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education - Page 30

  • Galates 1. L'apôtre Paul (I) De la persécution à la conversion

    Galates 1

    29.6.2003
    L'apôtre Paul (I) De la persécution à la conversion
    Ac 22 : 1-11    Ga 1 : 11- 24

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers Amis,
    Je commence aujourd'hui une série de quatre prédications sur la vie et la pensée de l'apôtre Paul. Plus du quart du Nouveau Testament nous vient des écrits de Paul, c'est dire son importance, son poids dans la formulation de la pensée chrétienne ! Comprendre mieux le personnage, son cheminement, son parcours, ses succès comme ses échecs ou ses erreurs nous permettrons de mieux comprendre sa pensée et donc nos origines et certainement aussi notre protestantisme !
    Paul est né en l'an 8 de notre ère, dans la ville de Tarse en Cilicie, l'actuelle Tarsus en Turquie. Je vais essayer de vous situer cette ville. Si l'on considère que la Méditerranée — à cette extrémité — a une forme de rectangle, délimité en haut par la Turquie, sur le côté par la Syrie, le Liban et Israël et en bas par l'Egypte, alors Tarse se situe près de l'angle supérieur, sur la côte turque.
    Il y a dans cette ville, comme dans la plupart des grandes villes du pourtour de la Méditerranée, une communauté juive. L'ensemble de ces communautés forment ce qu'on appelle la "diaspora," les juifs dispersés depuis l'Exil de 587 av. J.-C. Ces communautés, avec leur synagogue, répandues dans tout l'empire romain, joueront un grand rôle dans la vie de Paul.
    A sa naissance, il reçoit le nom juif de Shaoul (comme le roi Saül), nom qui sera prononcé Saul, en grec. Le grec est la langue maternelle de Saul, c'est dans cette langue qu'il est scolarisé, c'est-à-dire qu'il commence à apprendre par coeur les textes de l'Ancien Testament. Saul devait manifester de bonnes capacités intellectuelles, car son père l'envoie à l'âge de 15 ans continuer ses études à Jérusalem sous la direction d'un maître réputé : Gamaliel. Il suit la formation des pharisiens, peut-être pour devenir rabbin. Il se familiarise donc avec l'hébreu pour lire l'Ancien Testament dans le texte et l'araméen qui est la langue parlée à Jérusalem.
    Etre pharisien, c'est devenir un observateur scrupuleux de la loi divine, pour parvenir à la sainteté. Pour prétendre à la sainteté, il faut obéir à 613 commandements dans sa vie de tous les jours. Cela suppose une discipline extrêmement stricte, une surveillance de tous les instants, pour ne rien oublier et ne rien transgresser.
    A cette époque, Saul était fier de ses accomplissements, dans la lettre aux Galates, il écrit :

    "Je surpassais bien des compatriotes juifs de mon âge dans la pratique de la religion juive; j'étais beaucoup plus zélé qu'eux pour les traditions de nos ancêtres." (Ga 1:14).
    Saul était tellement zélé que lorsqu'une secte commence à faire parler d'elle — notamment au travers d'un certain Etienne qui accuse les pharisiens d'avoir tué le Messie appelé Jésus — il se fait un devoir de chercher à la détruire. Ainsi, Saul approuve la lapidation d'Etienne (Ac 8:1) et se met à pourchasser les chrétiens et à les faire jeter en prison.
    De zélateur de sa religion, il devient persécuteur des dissidents. D'adorateur de la loi divine, il devient un fanatique plein de haine contre ceux qui se montrent différents de lui. D'observateur des commandements, il devient un instrument de haine, au nom de Dieu et de sa Loi, prétend-il !
    Que dire lorsque l'amour pour Dieu devient haine contre des humains ? Comment Saul peut-il justifier cette dérive ? Il ne le fera pas tant qu'il reste pharisien, mais il n'échappera pas à cette question !
    Alors que Saul est en chemin vers Damas pour y persécuter les chrétiens installés là-bas, il vit une expérience qui va littéralement le retourner complètement. Saul est assailli par une question qui lui vient du ciel :
    "Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? (Ac 9:4; 22:7; 26:14).
    Lui qui a toujours voulu atteindre Dieu, atteindre la sainteté, accomplir la volonté totale de Dieu, lui se retrouve être désigné comme son adversaire, son persécuteur ! Comment en est-il arrivé-là ?
    Chaque fois que Paul — dans ses lettres — parle de la Loi, de l'obéissance, il répète que la loi de Dieu est bonne. Le problème n'est pas dans la loi. Le problème est en nous : le péché utilise en nous la loi pour nous faire faire le contraire. Il y a en nous une puissance qui retourne nos efforts à faire le bien en force de destruction, c'est cela que Paul appelle le péché.
    Le péché nous rend esclave — on dirait "dépendant" aujourd'hui. Et Saul était esclave / dépendant de la loi pour être heureux, ce qui lui a fait prendre en haine ceux qui n'avaient pas le même amour de la loi. La dépendance à la loi l'a fait haïr tout ce qui devenait un obstacle à son obéissance, et cette haine l'a propulsé directement au coeur de ce qu'il voulait éviter : être loin de Dieu. Pour exprimer ce paradoxe, il dira : "comme esclave du péché (...) je ne fais pas le bien que je veux et je fais le mal que je ne veux pas" (Rm 7:19). Cela ne nous arrive-t-il pas à nous aussi ?
    Sur le chemin de Damas, Saul est retourné, il réalise qu'il doit abandonner la loi (extérieure) pour un guide (intérieur) : celui qu'il persécutait jusqu'alors, Jésus-Christ. Qui mieux que Jésus — le juste mis à mort injustement — peut libérer Saul de l'enfermement dans lequel il vit en persécutant celui qu'il voulait aimer ?
    La vie de Saul devait être une vie, un modèle de sainteté, elle était devenue une vie de meurtre et de souffrances infligées. Une phrase venue du ciel lui révèle l'impasse dans laquelle il s'est fourvoyé. Il en est foudroyé, sonné, aveugle. Ses compagnons de voyage le prendront en charge pour le conduire à destination, ne comprenant pas ce qui vient de se passer.
    Pendant trois jours, Saul reste prostré, sans boire ni manger, dans l'obscurité de son aveuglement. Trois jours comme Jonas, trois jours comme Jésus, avant de recommencer une nouvelle vie...
    ... mais ça c'est une autre histoire, pour dimanche prochain.
    (à suivre...)

    © Jean-Marie Thévoz 2007

  • Amos 5. Réfugiés : quel rôle pour l'Eglise ?

    Amos 5

    17.6.2007


    Réfugiés : quel rôle pour l'Eglise ?


    Amos 5 : 21-24    1 P 2 : 13-17    Luc 20 : 19-26


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Notre Eglise nous invite aujourd'hui à nous rappeler que vivent chez nous des hommes et des femmes qui ont dû fuir leur pays et sont venus se réfugier en Suisse. Nous savons à quel point ce sujet est délicat politiquement et combien il divise en Suisse. L'attitude des Eglise — qui se sont opposées, lors des dernières votations, à une politique plus restrictive — a également été critiquée. L'opinion publique souhaite que les Eglises soient plus actives socialement, mais pas à l'égard des étrangers !
    Comment notre Eglise perçoit-elle sa mission, son devoir, sur un dossier aussi politique que celui-ci ? Eh bien, elle est au cœur d'une tension entre deux devoirs, deux pôles, qui semblent à première vue inconciliables.
    Le premier pôle est le rôle prophétique de l'Eglise. Le rôle qu'avaient les prophètes de l'Ancien Testament de rappeler au roi et à la population la volonté divine. Comme vous avez pu vous en rendre compte, le prophète Amos n'y allait pas avec le dos de la cuillère.
    "Cessez de brailler vos cantiques à mes oreilles… Laissez plutôt libre cours à la justice…" (Amos 5:23-24).
    Le prophète Esaïe tient aussi les mêmes propos (Es 1:10-17). Voilà des prophètes de Dieu qui demandent d'arrêter le culte et toutes les cérémonies tant que le droit n'est pas appliqué ! L'exigence de justice est l'affaire de tous et passe même avant ce qui est dû à Dieu. Voilà pour le pôle prophétique.
    Le deuxième pôle est le rôle que j'appellerai "stabilisateur" de l'Eglise. Par respect pour l'autorité divine, l'Eglise respecte les autorités politiques. "Soumettez-vous à toute autorité" dit l'apôtre Pierre (1 P 2:13) tout comme l'apôtre Paul (Rm 13:1). Les humains ne savent pas vivre sans une organisation étatique qui se réserve le pouvoir et la violence, c'est-à-dire punir les malfaiteurs; c'est la justice opposée à la vengeance privée.
    L'Eglise a donc un grand respect envers l'Etat qui maintient un ordre qui permet de vivre en paix. Cette soumission n'est cependant pas servile, mais critique, c'est-à-dire que l'Eglise doit veiller à ce que l'Etat reste dans sont rôle de serviteur du bien commun.
    Ainsi, le pôle prophétique stimule l'Eglise à s'opposer à l'Etat lorsque celui-ci s'écarte de son rôle civilisateur et le pôle stabilisateur stimule l'Eglise à exercer sa critique avec des moyens légaux, constructifs et respectueux.
    Les adversaires de Jésus ont essayé de le coincer sur cette question du rapport à l'Etat en posant le problème comme une alternative binaire : ou bien… ou bien. "Faut-il payer l'impôt à César ou pas ?" lui demandent-ils, en s'attendant à une réponse oui ou non. C'était un piège puisque si Jésus répondait oui, il serait considéré comme un traître à sa patrie et s'il répondait non, comme un opposant aux romains.
    Mais Jésus ne s'est pas laissé enfermer dans cette alternative. Comme vous le savez, il leur a demandé de lui montrer une pièce de monnaie. Le simple fait que ses adversaires en possédaient sur eux montrait qu'ils profitaient du système, qu'ils étaient impliqués dans l'économie romaine. Aussi peuvent-ils aussi bien "rendre à César ce qui est à César" dans leur propre poche.
    Nous faisons partie d'un Etat, nous profitons de tout ce qu'un Etat de droit nous apporte, aussi est-ce notre devoir, en tant que citoyens, de nous soumettre à ses lois et de collaborer à son maintien. C'est le rôle stabilisateur. Mais Jésus n'arrête pas sa phrase à César. Il ajoute : "mais rendez à Dieu ce qui est à Dieu". Si la pièce de monnaie appartient au trésor public, qu'est-ce qui appartient à Dieu ?
    Dans la foi juive et la foi chrétienne, c'est l'univers tout entier qui appartient à Dieu. Et l'univers englobe aussi bien l'empire romain que nos Etats modernes. Dieu règne au-dessus des pouvoirs publics et c'est ce que nous confessons lorsque nous appelons Dieu "Seigneur". L'Etat n'est donc pas l'instance, l'autorité au-dessus de toute autre autorité. En conséquence, l'Etat et ses lois sont elles-mêmes soumises à plus haut. Dans un régime démocratique, l'instance reconnue au-dessus de l'Etat, c'est le peuple souverain. Oui, c'est le peuple qui donne son pouvoir à l'Etat.
    Mais comme croyants, nous plaçons Dieu au-dessus du peuple. C'est ainsi que l'Eglise peut — avec une extrême prudence, puisqu'elle n'est pas Dieu — dénoncer une décision populaire comme injuste, comme ne respectant pas la justice que Dieu voudrait voir régner sur la terre.
    Je dis bien "avec une extrême prudence" parce que l'Eglise est faillible. Si l'Eglise se veut critique vis-à-vis de l'Etat, elle doit aussi l'être envers elle-même et vérifier, toujours à nouveau — à la lumière de l'Ecriture — ses positions. (Je souligne cela en ayant en tête la décision de la semaine écoulé du Vatican de boycotter Amnesty International parce que cette ONG demande la dépénalisation de l'avortement en cas de viol et de violence contre les femmes.)
    En ce qui concerne l'asile en Suisse, nous avons — en tant que croyants — à nous opposer à tous les mensonges qui sont proférés sur les "abus" et sur "l'envahissement". Nous avons à questionner nos autorités sur ces possibilités d'emprisonner "préventivement" des personnes et surtout des enfants pendant des mois.
    Enfin, nous avons — selon les circonstances — à prendre le risque d'être sanctionnés — c'est ce que prévoient nos lois ! — si nous donnons à manger ou si nous hébergeons quelqu'un sans vérifier qu'il a un titre de séjour valide.
    Comme croyants, nous ne sommes pas appelés à ériger des barricades ou prendre d'assaut les bâtiments de l'administration. Mais nous sommes appelés à rester simplement humains, hospitaliers, généreux — même si la loi nous sanctionne —avec des personnes en état de nécessité qui, bien malgré elles, ont dû quitter leur patrie et tentent de trouver un lieu d'accueil où commencer une nouvelle vie.
    Si nous ne croisons pas directement ces personnes dans notre quotidien, nous pouvons les aider au travers des institutions qui prennent soin d'elles et à qui nous verserons notre offrande de ce jour.
    Tous ces gestes sont importants, mais le plus important de ces gestes, c'est de rendre à Dieu ce qui est à Dieu, c'est-à-dire d'ouvrir notre cœur à notre prochain, geste que les prophètes voient comme l'accomplissement suprême de notre amour pour Dieu.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz 2007

  • Actes 19. Du baptême de Jean à celui de Jésus

    Actes 19

    10.6.2007
    Du baptême de Jean à celui de Jésus
    Ac 19 : 1-10    Ga 3 : 26-29


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Après le récit de la Pentecôte qui ouvre le livre des Actes et l'épisode de Paul et Silas libérés de prison dans la ville de Philippes, voici un nouvel épisode des pérégrinations de l'apôtre Paul.
    Le livre des Actes des Apôtres nous présente les débuts de l'Eglise. Dans une première partie, Actes est centré sur l'apôtre Pierre et l'annonce de Jésus-Christ sur les terres d'Israël d'abord, puis en Syrie. Dans la 2e partie, Paul devient le personnage principal que l'on suit dans ses voyages en Asie mineure (la Turquie actuelle) en Grèce, puis jusqu'à Rome.
    Ce livre nous montre donc le travail au jour le jour des apôtres, les difficultés rencontrées, les succès et les avancées de leur prédication. Paul procède toujours de la même manière : il se rend à la synagogue locale pour y prendre la parole (il est de coutume de permettre aux visiteurs de lire l'Ecriture puis de la commenter). Alors, Paul explique que le Messie annoncé par les Ecritures est arrivé en Israël, il y a à peine 10 ou 15 ans et qu'il s'agit de Jésus de Nazareth, crucifié à Jérusalem.
    Certains, dans la synagogue, reconnaissent Jésus comme le Messie, le Christ ("Christ" est la traduction grecque de l'hébreu "Messie"), d'autres pas. Cela crée des tensions et finalement ceux qui croient en Jésus sont expulsés de la synagogue. A ce moment-là, Paul crée une nouvelle communauté, une Eglise, avec ceux qui croient en Jésus. Mais l'espoir de Paul, c'est que tous les juifs reconnaissent Jésus.
    Dans le récit que vous avez entendu, on retrouve bien ce schéma. Paul reste trois mois à la synagogue, mais doit finalement partir. Dès ce moment, il enseigne dans les locaux d'une école, chez Tyrannus, pendant deux ans, le temps que cette communauté gagne son autonomie.
    Ce qui est particulier à Ephèse, c'est qu'à son arrivée, Paul rencontre des gens qui ont déjà reçu une annonce du Messie. Paul n'est donc pas le seul à parcourir ces pays pour y annoncer la venue du Messie.
    Ce qui est étrange ici, c'est que Paul rencontre des disciples de Jean-Baptiste : ils ont reçu le baptême de Jean, mais pas celui de Jésus. Jean-Baptiste appelait les gens à changer de comportement, à renoncer à vivre loin de Dieu pour se tourner vers Dieu et marquer ce tournant, cette conversion, par un baptême.
    Jésus, lui, demandait à ses disciples de baptiser les nouveaux croyants pour qu'ils puissent recevoir la présence de Dieu et manifester leur foi. Cette présence de Dieu donnée au croyant, c'est l'Esprit saint. C'est ce que reçoivent ces personnes qui ne connaissaient que le baptême de Jean auparavant, lorsque Paul leur impose les mains en les baptisant.
    Nous sommes à une année de l'Eurofoot en Suisse : Avez-vous l'esprit foot ? Faites-vous partie des supporters qui allez dans les stades pour soutenir la Nati en chantant, en criant, en hurlant des slogans ? De mon côté, je suis plutôt footballeur non-pratiquant, je n'ai pas reçu l'esprit foot ! Mais j'aurais plutôt l'esprit Alinghi. Il y a 4 ans, je me levais à 3h du matin pour suivre les courses diffusées depuis la Nouvelle-Zélande.
    Bon, pourquoi est-ce que je vous parle de ça maintenant déjà ? Ah oui, c'est pour démystifier un peu le résultat de ce baptême de Paul au nom de Jésus, dont le récit nous dit qu'il déclenchât chez ces disciples un parler en langues et des déclarations, des messages venus de Dieu. Ce que ces textes expriment par le parler en langues, c'est simplement l'enthousiasme et la joie débordante de ces personnes après leur baptême.
    Pourquoi sont-elles si contentes ? Parce qu'elles ont découvert la différence entre le baptême de Jean et celui de Jésus. Le baptême de Jean marquait la volonté de s'efforcer de suivre tous les commandements divins. C'était un engagement difficile qui demandait beaucoup d'énergie pour être à la hauteur et se maintenir dans la ligne. 
    Le baptême au nom de Jésus, c'est la prise de conscience que quelque chose s'est déjà passé et que l'on peut simplement recevoir comme un cadeau. Que s'est-il passé ? Dieu, à travers Jésus, est venu dire à tous les êtres humains : "vous êtes aimés", "vous êtes acceptés tels que vous êtes, inconditionnellement." C'est fait, Jésus l'a déjà accompli dans sa vie et dans sa Passion. C'est un cadeau que Dieu nous fait, nous n'avons plus à partir à la conquête du Graal, à chercher à être aimés pour ce que nous faisons. C'est déjà donné, chacun peut le recevoir. 
    La foi, c'est croire, accepter que Dieu l'a fait, qu'il a déjà ouvert la porte du chemin qui mène à lui. Pas d'efforts à faire pour trouver la clé de cette porte. Cette porte est ouverte à tous, malgré les barrières, les exigences que décrit la société. Dans la société d'alors, il existait des barrières infranchissables entre grecs et juifs, entre hommes et femmes, entre personnes libres et esclaves.
    Paul nous dit : toutes ces barrières n'existent pas devant Dieu et ne doivent pas exister dans l'Eglise. Tous nous sommes acceptés par Dieu. Quelle libération lorsqu'on réalise cela ! Toute l'énergie, tous les efforts qu'on pouvait mettre pour affirmer sa valeur, envers soi-même ou face aux autres, on peut laisser tomber. Il n'y a rien à prouver à personne.
    Est-on — aujourd'hui — persuadé que ce cadeau est pour nous ? Dieu attend seulement de nous une attitude réceptive (comme un enfant qui tend ses mains). Il nous faut juste accepter de faire de la place, se désencombrer, accepter de faire silence pour entendre cet amour, accepter d'être prêt à recevoir ce cadeau. Après, laissons Dieu agir et nous donner son Esprit, sa Présence.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Genèse 11. De Babel à Pentecôte

    Genèse 11    27.5.2007
    De Babel à Pentecôte
    Gn 11 : 1-7    Ac 2 : 1-11   


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    J'ai choisi de mettre face à face les deux récits bibliques de la Tour de Babel et de Pentecôte. Ces deux récits ont des correspondances — ressemblances et différences — qui permettent de mieux comprendre l'action de Dieu qui nous est relatée dans ces deux temps de l'histoire du salut.
    Le récit de la Tour de Babel vient clore la période mythologique des commencements de la Bible. Après Adam et Eve, Caïn et Abel, Noé et le Déluge, vient la Tour de Babel. Ensuite les personnages historiques entrent en scène avec Abraham, Isaac, Jacob, les patriarches.
    Les récits mythologiques des chapitres 1 à 11 de la Genèse essaient d'expliquer la réalité présente que chacun peut percevoir autour de lui. Le récit de Babel est un type d'explication de l'existence des nombreux peuples à la surface de la terre, des différentes langues et cultures. Pourquoi cette diversité, alors que quelques paragraphes plus haut, on nous disait que l'humanité n'avait qu'un seul ancêtre, Adam et Eve, puis Noé et sa famille ?
    Eh bien, le texte répond : Dieu l'a voulu ! C'est Dieu lui-même qui a dispersé les peuples sur toute la terre et c'est lui qui a brouillé les langues humaines pour que les humains ne puissent pas former un seul peuple. Bizarre décision !
    A partir de là, les interprétations commencent… Les uns disent : Dieu était jaloux de cette unité et de cette force, il a puni les humains orgueilleux en les dispersant. Les autres disent : cette action de Dieu est une bénédiction pour les humains. Dieu, en brouillant les langages, évite la formation d'un unique empire totalitaire où tous les humains seraient asservis à un pouvoir centralisé.
    Alors, bénédiction ou malédiction pour les humains de se retrouver différents, divers, multiples ? Je trouve cette question très importante et intéressante. Est-ce un bien ou un mal pour les humains que cette décision divine ? En bon vaudois, on répondra : "Ça dépend!" Oui, ça dépend d'une décision de principe : comment considère-t-on Dieu ? Comme un Dieu jaloux, méfiant, qui cherche à coincer l'être humain, ou bien comme un Dieu qui a le souci du bonheur de l'être humain et cherche son bien ?
    Toute décision qui nous touche, tout événement qui nous arrive, nous pouvons le prendre comme une bénédiction ou une malédiction, selon la façon dont on considère Dieu. En fin de compte, notre vie tournera vers le malheur ou le bonheur en fonction de ce regard que nous portons nous-mêmes sur ce qui arrive. Ainsi, j'incline plutôt à voir dans la dispersion des peuples et des langages une bénédiction pour l'humanité.
    Dans ce récit de la construction d'une tour qui monte jusqu'au ciel, il y a la mise en garde contre plusieurs impasses sociales et personnelles. La tentation de devenir des dieux à la place de Dieu, c'est-à-dire croire que l'on peut tout savoir, tout prévoir et ainsi faire le bien de nos semblables, comme s'il n'existait qu'une seule sorte de bonheur pour tout le monde. Ou la tentation de dominer, d'écraser en se créant un monopole. Ou la tentation de vouloir monter vers Dieu et l'atteindre, le rejoindre par nos propres efforts.
    Par sa décision, Dieu montre que ce que nous croyons être des chemins vers le bien, le bonheur, ne sont que des impasses qui ne mènent pas là où nous le pensons, elles ne mènent nulle part.

    C'est là qu'intervient le récit de la Pentecôte. Ce récit prend acte de la réalité des différences, de la diversité des langages, de la dispersion. La Pentecôte n'annonce pas d'unification, n'annonce pas une nouvelle langue unique et universelle. La bonne nouvelle de l'évangile n'est pas annoncée dans une seule langue que les auditeurs apprennent ou reçoivent par miracle. Non, l'évangile est prêché dans toutes les langues des destinataires. Ainsi, aujourd'hui, la Bible est traduite en 2'400 langues, pour toucher les gens là où ils sont, dans leurs mots, dans leurs cultures. Pas besoins d'apprendre une langue unique pour lire le livre sacré. Chacun peut recevoir la Parole de Dieu dans sa langue.
    Alors que la Tour de Babel voulait s'élever jusqu'au ciel pour se rapprocher de Dieu, à la Pentecôte, c'est Dieu, sous la forme des langues de feu, qui descend sur chacun, comme il était descendu sur le Sinaï pour remettre la Loi à Moïse.
    Babel exprimait un mouvement ascendant, une quête pour monter vers Dieu. La Pentecôte exprime un mouvement descendant, que Dieu instaure, prolonge — parce qu'il y en a de multiples expressions dans l'Ancien Testament — et rend définitif. Le don de l'Esprit de Dieu est l'accomplissement de la venue de Jésus comme Dieu devenu homme sur la terre. Cet Esprit, cette Présence de Dieu est donnée à tous, ici, sur la terre, dans tous les lieux, aussi dispersés qu'ils soient aux quatre coins du monde.
    L'amour de Dieu est descendu sur la terre. Lorsque nous avons besoin d'être aimés, nous n'avons plus besoin de mettre en œuvre des stratagèmes et des stratégies pour monter le chercher jusqu'au ciel, il est là autour de nous. Dieu nous donne à chacun un nom, il nous appelle par notre nom, nous n'avons plus besoin de nous fabriquer un nom sur la terre, nous n'avons pas besoin de devenir célèbres, il connaît notre nom.
    Nous n'avons pas besoin de monter jusqu'au ciel, Jésus y est monté pour nous auprès de Dieu et maintenant sa présence nous accompagne ici sur terre. Nous pouvons déployer nos activités — non pas pour prouver quoi que ce soit — mais juste pour faire ce que nous devons faire, chacun à notre place. Faire ce que nous avons à faire, non pour attirer le regard de Dieu, les louanges de nos collègues, etc. Mais faire ce que nous avons à faire simplement par reconnaissance, parce que nous avons reçu une place, parce que nous avons reçu des compétences, parce que nous sommes quelqu'un et que nous avons tous la capacité d'aimer.
    Etre nous-mêmes et aimer autour de soi, retransmettre ce que nous avons reçu, voilà comment nous pouvons passer de Babel à Pentecôte.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Actes 3. Le royaume de Dieu est vraiment présent aujourd'hui

    Actes 3

    14,15.06.1997
    Le royaume de Dieu est vraiment présent aujourd'hui
    Es 35:1-7    Ac 3:1-10    Lc 7:16-23


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Ce que j'ai à vous dire ce matin s'inscrit à la suite de Pentecôte, dans le temps de l'Église. La question qui se posait à Luc était : comment vivre avec le Christ, mais après le départ de Jésus. Cela s'inscrit aussi dans le concret d'un dimanche consacré aux réfugiés, à ces prochains en exil chez nous.
    J'ai choisi le récit d'un miracle, celui de l'infirme de la Belle-Porte. Je sais que le miracle fait problème à l'ère scientifique. Aussi je vais d'abord essayer d'en extraire le sens, comme s'il s'agissait d'une métaphore, d'une image. Ensuite, nous verrons pourquoi il était spécialement utile, voire nécessaire de raconter cela sous la forme d'un miracle. Finalement, on verra qu'il y a bien un miracle réel pour Luc et pour nous aujourd'hui.
    1. Luc choisit de raconter un miracle juste après la Pentecôte. Luc est l'évangéliste qui a construit un calendrier précis de Pâques à Pentecôte. Après Pâques, Jésus est resté 40 jours avec ses disciples, à l'Ascension, il a quitté ses disciples et à Pentecôte, l'Esprit est descendu sur les apôtres. La Pentecôte était pour les juifs la fête du don de la Loi au Sinaï, Luc en fait une fête chrétienne du don de l'Esprit. Dans le chapitre 3 du livre des Actes, Luc veut montrer comment se passe la transition : que se passe-t-il lorsque Jésus n'est plus là ?
    Luc choisit l'action, le lieu, les personnages et les mots de son récit. Tout y est significatif, comme dans la vie. Je retiens un premier thème, celui du boiteux. Les boiteux sont très présents dans la Bible. Après sa lutte avec l'ange, Jacob lui-même se relève boiteux et reçoit son nouveau nom : Israël. L'ancêtre d'Israël, du peuple élu est un boiteux. Dans le texte d'Esaïe que nous avons entendu, l'arrivée du Messie est accompagnée de signes :
    "Alors, le boiteux bondira comme un cerf". Lorsque Jean-Baptiste veut savoir qui est Jésus, ce dernier donne comme message "les aveugles voient, les boiteux marchent droit..." Jésus rappelle la prophétie d'Esaïe. Chez Luc toujours, dans l'évangile, dans la parabole des invités qui refusent, des boiteux et des mendiants remplacent les invités prévus et qui se sont excusés.
    Un théologien (Loisy) a dit : "Jésus annonçait le Royaume de Dieu et c'est l'Église qui est venue !", et c'était pour lui une déception. Luc nous dit tout autre chose : Le Messie est toujours présent dans les actes des chrétiens ! Et Luc va insister dans les Actes. Après Pierre, c'est Philippe, puis Paul qui feront marcher et bondir les boiteux. C'est le signe : Jésus est parmi nous, il continue d'agir et de guérir. Faire marcher, avancer ceux qui sont bloqués, arrêtés dans leur existence, c'est vraiment l'affaire de l'Église.
    2. Il ne s'agit pas de n'importe quelle guérison ! L'homme est relevé, remis en marche. Touchées par Jésus, nos vies trouvent un nouvel élan, au-delà de nos paralysies, de nos peurs, de nos blocages.
    Le deuxième thème que j'aimerais souligner, c'est le bondissement du boiteux. Non seulement Luc dit qu'il marche, mais il dit que le boiteux bondit. Chez Luc, bondir ou tressaillir, c'est la réaction provoquée par le contact avec le Messie, le Christ. Jean-Baptiste a tressailli, bondi, dans le sein d'Élisabeth lorsqu'elle a rencontré Marie enceinte. Dans le récit de la Samaritaine, l'évangéliste Jean, parle de l'eau bondissante.
    La phrase qui nous dit que le boiteux bondit est construite d'une façon particulière, sur un axe de symétrie. Le boiteux bondit, marche, entre dans le temps, marche, bondit et loue Dieu. L'élément central de cette phrase est l'entrée dans le temple, entourée comme les colonnes d'un portique par Bondir et Marcher. Au centre, il y a l'entrée dans le Temple qui conduit à la louange.
    C'est ici que se loge le miracle : pouvoir entrer dans le Temple et louer Dieu. Jésus est la Porte du Temple, de l'Église (de la bergerie chez Jean).
    Au contact de Jésus, l'homme souffrant est relevé, l'homme souffrant a accès à Dieu, il entre en contact avec la vie, la vraie vie. L'Église est le rassemblement de tous ceux qui sont tombés et que Dieu relève. Il est à noter que Pierre, qui réalise ce miracle, est le premier des disciples, qu'il est tombé en trahissant trois fois son maître avant le chant du coq et que Jésus l'a relevé.
    3. Bonne nouvelle pour nous : un vrai miracle s'est passé et se passe encore aujourd'hui. Le boiteux a été relevé. Voyons comment cela s'est passé.
    Cet homme attendait à la porte, il désirait des aumônes, il mendiait. Son besoin immédiat, c'est de quoi se nourrir ce jour-là. On en voit aussi chez nous à présent. On est abordé dans la rue : "Vous n'auriez pas 2.-". Il est bon et généreux de contribuer à couvrir ces besoins (et l'offrande de ce jour en faveur des réfugiés va y contribuer).
    Mais une fois l'homme nourri, vêtu, abrité, il y a encore un besoin fondamental à couvrir : être reconnu, être aimé, se sentir digne, recevoir de quoi avoir de l'estime de soi.
    Pierre et Jean n'ont ni or, ni argent, mais ils n'ont pas fermé leur coeur, lorsque le boiteux leur demandait d'ouvrir leur porte-monnaie. Pierre et Jean n'ont ni or, ni argent, mais ils ont autre chose, l'amour qu'ils ont reçu.
    Ils remplaceront donc l'avoir par l'être, l'économie de marché par l'économie du Royaume, la pénurie par l'abondance d'une source inépuisable. Ce qui fait vivre, c'est l'amour échangé, la dignité lue dans le regard, la main tendue, le soutien reçu.
    Certes, il faut de l'argent pour couvrir les besoins, mais cela ne suffit pas, ce n'est pas l'essentiel. S'il manque la dignité, la reconnaissance de l'autre comme égal, l'argent peut devenir une insulte, une façon de se débarrasser d'autrui.
    Samedi dans le journal (Gazette de Lausanne 14.6.97) dans un article sur les requérants d'asiles qui doivent repartir intitulé "L'usure des exilés en sursis", des requérants laissaient paraître leur déception : "Nous sommes venus chercher un peu d'humanité en Suisse. Nous ne l'avons pas vraiment trouvée". Triste constat.
    L'Église a tout reçu du Christ qui s'est fait don pour l'humanité. L'Église à cette tâche de rendre la dignité à ceux qui croient l'avoir perdue, à ceux que l'économie humilie, que la politique refoule, que la société marginalise.
    "Ce que j'ai, je te le donne" dit Pierre. On ne peut donner que ce qu'on a reçu, d'où l'importance de veiller à recevoir, plus précisément à être relié à une source qui nous alimente.
    Dieu est amour. Dieu est source d'eau vive. Dieu nous donne le pain et le vin, et comme nous aimons le chanter le soir en famille avec nos enfants : "L'Éternel est mon berger, Rien ne saurait me manquer."
    Voilà un vrai miracle. Cette surabondance ne peut être exprimée que par le récit d'un miracle. C'est la seul façon de raconter la chose la plus extraordinaire qu'on puisse imaginer.
    Nous avons reçu, nous recevons, nous recevrons continuellement assez pour donner autour de nous parce que nous sommes reliés à l'amour infini de Dieu en Jésus-Christ.
    Amen.


    ©2007 Jean-Marie Thévoz

  • Zacharie 2. "Jérusalem doit rester ville ouverte !"

    Zacharie 2

    6.6.1999

    "Jérusalem doit rester ville ouverte !"

    Za 2 : 5-9    Rm 8 : 35-39    Mt 6 : 19-21


    Ce matin, j'aimerais commencer par vous raconter un rêve. Voici ce que me disait la personne qui a rêvé :
    « Je me trouvais sur une place de la ville. Là, je vis un géomètre qui transportait un de ces bâtons rouge et blanc et un ruban métrique. Comme il allait à la périphérie de la ville comme moi, je lui demandai ce qu'il projetait de faire, sur quel projet il travaillait. Il me dit qu'il faisait des mesures tout autour de la ville en vue de reconstruire les anciens remparts. A ce moment arriva à vélo un postier qui interpelle le géomètre : "Un télégramme pour vous, Monsieur !" L'ingénieur le déplie et le lit à haute voix :
    « Jérusalem doit rester ville ouverte ! STOP Anciens murs trop étroits pour les habitants futurs STOP Autour de la ville, je serai une muraille de feu. Au milieu d'elle, je serai sa gloire STOP » Signé Dieu. »
    Zacharie racontait ce rêve, cette vision aux habitants de Jérusalem. Ces derniers étaient récemment revenu d'exil, de Babylone. Ils étaient revenus dans une ville quasi fantôme et ils étaient préoccupés par leur sécurité, ce qui explique qu'ils aient été stressés et pressés.
    Je crois qu'aujourd'hui nous ne sommes pas moins inquiets, moins pressés, moins stressés. On sent un sentiment diffus d'insécurité, qui vient autant des préoccupations internationales avec leurs retentissement chez nous (par exemple l'arrivée d'un nombre incertain de réfugiés) que des préoccupations économiques. Certes le chômage régresse, mais il reste des gens sur le carreau, à l'assistance alors que le RMR (revenu minimum de réinsertion) ou les rentes AI sont l'objet d'économies. Il y a aussi les préoccupations de notre Eglise, sur son avenir, sa réorganisation, sa restructuration avec son slogan utopique "faire mieux avec moins".
    Au coeur de cette insécurité, Zacharie le prophète nous fait voir deux visions de l'avenir, celle du géomètre et celle de Dieu. La perspective du géomètre, c'est de reconstruire au plus vitre la muraille de Jérusalem pour la mettre à l'abri de toute nouvelle attaque. Il y avait là, autrefois, des murailles et elles ont bien servi; elles se sont révélées utiles bien des fois (sauf la dernière fois). Alors l'attitude prudente, rationnelle, raisonnable, c'est de reprendre les solutions qui ont marché.
    Dieu connaît nos habitudes et notre besoin de sécurité. C'est pourquoi, il envoie un télégramme à Zacharie pour avertir le peuple. C'est la perspective de Dieu. Ce télégramme dit : "Halte ! Vouloir reconstruire le passé est une fausse solution !" Cela ne veut pas dire que les gens du passé avaient tout faux, simplement qu'entre-temps le monde a changé. Aujourd'hui, il faut apprendre à vivre sans les murs de protection du passé. Cela ne signifie cependant pas que nous soyons abandonnés à nous-mêmes, dans l'insécurité totale. Nous avons à apprendre à nous fier à d'autres protections.
    "Jérusalem doit rester ville ouverte !" nous dit Dieu. Il y a deux raisons à cela.
    La première, c'est simplement qu'à l'intérieur des anciens murs, Jérusalem ne pourrait pas accueillir toutes les familles que Dieu veut y rassembler. Il faut penser à l'avenir, au futur, il faut de la place pour les nouveaux habitants, il faut un pays, une ville, une Eglise ouverte pour tous ceux qui vont venir. Il faut des solutions nouvelles pour les nouvelles générations.
    La deuxième raison, c'est que Dieu lui-même s'offre pour assurer notre sécurité. Il sera lui-même une muraille de feu autour de la ville. Ici Zacharie fait allusion à la tradition de l'Exode. Lorsque les hébreux ont enfin pu quitter l'Egypte, ils sont allés vers le désert, vers la mer Rouge. Mais le Pharaon a lancé son armé à leur poursuite. Les hébreux se sont retrouvés acculés à la mer. Alors Dieu a dressé une muraille de feu entre l'armée et son peuple pour le sauver.
    En plus de cette protection, Dieu assure son peuple — donc aussi son Eglise et tous les croyants — de sa présence glorieuse. La gloire, c'est la présence de Dieu dans son Temple, et dès la Pentecôte, en chacun des croyants.
    La véritable sécurité ne peut pas venir de mesures de protections extérieures, de remparts, de serrures ou de blindages. Pour nous sentir en sécurité, nous avons besoin d'être certains de ne rien pouvoir perdre dans les circonstances aléatoires de la vie. Nous avons donc besoin d'une assurance intérieure que  — quoi qu'il arrive — nous resterons entier. Une assurance intérieure qu'on ne peut rien nous voler, rien nous prendre, rien nous ôter. Cela implique de ne pas donner de valeur à nos biens. Au contraire, comme Jésus le dit dans son Sermon sur la montagne : "Ne vous amassez pas des richesses dans ce monde, où les vers et la rouille détruisent, où les voleurs forcent les serrures et dérobent. Amassez-vous plutôt des richesses dans le ciel, où ni les vers ni la rouille ne peuvent détruire, où les voleurs ne peuvent pas forcer de serrures ni dérober. Car là où sont tes richesses, là aussi est ton coeur" (Mat. 6:19-21).
    La confiance dans les temps de changements — qu'ils soient géopolitiques ou internes à l'Eglise — ne peut pas reposer sur des frontières ou des structures, mais réside dans la force et la certitude intérieure. C'est notre être que nous avons à fortifier, à affermir. Cet affermissement vient de la confiance que nous plaçons en Dieu, confiance dans son amour. Un amour qui n'est pas paroles en l'air, mais se montre dans des actes concrets pour nous : Il a donné son fils unique pour notre vie. C'est pourquoi, comme le dit Paul aux habitants de Rome : "Oui, j'ai la certitude que rien en peut nous séparer de son amour : ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni d'autres autorités ou puissances célestes, ni le présent, ni l'avenir, ni les forces d'en haut, ni les forces d'en bas, ni aucune autre chose créée, rien ne pourra jamais nous séparer de l'amour que Dieu nous a manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur" (Rom 8:38-39).
    Fortifiés intérieurement par cette assurance, nous pourrons nous ouvrir sans crainte (sans murs) aux autres et vivre l'expérience "d'amasser des richesses dans le ciel".
    Forts de cet amour reçu, Jérusalem restera ville ouverte et l'Eglise restera une Eglise ouverte.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2007


    D'après "Jérusalem doit rester ville ouverte !", in Samuel Amsler, Le dernier et l'avant-dernier, Etudes sur l'Ancien Testament, Genève, Labor et Fides, 1993, pp. 323-327.

  • Actes 2. Le culte

    Actes 2

    5.6.2005
    Le culte.
    Ac 2 : 36-42    1 Co 14 : 26-33

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Il y a une semaine le Conseil paroissial a vécu une journée de retraite à St-Loup. Nous avons d'abord découvert avec une sœur l'histoire de cette communauté et sa réorientation actuelle; les sœurs ne sont plus responsables de l'hôpital, mais s'occupent d'accueil, d'accompagnement spirituel et de formation théologique.
    Ensuite, nous avons mené une réflexion sur le culte. Je vais librement tirer quelques enseignements de cette réflexion. Je ne suis pas mandaté par le Conseil paroissial pour faire un comte rendu de cette journée, mais il me semble intéressant de parler aussi du culte en paroisse — même pendant un culte. En effet, j'ai remarqué que ce qui paraît évident aux pasteurs — à propos du culte — ne l'est pas forcément pour les paroissiens.
    Je vais donc présenter quelques réflexions sur le culte en 4 points. 1) un rappel sur la raison pour laquelle nous nous réunissons; 2) quelques mots sur le déroulement du culte; 3) sur les officiants et leurs rôles; 4) sur quelques aspects pratiques.
    1) Vous avez entendu deux lectures qui montrent que les premiers chrétiens se réunissaient. Dans les Actes, on trouve une reconstitution — un peu idyllique, peut-être programmatique — de la vie de la première Eglise. Dans la lettre de Paul aux Corinthiens, c'est une tentative de remise à l'ordre d'une communauté où les cultes "partent dans tous les sens." Ce qu'il en ressort en premier lieu, c'est que les chrétiens se rassemblent pour vivre ensemble leur joie d'être aimés de Dieu et pour grandir dans la foi.
    Luc nous dit : ils écoutent l'enseignement des apôtres; ils vivent la communion fraternelle; ils prennent part à des repas de Cène; ils prient ensemble. En résumé, ils nourrissent leur intellect par l'enseignement; leur cœur par les relations mutuelles; leur corps par des repas partagés et leur vie spirituelle par la prière.
    Le culte est un lieu de ressourcement et de restauration, où l'on est restauré dans la relation à Dieu, aux autres, à nous-mêmes et où l'on peut nourrir tous les plans de notre personne. Beau programme non ? Nous nous réunissons donc pour cela, parce que Dieu veut que nous ayons la vie et la vie en abondance.
    2) Quelques mots sur le déroulement du culte. Il n'est pas toujours apparent — lorsqu'on est dans l'assemblée — que le culte est fait de quatre moments principaux, puisque ces moments sont eux-mêmes souvent fragmentés en plusieurs parties.
    Ainsi la première partie est un temps d'accueil, d'entrée dans la communion avec Dieu. Il comprend : Salutations, Invocation, Confession des péchés et paroles de grâce, enfin la Louange.
    Vient ensuite la deuxième partie qui est la partie enseignement, avec la Prière d'illumination, les Lectures bibliques, la Prédication, en général suivie d'un silence pour prolonger la méditation. On appelle aussi ce temps, le temps de la Parole, en référence à la Parole de Dieu prêchée, écoutée, méditée.
    La troisième partie est la réponse de la communauté avec la Confession de foi ou la Cène, la Prière d'intercession et le Notre Père et — dans certaines paroisses — la récolte de l'Offrande dans les bancs.
    La quatrième partie est l'envoi dans le monde avec les Annonces et la Bénédiction finale. Bien sûr, le contenu et les textes de chacune de ces parties peut varier selon les circonstances, selon la place qu'on donne à la Cène ou la présence de baptêmes. Mais ces quatre parties : Accueil, Parole, Réponse de la communauté et Envoi sont présents dans tous les cultes.
    3) Venons-en aux officiants. Dans notre Eglise, le ministre (pasteur ou diacre) tient un grande place dans le culte. Mais le culte est aussi l'affaire des paroissiens. Si le pasteur est tellement présent, ce n'est pas pour des raisons théologiques, plutôt parce que nous avons le privilège — mais jusqu'à quand ? — d'avoir assez de ministres pour présider tous les cultes. En fait, aucune partie du culte n'est réservée au pasteur. toutes les parties du culte pourraient être assumées par des laïcs.
    Le pasteur est simplement la personne, déléguée par la paroisse et l'Eglise, pour présider au bon ordre de l'ensemble. Ce sont des considérations d'organisation qui donnent au pasteur cette place, ce ne sont pas des considérations théologiques. Le pasteur n'a pas de supériorité par rapport aux laïcs, il a simplement plus de temps alloué pour ces tâches. Il est donc possible de diversifier les rôles des paroissiens dans le culte.
    4) Enfin quelques mots sur des aspects tout pratiques. Il est apparu en même temps, que certains trouvent qu'il y a trop de cantiques dans un culte et que pour d'autres le chant est essentiel pour leur foi. Certains ont des difficultés à vivre les temps de silence alors que d'autres les trouvent trop courts. Certains apprécient de n'avoir qu'à écouter les officiants alors que d'autres souhaiteraient pouvoir participer plus activement ou plus librement à la réponse de la communauté. Certains trouvent qu'on ne cesse de se lever et de s'asseoir pour chanter et pour prier. A ce propos, n'oublions pas la liberté de chacun de rester assis, même si l'assemblée se lève.
    Il y a donc une grande diversité d'attentes et de désirs à ce niveau pratique. Et comme on peut s'y attendre, le "juste milieu" risque aussi de ne satisfaire personne ! Le Conseil paroissial va continuer de réfléchir à ces questions et proposera sûrement quelques orientations à mettre en place. Je ne peux donc rien vous annoncer à ce sujet aujourd'hui.
    Pour ma part, je peux vous dire que le Conseil paroissial ou l'Assemblée paroissiale a le souci de ne pas dénaturer le culte paroissial. Nous veillerons à introduire des changements — s'il y en a — en douceur et probablement au travers d'une différenciation des cultes, comme c'est déjà le cas avec les cultes du soir.
    N'oublions pas que nous travaillons aussi en Région et qu'il est aussi possible de jouer sur des différences de tonalité entre les paroisses de la Région, comme nous l'avons fait dimanche passé en invitant les autres paroisses à participer à l'Office de Taizé organisé par les JP à Bussigny.
    Pour terminer, relevons les propos de l'apôtre Paul à la communauté de Corinthe, lorsqu'il s'agit de faire des choix pour le culte, ce qui doit nous guider ce sont ces deux principes :

    "tout cela doit aider l'Eglise à progresser dans la foi" (1 Co 14:26) et
    "Dieu ne nous a pas appelé à vivre dans le désordre, mais dans la paix." (1 Co 14:33).
    Remarquons que Paul n'oppose pas l'ordre au désordre, mais la paix au désordre. C'est la paix de la communauté qui doit nous aider à vivre le culte, à nous aimer les uns les autres et à progresser ensemble dans la foi.  
    Amen

    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Jean 15. "Demeurez dans mon amour"

    Jean 15

    28.5.2000

    "Demeurez dans mon amour"

    Ex 20 : 1-17    1 Jean 4 : 7-10    Jean 15 : 9-17


    L'évangile de Jean est rempli de très beaux textes, qui sonnent bien, qui nous parlent avec des mots simples, mais qui se révèlent — à la relecture — assez difficiles à comprendre. On dirait que Jean joue à faire le plus de phrases possibles avec les mêmes mots, mais dans un ordre différent. Pourtant, il est clair que Jean veut nous faire connaître la pensée de Jésus, son message, sa révélation !
    Dans le passage que nous avons entendu, le fil conducteur c'est "Demeurez dans mon amour" (Jn 15:9). "Demeurez / restez dans mon amour" est pour l'évangéliste Jean la clé de la vie chrétienne, ce qui différencie le chrétien de toute autre personne, ce qui différencie le christianisme de toute autre religion.
    Demeurer dans l'amour de Jésus, ou du Père, est en même temps une situation passive et une attitude active. Le premier mouvement, l'initiative vient de Dieu. C'est lui qui nous aime en premier lieu, nous n'avons qu'à accepter cet état de fait, nous ne pouvons rien faire, ni pour ni contre cela. Ni nos mérites, ni nos fautes ou nos malheurs ne peuvent rien changer à cet acte divin. Dieu à choisi de nous aimer et de nous le dire !
    Ensuite, seulement, vient notre réponse et notre engagement qui sont d'obéir aux commandement de Jésus. "Si vous obéissez à mes commandements, dit Jésus, vous demeurez dans mon amour, comme moi, j'ai obéi aux commandement de mon Père et que je demeure dans son amour" (Jn 15:10).
    Jésus nous a précédé dans cette obéissance, il nous en a ouvert le chemin, il l'a rendue possible, accessible. Il faut bien voir ici le lien entre l'obéissance aux commandements et le fait de "demeurez dans l'amour de Dieu". On ne peut pas douter que Jésus demeurait dans l'amour de Dieu. Il faut prendre la mesure de ce que cela signifie. Rester dans l'amour de Dieu comme Jésus l'a fait, c'est être resté en bonnes relations, en communion étroite avec Dieu. C'est aussi, pour Jésus,  être resté fidèle à lui-même, authentiquement lui-même, avoir préservé et développé sa véritable identité, son être essentiel. Tout cela a été possible pour Jésus au travers de son obéissance.
    C'est très important, voyez-vous, parce qu'aujourd'hui, l'obéissance a été jetée aux orties. L'idée de loi, d'une loi à respecter est devenue quasiment caduque, complètement ringard. On en voit l'effet sur notre société actuelle.
    Deux choses sur la loi et l'obéissance à la loi. D'abord, dans la Bible, il est toujours affirmé que la loi est bonne. Le décalogue est donné par ce Dieu libérateur qui a sorti son peuple de l'esclavage en Egypte. Ce n'est pas pour le soumettre à un nouvel esclavage. La loi est au contraire le garant de la durée de cette libération.
    Ensuite, c'est le Dieu d'amour qui donne la loi. Celui qui comprend que le don de la loi est un acte d'amour n'a plus de problème avec l'obéissance à la loi. Certes, la loi peut être utilisée de manière perverse, comme un moyen d'oppression, pour exercer une tyrannie, et cela s'est vu. Jésus — dans tout son enseignement — s'est battu contre l'emploi tyrannique de la loi et en faveur de la loi qui libère et qui protège. Voyez ses controverses à propos du sabbat, notamment contre l'interdiction de guérir un jour de sabbat. C'est pourquoi Jésus spécifie qu'il a obéi et qu'en conséquence il est resté dans l'amour du Père.
    C'est pourquoi, aussi, il spécifie qu'il ne nous considère pas comme des serviteurs, mais comme des amis. Les serviteurs, les esclaves ou les subordonnés doivent obéir, exécuter des ordres sans comprendre, ce sont des marionnettes ou des robots. Au contraire, les amis, les égaux, les collaborateurs n'exécutent que ce qu'ils comprennent — en conséquence — ils peuvent accepter des tâches pénibles ou difficiles puisqu'ils en reconnaissent la visée et la pertinence.

    "Je vous appelle mes amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j'ai appris de mon Père" (Jn 15:15).
    Nous sommes dans le secret. Nous sommes au courant, informés de la visée des commandements de Dieu et de Jésus. Notre obéissance n'est pas une soumission, mais une adhésion, parce que nous trouvons bon le fait et le résultat de la loi, du commandement.
    La révélation de l'Evangile, la Bonne Nouvelle, est venue au travers de l'enseignement de Jésus qui nous dit la vraie nature de Dieu : "Dieu est amour" (1 Jn 4:8). Il nous dit par conséquent la vraie nature de la loi, sa vraie visée : rendre possible l'amour entre tous les humains, d'où le commandement de Jésus "Ce que je vous commande, donc, c'est de vous aimer les uns les autres" (Jn 15:17).
    La révélation de la bonne Nouvelle est venue au travers de la vie et de la mort de Jésus, parce qu'il a mis en acte cet amour en révélant la nature du mal. Le mal, c'est la lutte, la guerre des uns contre les autres pour des choses matérielles ou pour le pouvoir, la domination. Cette lutte, cette compétition était déjà signalée dans le dernier des dix commandements "Tu ne convoiteras rien de ce qui appartient à ton prochain" (Ex 20:17) car cette envie qui met deux désirs symétriques en compétition est l'amorce de toutes les violences.
    Par sa vie, par sa mort, le Christ a montré comment chacun pouvait renoncer à cette quête de biens ou de pouvoir qui conduit à la mort. "Demeurez dans l'amour du Christ", vivre dans cet amour, c'est adhérer librement au commandement d'amour qui nous dit de renoncer à cette avidité qui détruit toute relation. Ce renoncement à la violence du monde — une violence tellement évidente aujourd'hui — est l'obéissance que Jésus nous demande, une obéissance qui ne vas pas nous laisser démuni puisque Jésus nous dit : "Ainsi, le Père vous donnera tout ce que vous lui demanderez en mon nom" (Jn 15:16).
    Apprenons donc, chaque jour, à marcher dans les pas du Christ — loin de toute violence — pour demeurer dans son amour.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Jean 16. "Il est avantageux pour vous que je parte"

    Jean 16

    3.5.98

    "Il est avantageux pour vous que je parte"

    Jérémie 7 : 21-28    Jean 14 : 12-18    Jean 16 : 4-11


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Lors de mes visites après d'habitants de Bussigny, je rencontre — et cela n'a rien d'étonnant — une grande diversité d'opinionS sur la présence de Dieu dans le monde.
    Le même jour de cette semaine, une personne me disait : "Face à tant d'injustices, sur cette terre, il m'est impossible de croire à l'existence de Dieu". Mais une autre me disait quelques instants plus tard : "Dieu est toujours présent dans ma vie, je le sens, je le ressens, il est comme une lumière sur ma route".
    Dieu est absent du monde pour l'un, présent à le sentir pour l'autre. Qui a raison ? Qui est le plus raisonnable, qui est le plus fou ? Là n'est pas la question. La question est plutôt de savoir comment l'absent peut-il être présent !
    Dans l'Evangile de Jean, Jésus ne cesse d'expliquer aux disciples qu'il va les quitter, qu'il va partir. Cela remplit les chapitres 14, 15 et 16, au point qu'on les appelle "Les discours d'adieu." Ces chapitres sont des réflexions théologiques sur des questions qui préoccupaient les premières Eglises. Le Jésus qu'ont connu les disciples n'est plus présent en chair et en os. Comment la deuxième génération, et les suivantes, peuvent-elles continuer à vivre son absence et sa présence ? C'est aussi notre question : Jésus n'est plus là, mais nous proclamons qu'il est vivant et qu'il est présent dans nos cultes, dans nos vies, dans le monde.
    Il a donc fallu se dégager de l'idée que nous avions besoin du Jésus terrestre, de l'idée que les Douze disciples avaient plus de chance (de croire) que ceux qui viennent après eux, que nous. C'est ainsi que Jésus va dire cette phrase étrange (au moins pour les disciples) : "Il est avantageux pour vous que je m'en aille" (Jean 16:7).
    A. Il est vrai qu'il y a trois avantages pour le croyant. Le premier avantage se situe dans l'espace/temps. La personne historique du Jésus terrestre — parcourant les routes de Palestine au 1er siècle de notre ère, donc localisée dans le temps et l'espace — est remplacée par ce que Jean appelle le Paraclet et que les autres rédacteurs du Nouveau Testament appellent le Saint-Esprit.
    Le Paraclet est le successeur de Jésus après des croyants, mais il est identique au Christ.  En effet, le texte dit "Le Père vous donnera un autre Paraclet" (Jean 14:16) Jésus étant le premier Paraclet. Paraclet signifie littéralement "celui qu'on appelle au secours de quelqu'un". La racine latine de même construction est ad-vocatus, l'avocat, celui qui prend la défense de quelqu'un. D'où l'idée de défenseur ou de consolateur. Le premier avantage est donc le passage du plan historique au plan universel ou cosmique. Le Paraclet, ou Saint-Esprit, peut être présent partout et dans tous les temps.
    B. Cela conduit au deuxième avantage. Il est mis en avant spécialement dans l'Evangile de Jean, de par sa forme d'écriture, de rédaction, de construction.
    On ne peut saisir le sens de la venue de Jésus dans le monde qu'à reculons, à partir des événements de Pâques. Ce n'est qu'un fois la mission de Jésus terminée qu'on comprend (a posteriori) le sens de chacun de ses gestes. (Comme dans un bon roman policier où tous les éléments mis en place petit à petit, mais apparemment sans lien, prennent tout à coup sens dans les dernières pages avec la clé de l'énigme).

    Ainsi les disciples qui ont vu le travail de Jésus avant Pâques étaient dans l'impossibilité de comprendre ce qui se passait et qui il était ! C'est le travail du Paraclet de leur remémorer ce qui s'était passé et De leur enseigner le sens de tout cela. Aujourd'hui, nous ici à Bussigny, nous profitons de ce travail de remémoration et d'enseignement. Nous avons les évangiles et la Bible pour connaître et comprendre. C'est notre privilège de disposer de l'Ecriture. C'est un grand privilège par rapport aux disciples directs. Alors, profitons-en pour lire la Bible, comprendre et croire.
    C. Le troisième avantage est lié aux deux premiers. D'abord Jésus est devenu universel par la venue du Paraclet. Ensuite il est devenu accessible à tous par la Parole contenue dans l'Ecriture sainte. Enfin, le départ de Jésus, extérieur à nous, ouvre la voie à la présence du Paraclet en nous.
    La relation à Dieu ne passe plus par des marques externes (représentées traditionnellement par le Temple), mais par une vie intérieure (ce que Jean appelle le culte en esprit dans son dialogue entre Jésus et la Samaritaine (Jean 4 : 23)). C'est pourquoi Jésus peut affirmer à propos de l'Esprit : "vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il est aussi en vous." (Jean 14 : 17). Il y a une intériorisation de la relation à Dieu. Notre quête de Dieu n'a pas à se tourner vers l'extérieur, vers le monde, mais vers l'intérieur. Nous avons à chercher celui qui habite en nous.
    Déjà le prophète Jérémie s'élevait contre les signes extérieurs de la religion pour inviter à un retour à l'écoute de la voix de Dieu. Ecouter la voix de Dieu — ce que Calvin appelait "le témoignage intérieur du Saint-Esprit" — c'est abolir en nous les obstacles à la présence du Paraclet. C'est ouvrir une brèche où puisse souffler l'Esprit, par l'écoute de sa Parole et la prière; la prière étant le temps et l'espace qu'on se donne pour accueillir Dieu.
    Dieu — présent ou absent — de nos vies, c'est notre choix, notre responsabilité. Il est là, présent en nous, il nous habite, il est prêt à nous donner ce que nous demandons, il est disposé à nous prendre à son service pour que nous puissions faire ce que Jésus a fait et plus encore : "En vérité, en vérité, celui qui croit en moi fera lui aussi les oeuvres que je fais : il en fera même de plus grandes, parce que je vais au Père."
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Jean 13. Jésus prend la place du plus humble.

    Jean 13

    11.3.2007

    Jésus prend la place du plus humble.

    Marc 14 : 12-17    Marc 14 : 18-25    Jean 13 : 1-14

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers catéchumènes et parents,

    Nous vivons le temps de la Passion — du Carême — c'est-à-dire le temps — après mardi gras jusqu'à Pâques — où nous retraçons les événements qui ont conduits au procès et à l'exécution de Jésus sur la croix. A Pâques, nous fêterons sa résurrection. Pendant ce temps de la Passion, Jésus a enseigné et vécu des moments forts avec ses disciples, les 12 compagnons qu'il a choisis pour l'accompagner dans ce parcours.
    L'enjeu de cet enseignement et de ces signes c'est que les disciples comprennent ce qui arrive à Jésus, une fois que tout sera accompli. L'enjeu, c'est que les disciples comprennent le sens de la mort de Jésus. Aussi Jésus les prépare-t-il.
    Les lectures bibliques nous rapportent deux événements qui prendront leur sens après la mort de Jésus : le lavement des pieds des disciples et le dernier repas, qu'on appelle la sainte cène. Je les prends ensemble, parce que l'Evangéliste Jean place précisément le lavement des pieds à l'emplacement où les autres Evangélistes placent la sainte cène. En effet, dans les deux récits sont intercalés l'annonce de la trahison de Judas et l'interrogation des disciples pour savoir s'il s'agit d'eux-mêmes et se passent le jour avant le jugement et l'exécution de Jésus.
    Ce repas du soir est le moment choisi par Jésus pour faire connaître — par un signe, un geste concret — que son destin, qui va basculer dans les heures qui suivent, n'est pas le produit du hasard, mais un événement qui a du sens, qui a une portée, un effet sur chaque personne qui va entendre parler de Jésus et de sa mort.
    Par ces gestes, le lavement des pieds et la sainte cène, Jésus nous montre qu'il choisit cette voie, ce destin. Il n'est pas une victime qui n'y peut rien et qui va subir ce qui va lui arriver. Jésus choisit d'affronter le tribunal, il choisit d'affronter la mort, il choisit d'affronter l'injustice du monde, il choisit cela parce qu'il sait que cela va transformer les humains et le monde.
    Et c'est vrai que depuis ce moment-là, il y aura toujours des chrétiens pour dénoncer les injustices,  les crimes et les violences des puissants.
    Par ces gestes, le lavement des pieds et la sainte cène, Jésus nous montre que la voie qu'il suit est celle de l'abaissement. Il choisit de se mettre au niveau du plus petit, du plus humble, de celui qui n'a aucun droit, de celui qui n'a aucune voix pour protester, de celui qui se fait constamment moquer, écraser, rembarrer. Jésus prend la place du serviteur qui a les tâches les plus humbles, les plus dégoûtantes.
    En cela, Jésus montre qu'il n'y a rien d'humiliant, rien de dégoûtant lorsqu'on choisit librement de le faire.
    Et c'est ainsi que les chrétiens vont se mettre à construire des hospices et des hôpitaux pour accueillir gratuitement les malades couverts de plaies et de pus que personne ne voulait laver et soigner. Et c'est comme cela qu'est venue la dénonciation de l'esclavage, puis plus récemment du travail des enfants ou de l'exploitation actuelle des ouvriers et ouvrières de Chine qui fabriquent nos ordinateurs. Jésus s'abaisse jusqu'à nous, jusqu'au plus petit d'entre nous pour nous dire notre vraie valeur. Personne n'est trop bas pour Jésus.
    Vous vous sentez petits, faibles, indignes, fautifs ? Vous ressentez durement le regard des autres qui vous fait vous sentir petits, inadéquats, pas assez bien… ? Jésus ne vous regarde pas comme cela. Il a lavé les pieds de ses disciples, c'est lui qui les rend propres, qui les purifie.
    On pourrait penser qu'il nous lave parce qu'il nous voit sales. Et bien, écoutez ce qu'il dit à Pierre qui comprend tout à coup le comportement de Jésus et lui demande de le laver entièrement. Jésus lui dit : "Celui qui a pris un bain n'a plus besoin de se laver, sauf les pieds, car il est entièrement propre" (Jn 13:10). Ce que Jésus veut dire, c'est comme à la plage, en sortant de l'eau et en se séchant, on a toujours encore les pieds plein de sable, c'est la vie. Ce n'est pas parce qu'on n'est pas totalement irréprochable qu'on est tout noir et inacceptable. Les fautes, les erreurs font partie de la vie et Jésus ne les retient pas pour nous accuser. Il nous rend juste. Il nous considère comme acceptables, comme pardonnés, comme dignes d'amour.
    En s'abaissant jusqu'au plus bas des humains, il renverse toutes les valeurs. La grandeur de l'être humain, elle est dans le service. La valeur de l'être humain est dans ce qui est invisible, dans son cœur. La vraie vie, elle est dans la confiance. C'est ainsi que Jésus nous invite à manger à sa table, à nous restaurer, à retrouver notre estime de soi.
    En vous remplissant de la vie de Jésus, vous n'aurez plus peur que les autres vous considèrent comme faibles, indignes, incapables, fautifs… Seul l'avis de Jésus sur vous compte vraiment. Et Jésus vous considère dignes de manger avec lui de partager sa vie avec nous, de vivre en nous nourrissant de sa vie.
    C'est pourquoi Jésus dit (Apoc 3:20) "Ecoute, je me tiens à la porte et je frappe, si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte j'entrerai chez lui, je mangerai avec lui et lui avec moi."
    A nous de répondre à son invitation.
    Amen

  • Actes 16. Liberté intérieure

    Actes 16

    13.5.2007

    Liberté intérieure

    Luc 9 : 22-25    Ac 16 : 16-24    Ac 16 : 25-34

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Voilà un bien étrange épisode de la vie de l'apôtre Paul, que cet emprisonnement et cette libération à la prison de Philippes. Comment lire ce texte, le comprendre, en comprendre la signification spirituelle ?On peut le lire littéralement, comme un reportage journalistique qui rapporte des faits avérés. Alors, on se dit : quelle coïncidence, ce tremblement de terre, c'est vrai que les séismes sont fréquents dans cette région. Mais est-ce que c'est Dieu qui les déclenche, avec toutes les conséquences dramatiques qui en découlent ? Je ne peux pas croire en un tel Dieu !Ou alors, Dieu fait un miracle en n'ébranlant que le bâtiment de la prison. Mais, je ne vois pas cela se reproduire dans notre temps, notre époque, alors ce Dieu s'est-il éloigné de nous ? La coïncidence ou le miracle rendent Dieu plus éloigné, plus distant, moins crédible. Alors, comment comprendre ce récit ?
    Je pense qu'on peut le lire comme une parabole, comme une métaphore, comme la projection dans la réalité physique d'une réalité spirituelle. Comme la projection dans le texte au travers de mots représentant des choses d'un état d'esprit intérieur aux personnes.
    Dans la situation qui nous est exposée — la vue de l'extérieur — d'un côté : Paul et Silas ont été jetés en prison, immobilisés par des entraves en bois. De l'autre côté : le gardien a bien refermé les portes, il est monté à l'étage et vit ainsi, libre, dans son appartement.
    Paul et Silas sont prisonniers et le gardien est un citoyen libre.  Mais le récit introduit le doute dans cette disposition logique : Paul et Silas prient et chantent des hymnes. Les autres prisonniers les écoutent. Le comportement des deux apôtres est étrange, les autres prisonniers ne s'y trompent pas ! La prison n'est pas un lieu où l'on est reconnaissant d'être. La louange y est déplacée. Or Paul et Silas chantent et louent Dieu, ils expriment leur confiance, leur joie ! Pour eux cette prison, ils peuvent la voir comme une église. Ils peuvent prendre la vie — toute la vie, y compris cet épisode — comme un sujet de louange, comme un sujet de reconnaissance.
    Ils témoignent ainsi d'une confiance inébranlable, la confiance de celui qui sait que sa vie, sa valeur, est conservée ailleurs, hors d'atteinte de ceux qui leur veulent du mal, hors d'atteinte des événements circonstanciels de la vie. Dans cette prison, ils ne se sentent pas emprisonnés, ils ne se sentent pas menacés, ils ne se sentent pas abattus.
    Dans cette prison, Paul et Silas gardent toute leur liberté intérieure. Même si leurs corps ne le peuvent pas, leur esprit peut entrer et sortir librement de cette prison. Cette liberté, le récit l'exprime par l'ouverture de toutes les portes (expliquée par ce tremblement de terre). Aucune porte physique ne peut entraver la liberté intérieure des apôtres.
    Ce tremblement de terre métaphorique nous ouvre au renversement de situation que ce récit veut exprimer. Paul et Silas sont libres bien qu'ils paraissent enfermés. Le gardien semble être libre dans son appartement, alors qu'il est habité par l'angoisse constante que ses prisonniers ne s'évadent.
    (A l'époque, le gardien répond sur sa vie de la sécurité de sa prison. Si ses prisonniers s'enfuient, c'est lui qui en paie le prix et le prix peut être sa vie !)
    Le gardien est prisonnier de ce système et de sa hiérarchie. On peut imaginer son angoisse — qui va jusqu'à le pousser au suicide — s'il sent que ses prisonniers lui échappent. Or Paul et Silas chantent… Le gardien, qui doit maîtriser la situation, voit que Paul et Silas lui échappent — même s'ils ne sortent pas. Ils sont libres, même s'il ne partent pas. En résumé : vu du dehors, Paul et Silas sont emprisonnés et le gardien est celui qui a le pouvoir et la liberté. Vu du dedans, c'est le contraire. Paul et Silas sont libres et le gardien est esclave de sa hiérarchie et il dépend de ses prisonniers.
    Le gardien vit dans l'angoisse et c'est Paul qui le rassure, comme si le gardien avait fait un cauchemar en rêvant que tous ses prisonniers s'étaient évadés. Paul lui dit : "Tout est normal, on est tous là." Et le gardien se rend compte de son angoisse et que sa vie est un enfer dont il veut être sorti. C'est pourquoi il demande à Paul : "Comment puis-je être sauvé ?" (Ac 16:30). Comment être sauvé de cette impasse où j'assure ma propre sécurité par mon travail, mais qu'en conséquence je me trouve assujetti aux circonstances et aux autres ?
    Comment devenir libre, autonome intérieurement ? Comment pouvoir prier et chanter quand tout tourne mal autour de soi, à l'extérieur ? Paul répond très simplement : "Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé" (Ac 16:31).
    Etre sauvé, c'est être sorti du ballottement des circonstances en s'ancrant en Dieu. (Ce n'est pas pour rien que la foi est symbolisée par une ancre.) Croire en Jésus, ce n'est pas se mettre à croire à des choses invraisemblables, ce n'est pas se mettre à faire du bien… Croire en Jésus, c'est changer de vision du monde, surtout la vision de notre monde intérieur.
    Qu'est-ce que ça veut dire ? Voir la vie comme un cadeau de Dieu, recevoir la vie comme un enfant reçoit — avec une confiance totale — la vie et l'amour de ses parents. Un enfant reçoit la parole d'un adulte comme une vérité, il ne comprend pas encore pourquoi, mais il a confiance que l'adulte lui veut du bien, il le croit. (C'est pourquoi il est terriblement pervers lorsqu'un adulte profite de cette confiance pour manipuler un enfant à son profit.) Croire, c'est assurer sa vie en Dieu, ne la faire dépendre que de lui.
    Jésus disait à ses disciples : "Celui qui voudra gagner sa vie la perdra…" et encore "Que sert à l'homme de gagner le monde entier, s'il se perd lui-même ?" (Luc 9:24-25). L'enjeu est son propre être, comment le sauver de l'angoisse du manque, du souci et de l'inquiétude, de la peur de ne pas être aimé ?
    Le récit de Paul et Silas dans la prison de Philippes nous dit que la situation extérieure, les circonstances ne déterminent pas notre état intérieur. Notre état intérieur dépend de notre relation à Dieu, de notre confiance en lui, en Jésus.
    Croire en Jésus, c'est se laisser aller à cette confiance, marcher sur cette voie de la confiance en Dieu qui redonne vie et liberté à notre être intérieur, de sorte que nous puissions prier et louer Dieu en toutes circonstances.  
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Jean 21. "Je ferai de vous des pêcheurs d'hommes"

    Jean 21

    22.4.2007

    "Je ferai de vous des pêcheurs d'hommes"

    Mt 4 : 18-24    Jean 21 : 1-14    Actes 2 : 22-25+40-42

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Entre le reniement de Pierre et sa prédication assurée devant le peuple de Jérusalem, il y a eu un événement qui a tout changé pour Pierre et les autres disciples. Entre la croix et le matin de Pâques, il y a eu la résurrection, nous disent les Evangiles, et puis Jésus est apparu plusieurs fois et en divers lieux aux disciples. La résurrection reste un mystère que nos mots ne peuvent pas expliquer rationnellement. Les apparitions de Jésus restent marquées par du surnaturel qui échappe à notre compréhension logique.
    Aussi, ce matin, je souhaite parler a votre cœur plutôt qu'à votre cerveau. Je vous invite à laisser flotter votre pensée au fil du récit que je vais vous faire : juste pour entrer en résonance avec une expérience vécue par d'autres hommes. Vous pouvez — si vous le souhaitez — fermer les yeux, vous détendre et juste écouter leur histoire.
    Sur une plage de galets, quelques hommes sont assis. Les têtes sont penchées. Ils ne regardent pas le ciel du soir qui rosit au-dessus de l'eau. Un poing serre les mailles d'un filet. Les doigts sont crispés. Les mains désoeuvrées. L'un des hommes soupire. Il faudrait réparer quelques mailles. Mais le cœur est trop lourd. Les nœuds sont dans les ventres.
    Depuis quelques jours ces hommes sont de retour chez eux. Ils auraient dû reprendre le travail. Mais dans leurs têtes tournent et tournent les souvenirs et la peine. La mort de Jésus a retiré toute force de leurs bras.
    Il y a trois ans, ils avaient sauté de joie lorsque Jésus les avait appelés à le suivre, à partir avec lui sur les chemins de Galilée. Ils étaient plein d'ardeur lorsque Jésus leur avait montré le but : "Je ferai de vous des pêcheurs d'hommes" (Mt 4:19).
    Et Jésus leur avait montré comment on redonne la vie, l'énergie, le dynamisme à ceux qui ne croyaient plus rien possible, qui croyaient leur avenir définitivement bouché. Il avait fait marcher les paralysés de la vie. Il avait fait entendre ceux qui étaient sourds à la tendresse. Il avait fait voir ceux qui étaient aveugles à l'amour. Il avait redressé les effrayés et les angoissés. Jésus savait sortir les gens de leur isolement, de leurs peurs, des murailles qu'ils avaient eux-mêmes élevées autour d'eux. Il savait arracher les gens à leur vie sans vie, à la mort. Mais maintenant, lui-même était mort à Jérusalem.
    Et les hommes, sur la plage de galet, ressassaient ces pensées.
    Ils avaient bien eu un sursaut, trois jours après la mort de Jésus, lorsqu'il leur était apparu, leur certifiant que c'était bien lui ! Ils l'avaient bien cru. Ils avaient été bouleversés. Ils s'étaient réjouis. Ils avaient repris goût à la vie. Ah, la vie était bien plus forte que la mort. Dieu lui-même avait arraché Jésus aux eaux infernales de la mort (Ps 18:17, Ps 144:7).
    Tout joyeux, ils en avaient parlé autour d'eux, mais ils ne rencontraient que le scepticisme, le doute, l'incrédulité. "C'est impossible. On n'a jamais vu ça. Vous vous faites des idées pour tromper votre chagrin. Vous avez eu des hallucinations. Vous prenez vos désirs pour des réalités."
    Alors, ils étaient rentrés à la maison, découragés, déçus. Ils étaient là sur cette plage de galets — où tout avait commencé et où tout était fini. Plus personne ne les arracherait à cette vie qui n'en vaut plus la peine.
    Ils étaient là, avec leurs nœuds dans le ventre, avec une vie qui n'avait plus que le goût du sable. Et Pierre ne avait assez de retourner sans fin sa tristesse dans sa tête. Il se leva : "Je vais pêcher." "Nous venons aussi avec toi" dirent les autres. Mais la mer était aussi vide que leur cœur.
    Au matin, un homme sur le rivage leur demande du poisson. Ils n'ont rien. Alors, il leur ordonne de retourner, de dépasser leur découragement et leur fatigue. Lui sait que la mer est remplie. Lui sait que chacun se sent seul et isolé, perdu, alors que la terre n'a jamais été aussi peuplée et les moyens de communiquer aussi développés. Lui a cette confiance, c'est pourquoi il les renvoie jeter le filet, accomplir leur destinée de pêcheurs d'homme, d'arracheur de mort, de peur, de solitude.
    Et les disciples reviennent avec un filet plein à craquer. Plein à craquer de tout ce qu'ils n'avaient pas vu précédemment, parce qu'ils n'y croyaient pas.
    Jésus a déjà mis du poisson à cuire (d'où vient-il ?), il leur demande le leur parce qu'il est important de joindre ensemble ce qui vient du ciel et ce qui vient de la terre, lier ensemble ce qui vient de Dieu et ce qui vient des humains.
    Alors les yeux des hommes s'ouvrent sur la présence de Dieu au cœur de leur vie ordinaire, de leur routine qui avait le goût du sable. Alors la vie, la vraie vie descend en eux et chasse la mort qui n'a plus sa place.
    Le poisson qu'ils ont pêché est le même poisson qu'ils mangent tous les jours, mais il est mêlé au poisson que Jésus a apporté, alors il a le goût de la fête, le goût des retrouvailles, le goût d'un avenir ouvert, à vivre ensemble, un goût de vraie vie. Alors sur ces yeux qui brillent, sur ces lèvres qui s'arquent en sourire se dessine la question : "Qui est-il ?" Mais personne n'ose la poser, parce que la réponse s'impose d'elle-même.
    Celui qui partage le pain entre tous, celui qui donne la Présence qui nourrit le cœur d'une nourriture toute nouvelle qui enfin rassasie : Il est là !
    Celui dont la Présence fait se dissoudre nos peurs. Celui dont la Présence nous laisse ouvrir notre cœur à l'autre. Celui dont la Présence panse et guérit nos blessures intérieures. Il est là !
    Il est là sur la plage de notre vie. Et il nous appelle — à nouveau : "Viens, suis-moi et je ferai de toi un vivant et un pêcheur d'hommes pour sortir des existences mortes, pour marcher dans la vraie vie."
    Amen
    © Jean-Marie Thévo, 2007