armée et délivre les tribus du nord du roi Yabin en battant le général Sisra.
    Ce qui est étonnant dans ce récit, c’est que Barak cherche à se défiler. Dans l’ordre des choses d’une société de l’époque, c’est Barak qui aurait dû recevoir le titre de juge, comme Ehoud avant lui et Gédéon après lui. Ici Barak ne veut pas partir, il demande, il exige la présence de Déborah à ses côtés. C’est donc Déborah la personnalité moteur du récit. C’est elle qui mobilise, qui encourage, qui construit la stratégie de mobilisation et de combat. Je n’ai pas trouvé de figures de femme à la tête d’une armée dans la littérature antique, à part les mythiques Amazones ou la reine Zénobie. La Bible, elle, n’a pas de réticence à faire passer une femme avant les hommes, elle n’a pas cherché à l’effacer non plus.
    Déborah nous est présentée comme la personne providentielle, celle que Dieu a choisie, a appelée et a envoyée pour délivrer Israël. C’est une femme lucide, qui a une vision politique, voir militaire, qui est dans le concret et à l’écoute de son peuple.
    Dans le chant de victoire du chapitre 5 — un des textes les plus anciens de l’Ancien Testament — elle se présente comme « une mère pour Israël » (Jg 5:7). Dans son rôle de leader, elle ne perd rien de son identité. Elle met tout son être, toutes ses capacités, toutes ses compétences personnelles au service de Dieu. En ce sens, c’est une vraie cheffe, mais pas une guerrière.
    Du point de vue de la guerre, le livre des Juges est particulier. Il y a des batailles, des soldats qui combattent, mais ce n’est pas ce qui est décisif ! Dans ce livre, c’est Dieu qui remporte la victoire, pas les soldats. Les batailles sont remportées plutôt par les circonstances favorables ou exceptionnelles, ce qui fait qu’elles sont attribués à Dieu. Dans notre récit, ce qui est suggéré, c’est que les chars du général Sisra se sont embourbés dans la plaine inondée par le torrent du Quichon. Et cela ne ne peut revenir qu’à Dieu, pas à la bravoure des soldats.
    Un autre point dans ces guerres du livre des Juges, c’est qu’elles interviennent toujours quand la situation de détresse est devenue intenable. C’est une délivrance qui est en route, pas une guerre de conquête ou une recherche de pouvoir. Ensuite le chef revient dans les rangs du peuple. Il n’y a pas de victoire personnelle, seulement un acte salvateur de Dieu qui rétablit la paix et des conditions de vie acceptable.
    Dans ce sens sens là, le livre des Juges, même s’il est un livre qui raconte des histoires plutôt sanglantes, est un livre d’espoir et de confiance en Dieu. Chaque fois qu’il y a une crise, que le peuple est en détresse et qu’il crie à Dieu, Dieu adresse une vocation à quelqu’un et ce quelqu’un se lève pour agir. C’est un encouragement à espérer dans les situations difficiles. Quelque chose de neuf peut toujours à nouveau surgir, du cœur même de la crise. Des hommes et des femmes sont appelés par Dieu, au cœur même des difficultés, pour apporter des solutions, pour apporter la délivrance de Dieu.
    Il y a un mixte toujours présent d’initiative divine et d’initiative humaine. Si personne ne se mobilise, il ne peut pas y avoir d’intervention divine. Si Déborah ne s’était pas levée, n’avait pas poussé Barak à agir, à lever son armée, les chars de Sisra ne seraient pas descendus s’embourber dans la plaine du Quichon. Dieu n’intervient pas sans nous, il a besoin d’intermédiaires, de « Juges ». Il a besoin de nos mains, de nos voix, de nos pieds pour que son action puisse avoir lieu et soit visible dans le monde. Il a besoin de chacun d’entre nous, hommes et femmes Dieu ne fait pas de différence. Il n’a pas besoin de notre force, de notre puissance, il a besoin de notre présence.
    Deborah a répondu à l’appel de Dieu et cela a changé le sort du peuple d’Israël. La Bible a gardé mémoire de son histoire (Jg 5) mais aussi de ces paroles dans le Chant de victoire du chapitre 5.
    Dieu garde en mémoire chacun de nos gestes, de nos actes, chaque action qui apporte réconfort, soutien ou délivrance. Rien ne lui échappe, plus encore Dieu démultiplie le pouvoir de nos gestes à un point que nous ne connaissons pas. Cela doit nous encourager à ne pas baisser les bras. Encourageons-nous à être plutôt comme Déborah que comme Barak qui n’osait pas répondre à sa vocation. Lorsque nous répondons présent Dieu est là, il se rend lui-même présent et tout change.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2015

  • 1 Pierre 2. Bâtir sur les valeurs de justice, de compassion et de service.

    1 Pierre 2
    7.6.2015
    Bâtir sur les valeurs de justice, de compassion et de service.

    Ps 118 : 19-24      1 Pierre 2 : 4-10       Matthieu 18 : 1-5

    Télécharger le texte : P-2015-06-07.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Pour fêter ensemble ces 40 ans de la construction de la Chapelle, J’ai choisi ce texte de la première lettre de Pierre qui parle justement de construction, d’édification, de matériaux à choisir ou à laisser de côté. Quand on construit, c’est évidemment essentiel de choisir les bons matériaux, les bonnes pièces qui feront que l’édifice tient debout, brave le temps et les intempéries.
    L’auteur de la lettre parle de construction et de pierre, mais c’est dans un sens symbolique, métaphorique. L’auteur ne parle pas de bâtiment, mais de communauté ou de société humaine. Lorsqu’il parle de cette pierre angulaire, il l’emploie comme une image, une image des valeurs que nous privilégions pour fonder notre vie ou la vie de notre société. Très vite on voit surgir une opposition, même un conflit, parce que cette pierre capitale est soit rejetée soit choisie et considérée comme précieuse.
    « La pierre que les bâtisseurs avaient rejetée, est devenue la pierre principale. » (Ps 118 :22) Cette phrase, tirée du Psaume 118, illustre le conflit ou le dilemme, la question : qu’est-ce qui a de la valeur ?Tout bâtiment a besoin d’une pierre angulaire. Ici dans cette Chapelle on peut penser aux blocs de béton, bien visibles à l’extérieur de la Chapelle, sur lesquels repose la charpente du toit, ces poutres qui s’entrecroisent au-dessus de nos têtes.
    Toute société a besoin de ces fondements, de ces appuis — qu’on peut appeler valeurs — pour tenir. Et voilà que notre texte nous dit que les valeurs que les bâtisseurs avaient rejetées, sont justement celles que Dieu a choisies et qu’il estime précieuses.
    « La pierre que les bâtisseurs avaient rejetée, est devenue la pierre principale. » (Ps 118 :22) Cette phrase, tirée du Psaume 118, illustre le conflit ou le dilemme, la question : qu’est-ce qui a de la valeur ?Tout bâtiment a besoin d’une pierre angulaire. Ici dans cette Chapelle on peut penser aux blocs de béton, bien visibles à l’extérieur de la Chapelle, sur lesquels repose la charpente du toit, ces poutres qui s’entrecroisent au-dessus de nos têtes.
    Toute société a besoin de ces fondements, de ces appuis — qu’on peut appeler valeurs — pour tenir. Et voilà que notre texte nous dit que les valeurs que les bâtisseurs avaient rejetées, sont justement celles que Dieu a choisies et qu’il estime précieuses.
    Ce choix et ce rejet sont illustrés par l’histoire de Jésus, racontée dans les Évangiles. Ce Jésus que Dieu a choisi pour se faire connaître, il a été rejeté par les hommes de son temps, au point qu’il a été crucifié. Mais Dieu l’a réhabilité en l’élevant à lui, en le déclarant juste malgré les diffamations à son égard. Dieu l’a choisi comme la pierre principale, comme la tête de son peuple, de son Eglise. Jésus incarne ces valeurs que Dieu souhaite voir adoptées par l’humanité. Mais l’humanité rejette ses valeurs : de justice, de compassion, de service. Cette histoire de Jésus est comme un signal qui montre les dangers que court notre société quand elle rejette ces valeurs, quand elle se construit sur l’injustice, la haine et le profit à tout prix. Dans quelle société voulons-nous vivre ? Quelle société voulons nous construire ? Quelles valeurs choisissons nous comme fondement pour notre société ?
    Clairement, Dieu marque son opposition à une société qui exploite, qui oppresse, qui détruit pour l’avantage des quelques-uns. Clairement, Dieu marque son opposition à un système économique qui rejette et abandonne sur le bord du chemin ceux qui ne sont pas au top de la performance. Dieu, au contraire, veut revaloriser chacun, tel qu’il est, même s’il est blessé par la vie, même s’il est porteur de handicap ou de faiblesse.
    J’aimerais prendre encore une autre image. Il y a une nouvelle cuisine qui devient à la mode, c’est la cuisine sans restes et sans déchets. Une cuisine qui recherche la valorisation de tout. Pas de rebut, pas de rejet des légumes qui ne sont pas standards, qui comportent des taches ou des formes bizarres. Tout est bon. Eh bien, je crois que Dieu fait cela avec l’humanité. Pour Dieu il n’y a personne « de reste ». Pour Dieu il n’y a pas de rebut de la société. Pour Dieu il n’y a personne qui ne vaille pas la peine qu’on s’occupe et se préoccupe de lui.
    Lorsque la société, des entreprises ou des groupes trouvent qu’il ne vaut pas la peine de s’occuper de certaines personnes, ce n’est pas l’avis de Dieu. Tout le monde compte pour lui, il n’y a pas de déchets, pas de rebut. Il n’y a que des êtres humains à part entière, des personne dignes d’intérêt, dignes d’avoir une place, dignes d’avoir un logement ou un travail. Nous ne pouvons accepter que les gens soient considérés comme des Kleenex que l’on jette après emploi.
    Jésus est cette pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie par Dieu, et — nous dit le texte — cette pierre devient un refuge pour les uns (un sanctuaire) et une pierre qui fait trébucher, qui fait tomber les autres. Cette ambivalence est bien présente dans le message du Christ. Il est bien refuge, accueil, soutien pour ceux qui se sentent exclus, mis en marge par la société. Ces petits sont ceux qui sont accueillis par le Christ et ceux qui deviennent figures du Christ quand on leur donne à boire, à manger, lorsqu’on leur rend visite ou qu’on leur donne un vêtement (Mt 25). Mais le Christ est aussi pierre d’achoppement, jugement pour ceux qui exploitent et détruisent. Leurs valeurs d’accaparement et de destruction sont clairement condamnées par Dieu.
    Ainsi le Christ nous invite à créer une société qui soit basée sur ces valeurs de justice, de compassion et de service. Et la communauté de l’Eglise devrait en être le premier exemple, une communauté qui se bat pour de plus de justice, une communauté ouverte et accueillante pour tous, sans exclusion, une communauté qui se place au service de la société et des plus faibles.
    C’est cette communauté, les personnes porteuses de ces valeurs que j’aimerais voir réunies ici semaine après semaine, pour s’encourager à cette mission d’humanisation de la société. C’est à cela que doit servir cette Chapelle pour toutes les années qui s’ouvrent devant nous.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz 2015

  • Actes 11. Une Eglise surprise par l’Esprit Saint

    24.5.2015
    Actes 11
    Une Eglise surprise par l’Esprit Saint

    Actes 2 : 1-13      Actes 11 : 1-18

    Télécharger le texte : P-2015-05-24.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Vous avez entendu le récit traditionnel de Pentecôte. Ce récit ouvre l’histoire de la première Eglise, histoire dépeinte dans le livre des Actes des Apôtres qui fait suite à l’Évangile selon Luc.
    Luc donne un cadre temporel aux apparitions de Jésus — de Pâques jusqu’à l’Ascension — puis décrit le don du Saint-Esprit, le jour de la Pentecôte : 10 jours après l’Ascension, 50 jours après Pâques.
    Ce récit du don de l’Esprit marque la date de naissance de l’Eglise. Avant la Pentecôte, il y a un groupe de disciples, craintifs et désorganisés. Ils se réunissaient en cachette, en s’enfermant dans la chambre haute pour se rappeler — entre eux — ce qu’ils avaient vécu avec Jésus. Ils sont encore à Jérusalem, et ce dimanche de la fête juive des semaines — Chavouot en hébreu, Pentecôte en grec — ils sont encore réunis entre eux.
    Mais ce dimanche-là un événement spécial se passe. Le Saint-Esprit descend sur la maison, puis sur les disciples à la façon de la révélation bruyante et lumineuse de Dieu à Moïse au Sinaï.
    Cela ameute du monde, tous les pèlerins juifs montés à Jérusalem des quatre coins de la diaspora juive. Beaucoup de pays ou régions sont mentionnés, de l’Iran actuel jusqu’à Rome, mais il est précisé que ce sont des juifs de souche ou des convertis à la foi juive. Le don de l’Esprit-Saint concerne — à ce moment —prioritairement les juifs, les descendants d’Abraham, les dépositaires de la révélation du Dieu d’Israël.
    Pour les disciples, il était évident que Jésus était le Messie annoncé dans les Ecritures, celui qui est venu pour accomplir les promesses de Dieu à l’égard de son peuple. C’est une affaire interne. Il est important d’annoncer aux juifs que l’Ecriture est accomplie, que le Messie est venu et qu’il s’agissait de Jésus ! Mais cela ne concerne que le peuple Israël. Voilà la croyance des disciples. Or, l’Esprit souffle où il veut et Dieu ne veut pas être limité par nos étroitesses d’esprit !
    L’évangélisation par les disciples se fait, en Judée, en Samarie et en Galilée. Mais — comme le racontent le livre des Actes — les persécutions poussent les premiers chrétiens à l’exil : à Damas, à Antioche et plus loin !
    Et voilà nos disciples confrontés aux Grecs et aux Romains. Et ceux-ci reçoivent favorablement l’évangile ! Que doivent-ils faire ? L’Esprit Saint convainc Pierre qu’il peut aller chez Corneille, et Pierre constate que Corneille reçoit l’évangile et qu’il reçoit l’Esprit Saint aussi bien que les juifs. Pierre le traite donc comme les autres nouveaux chrétiens.
    C’est lorsqu’il vient raconter cette merveilleuse histoire à Jérusalem que les choses se gâtent. Il est désapprouvé, il est contesté. Il est accusé d’avoir mangé avec des païens, donc d’avoir transgresser les règles du judaïsme qui s’appliquaient encore dans la première Eglise. C’est alors que Pierre explique comment cela s’est passé, comment il a agi sous l’inspiration divine. Ainsi Pierre nous raconte ce que les spécialistes des Actes des Apôtres appellent « la Pentecôte des Gentils » c’est-à-dire la Pentecôte des païens.
    Pierre raconte : «Je commençais juste à leur parler, quand le Saint-Esprit est descendu sur eux, tout comme il était descendu sur nous au commencement. (…) Dieu leur a accordé ainsi le même don que celui qu’il nous a fait à nous quand nous avons cru au Seigneur Jésus-Christ : qui étais-je donc pour m’opposer à Dieu ! » (Ac 11:15,17)
    L’Esprit Saint souffle où il veut. Il était là pour créer l’église, et il est là pour la faire évoluer, pour la faire grandir et avancer, pour la diriger, parfois vers des lieux ou des formes qui surprennent même les disciples, les chrétiens. L’Eglise n’est pas une Association ou une Entreprise avec des statuts et une assemblée générale. L’Eglise a certes besoin de personnes qui assurent l’organisation pratique, la petite cuisine — et ce n’est pas négligeable. Mais l’Eglise dépasse notre petite organisation humaine et nos buts humains.
    Au jour de la Pentecôte, nous devons nous souvenir que c’est l’Esprit Saint qui souffle sur l’Eglise et qu’il l’a conduit. L’Eglise n’est pas née de volontés humaines, elle est née d’un don, d’un surgissement qui a dépassé tous ceux qui étaient présents — on les a d’ailleurs pris pour des fous, on les a cru ivres, ce jour là !
    L’Eglise naît d’un appel, d’un bouleversement, elle naît d’une ouverture : c’est le Christ qui apparaît dans une chambre fermée ; c’est l’Esprit qui souffle et se manifeste en langues de feu. L’Eglise est appelée à cette ouverture qui est le contraire du repli sur soi.
    Cette ouverture est intérieure, c’est un déblocage, un élargissement par rapport à nos étroitesses, une confiance en l’Esprit Saint par rapport à nos peurs, une ouverture par rapport à nos préjugés.
    Cela n’a pas dû être facile pour les disciples juifs élevés dans la peur du contact avec les non-juifs,  la peur d’être souillé, d’être contaminé, d’être rendus impurs en entrant dans leurs maisons ou en partageant leurs repas.
    Cette ouverture, cette transformation intérieure conduit à une ouverture aux autres. Le Christianisme n’est pas réservé à une ethnie ou à une catégorie de la population. Le message de Jésus est universel, il est destiné à tous les humains, parce qu’il n’y a pas diverses catégories d’humains.
    L’Esprit Saint souffle sur tous les humains, sans différences. « Ne considère pas comme impur ce que Dieu déclare pur !» entend Pierre. Dieu fait souffler son Esprit Saint sans barrières, sans discrimination sur tous les humains, sur toute la terre, voici le souffle de Pentecôte !
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2015

  • Luc 24. La vie : comme un jeu vidéo.

    Luc 24
    14.5.2015
    La vie : comme un jeu vidéo.
    Phil 2 : 5-11       Matthieu 16 : 24-27        Luc 24 : 50-53

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    En ce jeudi de l’Ascension, nous rappelons que Jésus est monté au ciel. Monter au ciel ? Peut-on encore dire cela au XXIe siècle ? Peut-on encore croire cela au XXIe siècle ? Si dans cet épisode de l'Ascension nous voulons nous raccrocher à une élévation physique de Jésus, à une ascension au travers des nuages, de la stratosphère, nous avons un problème et il n'est pas étonnant que nos contemporains se détournent des Eglises. Ne confondons pas Jésus avec Superman ou avec Yves Rossi le jetman suisse !
    Les évangiles ne nous révèlent pas une une anecdote bizarre à travers l’Ascension de Jésus, mais un élément très sérieux quand on en saisit la portée symbolique, théologique.
    L’Ascension est une image qui s’inscrit dans la vision du monde de l’époque de Jésus. Le monde est vu comme constitué de trois étages, de trois niveaux, « le ciel, la terre et les enfers » comme le dit le cantique 34–32 (strophe 2) que nous venons de chanter. Le ciel (qui n’est pas celui de la météo !) est la dimension divine. C’est l’espace que Dieu habite, qu’il remplit, c’est le lieu (ou le temps) de la communion avec Dieu.
    Les « enfers », ou la Shéol dans l’Ancien Testament, c’est le séjour des morts, qu’il ne faut pas se représenter comme l’enfer des peintures de la Rennaissance, c’est simplement le lieu de la mort, lieu marqué par l’absence de Dieu, un lieu ou un temps d’immobilisme, de léthargie, de non-vie. Dans cette vision des choses, la vie sur terre est le temps décisif où se joue soit la montée au ciel, soit la descente dans la Shéol.
    Je vais prendre une comparaison actuelle. Essayons de penser que la vie est un jeu vidéo ! Pour ceux qui ne sont pas familiers avec les jeux vidéo, essayez de penser à un rallye semé d’embûches et d’énigmes et d’indices permettant d’aller à l’étape suivante. Dans un jeu vidéo, le personnage qu’on incarne ce meut dans un univers qui se trouve derrière l’écran. Il est confronté à trouver son chemin, à trouver des objets qu’il doit prendre ou laisser sans savoir lesquels seront utiles dans la suite. Il peut par exemple se trouver face à une porte pour laquelle il aura besoin d’une clé, ou face à un mur pour lequel il aurait besoin d’une barre à mine, mais qui veut s’encombrer d’une barre à mine ? etc. Il va faire des rencontres, les unes bénéfiques, les autres maléfiques, il aura donc besoin de cadeaux ou d’armes etc. pour arriver en vainqueur au niveau le plus haut, au paradis. Dans certains jeux on peut se procurer des indices supplémentaires pour éviter des pièges ou des détours. Voilà les ressorts des jeux vidéo.
    Si nous imaginons que le monde est un gigantesque jeu vidéo, notre rôle sur terre est de trouver une notre voie, faire notre chemin pour monter vers le niveau « ciel» et éviter de tomber dans la shéol, de mourir, d’être « game over ».
    L’épisode de l’Ascension de Jésus montre qu’il a réussi à passer au niveau supérieur, il a gagné le jeu. Il a donc une connaissance de toutes les astuces et des justes comportements pour gagner le ″jeu de la vie″. Plus encore, avant son Ascension — c’est ce que son Ascension nous révèle — il nous a enseigné comment on peut à notre tour gagner le ″jeu de la vie″ et accéder au ciel ! Il a pu le faire parce qu’il est le fils du concepteur du ″jeu de la vie″. Il a toutes les astuces et toutes les réponses aux énigmes, il a le mode d’emploi et il est venu pour nous le communiquer. Quel est son enseignement pour que nous puissions réussir au ″jeu de la vie″ et gagner le ciel ? Il nous donne trois enseignements fondamentaux.
    1. La première chose : c’est de le croire. Croire qu’il est bien le messager, le révélateur de celui qui a conçu, créé le ″jeu de la vie″. Pour faire notre chemin dans le jeu, nous devons choisir qui croire, lui ou les autres ? En qui allons nous faire confiance ? Dans son enseignement ou dans ce que le monde nous dit de faire ?
    2. Ensuite, Jésus nous dit de ne pas suivre le monde. Le monde — et ses conseils ordinaires — court à sa perte. Le monde est basé sur de fausses valeurs qui ne peuvent que nous faire perdre le ″jeu de la vie″. Vous connaissez les valeurs du monde : consommer, paraître, devenir célèbre, être mieux que les autres quitte à les piétiner, réussir, posséder, etc. Tous ces conseils ne mènent qu’à des impasses. Tous ces objets qu’on nous conseille d’acheter nous alourdissent, nous empêchent de monter au ciel.
    3. L’enseignement positif que Jésus nous donne consiste en un retournement des valeurs du monde. Ce sont les valeurs des béatitudes, ce sont les valeurs que Jésus a transmises à travers le lavement des pieds, ce sont les valeurs que Jésus a vécues en se dépouillant de tout pouvoir, de toute grandeur, pour servir, comme le rappelle la lettre aux Philippiens (Ph 2:5-11). C’est le don de soi, le don de sa vie qui conduit à la grandeur et à l’élévation. Dans le ″jeu de la vie″ : « celui qui voudra sauver sa vie la perdra et celui qui acceptera de la donner la sauvera » (Mt 16:25).
    C’est quelque chose qui est totalement caché au monde, mais que Jésus nous a révélé, à ses disciples et à nous. Nous avons le mode d’emploi du ″jeu de la vie″, nous avons les clés pour accéder au niveau du ciel.
    À nous de croire et faire confiance en Jésus. À nous de le suivre, de suivre ses enseignements. À nous d’emprunter ce chemin paradoxal, où celui qui perd en fait gagne.
    Découvrir que c’est ce chemin même — que le monde voit comme perdant, comme un abaissement, comme déraisonnable — c’est ce chemin qui se révèle être celui qui a du sens et apporte la vraie satisfaction, qui apporte des relations de plénitude avec les autres, qui apporte une communion d’amour avec Dieu, un rendez-vous avec le ciel.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2015

  • 1 Pierre 3. Suivre Jésus pour donner plus de vie à la vie

    10.5.2015

    Suivre Jésus pour donner plus de vie à la vie

    1 Pierre 3 : 8-11    Matthieu 7 : 7-12

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,
    Pourquoi les chrétiens sont-ils chrétiens ? Pourquoi sommes-nous, comme paroissiens, attaché au christianisme ? Eh bien le chrétien pense que Jésus a apporté, nous a apporté, une image de Dieu qui correspond à sa réalité. Une image qui s’approche le mieux de ce que nous humains, pouvons penser de Dieu, d’un Dieu « plus vrai que nature ».
    Nous pensons que cet homme Jésus a su trouver les mots, les gestes, les comportements propres à nous faire apercevoir un Dieu dont l’image est la moins déformée par nos idées humaines, nos a priori, nos filtres etc. C’est le problème avec l’image que nous nous faisons de Dieu, c’est que nous risquons toujours de la déformer. Ce que Voltaire avait bien exprimé dans une phrase : « Dieu a fait l’homme à son image, et l’homme lui a bien rendu ! »
    Au temps de Jésus, l’image de Dieu— au moins aux yeux de Jésus— était déformée. Dieu était considéré comme un surveillant du comportement, qui punissait tout écart à la loi de Moïse. Un contrôleur, rétributeur, exigeant une obéissance formelle à toute une série de règles, de commandements. La vie était canalisée, conditionnée, enfermée. Jésus a fait éclater ce cadre oppressant.
    À chaque époque on risque de nouvelles déformations. La Réforme protestante est née en réaction aux déformations du Moyen Âge. Et la Réforme a proposé une sorte d’antidote aux déformations : assurer à tous l’accès le plus large aux paroles de Jésus, au message le plus original possible en rendant la Bible lisible et accessible par chacun. Elle a profité de l’invention de l’imprimerie pour diffuser la Bible en langage courant. Pour que chacun puisse se faire sa propre idée. Nous pouvons donc tous aller voir quelle image de Dieu Jésus propose.
    Mais pourquoi avoir une image de Dieu ? En fait — sans toujours le savoir — chacun a déjà, en lui, une image, une conception de Dieu. En fait chacun de nous se fait une image lorsque nous définissons la vie, le monde, la société. Lorsque nous disons quelle est notre attitude face à la vie, face à l’univers, face aux événements autour de nous, face à notre destin, nous créons une image ! Certains disent : « tout ce paye un jour…» ; d’autres « après moi le déluge…» ou « la vie est magnifique/elle est absurde » ou « vivons le temps présent…». Chacune de ses phrases dit quelque chose sur les forces qui nous dépassent, sur ce qui régit le monde, sur l’organisation de l’univers, ce que les philosophes placent sous le terme générique de « Dieu ». À partir de ce terme générique qui organise l’univers — au moins dans notre cerveau — chacun a décliné et développé des applications plus détaillées.
    Les chrétiens reconnaissent dans les paroles de Jésus une expression sensée et satisfaisante de Dieu comme le principe qui gère, organise l’univers, au moins l’univers des relations humaines. Alors, que nous dit Jésus, puis ses disciples qui ont essayé de transmettre et déployer sa parole ? Dans les paroles de l’Évangile selon Matthieu que nous avons entendues ce matin, Jésus décrit un Dieu généreux, qui répond, qui ouvre et qui donne. Jésus part de l’expérience humaine, des relations entre parents et enfants. Et que voit-il ? Que tout imparfaits que soient les parents— fatigués d’avoir été réveillés trois fois pendant la nuit, ou sous pression au travail— malgré tous les écueils, les parents donnent de bonnes choses à leurs enfants. Combien plus Dieu, qui est généreux, nous donnera-t-il ce dont nous avons besoin, ce dont nous sommes à la recherche, ce qui nous manque.
    Dieu est généreux et cette générosité n’est pas soumise à conditions. La vie est offerte à tous, comme un cadeau premier et cette vie se veut généreuse. Dieu a fait la vie pour le bonheur, pour que nous puissions aimer la vie et la vivre à pleines dents.
    On retrouve cet amour de la vie dans la lettre de Pierre. Pierre donne des conseils à ceux qui veulent aimer la vie. On a plus de chance d’avoir une vie heureuse si on suit une ligne qui tend vers le bien plutôt que vers le mal. Et notre vision, notre image de Dieu, oriente nos attitudes, nos comportements et donc notre aptitude au bonheur. Pierre décrit d’abord quatre attitudes relationnelles qui donnent de la vie à la vie, puis un moyen d’y arriver.  C’est quatre attitudes sont : la compassion, l’esprit fraternel, la bienveillance et l’humilité.
    1. La compassion, c’est la capacité à être touché par la situation de l’autre, à s’ouvrir à ce que l’autre vit.
    2. L’esprit fraternel, c’est la capacité à considérer l’autre comme appartenant à ma famille, donc à me préoccuper de son sort comme je le fais pour mes proches.
    3. La bienveillance, c’est la capacité de traduire cela en actes concrets, en gestes, en comportements positifs.
    4. L’humilité, c’est la capacité de voir en chaque personne une personne digne d’être servie.
    Enfin, le moyen d’arriver à vivre ses attitudes, selon Pierre, c’est de renoncer aux attitudes en miroir, rendre le mal pour le mal, l’insulte pour l’insulte. C’est notre premier mouvement de réagir en miroir, d’être fâché contre celui qui se fâche contre nous, de crier sur celui qui crie contre nous. Cette attitude en réaction amplifie la réaction en chaîne et multiplie la violence, on le voit tous les jours dans le monde.  L’invitation qui nous est donnée, c’est de ne pas se laisser contaminer « par le côté obscur de la force », mais au contraire d’injecter du bien dans la relation, d’infuser de la bienveillance, de propager de la bienveillance.
    C’est notre rôle de parents, de grands-parents, de citoyens, de tenir aux valeurs positives, de résister au mal, c’est-à-dire à la tentation de réagir en miroir. C’est notre rôle, parce que Dieu a été généreux avec nous, de répandre du bien autour de nous comme un reflet de cette générosité. Non pas du bien pour bien faire, mais du bien pour bien vivre, parce que c’est la voie qui mène au bonheur.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2015

  • Jean 20. Thomas a besoin de trouver sa propre conviction

    Jean 20
    12.4.2015
    Thomas a besoin de trouver sa propre conviction

    Jean 14 : 1-7       Jean 20 : 24-31

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Thomas n’était pas là dimanche passé ! Il n’a pas assisté à l’apparition de Jésus dans la pièce fermée ou étaient réuni tous les disciples. Alors Thomas a des doutes. Il entend bien ses compagnons lui dire : « nous avons vu le Seigneur ! » Mais cela ne lui suffit pas. Il a besoin de voir pour croire.
    Nous pouvons lire— dans nos rues — les affiches bleues qui proclament en écriture jaune : « Jésus est ressuscité ! » Mais est-ce que cela va convaincre l’incroyant ? En cela, Thomas est bien aussi une figure dans laquelle nous pouvons nous reconnaître. 
    Lorsque Jean rédige son Évangile, probablement pour la communauté d’Ephèse, vers l’an cent, il n’y a pas tellement — s’il en reste — de témoins directs du ressuscité ! Aussi ce récit avec Thomas a-t-il un écho tout particulier pour cette deuxième génération de croyants qui n’était pas là à la première Pâque.
    Cette deuxième génération — comme toutes celles qui lui ont succédé, jusqu’à nous y compris — doit se suffire de ces témoignages indirects. Et comme Thomas, nombreux sont ceux qui disent avec lui : tant que je n’aurais pas un signe, une preuve, je ne croirais pas.
    Oui, notre aspiration, c’est d’avoir un signe tangible, une manifestation qui ne puisse pas être contestée, comme pour Thomas de constater, de toucher les marques laissées par la croix et le coup de lance sur le corps de Jésus.
    Nous voudrions une preuve. Mais en même temps, si nous sommes honnêtes, nous combattons avec force tout ce qui pourrait nous obliger à croire, nous forcer à adhérer, nous contraindre à adopter un système de pensée. Comment réagissons-nous face à un site internet qui va nous apporter la preuve— ça existe— que la Bible se trompe, qu’elle est fausse, etc… ?
    Nous ne souhaitons peut-être pas vraiment de preuves, nous souhaitons plutôt nous faire une idée par nous-mêmes, choisir ce que nous voulons penser. Nous voulons faire le chemin nous-mêmes pour trouver nous-mêmes notre propre conviction. Il faut que notre liberté soit respectée pour nous faire une conviction.
    Notre besoin n’est donc pas tant de recevoir un signe ou une preuve que de trouver notre chemin pour arriver à une conviction personnelle. La foi, c’est donc arriver à se persuader soi-même que nous avons choisi nous-mêmes notre conviction. Nous devons être persuadés de l’intérieur, pas de l’extérieur.
    Voyons comment cette persuasion intérieure naît à Thomas dans sa rencontre avec le Christ ressuscité. Thomas a posé des exigences pour croire. Il doit voir Jésus, toucher les plaies de ses mains et la blessure faite par la lance au côté de Jésus. Lorsque Jésus apparaît au milieu des disciples dans la chambre haute, il interpelle aussitôt Thomas en lui disant qu’il va pouvoir mettre le doigt dans ses plaies et voir et toucher son côté.
    En disant cela, avant que tout autre mot soit prononcé de la part des disciples ou de Thomas, Jésus montre à quel point il connaît ses disciples et Thomas. Jésus a une connaissance intime de chacun.
    Vous vous souvenez de la rencontre de Jésus et Nathanaël, qu’il avait vu sous le figuier et qu’il déclare « juste» (Jn 1:47) [P-2014-02-02]. Vous vous souvenez aussi de la connaissance que Jésus a de la situation matrimoniale de la Samaritaine, connaissance qui lui fait réaliser que Jésus est le Messie (Jn 4:29) [P-2008-03-02] ! Cette connaissance intime de chacun, Jésus l’utilise comme un miroir révélateur envers chacun (Jn 2:25).
    Ainsi, chacun se sent compris et— par-là — révélé à lui-même. C’est une découverte révélatrice. Maintenant je sais pourquoi je suis comme cela, je vais pouvoir avancer et déployer de plus en plus mon être véritable.
    Cette compréhension de Jésus a cet effet, parce qu’elle est accompagnée de la plus grande bienveillance. Pas de manipulation, pas d’utilisation de cette compréhension pour rabaisser, humilier, ou prendre du pouvoir sur la personne. Cette compréhension profonde est accompagnée de tendresse, d’amour, d’empathie. Elle est utilisée dans le seul but de faire grandir la personne, de la révéler à elle-même pour qu’elle puisse déployer toutes ses capacités, toute sa créativité.
    À cette compréhension de Thomas, Jésus ajoute une touche de confrontation, parce que la compréhension véritable s’accompagne de vérité. Mais cette vérité confrontante peut passer, peut être acceptée, seulement parce qu’il y a cette bienveillance fondamentale.
    Jésus demande à Thomas de cesser de douter et de croire. Jésus confronte Thomas à son incrédulité, il la questionne. Jésus accepte l’aspiration humaine de Thomas à recevoir un signe, une preuve. Il peut lui donner tout cela, mais il le met en garde : cette preuve serait un obstacle plutôt qu’une aide ! Si Jésus lui donne cette preuve, ce serait une preuve extérieure. Or, Thomas a besoin que ce signe naisse à l’intérieur de lui, pour avoir une conviction personnelle. C’est tout le paradoxe.
    On retrouve ce paradoxe dans nombre de dialogues de films : « Pourquoi devrais-je vous croire ? vous faire confiance ? » Aucune parole — même de bonne foi — ne peut devenir une preuve de bonne foi. La conviction, la confiance doit venir d’une décision intérieure.
    En mettant le doigt sur le doute intérieur de Thomas, Jésus le conduit sur un chemin qui doit le mener à faire un choix, un choix qui reposera sur le chemin parcouru et la relation qui s’est déjà établie. Il est plus facile de croire un proche qu’un inconnu. Jésus renvoie donc Thomas au chemin parcouru ensemble. Et notamment à ce dialogue sur le chemin qui mène au Père, qui se terminait par cette parole de Jésus : « Je suis le chemin, la vérité et la vie, nul ne peut aller au Père que par moi ! » (Jn 14:5) [P-2014-06-29].
    Lorsque Jésus dit à Thomas : « Cesse de douter et crois » c’est comme si il lui disait :
    – Rappelle toi le chemin parcouru ensemble ;
    – ne me reconnais-tu pas ?
    – ne me fais-tu pas confiance ?
    C’est le même appel que Marc lance aux disciples lorsqu’il dit qu’ils retrouveront le Christ en Galilée (Mc 16:7).
    Le Christ se trouve sur les chemins de la vie, plus que dans la chambre haute un dimanche après Pâques. C’est pourquoi Jésus dit : « Heureux ceux qui croisent sans m’avoir vu » (Jn 20:29).La foi pascale ne naît pas de preuves extérieures, serait-ce de toucher les plaies de Jésus, mais la foi naît du chemin parcouru avec la Parole, en faisant mémoire de l’histoire de Jésus, de sa façon de rencontrer les humains, de nous rencontrer avec sa compréhension et sa bienveillance.
    Nous rencontrons Jésus lorsque sa Parole nous révèle à nous-mêmes et nous pouvons confesser alors, comme Thomas: « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2015