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education - Page 32

  • Marc 10. Abandonner ce qui fait obstacle à la quête de la vraie vie

    Marc 10

    1.3.98

    Abandonner ce qui fait obstacle à la quête de la vraie vie

    Genèse 2 : 7-9 + 15-17    Galates 3 : 23-29    Marc 10 : 17-22

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Vous avez certainement tous reconnu dans la dernière lecture le récit de la rencontre de Jésus avec le jeune homme riche. Cela fait plusieurs mois que ce récit tourne dans ma tête. En effet, c'est typiquement un de ces textes dont on n'écoute plus les mots parce qu'on l'a déjà entendu. Il ne fait que réactiver notre mémoire et notre mémoire masque le récit.
    Un exemple : on parle du jeune homme riche. Pourtant, il ne s'agit que d'un homme qui observe les commandements depuis sa jeunesse dans le texte de Marc. Chez Luc, c'est même un notable, donc quelqu'un de mûr, voire d'âgé. Il n'y a que Matthieu qui dise de lui qu'il est jeune. Ici, et pour aujourd'hui, pour être fidèle au texte de Marc, c'est un homme adulte, d'âge indéterminé.
    Le masque de notre mémoire retient généralement de ce texte trois leçons :
    1. Il ne suffit pas d'obéir aux commandements, il faut en faire plus, obéir jusqu'à l'impossible.
    2. On ne peut suivre Jésus qu'en renonçant à ce qui nous est précieux, à ce qui nous tient à coeur.
    3. On doit se reconnaître dans l'homme riche, mais ne pas devenir triste comme lui.
    Eh bien je crois que ces trois leçons ne sont pas dans le texte. Le texte a autre chose à nous dire. Cette rencontre de Jésus est une bonne nouvelle, pour l'homme riche et pour nous. Voyons cela.
    D'abord, l'homme court vers Jésus pour lui poser la question de sa vie, la question qui le tracasse depuis longtemps : «Comment hériter de la vie durable, de la vraie vie ?»
    1. Jésus ne fait pas une réponse compliquée, n'énonce pas d'exigences spéciales, il cite simplement une partie du décalogue. Et c'est l'homme qui relance Jésus : «J'ai pratiqué tout cela, mais ma question reste en moi.» Cette pratique ne lui suffit pas, ne remplit pas sa vie, ne lui donne pas tout son sens. L'obéissance ne lui suffit pas, ne le comble pas.
    Lorsque Jésus dit à l'homme : «Il te manque quelque chose», il n'invente rien, il confirme, il valide simplement le sentiment profond de l'homme, il reconnaît autant l'obéissance de l'homme que le manque qu'il vient d'énoncer. Jésus n'affirme pas qu'il faut encore obéir à quelque chose de plus. Jésus refuse la logique de demander "un peu plus de la même chose". L'homme fait suffisamment.
    Jésus entre sur le terrain de l'homme qui cherche la vraie vie. Il le considère pour lui-même, "il le regarde et se prend à l'aimer" dit le texte de Marc. L'homme étant en manque, en demande d'autre chose, Jésus lui suggère un changement d'attitude, de comportement face à la vie.
    L'homme a rempli sa vie de l'observance des commandements. Il vivote dans son obéissance stricte. Il ne s'y épanouit pas, il est peut-être rempli de scrupules, de culpabilité, de doutes. (Ai-je bien fait ? En ai-je assez fait ? etc.).
    Jésus va le placer sur un autre terrain. «Vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres». Jésus ne lui demande pas de transposer sa façon d'être (scrupuleux, comptabilisateur) dans sa façon de donner aux pauvres (Ai-je assez donné ?). Au sein de cette vie bien rangée, Jésus lui propose un coup de folie, une extravagance, un acte extraordinaire qui échappe à tout calcul, à toute mesure. Il lui propose quelque chose qui le délierait de toutes les conventions, de tous les usages, de toutes les obéissances. Jésus propose cela, non pas pour que l'homme devienne parfait, mais pour le délier, le libérer, lui rendre un accès à la vraie vie, aux richesses du Royaume de Dieu.

    2. Jésus ne propose pas à l'homme un renoncement pour le plaisir de Dieu. Jésus lui propose cela parce que — à ce moment de l'existence de cet homme, à cause de la quête de cet homme — c'est la meilleure chose qui puisse lui arriver, qu'il puisse faire.
    C'est là que la bizarre introduction du récit prend son sens. «Ne m'appelle pas "bon maître", Dieu, l'Unique, est bon». Au début de cette rencontre, Jésus devait rappeler à cet homme que Dieu n'est pas un maître sadique et cruel qui veut écraser l'être humain sous les corvées et le renoncement. Dieu, l'Unique, est celui qui a libéré son peuple de l'esclavage et l'a conduit au Sinaï pour lui donner la loi qui lui permettra de rester libre. Le but de la loi n'est pas l'obéissance, mais la liberté. C'est cela que Dieu veut, et c'est en cela qu'il est bon pour l'être humain.
    Donc si Jésus propose à l'homme de vendre ses biens, c'est parce que, à ce moment-là de la quête spirituelle de cet homme, ces biens sont devenus un obstacle sur son propre chemin. Cette fortune est un poids. L'homme est retenu par elle. C'est comme s'il avait les pieds coulés dans du béton, il est paralysé. Cette fortune, peut-être un héritage, l'empêche d'avancer, de sauter, de danser, d'être libre comme un oiseau. Sa sécurité l'empêche d'être libre et de grandir.

    3. Cet homme a tout pour être heureux, pourtant sa quête n'est pas accomplie, il avait besoin de courir la dire à Jésus. L'homme reçoit confirmation de son manque et une suggestion de Jésus. A cette réponse «il prit un air sombre et s'en alla tout triste».
    On a toujours interprété cela comme un refus. On peut aussi le lire différemment. La tristesse est l'émotion qui nous rapproche le plus de nous-mêmes, de notre être intérieur, de notre vrai "moi".
    L'homme avec sa tristesse commence son cheminement intérieur, un retour vers son propre passé pour comprendre ce qu'il vit, ce qu'il a vécu. Le passage par la tristesse est essentiel pour reprendre contact avec le "soi intérieur", avec l'être vrai qui est en nous. Jésus est justement celui qui nous reconnecte avec notre être intérieur. Cela peut passer par la tristesse.
    L'homme — confronté à la vérité de la rencontre avec Jésus — doit réaliser à quel point ses biens, ses héritages, sont ce qui le paralyse, l'immobilise, l'empêche de marcher avec la vie, à la suite de Jésus. La quête de l'homme tourne autour de l'héritage. Sa question primordiale est : "Comment hériter la vraie vie ?" tout en trimbalant ses héritages . Ces héritages qu'il doit vendre, dont il doit se débarrasser pour devenir lui-même à la suite de Jésus, cela peut être aussi bien cette fortune, ou cette obéissance apprise, ou un autre boulet accroché à son pied dans son passé.
    L'homme a de quoi pleurer sur son passé pour retrouver la liberté d'être lui-même, pour évacuer tout ce qui l'a empêché de grandir, d'évoluer en liberté,  en suivant sa propre voie. Il doit réaliser tout ce qui a été canalisé dans une obéissance stricte et comment cette obéissance sans réflexion n'est pas l'aboutissement, l'accomplissement de la volonté de Dieu.
    Obéir ou être libre, ce n'est pas la même chose.
    Jésus offre à cet homme — et à chacun d'entre nous — la liberté. Cela demande de se séparer de fardeaux placés sur nos épaules tôt dans la vie, fardeaux qui font maintenant obstacle à cette liberté.
    Jésus veut le meilleur pour nous, c'est pourquoi il nous offre de déposer sur terre les poids, les liens qui nous entravent pour marcher léger à sa suite, avec un trésor dans le ciel.

    Amen.

    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 3. Sommes-nous des disciples de Jean-Baptiste ou de Jésus ?

    28.1.2007

    Luc 3.
    Sommes-nous des disciples de Jean-Baptiste ou de Jésus ?
    Luc 3 : 1-3 Luc 5 : 27-32 Luc 5 : 33-35

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Ce matin, je vous invite à vous pencher avec moi sur le personnage de Jean-Baptiste, celui que les Evangiles dépeignent comme le Précurseur de Jésus. Tous les Evangiles mentionnent Jean-Baptiste, sa prédication, le fait qu'il baptise Jésus et qu'il est tué par Hérode. Mais tous les Evangiles prennent bien soin de souligner que Jean-Baptiste n'est qu'un messager, qu'il n'est pas le Messie, même s'il est un prophète, et que c'est Jésus le personnage important. Cela reflète bien la pensée des chrétiens, de notre époque comme celle des chrétiens de la première Eglise.
    Mais cela ne reflète probablement pas leur importance respective de leur vivant. Il est fort probable que, dans ces années 30 de notre ère, Jean-Baptiste ait été beaucoup plus important, beaucoup plus connu que Jésus. Plusieurs indices plaident dans ce sens.
    D'abord, c'est Jean-Baptiste qui baptise Jésus, ce qui donne à Jean-Baptiste une ascendance certaine sur Jésus. Ensuite, cette insistance des Evangiles à assurer que Jésus est plus important que Jean-Baptiste et que Jésus baptise davantage de disciples que Jean (Jn 4:1) et que Jean-Baptiste affirme n'être pas le Messie, tout cela nous laisse imaginer qu'il fallait convaincre des gens qui étaient persuadés du contraire à cause de ce qu'ils avaient vu ou entendu. Enfin, le grand historien de l'histoire juive, Flavius Josèphe, mentionne Jean-Baptiste appelant les juifs à se détourner du péché et à se faire baptiser ainsi que son exécution par Hérode, alors qu'il n'écrit pas un mot sur Jésus !
    Ainsi donc, on peut en déduire que, pour les contemporains de Jésus et de Jean-Baptiste, ce dernier était plus important et plus connu que Jésus de Nazareth. Pourtant, aujourd'hui, c'est le contraire. Les disciples de Jean ont disparu et les chrétiens sont nombreux sur toute la terre. Qu'est-ce que cela signifie pour nous aujourd'hui ?
    Je crois que cela veut dire d'abord que le succès immédiat n'est pas synonyme de vérité absolue ou de pérennité. Cela signifie aussi que le message de Jésus a une portée plus profonde, plus fondamentale pour l'être humain que le message de Jean-Baptiste, même s'il a pu — en son temps — drainer les foules et attirer l'attention d'un historien. Alors, voyons quels sont les messages de chacun et en quoi la différence est significative.
    Quel est le message de Jean-Baptiste ? « Changez de comportement, faites-vous baptiser et Dieu pardonnera vos fautes » (Luc 3:3). Jean-Baptiste appelle à un changement de vie, à un changement de comportement pour adopter une vie qui plaise à Dieu. Le baptême est le signe de cette volonté de changement.
    On reconnaît là un appel à la conversion comme premier pas dans sa vie avec Dieu, une conversion comme condition d'une réconciliation avec Dieu. Voici la prédication de Jean-Baptiste, elle paraît très évangélique, très proche de la prédication de Jésus.
    En quoi la prédication de Jésus diffère-t-elle de celle de Jean-Baptiste ? Il est important de connaître cette différence, parce que c'est ce qui a fait que les disciples de Jean-Baptiste ont disparu et que ceux de Jésus-Christ se sont répandus sur toute la terre. En plus, il est essentiel pour soi, pour vivre comme un chrétien et pas — à son insu — comme un disciple égaré de Jean-Baptiste au XXIe siècle.
    La prédication de Jean-Baptiste avait trois temps : 1. changer, 2. être baptisé, 3. être pardonné. Jésus renverse fondamentalement ce schéma. En tout premier, il pardonne (voir la guérison du paralytique quelques lignes plus haut : Luc 5:17-26), ensuite, il relève ou il appelle (voir Lévi à sa table de péage : Luc 5:27-32), enfin, en réponse à ce geste premier de Dieu, le disciple répond, se lève, marche, suit Jésus.

    Pour expliquer cela avec deux images, on peut dire que Jean-Baptiste dit ceci : "Marchez 30 km et au bout vous aurez un repas pour prix de vos efforts." Mais Jésus dit : "Venez, mangez, recevez ce dont vous avez besoin, ensuite vous aurez la force de marcher ces 30 km." Pour Jésus, il n'y a pas de conditions pour obtenir l'amour de Dieu. Cet amour existe, il est là en abondance sur la table, chacun est accepté à ce banquet sans conditions.
    C'est bien ce que les pharisiens ont observé en comparant les disciples de Jean-Baptiste avec ceux de Jésus : « Les disciples de Jean, de même que les nôtres, jeûnent souvent et font des prières; mais tes disciples, eux, mangent et boivent. » (Luc 5:33) Oui, ce n'est pas drôle de peiner chaque jour pour acquérir la bienveillance de Dieu, si d'autres, à côté, font la fête en obtenant cette même bienveillance, sans effort. La colère des pharisiens, c'est la colère du fils aîné de la parabole du fils prodigue (Luc 15).
    Le chrétien est celui qui fait confiance à Dieu qu'Il lui donne en abondance, avant la route. Et cela devient un plaisir que de faire la route, d'avancer dans la vie en sachant que tout ce dont nous avons besoin nous est donné à chaque instant.
    Bien sûr, cela ne signifie pas que la route soit toujours facile. Elle peut être tortueuse, pleine d'épreuves et d'embûches, mais nous n'y sommes pas seuls et chaque matin, avant de nous y engager, nous pouvons demander à Dieu ce dont nous avons besoin pour la journée. Alors n'oublions pas d'avancer comme des disciples de Jésus, aimés, pardonnés et nourris, avant même que nous nous levions chaque matin.
    Amen

    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Marc 8 . Pierre déçu de la messianité souffrante de Jésus

    Marc 8
    14.2.99
    Pierre déçu de la messianité souffrante de Jésus
    Marc 8 : 27-36

    — Qu'est-ce que vous en pensez ? J'ai besoin de votre conseil. Je ne sais plus que faire.
    Je crois qu'il vaut mieux que je vous raconte mon histoire depuis le début !

    Voilà, tout a commencé un matin, nous rentrions de la pêche, mon frère André et moi. Mon frère et moi, on a une petite compagnie de pêche sur le lac de Galilée. Ça marche pas trop fort depuis que les Romains sont là. Avec leur Union Romaine, ils ont ouvert les frontières et ils ont fait tomber le prix du poisson. Quoi, les temps sont durs. Cela fait un bout de temps qu'André et moi on se demande jusqu'à quand on va tenir; si on ne ferait pas mieux de se convertir. La pêche, ça ne nourrit plus son homme.

    Donc ce matin-là, nous rentrions de la pêche, et il y avait une grande foule massée sur le rivage. Cette foule écoutait un homme. Oh, ce n'était pas n'importe qui. On en avait déjà entendu parler lorsque nous allions retrouver Jean-Baptiste. Jean nous disait : "— Celui qui doit venir après moi est plus puissant que moi. Moi, je vous ai baptisé avec de l'eau, mais lui, il vous baptisera avec le Saint-Esprit". Et Jean nous avait désigné Jésus. C'était justement ce Jésus qui parlait, sur le sable, à la foule. Une fois débarqué, nous nous sommes approché pour l'écouter. Nous n'avions rien d'autre à faire, la pêche n'avait rien donné cette nuit-là. C'était désespérant.

    Ce jour-là, il y avait tant de monde avec lui qu'il a demandé une barque pour pouvoir parler à la foule sans être poussé dans l'eau. Je l'ai fait monter dans ma barque. Je tenais les avirons pour le mener devant la foule et maintenir le bateau. C'est comme ça que je l'ai entendu pour la première fois. Et ce qu'il a dit m'intéressait. Mais je n'étais pas prêt à m'y impliquer — je suis un homme de la mer, pas un vagabond, encore moins un prêcheur !

    Mais lorsqu'on a regagné la terre, il renvoya la foule et parla avec nous. Il nous a surtout écouté nous plaindre. Oh, je sais, on ne devrait pas se plaindre, il y en a de plus à plaindre que nous. Enfin, tout à coup, il nous a bien regardé, il s'est adressé directement à mon frère, puis à moi, en me regardant droit dans les yeux — un regard que je n'oublierai jamais, qui allait jusqu'au fond de l'âme (je ne pourrai jamais l'oublier) — et il nous a dit :
    — Toi André, toi, Simon Pierre, venez avec moi et je ferai de vous des pêcheurs d'hommes.
    Je n'ai pas compris ce qu'il voulait dire par là, mais j'y suis allé ! Je l'ai suivi et je n'ai pas été déçu.

    Il m'a emmené avec lui faire le tour des villages environnants. En plus de mon frère, il y avait encore deux autres frères, pêcheurs comme nous, qu'il avait ramassé, les fils de Zébédée, Jacques et Jean. On le suivait et ce qu'on a vu tout de suite, c'est qu'il attirait le monde autour de lui, comme un aimant. En fait les gens venaient pour l'écouter et ils repartaient tout allégés. On en voyait qui repartaient en chantant ou en sautillant. Nous, on était nouveau, et on ne comprenait pas très bien ce que Jésus faisait, mais les gens venaient malades et repartaient guéris.

    C'était fascinant. Je l'ai suivi avec les autres pendant plusieurs jours. Il parcourait la Galilée, il guérissait les malades du corps ou de la tête. Il parlait à chacun. Il réconfortait. On voyait qu'il portait attention à chacun. La vie avec lui avait, avait quelque chose de plus que tout ce que j'avais vécu auparavant.
    Avec lui, tout prenait une dimension incroyable. Avec lui, je ferais n'importe quoi, j'irais partout où il voudrait aller. Tenez ! si un jour, il me demandait — en plein midi — de prendre ma barque et d'aller pêcher — alors que je n'aurais rien pris de toute la nuit — et bien j'irais et je jetterai mes filets — rien que parce qu'il me l'aurait demandé. Le comble avec lui, c'est qu'il y aurait des chances que le filet soit plein à craquer et que je n'arrive pas à tout ramener au bord. Oui, c'est comme ça que ça se passe, avec Jésus.

    J'ai passé des mois comme ça avec lui, jusqu'à hier. Oui justement, hier il s'est passé quelque chose qui m'a tellement troublé... enfin je saute trop de choses, il faut encore que je vous raconte quelque chose. Après vous pourrez me dire ce que je dois faire.
    Donc, Jésus avait rassemblé autour de lui une petite équipe de 12 fidèles. Il nous confiait des choses qu'il ne disait pas aux foules. Nous avions pleine confiance en lui et lui en nous. Moi, à voir les boiteux qu'il faisait remarcher, les aveugles à qui il rendait la vue, j'en était arrivé à la conviction qu'il était le Messie, celui que Dieu devait nous envoyer pour libérer le pays et tout remettre en ordre, comme c'est annoncé dans le Livre !

    Je n'en parlais pas autour de moi, parce que je voyait bien que Jésus ne voulait pas trop que ça se sache. Chaque fois qu'il guérissait quelqu'un, il lui recommandait de ne pas le dire autour de lui. Je crois que Jésus avait peur que les Romains découvrent trop tôt son intention de les chasser du pays. C'est vrai que c'était un danger. Mais moi, quand j'ai deviné tout cela, et bien, je n'ai plus voulu quitter Jésus un seul instant. J'entends bien être son second dans cette histoire-là.

    Et puis, il y a eu quelques troubles. La famille même de Jésus a voulu le reprendre et l'enfermer. Sa mère et ses frères disaient qu'il était devenu fou, qu'il avait perdu la raison. Ensuite, ce sont tous les habitants de Nazareth, puis le fort parti des Pharisiens qui ont commencé à le diffamer et à l'attaquer. Entre temps, Jean-Baptiste a été exécuté par le roi Hérode. Ça commençait à se gâter tout autour. Il fallait que Jésus se décide à se dévoiler et en appeler aux armées célestes et à tous les volontaires prêts à tuer du romain. La situation était mûre à mon avis.
    Finalement, c'est hier que Jésus s'est dévoilé à nous. Nous étions en chemin et il nous a demandé :
    — Que disent les gens à mon sujet ?
    On a répondu :
    — Certains disent que tu es Jean-Baptiste, d'autres que tu es Elie, et d'autres encore que tu es l'un des prophètes.
    — Et vous, qui dites-vous que je suis ?
    Alors là, j'ai su que le moment était arrivé de dire ce que j'avais deviné : — Tu es le Messie, Seigneur.

    Jésus nous a alors simplement demandé de n'en parler à personne. Dans ces circonstances, j'ai trouvé normal qu'il nous demande de garder le secret. Mais un peu plus tard — alors ça je n'ai pas pu l'accepter — il nous a dit quelque chose qui me reste en travers de la gorge :
    — Il faut que le Fils de l'homme (il parlait de lui-même comme cela tout le temps) que le Fils de l'homme souffre beaucoup; il sera rejeté; il sera mis à mort, et après trois jours, il reviendra à la vie.
    Là, je n'ai pas pu me retenir. Je lui ai dit : Tu es le Messie, cela ne peut pas t'arriver. Tu vaincras.

    Je lui ai donc expliqué que je trouvais que c'était le bon moment pour qu'il se déclare comme le Sauveur d'Israël, qu'il rassemble une armée et qu'il impose le Règne de Dieu.
    — Tu ne penses pas comme Dieu, mais comme les hommes, Pierre, m'a-t-il dit. Tu n'as pas compris quelque chose, mon père a renoncé à s'imposer par la violence. Il pourrait renverser les Romains, mais il ne veut pas que cela se passe comme cela, et je suis d'accord avec lui.
    Tu vois, moi-même, j'ai été tenté dans le désert par la toute-puissance. On m'a proposé de réaliser tous mes voeux. J'aurais pu dire oui et, comme on l'entend souvent aujourd'hui, je pourrais dire "et je serai le maître du monde".

    Mais j'y ai renoncé, parce que si je devenais le maître du monde, vous seriez des esclaves, mes serviteurs. Ce qui m'importe c'est que vous soyez pour moi des frères. Que je sois pour vous un frère, que je vive ce que vous vivez, que je souffre avec vous lorsque vous souffrez. Je ne veux pas échapper au destin de tout homme. C'est pourquoi le Messie vient comme un serviteur. Le Fils de l'Homme va souffrir, comme tout être souffre au cours de sa vie. C'est ainsi que va s'accomplir la volonté de Dieu.
    Maintenant, Pierre, tu peux choisir, tu peux choisir de vivre ta vie d'homme et chercher le triomphe par la force, ou bien , tu peux vivre ta vie d'homme en me suivant. Tu peux choisir, maintenant.

    Voilà ce que Jésus m'a dit. C'était hier. Et maintenant, aujourd'hui, je dois choisir.
    C'est pour cela que je vous ai raconté tout cela. J'aimerais votre conseil...
    A ma place, vous, qu'est-ce que vous feriez ? Allez-vous suivre Jésus ?

    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Matthieu 5. Les Béatitudes

    Matthieu 5
    6.2.2005
    Les Béatitudes
    Ps 1 : 1-3 Mt 16 : 21-26 Mt 5 : 1-10

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    L'Evangile de Matthieu contient le texte le plus connu des évangiles — après le Notre Père — les Béatitudes. Ces Béatitudes ouvrent un discours de Jésus qu'on a surnommé le Sermon sur la Montagne. Jésus y expose en quelque sorte son programme, le cœur de sa pensée : Il est venu accomplir la Loi de Moïse; à travers lui, le Royaume des Cieux s'est approché.
    Cette présence du Royaume des Cieux, cette proximité de Dieu change, transforme, transfigure la réalité vécue des croyants. Des relations nouvelles sont instaurées qui remplacent les relations anciennes, périmées. L'enseignement de Jésus porte sur cette nouveauté de l'irruption de Dieu dans l'existence humaine. En tant que Fils de Dieu, de Dieu prenant forme humaine — ce qu'on appelle l'incarnation — Jésus est lui-même Dieu qui s'approche de nous.
    Jésus transmet cette bonne nouvelle à ses disciples qui sont tout près de lui, sur cette montagne, mais Matthieu précise aussi que la foule est là. L'enseignement de Jésus n'est pas réservé à des initiés, il est destiné à tous. Et Jésus commence par déclamer les Béatitudes.
    Chacun de nous a cette musique des Béatitudes dans l'oreille, avec une traduction préférée. Mais comme il s'agit toujours de traductions, et bien il y a des variations, qui essaient, chacune, de dire au mieux ce qui a été dit par Jésus. Mais qu'a dit exactement Jésus ? Il s'exprimait sûrement en araméen ou en hébreu, or les Evangiles nous sont parvenu en grec, donc déjà en traduction.
    Disposer de plusieurs traductions, c'est comme avoir plusieurs instruments dans un orchestre, il faut les écouter ensemble et en retenir leur harmonie. Voici quelques variations sur la première Béatitude :
    Celle du Psautier (189) "Heureux ceux qui ont l'esprit de pauvreté, le Royaume des Cieux est à eux.
    TOB : "Heureux les pauvres de cœur…
    Français courant : "Heureux ceux qui se savent pauvres en eux-mêmes…
    Moins classiques, Chouraki : "En marche, les hommes au souffle de pauvres…
    La Nouvelle Traduction : "Joie de ceux qui sont à bout de souffle…
    J'aime bien cette transformation du littéral "pauvres en esprit" en concret "à bout de souffle." N'était-ce pas la condition de ceux qui suivaient Jésus — peut-être à bout de souffle de l'avoir rejoint en hâte au sommet de la montagne — mais surtout la condition de ces gens des campagnes, laissés pour compte de la vie économique et sociale, ces gens sans importance aux yeux des propriétaires ou des commerçants des villes, juste bons à être de la main d'œuvre bon marché, exploitable à merci, parce qu'incapables de se défendre.
    A la première lecture, les Béatitudes c'est beau, c'est harmonieux, c'est idéal. Mais si l'on y réfléchit, si on lit vraiment ce qui est écrit : Joie pour eux qui sont à bout de souffle, Joie pour les éplorés, Joie pour les persécutés… n'est-ce pas déplacé de parler de joie, de bonheur, n'est-ce pas déplacé de faire des promesses à ces pauvres, à ces laissés-pour-compte, n'est-ce pas un jeu cruel ou démagogique que de les laisser espérer quelque chose qui ne se réalisera jamais dans cette vie, sur cette terre ?
    A la deuxième lecture, les Béatitudes ne sont pas raisonnables, n'ont pas de sens, tout est à l'envers ! Heureux ceux pleurent ! Heureux les doux ! Dans notre monde, il faut être fort, il faut se battre, lutter, être compétitifs, c'est le seul moyen d'être heureux, n'est-ce pas ? N'est-ce pas ce qu'on nous dit, ce qu'on nous répète, ce qu'on nous serine ?
    Où est la vérité ? Où est la réalité ? Ces Béatitudes sont tout le contraire de notre monde, c'est le monde à l'envers, lorsqu'on écoute les personnes importantes, les décideurs.
    Alors je vous propose de les retourner pour les remettre à l'endroit, pour voir l'effet que cela fait. Allons-y.
    Heureux les riches, les pleins d'eux-mêmes…
    Heureux les violents…
    Heureux ceux qui rigolent…
    Heureux ceux qui sont écœurés par la justice…
    Heureux les sans coeurs…
    Heureux les cœurs partagés, divisés…
    Heureux ceux qui sèment le trouble, la discorde…
    Heureux ceux qui vivent tranquilles et qui ne se mêlent de rien.
    Ça fait un drôle d'effet, cette troisième lecture ! Les Béatitudes semblaient à l'envers, mais une fois qu'on les retourne pour les mettre à l'endroit aux yeux du monde, la nouvelle formule paraît encore plus insensée ! Bon, cela ressemble bien à ce que le monde vit maintenant. Mais ce monde, n'est-ce pas lui qui est à l'envers ? N'a-t-il pas besoin, et nous avec, d'entendre les Béatitudes à l'endroit ! Après ce parcours, les Béatitudes reprennent sens.
    Bien sûr, Jésus n'a jamais dit qu'il venait ôter le malheur et les souffrances du monde. Il a dit qu'il venait pour souffrir, pour vivre notre souffrance. Le contraire du bonheur, ce n'est pas le malheur, c'est la désespérance, la perte du sens. Jésus vient redonner de l'espérance à l'humanité, il vient pour redonner du sens dans nos malheurs.
    Si l'on observe attentivement les situations décrites dans les Béatitudes, ce ne sont certainement pas des situations confortables, mais par contre, ce sont des situations, des attitudes, des comportements où se vit quelque chose de vrai, d'authentique, de profond. On peut rire superficiellement, du bout des lèvres, mais je n'ai jamais vu quelqu'un pleurer pour le paraître ! Lorsque Jésus dit : "Heureux…" il veut signifier que l'on touche à la vraie vie, à ce qui donne du sens à la vie, à ce qui lui donne du poids.
    Lorsque nous sommes sans voix, à bout de souffle, il nous ouvre l'horizon offert par Dieu. Lorsque nous sommes en pleurs, il nous dit que dans les pleurs même, il y a vie et consolation. Et il promet une vie peine de sens — mais pas sans épreuves — à ceux qui font preuve de compassion, qui créent des conditions de paix, qui luttent pour la justice et à ceux qui vivent les rétorsions que leur valent leur combat ou leur foi.
    Jésus n'a jamais promis la tranquillité à ses disciples. C'est lui-même qui ouvre la route en annonçant qu'il va monter à Jérusalem pour souffrir. Ce n'est qu'après avoir ouvert la route lui-même, qu'il engage ses disciples à porter leur croix et à entrer dans le paradoxe de la vie chrétienne :

    "Celui qui veut sauver sa vie la perdra; mais celui qui perdra sa vie pour moi, la retrouvera." (Mt 16:25)
    Et j'aimerais conclure par ces mots du scientifique et croyant Théodore Monod :
    "Imaginez que le Sermon sur la Montagne devienne la règle de vie de tous les humains, à commencer par les chrétiens : le lendemain, il n'y aurait plus ni guerre, ni esclavage, ni torture, ni cruauté. C'est là l'évidence. Mais bien des choses en nous nous empêchent d'appliquer à la lettre le Sermon sur la Montagne. Voilà pourquoi je n'ai jamais dit que le christianisme avait échoué; j'ai toujours dit qu'il n'avait pas encore été essayé. Le jour où nous essaierons le christianisme, ce jour-là, quelque chose se produira; le monde changera. Pour l'instant, ce n'est pas le cas. Alors, soyons modestes !"*
    Amen

    *Citation tirée de "Itinéraires" no 49, hiver 2005, page de couverture II.

    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Matthieu 10. Rusé comme le serpent, innocent comme la colombe

    Mt 10
    2.2.2003
    Rusé comme le serpent, innocent comme la colombe
    Eccl. 9 : 13-18 Mt 10 : 16-20 Mt 5 : 38-42

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Tous nos journaux — qu'ils soient en papier ou à la télévision — s'en préoccupent et nous l'annoncent comme prévisible, prévue, inévitable : je veux parler de la guerre en Iraq ! La guerre en Iraq est une préoccupation pour beaucoup d'entre nous, comme j'ai pu m'en rendre compte dans mes dernières visites. Que pouvons-nous faire ? Où va le monde ? Pourquoi cette guerre nous est-elle présentée comme inévitable ?
    Je ne vais par répondre à toutes ces questions, d'abord parce que je n'en serais pas capable, ensuite parce que n'est pas le lieu ici, nous ne sommes pas sur un plateau de télévision. Cependant, je pense qu'il est nécessaire que nous y réfléchissions en tant que chrétiens. L'évangile a sûrement quelque chose à nous dire sur les circonstances que nous vivons. L'Eglise a sûrement quelque chose à faire entendre dans le concert des opinions présentes.
    Bien sûr, il y a le risque que l'Eglise se mette à "faire de la politique." Certains pensent qu'elle devrait en faire davantage, d'autres qu'elle ne devrait pas y toucher. Ce dont je m'aperçois, c'est d'une part que le monde se plaint de ne plus avoir de points de repères pour penser les problèmes d'aujourd'hui, et d'autre part que nous sommes dépositaires d'un message, d'une bonne nouvelle qui n'est pas silencieuse sur le problème de la violence et de la vengeance. Politique ou pas, nous sommes des témoins et nous avons la mission de témoigner de l'évangile.
    Lorsque Jésus envoie ses disciples en mission, il les avertit que cette tâche n'est pas sans risque. Témoigner de l'évangile soulève des oppositions, voire des persécutions. Témoigner de l'évangile peut même conduire "à comparaître devant des dirigeants et des rois, pour pouvoir apporter son témoignage devant eux." (Mt 10:18)
    L'Eglise a un rôle de témoignage, même face aux grands, aux puissants. L'Eglise doit donc dire quelque chose face à l'annonce d'une guerre inévitable ! Oui, mais alors dire quoi ?
    Lorsque Jésus envoie ses disciples en mission, il décrit la situation où ils vont se trouver en ces mots : "Je vous envoie comme des moutons au milieu des loups" et il leur dit l'attitude qu'ils doivent avoir : "Soyez donc prudents / rusés comme des serpents et innocents comme des colombes" (Mt 10:16)
    Ce langage imagé exige une interprétation. Comment comprendre ces deux images mises ensemble ? Le serpent et la colombe, voici bien deux animaux que tout oppose, et voilà que Jésus les met ensemble. Le serpent est image du mal, de la ruse, de la corruption (pensez à Genèse 3). La colombe est image de paix (pensez à l'arche de Noé), de pureté, de blancheur.
    Mettre ces deux images ensemble, c'est inviter à dépasser les solutions simplistes où tout est blanc ou noir; c'est inviter à penser paradoxalement, penser plus loin, différemment du monde; c'est sortir des sentiers battus du réalisme, du pragmatisme, des stratégies habituelles.
    Il faut manier en même temps toute l'habileté, l'intelligence, la sagesse possible dont les humains disposent et toute l'innocence, l'ingénuité envisageable. Il faut inventer des solutions originales qui sortent des ornières communes.
    Jésus nous a laissé dans le Sermon sur la montagne un discours sur la vengeance devenu célèbre : "Si quelqu'un te gifle sur la joue droite, tends lui la joue gauche" (Mat 5:39). Ce texte a très souvent été qualifié d'utopique, d'irréaliste, voir de capitulation. Et si Jésus, là, donnait l'exemple de ce que cela signifie "être avisé comme le serpent et innocent comme la colombe" ? A quoi conduit la vengeance de "oeil pour oeil, dent pour dent" ? Cela conduit à l'affrontement, à l'escalade de la violence, à la course aux armements, au "je dois être prêt à riposter !"
    La riposte est la solution réaliste, pragmatique, stratégique, mais conduit-elle quelque part ? La riposte va attiser la haine et le désir de vengeance, etc... La riposte est une impasse. C'est pourquoi Jésus nous invite à chercher d'autres voies, des voies qui déstabilisent l'adversaire sans le détruire.
    Jésus nous appelle à une sagesse qui diminue la haine et le désir de vengeance pour conduire à une vraie solution. "Tends l'autre joue" cela ne signifie pas "résigne-toi", mais "cherche d'autres voies d'autres solutions qui mènent quelque part, qui mèneront à une entente.
    Jésus dit encore "Si quelqu'un veut te prendre ta chemise, laisse-le prendre aussi ton manteau" (Mat 5:40). C'est chercher une solution qui engage à ne pas chercher à tout prix à préserver ses intérêts, mais oser renoncer à quelque chose, oser perdre quelque chose pour éviter la rupture ou la destruction de l'autre. Cela peut signifier, pour nous, renoncer à un certain confort pour diminuer les injustice de ce monde et gagner des amitiés plutôt qu'attiser la haine.
    Bien sûr, ce message a peu de chance de passer dans les hautes sphères dirigeantes. Jésus est comme cet homme "pauvre et sage" qui pouvait sauver la ville, dont parlait l'Ecclésiaste :
    "Il aurait pu sauver la ville grâce à sa sagesse. Cependant, personne ne songea à s'adresser à un homme pauvre comme lui. Eh bien, je l'affirme : la sagesse vaut mieux que la bravoure, mais lorsqu'un homme sage est pauvre, les gens le méprisent et n'écoutent pas ses conseils. Pourtant il vaut mieux écouter un homme sensé qui parle calmement qu'un chef qui crie en s'adressant à des sots. La sagesse est plus efficace que les armes, mais un seul maladroit détruit le bien qu'elle procure." (Eccl. 9:15-18)
    Face à une guerre qu'on nous dit inévitable, il faut répéter avec l'Ecclésiaste que "la sagesse vaut mieux que la bravoure" et que "la sagesse est plus efficace que les armes." Cette sagesse — qui comprend la ruse du serpent et l'innocence de la colombe, Jésus nous l'a transmise au travers des Evangiles et plus encore au travers de sa mort où il a mis en pratique — au prix de sa vie — le refus de la violence.
    Jésus a accepté de souffrir plutôt que de voir la violence se déchaîner contre les humains. La guerre est évitable si nous acceptons de porter notre part de sacrifice pour que cette violence ne se déchaîne pas.
    Amen

    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Marc 10. "Que veux-tu que je fasse pour toi"

    Marc 10
    30.1.2000
    "Que veux-tu que je fasse pour toi"
    Mat 7 : 7-12 Marc 10:46-52


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Ce dernier dimanche de janvier est traditionnellement consacré à la Mission. Même s'il y a, en plus, aujourd'hui des élections importantes dans notre Eglise, nous avons voulu garder la forme de notre dimanche des missions habituelle : ce culte, une information et un repas.
    Continuer une tradition ne veut pas dire « ne plus se poser de questions.» Et c'est vrai qu'il y a eu beaucoup de remises en question de la mission et beaucoup de changements dans la façon d'être missionnaire. En effet, la mission du siècle passé — je parle du XIXe siècle — ou d'avant encore a souvent accompagné, et béni, la colonisation. Elle a collaboré à imposer le modèle de la culture occidentale, à poser des bases pour l'actuelle mondialisation.
    On s'aperçoit, avec le recul, que beaucoup de bonne volonté, des intentions louables, des objectifs d'aide et de collaboration n'ont pas toujours conduit à ce qu'on espérait. On est en face de ce paradoxe : à vouloir faire le bien, des maux surgissent que personne ne voulait.
    Aujourd'hui, ce constat décourage beaucoup de monde. Faut-il tout arrêter ? Faut-il arrêter de vouloir faire du bien ? Je ne crois pas qu'il faille être aussi pessimiste ! Jésus lui-même, dans le texte de Matthieu que vous avez entendu ne désespère pas de l'être humain.
    "Tout méchant que vous êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui le lui demande." (Mt 7:11)
    Jésus veut d'abord mettre en évidence la bonté de Dieu, mais pour cela il part de la situation de chacun, de nos efforts qu'il reconnaît. Aussi misérables que soient nos tentatives, aussi parsemé d'échec que soit notre chemin, ce n'est pas une raison de se décourager, car Dieu est bon et c'est vers lui que nous pouvons toujours à nouveau nous tourner pour réessayer.
    Alors comment aider ? Je vous propose de voir comment Jésus s'y est pris lorsqu'il a guéri l'aveugle Barthimée. Ce récit est exemplaire du dialogue qui doit se former pour que l'aide soit un échange où les deux partenaires gardent leur dignité et gagnent chacun quelque chose dans leur relation.
    Premier élément de l'interaction : un homme, Barthimée, interpelle un autre homme. Il fait appel à son coeur, à sa générosité : "aie pitié", ce qui signifie "soit touché par ma misère". Réprimé par la foule qui veut le faire taire, Barthimée persévère, il relance son cri. Jésus est touché, il a entendu, il s'arrête.
    Deuxième élément de l'interaction, première parole de Jésus : "Appelez-le!" Une parole, pas un geste. Jésus ne se précipite pas, il ne court pas guérir cet homme. Il annonce simplement son ouverture, son accueil. Il laisse à l'autre sa part du chemin à faire. Jésus se fait simplement réceptif, plutôt qu'interventionniste. Barthimée, encouragé cette fois par la foule et par l'attitude accueillante de Jésus, s'approche.
    Troisième élément, deuxième parole de Jésus : "Que veux-tu que je fasse pour toi ?" Là encore, Jésus ne se précipite pas. Il voit que Barthimée est aveugle à la façon dont il s'approche de lui, mais il n'en tire pas la conclusion immédiate que Barthimée veut recouvrer la vue.
    Jésus interroge Barthimée pour lui demander ce qu'il veut, ce dont il a besoin. Il l'invite à formuler sa demande, sa prière. "Demandez et vous recevrez". L'accent est ici sur la demande. Demander est un acte difficile, mais absolument nécessaire pour que le vrai besoin soit énoncé. Jésus se refuse à deviner, même lorsque cela est possible. Même s'il nous semble que Dieu — ou notre conjoint, ou nos enfants, etc. — connaît nos besoins, il attend qu'on les lui formule.
    Quatrième élément, la demande de Barthimée : "Maître, fais que je voie de nouveau". Cette parole est en même temps la demande et la permission d'agir. Il y a quelque chose de très humiliant à se faire aider contre son gré. Voyez un enfant qu'on aide alors qu'il sait faire la chose tout seul : ne recevra-t-il pas le message qu'il est incapable, puisqu'on l'aide ?
    Jésus offre son aide, demande de quel besoin il s'agit et attend la permission d'agir. Après tout cela, il guérit l'aveugle et lui donne une parole qui va l'accompagner et le faire grandir, évoluer pour la vie : "Va, ta confiance t'a sauvée".
    Jésus reconnaît par ces paroles toute la part que Barthimée a dans sa propre guérison. Il reconnaît et valide que Barthimée a participé, de son côté, pour une grande part à sa nouvelle vie. La guérison est une oeuvre commune. Si Barthimée n'avait pas crié, persévéré, s'il ne s'était pas approché, s'il n'avait pas dit ce dont il avait besoin, il serait encore assis à la porte de Jéricho, aveugle et mendiant.
    Jésus nous montre que toute aide, pour réussir et respecter les personnes doit être une entraide, une collaboration, où chacun fait sa part.
    Le Département missionnaire a reçu des demandes, des demandes formulées de collaboration où chacun va faire sa part, dans un esprit d'entraide.
    Je vous invite à faire votre part dans cette chaîne de solidarité.
    Amen
    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Actes 11. Faire avancer l'oecuménisme

    Actes 11
    16.1.2000
    Faire avancer l'oecuménisme
    1 Cor 12 : 4-11 Ac 11 : 4-11 Mt 7 : 1-5

    Chers frères et soeurs en Christ,
    Nos deux communautés veulent marquer leur volonté de rapprochement en s'unissant ce matin dans la célébration commune de Dieu. "Nous avons quand même le même Dieu !" C'est une phrase que j'entends souvent dans mes visites et mes contacts. Oui, nous avons le même Dieu, le même Seigneur Jésus-Christ, nous avons reçu le même Esprit et la même Bible. Nous avons la même volonté de servir Dieu de tout notre coeur, de toute notre âme, avec toute notre énergie, et cette volonté se traduit dans les faits !
    Les relations entre catholiques et protestants sont différentes aujourd'hui — à la fin de ce XXe siècle — de ce qu'elles étaient au début de ce siècle. On ne se jette plus des pierres, les enfants ne se battent plus entre eux pour des raisons de confession, on n'entend plus, comme ma grand-mère qui était une enfant protestante à Paris me le racontait, que les protestants ont les pieds fourchus dans leurs chaussures.
    Ce XXe siècle a été un siècle de réconciliation et d'avancées de l'oecuménisme. Il y a eu la création du Conseil Oecuménique des Eglises et l'événement du Concile Vatican II. Il y a eu bien des avancées, même s'il y a eu aussi les inévitables stagnations ou certains retours en arrière. La direction générale est indiquée pour le prochain siècle : il faut continuer à progresser, à se rapprocher.
    Un pas de plus a encore été fait il y a juste un an. Le 20 janvier 1999 le Conseil synodal de l'EERV et le Conseil de l'Eglise catholique en Pays de Vaud ont signé une Déclaration de Collaboration oecuménique qui encourage toutes les formes de collaboration entre nos deux confessions. Cette volonté de nos autorités rejoint les volontés des paroissiens. Profitons-en !
    Certes, il reste des obstacles, concrets ou dans nos têtes. Les deux principaux obstacles que je peux identifier sont dans nos têtes.
    Le premier est notre incapacité à voir la poutre qui est dans notre oeil. On voit tellement plus facilement ce qui devrait changer chez l'autre que chez soi, n'est-ce pas ?
    Le second est notre difficulté à penser ensemble unité et diversité. Nous pensons l'unité comme une fusion, où l'un doit forcément se fondre dans l'autre. Or, qui voudrait être absorbé et disparaître ?
    Lorsque la Bible nous parle de l'Eglise et du peuple de Dieu, elle utilise deux images. Elle parle soit en terme de corps avec des parties différentes, complémentaires et coordonnées dont la tête est le Christ lui-même, soit en terme de mariage, le mariage de Dieu avec le peuple d'Israël ou le mariage de Jésus avec son Eglise. Or, dans le mariage, il n'est pas question de fusion, même s'il est question d'union et d'unité ! Un mariage ne peut subsister que si l'homme reste homme et la femme reste femme. C'est parce que chacun reste lui-même et qu'il est respecté dans sa différence que le mariage a des chances de persister.
    Cela posé, cette unité ne vient pas des différences, mais du lien qui unit ces diversités, c'est-à-dire de Dieu et du Saint Esprit.
    Sur ce point le récit des Actes est très parlant. La communauté des premiers chrétiens, d'origine juive, a été confrontée à la question de l'accueil des non-juifs, des païens. Le récit nous dit que Pierre a mangé à la table de familles païennes. Il est vertement critiqué par l'Eglise de Jérusalem pour ce comportement qui transgresse la loi et la tradition juive. Pierre a commis un acte jugé impur, parce qu'il s'est mélangé avec des gens différents. L'Eglise de Jérusalem pose ainsi un jugement (conforme à ses traditions).
    Pierre doit leur expliquer en détail ce qui s'est passé : par une vision, Dieu a montré à Pierre qu'il ne devait rien considérer comme impur ; "Ne considérez pas comme impur ce que Dieu a déclaré pur." (Ac 11:9) En envoyant son Saint-Esprit sur des païens — à la grande surprise de Pierre — Dieu déclare que le jugement n'appartient pas aux hommes de fixer ce qui est pur ou impur, qu'il n'appartient pas aux hommes de délimiter des frontières à son Eglise.
    A cela Pierre ne peut qu'acquiescer : "Qui étais-je pour m'opposer à Dieu ?" (Ac 11:17) Nous avons à reconnaître, avec Pierre, que le jugement des coeurs, de la foi, de la vraie doctrine n'appartient qu'à Dieu. Notre rôle n'est pas de placer des limites et d'établir des frontières. Nous avons à reconnaître que Dieu fait les choses différemment, qu'il peut nous surprendre ! Si Dieu veut l'unité des chrétiens, qui sommes-nous pour nous y opposer ?
    Voici ce qui se passa lorsque Pierre eut fini de parler aux membres de l'Eglise de Jérusalem :
    "Après avoir entendu ces mots, ils se calmèrent et louèrent Dieu en disant :
    — C'est donc vrai, Dieu a donné aussi à ceux qui ne sont pas juifs la possibilité de changer de comportement et de recevoir la vraie vie."(Ac 11:18)
    Les chrétiens de l'Eglise de Jérusalem ont reconnu le bien fondé de l'attitude de Pierre et ils en ont fait l'attitude de toute l'Eglise depuis ce moment-là : non seulement il est permis d'entrer et de partager le repas avec tout être humain sur la terre, mais encore cela doit devenir le signe même de l'appartenance à Jésus-Christ : un accueil sans jugement et un amour sans frontières dressées entre les personnes.
    Qu'il en soit ainsi entre nous !
    Amen

    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 2. Au cœur des nuits de notre monde, vient une lumière.

    Luc 2
    25.12.2006
    Au cœur des nuits de notre monde, vient une lumière.
    Es 9 : 1-6 Luc 2 : 1-20

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers Amis,
    En entrée de ce culte, nous avons chanté un cantique (PCT 263) qui commence par cette phrase : "Après la longue et sombre nuit, le ciel a rayonné…" Noël est une fête joyeuse, une occasion de se réjouir pour tout ce que Dieu a fait pour nous, pour nous avoir donné son fils Jésus. C'est une fête joyeuse, justement en contraste avec la nuit qui recouvre le monde, avec le mal, l'injustice, l'adversité, le deuil que chacun rencontre dans la vie.
    Cette lumière de Noël est une bonne nouvelle, justement parce qu'elle vient briller dans l'obscurité. Esaïe parlait de la situation politique de son époque : une Jérusalem assiégée par les Assyriens, avec l'aspiration qu'un chef politique de la lignée de David vienne les délivrer, militairement.
    Luc, dans sa présentation de la naissance de Jésus indique aussi le contexte politique. Il cite César Auguste, l'empereur de Rome et Quirinius, gouverneur de Syrie, donc un pays d'Israël occupé par les romains. Il présente Joseph soumis aux contraintes de cet occupant qui veut recenser les habitants pour fixer l'impôt, le tribut à payer à César. Voilà la nuit, l'adversité dans laquelle vit le peuple d'Israël au temps de Jésus. Une adversité qui se marque aussi dans le fait que Jésus naît dans une étable et qu'il est déposé dans une crèche.
    Lorsqu'il nous est dit que les bergers passaient la nuit dans les champs, l'Evangéliste joue sur le double sens de la nuit. Il y a la réalité de devoir veiller sur les troupeaux, mais il y a aussi le sens symbolique d'un peuple qui vit dans l'obscurité, loin de Dieu. C'est à ces bergers que Dieu vient révéler — en premier, en primeur — son action.
    "Un ange du Seigneur leur apparut et la gloire du Seigneur brilla autour d'eux." Cette gloire du Seigneur qui brille rappelle la nuée qui guidait le peuple hébreu dans le désert, nuée sombre le jour et brillante la nuit, dans laquelle Dieu se voile pour protéger son peuple, parce qu'on ne peut pas voir Dieu. C'est pourquoi les bergers ont peur, d'abord, et que l'ange doit les rassurer. Les bergers reçoivent le message de l'ange et se mettent en mouvement, en route vers Bethléem. Ce déplacement, ce voyage est un des points communs dans les récits de Noël de Luc et de Matthieu qui raconte le voyage des mages. A part cela, et la lumière, ils n'ont rien en commun.
    Oui, l'action de Dieu met les humains en route. Déjà Marie et Joseph avaient dû se mettre en route de Nazareth vers Bethléem, puis les mages en suivant l'étoile, pour un long voyage, maintenant les bergers, parce qu'ils sont animés de curiosité et de confiance dans le message de l'ange. Chacun se met en route donc.
    Dieu vient, il prend chair en Jésus, il s'approche des humains, c'est le chemin que Dieu fait dans notre direction. Ensuite, c'est à nous de nous mettre en marche et de le rejoindre à Bethléem. Dieu ne nous traite pas comme des incapables ou des assistés, il attend que nous fassions une partie du chemin. C'est sa façon de ne pas nous contraindre, c'est sa façon de nous laisser notre liberté, notre capacité d'initiative. Il glisse son invitation dans notre cœur, à nous d'y répondre.
    Les bergers ont cru et se sont mis en route pour découvrir ce qui leur était promis. "Il faut que nous voyions ce qui est arrivé." Quelle est cette lumière dans la nuit ? Qu'est-ce que Dieu apporte pour notre salut et pour le salut du monde ?
    "Ils trouvèrent Marie, Joseph et le bébé couché dans la crèche." C'est toujours émouvant de voir un nouveau-né, dans un berceau à la maternité, dans une poussette. Chacun se penche et s'émerveille : "comme il est petit ! Je ne me souvenais pas qu'un nouveau-né était si petit, ils grandissent tellement vite !" Un nouveau-né, c'est une espérance, c'est une promesse de vie, de nouveauté.
    Chaque naissance apporte un espoir, une promesse, un accomplissement. Voilà un être nouveau qui va assumer son destin, qui va apporter sa touche de nouveauté, de beauté dans le monde. Il va être quelqu'un de spécial et unique pour le monde.
    Mais que doivent penser les bergers en voyant ce nouveau-né ? N'est-ce pas un nouveau-né comme tous les autres ? Qu'a-t-il de spécial pour mériter le déplacement des anges du ciel ?
    Oui, on peut repartir de la crèche avec des sentiments contrastés selon ce qu'on attendait de cette visite. On peut repartir de la crèche avec de la déception, comme beaucoup de nos contemporains. Etre déçu de tout ce qu'on n'y a pas vu, pas trouvé. Déçu de ne pas y trouver le Dieu dont on rêve, celui qui devrait résoudre tous nos problèmes, arrêter tous nos conflits, combler tous nos besoins.
    Ou bien l'on peut repartir avec la joie de ce qu'on y a vu, de ce qu'on y a trouvé : un Dieu qui préserve notre liberté, un Dieu qui nous invite à agir et nous en donne la force. On peut repartir avec des yeux neufs qui voient au-delà du tangible la promesse des situations et la promesse des êtres.
    Il y a dans chaque être que nous côtoyons la même humanité que celle que Jésus est venue habiter. Il y a dans chaque être la même promesse que celle qui habite le nouveau-né dans sa crèche.
    A nous de voir cette humanité avec des yeux neufs, à nous de lui faire un espace pour qu'elle passe de l'état de promesse à celui de réalité, à nous de participer à cette germination.
    Au cœur des nuits de notre monde, vient une lumière, une chaleur, une tendresse qui peut tout transfigurer. Joyeux Noël.
    Amen
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    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 15. "La drachme perdue" Dieu à la recherche des êtres humains

    Luc 15
    18.1.98
    "La drachme perdue" Dieu à la recherche des êtres humains
    Ps 36 : 6-12 Eph. 1 : 3-10 Luc 15 : 1-10

    Chers frères et soeurs en Christ,
    Aujourd'hui, je vais vous parler du plan secret de Dieu qui est évoqué dans la lettre aux Ephésiens. Ce plan, Jésus l'a révélé dans diverses paraboles. Pour aujourd'hui, j'ai choisi la parabole dite de la "drachme perdue". Cette parabole est précédée de la parabole de la "brebis perdue" et suivie de la parabole du "Fils prodigue". Ce sont trois mauvais titres qui insistent sur ce qui a le moins d'importance.
    Ces trois paraboles pointent dans la même direction, quelque chose de perdu est retrouvé, un mouton, une pièce de monnaie, deux fils. A travers ces paraboles, nous trouvons un message qui nous ouvre une porte sur le vrai visage de Dieu, sur la relation que Dieu a avec nous et sur nous-mêmes, notre cheminement spirituel.
    A. Le vrai visage de Dieu. Placée entre les deux autres paraboles, le récit de la femme qui cherche sa pièce de monnaie nous rappelle que Dieu n'est pas exclusivement masculin, même s'il est d'abord comparé à un berger, puis à un père de famille.
    Notre parabole de la recherche de la pièce perdue est l'équivalent, au féminin, de la recherche du mouton égaré. Jésus raconte une histoire où c'est une femme qui tient le rôle de Dieu. Elle cherche une pièce, dans la maison. Lorsqu'elle l'a trouvée, elle appelle ses amies et ses voisines. Dieu n'est pas seulement le Bon Berger, il est aussi la Bonne Ménagère, un Dieu maternel, capable de souffler sur les écorchures de nos genoux, capable d'enlacer tendrement ses enfants et de leurs donner de gros poutous dans le cou.
    B. La parabole nous révèle Dieu en action et au travers de cette action le lien qui se tisse entre Dieu et nous. Le berger (plutôt riche) ne veut pas perdre un mouton, devenir moins riche. La femme, (plutôt pauvre) ne veut pas perdre une pièce, devenir plus pauvre. Dieu ne consent pas à perdre qui que ce soit. Dieu souffre d'un manque chaque fois qu'un humain s'éloigne et se perd. C'est lui qui engage immédiatement des recherches pour retrouver sa plénitude, son intégrité, et il n'aura pas de relâche avant d'avoir retrouvé ce qui est perdu.
    Ne nous faisons pas d'illusions sur ce que signifie l'humain qui se perd et qui est retrouvé, du point de vue de Dieu. Une pièce de monnaie pense-t-elle ? Peut-elle se perdre elle-même, ou revenir d'elle-même dans le porte-monnaie ? Peut-elle se repentir ? La drachme illustre la totale passivité de l'être humain lorsqu'il est question de son salut ! C'est Dieu qui engage les recherches. C'est Dieu qui se bouge, qui de démène. C'est le regard de Dieu, cette recherche, qui nous donne de la valeur. C'est à ses yeux que nous avons un prix infini, non par le prix de nos efforts.
    Dieu nous cherche et nous retrouve. Mais que se passe-t-il après, une fois que nous sommes revenus dans le troupeau, dans le porte-monnaie, dans la maison du Père ?
    C. Notre cheminement spirituel. Certainement, nous avons à éviter de laisser notre coeur se dessécher (comme celui des pharisiens) et nous mettre à juger ceux du dehors. Nous avons un cheminement spirituel à faire, et je crois que les trois paraboles à la suite nous révèlent des étapes pour notre vie intérieure sur ce chemin.
    Il nous arrive à tous, à un moment ou à un autre de notre vie de vivre une crise où nous éprouvons soudainement un vide, un manque. La première quête est souvent de partir à la recherche de ce qui nous manque. Une recherche au travers de voyages, de dépaysements, de lectures, bref des recherches à l'extérieur de nous-mêmes. Nous faisons la même chose que le berger qui part dans le désert chercher ce qu'il a perdu. Cela peut nous satisfaire un temps, mais souvent le manque resurgit.
    La quête alors peut se faire intérieure, ce que nous cherchons est peut-être à l'intérieur de nous-mêmes, dans notre être. Comme la femme nous allumons une lampe pour éclairer notre caractère, notre personnalité. Nous prenons le balai pour chercher partout et ne pas laisser un coin de notre existence inexploré. Et nous cherchons avec soin pour trier ce que nous ne voulons pas garder et ce qui a de la valeur et que nous préservons.
    Les coups de balai nous conduiront à l'aboutissement de notre quête lorsqu'ils auront créé la place nécessaire à celui qui nous cherche assidûment; lorsque nous aurons compris que c'est le Père qui vient au devant de nous, que c'est lui qui alimente la source qui est au plus profond de nous.
    La quête intérieure, c'est découvrir le portrait de Dieu que nous avons esquissé plus haut, du Dieu qui cherche ses enfants sans relâche.
    C'est pourquoi, il faut renommer toutes ces parabole et parler du berger, de la femme et du père qui cherchent jusqu'à ce qu'ils trouvent, parce que Dieu ne supporte pas d'être séparé d'un seul d'entre nous.

    Amen.

    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 1. Double nature du Christ : Dieu devenu vrai homme en Jésus

    Luc 1
    22.12.2002
    Double nature du Christ : Dieu devenu vrai homme en Jésus
    Es 42 : 1-9 Luc 1 : 26-33

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Dimanche dernier, souvenez-vous, nous avons constaté que les quatre évangiles nous présentaient des récits extrêmement différents de la naissance de Jésus. Il est impossible de faire concorder ces récits, sauf sur un point où ils sont absolument unanimes : tous présentent, à leur manière, Jésus comme le Fils de Dieu.
    Nous avons vu également que cette confession de foi « Jésus est le Fils de Dieu » en même temps que l'affirmation « Jésus est pleinement humain » est au coeur de la foi chrétienne. En tant que chrétiens, nous confessons Jésus comme vrai homme et comme vrai Dieu, ce qu'on appelle, dans notre jargon de pasteur : la double nature (divine et humaine) du Christ.
    Dans les premiers temps de l'Eglise — avec le témoignage des apôtres qui ont côtoyé Jésus — il n'y avait pas de difficultés à accepter que Jésus ait été un homme. Le plus difficile était de convaincre les auditeurs que Jésus était plus qu'un bon prophète. Il fallait convaincre les juifs que Jésus était le Messie qu'ils attendaient. Il fallait convaincre les non-juifs que Jésus était de nature divine et qu'il réalisait vraiment les promesses de Dieu, plutôt qu'il ne répétait des promesses anciennes qui se réaliseraient plus tard.
    Les évangiles de l'enfance de Jésus, le début des évangiles de Matthieu et de Luc sont écrits pour nous persuader de cette filiation avec Dieu, du caractère divin du Christ. Mais il ne suffisait pas d'établir ce lien divin avec Jésus, pour asseoir, dans l'esprit des auditeurs, cette nature divine. Il faut encore persuader les auditeurs que Dieu peut prendre forme humaine, que Dieu peut s'abaisser à devenir humain. Ainsi, ce n'est pas la nature humaine de Jésus de Nazareth qui fait problème, mais le fait que Dieu puisse devenir humain, prendre forme humaine, s'incarner.
    L'affirmation de la double nature du Christ va alors rencontrer deux fronts d'opposition qui tous deux contestent l'incarnation de Dieu.
    A. Le premier se développe au sein du judaïsme, avec la contestation que ce Jésus soit le Fils de Dieu, mais sans contester qu'un jour le Messie viendra. Le judaïsme ne conteste pas la possibilité que Dieu se révèle au travers d'un homme, puisqu'il attend le Messie, mais il conteste que ce Jésus-là soit le Messie attendu. Les juifs attendent toujours le Messie, ce Jésus-là n'est pas le Fils de Dieu.
    B. Un second front s'ouvre avec l'islam. L'islam conteste l'idée même que Dieu puisse prendre lui-même une forme humaine pour rencontrer les humains face à face. La question n'est donc pas que cela soit Jésus ou un autre. Le fait même que cela arrive est impossible à leurs yeux. « Dieu est grand », il ne peut pas s'abaisser à prendre forme humaine, c'est incompatible avec sa grandeur, sa majesté. Il n'y a pas de messianisme en islam, pas de retour du Prophète, pas d'attente d'une venue.
    De cette impossibilité à penser que Dieu puisse s'abaisser et souffrir en devenant humain est née (bien avant l'islam) une autre opposition à la double nature, une opposition qui s'attaque à la nature humaine du Christ. On donne à ce mouvement le nom de docétisme (du latin : docet = il paraît). Dans cette pensée, Dieu est bien venu visiter les humains sur la terre, mais sans prendre de risques, notamment le risque de souffrir et de mourir. Dieu n'aurait pris que l'apparence (docet), que l'habit de l'homme, un peu comme les cyborg dans la science-fiction (6PO avec une peau humaine).
    Le docétisme a été combattu comme une hérésie grave. Nier la nature humaine du Christ, c'est rejeter l'incarnation de Dieu, abolir sa proximité, c'est renoncer à Noël et à Pâques qui deviennent des mascarades trompeuses.
    La foi chrétienne, c'est bien tenir ensemble la nature humaine et la nature divine du Christ, malgré les difficultés à les penser les deux ensemble.
    Si Jésus n'est pas de nature divine, les promesses de Dieu ne sont pas réalisées, Jésus ne peut pas être notre sauveur, la vie n'a pas été transformée et la mort n'a pas été vaincue.
    Si Jésus n'est pas Dieu devenu pleinement humain, alors Dieu ne s'est pas approché des humains, de nous.
    A Noël, comme chrétiens, nous confessons que Dieu, le majestueux, le Tout-puissant, a laissé au ciel les attributs de sa puissance, pour vivre la difficile vie des êtres humains.
    Dieu a pris le risque inouï — pour un Dieu — de vivre neuf mois dans le ventre d'une femme, de naître dans une situation précaire, de grandir et de devenir un homme, pleinement.
    Dieu a pris ce risque inouï de ne pas s'entourer des précautions de la richesse et du luxe pour naître dans un palais et vivre à la cour.
    Dieu a pris le risque inouï de dire la vérité de son amour, suscitant des réactions de haine, jusqu'à sa mort sur la croix.
    Dieu a pris le risque inouï de vouloir vivre, éprouver, ressentir, aimer, être déçu ou enthousiasmé, comme tout être humain dans la vie.
    Ainsi, il est proche de chacun d'entre nous, plein de compassion et de compréhension, il est véritablement Emmanuel, Dieu avec nous !
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 1. En chemin dans ce temps de la réalisation, orienté vers le temps de l'achèvement.

    Luc 1
    3.12.2006
    En chemin dans ce temps de la réalisation, orienté vers le temps de l'achèvement.
    1 Pierre 2:4-10 Luc 1:5-17 Luc 1:18-25

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers Amis,
    Pendant tout cette année 2006, nous avons fêté les 40 ans de notre paroisse. Nous nous sommes retrouvés pour des moments conviviaux, repas et rallye; pour des moments de partage spirituel; pour des moment musicaux et finalement pour des conférences qui nous ont rappelé nos racines et notre évolution. Nous n'avons pas vécu tout cela par nostalgie des temps passés, révolus. Au contraire, nous l'avons fait pour vivre et redynamiser notre présent, pour nous rendre compte que nous sommes nourris par nos racines et que la vie se déploie dans le présent, dans la ramure de l'arbre qui tend vers le ciel.
    Oui, nous vivons dans cette tension entre les racines et le faîte, entre la terre et le ciel. L'histoire de Zacharie et d'Elisabeth que l'évangéliste Luc place au début de son Evangile est aussi dans cette tension entre la terre et le ciel, entre le passé et l'avenir.
    Luc raconte ainsi comment, du Temple, surgit la promesse d'un temps tout nouveau, celui de la venue du Messie. Le Temple de Jérusalem où officie Zacharie appartient au passé. Au moment où Luc rédige son Evangile, les romains l'ont déjà détruit, il n'existe plus. Et pourtant, c'est bien de là, de cette racine du passé qui a nourri tout un peuple pendant des siècles, que naît la nouveauté.
    Le rythme du temps de Dieu n'est pas notre rythme à nous. Le temps de Dieu est le temps de la patience, c'est le temps de "la calme lenteur de toute germination"*1. C'est Lui qui prépare le temps de sa révélation, à petits pas, lentement, au fil des générations.
    Il a commencé par choisir un couple, Abram et Saraï, il a accompagné leurs enfants, il en a formé une grande famille, puis tout un peuple. Peuple errant dans le désert, puis nation établie. Royaume, un temps uni, un temps divisé. Peuple et rois admonestés par les prophètes, vaincus puis déportés, rassemblés puis revenus d'Exil. Enfin réunis dans un troisième Temple, ce peuple va être visité, d'abord par un précurseur, puis par le Messie.
    Né dans une famille de prêtres, élevé dans la tradition sacerdotale, Jean Baptiste deviendra un prêcheur au désert, aplanissant le chemin du Messie. Dieu nous déroute dans sa façon de ne pas compter le temps et dans sa façon d'être toujours ailleurs, là où nous n'irions pas le chercher. Jean Baptiste reçoit une mission "former un peuple prêt pour le Seigneur" (Luc 1:17). Jean Baptiste est à la charnière de deux temps : le temps de la préparation et le temps de la réalisation.
    Le temps de la préparation, c'est le temps que je viens de décrire où Dieu prépare la venue du Christ en se révélant petit à petit à son peuple pour le préparer à sa descente sur terre. Long chemin qui constitue la racine nourricière du temps de la réalisation de la venue de Jésus.
    Le temps de la réalisation, chaque génération le vit, depuis le premier Noël jusqu'au temps présent. C'est le temps de l'édification, de la construction de l'Eglise, peuple du Seigneur. Chaque personne est une pierre qui a sa place dans l'édifice. Peu importe que certains aient été dans les premières pierres posées et que nous arrivions presque 2000 ans plus tard. Chaque pierre est nécessaire à l'édifice, chacun a une place réservée dans le peuple du Seigneur.
    A chacun d'entre nous est redonnée la mission de Jean Baptiste : "former un peuple prêt pour le Seigneur." Nous formons une communauté où nous avons tous un rôle, une fonction. Avec nos diverses capacités et compétences, nous sommes tous appelés à devenir et à rassembler le "peuple prêt pour le Seigneur."
    Nous sommes en chemin dans ce temps de la réalisation et ce chemin est orienté vers le temps de l'achèvement. Le temps de l'achèvement, celui où Dieu régnera visiblement sur la terre, est notre horizon, comme il a été l'horizon des générations précédentes. C'est un temps que nous ne pouvons vivre qu'en espérance, mais qui donne un sens, une orientation à notre vie et à notre chemin.
    Nous savons que nous voulons une société plus juste, plus équitable, un monde où les valeurs humaines et relationnelles l'emportent sur les intérêts et l'égoïsme. Nous savons que nous marchons et travaillons en direction de cet horizon avec les forces que Dieu nous donne.
    Dans ce temps de l'Avent, nous vivons dans l'attente de ce surgissement du temps de Dieu. Dans ce temps de la réalisation, il est venu, pauvre et faible dans une étable — là où on ne l'attendait pas ! Sur notre
    chemin, un temps s'ouvre devant nous, un temps à écrire, à dessiner, à inventer.
    Nous avons fêté les 40 ans de notre paroisse pour nous rappeler nos racines, parce que c'est des racines que monte la sève qui nourrit la ramure et le faîte. Mais la vie de l'arbre est dans la ramure, c'est là que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid.
    Nous avons — en tant qu'Eglise et chacun en tant que croyant — toujours la même responsabilité que Jean-Baptiste : ouvrir un chemin vers l'horizon et "former un peuple prêt pour le Seigneur." Ne perdons pas cet objectif spirituel de vue pendant que nous cheminons. Formons ensemble un peuple prêt pour le Seigneur !
    Amen

    *1 La Règle de Reuilly, Réveil et Publications, Lyon, 1996, p. 57

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Matthieu 10-11. Dieu place dans notre monde des signes discrets, fragiles — à l'image d'un nouveau-né

    Matthieu 10-11
    16.12.2001
    Dieu place dans notre monde des signes discrets, fragiles — à l'image d'un nouveau-né
    Es 35:1-7 / Jacq. 5:7-8 / Mat. 10:40 — 11:6

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Il y a des moments où l'on voudrait bien avoir un signe clair de la présence et de l'action de Dieu dans notre monde, surtout après la période troublée que nous avons vécue cet automne.
    Il nous arrive bien quelque fois d'avoir le sentiment que les choses n'arrivent pas par hasard — ou arrivent par hasarD avec un grand D, un D majuscule — mais on se dit souvent vite : "Ce n'est qu'une coïncidence" et on tourne la page, même si on aurait bien voulu que cela soit un signe ! Recevoir un signe, un signal, et à partir de ce moment-là se sentir soutenu, encouragé, affermi.
    Savez-vous qu'aux Etats-Unis et en Europe, plusieurs millions de dollars sont investis chaque année pour financer des radars et des équipes de scientifiques qui écoutent l'univers, pour tenter de capter les émissions d'une intelligence extraterrestre !
    Mais comment reconnaître un signal intelligent parmi le brouhaha de l'univers. On ne va tout de même pas recevoir un message radio en anglais ou en français. Comment reconnaître une langue, un signal extraterrestre ?
    Pour nous se pose le même problème : Comment reconnaître, parmi tous les messages, le message qui vient de Dieu ? Comment reconnaître, parmi toutes les personnes que nous croisons, la personne porteuse d'un message divin. Comment Jean Baptiste peut-il reconnaître parmi tous ses contemporains : « celui qui doit venir » ?
    Jean Baptiste est à la recherche du Messie, de « celui qui doit venir », celui qui est annoncé, promis, par l'Ecriture. Bien qu'il soit en prison, Jean Baptiste persiste dans sa quête et envoie ses disciples questionner Jésus : "Es-tu « celui qui doit venir » ?"
    Jésus va donner une réponse indirecte à cette question : il dit en quelque sorte à Jean-Baptiste : "Observe les signes, scrute ce qui se passe ! N'est-ce pas ce qui était annoncé dans l'Ecriture ?"
    En effet, ce qui est impossible aux hommes se réalise : "les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts reviennent à la vie, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres". (Mt 11:5)
    Jean Baptiste a vu ces signes-là, ils nous ont été transmis dans les quatre évangiles, mais lorsque j'ouvre les yeux sur notre monde, aujourd'hui, je ne vois pas ces signes-là ! Le signe que je vois aujourd'hui, c'est seulement le signe de Noël que nous attendons, une naissance, la venue d'un nouveau-né. Des enfants continuent à naître dans notre monde ! Est-ce bien raisonnable ?
    Le signe que Dieu nous donne, sa signature, c'est la venue d'un bébé dans un pays occupé par les Romains, où des rébellions se déclenchent, suivies de représailles répressives, exactement la situation de la Palestine d'aujourd'hui ! Dans ce monde d'alors, comme dans notre monde d'aujourd'hui, Dieu donne comme seul signe "un nouveau-né, emmailloté et couché dans une crèche" (Luc 2:12).
    Un signe dérisoire face à nos attentes ! Dieu se moque-t-il de nous ? Quel est son plan ? Ce bébé Jésus est-il vraiment « celui qui doit venir » ?
    C'est à douter de tout, de Dieu, de Jésus, du salut ! Probablement est-ce pour cela que Jésus ajoute cette phrase — après les signes énumérés : "Heureux celui qui n'abandonnera pas la foi en moi, ou à cause de moi" (Mt 11:6). Oui, Jésus, tel qu'il est né, tel qu'il s'est présenté, tel qu'il a vécu, tel qu'il est mort, ne vient pas remplir nos désirs de toute puissance, nos attentes de bouleversements soudains, d'anéantissement radical et rapide du mal.
    Nous voudrions bien que Dieu intervienne radicalement dans notre monde d'aujourd'hui pour mettre fin à nos guerres, à nos injustices, à nos incapacités à partager... Mais il ne le fait pas. Il n'en a pas l'intention. Ce n'est pas sa façon de nous aimer et de nous respecter.
    Dieu place dans notre monde des signes discrets, fragiles — à l'image d'un nouveau-né. Des signes qui ne s'imposent pas, qui n'éblouissent pas, qui ne retiennent pas l'attention des médias. Des signes discrets, mais qui sont partout, qui sont dans tous nos gestes, qui sont dans tous les gestes faits à notre égard.

    "L'homme qui vous reçoit, me reçoit; et l'homme qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé (Mt10:40) Celui qui donne même un simple verre d'eau à l'un de ces petits, recevra sa récompense." (Mt 11:42).
    Chaque geste est un signe, un signal qu'il faut recevoir comme venant de Dieu. Chaque geste que nous faisons, veillons à le faire comme un geste qui peut porter la signature de Dieu.
    Cessons de porter nos regards vers le ciel comme des radars fixés vers l'immensité vide de l'espace en attendant un signal extra-terrestre. La venue de Dieu sur la terre, que nous attendons dans cette période de l'Avent et qui se réalise à Noël, signifie que les signes de Dieu se réalisent maintenant sur notre terre, directement autour de nous et au travers de nous, à travers nos gestes, des gestes tout humains.
    Croire à l'incarnation de Dieu, c'est ouvrir les yeux sur notre réalité présente et y chercher, y voir sa trace, ses signes, sa signature.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz