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spiritualité - Page 33

  • Jean 15. "Demeurez dans mon amour"

    Jean 15

    28.5.2000

    "Demeurez dans mon amour"

    Ex 20 : 1-17    1 Jean 4 : 7-10    Jean 15 : 9-17


    L'évangile de Jean est rempli de très beaux textes, qui sonnent bien, qui nous parlent avec des mots simples, mais qui se révèlent — à la relecture — assez difficiles à comprendre. On dirait que Jean joue à faire le plus de phrases possibles avec les mêmes mots, mais dans un ordre différent. Pourtant, il est clair que Jean veut nous faire connaître la pensée de Jésus, son message, sa révélation !
    Dans le passage que nous avons entendu, le fil conducteur c'est "Demeurez dans mon amour" (Jn 15:9). "Demeurez / restez dans mon amour" est pour l'évangéliste Jean la clé de la vie chrétienne, ce qui différencie le chrétien de toute autre personne, ce qui différencie le christianisme de toute autre religion.
    Demeurer dans l'amour de Jésus, ou du Père, est en même temps une situation passive et une attitude active. Le premier mouvement, l'initiative vient de Dieu. C'est lui qui nous aime en premier lieu, nous n'avons qu'à accepter cet état de fait, nous ne pouvons rien faire, ni pour ni contre cela. Ni nos mérites, ni nos fautes ou nos malheurs ne peuvent rien changer à cet acte divin. Dieu à choisi de nous aimer et de nous le dire !
    Ensuite, seulement, vient notre réponse et notre engagement qui sont d'obéir aux commandement de Jésus. "Si vous obéissez à mes commandements, dit Jésus, vous demeurez dans mon amour, comme moi, j'ai obéi aux commandement de mon Père et que je demeure dans son amour" (Jn 15:10).
    Jésus nous a précédé dans cette obéissance, il nous en a ouvert le chemin, il l'a rendue possible, accessible. Il faut bien voir ici le lien entre l'obéissance aux commandements et le fait de "demeurez dans l'amour de Dieu". On ne peut pas douter que Jésus demeurait dans l'amour de Dieu. Il faut prendre la mesure de ce que cela signifie. Rester dans l'amour de Dieu comme Jésus l'a fait, c'est être resté en bonnes relations, en communion étroite avec Dieu. C'est aussi, pour Jésus,  être resté fidèle à lui-même, authentiquement lui-même, avoir préservé et développé sa véritable identité, son être essentiel. Tout cela a été possible pour Jésus au travers de son obéissance.
    C'est très important, voyez-vous, parce qu'aujourd'hui, l'obéissance a été jetée aux orties. L'idée de loi, d'une loi à respecter est devenue quasiment caduque, complètement ringard. On en voit l'effet sur notre société actuelle.
    Deux choses sur la loi et l'obéissance à la loi. D'abord, dans la Bible, il est toujours affirmé que la loi est bonne. Le décalogue est donné par ce Dieu libérateur qui a sorti son peuple de l'esclavage en Egypte. Ce n'est pas pour le soumettre à un nouvel esclavage. La loi est au contraire le garant de la durée de cette libération.
    Ensuite, c'est le Dieu d'amour qui donne la loi. Celui qui comprend que le don de la loi est un acte d'amour n'a plus de problème avec l'obéissance à la loi. Certes, la loi peut être utilisée de manière perverse, comme un moyen d'oppression, pour exercer une tyrannie, et cela s'est vu. Jésus — dans tout son enseignement — s'est battu contre l'emploi tyrannique de la loi et en faveur de la loi qui libère et qui protège. Voyez ses controverses à propos du sabbat, notamment contre l'interdiction de guérir un jour de sabbat. C'est pourquoi Jésus spécifie qu'il a obéi et qu'en conséquence il est resté dans l'amour du Père.
    C'est pourquoi, aussi, il spécifie qu'il ne nous considère pas comme des serviteurs, mais comme des amis. Les serviteurs, les esclaves ou les subordonnés doivent obéir, exécuter des ordres sans comprendre, ce sont des marionnettes ou des robots. Au contraire, les amis, les égaux, les collaborateurs n'exécutent que ce qu'ils comprennent — en conséquence — ils peuvent accepter des tâches pénibles ou difficiles puisqu'ils en reconnaissent la visée et la pertinence.

    "Je vous appelle mes amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j'ai appris de mon Père" (Jn 15:15).
    Nous sommes dans le secret. Nous sommes au courant, informés de la visée des commandements de Dieu et de Jésus. Notre obéissance n'est pas une soumission, mais une adhésion, parce que nous trouvons bon le fait et le résultat de la loi, du commandement.
    La révélation de l'Evangile, la Bonne Nouvelle, est venue au travers de l'enseignement de Jésus qui nous dit la vraie nature de Dieu : "Dieu est amour" (1 Jn 4:8). Il nous dit par conséquent la vraie nature de la loi, sa vraie visée : rendre possible l'amour entre tous les humains, d'où le commandement de Jésus "Ce que je vous commande, donc, c'est de vous aimer les uns les autres" (Jn 15:17).
    La révélation de la bonne Nouvelle est venue au travers de la vie et de la mort de Jésus, parce qu'il a mis en acte cet amour en révélant la nature du mal. Le mal, c'est la lutte, la guerre des uns contre les autres pour des choses matérielles ou pour le pouvoir, la domination. Cette lutte, cette compétition était déjà signalée dans le dernier des dix commandements "Tu ne convoiteras rien de ce qui appartient à ton prochain" (Ex 20:17) car cette envie qui met deux désirs symétriques en compétition est l'amorce de toutes les violences.
    Par sa vie, par sa mort, le Christ a montré comment chacun pouvait renoncer à cette quête de biens ou de pouvoir qui conduit à la mort. "Demeurez dans l'amour du Christ", vivre dans cet amour, c'est adhérer librement au commandement d'amour qui nous dit de renoncer à cette avidité qui détruit toute relation. Ce renoncement à la violence du monde — une violence tellement évidente aujourd'hui — est l'obéissance que Jésus nous demande, une obéissance qui ne vas pas nous laisser démuni puisque Jésus nous dit : "Ainsi, le Père vous donnera tout ce que vous lui demanderez en mon nom" (Jn 15:16).
    Apprenons donc, chaque jour, à marcher dans les pas du Christ — loin de toute violence — pour demeurer dans son amour.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Jean 16. "Il est avantageux pour vous que je parte"

    Jean 16

    3.5.98

    "Il est avantageux pour vous que je parte"

    Jérémie 7 : 21-28    Jean 14 : 12-18    Jean 16 : 4-11


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Lors de mes visites après d'habitants de Bussigny, je rencontre — et cela n'a rien d'étonnant — une grande diversité d'opinionS sur la présence de Dieu dans le monde.
    Le même jour de cette semaine, une personne me disait : "Face à tant d'injustices, sur cette terre, il m'est impossible de croire à l'existence de Dieu". Mais une autre me disait quelques instants plus tard : "Dieu est toujours présent dans ma vie, je le sens, je le ressens, il est comme une lumière sur ma route".
    Dieu est absent du monde pour l'un, présent à le sentir pour l'autre. Qui a raison ? Qui est le plus raisonnable, qui est le plus fou ? Là n'est pas la question. La question est plutôt de savoir comment l'absent peut-il être présent !
    Dans l'Evangile de Jean, Jésus ne cesse d'expliquer aux disciples qu'il va les quitter, qu'il va partir. Cela remplit les chapitres 14, 15 et 16, au point qu'on les appelle "Les discours d'adieu." Ces chapitres sont des réflexions théologiques sur des questions qui préoccupaient les premières Eglises. Le Jésus qu'ont connu les disciples n'est plus présent en chair et en os. Comment la deuxième génération, et les suivantes, peuvent-elles continuer à vivre son absence et sa présence ? C'est aussi notre question : Jésus n'est plus là, mais nous proclamons qu'il est vivant et qu'il est présent dans nos cultes, dans nos vies, dans le monde.
    Il a donc fallu se dégager de l'idée que nous avions besoin du Jésus terrestre, de l'idée que les Douze disciples avaient plus de chance (de croire) que ceux qui viennent après eux, que nous. C'est ainsi que Jésus va dire cette phrase étrange (au moins pour les disciples) : "Il est avantageux pour vous que je m'en aille" (Jean 16:7).
    A. Il est vrai qu'il y a trois avantages pour le croyant. Le premier avantage se situe dans l'espace/temps. La personne historique du Jésus terrestre — parcourant les routes de Palestine au 1er siècle de notre ère, donc localisée dans le temps et l'espace — est remplacée par ce que Jean appelle le Paraclet et que les autres rédacteurs du Nouveau Testament appellent le Saint-Esprit.
    Le Paraclet est le successeur de Jésus après des croyants, mais il est identique au Christ.  En effet, le texte dit "Le Père vous donnera un autre Paraclet" (Jean 14:16) Jésus étant le premier Paraclet. Paraclet signifie littéralement "celui qu'on appelle au secours de quelqu'un". La racine latine de même construction est ad-vocatus, l'avocat, celui qui prend la défense de quelqu'un. D'où l'idée de défenseur ou de consolateur. Le premier avantage est donc le passage du plan historique au plan universel ou cosmique. Le Paraclet, ou Saint-Esprit, peut être présent partout et dans tous les temps.
    B. Cela conduit au deuxième avantage. Il est mis en avant spécialement dans l'Evangile de Jean, de par sa forme d'écriture, de rédaction, de construction.
    On ne peut saisir le sens de la venue de Jésus dans le monde qu'à reculons, à partir des événements de Pâques. Ce n'est qu'un fois la mission de Jésus terminée qu'on comprend (a posteriori) le sens de chacun de ses gestes. (Comme dans un bon roman policier où tous les éléments mis en place petit à petit, mais apparemment sans lien, prennent tout à coup sens dans les dernières pages avec la clé de l'énigme).

    Ainsi les disciples qui ont vu le travail de Jésus avant Pâques étaient dans l'impossibilité de comprendre ce qui se passait et qui il était ! C'est le travail du Paraclet de leur remémorer ce qui s'était passé et De leur enseigner le sens de tout cela. Aujourd'hui, nous ici à Bussigny, nous profitons de ce travail de remémoration et d'enseignement. Nous avons les évangiles et la Bible pour connaître et comprendre. C'est notre privilège de disposer de l'Ecriture. C'est un grand privilège par rapport aux disciples directs. Alors, profitons-en pour lire la Bible, comprendre et croire.
    C. Le troisième avantage est lié aux deux premiers. D'abord Jésus est devenu universel par la venue du Paraclet. Ensuite il est devenu accessible à tous par la Parole contenue dans l'Ecriture sainte. Enfin, le départ de Jésus, extérieur à nous, ouvre la voie à la présence du Paraclet en nous.
    La relation à Dieu ne passe plus par des marques externes (représentées traditionnellement par le Temple), mais par une vie intérieure (ce que Jean appelle le culte en esprit dans son dialogue entre Jésus et la Samaritaine (Jean 4 : 23)). C'est pourquoi Jésus peut affirmer à propos de l'Esprit : "vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il est aussi en vous." (Jean 14 : 17). Il y a une intériorisation de la relation à Dieu. Notre quête de Dieu n'a pas à se tourner vers l'extérieur, vers le monde, mais vers l'intérieur. Nous avons à chercher celui qui habite en nous.
    Déjà le prophète Jérémie s'élevait contre les signes extérieurs de la religion pour inviter à un retour à l'écoute de la voix de Dieu. Ecouter la voix de Dieu — ce que Calvin appelait "le témoignage intérieur du Saint-Esprit" — c'est abolir en nous les obstacles à la présence du Paraclet. C'est ouvrir une brèche où puisse souffler l'Esprit, par l'écoute de sa Parole et la prière; la prière étant le temps et l'espace qu'on se donne pour accueillir Dieu.
    Dieu — présent ou absent — de nos vies, c'est notre choix, notre responsabilité. Il est là, présent en nous, il nous habite, il est prêt à nous donner ce que nous demandons, il est disposé à nous prendre à son service pour que nous puissions faire ce que Jésus a fait et plus encore : "En vérité, en vérité, celui qui croit en moi fera lui aussi les oeuvres que je fais : il en fera même de plus grandes, parce que je vais au Père."
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Jean 13. Jésus prend la place du plus humble.

    Jean 13

    11.3.2007

    Jésus prend la place du plus humble.

    Marc 14 : 12-17    Marc 14 : 18-25    Jean 13 : 1-14

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers catéchumènes et parents,

    Nous vivons le temps de la Passion — du Carême — c'est-à-dire le temps — après mardi gras jusqu'à Pâques — où nous retraçons les événements qui ont conduits au procès et à l'exécution de Jésus sur la croix. A Pâques, nous fêterons sa résurrection. Pendant ce temps de la Passion, Jésus a enseigné et vécu des moments forts avec ses disciples, les 12 compagnons qu'il a choisis pour l'accompagner dans ce parcours.
    L'enjeu de cet enseignement et de ces signes c'est que les disciples comprennent ce qui arrive à Jésus, une fois que tout sera accompli. L'enjeu, c'est que les disciples comprennent le sens de la mort de Jésus. Aussi Jésus les prépare-t-il.
    Les lectures bibliques nous rapportent deux événements qui prendront leur sens après la mort de Jésus : le lavement des pieds des disciples et le dernier repas, qu'on appelle la sainte cène. Je les prends ensemble, parce que l'Evangéliste Jean place précisément le lavement des pieds à l'emplacement où les autres Evangélistes placent la sainte cène. En effet, dans les deux récits sont intercalés l'annonce de la trahison de Judas et l'interrogation des disciples pour savoir s'il s'agit d'eux-mêmes et se passent le jour avant le jugement et l'exécution de Jésus.
    Ce repas du soir est le moment choisi par Jésus pour faire connaître — par un signe, un geste concret — que son destin, qui va basculer dans les heures qui suivent, n'est pas le produit du hasard, mais un événement qui a du sens, qui a une portée, un effet sur chaque personne qui va entendre parler de Jésus et de sa mort.
    Par ces gestes, le lavement des pieds et la sainte cène, Jésus nous montre qu'il choisit cette voie, ce destin. Il n'est pas une victime qui n'y peut rien et qui va subir ce qui va lui arriver. Jésus choisit d'affronter le tribunal, il choisit d'affronter la mort, il choisit d'affronter l'injustice du monde, il choisit cela parce qu'il sait que cela va transformer les humains et le monde.
    Et c'est vrai que depuis ce moment-là, il y aura toujours des chrétiens pour dénoncer les injustices,  les crimes et les violences des puissants.
    Par ces gestes, le lavement des pieds et la sainte cène, Jésus nous montre que la voie qu'il suit est celle de l'abaissement. Il choisit de se mettre au niveau du plus petit, du plus humble, de celui qui n'a aucun droit, de celui qui n'a aucune voix pour protester, de celui qui se fait constamment moquer, écraser, rembarrer. Jésus prend la place du serviteur qui a les tâches les plus humbles, les plus dégoûtantes.
    En cela, Jésus montre qu'il n'y a rien d'humiliant, rien de dégoûtant lorsqu'on choisit librement de le faire.
    Et c'est ainsi que les chrétiens vont se mettre à construire des hospices et des hôpitaux pour accueillir gratuitement les malades couverts de plaies et de pus que personne ne voulait laver et soigner. Et c'est comme cela qu'est venue la dénonciation de l'esclavage, puis plus récemment du travail des enfants ou de l'exploitation actuelle des ouvriers et ouvrières de Chine qui fabriquent nos ordinateurs. Jésus s'abaisse jusqu'à nous, jusqu'au plus petit d'entre nous pour nous dire notre vraie valeur. Personne n'est trop bas pour Jésus.
    Vous vous sentez petits, faibles, indignes, fautifs ? Vous ressentez durement le regard des autres qui vous fait vous sentir petits, inadéquats, pas assez bien… ? Jésus ne vous regarde pas comme cela. Il a lavé les pieds de ses disciples, c'est lui qui les rend propres, qui les purifie.
    On pourrait penser qu'il nous lave parce qu'il nous voit sales. Et bien, écoutez ce qu'il dit à Pierre qui comprend tout à coup le comportement de Jésus et lui demande de le laver entièrement. Jésus lui dit : "Celui qui a pris un bain n'a plus besoin de se laver, sauf les pieds, car il est entièrement propre" (Jn 13:10). Ce que Jésus veut dire, c'est comme à la plage, en sortant de l'eau et en se séchant, on a toujours encore les pieds plein de sable, c'est la vie. Ce n'est pas parce qu'on n'est pas totalement irréprochable qu'on est tout noir et inacceptable. Les fautes, les erreurs font partie de la vie et Jésus ne les retient pas pour nous accuser. Il nous rend juste. Il nous considère comme acceptables, comme pardonnés, comme dignes d'amour.
    En s'abaissant jusqu'au plus bas des humains, il renverse toutes les valeurs. La grandeur de l'être humain, elle est dans le service. La valeur de l'être humain est dans ce qui est invisible, dans son cœur. La vraie vie, elle est dans la confiance. C'est ainsi que Jésus nous invite à manger à sa table, à nous restaurer, à retrouver notre estime de soi.
    En vous remplissant de la vie de Jésus, vous n'aurez plus peur que les autres vous considèrent comme faibles, indignes, incapables, fautifs… Seul l'avis de Jésus sur vous compte vraiment. Et Jésus vous considère dignes de manger avec lui de partager sa vie avec nous, de vivre en nous nourrissant de sa vie.
    C'est pourquoi Jésus dit (Apoc 3:20) "Ecoute, je me tiens à la porte et je frappe, si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte j'entrerai chez lui, je mangerai avec lui et lui avec moi."
    A nous de répondre à son invitation.
    Amen

  • Actes 16. Liberté intérieure

    Actes 16

    13.5.2007

    Liberté intérieure

    Luc 9 : 22-25    Ac 16 : 16-24    Ac 16 : 25-34

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Voilà un bien étrange épisode de la vie de l'apôtre Paul, que cet emprisonnement et cette libération à la prison de Philippes. Comment lire ce texte, le comprendre, en comprendre la signification spirituelle ?On peut le lire littéralement, comme un reportage journalistique qui rapporte des faits avérés. Alors, on se dit : quelle coïncidence, ce tremblement de terre, c'est vrai que les séismes sont fréquents dans cette région. Mais est-ce que c'est Dieu qui les déclenche, avec toutes les conséquences dramatiques qui en découlent ? Je ne peux pas croire en un tel Dieu !Ou alors, Dieu fait un miracle en n'ébranlant que le bâtiment de la prison. Mais, je ne vois pas cela se reproduire dans notre temps, notre époque, alors ce Dieu s'est-il éloigné de nous ? La coïncidence ou le miracle rendent Dieu plus éloigné, plus distant, moins crédible. Alors, comment comprendre ce récit ?
    Je pense qu'on peut le lire comme une parabole, comme une métaphore, comme la projection dans la réalité physique d'une réalité spirituelle. Comme la projection dans le texte au travers de mots représentant des choses d'un état d'esprit intérieur aux personnes.
    Dans la situation qui nous est exposée — la vue de l'extérieur — d'un côté : Paul et Silas ont été jetés en prison, immobilisés par des entraves en bois. De l'autre côté : le gardien a bien refermé les portes, il est monté à l'étage et vit ainsi, libre, dans son appartement.
    Paul et Silas sont prisonniers et le gardien est un citoyen libre.  Mais le récit introduit le doute dans cette disposition logique : Paul et Silas prient et chantent des hymnes. Les autres prisonniers les écoutent. Le comportement des deux apôtres est étrange, les autres prisonniers ne s'y trompent pas ! La prison n'est pas un lieu où l'on est reconnaissant d'être. La louange y est déplacée. Or Paul et Silas chantent et louent Dieu, ils expriment leur confiance, leur joie ! Pour eux cette prison, ils peuvent la voir comme une église. Ils peuvent prendre la vie — toute la vie, y compris cet épisode — comme un sujet de louange, comme un sujet de reconnaissance.
    Ils témoignent ainsi d'une confiance inébranlable, la confiance de celui qui sait que sa vie, sa valeur, est conservée ailleurs, hors d'atteinte de ceux qui leur veulent du mal, hors d'atteinte des événements circonstanciels de la vie. Dans cette prison, ils ne se sentent pas emprisonnés, ils ne se sentent pas menacés, ils ne se sentent pas abattus.
    Dans cette prison, Paul et Silas gardent toute leur liberté intérieure. Même si leurs corps ne le peuvent pas, leur esprit peut entrer et sortir librement de cette prison. Cette liberté, le récit l'exprime par l'ouverture de toutes les portes (expliquée par ce tremblement de terre). Aucune porte physique ne peut entraver la liberté intérieure des apôtres.
    Ce tremblement de terre métaphorique nous ouvre au renversement de situation que ce récit veut exprimer. Paul et Silas sont libres bien qu'ils paraissent enfermés. Le gardien semble être libre dans son appartement, alors qu'il est habité par l'angoisse constante que ses prisonniers ne s'évadent.
    (A l'époque, le gardien répond sur sa vie de la sécurité de sa prison. Si ses prisonniers s'enfuient, c'est lui qui en paie le prix et le prix peut être sa vie !)
    Le gardien est prisonnier de ce système et de sa hiérarchie. On peut imaginer son angoisse — qui va jusqu'à le pousser au suicide — s'il sent que ses prisonniers lui échappent. Or Paul et Silas chantent… Le gardien, qui doit maîtriser la situation, voit que Paul et Silas lui échappent — même s'ils ne sortent pas. Ils sont libres, même s'il ne partent pas. En résumé : vu du dehors, Paul et Silas sont emprisonnés et le gardien est celui qui a le pouvoir et la liberté. Vu du dedans, c'est le contraire. Paul et Silas sont libres et le gardien est esclave de sa hiérarchie et il dépend de ses prisonniers.
    Le gardien vit dans l'angoisse et c'est Paul qui le rassure, comme si le gardien avait fait un cauchemar en rêvant que tous ses prisonniers s'étaient évadés. Paul lui dit : "Tout est normal, on est tous là." Et le gardien se rend compte de son angoisse et que sa vie est un enfer dont il veut être sorti. C'est pourquoi il demande à Paul : "Comment puis-je être sauvé ?" (Ac 16:30). Comment être sauvé de cette impasse où j'assure ma propre sécurité par mon travail, mais qu'en conséquence je me trouve assujetti aux circonstances et aux autres ?
    Comment devenir libre, autonome intérieurement ? Comment pouvoir prier et chanter quand tout tourne mal autour de soi, à l'extérieur ? Paul répond très simplement : "Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé" (Ac 16:31).
    Etre sauvé, c'est être sorti du ballottement des circonstances en s'ancrant en Dieu. (Ce n'est pas pour rien que la foi est symbolisée par une ancre.) Croire en Jésus, ce n'est pas se mettre à croire à des choses invraisemblables, ce n'est pas se mettre à faire du bien… Croire en Jésus, c'est changer de vision du monde, surtout la vision de notre monde intérieur.
    Qu'est-ce que ça veut dire ? Voir la vie comme un cadeau de Dieu, recevoir la vie comme un enfant reçoit — avec une confiance totale — la vie et l'amour de ses parents. Un enfant reçoit la parole d'un adulte comme une vérité, il ne comprend pas encore pourquoi, mais il a confiance que l'adulte lui veut du bien, il le croit. (C'est pourquoi il est terriblement pervers lorsqu'un adulte profite de cette confiance pour manipuler un enfant à son profit.) Croire, c'est assurer sa vie en Dieu, ne la faire dépendre que de lui.
    Jésus disait à ses disciples : "Celui qui voudra gagner sa vie la perdra…" et encore "Que sert à l'homme de gagner le monde entier, s'il se perd lui-même ?" (Luc 9:24-25). L'enjeu est son propre être, comment le sauver de l'angoisse du manque, du souci et de l'inquiétude, de la peur de ne pas être aimé ?
    Le récit de Paul et Silas dans la prison de Philippes nous dit que la situation extérieure, les circonstances ne déterminent pas notre état intérieur. Notre état intérieur dépend de notre relation à Dieu, de notre confiance en lui, en Jésus.
    Croire en Jésus, c'est se laisser aller à cette confiance, marcher sur cette voie de la confiance en Dieu qui redonne vie et liberté à notre être intérieur, de sorte que nous puissions prier et louer Dieu en toutes circonstances.  
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Jean 21. "Je ferai de vous des pêcheurs d'hommes"

    Jean 21

    22.4.2007

    "Je ferai de vous des pêcheurs d'hommes"

    Mt 4 : 18-24    Jean 21 : 1-14    Actes 2 : 22-25+40-42

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Entre le reniement de Pierre et sa prédication assurée devant le peuple de Jérusalem, il y a eu un événement qui a tout changé pour Pierre et les autres disciples. Entre la croix et le matin de Pâques, il y a eu la résurrection, nous disent les Evangiles, et puis Jésus est apparu plusieurs fois et en divers lieux aux disciples. La résurrection reste un mystère que nos mots ne peuvent pas expliquer rationnellement. Les apparitions de Jésus restent marquées par du surnaturel qui échappe à notre compréhension logique.
    Aussi, ce matin, je souhaite parler a votre cœur plutôt qu'à votre cerveau. Je vous invite à laisser flotter votre pensée au fil du récit que je vais vous faire : juste pour entrer en résonance avec une expérience vécue par d'autres hommes. Vous pouvez — si vous le souhaitez — fermer les yeux, vous détendre et juste écouter leur histoire.
    Sur une plage de galets, quelques hommes sont assis. Les têtes sont penchées. Ils ne regardent pas le ciel du soir qui rosit au-dessus de l'eau. Un poing serre les mailles d'un filet. Les doigts sont crispés. Les mains désoeuvrées. L'un des hommes soupire. Il faudrait réparer quelques mailles. Mais le cœur est trop lourd. Les nœuds sont dans les ventres.
    Depuis quelques jours ces hommes sont de retour chez eux. Ils auraient dû reprendre le travail. Mais dans leurs têtes tournent et tournent les souvenirs et la peine. La mort de Jésus a retiré toute force de leurs bras.
    Il y a trois ans, ils avaient sauté de joie lorsque Jésus les avait appelés à le suivre, à partir avec lui sur les chemins de Galilée. Ils étaient plein d'ardeur lorsque Jésus leur avait montré le but : "Je ferai de vous des pêcheurs d'hommes" (Mt 4:19).
    Et Jésus leur avait montré comment on redonne la vie, l'énergie, le dynamisme à ceux qui ne croyaient plus rien possible, qui croyaient leur avenir définitivement bouché. Il avait fait marcher les paralysés de la vie. Il avait fait entendre ceux qui étaient sourds à la tendresse. Il avait fait voir ceux qui étaient aveugles à l'amour. Il avait redressé les effrayés et les angoissés. Jésus savait sortir les gens de leur isolement, de leurs peurs, des murailles qu'ils avaient eux-mêmes élevées autour d'eux. Il savait arracher les gens à leur vie sans vie, à la mort. Mais maintenant, lui-même était mort à Jérusalem.
    Et les hommes, sur la plage de galet, ressassaient ces pensées.
    Ils avaient bien eu un sursaut, trois jours après la mort de Jésus, lorsqu'il leur était apparu, leur certifiant que c'était bien lui ! Ils l'avaient bien cru. Ils avaient été bouleversés. Ils s'étaient réjouis. Ils avaient repris goût à la vie. Ah, la vie était bien plus forte que la mort. Dieu lui-même avait arraché Jésus aux eaux infernales de la mort (Ps 18:17, Ps 144:7).
    Tout joyeux, ils en avaient parlé autour d'eux, mais ils ne rencontraient que le scepticisme, le doute, l'incrédulité. "C'est impossible. On n'a jamais vu ça. Vous vous faites des idées pour tromper votre chagrin. Vous avez eu des hallucinations. Vous prenez vos désirs pour des réalités."
    Alors, ils étaient rentrés à la maison, découragés, déçus. Ils étaient là sur cette plage de galets — où tout avait commencé et où tout était fini. Plus personne ne les arracherait à cette vie qui n'en vaut plus la peine.
    Ils étaient là, avec leurs nœuds dans le ventre, avec une vie qui n'avait plus que le goût du sable. Et Pierre ne avait assez de retourner sans fin sa tristesse dans sa tête. Il se leva : "Je vais pêcher." "Nous venons aussi avec toi" dirent les autres. Mais la mer était aussi vide que leur cœur.
    Au matin, un homme sur le rivage leur demande du poisson. Ils n'ont rien. Alors, il leur ordonne de retourner, de dépasser leur découragement et leur fatigue. Lui sait que la mer est remplie. Lui sait que chacun se sent seul et isolé, perdu, alors que la terre n'a jamais été aussi peuplée et les moyens de communiquer aussi développés. Lui a cette confiance, c'est pourquoi il les renvoie jeter le filet, accomplir leur destinée de pêcheurs d'homme, d'arracheur de mort, de peur, de solitude.
    Et les disciples reviennent avec un filet plein à craquer. Plein à craquer de tout ce qu'ils n'avaient pas vu précédemment, parce qu'ils n'y croyaient pas.
    Jésus a déjà mis du poisson à cuire (d'où vient-il ?), il leur demande le leur parce qu'il est important de joindre ensemble ce qui vient du ciel et ce qui vient de la terre, lier ensemble ce qui vient de Dieu et ce qui vient des humains.
    Alors les yeux des hommes s'ouvrent sur la présence de Dieu au cœur de leur vie ordinaire, de leur routine qui avait le goût du sable. Alors la vie, la vraie vie descend en eux et chasse la mort qui n'a plus sa place.
    Le poisson qu'ils ont pêché est le même poisson qu'ils mangent tous les jours, mais il est mêlé au poisson que Jésus a apporté, alors il a le goût de la fête, le goût des retrouvailles, le goût d'un avenir ouvert, à vivre ensemble, un goût de vraie vie. Alors sur ces yeux qui brillent, sur ces lèvres qui s'arquent en sourire se dessine la question : "Qui est-il ?" Mais personne n'ose la poser, parce que la réponse s'impose d'elle-même.
    Celui qui partage le pain entre tous, celui qui donne la Présence qui nourrit le cœur d'une nourriture toute nouvelle qui enfin rassasie : Il est là !
    Celui dont la Présence fait se dissoudre nos peurs. Celui dont la Présence nous laisse ouvrir notre cœur à l'autre. Celui dont la Présence panse et guérit nos blessures intérieures. Il est là !
    Il est là sur la plage de notre vie. Et il nous appelle — à nouveau : "Viens, suis-moi et je ferai de toi un vivant et un pêcheur d'hommes pour sortir des existences mortes, pour marcher dans la vraie vie."
    Amen
    © Jean-Marie Thévo, 2007

  • Jonas 4. Le message de Dieu à Jonas

    Jonas 4

    9.5.1999

    Le message de Dieu à Jonas

    Jonas 3:10 + 4:1-11        Mat. 18:21-27

    Chers amis,
    Pour la troisième fois, nous retrouvons Jonas. Jonas, le prophète contrarié par l'attitude de Dieu. Une première fois, Jonas ne voulait pas assumer sa vocation, la tâche de sa vie. Il a découvert, à travers la tempête et son aventure dans le ventre du gros poisson qu'on ne peut pas être un autre que soi-même. Aussi, lors de son deuxième envoi, il va à Ninive. Là il est incroyablement surpris. Il est pris au sérieux, Les habitants de Ninive changent de comportement. Jonas ne s'attendait pas à un pareil renversement. Il ne s'attendait pas non plus au deuxième renversement, celui de Dieu qui renonce à ses menaces. Cela met Jonas hors de lui, il est fâché.
    Le texte biblique ne nous rapporte qu'un bref résumé de la conversation de Dieu avec Jonas. Mais en interrogeant quelques descendants de Jonas, j'ai pu reconstituer la plus grande partie du dialogue. Il se peut qu'une partie de ce dialogue soit apocryphe — ait été inventé plus tard et mis dans la bouche de Dieu et Jonas comme le laisse supposer l'inclusion d'une citation de l'évangile — mais je pense qu'il reflète ce qu'ont pu penser Jonas et Dieu à ce moment-là. Voici ce dialogue :

    D —    "Jonas, as-tu raison d'être en colère ?" (Jon 4:4)
    J —    Oh, oui, Seigneur, j'en ai des raisons d'être fâché ! Tu m'as proprement ridiculisé.
    D —    Ah, oui, explique-moi.
    J —    Tu as commencé par me nommer prophète contre mon gré. Je ne voulais pas aller annoncer ce message de destruction à Ninive. Je me suis enfui et tu m'as ramené à mon point de départ. Alors, j'y suis allé finalement. J'ai annoncé la destruction de Ninive pour 40 jours plus tard et voilà que tu changes d'avis. Finie la destruction, tout reste en place. Tu te rends compte de ce que cela me fait ? J'ai l'air de quoi, moi ? Je suis la risée de tous. Je suis le prophète qui annonce des choses qui ne se réalisent pas ! Je passe pour un simple astrologue qui invente des prédictions pour se rendre intéressant. Tu m'as fait perdre toute crédibilité. Tu as ruiné ma carrière. Je n'ai plus d'avenir, je n'ai plus qu'à me laisser mourir au désert.
    D —    C'est vrai, je vois que mon action t'a fait du tort, mais comprends-tu pourquoi j'ai agi comme cela ?
    J —    Non, je ne vois pas. On m'a toujours appris à tenir ma parole, mes engagements, à réaliser ce que j'avais promis. Mais si, Toi, tu ne le fais pas, où allons-nous ?
    D —    C'est vrai, j'ai toujours dit qu'il fallait tenir ses engagements, mais, vois-tu, là, j'ai eu de la compassion pour tous ces habitants. Ils ont pris le deuil, ils ont crié à moi, ils en ont appelé à ma bonté, ils m'ont demandé de changer mes projets pour les épargner.
    J —    Oui, j'ai toujours su que "tu es un Dieu bienveillant et compatissant, patient et d'une immense bonté, toujours prêt à renoncer à tes menaces" (Jon 4:3). Mais je trouve que c'est de la mollesse. J'en ai assez. Je m'en vais au désert. Si tu as de la compassion pour moi, si tu tiens à ma personne et à mon travail de prophète, j'attends de toi que tu tiennes tes promesses et que tu rétablisses ma crédibilité en détruisant la ville. Je vais attendre ce spectacle au désert et voir si tu as plus de compassion pour eux que pour moi.
    "Jonas sortit de la ville et s'arrêta à l'est de Ninive. Là, il se fit une cabane à l'abri de laquelle il s'assit. Il attendait de voir ce qui allait se passer dans la ville. Le Seigneur Dieu fit pousser une plante, plus haute que Jonas, pour lui donner de l'ombre et le guérir de sa mauvaise humeur. Jonas en éprouva une grande joie. Mais le lendemain au lever du jour, Dieu envoya un ver s'attaquer à la plante et elle sécha." (Jonas 4 : 5-7)

    D —    "As-tu raison d'être en colère au sujet de cette plante ?" (Jon 4:9a)
    J —    "Oui, j'ai de bonnes raisons d'être en colère au point de désirer la mort" (Jon 4:9b) Tu ne m'aimes pas, tu n'as pas détruit la ville !
    D —    Jonas, veux-tu jouer une partie d'échecs avec moi ?
    J —    Non, je ne veux pas, parce que je vais perdre.
    D —    Pourquoi penses-tu perdre. Tu as la réputation d'être le meilleur joueur de tout Israël.
    J —    Je vais perdre parce que tu peux lire dans mes pensées la stratégie que je vais utiliser. Je ne veux pas perdre. Je suis devenu le meilleur joueur d'échec d'Israël parce que je déteste perdre.
    D —    Moi non plus je n'aime pas perdre ! Et te rends-tu compte que j'ai le sentiment de perdre chaque fois qu'un être humain sur la terre tombe dans le malheur ou me quitte fâché.
    J —    Vraiment ?
    D —    Oui, vraiment. Qu'as-tu éprouvé lorsque la plante qui avait poussé à côté de ta cabane a séché ?
    J —    Cela m'a contrarié. Elle me faisait de l'ombre pour me protéger de la canicule. J'ai été très content lorsqu'elle a poussé et très fâché lorsqu'elle a séché. J'ai même pleuré lorsque je l'ai vue mourir.
    D —    Et bien, Jonas, j'éprouve la même chose chaque fois qu'un être humain est malheureux. Aussi, s'il m'appelle, je viens à son secours. Malheureusement, je ne peux rien faire contre la volonté des humains. Souviens-toi, lorsque tu étais dans la tempête, j'ai envoyé le gros poisson dès que tu as crié au secours. De même, pour les habitants de Ninive. Ils ont pris ta parole au sérieux et ils ont crié à moi pour que je les sauve. Et j'ai suivi l'élan de mon coeur.
    Jonas, je t'avoue que tout le monde me désapprouve. Tu n'es pas le premier à me trouver trop bon et à être gêné de ma générosité. Je ne sais pas jouer selon les règles et les règlements. Je suis toujours mon coeur. D'ailleurs, je n'aime pas les échecs. Pour gagner, il faut faire perdre son adversaire. Je n'aime pas les situations où l'on gagne seulement lorsque l'autre perd. Si tu avais accepté de jouer, tu aurais gagné, parce que je préfère perdre que de faire perdre l'autre. Mais j'aime jouer, alors, je m'arrange toujours à remettre ceux qui jouent avec moi en selle, pour que la partie continue. C'est pour cela que je ne t'ai pas abandonné dans la mer. C'est pour cela que je ne détruirai pas Ninive. C'est pour cela que les bons et les méchants cohabitent encore sur la terre. Je leur laisse encore une chance de découvrir qu'ils ont un coeur et peuvent le suivre. La vie sur la terre serait tellement plus agréable pour tous si chacun veillait à laisser gagner l'autre. Comme le disait mon fils : "Faites pour les autres exactement ce que vous voulez qu'ils fassent pour vous. Si vous aimez seulement ceux qui vous aiment, pourquoi vous attendre à une reconnaissance particulière ? Même les pécheurs aiment ceux qui les aiment ! Et si vous faites du bien seulement à ceux qui vous font du bien, pourquoi vous attendre à une reconnaissance particulière ? Même les pécheurs en font autant ! Et si vous prêtez seulement à ceux dont vous espérez qu'ils vous rendront, pourquoi vous attendre à une reconnaissance particulière ? Des pécheurs aussi prêtent à des pécheurs pour qu'ils leur rendent la même somme ! Au contraire, aimez vos ennemis, faites-leur du bien et prêtez sans rien espérer recevoir en retour. Vous obtiendrez une grande récompense et vous serez les fils du Dieu très haut, car il est bon pour les ingrats et les méchants." (Luc 6:31-35)
    Comprends-tu, maintenant, Jonas ?
    Depuis-là, les témoignages divergent. Les uns disent que Jonas a compris, les autres qu'il n'a pas compris. S'il avait compris (disent ces derniers) le monde ne serait plus le même, le monde en aurait été complètement changé parce que, avec Jonas, tout être humain aurait compris et reconnu la bonté de Dieu et tous auraient adopté le même comportement.
    Celui qui comprend le message de Dieu adressé à Jonas (cf. Mt 12 : 38-41) commence une nouvelle vie, son comportement en est transformé, il reçoit le don de la compassion et du pardon.
    Que celui qui a des yeux pour voir, qu'il les utilise; que celui qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende !
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2007

    Série de prédications : Jonas 1-2, Jonas 3, Jonas 4

  • Jonas 3. "Les habitants de la ville prirent au sérieux la Parole de Dieu!"

    Jonas 3

    25.4.1999

    "Les habitants de la ville prirent au sérieux la Parole de Dieu!"

    Jonas 2:11 + chap. 3    1 Jean 2:9-11    Mt 5:1-10

    Chers amis,
    Depuis plus de 30 jours, une guerre fait rage en Europe, entre pays européens. Nous sommes tous touchés par les événements qui se déroulent dans les Balkans. Nous sommes tous sensibles à l'horreur de cette guerre — qui se voulait propre, mais se révèle sale ! Qui voulait sauver le Kosovo et ses habitants et qui laisse la voie libre à toutes les exactions.
    Toute cette semaine, ces images de guerre, de réfugiés ont côtoyé, dans ma tête, le texte de Jonas et sa prédication contre Ninive. Et des ponts, des passerelles sont apparus dont j'aimerais vous faire part, sachant, et vous avertissant, que ce sont des passerelles fragiles et des interprétations de circonstances. D'abord, les mots se mêlant dans ma tête, le texte s'est transformé en :
    "Jonas, lève-toi et pars pour Belgrade. Prononce des menaces contre elle, car j'en ai assez de voir la méchanceté de ses habitants."
    On comprend que Jonas ait d'abord fui devant une tâche, une mission aussi périlleuse ! Cependant — et je l'ai esquissé dimanche dernier — Jonas vit dans sa fuite, dans la tempête, une évolution spirituelle. Il accepte de prendre la responsabilité de sa vie et de la remettre entièrement à Dieu en risquant de la perdre. Et c'est ainsi qu'il est sauvé, par l'entremise du grand poisson. Ayant accompli, vécu sa propre conversion, Jonas peut accepter, maintenant, de retourner à Ninive. ayant plongé au fond de la mer (symbole de l'inconscient et des souffrances passées...), ayant été ressuscité par Dieu, il est revêtu d'une force toute nouvelle !
    Jonas doit annoncer le message de Dieu dans une ville qu'on met trois jours à traverser. Or au bout d'un seul jour, l'incroyable arrive :
    "Les habitants de la ville prirent au sérieux la Parole de Dieu!" (Jonas 3:5)
    Ah ! le rêve... notre rêve à tous. Les avertissements, les menaces sont efficaces ! Pourquoi le sont-elles à Ninive et ne le sont-elles pas à Belgrade ? Pourquoi la prédication de Jonas a-t-elle réussi alors que celle de Jésus a échoué ? N'ayons pas peur des mots : la prédication de Jésus pour la conversion immédiate d'Israël et de Jérusalem a échoué. Jésus lui-même l'a reconnu lorsqu'il dit, en parlant du signe de Jonas, que la génération de Ninive jugera la génération présente.
    Alors, que faire de ce texte qui annonce la réussite de la prédication de Jonas et la réalité — celle d'aujourd'hui, comme celle de Jésus — qui nous dit que cela est complètement utopique ? Ce caractère utopique est d'ailleurs déjà présent dans le texte de Jonas, puisque ce texte a été écrit ou est apparu à une époque ou Ninive n'existait déjà plus. Alors, que faire de ce texte ?
    Je pense qu'il y a une façon de s'en sortir. Le texte a pour thème fondamental le retournement, le renversement.
    •    Jonas doit aller à Ninive, mais part à l'opposé.
    •    Jonas est "retourné" par le naufrage et renvoyé à la terre par le grand poisson.
    •    Dieu menace de renverser Ninive.
    •    Les habitants, le roi, les ministres et même les bêtes se repentent, changent de comportement.
    •    Dieu lui-même revient sur sa décision.
    Autant de retournements impliquent que nous devons aussi lire ce texte en nous retournant, en changeant de point de vue.
    En effet, pourquoi nous identifions-nous toujours à Jonas ? Pourquoi Ninive et ses habitants sont-ils toujours les autres ? Nous habitons Ninive. Et les cris de Jonas parviennent jusqu'à nos oreilles.
    Voici ce que pourrait nous dire Jonas : "Vous allez être renversés — comme Ninive — si vous ne vous repentez pas . Vous allez risquer une 3e guerre (mondiale ou européenne) si vous ne prenez pas au sérieux la Parole de Dieu. Changez de comportement, rejetez le mal, choisissez le bien, pour ne pas être engloutis dans un nouveau déchaînement de violence !"
    Prenons au sérieux la Parole de Dieu, pas seulement en temps de crise, mais en tout temps, pour construire des rapports qui développent la paix, pour construire des relations qui endiguent la contamination du mal, de la violence.
    Voici ce que déclare l'apôtre Jean : "Celui qui affirme vivre dans la lumière (= en chrétien) et qui a de la haine pour son frère, se trouve encore dans l'obscurité" (=loin de Dieu) (1 Jn 2:9). La haine de soi, des autres, de Dieu ou de la vie est à la racine de toute violence. La haine est contraire à l'amour, non seulement parce que celui qui hait n'aime pas, mais surtout parce que celui qui est haï ne peut plus aimer.
    Pour nous garder de la haine, nous devons nous garder de juger, c'est-à-dire d'étiqueter et de mettre tout le monde dans le même panier. Il y a des coupables et des victimes dans tous les camps, même si ce n'est pas dans les mêmes proportions.
    Pour nous garder de la haine, il faut réaliser que la paix se prépare d'abord à l'intérieur de soi-même, en se mettant en paix avec soi-même, avec Dieu, avec ses proches et élargir toujours plus ce cercle. "Heureux ceux qui créent la paix autour d'eux, car ils seront appelés fils de Dieu" (Mt 5:9).
    L'évangile est retournement de nos valeurs habituelles qui misent plutôt sur la menace et la violence. Je ne sais pas ce que nous pouvons faire au niveau international pour le Kosovo, mais ce que je sais, c'est que Bussigny va accueillir — probablement à partir du 3 mai prochain — des réfugiés du Kosovo. Nous avons une tâche d'accueil et de pacification à mener ici à Bussigny, dans deux directions : d'une part envers ceux qui viennent trouver refuge chez nous, d'autre part envers la communauté des habitants de la commune afin que les craintes et les barrières s'abaissent.
    En tant que chrétiens, nous avons une vocation d'accueil, d'écoute et de création de paix. J'attends de notre paroisse qu'elle prenne au sérieux la Parole de Dieu, autant que les habitants de Ninive, afin que nous devenions ici des artisans de paix et de réconciliation.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2007

    Série de prédications : Jonas 1-2, Jonas 3, Jonas 4

  • Jonas 1-2. L'itinéraire spirituel de Jonas

    Jonas 1-2    18.4.1999

    L'itinéraire spirituel de Jonas

    Jonas 1 + 2: 1-2 +11    Rm 6:3-4    Mt 12 : 38-41

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Aux Pharisiens qui lui demandaient un miracle, Jésus a toujours renvoyé à l'histoire de Jonas. Jésus n'était pas un magicien qui faisait des tours spectaculaires pour convaincre ses spectateurs de sa supériorité ou de son origine divine. Jésus n'avait qu'un seul but : amener ses auditeur à connaître le vrai visage de Dieu et les amener à la foi, c'est-à-dire à faire pleinement confiance à la bonté de Dieu. C'est ce chemin qu'emprunte Jonas, ce chemin que je souhaite vous faire parcourir tout au long du livre de Jonas.

    L'aventure de Jonas est un itinéraire spirituel. Un itinéraire qui n'est pas réservé aux seuls prophètes ! C'est le chemin de tout être humain aux prises avec la vie. Comme Jonas, tout être humain reçoit une mission pour le temps de sa vie sur la terre. Une mission, une tâche, un rôle, une légende personnelle... quel que soit le nom qu'on lui donne, nous avons tous quelque chose à accomplir, à développer. Ce quelque chose est en relation avec notre constitution, notre être profond; il s'agit d'être soi-même et d'agir en pleine cohérence, en communion avec cette identité vraie qui nous habite.

    Mais, comme pour Jonas, accomplir cette mission nous fait peur ! Qui suis-je vraiment ? Et si je me révèle complètement, tel que je suis, ne va-t-on pas voir mes côtés d'ombre, ne serais-je pas dévoilé, démasqué ? Mieux vaut fuir loin de cette mission, loin de celui qui pourrait voir jusqu'au fond de mon âme !

    Aussi, Jonas va-t-il au port et y affrète un bateau — pour lui seul, il loue un bateau avec tout son équipage. Ah ! être maître à bord, voilà un bon antidote à la peur, un masque efficace pour ne pas révéler ses vulnérabilités. Jonas est aux commandes, il dirige son destin / bateau. Il va cependant découvrir qu'on ne peut pas se fuir longtemps, la vie le rattrape, le Seigneur, qui veille sur Jonas, fait se lever un tempête.

    La tempête, double image. D'une part, image de notre être profond qui ne se laisse pas berner par une fuite et se manifeste, se fait entendre. D'autre part, image même de la croyance de Jonas. Lorsque les marins l'interrogent sur son Dieu, Jonas confesse : "Je suis hébreu et j'adore le Seigneur, le Dieu du ciel, qui a créé les mers et les continents". (Jonas 1:9). (Si l'équipage est grec, ils doivent comprendre Poséidon, s'il est romain, Neptune avec peut-être une touche de Jupiter pour le ciel.)

    Jonas a une vision très partielle du Dieu d'Israël, il ne pense qu'au Dieu créateur, tout-puissant, un Dieu qu'il est difficile de différencier de la nature. Est-il celui qui dirige le vent, ou est-il le vent lui-même ? Jonas —  tout prophète qu'il soit — est comme beaucoup de nos contemporains, il croit en une puissance supérieure, forte et menaçante, mais qui est loin du visage du Dieu d'Israël ou du Dieu de Jésus-Christ.

    Jonas a beaucoup à apprendre. Et c'est de là, de cette croyance, dans cette tempête, que va partir son chemin, son itinéraire spirituel. C'est à partir de cette situation qu'il va être conduit, mené à découvrir et à rencontrer un Dieu différent. Dieu ne renie pas l'image que Jonas a de lui, il s'en sert. Plus encore, il s'en est déjà servi dans la vocation de Jonas. Jonas — le colérique — doit annoncer à Ninive la colère de Dieu.

    L'image que Jonas a de Dieu est en relation directe avec sa propre identité et Dieu se sert de cette colère (qui est mise en évidence au chap. 4) pour faire avancer Jonas sur son chemin. Vois ce dont un Dieu en colère est capable ! Il est capable de lever une tempête contre toi comme il est capable de menacer Ninive d'être renversée. En faisant cela, Dieu permet à Jonas de voir, de regarder son côté d'ombre, ce qu'il déteste en lui-même.

    A partir de là, Jonas passe la première étape : il reconnaît sa responsabilité dans ce qui lui arrive. Refuser son être profond conduit droit au conflit — illustré par la tempête (intérieure) — et conduit droit à la mort. Dans une deuxième étape il va oser voir, que même dans cette situation, il a le choix. Il a le choix entre, d'un côté, s'obstiner, rester sur le bateau et périr avec tous ceux qui sont embarqués avec lui, ou de l'autre côté, accepter son ombre et sauter dans le vide, sauter par dessus bord avec deux pensées : les autres auront la vie sauve et "à-Dieu-vat", c'est-à-dire faire une confiance totale à Dieu, lâcher prise.

    Faire confiance à Dieu — en se jetant par dessus bord, à corps perdu dans la confiance — c'est accepter que Dieu a peut-être un autre visage que le terrible Dieu du ciel et des mers. Se jeter à l'eau, c'est l'image du baptême que donne l'apôtre Paul : "Par le baptême, nous avons été ensevelis avec Christ afin que (...) nous aussi vivions une vie nouvelle avec lui" (Rm 6:4). C'est pourquoi Jésus a donné Jonas en exemple, exemple de la foi totale (qui dépasse la vision d'un miracle) et exemple de sa mort et de sa résurrection.

    Jonas accepte donc de jeter le masque, de lâcher prise et de plonger à la découverte de son être véritable en même temps que du vrai visage de Dieu. Et l'inattendu arrive. Qui aurait pu imaginer ce qui allait se passer ? Jonas est sauvé par l'entremise de ce grand poisson. Image de la grâce qui sauve et de la puissance d'un Dieu capable de commander un monstre — bien plus : de suspendre la mort.

    Pour Jonas, cela n'a pas été cependant une partie de plaisir : il passe trois jours et trois nuits, seul avec lui-même et dans le doute le plus absolu sur son devenir...

    La recherche de sa voie, de son être profond, de sa vocation ou de sa légende personnelle passe par des temps de doutes et d'incertitudes comme celui de Jonas. Mais celui qui s'y engage totalement, avec une pleine confiance sera remis sur la terre ferme pour débuter une nouvelle vie, avec une nouvelle force.

    La suite du livre, nous montre comment, la vie de Jonas a complètement changé, alors même que tout a l'air de recommencer à l'identique, puisque le chapitre 3 commence ainsi :"Une deuxième fois, le Seigneur donna cet ordre à Jonas : — Debout, pars pour Ninive et fais-y entendre le message dont je t'ai chargé." (Jonas 3:1-2).

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz 2007

    Série de prédications : Jonas 1-2, Jonas 3, Jonas 4

  • Jean 20. Jésus doit monter vers son Père pour nous ouvrir le chemin

    Pâques    Jean 20

    12.4.1998

    Jésus doit monter vers son Père pour nous ouvrir le chemin

    Jean 20:1-18    Col. 3:1-4

    Frères et soeurs en Christ,

    Ce matin, nous nous réjouissons de vivre à nouveau Pâques, le matin de la résurrection. Ce fut pour les disciples, hommes et femmes un matin de surprises ! Que d'inattendu ! Venus au tombeau pour les rites de deuil, les femmes et les disciples sont confrontés à un tombeau vide.
    Face au tombeau vide, le récit que nous avons entendu présente deux réactions :
    •    d'un côté celles de Pierre et du disciple que Jésus aimait,
    •    de l'autre, celle de Marie de Magdala.
    Les deux disciples, Pierre et Jean (la tradition a vu Jean dans le disciple que Jésus aimait), fondateurs des premières communautés chrétiennes, se devaient d'être présentés avec un comportement exemplaire. Aussi le récit dit-il simplement de Jean : "Il vit et il crut" (Jn 20:8).
    Pour eux, premiers témoins sur place, le simple fait de voir le tombeau vide, les bandelettes bien rangées, l'absence de corps, suffit à leur faire comprendre le mystère de Pâques. Tant mieux pour eux !
    Mais pour ceux qui viennent après eux, les premiers lecteurs de l'évangile de Jean, ou pour nous, deux millénaires plus tard, est-ce aussi facile ? Peut-on aussi croire sans voir ? Aussi vite ? Les signes "visibles" étaient-ils vraiment aussi clairs ?
    La mise en scène de Marie de Magdala vient en réponse à quelques-unes de ces questions. Marie de Magdala peut être vue comme la figure de l'Eglise qui vient après, plus tard, avec ses difficultés à croire, avec ses doutes sur l'évidence de la résurrection à partir de la vision du tombeau vide.
    Si nous avions été là en ce premier matin de Pâques, qu'aurions-nous vu ? Comment aurions-nous réagit ? Très probablement comme Marie de Magdala.
    Face au tombeau vide :
    nous aurions pensé que le corps avait été enlevé, déplacé.
    Face aux anges-messagers :
    nous aurions été aux renseignements.
    Face à cet homme debout derrière nous :
    nous aurions préféré le prendre pour le jardinier plutôt que de croire l'impossible, l'impensable... Notre cerveau aurait aussi mis une image plausible en face de nous (un jardinier), plutôt que d'affronter l'incroyable (un mort sort de sa tombe).
    Finalement, lorsque Jésus arrive à bout de toutes nos résistances et se fait reconnaître pour qui il est, nous aurions préféré le garder auprès de nous plutôt que de le laisser partir à nouveau, à peine retrouvé !
    Que d'épreuves, que d'embûches pour que Jésus puisse faire connaître sa résurrection, pour que Marie, et nous avec elle, puissions le reconnaître !
    "Ne me retiens pas" dit Jésus. Le chemin n'est pas tout à fait terminé. A peine apparu, il annonce son départ. Quel choc ! Quelle peine !Mais la résurrection n'a pas pour but la prolongation de la vie terrestre de Jésus, ce n'est pas un retour à la vie, c'est la vie dans une autre dimension, c'est la vie dans un autre but."Va dire à mes frères que je monte vers mon Père qui est aussi votre Père, vers mon Dieu qui est aussi votre Dieu" dit Jésus (Jn 20:17). Pâques ce n'est pas "Jésus 2, le retour". Pâques, c'est l'élévation, l'exaltation, la glorification de ce Jésus qui a été crucifié. Nous devons laisser aller, laisser partir Jésus pour qu'il monte vers Dieu, pour qu'il accomplisse sa mission.
    Cette montée, cette ascension vers Dieu est la finalité ultime de la vie de Jésus et du plan de Dieu. Jésus doit monter vers son Père qui est notre Père pour ouvrir le chemin vers son Dieu qui est notre Dieu. Jésus est le chemin qui mène au Père : "Je suis le chemin, la vérité et la vie" (Jn 14:6).
    Dans cette montée, tous les humains sont associés, par cette montée de Jésus, nous sommes reliés à Dieu, qui devient notre Dieu, qui devient Dieu pour nous, un Dieu accessible et proche.
    Jésus a ouvert ce chemin. Nous pouvons maintenant l'emprunter pour nous relier à Dieu, pour nous occuper des choses d'en-haut, comme le dit l'apôtre :
    "Vous avez été ramenés de la mort à la vie avec le Christ.
    Alors recherchez les choses qui sont au ciel,
    là où le Christ siège à la droite de Dieu" (Col. 3:1).
    Amen
    @ 2007 Jean-Marie Thévoz

  • Matthieu 28. Dans le récit de Pâques, Matthieu nous détourne du tombeau vide pour nous envoyer en Galilée

    Matthieu 28

    27.3.2005

    Dans le récit de Pâques, Matthieu nous détourne du tombeau vide pour nous envoyer en Galilée

    Rm 10:13-17    Mt 28 : 1-10    Mt 28 : 16-20

    Chers amis,
    Je trouve redoutable de prêcher sur la résurrection le jour de Pâques. Oui, je trouve cela redoutable parce que nous vivons à une époque où l'on a plus besoin de savoir que de recevoir, d'être sûr, d'être assuré que d'être appelé à s'émerveiller.
    La résurrection, c'est d'abord quelque chose d'impossible, d'incroyable, et pourtant nous voulons nous en faire une image, une représentation, nous voulons l'expliquer, en faire quelque chose qui nous rasure et nous aide à croire.
    En fait, des siècles de croyances et de traditions sont venus recouvrir notre lecture des Evangiles d'un voile, presque opaque. Ce matin, j'ai envie de laisser tomber ces filtres et retourner à la simplicité du texte, retrouver juste ce qu'il dit et ne dit pas.

    "Après le sabbat, dimanche au lever du jour, Marie de Magdala et l'autre Marie vinrent voir le tombeau." (Mt 28:1)
    Deux femmes viennent voir le tombeau. Chez Matthieu, il n'est pas question de toilette des morts, d'embaumement avec les fameux aromates. Les femmes ne viennent rien faire, elles viennent voir…

    "Soudain, il y eut un fort tremblement de terre; un ange du Seigneur descendit du ciel, vient rouler la pierre de côté et s'assis dessus. Il avait l'aspect d'un éclair et ses vêtements étaient blancs comme la neige. (…) L'ange prit la parole et dit aux femmes : « N'ayez pas peur. Je sais que vous cherchez Jésus, celui qu'on a cloué sur la croix; il n'est pas ici, il est revenu de la mort à la vie comme il l'avait dit. Venez, voyez l'endroit où il était couché. » (Mt 28:2-3+5-6)
    Tiens, voilà de l'extraordinaire, un tremblement de terre et un ange lumineux. On croit assister à la résurrection… mais on se trompe ! Le tombeau n'est pas ouvert pour que Jésus en sorte — "il n'est pas ici" dit l'ange — non, le tombeau est ouvert pour que les femmes puissent constater que Jésus n'y est plus !
    La scène extraordinaire ne concerne pas la résurrection, mais la révélation ! Dieu bouleverse l'ordre ordinaire des choses pour que les humains aient accès à la révélation. Mais le seul tombeau vide ne dit rein aux femmes et ne leur donne pas la foi. C'est la parole de l'ange qui les ouvre au mystère : "Il a été relevé, réveillé, il vous précède en Galilée" (Mt 28:7).
    Le tombeau vide n'est pas preuve de résurrection, l'ange non plus, l'ébranlement de la terre non plus. Voir le tombeau vide n'est pas nécessaire à la foi, la foi ne vient pas de ce qui est vu, mais de la parole qui est entendue (Rm 10:17). Matthieu en est bien conscient puisque son évangile est une prédication pour une communauté de la 2e ou de la 3e génération après Jésus. Les croyants qui lisent l'Evangile de Matthieu pour la première fois, comme nous aujourd'hui, n'ont pas accès au tombeau vide. Nous n'avons accès qu'aux paroles des femmes, des disciples, des évangélistes ou des prédicateurs.
    Le récit de Matthieu n'est donc pas une explication de la résurrection, mais une aide à la foi de l'Eglise. Il ne cherche pas à éclaircir le mystère, à expliquer le phénomène, il cherche à consolider la foi des croyants. Aussi, nous dit-il que ce n'était pas plus facile auparavant, même pour les Onze disciples :

    "Les onze disciples se rendirent en Galilée, sur la colline que Jésus leur avait indiquée. Quand ils le virent, ils l'adorèrent; pourtant ils eurent des doutes." (Mt 28:16-17)
    Les disciples voient Jésus, mais ils doutent ! Même eux — peut-on dire — ont de la peine à croire, Mais comment cela est-il possible ? Comment peuvent-ils douter alors qu'ils ont Jésus sous les yeux ? Eh bien, parce que ce ne sont pas les yeux qui donnent la foi. Parce que ce qu'on voit n'est pas toujours très clair ni très objectif, malgré ce qu'on veut nous faire croire à l'ère du tout télévisuel. La vue ne donne pas le sens de ce qui est vu, c'est sujet à interprétation.
    Je vous donne un exemple : Vous voyez arriver quelqu'un près d'un parc à vélo. Il secoue plusieurs vélos jusqu'à ce qu'il en trouve un qui n'a pas de cadenas et s'en va le plus vite possible. Qu'avez-vous vu ? Ce qu'on croit avoir vu, c'est un voleur de bicyclette. Mais ce pourrait aussi être un pompier qui doit rejoindre d'urgence son service et dont la voiture est en panne. Seule une parole vous dira ce que vous avez vu !
    Dans son récit, Matthieu nous dit cela : Ce n'est pas la vue qui donne la foi. Pour que la foi naisse et grandisse, il faut que l'ange explique aux femmes le sens de ce qu'elles voient; il faut que les femmes disent aux disciples ce qu'ils vont voir en Galilée; il faut que Jésus dise aux disciples ce qu'ils doivent faire, pour qu'ils comprennent et que la foi naisse de leurs doutes.
    Le doute est normal face à la résurrection. D'ailleurs, le mot que Matthieu utilise pour parler du doute est un mot qui s'applique toujours aux disciples dans son Evangile, il décrit le doute à l'intérieur de la foi. Il décrit ce moment d'équilibre instable où l'on hésite entre la foi et l'incrédulité, entre le "c'est merveilleux" et le "c'est trop incroyable" entre "je n'en crois pas mes yeux" et "je ne crois que ce que je vois", entre la confiance et la défiance.
    Matthieu comprend cette hésitation, elle habite toute personne en quête de la vérité. Et à celui qui est sur le ballant, Matthieu dit  — étrangement — retourne en Galilée, c'est là que Jésus te précède et t'attend. Pourquoi en Galilée, alors que dans les autres Evangiles, Jésus apparaît à ses disciples à Jérusalem ?
    Je crois que Matthieu nous renvoie au ministère de Jésus, à la montagne où il a prononcé son sermon sur la montagne, aux lieux de ses rencontres et de ses guérisons. Matthieu nous dit — dans un langage un peu crypté — si tu hésites encore, eh bien retourne aux premières pages de mon Evangile et suis Jésus encore une fois, retrouve-le et suis-le, surtout écoute-le.
    Car, comme le dit l'apôtre Paul :
    "La foi vient de ce qu'on écoute la nouvelle proclamée et cette nouvelle est l'annonce de la Parole du Christ." (Rm 10:17)
    Dans cette bonne nouvelle se trouve la puissance de la résurrection.
    Amen
    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Genèse 9. Le Déluge, un châtiment devenu inacceptable

    Genèse 9

    25.3.2007

    Le Déluge, un châtiment devenu inacceptable

    Gn 6 : 9-22 Gn 9 : 8-13 Jn 18 : 28-40

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Jeudi de cette semaine, 25 paroissiens ont suivi une visite guidée de l'exposition "Visions du Déluge" à Lausanne et samedi j'y ai emmené 16 catéchumènes. Cette exposition nous présente une série d'œuvres — des gravures et des peintures — de la Renaissance jusqu'au XIXe siècle qui tournent autour du thème du Déluge. C'est évidemment la partie inondation, engloutissement de l'humanité, qui donne lieu aux représentations les plus dramatiques. À l'opposé, la survie de Noé et de sa famille est peu spectaculaire et n'intéresse pas beaucoup les peintres.
    Ce qui est remarquable dans cette exposition, c'est de voir l'évolution des mentalités de la société à propos du récit du Déluge. Les peintres présentent le Déluge, mais aussi un point de vue sur le Déluge, sur la décision divine.
    Ainsi, au Moyen Age et à la Renaissance, les peintres mettent l'accent sur le châtiment mérité de cette humanité violente et méchante. Il y a foule sur les tableaux, les gens se battent entre eux pour défendre qui son radeau, qui sa barque ou son tonneau. Le spectateur n'est pas invité à la pitié mais plutôt à la peur, à la peur du châtiment.
    Au XVIe siècle, le déluge est souvent représenté comme un avertissement, il préfigure le jugement dernier et nous invite — toujours par la peur — à nous détourner du mal.
    Au XVIIe siècle, les peintres diminuent le nombre de personnages sur leurs tableaux et invitent plutôt les spectateurs à l'émotion et à la compassion.
    Aux XVIIIe et XIXe siècles, les peintres ne représentent plus que quelques personnages, 6 ou 4, voir même seulement deux et attirent notre attention sur l'injustice de leur sort. Comment cette femme, cet enfant pourraient-ils être coupables d'un tel châtiment ? Il y a là, dans des tableaux qui précèdent et suivent la Révolution française, un mouvement de révolte contre les morts innocentes, notamment causées par les tremblements de terre (Lisbonne et Messine) et les éruptions volcaniques (Vésuve, Etna).
    D'un juste châtiment, les représentations du Déluge sont passées à l'expression de l'injustice de la mort innocente. Cette révolte, qui ne nous étonne pas aujourd'hui, s'accompagne d'un rejet de Dieu, du Dieu du Déluge. Les peintres remplacent d'ailleurs souvent le Déluge par d'autres catastrophes pour révéler l'injustice du monde.
    Les tableaux, comme la société, expulsent de plus en plus le thème biblique et le Dieu juge du Déluge. On passe de la représentation du Déluge à celle de la catastrophe, de la représentation du châtiment à celle de l'injustice, de la représentation de la Bible à celle de l'athéisme et du rejet de Dieu. Ce mouvement est très fort et entraîne encore les sociétés actuelles. Faut-il s'en plaindre ou s'en réjouir ?
    Je pense que ce mouvement est inscrit au cœur même de la Bible et du christianisme. C'est la puissance libre de l'évangile qui est à l'œuvre !
    Ce mouvement — révolte contre l'injustice et contre la mort de l'innocent, finalement contre le Dieu qui menace et punit — s'est développé à l'extérieur du christianisme établi parce que (autour de la Révolution française) l'Eglise officielle était trop liée au pouvoir et à la royauté, elle avait perdu son sel évangélique, elle défendait les puissants et non les petits, les exclus, les affamés.
    Ce mouvement qui crie la révolte de voir l'innocent écrasé — même par les catastrophes — c'est l'essence même du christianisme.
    Cette exposition s'arrête sur la représentation de deux personnages, deux amoureux, qui vont périr dans le Déluge, deux amoureux aux cœurs purs qui ne méritent pas la mort. Pourquoi l'exposition s'arrête-t-elle à deux personnages ? N'y a-t-il aucun tableau qui représenterait une seule personne injustement condamnée dans les réserves du Musée cantonal des Beaux-Arts ?
    Ponce Pilate déclare à ceux qui accusent Jésus : "Je ne trouve aucune raison de condamner cet homme" (Jn 18:29). Voilà le personnage unique, innocent, mais condamné par tous, qui manque pour achever cette exposition.
    Le récit de la mort de Jésus — l'innocent cloué sur la croix — n'est-il pas le modèle premier de dénonciation de la mort innocente qui a fait comprendre, petit à petit, à l'humanité combien est révoltant toute mort d'innocents ?
    La graine de la révolte contre le châtiment du Déluge, c'est Dieu lui-même qui l'a plantée dans le cœur de l'homme en nous montrant la croix de Jésus. Dénoncer les morts innocentes, ce n'est pas s'en prendre à Dieu, c'est prendre son message au sérieux !
    C'est parce que l'évangile de la Passion est lu et relu chaque année dans nos Eglises que la société ne peut plus accepter le châtiment du Déluge, ne peut plus accepter les catastrophes sans aller porter secours, ne peut plus accepter les maladies sans financer la recherche médicale et les soins, ne peut plus accepter les accidents sans chercher de nouveaux moyens de prévention.
    En cela, la mort de Jésus a parfaitement réussi — avec et parfois malgré l'Eglise et les pratiquants — à changer le monde, à changer notre façon de regarder les événements autour de nous.
    Il est donc important de ne pas jeter Dieu avec l'eau du Déluge.
    Il est important que l'histoire de la Passion soit relue, reméditée, redite continuellement.
    Il est important de renforcer notre témoignage chrétien en répétant avec force qu'aucun intérêt ne peut justifier le sacrifice de qui que ce soit.
    Il est important de relever que nos valeurs modernes (démocratie, droits humains, égalité) sont enracinés dans l'évangile de la Passion, même si elles ont été laïcisées.
    Il est important de refuser que le christianisme soit renvoyé dans la sphère privée — hors de l'espace public, politique et économique — ce serait la mort de nos valeurs occidentales.
    Nous pouvons être fiers de porter en nous les valeurs de l'évangile. Nous pouvons être fiers d'être fidèles à cette tradition qui a formé et porte encore notre société. Nous pouvons être fiers et le dire autour de nous.
    Amen

  • Ephésiens 6. Jésus nous arme pour affronter les épreuves de la vie.

    Ephésiens 6

    28.3.2004

    Jésus nous arme pour affronter les épreuves de la vie.

    Mat 7 : 24-27    Eph 6 : 10-19    Luc 22 : 39-46

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous avançons vers Pâques, le temps de la Passion, la souffrance et la mort de Jésus, puis sa résurrection mystérieuse. Sur ce chemin, Jésus est avec quelques disciples au Mont-des-Oliviers, dans un lieu appelé Gethsémané. Il fait nuit — au propre comme au figuré — Jésus prend conscience qu'il va affronter la mort et il prie  "Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe de douleur" (Lc 22:42).
    Nous savons maintenant que rien n'a été épargné à Jésus. Et nous savons et voyons autour de nous que le fait d'être croyant, de prier, de faire du bien autour de soi, n'écarte pas les malheurs de notre route. La foi en Dieu n'est pas une assurance contre les risques, les malheurs, la maladie, les deuils. Alors, "à quoi bon ?" peut-on se demander. Qu'est-ce que cela change d'être chrétien, si les malheurs de la vie sont inévitables ?
    L'apôtre Paul nous donne une piste lorsqu'il écrit :

    "Saisissez maintenant toutes les armes de Dieu ! Ainsi quand viendra le jour mauvais, vous pourrez résister à l'adversaire et, après avoir combattu jusqu'à la fin, vous tiendrez encore fermement votre position." (Eph 6:13)
    Paul, comme nous, sait que l'adversité surgit toujours, un jour ou l'autre. Alors, pour ne pas être abattu, pour tenir debout, il nous invite à nous préparer, à saisir la panoplie de moyens que Dieu met à notre disposition. Le rôle de Dieu n'est pas de nous faire échapper à la vie, mais de nous donner les forces pour l'affronter.
    L'évangile est une  source de force pour affronter l'adversité, sans se faire balayer, renverser, démolir. Pour nous faire découvrir cela Jésus avait raconté la parabole des maisons construites sur le sable ou sur le roc. Ce roc, c'est l'ensemble des paroles et des actes de Jésus.
    Dans sa lettre, Paul utilise une autre image, cette du guerrier qui s'harnache pour le combat, et Paul cite : la ceinture, la cuirasse, les chaussures, le bouclier, le casque et l'épée. Cela, c'est la panoplie du guerrier, mais Paul n'invite pas à la guerre, au djihad, il s'agit de l'évangile de la paix.
    La panoplie du chrétien, c'est la vérité, la justice, le zèle à annoncer l'évangile de paix, la foi, le salut et la Parole de Dieu. C'est la vérité pour ceinture qui fait tenir tout l'équipement, qui assure la cohérence entre nos paroles et nos comportement. La justice comme une cuirasse. Le zèle à annoncer l'évangile comme des chaussures qui nous permettent d'avancer, de progresser. La foi comme un bouclier pour se défendre, pour assurer sa sécurité intérieure. Le salut comme un casque qui protège nos pensées, nos décisions. Et finalement, la Parole de Dieu comme une épée, seule arme "offensive", une Parole de Dieu qui se dit dans une parole si désarmante : "Dieu est amour" (1 Jn 4:8).
    L'adversaire à combattre — Paul le dit explicitement — n'est pas formé d'êtres humains. Ce sont des puissances, des autorités, des pouvoirs. Ce sont les réalités abstraites qui dirigent la vie des hommes. Et même si, au XXIe siècle, il nous semble que nous avons quitté ce monde magique de puissances célestes, je pense que nous leur avons simplement donné de nouveaux noms.
    On ne dit jamais que Monsieur Untel veut licencier 100 ou1'000 personnes. On nous dit : "pour rester concurrentiel, il faut...", "la logique des marchés nous oblige à ...", "la mondialisation veut que...", "la bourse a sanctionné..." Voilà les puissances et les pouvoirs d'aujourd'hui qui décident de milliers de destins humains. L'adversaire, c'est l'adversité qui peut tomber sur quiconque, à n'importe quel moment, sans rapport avec le mérite personnel ou la qualité du travail effectué.
    Il en est de même pour la maladie et le deuil. Ces événements arrivent, et lorsqu'ils arrivent, nous ne pouvons pas les changer. Ce qui est en notre pouvoir, de notre ressort, c'est notre façon de les affronter, la façon dont nous les laissons nous affecter.
    C'est là que nous avons une responsabilité à prendre — et si possible prendre à l'avance ?

    "Saisissez maintenant les armes de Dieu !" (Eph 6:13)
    Aujourd'hui nous pouvons construire notre personnalité, nous pouvons nous fortifier, nous armer contre l'impact du malheur.
    C'est une tâche personnelle de voir comment nous vivons, comment nous construisons nos relations, notre travail, nos loisirs, comment nous préparons notre retraite ou encore notre grand âge.
    Que garderons-nous dans nos têtes, notre esprit et notre âme, si nous devenons dépendants, si nous perdons notre mobilité, si nous perdons nos proches.
    C'est aussi une tâche parentale, éducative de fournir ces armes à nos enfants, leur montrer comme la vérité agit comme une ceinture, c'est-à-dire tient tout ensemble, donne une cohérence au langage et au comportement. Comme la foi, la confiance agit comme un bouclier, c'est-à-dire protège, sécurise. C'est notre rôle de leur permettre de montrer leurs émotions et mettre les bons mots dessus.
    Avec l'ensemble de ces armes (qui n'ont pas de buts agressifs, mais défensifs) il est possible d'accéder à la paix, une paix intérieure et une paix avec les autres. Avec cette panoplie — à condition de ne pas la laisser à la cave — il est possible de tenir debout par soi-même — ce qui ne signifie pas être debout tout seul — mais ne pas reposer sur le sable, sur des choses éphémères.
    Dieu nous donne cette panoplie de moyens pour résister à l'adversité, pour s'appuyer sur le roc. N'attendons pas le malheur pour chercher cet appui, apprenons dès maintenant à nous enraciner en Jésus-Christ.
    Amen

    © 2007, Jean-Marie Thévoz