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education - Page 29

  • Exode 19. Dieu descend sur le Sinaï pour se révéler

    Exode 19

    21.9.2008
    Dieu descend sur le Sinaï pour se révéler
    Ex 19 : 1-11    Ex 19 : 16-25   

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Avec ce récit de l'Exode, nous sommes au cœur de la révélation biblique : c'est le moment où Dieu se révèle à son peuple, au peuple qu'il a choisi. Le peuple se trouve au Mont Sinaï, à l'endroit où Moïse a vécu l'épisode du buisson ardent (Ex 3). Après cette révélation personnelle — où Moïse a appris que Dieu avait entendu les cris de détresse des Hébreux en Egypte et l'a envoyé en mission — c'est au tour du peuple d'Israël de rencontrer son Dieu.
    Il a fallu une préparation, un chemin pour arriver à cette révélation. Elle va se dérouler et nous allons regarder de près comment cela nous est raconté. Cette révélation va se passer en deux étapes. Pendant la première étape, il y a une remémoration de ce que Dieu a déjà fait pour le peuple, puis l'annonce et la description de ce qui va se passer.
    Dieu rappelle la délivrance d'Egypte. Le Dieu qui va se révéler est le Dieu libérateur. Cela se répétera au chapitre suivant qui nous donne le Décalogue : c'est bien le Dieu libérateur qui donne la Loi, les 10 commandements. Ce Dieu qui va se révéler offre une alliance au peuple d'Israël, alliance signifie protection de la part de Dieu et obéissance aux commandements de la part du peuple.
    Cette alliance transforme la nature même du peuple d'Israël. Le vocabulaire ici est intéressant. Le peuple qui n'était qu'une nation parmi les nations — le mot utilisé pour "nation" est le mot "goy", le mot que les juifs utilisent pour parler des non juifs, des romains autrefois — cette nation devient une "nation consacrée", devient le peuple de Dieu. Israël passe du statut de nation étrangère au statut de peuple de Dieu.
    Ensuite, Dieu annonce qu'il va descendre vers Moïse et le peuple. Dans tout ce chapitre 19, il y a un jeu entre les mots "descendre" et "monter." Moïse ne cesse de monter, puis de redescendre de la montagne. Et voilà que Dieu va descendre vers Moïse et vers le peuple.
    Il est précisé que Dieu va descendre "aux yeux de tout le peuple" (Ex 19:11). C'est très étrange, puisqu'il est interdit de voir Dieu et qu'il est encore répété au v. 21 que le peuple ne doit pas se précipiter vers la montagne "pour voir Dieu" de peur de mourir. Mais peut-être y a-t-il une différence entre "apparaître aux yeux de" et "chercher à voir" comme il y a une différence entre "être réceptif" et "chercher à percer le mystère." Une autre piste pourrait être dans une interprétation symbolique par glissement du vocabulaire. Dans certains textes (comme Ex 15:27) le mot œil est utilisé pour désigner la source : un œil d'eau est une source. Notre texte pourrait alors se comprendre comme disant : "Dieu descendra pour être la source de tout le peuple."
    Après le temps de l'annonce de la révélation, vient un intermède, un temps pour se préparer, pour se purifier. La deuxième étape, la révélation elle-même suivra. Elle est introduite (au v. 16) par ces mots : "Le troisième jour, à l'aube…" (Ex 19:16). Cela ne vous rappelle-t-il rien ? Il y a vraiment des résonances entre tous les textes bibliques. Les évangiles nous disent — dans les annonces de la Passion — que le Fils de l'Homme ressuscitera le troisième jour et les femmes se rendent au tombeau à l'aube du premier jour de la semaine. Le tombeau vide sera aussi le lieu d'une révélation étonnante !
    Mais revenons à notre récit. Le troisième jour, donc, Dieu se révèle dans le fracas du tonnerre et des éclairs, dans la nuée — qui a conduit le peuple depuis le passage de la mer Rouge— et dans un son, le son de la corne de bélier, le schophar. Cette corne est sonnée dans les fêtes du nouvel an juif et de Yom Kippour, la fête du Grand Pardon. Ce son du schophar est la voix que le peuple entend. Seul Moïse entend les paroles de Dieu (Ex 19:16).
    Et voilà que le texte nous dit que Dieu descend sur le sommet de la montagne du Sinaï (Ex 9:18, 20). Dieu descend vers Moïse, il rejoint les humains. Il y a un intéressant parallélisme de nouveau. On nous dit d'abord que Dieu descend et que la fumée monte, puis on nous répète que Dieu descend et fait monter Moïse. La fumée qui monte rappelle les sacrifices de bonne odeur qui sont entièrement brûlés et qui plaisent à Dieu. Avec le parallélisme, on peut dire que toute personne qui monte vers Dieu, qui cherche la rencontre avec Dieu est comme ce sacrifice de bonne odeur, il est une source de joie et de plaisir pour Dieu.
    Lorsque Moïse est monté rejoindre Dieu qui est descendu sur le sommet du Sinaï, il est dit : "Moïse parlait et Dieu lui répondait par une voix" (Ex 19:19). Le dialogue s'instaure, le dialogue avec Dieu est possible pour toute personne qui se met en quête de Dieu. Dieu transmet sa parole à qui s'approche de lui avec un cœur réceptif et préparé.
    Après ce dialogue, Moïse redescend vers le peuple et lui transmet ce qu'il a reçu. Il ne nous est pas dit directement ce que Moïse transmet au peuple, mais comme le chapitre suivant expose le décalogue, on peut bien penser que Moïse leur communique les 10 Paroles qui vont assurer la vie et la liberté de chacun. Le chapitre se termine donc sur cette transmission.
    Ce qui est intéressant là, c'est ce que le texte ne dit pas ! Un silence très révélateur !
    A aucun moment, le récit ne dit que Dieu est remonté du Sinaï au ciel. Le texte a dit que Dieu descendait, mais il ne dit pas qu'il remonte. Une façon indirecte de nous dire la chose la plus importante du message biblique : Dieu reste auprès de nous, il nous a donné sa Présence pour toujours. Cette présence est là, dans le son du schophar, dans la Parole et l'Alliance, dans la loi et la grâce, dans la vie du Ressuscité sorti du tombeau à l'aube du troisième jour. Dieu est descendu et sa Présence est toujours parmi nous !
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Matthieu 16. Pierre est une fois dans le juste et une fois dans le faux

    Matthieu 16

    7.9.2008
    Pierre est une fois dans le juste et une fois dans le faux
    Mt 3 : 13-17    Mt 16 : 13-20    Mt 16 : 21-23

    Les deux derniers textes que vous venez d'entendre peuvent se résumer en trois phrases de Jésus :
    - Qui croit-on que je suis ?
    - Qui croyez-vous que je suis ?
    et - Je ne suis pas celui que vous croyez !
    Du temps de Jésus, les gens pensaient qu'il pouvait être Jean-Baptiste, ou Elie, ou Jérémie : de grands prophètes, c'est-à-dire des porteurs, des transmetteurs de paroles, de messages venus de Dieu.
    Que dit-on aujourd'hui — si l'on veut remplacer le vocabulaire biblique par des mots d'aujourd'hui ? On entendra : c'était un grand homme, un humaniste ou un humanitaire, un visionnaire ou un idéaliste, ou pourquoi pas un réformateur de la religion juive, un révolutionnaire social ou un doux rêveur.
    Après les réponses de la société, Jésus retourne la question vers ses disciples, donc aujourd'hui vers son Eglise, vers nous. Qui est Jésus pour nous ? Qui est Jésus pour nous, sans utiliser de mots bibliques ? Quelqu'un veut-il risquer une réponse ?
    Je pense que je peux dire qu'il est une inspiration, un modèle, le plus humain des humains, ou celui qui nous fait découvrir en même temps ce qu'il y a de plus humain en nous et ce qu'il y a de plus divin ou universel en nous. Mais c'est difficile de se passer du vocabulaire biblique !
    Dans notre idée de Jésus, il y a ce qui vient de l'extérieur, ce qu'on nous a appris (peut-être au catéchisme), dicté, ce que nous avons entendu et enregistré. Et puis, il y a ce qui vient de l'intérieur, ce que nous avons cherché, élaboré, réfléchi. Ou ce qui s'est éclairé en nous : "Ah oui, c'est ça pour moi !"
    Lorsque Pierre répond à Jésus : "Tu es le messie" il y a une conviction qui vient de l'intérieur : Jésus est en communion avec Dieu, il parle vrai, il touche le cœur, il libère des énergies en nous ! Et dans ce même mot "messie", il y a ce qui vient de l'extérieur, de la tradition juive, de l'époque où le peuple juif attendait un libérateur militaire pour chasser les Romains.
    Jésus voit ces deux aspects, intérieur et extérieur, et il répond à Pierre ne prenant un aspect après l'autre. "Tu es heureux, Simon, fils de Jean, car ce n'est pas un être humain qui t'a révélé cette vérité, mais mon Père qui est dans les cieux." (Mt 16:17). Oui, Pierre peut être heureux de reconnaître ce lien entre Jésus et Dieu, cette communion. En découvrant ce lien, Pierre peut entrer dans cette communion et être lui-même en lien avec Dieu. Ce lien fait de Pierre un membre fondateur de l'Eglise.
    Mais Jésus doit aborder le second aspect, l'espérance d'une libération militaire. Jésus doit dire à ses disciples : "Je ne suis pas celui que vous croyez !" Et Jésus leur parle — dès ce moment — "ouvertement" dit l'Evangile, de ce qui doit lui arriver. Il dévoile ce qu'on a appelé sa "messianité souffrante." C'est dans la faiblesse, c'est dans l'acceptation totale de son humanité mortelle que Jésus va accomplir son destin d'envoyé de Dieu.
    Il y a là un retournement que Pierre ne peut accepter et qui lui vaudra le fameux "Vade retro Satanas" (arrière de moi Satan, Mt 16:23). Mais Pierre n'est pas le seul ! Chaque fois que quelqu'un dit : "Si Dieu existait, il ne laisserait pas faire cela, les guerres, les accidents, la souffrance des enfants, etc." Chaque fois, c'est un Pierre qui s'ignore, c'est un Pierre qui dit "Dieu t'en garde, cela n'arrivera pas !" (Mt 16:22).
    Oui, c'est incroyable, Dieu a renoncé à sa toute-puissance, Dieu a renoncé à son pouvoir, à sa suprématie. Dieu change son mode d'intervention. Il accepte la condition humaine, il accepte la fragilité, la vulnérabilité, il accepte de souffrir et de mourir.
    C'est — aujourd'hui encore — aussi inacceptable et incompréhensible pour nous que pour Pierre ! Et pourtant, il l'a fait ! Et ce même Pierre — qui était une fois dans le juste et une fois dans le faux — est resté le disciple de Jésus. Jésus ne recherche pas des gens infaillibles, invulnérables, tout-puissants. Non, Jésus a choisi l'autre voie, celle de l'acceptation de la dimension humaine pour nous servir d'inspiration, de modèle.
    Jésus nous sauve du devoir d'être capable de tout, d'être compétent en tout, d'être toujours efficace et performant, de tout prévoir et de tout réussir. Jésus nous sauve du devoir de faire le bonheur de nos enfants, de nos proches, de nos voisins.
    Jésus, comme inspiration et comme modèle, nous permet d'abord, et nous apprend ensuite, à accepter nos limites, nos vulnérabilités, nos défauts, ce qui nous permet ensuite d'accepter aussi nos compétences, nos capacités et nos points forts.
    Regardez ce qui se passe lors du baptême de Jésus : Jean Baptiste voyant Jésus venir à lui veut refuser ce qui lui est demandé. "C'est moi qui ai besoin d'être baptisé par toi et c'est toi qui viens à moi." (Mt 3:14). Mais Jésus — voyant que Jean Baptiste est conscient de ses limites — lui redonne capacité et autorité. Jésus lie sa vie et sa destinée à des personnes faillibles, Jean Baptiste, puis Pierre, puis nous !
    Dieu — en Jésus — renonce à sa toute-puissance pour nous faire de la place, pour nous permettre d'exister, de vivre, d'agir en liberté et avec responsabilité. Nous avons à agir, nous avons à prendre nos responsabilités dans la vie et donner le meilleur de nous-mêmes, mais il ne nous est pas demandé de devenir des surhommes. Nous vivons dans une société qui voudrait que nous soyons des surhommes, que nous réussissions tout ce que nous entreprenons, que nous n'ayons jamais besoin des autres, de leur aide ou de celle de la société.
    Jésus nous appelle à reconnaître notre humanité dans la sienne : nous ne vivons pas tout seuls. Dans un temps de notre vie, nous pouvons donner aux autres, et dans un autre temps, n'ayons pas honte de demander aux autres. La vie est faite d'échanges, un temps pour donner, un temps pour recevoir, un temps pour servir et un temps pour être servi (Jn 13:8).
    N'ayons donc pas peur de montrer nos fragilités, elles sont simplement la marque de notre humanité. Cette humanité que Jésus est venu pleinement habiter.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Jean 15. "Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron," dit Jésus

    Jean 15    8.8.1999
    "Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron," dit Jésus
    Esaïe 5 : 1-7        Jean 15 : 1-9

    Les vignerons sont récompensés, la vigne est célébrée, la fête bat son plein, la Fête des Vignerons enchaîne ses spectacles. Peut-être avez-vous eu l'occasion de participer à cette fête des couleurs, du mouvement et des sons ?
    Au centre de tout cela : la vigne et le vin, le travail des hommes pour faire pousser cette plante, en recueillir le fruit et en transformer le moût en boisson de fête, en boisson enivrante.
    Tout autour de la Méditerranée, la vigne a été considérée comme un cadeau des dieux. Le spectacle de la Fête des Vignerons en rappelle les origines dans la mythologie grecque ou latine.
    Il n'est pas dit explicitement dans la Bible que la vigne est un don spécial de Dieu aux humains. Elle mentionne cependant que Noé en a été le premier cultivateur. La vigne est cependant — avec l'olivier et le figuier — rattachée à l'idée messianique. Lorsque les explorateurs que Moïse avait envoyé vers la terre promise, le pays de Canaan, sont revenus, ils ont rapporté une grappe de raisins si grande qu'il fallait deux hommes pour la porter. Vigne et vin témoignent de la générosité de Dieu envers les humains.
    Mais la vigne a aussi une autre symbolique très forte dans la Bible : elle est l'image même de la relation de Dieu avec son peuple. Dieu est un vigneron qui a défriché une parcelle, qui l'a entourée d'un mur et qui y a planté une vigne. Il l'entoure de soins attentifs, il la taille et l'émonde, il en attend le fruit. C'est l'image d'un homme amoureux de sa vigne et de son parchet. Il y passe des heures, il ne ménage pas sa peine. Il la soigne, la bichonne avec amour, avec espoir.
    ... Nous qui aimons voir le résultat immédiat de notre travail, de nos attentions, de nos démarches. Quel contraste...
    Le vigneron est un être de patience. De la Saint-Martin à la vendange, du pressoir à la bouteille, combien de temps faut-il pour apprécier le résultat de son labeur ? Dieu est patient. Il ne compte ni son temps, ni sa peine pour prendre soin de son peuple, pour l'appeler, l'éduquer, le conduire vers le bonheur et l'abondance.
    Hélas, combien souvent l'attente de Dieu reste-t-elle sans réponse ? Le fruit se fait attendre. Israël a compris certains événements de son histoire comme la réaction de Dieu à ses errements. Dieu s'est fâché contre sa vigne, il l'a laissé piétiner, envahir, il l'a laissée — temporairement — à l'abandon.
    Mais Dieu n'abandonne jamais ses projets pour l'être humain. Il s'est remis au travail. Il redonne une chance à chacun. C'est dans ce contexte d'une nouvelle chance, d'un nouveau départ, que Jésus annonce la bonne nouvelle :

    "Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron" (Jean 15:1)
    Jésus est la figure du nouvel Israël, le premier-né d'un nouveau peuple, de la nouvelle vigne du Seigneur.
    "Je suis la vraie vigne". Cette fois, la vigne sera sans défaillance, le cep est le vrai cep, établi par le Père, soigné par le Père, aimé pleinement par le Père. La relation entre le Père et le Fils est claire : Dieu a établi Jésus pour être la racine et le tronc du nouveau peuple des croyants, du nouvel Israël.
    Et cette phrase en écho, en réponse, qui nous inclus dans cette relation : "Je suis le cep et vous êtes les sarments" (Jean 15:5). Nous sommes les sarments, nous, croyants du XXe siècle, nous sommes attachés au Fils, nous sommes issus du Fils. Nous sommes les sarments, cela signifie que nous puisons notre sève, notre subsistance au coeur même du Fils.
    C'est en cela qu'il peut déclarer — comme une affirmation et non comme un simple souhait : "Vous êtes purs" (Jean 15:3). La pureté, ici, est donnée par le Christ, ce n'est pas quelque chose que nous pourrions acquérir par notre comportement. La pureté ne tient pas aux résultats de nos actions, mais à la source à laquelle nous puisons. Si l'eau de la source est pure, alors nous sommes purs, alors nous porterons de bons fruits. C'est pourquoi Jésus — dans l'Evangile de Jean — répète sans cesse : "Demeurez-en moi". Cela signifie : restez attachés au cep, restez branchés à la source, à cette source infinie qu'est l'amour du vigneron pour sa vigne :

    "Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour". (Jean 15 : 9).
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Néhémie 8. Un peuple rassemblé pour écouter la Loi.

    Néhémie 8    1.8.1999
    Un peuple rassemblé pour écouter la Loi.
    Néhémie 8 : 1-12    Deut. 4 : 25-31    Luc 15 : 1-7

    Voilà, cette année (1999), le premier août tombe un dimanche ! Dommage pour un jour qui vient d'être déclaré férié, mais aussi une chance, une occasion pour l'Eglise de réfléchir au sens d'une fête nationale, une fête où les éléments politiques, historiques et religieux sont mêlés. Le premier août, une occasion pour les habitants de ce pays, de réfléchir à l'identité suisse, aux valeurs portées — volontairement ou involontairement — par l'image de la Suisse.
    Que nous le voulions ou non, que nous soyons porteurs d'un passeport à croix blanche ou non, nous sommes solidaires des bons et des mauvais côtés de la "Suisse". Quand Piccard réussit son tour du monde, nous nous sentons proches de lui. Quand l'équipe suisse perd son match, nous nous sentons proches d'elle. Que nous le voulions ou non, nous partageons le sort de la Suisse, nous partageons ses succès comme ses fautes. Et il nous arrive de pleurer sur le sort ou les fautes de la Suisse, de ses représentants ou de ses entreprises...
    C'est ce qui arrive aussi au peuple d'Israël réuni à Jérusalem dont nous parle le récit de Néhémie. Situons ce rassemblement dans l'histoire d'Israël : après la période des rois qui ont succédé à David et Salomon, le pays d'Israël a été conquis par l'empire d'Assyrie, et le peuple — surtout ses dirigeants et ses dignitaires — ont été déplacés, exilés à Babylone. Le Temple de Jérusalem a été détruit. L'Exil a duré 50 ans, jusqu'à ce que Cyrus le roi des Perses prenne Babylone et permette le retour des Israélites à Jérusalem. C'est un petit reste qui revient et reconstitue le culte et les traditions. Plus tard, Esdras et Néhémie vont, ensemble, réorganiser la vie politique et religieuse, en faisant reconstruire la ville et le Temple et restructurer ce nouveau départ en replaçant au centre du culte la lecture de la Loi donnée à Moïse.
    Le récit que nous avons entendu nous fait revivre cet événement : le peuple assiste à la lecture de passages de la Torah. Dans ces lectures pouvait figurer le texte du Deutéronome que vous avez entendu. Cette lecture, accompagnée d'explications, produit visiblement une grande émotion auprès des auditeurs : Ils se mettent à pleurer.
    Ces pleurs sont troublants, les lévites lecteurs ne s'attendaient pas à cette réaction. Pour eux, la loi est un sujet de joie. La loi est bonne nouvelle. La loi est un message de réconfort, annonce de la bienveillance de Dieu. Pourtant, le peuple pleure... Ces larmes peuvent dire beaucoup de choses. Certes, en général, les larmes sont signes de tristesse, de chagrin, mais pas seulement.
    Le peuple d'Israël peut verser des larmes de tristesse suite au rappel des fautes commises par leurs ancêtres ou par eux-mêmes. N'est-ce pas triste de voir à quel point nous offensons Dieu ?
    Mais ces larmes peuvent aussi être le résultat de la reconnaissance de la bonté dont ils sont l'objet, le peuple racheté, sauvé, libéré du joug de l'esclavage. Reconnaître que malgré ses fautes ou ses erreurs, on est encore, toujours, aimé. Cela peut conduire aux larmes. Ces larmes sont alors, non des larmes amères, mais la redécouverte d'une source de vie qui était tapie et oubliée au fond de soi.
    Ces larmes sont un prélude à un recommencement, un nouveau départ, celui que permet le pardon. Les israélites, auditeurs de la loi, se sont reconnus personnellement dans les anciennes paroles de Moïse (Deut. 4). Ils se reconnaissent comme héritiers de la promesse, même au travers de leur parcours et de leurs fautes. Cette reconnaissance peut alors déboucher sur la fête, sur la joie.
    Les déportés revenus à Jérusalem peuvent renouer avec l'identité du peuple d'Israël, une identité qui ne fait pas l'impasse sur ses moments d'obscurité, mais qui mise sur la grâce de Dieu qui offre un nouveau départ. Ainsi, ces Israélites au coeur nouveau peuvent-ils organiser la fête et y inclure tout le monde. L'amour de Dieu n'est-il pas si grand qu'ils peuvent partager ce qu'ils ont avec ceux qui n'ont rien ?
    Ici en Suisse, nous avons aussi passé par des épreuves. Nous n'avons pas eu toujours l'occasion d'être fiers de ce que nous avons fait, dans le passé ou dans le présent. Nous avons des raisons de confesser nos fautes, de nous repentir et de pleurer. Mais ce n'est que la moitié du chemin. Tirons de nos fautes des enseignements, recevons le pardon que Dieu nous offre et préparons la fête de ce soir. Non pas dans l'esprit de "il n'y en a point comme nous", mais avec la conviction que Dieu nous invite à la joie, à la joie du berger qui a retrouvé sa brebis perdue, à la joie de Dieu lorsqu'un pécheur s'est repenti.
    Faisons la fête comme les Israélites firent la fête : "tous rentrèrent chez eux pour manger et boire; ils partagèrent leur repas avec ceux qui n'avaient rien et se livrèrent à de grandes réjouissances. Ils avaient en effet compris le sens du message qu'on leur avait communiqué". (Néh 8 : 12).
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Esaïe 57. A la croisée des chemins, Dieu renonce à la colère et choisit d'aimer

    Esaïe 57

    17.8.2008
    A la croisée des chemins, Dieu renonce à la colère et choisit d'aimer
    Es 57 :14-19    Es 62 : 1-5    Luc 13 : 6-9

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous voici arrivés dans la troisième partie du livre d'Esaïe. Nous avons vu le prophète Esaïe, fils d'Amots, à l'œuvre entre 740 et 700 av. J.-C. dans la première partie du livre. Le prophète était conseiller des rois et le schéma théologique était en gros le suivant : quand les dirigeants obéissaient à Dieu, ils étaient victorieux; quand ils désobéissaient, ils perdaient face à leurs ennemis.
    120 ans plus tard, Jérusalem est dévastée par les babyloniens, le Temple détruit et le peuple et ses dirigeants emmenés en Exil. Un nouveau prophète — anonyme — encourage les exilés en leur disant, vous êtes punis, mais la punition prendra fin. Dieu vous enverra un libérateur et vous pourrez rentrer d'exil et vous établir à nouveau sur la terre promise. Cela se passe effectivement lorsque Cyrus, roi des Perses, défait Babylone en 540 av. J.-C. et permet, par décret, aux juifs de retourner sur la terre d'Israël.
    S'ouvre alors une troisième période, avec des messages contenus dans les chapitres 55 à 66 du livre d'Esaïe. Le retour se fait petit à petit, mais sans gloire. Le retour est difficile, les terres sont occupées par ceux qui sont restés. Ceux qui reviennent ne sont pas les bienvenus. Jérusalem est toujours en ruine et le pays ne retrouve pas son indépendance. Pas de gouvernement autonome, pas de nouveau Temple. La vie est plutôt misérable. La punition continue-t-elle ?
    Là au milieu, le prophète cherche à comprendre, cherche à percevoir, à discerner la volonté de Dieu. Dans la liturgie, nous avons entendu les prières que le prophète partage avec son peuple :
    - repentance et appel à Dieu "ah si tu déchirais le ciel et si tu descendais" (Es 63:15-19);
    - la grâce au travers de la mission du Messie de "remplacer les marques de tristesses par autant de marques de joie" (Es 61:1-3)
    - la louange : "le Seigneur est pour moi une source de joie débordante" (Es 61:10-11).
    Quelle est l'intention de Dieu, le sentiment de Dieu à l'égard de son peuple ?
    Et le prophète a une révélation. Et il traduit pour nous le travail de réflexion, d'introspection de Dieu lui-même. Il semble qu'on l'entend réfléchir :
    "Moi, le Dieu saint, j'habite là-haut, mais je suis avec les hommes qui se trouvent accablés et ont l'esprit d'humilité, pour rendre la vie aux humiliés, pour rendre la vie aux accablés. (…) Les torts d'Israël m'ont irrité un instant. Dams ma colère je l'ai frappé, je ne voulais plus le voir. Mais il est resté infidèle, il n'en a fait qu'à sa tête, je connais bien sa conduite.
    Or voici ce que sera ma revanche : je le guérirai, je le guiderai, je le réconforterai ! Quant à ceux qui portaient le deuil, je mettrai sur leurs lèvres des exclamations de joie. Paix pour les plus lointains, paix pour les plus proches, dit le Seigneur. Oui, je guérirai mon peuple." (Es 57:15,17-19)
    Oui, on assiste-là au travail de pensée intérieur de Dieu lui-même. On le sent à la croisée des chemins, comme le propriétaire du figuier stérile (Luc 13:6-9). Face à ce peuple récalcitrant, que faire ? Les sanctions n'ont pas porté de fruits. La punition n'a rien donné, elle n'a pas ramené son peuple à lui. Que faire ? Faut-il abattre l'arbre et le brûler ?
    Quand on se demande quoi faire — et qui n'a pas été devant une telle situation face par exemple à un enfant adolescent ou à un employé au travail ? — il est de bon conseil de se demander : au fond, qui suis-je ? Qui est-ce que je veux être dans ma vie ?
    Etre et actions sont intimement liés. Ce que je fais façonne aussi qui je suis, alors, ce que je suis, ou veux être, doit guider ce que je fais.
    Qui suis-je — se demande Dieu — ou pour être plus modeste : qui est Dieu se demande le prophète. Dieu est le Très-Haut, celui qui est saint et très élevé, le Tout-Autre. Mais il est aussi celui qui s'est révélé à Moïse, dans le buisson ardent, comme celui qui entend les cris de son peuple maltraité en Egypte (une figure de l'Exil). Dieu ne peut pas rester lui-même si son amour des humains, de son peuple, ne dirige pas ses actions.
    Et nous le voyons — dans ces mots du prophète — reconnaître qu'il a été irrité, qu'il a punit, sanctionné, et que cela n'a pas donné d'effet. Et nous le voyons revenir à son être-même, renoncer à la colère pour tendre la main et reproposer, inlassablement, son amour. A la croisée des chemins, Dieu renonce à la colère et choisit de revenir vers son peuple pour le guérir, pour lui apporter la joie et la paix.
    L'amour peut comporter des temps de colère, des actes de punition. Poser des normes, des interdits dans l'éducation est un acte d'amour. Tenir aux principes, les faire respecter, sanctionner est un acte d'amour aussi, lorsque c'est fait avec mesure et proportionnalité.
    Mais l'amour sait aussi revenir après la colère, pardonner après la transgression, réhabiliter après la sanction. Et c'est le rôle du fort de faire le premier pas, de proposer la réconciliation et d'effacer l'ardoise. Voilà ce que Dieu décide, après réflexion, un retour unilatéral vers son peuple, vers ceux qui sont accablés, humiliés. Malgré tout, il décide de guérir, guider, réconforter son peuple et de le faire avec joie.
    Dans le deuxième texte que nous avons entendu (Es 62:1-5), le prophète compare ce retour à une noce, un mariage La relation avec Dieu peut être joyeuse, un plaisir, un bonheur, comme la rencontre du marié avec la mariée. La relation à Dieu prend deux dimensions dans cette troisième partie du livre d'Esaïe.
    Une dimension personnelle, interpersonnelle d'abord. Tout en restant communautaire — l'individualisme n'as pas encore le sens et l'importance d'aujourd'hui — la relation est personnelle entre Dieu et l'être humain, c'est une relation de cœur et de volonté, une relation qui engage l'intérieur de l'être humain. On connaît les violentes diatribes des prophètes contre les signes extérieurs de religiosité qui ne sont pas accompagnés d'une justice personnelle et sociale par exemple. Voilà pour la dimension personnelle : elle demande de l'authenticité et de la sincérité.
    L'autre dimension, très présente chez le prophète, c'est l'universalité. Jérusalem devient une sorte de phare dans le monde pour faire connaître l'amour que Dieu a pour son peuple. "Les nations constateront que le Seigneur t'a délivrée, tous les rois contempleront ta gloire." (Es 62:2). Le Temple, lorsqu'il sera rebâti, sera une "maison de prière pour tous les peuples" (Es 56:7) comme le rappellera Jésus lui-même. Il y a une volonté de réconciliation de l'humanité toute entière sous la bannière de l'amour que Dieu a pour tous les humains.
    - L'amour de Dieu bien plus fort que sa colère,
    - une relation personnelle et engagée envers Dieu,
    - un amour universel et inconditionnel pour tous les humains.
    Ces trois thèmes sont exposés dans cette troisième partie du livre d'Esaïe et verront leur déploiement s'effectuer dans la personne et le message de Jésus, quelques siècles plus tard. Ils sont encore, pour nous, la manifestation vraie de l'être de Dieu.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Esaïe 53. Un prophète partagé

    Esaïe 53

    10.8.2008
    Un prophète partagé
    Es 51 : 12-16    Es 53 : 1-5    Ac 8 : 26-38

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous avons vu dimanche passé que la première partie du livre d'Esaïe s'inscrit dans l'histoire du peuple juif entre les années 740 et 700 av. J.-C. Le prophète Esaïe, fils d'Amots, conseille les rois dans leur politique, afin que Dieu leur assure la victoire, ou au moins la survie. L'idée de base est le lien entre obéissance à Dieu et victoire sur les ennemis, la désobéissance conduisant à la défaite.
    La première partie du livre d'Esaïe se termine sur la libération miraculeuse du siège de Jérusalem, ce qui confirmait le schéma d'Esaïe. Cependant, un peu plus d'un siècle plus tard, l'empire de Babylone s'empare de Jérusalem, détruit le temple et déporte les habitants vers Babylone. Une nouvelle réflexion s'impose sur le rôle d'Israël et de Dieu dans ces nouveaux événements. Le Dieu d'Israël a-t-il été battu par les dieux babyloniens ? Ou bien Dieu a-t-il abandonné son peuple ?
    Un nouveau prophète, anonyme, se lève pour encourager le peuple déporté à Babylone. Ses paroles sont recueillies et appondues au premier livre d'Esaïe. Elles forment les chapitres 40 à 55. Que nous dit ce prophète ? Il annonce la délivrance du peuple déporté. Il annonce que Dieu n'a pas abandonné son peuple, il ne l'a pas oublié, au contraire : il prépare son avenir, son retour vers la terre promise.
    Le prophète affirme que le Dieu d'Israël est le maître des éléments naturels : "il excite la mer, il fait mugir les flots" (Es 51:15), bien plus, "il a déploié le ciel et posé les bases de la terre" (Es 51:13). Dieu règne sur l'univers, il est le maître des rois et des peuples et il a déjà convoqué Cyrus, le roi des Perses pour envahir Babylone et libérer le peuple juif pour qu'il puisse retourner sur la terre promise.
    Ce langage est dans le prolongement de la pensée d'Esaïe, fils d'Amots. Un prolongement qui va un peu plus loin, puisque la souveraineté de Dieu ne s'étend pas seulement au peuple d'Israël, mais à toutes les nations, à la terre entière. L'inconvénient de cette affirmation, c'est d'éloigner Dieu de son peuple !
    Si Dieu est le maître de l'univers, pourquoi aurait-il encore à se préoccuper de ce petit peuple d'Israël ? Et pourquoi ce peuple plutôt qu'un autre ? Si Dieu est le maître de l'univers, cela renforce l'idée que tout vient de Dieu, aussi bien le bonheur et la délivrance que le malheur et l'adversité.
    Le prophète est partagé. Il ne peut pas y avoir que la voie de la puissance, de la force, de la violence. L'action de Dieu ne peut pas se voir que dans l'Histoire. Dieu n'a-t-il pas d'autres projets pour son peuple, pour les humains ?
    Le prophète est partagé parce que dans le projet de Dieu de délivrer son peuple, il voit — au-delà du projet politique — tout le cœur, tout l'attachement, tout l'amour que Dieu a pour ces gens qui souffrent. Le but de Dieu est de redonner confiance et espoir à son peuple, de lui redonner vie, d'ôter le sentiment d'abattement, de découragement, de faute.
    Le prophète découvre une autre facette de Dieu, celle du Dieu qui vit au côté de son peuple, du Dieu qui ressent ce que ressentent les humains. Le prophète découvre combien Dieu veut abolir la distance entre lui et les humains, combien Dieu veut abolir cette mécompréhension qui fausse cette relation entre humains et Dieu.
    Cela lui inspire les quatre poèmes du "serviteur souffrant" (Es 42:1-4; 49:1-6; 50:4-9; 52:13—53:12) mystérieux textes où se montre non seulement la miséricorde, la compassion de Dieu, mais où toutes les valeurs sont renversées. Où l'être humain découvre que tout ce qu'il croyait savoir de Dieu est remis en question :
    "Qui de nous a cru la nouvelle que nous avons apprise ?
    Qui de nous a reconnu que le Seigneur était intervenu ?
    Car devant le Seigneur, le serviteur a grandi comme une simple pousse, comme une pauvre plante qui sort d'un sol desséché. Il n'avait pas d'allure ni le genre de beauté qui attirent les regards. Il était trop effacé pour se faire remarquer.
    Il était celui qu'on dédaigne, celui qu'on ignore, la victime le souffre-douleur. Nous l'avons dédaigné, nous l'avons compté pour rien, comme quelqu'un qu'on n'ose pas regarder.
    Or il supportait les maladies qui auraient dû nous atteindre, il subissait la souffrance que nous méritions.
    Mais nous pensions que c'était Dieu qui le punissait ainsi, qui le frappait et l'humiliait.
    Pourtant il n'était blessé que du fait de nos fautes, il n'était accablé que par l'effet de nos propres torts. Il a subi notre punition, et nous sommes acquittés; il a reçu les coups, et nous sommes épargnés. (Es 53:1-5)
    Nous croyions que Dieu était opposé à nous et il est de notre côté. Nous croyions ne pas être digne de lui et il s'abaisse jusqu'à nous. Nous croyions qu'il nous punissait, alors qu'il souffrait notre propre souffrance !
    Ces paroles du prophète anonyme — ajoutées au livre d'Esaïe — sont comme un filon d'or qui parcourt le terreau de la Bible. Ces paroles permettront de comprendre la Passion de Jésus — qui donne sa vie à notre place, comme le serviteur souffrant.
    Comme nous l'avons entendu dans le récit de la conversion du fonctionnaire éthiopien, ces paroles d'Esaïe ont servi de catéchisme pour comprendre la mort de Jésus, le don de sa vie.
    Dieu n'est pas un Dieu lointain, un Dieu distant qui tire les ficelles d'un monde qui nous dépasse. Dieu, au contraire, se veut proche de nous, de chacun d'entre nous, du plus petit au plus âgé, du plus fort au plus faible. Dieu se place lui-même à nos côtés, dans le bonheur comme dans le malheur. Il n'est pas là pour ôter les pierres, les obstacles qui se trouvent sur notre chemin, mais pour nous aider à les contourner, les écarter ou les surmonter.
    Dieu nous soutient dans tous les moments de notre vie. Nous pouvons lui faire confiance et vivre de cette force.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Esaïe 1. Un prophète dans les tourmentes politiques

    Esaïe 1

    3.8.2008
    Esaïe, un prophète dans les tourmentes politiques
    Es 1 : 21-28    Es 2 : 1-5

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Ce dimanche et les deux prochains, j'aimerais vous conduire dans les paysages variés et accidentés du livre du prophète Esaïe. Le plus long livre de prophète de la Bible, 66 chapitres, se présente en fait un trois parties. La première partie (chap. 1-39) présente la collection des paroles du prophète Esaïe, fils d'Amots, paroles prononcées entre 740 et 700 av. J-C., sous les règnes successifs de quatre rois de Juda.
    Le pays du peuple élu est alors divisé en deux royaumes, celui du Nord, appelé Royaume d'Israël et celui du Sud, appelé Royaume de Juda, avec Jérusalem comme capitale. Esaïe conseille donc les rois de Juda, à Jérusalem.
    Pendant ces 40 années, l'empire assyrien s'empare du Royaume du Nord (720) et grignote le Royaume de Juda, jusqu'à assiéger Jérusalem (701).  Cependant, les  troupes assyriennes lèvent le siège et s'en vont, sans prendre la capitale. Cette libération est vue comme un miracle de l'action divine à l'égard de son peuple. Les messages d'Esaïe s'arrêtent sur cette note d'espoir.
    Le prophète est un conseiller critique des rois. Pendant toute cette période mouvementée et menaçante, il apporte les oracles de Dieu. En résumé, les rois veulent se prémunir militairement contre l'envahisseur assyrien (qui vient du nord) en concluant des alliances avec l'Egypte (au sud). Esaïe prône une politique de neutralité : pas d'alliance militaire, seule l'alliance avec Dieu peut préserver Juda et Jérusalem. Il faut mettre sa confiance en Dieu, pas dans les armes.
    Le prophète délivre ses messages à contretemps et à contre-courant. Quand la menace militaire se fait forte, il rappelle l'exigence de se reposer sur Dieu seul et soutient l'espoir de la délivrance. Quand l'étau de relâche, il prêche le jugement de Dieu : attention à ne pas se reposer sur nos forces humaines et à ne pas négliger la justice.
    C'est pourquoi cette première partie du livre d'Esaïe est remplie — ce qui rend sa lecture difficile — de jugements, de condamnations, d'annonces de châtiments, pour Israël, Juda, Jérusalem, mais aussi tous les peuples voisins.
    Fondamentalement, il y a dans le livre d'Esaïe une recherche de compréhension du sens de l'histoire, de ce qui arrive au peuple de Dieu. En fait, les malheurs ne cessent d'arriver pendant toute la période d'activité du prophète. Le territoire du pays ne cesse de rétrécir, jusqu'à n'être plus que la citadelle de Jérusalem ! Que fait Dieu pendant ce temps ? Pourquoi cela arrive-t-il à son peuple, à celui qu'Il a choisi ?
    Esaïe essaie de répondre à ces questions à partir d'un axiome de base : "Tout est entre les mains de Dieu." En partant de là, comment comprendre les malheurs qui ne cessent d'arriver ? Et comment garder espoir ?
    Esaïe expose alors que ces malheurs sont la sanction des fautes des dirigeants et du peuple. A cause de l'injustice, des crimes et de l'idolâtrie, Dieu punit son peuple jusqu'à ce qu'il revienne dans le droit chemin. Ce schéma : "le malheur est une punition - le repentir conduit au retour en grâce" est très culpabilisant, mais comporte aussi une espérance : la possibilité de revenir à la justice, au juste culte, à la juste relation avec Dieu.
    Ce schéma signifie également que ces malheurs ne sont pas une défaite du Dieu d'Israël face aux dieux assyriens, Dieu garde le contrôle et reprendra la main en temps voulu.
    La délivrance de Jérusalem en 701 — racontée comme miraculeuse dans le livre d'Esaïe et dans son parallèle en 2 Rois (c'est un ange du Seigneur qui décime l'armée assyrienne pendant une nuit devant Jérusalem, Es 37:36 et 2 R 19:35) — vient confirmer ce schéma. Cette délivrance de Jérusalem est vue comme la fin du châtiment, le retour en grâce et valide — temporairement — le schéma de pensée d'Esaïe : transgression - punition - retour en grâce.
    Il est intéressant de noter que la Bible nous montre un processus de pensée théologique en cheminement. Avec d'autres témoignages bibliques (Job dans l'Ancien Testament, les Evangiles dans le Nouveau) nous ne pensons plus comme Esaïe, que nos malheurs sont une punition méritée (du moins j'espère que vous ne le pensez pas !) Mais la Bible n'a pas peur de laisser et de montrer des voies qui se sont révélées sans issue. On voit que la découverte de l'être, de la nature de Dieu s'est faite aussi par essais-erreurs et que le souvenir d'erreurs passées peut nous éviter de les reproduire aujourd'hui. La grâce et l'amour fidèles de Dieu priment sur le jugement.
    La validation du schéma d'Esaïe par la délivrance inexpliquée de Jérusalem explique probablement pourquoi deux autres parties sont venues s'ajouter à cette première partie du livre d'Esaïe. Le livre pourrait se terminer là sur une victoire de Dieu sur les armées assyriennes. Mais l'Histoire (avec un grand H) ne le permettra pas. 113 ans après cette délivrance miraculeuse, l'empire de Babylone s'empare de Jérusalem, la détruit et déporte les élites. C'est l'Exil.
    A ce moment-là, il faut repenser la théologie d'Esaïe, il faut explorer d'autres pistes théologiques. Sans effacer cette première partie — qui témoigne des relations entre Dieu et son peuple, des efforts de compréhension et des relations mutuelles — il faut écrire de nouvelles pages à l'histoire de Dieu et de son peuple. C'est une relation en mouvement, en marche, pour nous encore aujourd'hui.
    Nous explorerons donc dimanche prochain cette nouvelle étape avec la deuxième partie du livre d'Esaïe (chap. 40-55). A dimanche prochain.
    Amen
    @ Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Jean 15. Donner de l'amour — pas n'importe lequel — à nos enfants

    Jean 15

    2.9.2007
    Donner de l'amour — pas n'importe lequel — à nos enfants
    Ga 5 : 22-26    Jn 15 : 9-13


    Chères familles, chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Ces baptêmes ont été accompagnés et nourris d'une part d'un texte sur l'amour entre parents et enfants / enfants et parents et d'autre part par un verset biblique choisi pour E. : "Le fruit de l'Esprit est : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi." (Ga 5:22-23)
    Personne ne s'étonne que l'amour soit au cœur de la relation parents-enfants (en tout cas tant que les enfants sont petits). L'amour est aussi au centre de la relation entre Dieu et les êtres humains. Le christianisme est entièrement centré sur la notion d'amour, un amour qui circule entre Dieu et Jésus, un amour que Dieu éprouve pour tous les humains. Un amour que Dieu met au centre de ses commandements : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu" (Dt 6:5); "Aime ton prochain comme toi-même" (Luc 10:27); "Aimez-vous les uns les autres, comme je vous aime" (Jn 15:12); "Dieu est amour" (1 Jn 4:8); "Le fruit de l'Esprit, c'est l'amour…" (Ga5:22).
    Et pourtant à voir comment va le monde, on ne peut pas dire que l'amour soit au centre, soit le moteur de nos comportements ! En fait, l'amour est bien plus difficile à vivre qu'on ne le pense. En fait, une multitude de comportements se travestissent derrière ce vocabulaire.
    Il y a des "je t'aime" qui veulent dire "aime-moi" aussi bien que "je vais te dévorer." Il y a les "si tu m'aimais vraiment, alors…" — je vous laisse compléter la phrase — qui ne sont que des formes de chantage ou de manipulation. Il y a des "j'aimerais être aimé(e)" paralysé par la peur. Il y a des "on ne peut pas m'aimer" découragés voir désespérés.
    Combien de personnes ne peuvent pas se laisser aimer ? Le mécanisme est souvent assez simple, mais très retort : La personne est sûre qu'elle a un défaut intérieur qui la rend impossible à aimer. Celui qui lui dirait "je t'aime" ne peut pas être cru ou crédible tant qu'il ne connaît pas ce redoutable défaut. Mais celui qui le connaîtrait ne pourrait définitivement plus l'aimer. Mieux vaut donc refuser d'être aimé(e) plutôt que dévoiler son secret.
    L'amour commence donc par l'acceptation de soi-même, l'acceptation de la possibilité d'être aimable, puis l'acceptation d'être effectivement aimable puisque déjà aimé. C'est ce que Dieu nous affirme (et nous rappelle dans le baptême) : je t'aime avant que tu en sois conscient.
    Se savoir aimé ouvre les portes à aimer les autres. Aimer ceux qu'on trouve aimables dans un premier temps. Puis — c'est une grande étape sur le chemin de la sagesse et de la croissance personnelle, trouver aimables ceux que l'on croise dans la vie, de sorte à pouvoir aimer tout le monde… Mais peut-on aimer tout le monde ? (C'est ce dont nous parle la parabole du bon samaritain, Luc 10).
    Là, il est important de regarder un peu le vocabulaire. Notre langue française est assez pauvre. On dit aussi bien "aimer son conjoint" que "aimer la salade" ce qui embrouille les choses. La langue du Nouveau Testament, le grec, connaît trois mots principaux pour dire "amour."
    Le premier mot est "eros" qui veut dire désirer, désirer prendre, désirer s'accaparer, posséder. C'est l'amour possessif, autant celui de l'avare que celui de l'amant.
    Le deuxième est "philo" qui est l'attachement émotionnel, l'amour-affinité, l'amitié, l'intérêt pour quelque chose. C'est un amour où l'on partage un même goût. Vous connaissez les philatélistes qui collectionnent les timbres-poste, les colombophiles qui élèvent des pigeons ou la philosophie qui est l'amour de la sagesse ou de la pensée.
    Enfin, le terme le plus fréquent dans le Nouveau Testament est le mot "agapè" qui est l'amour altruiste, c'est-à-dire l'élan vers l'autre pour répondre à ses besoins à lui. L'amour qui fait grandir l'autre, qui donne de l'espace à l'autre, qui lui permet de devenir lui-même.
    La Bible reconnaît l'existence de ces trois formes d'amour, elle n'en disqualifie aucune, mais elle nous avertit que ces trois formes d'amour n'ont pas les mêmes destinataires, ni les mêmes rôles, ni les mêmes origines.
    L'amour-désir est destiné au conjoint et ne doit pas être dirigé vers ses enfants, cela mènerait à l'inceste.
    L'amour-affinité intervient quand les parents jouent à des jeux avec leurs enfants. Et il faut de la complicité et de la joie dans les relations parents-enfants, mais pas seulement.
    L'amour nécessaire dans l'éducation, c'est de l'amour-agapè, c'est-à-dire la préoccupation prioritaire du développement de l'enfant. Si le parent qui doit dire "non" à l'enfant pour parer à un danger a peur de ne plus être aimé de son enfant et renonce, ce parent veille à son bien être personnel et pas à celui de l'enfant. Il ne l'aime par pour lui-même, mais pour soi, pour ce qu'il reçoit de son enfant, il est dans l'amour-affinité, pas dans un amour altruiste et nuit à son enfant.
    Lorsque Jésus dit : "Je vous aime comme le Père m'aime" puis "aimez-vous les uns les autres comme je vous aime" il décrit la juste circulation de l'amour qui est celui de la cascade d'eau dans la fontaine romaine. L'eau de la vasque supérieure s'écoule dans la vasque intermédiaire puis dans le bassin.
    C'est aux parents qu'il revient de donner de l'amour à leurs enfants. Si les parents ont besoin d'amour, ce qui est bien compréhensible, ils ont à le chercher en dessus d'eux-mêmes, chez leurs parents ou auprès du Père qui est dans le ciel.
    Qu'en est-il de l'origine de ces formes d'amour ? Si l'amour-désir est le fruit du corps, de la pulsion de survie, si l'amour-affinité est le fruit du cœur, de l'élan social, l'amour-agapè est le fruit de Dieu, le fruit de l'Esprit et répond à une aspiration spirituelle.
    Dans son langage imagé, Jésus avait dit, dans l'Evangile de Jean, avant le passage que nous avons entendu sur l'amour : "Je suis le cep et vous êtes les sarments" (Jn 15:5). Une façon de nous dire que nous avons besoin d'être reliés à la sève de la vie pour donner la vie à nos enfants, d'être reliés à la source de l'amour, pour donner à nos enfants cet amour qui fait grandir.
    Ne laissons pas dépendre notre vie et notre amour de la pluie et du beau temps, plaçons-nous sous la cascade de l'amour de Dieu pour que notre fontaine soit abondamment alimentée et que cet amour puisse rejaillir sur nos enfants. De cette façon, ils pourront grandir et s'émerveiller de la beauté de la vie.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Matthieu 5. Aimer ses ennemis pour gagner en être

    Matthieu 5

    8.7.2001

    Aimer ses ennemis pour gagner en être

    Es 40 : 27-31    Phil 2 : 1-5    Mat 5 :43-48

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aujourd'hui, j'aimerais vous parler d'un des enseignements de Jésus dans le Sermon sur la montagne. Le Sermon sur la montagne est un condensé de l'enseignement de Jésus où il reprend des commandements connus de tous, pour leur imprimer un élan nouveau.
    Après avoir parlé du meurtre et de la colère, du mariage et du divorce, des serments et de la vengeance, Jésus termine avec un enseignement sur l'amour des ennemis :

    "Vous avez entendu qu'il a été dit : «Tu dois aimer ton prochain et haïr ton ennemi.» Mais moi je vous dis : aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent." (Mat 5:44).
    Ce nouveau commandement ne nous projette-t-il pas tout droit dans l'utopie irréalisable ou dans l'inutilité totale ?
    Ce commandement relève de l'utopie dès qu'on se trouve en présence de vrais ennemis. Qui irait dire aux Palestiniens : Aimez les Israéliens ? ou aux Israéliens : Aimez les Palestiniens ? De même entre les Serbes et les Kosovars, les Tibétains et les Chinois, etc. Lorsque le mal commis de part et d'autre est si grand, qui peut demander de l'amour ?
    D'un autre côté, pour nous qui sommes ici, dans un Etat de droit, ce commandement semble inutile. Qui a des ennemis ? Qui a de vrais ennemis ? N'avons-nous pas tout pour vivre en paix, tranquilles ? N'avons-nous pas atteint un niveau de concorde et de tolérance suffisant pour qu'on ne nous demande pas encore un pas supplémentaire qui frise une perfection irréaliste et au-delà des capacités de l'être humain normalement constitué ?
    Alors, idéaliste - irréaliste ? ou inutile et inutilement perfectionniste, ce commandement ?
    Pourquoi Jésus nous demande-t-il cela ? Pour... quoi ? En vue de quoi ? Pour vivre tranquille ? Pour éviter le cycle et le cercle vicieux de la violence, de sa répétition, de la vendetta ? Non ! Cette question de l'amplification de la violence et la façon d'y mettre un terme a été traitée par Jésus dans le point précédent de son discours, dans ses paroles sur la vengeance :

    "Vous avez entendu qu'il a été dit : «Oeil pour oeil, dent pour dent.»  Mais moi je vous dis de ne pas vous venger de celui qui vous fait du mal. Si quelqu'un te gifle sur la joue droite, laisse-le aussi te gifler sur la joue gauche. Si quelqu'un veut te faire un procès et te prendre ta chemise, laisse-le prendre aussi ton manteau." (Mat 5 : 38-40).
    Jésus ne donne aucune finalité pratique au commandement d'aimer ses ennemis. Ce n'est pas pour faire... la paix, ou pour qu'il y ait ... moins de violence. Ce n'est pas pour transformer le monde extérieur, même pas pour convertir cet ennemi par le bel exemple donné.
    Le but est totalement intérieur à la personne qui mettrait en pratique ce commandement. Le but est une transformation toute intérieure, une modification, un changement d'être :

    "Aimez vos ennemis, afin que vous deveniez les fils de votre Père qui est dans les cieux. " (Mt 5:45).
    Il n'y a pas de but extérieur, il n'y a qu'un but intérieur : gagner en être, devenir plus semblable à l'être de Dieu qui est assez large pour faire du bien indifféremment à tous, qu'ils soient bons ou méchants, justes ou injustes.
    Dans cette pensée là, l'ennemi devient la chance, l'occasion, l'opportunité d'apprendre à gagner en être, apprendre à grandir, à développer notre patience et notre tolérance. L'ennemi — celui qui nous fait grincer des dents chaque fois qu'il ouvre la bouche; celui dont la simple présence nous met mal à l'aie; celui qui réveille au fond de nous une colère inconnue — cet ennemi est un bienfait pour nous.
    Oh ! ce n'est pas un bienfait directement. Il peut devenir un bienfait, un bienfaiteur, à condition que nous nous attelions à la tâche de plonger en nous-mêmes chaque fois que naît en nous ce sentiment d'agacement, de malaise ou de colère.
    D'où viennent ces sentiments, sinon de nous-mêmes ? L'ennemi peut être puissant, mais il n'est pas magicien. Il n'a de pouvoir sur nos sentiments intérieurs que si nous lui cédons ce pouvoir. Il ne peut agir qu'avec nos propres forces intérieures, avec nos propres leviers.
    Aimer son ennemi, ce n'est pas aimer ce qu'il nous fait — cela serait intolérable — mais c'est réaliser qu'à son insu, il nous fait le cadeau de pouvoir observer en nous-mêmes ce qui nous emporte vers l'agacement, le malaise ou la colère.
    Aimer son ennemi est donc une école, l'école du devenir et de la croissance de l'être. Cette école du développement de l'être : "devenir les fils du Père qui est dans les cieux" est un long apprentissage, un long chemin qui demande beaucoup de force et de persévérance.
    Un chemin qui demande souvent un accompagnement par quelqu'un de compétent. Un chemin sur lequel Dieu lui-même nous accompagne, avec son savoir-faire, avec son soutien et ses encouragements comme le dit mieux que moi le prophète Esaïe :

    "Jamais Dieu ne faiblit, jamais il ne se lasse. Son savoir-faire est sans limite. Il redonne des forces à celui qui faiblit, il remplit de vigueur celui qui n'en peut plus. Les jeunes eux-mêmes connaissent la défaillance; même les champions trébuchent parfois. Mais ceux qui comptent sur le Seigneur reçoivent des forces nouvelles; comme des aigles ils s'élancent. Ils courent, mais sans se lasser, ils avancent, mais sans faiblir." (Es 40:28b-31).
    Aimer son ennemi demande beaucoup d'humilité puisqu'il s'agit de lui reconnaître qu'il peut m'enseigner quelque chose sur moi-même. Cette humilité, le Christ nous l'a enseignée en s'abaissant jusqu'à la mort, à la mort sur la croix.
    Aimer son ennemi est sûrement une utopie, un idéal, mais c'est aussi un chemin sûr pour celui qui veut gagner en être, un chemin sûr pour celui qui veut devenir le fils, la fille, de notre Père qui est dans le ciel.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Genèse 2. L'arbre de la confusion du bien et du mal

    Genèse 2

    12.7.1998

    L'arbre de la confusion du bien et du mal

    Gn 2:4b-9 + 15-17    Apoc. 22:1-5    Jean 15:5-9

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Des enfants me demandaient récemment : "Mais comment s'est passée la création du monde ?" J'ai dû leur dire tout d'abord que personne n'était là pour voir comment cela s'était passé. Ensuite il a fallu leur expliquer que d'un côté la science pouvait reconstituer à peu près comment cela pouvait s'être passé et que de l'autre côté la Bible nous parlait plutôt du pourquoi ou du pour quoi cela était comme cela aujourd'hui. Le récit de création que nous avons entendu vise essentiellement à répondre à la question : "quelle est la place de l'être humain dans le monde ?" ou "quelle était l'intention de Dieu en plaçant l'être humain dans le monde ?".
    Le récit part clairement du présent pour réfléchir à un "avant". Le texte dit : "il n'y avait encore aucun buisson sur la terre..." ou "Dieu n'avait pas encore envoyé la pluie..." comme c'est le cas maintenant. Eh bien, en premier lieu, dans ce récit, Dieu crée l'être humain, avant même de créer les plantes ou les animaux. La première préoccupation de Dieu, c'est de faire l'être humain, et de faire de lui un être vivant, un vivant qui respire. Ce n'est qu'après cela que Dieu s'occupe de son cadre de vie : le jardin, puis plus tard encore, ses compagnons et sa compagne.
    Si le récit de création de Genèse 1 décrit en détail les étapes de la création, ici au chapitre 2, il n'est question que d'un jardin, un jardin planté tout de même "de toutes sortes d'arbres à l'aspect agréable et aux fruits délicieux" (Gn 2:9). Parmi ces arbres s'en trouvent deux qui vont retenir notre attention. Ils sont au centre du jardin, ce sont l'arbre de vie et l'arbre de la connaissance du bien et du mal. La dramatique du récit va se construire autour de ces deux arbres, parce que Dieu y inscrit son premier commandement :

    "Tu peux manger les fruits de n'importe quel arbre du jardin, sauf de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Le jour où tu en mangeras, tu mourras."
    (Gn 2:16-17).  
    Dans cette première parole, il y a trois choses importantes : Premièrement, il y a le don, le don du jardin tout entier, donc l'ouverture d'un espace de liberté. Dieu donne, et il donne la liberté. Deuxièmement, Dieu place un interdit qui touche un seul arbre parmi tous les autres. Enfin, en troisième, une information sur la conséquence de la transgression de l'interdit est donnée. Ainsi, les choses sont claires, il n'y a pas de non-dit entre Dieu et les hommes, il n'y a pas d'embrouilles ou de confusion sur ce qui est permis et interdit.
    Une chose frappe cependant par rapport à l'idée qu'on peut se faire du jardin d'Eden. A l'intérieur du paradis, il y a déjà un interdit ! Le paradis n'est pas un monde sans loi. Le loi fait partie des choses bonnes du monde, des choses voulues par Dieu et nous allons voir pourquoi.
    Pour cela, il faut approcher de cet arbre mystérieusement appelé "arbre de la connaissance du bien et du mal". Qu'est-ce que cet arbre ? Qu'est-ce que ce nom veut dire ? "Connaître" en hébreu biblique a un sens très pratique d'entrer en connexion, en relation; ce n'est pas une connaissance intellectuelle, rationnelle, mais l'expérimentation pratique d'une réalité. On peut donc remplacer "connaître" par "faire l'expérience de".
    Ensuite, il y a cette expression "le bien et le mal". Dans notre tradition et par un jeu de mémoire qui nous fait rouler dans des ornières, on prend cette expression comme "le bien ou le mal", comme pour en faire la distinction, et on en déduit que c'est la capacité de distinguer le bien du mal. Mais ici, pourquoi ne pas prendre au sérieux la conjonction "et", au sens de "avec", et parler du bien avec le mal, ou du bien mêlé au mal. Ainsi cette arbre ne serait pas celui de la capacité de distinguer le bien du mal, mais plutôt l'arbre de "l'expérience du bien mêlé au mal". Cet arbre, il vaudrait peut-être mieux l'appeler "l'arbre de l'expérience de la confusion du bien et du mal".
    Ainsi, manger du fruit de cet arbre, c'est entrer dans le monde de la confusion, où le mal et le bien sont tellement mélangés qu'on ne peut plus les distinguer et faire la part des choses. Manger de ce fruit, entrer dans ce monde de confusion, c'est assurément sortir du jardin où tout était clair entre le permis et l'interdit, d'où l'avertissement "tu mourras". Entrer dans le monde de la confusion, perdre ses repères, c'est effectivement entrer dans un monde de mort.
    Mais il ne faut pas oublier qu'à côté de cet arbre, il y a aussi l'arbre de vie, un arbre absolument disponible dans le jardin. (L'interdit sur l'arbre de vie découlera plus tard de la transgression). Cet arbre, symboliquement, c'est le Christ, la vie donnée, offerte par le Christ, comme en parle l'Apocalypse : "l'arbre de la vie, qui donne du fruit douze fois par année, chaque mois, dont les feuilles servent à la guérison, et qui supprime la malédiction" n'est-ce pas une façon imagée de résumer le ministère du Christ sur la terre, qui nous a nourrit, guérit et réconcilié avec Dieu ?
    Ainsi, Dieu s'est-il servi successivement de deux moyens pour contrer la confusion engendrée par le péché. Premièrement, il a donné sa loi sur le Sinaï, comme un moyen pratique de moins confondre le bien et le mal. Mais, c'est resté un moyen imparfait, acceptable pour maintenir des relations entre les humains, mais insuffisant pour réconcilier l'être humain avec Dieu. Deuxièmement, il a envoyé son fils, comme un pur geste d'amour gratuit, comme une seconde invitation à choisir entre l'arbre de la connaissance du bien et du mal et l'arbre de vie qui guérit.
    A nous de choisir... maintenant.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Actes 28. L'apôtre Paul (IV) La surprenante fin du livre des Actes

    Actes 28

    27.7.2003

    L'apôtre Paul (IV) La surprenante fin du livre des Actes

    Ac 26:19-32    Luc 21:12-19    Ac 28:30-31


    Chers amis,
    Nous arrivons au dernier épisode de la vie de Paul que j'avais entrepris de vous faire découvrir ou approfondir. C'est dans le livre des Actes des Apôtres, rédigé par Luc, l'évangéliste, que nous trouvons le plus d'éléments biographiques sur la vie de l'apôtre. On peut même dire que l'apôtre Paul devient le personnage principal, central des actes, dès le chapitre 13 jusqu'à la fin du livre au chapitre 28. Plus on avance dans ce livre, plus les récits et les discours sont détaillés. Luc est même le témoin direct de certains événements puisqu'il nous les raconte en "nous."
    Mais revenons à la vie de Paul. Nous retrouvons Paul à 52 ans, il est en train de revenir pour la troisième fois à Jérusalem. Il est porteur de la collecte des Eglises de Grèce et d'Asie mineure pour la communauté de Jérusalem et de Judée, un geste de solidarité entre les Eglises.
    Il semble que l'Eglise de Jérusalem vive en assez bonne harmonie avec les autorités juives. L'Eglise chrétienne est un mouvement sectaire assez marginal pour être tolérée jusque dans le Temple, puisque cette jeune Eglise continue d'obéir à la Loi de Moïse.
    Lorsque Paul, à Jérusalem, se rend au Temple, par contre, cela crée du grabuge. Il est perçu comme un adversaire, presque comme un païen. Cela provoque tant de désordre — Paul est accusé d'avoir fait entrer un grec dans l'enceinte réservée aux juifs — que la garnison romaine doit intervenir en force. Les romains arrachent Paul aux émeutiers qui étaient près de le lyncher.
    Le commandant de la garnison, Claude Lysias, pense régler le problème en faisant fouetter Paul. Cela devrait d'un côté calmer la vindicte populaire et de l'autre calmer le fauteur de trouble, pense-t-il. Mais Paul fait savoir au commandant qu'il est citoyen romain et donc qu'il a droit à un véritable procès !
    La machine judiciaire se met en marche... mais lentement. Paul sera transféré de Jérusalem à Césarée de Philippe — sous forte escorte, car le commandant est averti qu'un groupe veut profiter du transfert pour assassiner Paul.
    A Césarée, il y aura plusieurs confrontations entre Paul et ses accusateurs sous la direction de Félix le gouverneur de Palestine, puis de Porcius Festus son successeur. Pour éviter d'être renvoyé à Jérusalem pour son procès, Paul utilise ce que j'ai appelé son "joker" dimanche passé, à savoir une prérogative des citoyens romains dans les affaires qui peuvent conduire à la peine de mort : l'appel à l'empereur, c'est-à-dire le droit d'être jugé à Rome.
    Deux ans de procédures s'écoulent entre l'arrestation à Jérusalem et le départ pour Rome ! (Deux ans de captivité où Paul va écrire certaines de ses lettres). Le voyage de Césarée à Rome va prendre quelques 6 mois à cause des conditions météo : une tempête, un naufrage, puis un hivernage à Malte qui retardent l'avancée des prisonniers et de leurs gardiens. Finalement, Paul est à Rome, "assigné à résidence" dirait-on aujourd'hui, il doit rester à Rome sous la surveillance d'un gardien. Et le livre des Actes se termine sur ces mots :

    "Paul demeura deux années entières dans le logement qu'il avait loué. Il y recevait tous ceux qui venaient le voir. Il prêchait le Royaume de Dieu et enseignait ce qui concerne le Seigneur Jésus-Christ avec pleine assurance et librement." (Ac 28:30-31)
    Cette fin me surprend beaucoup ! Car ce n'est pas un fin. Comment se fait-il que Luc ne raconte pas la mort de Paul ? Voilà qui achèverait logiquement et presque triomphalement la biographie de Paul. L'apôtre mourant martyr de la foi sous le glaive romain ! Car il existe des écrits ultérieurs qui nous racontent — dans les Actes de Paul — la rencontre entre l'empereur Néron et Paul et son exécution, la tête tranchée.
    Ce n'est pas un question de chronologie, car Luc finira de rédiger le livre des Actes et son évangile dix ou quinze ans au moins après la mort de Paul. Luc ne pouvait pas ne rien savoir de la mort de Paul après avoir fait avec lui le voyage de Césarée à Rome !
    Je vais émettre une hypothèse personnelle : Luc n'est pas intéressé par la mort de Paul, même s'il en a fait le héros de son livre : les Actes des Apôtres. Voici quelques arguments qui plaident en faveur de cette hypothèse :
    1) Luc s'est donné pour but de présenter une histoire du développement de l'Eglise, une histoire de l'évangélisation du monde. L'arrivée de Paul à Rome manifeste que l'Evangile est arrivé jusqu'au centre du monde (de l'époque), la tâche est accomplie. La mort de Paul n'ajouterait rien.
    2) Luc souhaite présenter une histoire du salut ouverte sur l'avenir, et une histoire qui dépasse les histoires individuelles des témoins. Même si Paul "monopolise" 60% du texte des Actes, ce qui prime n'est pas son histoire personnelle, mais la progression de la bonne nouvelle. Finir sur la mort de Paul serait finir sur un obstacle, un coup de frein.
    Je risque encore une idée plus audacieuse : les histoires qui circulent sur la mort de Paul sont fausses aux yeux de Luc. Il suffit de lire le martyr de Paul dans les Actes de Paul pour y voir tout le merveilleux surajouté, notamment son entretien avec Néron.
    En fait ce qui importe à Luc dans tout le récit des Actes, c'est de montrer que Paul témoigne en toutes circonstances, devant les petits comme devant les grands (Ac 26:22) réalisant et mettant en pratique les paroles de Jésus que Luc rapporte dans son évangile:

    "... on vous arrêtera, on vous persécutera, on vous livrera pour être jugés dans les synagogues et l'on vous mettra en prison; on vous fera comparaître devant des rois et des dirigeants à cause de moi. Ce sera pour vous l'occasion d'apporter votre témoignage à mon sujet." (Lc 21:12-13)
    Dans les Actes, Luc met en scène Paul témoignant ou comparaissant devant quatre groupes ayant autorité et devant sept hauts personnages. S'il avait été vrai que Paul avait comparu devant Néron, Luc n'aurait pas manqué de l'ajouter à sa liste !
    Ce qui importe à Luc dans sa présentation de Paul, c'est de montrer à quel point il est un témoin et que tous les événements qui surgissent dans sa vie sont des occasions de témoignage. Dans la vie de Paul — et par extension pour Luc, dans la vie de toute personne qui répond à l'appel de Jésus-Christ — toutes les circonstances de la vie sont transformées par la foi. Suivre Jésus, vivre "en Christ" comme le dit l'apôtre Paul, conduit à une transformation de la vie courante, de la vie banale, en une aventure, une aventure relationnelle qui débouche sur la vie et non sur la mort.
    Bien sûr, Paul est mort, comme tous les hommes de son temps, mais Luc affirme aussi, entre les lignes, que Paul est vivant : (i) ressuscité auprès du Christ, "le premier-né d'entre les morts" selon une formule paulinienne, mais (ii) il est aussi vivant au travers de sa prédication qui continue à travers ses lettres (celles qui pour nous sont rassemblées dans le Nouveau Testament).
    C'est pourquoi Luc a raison de terminer son livre des Actes par ces mots — qui prennent une dimension intemporelle :

    "Paul demeura deux années entières dans le logement qu'il avait loué. Il y recevait tous ceux qui venaient le voir. Il prêchait le Royaume de Dieu et enseignait ce qui concerne le Seigneur Jésus-Christ avec pleine assurance et librement." (Ac 28:30-31)
    Luc nous passe le message : Rien ne peut vraiment faire obstacle à la diffusion de la bonne nouvelle !
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Romains 1. L'apôtre Paul (III) Les relations entre juifs et non-juifs, l'image de l'olivier greffé

    Romains 11

    20.7.2003

    L'apôtre Paul (III) Les relations entre juifs et non-juifs, l'image de l'olivier greffé

    Rm 10 : 1-4    Rm 11 : 1-6    Rm 11 : 17-24

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, 
    Il y a 15 jours, nous avions vécu avec Paul le Concile de Jérusalem. Un compromis entre Jacques, Pierre et Paul avait été trouvé sur l'obéissance à la Loi qui devait être demandée ou non aux non-juifs — les païens qui devenaient chrétiens. Paul est donc reparti s'occuper des Eglises d'Asie Mineure. Il a étendu son domaine à la Grèce : Thessalonique, Athènes, Corinthe. Le réseau des Eglises fondées ou stimulées par l'apôtre Paul est considérable.
    Les voyages se faisaient à pied ou en bateau, ils étaient lents et éprouvants. Alors, Paul se met à écrire des lettres pour rester en contact ou continuer à enseigner certaines communautés. Ces lettres de l'apôtre Paul nous sont conservées (probablement pas toutes) dans le Nouveau Testament. Une de ces lettres est particulière, puisqu'elle s'adresse à une communauté encore inconnue de Paul, c'est la lettre aux Romains. Paul a le projet d'aller un jour dans la capitale de l'empire ! Il prépare le terrain en écrivant à des chrétiens qui s'y trouvent déjà !
    Comme cette lettre n'est pas inspirée par des questions précises de la communauté ou des problèmes qui y ont surgi — comme les lettres aux Galates ou aux Corinthiens par. ex. — Paul dessine une fresque de sa compréhension du plan de Dieu pour tous les humains. Nous avons donc là un vrai traité de théologie paulinienne !
    Impossible, en une prédication d'en faire le tour. Je ne reteins qu'une question, attachée au vécu de l'apôtre, celle des relations entre juifs et païens. Paul peut le constater au travers de son ministère : les juifs se ferment au message de la bonne nouvelle, mais les païens s'y ouvrent et deviennent de plus en plus nombreux (même si c'est un tout petit pourcentage de la population totale) à embrasser la nouvelle foi.
    Pour le juif qu'est Paul — baigné dans l'Ancien Testament, fier d'être juif, membre du peuple d'Israël (Rm 11:1); Israël, l'héritier de la promesse divine, le peuple élu, choisi par Dieu pour le faire connaître au monde, — pour Paul, c'est une blessure, une souffrance de voir son peuple rejeter le Messie annoncé par les Ecritures. Alors, Dieu aurait-il changé son plan ? Dieu aurait-il décidé de rejeter son peuple et de s'en choisir un autre ?
    Paul est déchiré lorsqu'il écrit aux Romains : "Frères, ce que je désire de tout mon coeur, et que je demande à Dieu pour les juifs, c'est qu'ils soient sauvés." (Rm 10:1) C'est un problème personnel, mais c'est aussi une question théologique : "Je demande donc: Dieu aurait-il rejeté son peuple ? Paul ne peut que répondre NON ! Et il rappelle que cela s'est déjà produit dans l'histoire d'Israël, qu'il n'y ait plus qu'un poignée, un petit reste de fidèles, mais c'est encore le peuple d'Israël.
    Pour Paul, le refus des juifs est lié à une méconnaissance, à un manque d'information d'abord. Les juifs sont plein de zèle, mais ce zèle est mal orienté. Les juifs croient pouvoir se rendre justes devant Dieu alors que c'est impossible — nous avons vu comment l'apôtre en a fait la cruelle expérience dans son rôle de persécuteur — seul Dieu nous rend justes devant lui. Evangéliser, les juifs et les non-juifs, c'est, pour Paul, annoncer cela sans relâche. Dieu seul nous rend juste, la foi c'est de faire cette confiance à Dieu (Rm 10:3). Il faut faire confiance en cette bonté de Dieu.
    L'élection du peuple de Dieu n'est pas le fruit de bonnes actions de son peuple, mais uniquement le fuit de la bonté de Dieu (Rm 11:6). L'éloignement des juifs est dû à un manque de foi (Rm 11:20), mais il n'est que temporaire aux yeux de Paul. Et l'apôtre va développer une image magnifique pour expliquer les positions respectives des juifs héritiers de la promesse de toujours et des pagano-chrétiens qui entrent si tardivement et récemment dans cette mouvance.
    Paul compare l'histoire d'Israël à un olivier. Dieu est le jardinier qui s'occupe de cet olivier. Cela fait des années — des siècles, des millénaires — que Dieu s'en occupe et donc c'est un olivier cultivé. Ce qui se passe actuellement — pour Paul — c'est que des branches, certaines branches de cet olivier cultivé sont coupées, ôtées de l'arbre. A leur place sont greffées des branches d'olivier sauvage ! Oui, c'est vraiment le monde à l'envers ! De l'olivier sauvage remplace certaines branches d'olivier cultivé, c'est le contraire du bon sens. Mais c'est ce qui arrive et c'est ce qui permet é Paul d'expliquer à chacun quelle est sa vraie place.
    Les branches coupées, eh bien, c'est un vrai malheur. Mais ce n'est pas un rejet définitif. Paul spécifie bien que "si les juifs renoncent à leur incrédulité, ils seront greffés là où ils étaient auparavant. Car Dieu a le pouvoir de les greffer de nouveau." (Rm 11:23)
    En ce qui concerne les nouveaux venus, les branches d'olivier sauvage greffées, cela appelle à a modestie. Si l'on peut couper les branches établies, c'est aussi possible pour branches greffées. C'est un honneur, c'est une grâce d'être rattaché à la longue histoire du peuple de Dieu. C'est donc un devoir de respecter et d'honorer cette histoire et cette tradition, plus encore, cette tradition est la source de notre croissance. C'est valable pour nous aussi aujourd'hui et nous rappelle que nous n'avons pas à reléguer l'Ancien Testament au rang des antiquités.
    L'image de Paul est très forte : "Tu profites maintenant de la racine qui nourrit l'olivier cultivé (...). Ce n'est pas toi qui portes la racine, c'est la racine qui te portes !" (Rm 11:17-18).
    Ah, si seulement ces paroles de l'apôtre Paul avaient été plus souvent lues et prêchées au cours des siècles et pendant le XXe siècle, combien les relations entre chrétiens et juifs auraient été meilleures et peut-être n'auraient-elles pas abouti à la shoah. Ces paroles condamnent tout antisémitisme chrétien et interdit tous les reproches faits par les chrétiens contre les juifs d'avoir tué le Christ, d'être un peuple déicide. Tous les humains étaient inclus dans la foule qui criait "Crucifie !" à Jérusalem, comme tous les humains sont accueillis dans le salut offert par Dieu, par grâce au travers de Jésus.
    Paul nous livre ici un témoignage de conciliation entre chrétiens et juifs qui doit continuer à nous inspirer aujourd'hui. Malgré cette vision pacificatrice de Paul, nous verrons dimanche prochain comment les autorités de Jérusalem vont tout aire pour qu'il soit condamné à mort par les Romains. Heureusement, Paul dispose d'un joker qui créera un nouveau rebondissement dans son parcours...

    (à suivre...)

    Jean-Marie Thévoz, 2007