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Clamans - Page 27

  • Osée 2. Au lieu de punir, Dieu veut reconquérir son peuple

    Osée 2
    16.9.2012
    Au lieu de punir, Dieu veut reconquérir son peuple
    Osée 2 : 16-22     Matthieu 9 : 35-38

    Téléchargez la prédication ici : P-2012-09-16.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    En ce jour de Jeûne fédéral, nos autorités cantonales nous invitent à une journée de prière et de jeûne, une tradition vieille de presque 200 ans. La prière, nous savons ce que c'est et à quoi elle "sert" : à nous ouvrir à la dimension divine et à exprimer nos besoins.
    Le jeûne, c'est plus difficile, surtout dans notre tradition réformée. Disons que celui qui s'essaie au jeûne peut s'en servir comme d'un révélateur. Révéler ce que c'est que ressentir la faim et se rapprocher de la moitié de l'humanité qui l'éprouve de manière forcée. Et révéler — de manière plus large — ce qui vient à nous manquer, c'est-à-dire nos dépendances : de quoi n'arrivons-nous pas à nous priver ? Qu'est-ce que nous considérons comme indispensable, incontournable, dont on ne peut pas se passer ?
    Rejoignons maintenant le prophète Osée. Il vit dans une situation de troubles politiques considérables. L'empire d'Assyrie menace à tout moment d'envahir la terre d'Israël et le pouvoir royal est l'objet d'incessantes rivalités. La situation économique est mauvaise. Les prophètes voient dans cette situation une punition divine. L'idolâtrie des rois envers Astarté et Baal, qui entraîne celle du peuple, est dénoncée par les prophètes comme la cause de leurs malheurs.
    Osée emboîte le pas, en dénonçant l'idolâtrie. Il compare Dieu à un mari et Israël à une épouse infidèle. Mais là où tous les autres prophètes appelleraient à punir l'épouse infidèle, Osée dévoile une autre stratégie : Dieu veut reconquérir sa femme, et rallumer sa flamme. Dieu se lance dans une offensive de séduction pour faire renaître l'amour de son peuple pour lui.
    Tout n'est pas effacé. L'accusation d'idolâtrie est maintenue. Dieu ne ferme pas les yeux sur ce qui s'est passé, mais il veut repartir sur des bases nouvelles, créer une nouvelle relation. L'idolâtrie n'a plus cours aujourd'hui. On ne sait plus trop ce que cela représente. Il faut trouver des mots neufs pour exprimer cette réalité.
    L'idolâtrie : c'est remplacer des vraies valeurs par du toc, l'essentiel par de l'apparence, du vrai par du faux. L'idolâtrie, ce sont des rapports faussés où l'accessoire remplace l'essentiel, ou l'immédiateté devient plus importante que le long terme. Là, on voit mieux le rapport à notre société. L'idolâtrie, c'est la distorsion qui fait que je ne vais pas rouler moins en auto, même si je sais que tous les ours polaires vont disparaître bientôt; mais je me sentirai très coupable si j'écrase un hérisson avec ma voiture.
    Le Jeûne fédéral est une occasion de penser à ces distorsions — dont nous sommes rarement coupable individuellement (ce n'est pas moi tout seul qui suis responsable du réchauffement climatique) — mais dont nous sommes tous collectivement responsables. C'est penser à ces distorsions, à ces dépendances qui rendent le monde de moins en moins vivable, de moins en moins respirable ou sûr. 
    Les prophètes d'aujourd'hui renforcent ce sentiment de culpabilité par leurs discours en espérant que nous changerons de comportement. Le prophète Osée essaie une autre voie, en nous disant que Dieu ne veut pas nous punir, mais qu'il veut nous reconquérir. Il veut rallumer en nous le sentiment du beau, le sentiment de la joie d'être ensemble.
    A la culpabilité écologique d'aujourd'hui, Osée opposerait l'appel à notre émerveillement face à la nature. Il ferait appel à notre amour de la nature. Ne trouvez-vous pas la nature si belle que cela vaut la peine de la ménager, de la préserver ?
    Bon, Osée ne parle pas d'écologie, mais de relations, d'abord de la relation à Dieu, parce que quand la relation essentielle va, toutes les autres s'alignent et se mettre à aller bien. Osée affirme que Dieu veut à nouveau se fiancer à son peuple et voilà ce que Dieu dépose dans la corbeille de mariage : trois paquets-cadeau que nous allons déballer ensemble.
    Dans le premier paquet, il y a l'éternité. Dieu veut avec nous une relation durable, solide, qui tienne dans le temps. Une relation sur laquelle on puisse se reposer.
    Dans le deuxième paquet, il y a quatre choses : la justice et le droit; l'amour et la compassion. Le droit, c'est la liste de ce qui est interdit ou prescrit, ce qui permet de savoir à quoi s'en tenir. Le droit assure la sécurité et la confiance. La justice et le système judiciaire assurent que le droit est appliqué. Cela permet la vie ensemble. Là où le droit et la justice n'existent pas, c'est le règne des clans, des mafias et des dictateurs. C'est le règne de la violence et des plus forts. Dieu veut le respect du droit et de la justice pour que les petits et les faibles soient respectés.
    L'amour et la compassion, c'est ce que Jésus est venu nous montrer en acte. C'est le visage du Père qu'il nous a révélé. C'est le ciment des relations interpersonnelles, c'est le remède aux relations faussées et distordues. Jésus est venu soigner et guérir ces relations faussées et distordues.
    Enfin, dans le troisième paquet-cadeau, il y a la vérité, en hébreu le "amen", l'amen qu'on prononce à la fin de nos prières pour dire "c'est vrai, c'est solide, c'est la vérité."
    Voilà les six valeurs que Dieu met dans la corbeille de mariage avec son peuple. Voilà les six valeurs que Dieu vient mettre comme base à sa relation avec lui. Et Osée termine ce message par cette conclusion : "Alors tu me connaîtras comme Seigneur." (Os 2:22)
    Ces six valeurs dessinent le visage de Dieu, tel qu'il veut se révéler, tel qu'il veut se faire connaître. Et il nous invite — en ce jour de Jeûne fédéral — à lever les yeux vers lui pour le voir ainsi, et à nous laisser conquérir par ces valeurs, de manière à ce qu'elles prospèrent dans notre monde.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Jean 3. Jésus est venu dans le monde pour révéler la deuxième dimension de la vie.

    Jean 3
    2.9.2012
    Jésus est venu dans le monde pour révéler la deuxième dimension de la vie.
    Marc 1 : 9-11     Jean 3 : 1-9

    Téléchargez la prédication ici : P-2012-09-02.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,
    Nous découvrons aujourd'hui le personnage de Nicodème, dans sa rencontre avec Jésus. Le récit nous dit qu'il appartient au parti des Pharisiens, qu'il est un des chefs des juifs — il fait partie du Conseil appelé le Sanhédrin — et il dit lui-même qu'il est âgé.
    Les Pharisiens sont un groupe de gens très religieux, qui cherchent à se rapprocher de Dieu au travers de leur pratique, de leur stricte obéissance de la Loi de Moïse. Ils l'ont détaillée en une longue liste de commandements. Les Pharisiens ne se contentent pas d'observer et de pratiquer ces commandements, ils surveillent aussi les autres pour que chacun observe également ces commandements.
    Jésus est souvent confronté à leurs critiques. Il ne manque pas non plus de dénoncer leur hypocrisie, les accusant de filtrer le moucheron, mais d'avaler le chameau (Mt 23:24).
    Cette nuit-là, Nicodème vient secrètement rencontrer Jésus. Nicodème perçoit quelque chose d'exceptionnel chez Jésus, il croit reconnaître une origine divine aux paroles et aux actes de Jésus. Avant même que Nicodème ne pose une question à Jésus, Jésus lui dit ce qui lui manque : "Personne ne peut voir le Royaume de Dieu s'il ne naît pas de nouveau, ou s'il ne naît pas d'en haut" (Jn 3:3) (le mot grec signifie en même temps de nouveau et d'en haut). Jésus perçoit que Nicodème est en recherche, en quête du Royaume de Dieu, dans une quête spirituelle.
    Suit une sorte de dialogue de sourd où Nicodème oppose l'impossibilité pour un adulte ou une personne âgée de naître de nouveau de sa mère. Nicodème reste dans le terre-à-terre. Il reste dans les possibilités matérielles : personne ne peut retourner dans le ventre de sa mère pour naître une deuxième fois. C'est que Nicodème n'a pas vu la deuxième signification de ce "renaître." En fait, de manière générale, Nicodème ne voit pas la deuxième dimension de l'existence. Et Jésus est justement venu dans le monde pour révéler cette deuxième dimension de la vie, celle qui vient d'en haut.
    Nous naissons tous une fois dans ce monde, et nous avons besoin de ce corps pour y vivre, et nous avons besoin de nourrir ce corps, d'en prendre soin, de le faire grandir… pas de problème. Mais la vie ne se limite pas à cette dimension. Nous ne nous nourrissons pas seulement de lait maternel ou de pain. Nous avons besoin du regard de nos parents, nous avons besoin de recevoir de l'amour, nous avons besoin de relations.
    La vie humaine ne se réduit pas à la vie matérielle. Nous avons besoin d'être nommés. Nous avons tous besoin d'être appelés, nous avons tous besoin d'être adoptés.
    C'est ce que nous voyons dans le baptême de Jésus. Il y a la part matérielle avec l'eau du baptême pour le corps, mais ensuite il y a cet esprit qui vient d'en haut — visualisé par la colombe — et il y a cette parole d'amour et d'adoption : "Tu es mon fils bien-aimé en qui je mets toute mon affection." (Mc 1:11).
    C'est cette parole qui nous fait vivre, bien plus que ce que nous mangeons. Ce sont ces paroles d'amour et ces gestes d'affection qui affermissent notre confiance dans la vie, dans la valeur de notre existence. Peu importe l'ADN partagé ou non, c'est l'amour que nous recevons qui nous constitue comme être humain, aimé, engendré d'en haut.
    Nous sommes faits de cette double dimension, le charnel et le spirituel. Nous sommes boiteux si nous oublions une de ces dimensions. Et c'est ce que fait Nicodème. Comme Pharisien, il était tellement dans le contrôle de l'obéissance pratique aux commandements qu'il en oubliait la raison, le but ou la provenance : en haut.
    C'est pourquoi Jésus lui rappelle tout de suite l'essentiel : "Il faut naître à la vie d'en haut" et Jésus ajoute que cet "en haut" relève de l'eau et de l'esprit, l'esprit qui est comme le vent. Ce que Jésus veut dire, c'est que la vie d'en haut, cette deuxième dimension de l'existence ne peut pas se laisser enfermer dans un catalogue de prescriptions. Cette deuxième dimension de l'existence et de l'ordre de la liberté, de la danse, de la joie. Cette deuxième dimension, c'est ce qui donne du relief à l'existence, ce qui donne de la vie à la vie.
    Dans chaque moment de la vie, on peut saisir ces deux dimensions. Quand je fais la vaisselle, je peux penser à la corvée que cela représente, mais je peux aussi penser que je rends service à mon conjoint, à ma famille et plus encore, je peux anticiper le plaisir d'une belle table avec ses invités.  Quand je travaille, je peux penser au salaire qui tombera à la fin du mois et à la sueur que cela me demande, mais je peux aussi me réjouir de ce que mon travail apporte aux autres, comment il leur facilite la vie, comment ce que je fais contribue au bien commun. Quand je vois un coucher de soleil, je peux penser qu'il ne s'agit que de la réfraction d'ondes lumineuses au travers des couches de l'atmosphère, ou bien je peux m'émerveiller et me réjouir du jeu des couleurs et avoir envie de partager cette joie avec ceux que j'aime.
    Jésus appelle Nicodème à lever les yeux du guidon, à voir au-delà du factuel et du matériel. Nous sommes appelés à voir le monde, à voir ceux qui nous entourent avec un autre regard. Quitter le terre-à-terre pour un regard illuminé d'une lumière qui vient d'en haut.
    Nous sommes invités à aller au-delà des explications matérielles qui ne nous nourrissent pas, pour recevoir ou inventer une réponse poétique qui enchante nos sens; une réponse qui nous entraîne dans un pas de danse sur les ailes du vent.
    Amen

    ©Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Luc 11. Se préparer une vieillesse heureuse (III)

    Luc 11
    26.8.2012
    Se préparer une vieillesse heureuse (III)

    Jean 13 : 4-8       Luc 11 : 9-13

    Téléchargez la prédication ici : P-2012-08-26.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Pendant ce mois d'août, nous nous demandons comment se préparer une vieillesse heureuse. Nous avons vu que la société ne donne de valeur aux personnes qu'en fonction de leur productivité, de leur utilité. Il faut donc chercher ailleurs sa valeur au moment où la vieillesse arrive.
    Nous avons vu que l'extrême vieillesse fige les attitudes et le caractère acquis au fil du temps. Il est donc primordial de se former longtemps auparavant le caractère qu'on veut avoir pendant sa vieillesse. Nous avons vu aussi que ce qui nous donne de la valeur pendant la vie active repose sur des capacités que nous risquons de perdre avec l'âge. Une transformation de la base, du socle de notre valeur est donc nécessaire. Cette valeur ne doit pas reposer sur l'action, mais sur l'être.
    Nous avons vu que ce sentiment d'accomplissement de notre vie, nous pouvons le trouver — après le sentiment d'utilité de la vie active — dans le sentiment d'être bon, de faire de belles actions. Ce que Jésus appelait "accumuler un trésor dans le ciel (Mt 6:20). Le changement nécessaire, c'est de passer d'être gratifié par le fruit de ses activités, à être gratifié par sa façon d'être avec et pour les autres.
    Aujourd'hui, j'aimerais encore faire un pas en avant dans cette quête de pouvoir être, tout simplement être, pour être heureux. C'est une étape de plus, parce que faire du bien, c'était encore faire quelque chose. Bien sûr, c'est à maintenir aussi longtemps que possible dans sa vie, mais quand on ne peut plus rien faire, que reste-t-il ?
    Il reste à être, ce qui se décline de plusieurs façons, être là; attendre; se souvenir; prier ou méditer; et finalement recevoir. Aujourd'hui, j'aimerais me concentrer sur ce "recevoir." Dans mes visites en EMS, je rencontre beaucoup de personnes qui ont de la peine à recevoir ce qui leur est donné. Recevoir chaque jour leur nourriture. Recevoir de l'aide pour se déplacer. Recevoir des soins corporels.
    C'est leur état de dépendance et de toujours avoir besoin de recourir à quelqu'un pour des gestes accomplis auparavant par eux-mêmes qui est difficile. Notre société prône l'autonomie, l'indépendance, voir l'autarcie. C'est une attitude de puissants, d'orgueilleux qui veulent ne rien devoir à personne. C'est une attitude d'aveugles aussi, qui ne voient pas que tout ce qu'ils consomment et achètent est le fruit d'une chaîne de coopération qui a fait que le produit a passé de mains en mains pour arriver jusque dans leur assiette  ou entre leurs mains.
    Notre société jette le discrédit sur la dépendance individuelle alors qu'elle entretient des dépendances globales bien plus graves. Le problème, c'est que nous avons intériorisé ce discrédit et nous avons honte de demander et de recevoir. Nous avons honte d'appeler à l'aide, même si nous avons travaillé dans un domaine qui aide autrui !
    Nous sommes dans la situation de Pierre qui refuse de se laisser laver les pieds par Jésus — alors qu'on peut imaginer que Pierre, au cours des étapes de leurs déplacements, a déjà lavé les pieds de Jésus.  Nous préférons être dans la situation de celui qui donne, parce que c'est une situation dominante. La dette est chez celui qui reçoit le service.
    Garder cette attitude orgueilleuse qui empêche de recevoir, qui empêche de recevoir ce qu'on nous donne, les services des autres, c'est nous garantir une vieillesse malheureuse. D'où vient cette honte, ou cet orgueil ?
    C'est ce que Jésus essaie de nous faire découvrir, autant dans le Sermon sur la Montagne que dans le lavement des pieds. Nous ne croyons pas à la bonté de l'autre, à la générosité de l'autre. "Si donc vous qui êtes mauvais donnez de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père qui est dans les cieux vous donnera-t-il le Saint-Esprit, le don suprême !" (Luc 11:13). "Si je ne te lave pas les pieds, tu n'auras aucune part à ce que j'apporte !" (Jn 13:8).
    Refuser ce que nous apportent les autres, c'est refuser les dons qui viennent de Dieu, c'est refuser de reconnaître que nous sommes interdépendants, mais que la vie est possible malgré cela, ou plutôt à cause de cela. Martin Luther, le réformateur, disait que les saints sont ceux qui se savent totalement dépendants de Dieu (cité par Margot Kässmann, Au milieu de la vie, Genève, Labor et Fides, 2012, p.121). Etre totalement dépendant de Dieu, c'est remballer tout orgueil de ne vouloir dépendre de personne.
    Apprendre à donner, pour avoir un sentiment d'accomplissement intérieur, c'est une étape importante de notre préparation à vieillir. Apprendre à recevoir, simplement pour donner à l'autre sa chance de donner, est une autre étape tout aussi importante dans notre préparation à vieillir.
    Pour résumer les étapes. Nous sommes utiles pendant nos années de productivité. Nous pouvons être bons pour construire une base, un socle qui nous donne un sentiment d'accomplissement qui éclaire notre être quand nous sommes forcés d'en faire moins. Nous pouvons devenir justes en reléguant aux oubliettes l'orgueil de l'autarcie et la honte de la dépendance, en développant une juste reconnaissance envers toute la chaîne de ceux dont nous dépendons — tout au long de notre vie — pas seulement dans la vieillesse. Nous ne cultivons pas nous-mêmes notre café, ni ne construisons nous-mêmes nos voitures ou nos téléphones…
    Nous pouvons devenir justes en reconnaissant le caractère communautaire de l'existence. Nous avons été valorisé par nos rôles utiles et le bien que nous avons fait. Soyons justes en acceptant de recevoir de bon cœur et avec reconnaissance que d'autres puissent — dans leur étape de vie — se montrer utiles envers nous en accomplissant leur profession et se montrer bon envers nous par des gestes gratuits à notre égard.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • 1 Timothée 6. Se préparer une vieillesse heureuse (II)


    19.8.2012
    Se préparer une vieillesse heureuse (II)
    1 Timothée 6 : 17-19       Mat 6 : 19-23
    Téléchargez la prédication ici : P-2012-08-19.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous avons vu dimanche passé, avec le poème de l'Ecclésiaste, comment il décrivait — soyons directs — la décrépitude du très grand âge. Nous avons vu que l'extrême vieillesse apporte avec elle un immobilisme, un arrêt des changements, des possibilités de transformation de l'être et du caractère. Il en résulte la nécessité de préparer sa vieillesse, d'anticiper pendant que le changement est encore possible.
    Mais en fait, pourquoi faut-il changer quelque chose en nous entre la période active et la vieillesse ? Pourquoi ce que nous avons construit ne peut-il pas se prolonger simplement pendant la vieillesse ?
    Je répondrai par une autre question : Que reste-t-il à faire quand je ne peux plus rien faire ?
    C'est bien le problème de notre société face à la vieillesse ! Notre société est fondée sur le faire, le produire, l'agir. "Vous êtes quelqu'un en fonction de ce que vous faites" nous dit-on. Alors que devenons-nous lorsque nous n'avons plus rien à faire ?
    Si nous voulons une vieillesse heureuse pour nous, il faut trouver autre chose que ce que la société propose. Il faut faire reposer notre valeur sur autre chose que le faire. Nous devons abolir notre dépendance aux valeurs de cette société — du monde — pour nous ancrer ailleurs.
    Jésus disait à ce propos : "Ne vous amassez pas des trésors dans ce monde, mais amassez-vous des richesses dans le ciel." (Mt 6:19-20).
    Il y a un temps pour le confort, mais il y a un temps où il faut passer à quelque chose de plus solide, de plus durable, qui ne soit pas périssable, qui ne puisse partir en poussière dans la perte de nos capacités, de notre mobilité ou de nos sens.
    Mes trésors sont-ils sur terre ou sont-ils au ciel ? Le philosophe allemand Nietzsche propose un test pour évaluer soi-même la valeur de sa vie. Il propose de se demander : si je devais éternellement revivre ma vie, cette vie-là, est-ce que je ferais les mêmes choix, est-ce que je la revivrais de la même façon ?
    Voilà un crible intéressant qui permet de voir ce qui a de la valeur et ce qui n'en a pas ou qui est de valeur négative et qu'on devrait changer. Une infirmière en soins palliatifs américaine a relevé les regrets les plus souvent évoqués par les mourants. Ce sont : "J'aurais souhaité avoir le courage d'exprimer mes sentiments." "J'aurais souhaité rester en contact avec mes amis" et "j'aurais souhaité avoir le courage de vivre la vie que je voulais et non pas celle que les autres attendaient de moi." (Bronnie Ware, The Top Five Regrets of The Dying, Hay House, 2012)
    Vous remarquerez que les souhaits ne portent pas sur des productions, des actions qui n'ont pas pu être réalisées (construire une maison, planter une forêt…) mais chaque regret est en lien avec l'être et la vie. Regrets en liens avec ses émotions qui auraient pu être partagées avec d'autres. Regrets sur les relations abandonnées. Regrets sur des désirs non exprimés, sur une affirmation de soi muselée.
    Réaliser des choses pendant sa vie — avant de mourir — ne demande ni fortune, ni forme physique exceptionnelle, ni compétences hors normes. Réaliser ces choses, c'est amasser un trésor dans le ciel, amasser une estime de soi et un sentiment de valeur et d'accomplissement que rien ne peut ôter, ni la vie en EMS, ni la perte de fonction, ni la mort finalement.
    Se préparer à la vieillesse n'est donc rien d'autre que se donner le sentiment d'avoir réussi sa vie ! C'est aussi simple que cela ;-) !
    Ce qui est compliqué, c'est comment y arriver à ce sentiment d'accomplissement. J'ai trouvé une direction intéressante dans la première lettre à Timothée. Paul fait des recommandations à Timothée et aux autres lecteurs de cette lettre :
    "Recommande à ceux qui possèdent les richesses de ce monde de ne pas s'enorgueillir ; dis-leur de ne pas mettre leur espérance dans ces richesses si incertaines, mais en Dieu qui nous accorde tout avec abondance pour que nous en jouissions. Recommande-leur de faire le bien, d'être riches en actions bonnes, d'être généreux et prêts à partager avec autrui. Qu'ils s'amassent ainsi un bon et solide trésor pour l'avenir afin d'obtenir la vie véritable." (1 Tim 6 : 17-19).
    Il s'agit-là, d'abord, de reconnaître l'illusion de bonheur que propose la société romaine autant que la nôtre, les choses n'ont pas beaucoup changé. Ensuite Paul fait des recommandations positives : dis-leur de faire le bien, d'être riches en belles actions, de donner généreusement, de veiller au bien commun et finalement de se constituer un beau "socle" (je reviendrai sur ce terme) pour l'avenir et pour se saisir de l'essence de la vie, de la vraie vie. N'est-ce pas un beau programme ?
    Le but est de construire une assise, un fondement — un socle — qui soit beau pour sa vie. Imaginez ici un temple grec avec les trois marches en pierres taillées de son socle, l'assise sur laquelle repose tout le temple, même 2'000 ans plus tard. Avec une belle assise comme celle-là, bien solide, notre vie ne sera pas ébranlée par la vieillesse ni par la mort. Ce beau socle est bâti sur de belles actions.
    Il y a plusieurs étapes dans la vie. Une période pour apprendre, une période pour produire et être actif, pour engendrer. Vient ensuite — si nous voulons une belle vieillesse — une période pour faire du bien, pour être bienfaisant, dit l'apôtre Paul. Une période où l'on soigne particulièrement — de l'intérieur — notre façon d'être au monde. Cultiver la joie d'être-là, la joie de s'émerveiller, s'émerveiller de la nature, des créations humaines, des personnes qui nous entourent. Il s'agit d'apprendre à voir le bon et le beau autour de soi et d'entrer dans la danse pour participer à l'embellissement du monde autour de nous.
    Khalil Gibran disait : "Tout ce que vous avez sera donné un jour. Donnez donc maintenant afin que la saison de donner soit vôtre, et non celle de vos héritiers."
    Cette étape consiste à passer du "faire" tout court que prône la société, à "faire du bien" autour de soi. C'est ainsi que se construit la satisfaction intérieure, le sentiment d'accomplissement qui nous aidera au moment de devoir se dépouiller peu à peu de ce qui faisait notre vie.
    La prochaine étape, dimanche prochain, sera d'apprendre à recevoir, une étape qui semble encore plus difficile que celle de faire du bien.
    (à suivre)
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • 100'000 visites à ce jour !

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    Quelques statistiques au fil du temps : ici

  • Ecclésiaste 12. Se préparer une vieillesse heureuse (I)

    Ecclésiaste 12
    12.8.2012
    Se préparer une vieillesse heureuse (I)

    Ecclésiaste 12 : 1-8

    Téléchargez la prédication ici : P-2012-0812.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    En juillet, je vous ai annoncé une suite de prédications sur les âges de la vie. Je commence aujourd'hui. J'ai choisi ce thème à la suite de réflexions apparues autour de la votation sur EXIT et suite à mon travail dans les EMS.
    Dans ces deux situations, j'ai été confronté à la question de "l'utilité" ou de "l'inutilité" ressentie par les personnes âgées et très âgées. Dans les EMS, j'entends des personnes dire : "Je me sens un fardeau pour les autres" (famille, personnel soignant), "je me sens tellement inutile !"
    Notre société occidentale tient, aujourd'hui, un discours qui valorise à l'extrême la productivité marchande, monétaire, et dévalorise par conséquent ceux qui sont sortis du marché du travail. On nous dit que seuls ceux qui sont rentables et productifs sont utiles.
    Cela a pour conséquences de disqualifier les autres qui sont considérés comme improductifs ou coûteux, une charge pour la société. Ne sont pas visés seulement ceux qui sont hors du marché du travail comme les retraités, mais souvent aussi ceux qui sont salariés pour s'occuper des autres, assistants sociaux, infirmières, animateurs d'EMS etc… qui font "gonfler la facture sociale" comme on dit.
    Je trouve ce langage odieux qui dévalorise le service ou le juste droit à une retraite paisible après une vie de travail et de productivité.
    Ma question est double : (1) que devenir, quelle "utilité" trouver, lorsque nous sortons des circuits de "production marchande" ? (2) Quel discours l'Eglise peut-elle proposer comme alternative, comme antidote à ce langage productiviste ?
    Je pense que nous devons, en tant que communauté, conduire une large réflexion là-dessus, pour nous aider au niveau individuel et pour avoir un discours public différent.
    Qu'est-ce qui donne de la valeur à la personne, hors production marchande, et comment arriver à le dire en public et à l'intégrer au dedans de soi pour conserver sa dignité quand nos forces diminuent ?
    Je vais commencer aujourd'hui par la vieillesse, même par l'extrême vieillesse, par la situation de radicale impuissance, pour poser le constat. Pour cela, je prendrai le tableau poétique et imagé, en même temps que désabusé et réaliste que pose l'Ecclésiaste (ou Qohélet) dans la Bible.
    Sous le pseudonyme de Salomon, l'Ecclésiaste propose une réflexion souvent cynique et désabusée, mais toujours décapante de la réalité. Il nous propose ici (Eccl 12:3-5) un tableau de la dégradation qu'apporte le grand âge. Toutes les images sont à décrypter pour les rapporter à la situation et au corps du vieillard.

    Ecclésiaste 12 :
    "3. Alors les gardiens de la maison tremblent de peur  (ce sont les bras), les gens forts se courbent (ce sont les jambes), les meunières cessent de moudre trop peu nombreuses (les dents), les fenêtres perdent leur transparence (les yeux). 4. Alors les deux portes qui donnent sur la rue se ferment (les oreilles), le bruit du moulin baisse (le cœur ralentit), l'oiseau s'envole au moindre bruit (la tension s'élève), les chansons s'arrêtent (la voix se casse). 5. Alors la route qui monte fait peur, la marche effraie (la mobilité se réduit), les cheveux blanchissent comme l'aubépine, les épices perdent leurs saveurs (perte du goût). Et un jour chacun s'en va vers sa tombe."   
    Voilà un tableau sans complaisance de la vieillesse, loin du politiquement correct. Il nous met cependant en face de la réalité que, malheureusement, on ne peut plus se cacher. L'extrême vieillesse mène à ces pertes de capacités, de mobilité, de conscience, jusqu'au dernier départ. L'Ecclésiaste ne cherche pas à nous désespérer. Il assortit sa description d'une recommandation :
    "Pendant que tu es jeune, souviens-toi de ton Créateur. Souviens-toi de lui avant l'arrivée des jours mauvais, avant le moment où tu diras : « Je n'ai plus envie de vivre. » (Eccl. 12:1)
    Avec sa description l'Ecclésiaste veut nous avertir : attention, il y a un moment où c'est trop tard pour changer, trop tard pour évoluer. Il nous dit : la vieillesse se prépare et se prépare tôt. Il parle de "jeunesse", certains traduisent même "adolescence." Il faut peut-être remettre cela dans un cadre où l'espérance de vie était plus courte qu'aujourd'hui. Mais le mot d'ordre de l'Ecclésiaste reste : il faut anticiper.
    Oui, dans l'extrême vieillesse, ce qui a été pratiqué auparavant, pendant la vie active, s'accentue, se fige ou se répète. Dans l'extrême vieillesse, il n'y a plus de place pour la nouveauté, pour le changement, pour l'évolution. Dans l'extrême vieillesse, il y a un rétrécissement des contacts, des activités, des perceptions. Il est donc primordial de préparer ce qu'on veut devenir ! "Souviens-toi de ton Créateur pendant que tu es encore jeune !"
    C'est maintenant, quand le changement est encore possible, quand nous avons encore des capacités d'apprentissage que nous devons mettre en place le caractère que nous voudrons avoir quand viendra le temps de l'immobilisme du très grand âge. C'est maintenant que nous devons mettre cela en place.
    Nous essayerons de voir, ces prochains dimanches, ce que nous devons viser et comment le faire.
    A suivre…
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Romains 16. Les salutations de Paul dépeignent une Eglise diversifiée.

    8.7.2012
    Les salutations de Paul dépeignent une Eglise diversifiée.
    Actes 18 : 1-4+18-23   Romains 16 : 1-16

    Téléchargez la prédication ici : P-2012-07-08.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Voici l'été avec les vacances et les voyages. Qui dit vacances et voyages dit envoi de cartes postales. J'ai choisi ce matin de me pencher sur une "carte postale" de l'apôtre Paul, sur les salutations qu'il envoie et qu'on trouve à la fin de sa lettre aux Romains.
    Ces salutations sont très variées et très détaillées. Paul ne nomme pas moins de 27 personnes par leurs noms plus des personnes apparentées (Rufus et sa mère) ou des "maisonnées (ceux d'Aristobule et ceux de Narcisse). Cela constitue un grand nombre de gens que Paul a rencontré dans ses divers voyages.
    Ce passage de la fin de la lettre aux Romains ne se veut pas un enseignement théologique, mais il nous apprend pas mal de choses sur Paul et sur l'Eglise de cette époque.
    On voit que Paul est un être de relation. Il faut peut-être changer l'image qui nous a été transmise par la tradition d'un personnage sévère, austère, genre père fouettard et misogyne. Ces salutations nous révèlent quelqu'un d'autre.
    1. La liste de 27 noms comporte 15 hommes et 12 femmes, dont des femmes qui ont des responsabilités importantes comme Phoebé et Priscille qui est nommée avant son mari Aquilas. Elles sont traitées au moins en égales des hommes par Paul et il souligne leurs fonctions importantes dans l'Eglise.
    2. Ces salutations sont chaleureuses et valorisantes, elles soulignent des liens de proximité — il mentionne ceux qui sont des compatriotes et ceux qui ont partagé des moments particulièrement éprouvants, la captivité, avec lui.
    Je pense qu'on ne développe pas un pareil réseau sans avoir le sens des relations, du savoir-vivre et de la chaleur. Sinon, Paul aurait été un contre-exemple de ce qu'il prêchait : des relations nouvelles en Christ.
    3. Cette mention "en Christ" ou "dans le Seigneur" revient 15 fois dans ces salutations. C'est le critère déterminant, le liant, dirais-je, de tous ces gens. C'est l'appartenance au Christ qui relie tous ces gens et qui les motive à s'entraider. Le Christ est l'origine qui les rassemble et le but qui les motive à agir en commun, il est le centre de cette Eglise. 
    Il faut accueillir Phoebé "dans le Seigneur." Priscille et Aquilas ont été collaborateur de Paul "en Christ." Andronicus et Junias sont d'éminents apôtres (homme et femme) et ont trouvé le Christ avant Paul. Ampliatos est bien-aimé de Paul "dans le Seigneur." Le Christ est le lien, le liant entre toutes ces personnes, sans le Christ, ces personnes n'auraient rien en commun.
    4. La diversité des noms cités nous renseigne sur la composition de l'Eglise. Il y a quelques juifs (Marie et des compatriotes avec des noms grecs). Il y a surtout des grecs et des romains, mais parmi ceux-ci les spécialistes reconnaissent des noms d'esclaves (Ampliatus et Stachys), des noms d'affranchis (Aristobule, Narcisse, Patrobas), et puis des noms de citoyens importants comme Phoebé, Priscille et Aquilas.
    Priscille et Aquilas sont un couple que Paul a rencontré à Corinthe (ils habitaient le port de Kenchrées). Lui est originaire du Pont (région d'Istanbul), mais il était d'abord installé à Rome avant d'avoir dû quitter la capitale de l'Empire suite à une persécution contre les juifs par l'empereur Claude. Sa femme et lui sont venus s'installer à Corinthe où Paul les a rencontrés, peut-être pour affaire, puisqu'ils étaient tous les deux dans le commerce des tentes. Un couple qui a accueilli la jeune Eglise de Corinthe chez eux.
    Et puis, il faut citer Phoebé qui vient en tête de liste des noms. C'est probablement la personne qui porte la lettre de Paul à l'Eglise de Rome. Elle est "ministre" de l'Eglise de Kenchrées (le port de Corinthe). Elle a un statut important à Corinthe, elle est "protectrice de beaucoup de monde" dit le texte, ce qui pourrait signifier soit qu'elle est avocate pour défendre des personnes devant les autorités, soit qu'elle est représentante des non citoyens devant ces mêmes autorités.  Paul la recommande chaleureusement à l'hospitalité de l'Eglise qui est à Rome. Comme chrétiens, ils doivent la recevoir comme s'ils recevaient Paul lui-même. L'appartenance commune au Christ crée des devoirs de protection, d'hospitalité, de réciprocité dans les relations.
    Ainsi, sans faire de grands discours théologiques, ces quelques lignes nous disent beaucoup de choses sur les relations et sur les Eglises de cette époque. La dispersion de l'Eglise primitive, sa vulnérabilité — elle est plongée dans un monde qui lui est hostile — renforcent ses liens, sa solidarité, tout cela autour du Christ.
    Que pouvons-nous en tirer pour nous aujourd'hui ? Quels sont nos liens ? Quel rôle notre appartenance à une même Eglise, à une paroisse joue-t-elle dans nos relations ?
    On parle beaucoup de la solitude, de chacun dans son appartement et personne à qui parler pendant la journée à part la caissière du grand magasin. Est-il possible aujourd'hui d'être isolé toute la semaine alors qu'on se retrouve ici le dimanche ? Pourquoi les liens ne se tissent-ils pas ? Où sont les barrières ? Sont-elles extérieures ou intérieures ? Comment dépasser ces barrières ?
    Il me semble que la paroisse devrait être le lieu où des contacts peuvent se nouer, des visites mutuelles se programmer, des rendez-vous se prendre. Est-ce l'aveu d'une vulnérabilité que d'essayer d'inviter quelqu'un pour un café, pour parler ? Est-ce un pas trop difficile à franchir ?
    Souvenons-nous que c'est le sentiment de vulnérabilité de la première Eglise qui a renforcé les liens et la solidarité entre ses membres. Le Christ est venu pour abattre les barrières entre les humains. C'est pourquoi Paul met tant de soin à envoyer ses salutations à chaque personne qu'il connaît. C'est une façon de dire l'amour du Christ, dans le concret, dans la réalité de tous les jours. Pensez-y en écrivant vos cartes postales.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Actes 11. Eglises en situations minoritaires : quels enseignements ?

    Actes 11
    1.7.2012
    Eglises en situations minoritaires : quels enseignements ?
    Esaïe 4 : 2-6      Actes 11 : 19-26

    Téléchargez la prédication ici :P-2012-07-01.pdf           

    Photo :Le clocher de l'église catholique d'Antakya


    Chères paroissiennes, chers paroissiens, antioche,paul et barnabas,esaïe,antakya,actes,prédication,evangile,spiritualité,protestant,vie spirituelle,bible,nouveau testament,ancien testament,éducation,foi,amour,dieu,jésus,jésus-christ,réformé,eglise
    J'ai eu le privilège, il y a trois semaines, de faire un voyage en Turquie, dans le cadre de la formation continue des ministres. Nous avons fait une étape à Antakya, la ville d'Antioche dont parle le livre des Actes.  Le but de ce voyage était de rencontrer les minorités chrétiennes de cette région, leur apporter nos salutations et recueillir leurs enseignements par rapport à leur situation. L'entier du voyage donnera lieu à une conférence que nous organiserons cet automne dans la paroisse.
    Ce matin, c'est dans une réflexion sur le contraste des situations que j'aimerais vous conduire. Entre la situation dépeinte par Esaïe, celle d'Antioche avec Paul et Barnabas, celle d'Antakya aujourd'hui et enfin la nôtre.
    Le prophète Esaïe décrit la situation des rescapés de l'Exil. Ils sont une petite minorité, ils ont été persécutés, passés au crible et sont finalement de retour sur la terre de Jérusalem. Mais il n'y a rien de triomphant. Ils ne sont qu'un reste fragile. Mais le prophète préfère parler d'un germe plutôt que d'un reste. Il parle d'une jeune pousse qui est appelée à grandir. Ce qui se profile, ce que Dieu veut recréer, ce que Dieu veut rendre aux rescapés, c'est leur éclat, leur gloire, leur fierté, leur prestige (Es 4:2).
    Ce qui n'a aucune valeur aux yeux du monde n'est pas sans valeur aux yeux de Dieu, au contraire. Dieu assure à ce petit reste qu'ils font bien partie de l'assemblée que Dieu convoque, son Eglise. Il leur promet abri et protection, sous la même forme que pendant l'Exode : la nuée le jour et le feu la nuit pour éclairer leur chemin.
    Ce texte d'Esaïe rappelle donc qu'aucune situation n'est jamais acquise : le peuple d'Israël a été envoyé en Exil, mais il nous rappelle aussi que Dieu veille sur son peuple et qu'il rétablit ceux qui lui restent fidèles. Même s'il ne subsiste qu'un reste, Dieu en prend soin et crée les conditions d'un nouveau développement.
    Le récit des Actes nous montre ce même mouvement, mais avec le déploiement et la croissance qui suivent. Un schéma récurrent du Livre des Actes, c'est que les persécutions contre les disciples de Jésus sont toujours l'occasion d'un nouveau déploiement de la Parole, une nouvelle occasion d'annoncer l'Evangile toujours plus loin.
    La persécution autour d'Etienne conduit les chrétiens à s'enfuir de Jérusalem en Judée et en Samarie d'abord, et plus loin jusqu'à Antioche et Chypre ensuite. Une nouvelle communauté s'y développe avec l'aide de Paul et Barnabas.
    Et c'était très émouvant de se retrouver là-bas, à Antakya-Antioche, dans une rue — évidemment goudronnée et pleine de voitures — mais une rue qui suit l'axe de la route romaine de l'époque (qui doit se retrouver quelques mètres plus bas sous le goudron — une route qui passe devant la synagogue actuelle qui doit s'ériger sur les fondations de la synagogue de l'époque.
    C'est là que le message de Jésus a été annoncé. C'est dans cette ville que l'Evangile a été ouvert aux grecs, aux romains, aux non-juifs. C'est là — comme le dit le Livre des Actes — que des disciples de Jésus ont été appelés "chrétiens", "ceux du Christ, du Messie", pour la première fois.
    Une nouvelle identité accompagnée d'une extension de la prédication de l'Evangile a eu lieu là !
    Et puis, aujourd'hui, il y a à Antakya des Eglises ultra-minoritaires, mais qui ont une petite place bien à elles. Des Eglises qui ont conscience et qui disent que l'œcuménisme est une obligation pour leur survie, tout comme le dialogue interreligieux.
    Evidemment, cela nous fait réfléchir sur notre situation, sur la situation de notre Eglise — EERV cantonale et paroisse locale. Que vivons-nous aujourd'hui ici ? Notre situation est en même temps enviable et préoccupante.
    Elle est enviable parce que nous vivons dans une société tolérante et de culture chrétienne. Elle est enviable parce que nous recevons un large soutien de l'Etat, des Communes et des institutions. Imaginez seulement : si votre offrande devait couvrir les salaires de vos pasteurs, l'entretien du Temple, le défraiement des organistes, etc…
    Mais notre situation est préoccupante parce que le confort nous a endormis. Vous moins que d'autres puisque vous êtes-là et que vous avez le souci de l'Eglise. Mais tous ces "croyants pas pratiquants" qui tiennent tellement à ce que l'Eglise soit au milieu du village, mais juste pour la regarder, pas pour y entrer.
    Depuis deux décennies, le nombre de fidèles engagés diminue, le nombre de bénévoles diminue, le nombre de catéchumènes diminue, même le nombre d'enterrements diminue. Et puis, en terme de pensée, qui peut encore définir l'identité protestante, ou même l'identité chrétienne ?
    Il y a eu une défection au niveau de la transmission ! Et là, nous avons beaucoup à apprendre de ces Eglises ultra-minoritaires, sur leurs exigences vis-à-vis de ceux qui demandent un acte à leur Eglise. Un des prêtres nous disait qu'il demandait trois à six mois de fréquentation de la messe avant de pratiquer un baptême, pour l'enseignement et pour éprouver la solidité de la demande.
    Nous avons à réaliser que l'Eglise protestante est devenue minoritaire dans notre Canton. Il n'y a plus de situation acquise une fois pour toute. Nous avons besoin de mobilisation, nous avons besoin de tester notre fidélité. Nous avons à relire l'Evangile et voir combien il se démarque des discours du monde d'aujourd'hui. Pas pour nous replier sur nous-mêmes, mais parce que l'Evangile a des valeurs à offrir, des valeurs que recherchent nombre des dégoûtés du monde actuel, nombre des indignés face aux rapaces, aux prédateurs de notre économie, face aux dévastateurs de notre planète.
    Nous avons à plonger en nous-mêmes pour nous demander — non pas où sont les fautes ou les responsabilités passées — mais pour nous demander ce que nous apporte l'Evangile. Ce que m'apporte l'Evangile n'est-il pas bon aussi pour mon voisin ? La source qu'est l'Evangile pour moi ne peut-elle pas aussi être source pour d'autres ? Pourquoi est-il si difficile de le communiquer, d'en témoigner ?
    Prenons exemple sur ces Eglises ultra-minoritaires pour nous réveiller, pour être le germe dont parle Esaïe, celui qui va croître et porter du fruit, avec le soutien de Dieu. Soyons fiers — comme ceux d'Antioche — de porter le nom de chrétiens !
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Exode 3. De la routine, rien que de la routine, jusqu'à la mort ?


    Exode 3
    24.6.2012

    De la routine, rien que de la routine, jusqu'à la mort ?

    Exode 3 : 1-4

    Téléchargez la prédication ici : P-2012-0624.pdf


    Culte paroissial avec la participation de l'Abbaye des Laboureurs de Bussigny


    Vendredi matin, En Ligne Directe, sur la RTS 1, demandait sur les réseaux sociaux : "Pourquoi la religion ne vous séduit plus ?" (sic). L'une des réponses donnée par un internaute était que la Bible, et donc les Eglises, sont déconnectées du présent.
    Comment pouvons-nous avoir encore recours à des textes vieux de centaines, ou de milliers d'années, avec la prétention de dire quelque chose de valable, pour nous, aujourd'hui ? Comment le texte qui parle de Moïse et qui vous a été lu pourrait nous dire quelque chose à nous qui sommes-là ce matin ?
    C'est vrai, comme texte historique, ce texte est vieux de 2'500 à 3'000 ans et il ne peut rien refléter pour nous. Par contre, si l'on reçoit ce texte comme un miroir, un miroir de notre vie actuelle, de nos personnes, de nos relations et de nos aspirations, alors — dans ce miroir — nous allons nous voir nous-mêmes et le texte va rejoindre notre présent !
    Je vais essayer de vous présenter ce miroir en espérant que nous allons nous y reconnaître. Mais encore un préalable avant de nous plonger dans le récit. Toute histoire, tout texte est la réponse à une question, question qui n'est pas prononcée dans le récit, mais que nous pouvons rechercher et trouver. Ici, le récit de la rencontre entre Moïse et le buisson ardent me semble être la réponse à la question : Comment entrons-nous en relation, en connexion, en lien avec le divin, avec ce qui nous dépasse, avec le mystère ? Et qui est-il ? N'allons pas tout de suite aux réponses traditionnelles et toutes faites, laissons les choses ouvertes pour le moment.
    Prenons maintenant le récit comme un miroir. Considérons que Moïse n'est pas un prince élevé à la cour du Pharaon. Moïse, c'est nous aujourd'hui, c'est moi, c'est vous. Cette personne est occupée par son travail journalier, son emploi, son gagne-pain. Cette personne garde les troupeaux de son beau-père, il les mène d'un pâturage à l'autre.
    Mais cela pourrait tout autant être un voyageur de commerce pris dans les bouchons de l'autoroute entre Morges et Ecublens, un employé sur un chantier ou un patron dans son bureau. Cet homme est dans la pratique quotidienne de son métier, dans sa routine et cela peut continuer comme cela jusqu'à la retraite ou jusqu'à la mort.
    Une petite vie tranquille, métro - boulot - dodo. Pas de vagues, mais pas d'excitation non plus. Une vie simple. Mais est-ce vraiment la vie, notre aspiration à la vie — nos rêves de jeunesse — que de rester dans cette routine ?
    Dans son ennui, Moïse regarde à droite, à gauche. Un jour son regard est attiré par quelque chose, de côté. Un feu. Ce feu est spécial, il ne consume pas, il ne dévore pas le bois sur lequel il brûle.
    Notre regard n'est-il pas attiré aussi, de temps en temps, vers quelque chose qui nous intrigue ? Quelqu'un qui a une lueur particulière dans le regard, ou une idée qui nous fait vibrer de manière inattendue, ou une coïncidence étrange ? Que faisons-nous à partir de là ?
    Moïse, lui, décide de faire un détour pour étudier le phénomène étrange. Il quitte sa routine. Il se laisse interpeller, dérouter, il ne veut pas laisser passer cela ! Et c'est là que la vie commence, c'est là que l'aventure démarre !
    Moïse se permet de se demander "Pourquoi ?" Pourquoi est-ce comme cela ? Pourquoi ce buissons brûle-t-il sans se consumer ? Pourquoi cette personne rayonne-t-elle pareillement ? Pourquoi cette idée me fait-elle vibrer ? Pourquoi ces coïncidences me parlent-elles ?
    Vous aurez remarqué que, c'est à partir du moment — nous dit le texte — où Moïse s'est dérouter et se demande "Pourquoi?" que Dieu s'intéresse à lui. C'est là qu'il l'appelle "Moïse, Moïse !"
    Quand notre curiosité est éveillée, quand nous nous laissons dérouter, sortir des ornières de nos routines, nous nous ouvrons à un appel extérieur. Quand notre curiosité est éveillée, nous pouvons entendre que la vie nous appelle, que ce qu'il y a de vivant autour de nous rejoint en nous ce qui attend d'être réveillé, relevé, ramené à la vie. Le buisson, la lueur dans le regard, la coïncidence nous appellent — le texte disait d'emblée "l'ange du Seigneur était dans la flamme" (Ex 3:2).
    Il y a tout le long de notre chemin des buissons, des curiosités, des gens qui cherchent à mettre notre côté vivant en éveil ! Chaque jour, quelque chose ou quelqu'un attire notre attention pour nous éveiller à la vie, à la vraie vie. La question est de savoir si nous regardons de côté, à côté des routines qui nous arrangent, à côté des routines qui nous reposent, à côté des routines qui sont sans risque pour nous ?
    Allons-nous nous laisser dérouter, ou bien préférons-nous continuer notre petite vie tranquille jusqu'à la retraite ou à la mort ?
    Moïse laisse sa curiosité être allumée. Il sort de son chemin ordinaire, il se laisse appeler, appeler par son nom et il répond à l'appel de la Vie, du Vivant : "Je suis là !" (Ex 3:4) Il dit oui à la vie qui l'appelle, à cette vie nouvelle, à cette vivacité, cette énergie qui va le faire quitter son désert et ses troupeaux pour une autre existence où il fera sortir le peuple hébreu d'Egypte.
    Devant nous s'étale la vie jusqu'à notre mort… Allons-nous suivre notre routine habituelle ou bien ouvrir les yeux aux interpellations de la vie ? Allons-nous changer de chemin pour avoir une vie plus vivante ?
    Cela vous donne envie, mais vous ne savez pas comment vous y prendre ? Il y a ici une communauté qui se réunit chaque dimanche pour apprendre à saisir la vie, pour apprendre à voir ce qui se passe en dehors de la routine quotidienne, pour apprendre à entendre l'interpellation du Vivant à vivre pleinement. A chacun de voir si cela vaut le détour !
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Exode 33. Dieu ne se laisse voir que de dos.

    Exode 33
    3.6.2012
    Dieu ne se laisse voir que de dos.
    Exode 33 : 18-23      Jean 1 ; 14-18      Jean 14 : 8-11

    Téléchargez la prédication ici : P-2012-06-03.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Moïse et Philippe, le disciple, font la même demande, ils veulent voir Dieu ! C'est notre aspiration humaine, une aspiration qui traverse le temps et l'espace, qui agite tout humain. Voir Dieu. Enfin savoir, enfin avoir une certitude. Plus encore, pouvoir maîtriser, contrôler notre vie, notre chemin, notre destin.
    Mais la Bible nous dit qu'il est impossible, incompatible de voir Dieu et de vivre. La Bible pose cela comme un principe, un axiome, sans explication, comme une évidence. Cela souligne la différence, la distance entre Dieu et l'humain, une distance de fait, comme l'eau et le feu, comme la matière et l'anti-matière, ou encore comme l'obscurité et la lumière. L'obscurité ne peut pas se maintenir dans la lumière, c'est incompatible, de fait. Voilà pour la distance.
    Pourtant, Dieu n'a de cesse de vouloir s'approcher de l'humain. Dieu n'a de cesse de nous adresser la parole. Dieu n'a de cesse d'attirer notre attention ! Dieu n'a de cesse de vouloir rompre cette distance, nouer un contact, créer une relation. Mais cette relation ne peut pas être directe, sans intermédiaire, sans médiation. C'est ce que disent, parallèlement, le récit de Moïse et l'entretien entre Jésus et Philippe.
    Dans l'Ancien Testament, la relation directe est symbolisée par la vue, le regard, la vision. La relation indirecte est symbolisée par l'ouïe. Dieu parle aux prophètes, aux rois, à Moïse et ces derniers retransmettent ces paroles au peuple.
    Un interdit sur la vue de Dieu est placé dans le Décalogue : "Tu ne te feras pas d'image de Dieu." Faire une image, c'est enfermer Dieu dans notre vision de lui, c'est en prendre possession, prétendre à le contrôler, à le maîtriser. C'est outrepasser la juste relation à Dieu.
    Comment conjuguer l'impossibilité de voir Dieu et son désir de se révéler, de se faire connaître ? Comment conjuguer l'impossibilité de voir Dieu avec notre soif de le connaître, de le découvrir ? Le récit de la demande de Moïse à voir Dieu nous en donne quelques pistes.
    Dieu ne repousse pas la demande de Moïse, il y répond même : il va faire passer sa gloire et proclamer son nom. Mais ce processus va être accompagné de mesures de protection et d'explications sur ce que Dieu va montrer de lui-même. C'est Dieu lui-même qui va, en même temps, exaucer la demande de Moïse et le protéger du danger de sa demande.
    Il y a trois mesures de protection :
    La première, c'est que Moïse se place dans le creux du rocher, protection terrestre, abri naturel. On peut comparer cela aux mesures de protection physiques, matérielles que nous sommes tous invités à utiliser pour nous protéger le mieux possible des risques et des dangers de l'existence. Ne pas prendre inutilement des risques qui mettent notre vie en danger.
    La deuxième protection, c'est que Dieu lui-même va placer la paume de sa main sur Moïse pour le protéger. C'est la protection divine qui recouvre Moïse. C'est la protection que nous pouvons demander à Dieu dans la prière, pour tout ce que nos propres protections ne peuvent pas protéger.
    La troisième protection que Dieu offre, c'est de ne pas montrer sa face, son visage, mais de se laisser entre apercevoir, "de dos" nous dit le texte. Dieu va soulever sa main de dessus Moïse pour que celui-ci puisse apercevoir Dieu de dos, à la fin de son passage au-dessus de Moïse. C'est une vision furtive qui est offerte à Moïse, c'est une vision d'après-coup.
    Cela me fait penser à la vision des pèlerins d'Emmaüs, qui reconnaissent Jésus après-coup, dans la fraction du pain, alors que Jésus disparaît de leurs yeux. Je reviendrai sur cette vision "après-coup" et sa signification.
    Dieu dit aussi ce qu'il va montrer à Moïse, et c'est surprenant. Moïse demande à voir la gloire de Dieu. En termes laïcs, la "gloire", en hébreu, c'est la valeur, même la valeur marchande. La "gloire" du Liban, ce sont ses cèdres, le bois de ses cèdres. C'est la ressource du pays, ce qui en fait la valeur.
    Ce que Moïse demande à voir de Dieu, c'est ce qui en fait la valeur, sa ressource, sa qualité première. Et voici la réponse que Dieu donne à Moïse, si vous vous en rappelez : "Je vais passer devant toi en te montrant toutes mes bontés et en proclamant mon vrai nom." (Ex 33:19). Et il ajoute : ce qui me caractérise, c'est que je fais grâce et que je m'émeus de compassion.
    Le visage de Dieu présenté — en paroles — à Moïse, c'est celui de la bonté, de la grâce et de la compassion. Ce sont les qualités que l'Evangéliste Jean attribue à Jésus, celles qu'il a reçues du Père. Dans le jeu de renvoi de Jésus au Père, dans l'Evangile de Jean, il y a ce même évitement de la vue face à face. Quand Philippe demande à Jésus de "voir le Père", celui-ci lui répond : "Celui qui m'a vu a vu le Père" (Jn 14:9).
    Jésus ne peut pas montrer le visage de Dieu au ciel, il est lui-même le visage de Dieu sur terre, mais un visage que personne ne voit directement. En tout cas pas les adversaires de Jésus qui cherchent toujours à le mettre à mort. Mais même les disciples — et Philippe en est un exemple — n'arrivent pas à voir vraiment le visage de Dieu. Même avec Jésus parmi eux, ils ne voient Dieu que "de dos." Voir Dieu "de dos" signifie que l'on ne peut voir de Dieu que la trace qu'il laisse en passant.
    Dieu est insaisissable, incontrôlable. Nous ne pouvons pas le maîtriser, le tenir, dire : il est là maintenant.
    Notre travail, c'est de chercher sa trace, de voir son dos lorsqu'il a passé dans un moment de notre existence. Ce travail — car c'est un travail, un travail auquel renoncent nombres de nos contemporains — ce travail c'est de relire notre journée, relire notre existence, revenir sur nos faits et gestes et voir chaque fois que nous avons été protégés, accompagnés, guidés, soutenus.
    Nous pouvons, chaque soir, monter sur la montagne, nous blottir au creux du rocher et tenter d'apercevoir, furtivement, après-coup, quelle trace Dieu a laissé dans notre journée.
    Amen  
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Actes 2. Il est temps de passer du Dieu extérieur au Dieu intérieur

    Actes 2
    27.5.2012
    Il est temps de passer du Dieu extérieur au Dieu intérieur
    Jérémie 31 : 31-34     Actes 2 : 1-4    2 Corinthiens 4 : 6-8

    Téléchargez la prédication ici :P-2012-05-27.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aujourd'hui à Pentecôte, nous fêtons le don de l'Esprit saint aux disciples. C'est l'accomplissement que Jésus avait annoncé et promis. Lui-même n'étant plus là, Dieu envoie l'Esprit saint comme présence divine auprès des disciples, des croyants.
    L'Evangéliste Luc en fait une représentation, une traduction dans la visible : même des inconnus autour de la maison entendent et voient des choses, même s'ils l'interprètent mal en pensant que les disciples sont ivres. 
    Cette représentation s'inscrit dans le plan de Luc pour le livre des Actes, ce livre qui montre comment l'Esprit de Jésus anime les apôtres et dirige l'annonce de l'évangile depuis Jérusalem jusqu'à Rome.
    Cette représentation peut devenir pour nous, aujourd'hui, un obstacle, si nous nous attachons aux "signes extérieurs", à la manifestation bruyante et visible. Cela risque de nous faire oublier que le don de l'Esprit est la réalisation de la nouvelle Alliance qu'annoncent tous les prophètes : Dieu se rend présent à nous. Jérémie annonce cette nouvelle Alliance et nous pensons avec raison que le Christ l'a réalisée.
    Cependant, je pense que nous ne sommes pas allés jusqu'au bout de l'enseignement de Jésus, nous n'en avons pas tiré toutes les conséquences ! Nous avons retenu que Jésus est le Fils de Dieu, c'est-à-dire que Jésus est habité pleinement par l'Esprit de Dieu. Nous avons retenu que le visage de tout prochain est porteur de l'image de Dieu, qu'il est le reflet du visage du Christ. Mais, nous hésitons à franchir le pas suivant, qui en est la suite logique : Dieu habite en nous. Dieu est au fond de nous-même.
    Si mon prochain est visage du Christ, pourquoi ne le suis-je pas pour moi-même ? Si Dieu est venu pleinement habiter dans l'homme Jésus, pourquoi n'habiterait-il pas en moi, comme il l'a promis ?
    Bien sûr, énoncer que "Dieu habite au plus profond de chaque être humain" est un courant minoritaire dans la Bible. Mais "le Messie souffrant" aussi était un courant minoritaire jusqu'à la mort sur la croix. Et pourtant, c'est la clé d'interprétation qu'a choisi le Christianisme pour relire l'Ecriture. A partir de la croix, le Christianisme a laissé tomber toute une partie de l'Ancien Testament, tout ce qui concerne le culte au Temple et les lois sacrificielles.
    N'est-il pas temps, aujourd'hui, de prendre au sérieux ce courant qui fait passer Dieu "de l'extérieur à l'intérieur" ? N'est-il pas temps de renoncer au Dieu extérieur, le maître de l'Histoire des peuples, le Dieu horloger, le Dieu "cause première" pour considérer le Dieu dont nous parle réellement Jésus : celui qui change les cœurs, celui qui soigne et guéri les plaies de l'âme, celui qui relève.
    A quoi sert de garder ce Dieu du dehors qui ne sert que de réceptacle aux reproches de nos contemporains qui disent avec raison de Lui : "pourquoi permet-il le mal s'il est tout-puissant" ?
    La Pentecôte est la fête de l'Esprit de Dieu qui vient en nous. C'est une représentation pour marquer qu'on entre dans une nouvelle période de la révélation. C'est la nouvelle Alliance préparée par les prophètes, celle qui concerne notre cœur de chair (Ez 11:19), celle qui s'inscrit dans nos consciences, à l'intérieur de nous, au plus profond de notre être intérieur.
    Que Dieu habite en nous reste difficile à croire et l'apôtre Paul marque le paradoxe en parlant de la lumière divine que nous portons dans des vases d'argile (2 Co 4:7). Rien dans l'aspect de ces vases ne laisse apparaître qu'ils contiennent quelque chose d'aussi précieux… et pourtant.
    Pas d'orgueil pour nous de porter Dieu au fond de nous-mêmes. C'est un cadeau, souvent un cadeau difficile à découvrir. Nous sommes nous-mêmes tellement "à l'extérieur." Anthony de Mello déclare : "nous accumulons des choses parce que notre cœur est vide." En effet, tant que nous n'avons pas découvert la lumière dans le vase d'argile, la présence de Dieu au plus profond de nous-mêmes, nous sentons le vide en nous.
    A la Pentecôte, Dieu vient habiter notre cœur vide, il le remplit de sa présence. Comme dans les paraboles, la perle est déjà dans le coquillage, le trésor est déjà dans le champ quand ils sont découverts. Ils sont là, maintenant, dans l'attente d'être découverts.
    Et je finirai par cette phrase de Rûmi : "Bien que tu sois ensorcelé par ce monde, au secret de toi-même, tu es un trésor caché. Ouvre les yeux intérieurs, reviens enfin à l'origine de ta propre origine."
    Que cette Pentecôte soit pour nous l'occasion de plonger en nous-mêmes — dans nos vases d'argile — pour y découvrir la lumière de Dieu, l'Esprit de Dieu, la Présence de Dieu qui nous habite.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Actes 1. En partant, Jésus ouvre un espace-temps et un espace géographique devant nous.


    Actes 1
    17.5.2012
    En partant, Jésus ouvre un espace-temps et un espace géographique devant nous.
    Luc 24 : 44-53     Actes 1 : 1-12

    Téléchargez la prédication ici : P-2012-05-17.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aujourd'hui, jeudi de l'Ascension, nous nous souvenons que Jésus a quitté les disciples pour retourner auprès du Père. Seul Luc raconte l'événement de l'ascension de Jésus. Les autres Evangiles se terminent sur les apparitions aux disciples. Mais Luc raconte la suite de l'Evangile dans le livre des Actes des Apôtres, il doit bien présenter la transition entre les apparitions et la prédication des apôtres.
    Ainsi, si Jésus s'est manifesté auprès des disciples après sa mort, il doit bien les quitter pour retourner auprès du Père. Luc en fait un événement en présence des disciples et nous présente deux fois cet événement, une fois à la fin de l'Evangile et une fois au début du livre des Actes.
    Dans l'Evangile, Luc nous donne trois récits à la suite de la mise au tombeau : 1) le récit des femmes qui vont au tombeau et ne trouvent pas Jésus. 2) le récit des pèlerins d'Emmaüs et 3) l'apparition de Jésus aux disciples réunis, où Jésus montre ses pieds et ses mains. Ensuite, sans indication de temps, ce qui laisse penser que tout se passe le même jour, le dimanche de Pâques, Jésus emmène les disciples près de Béthanie — qui se trouve sur le Mont des Oliviers — et il est enlevé au ciel.
    Ce récit insiste — au v. 48 qui dit "Vous êtes témoins de cela" — sur le bagage des disciples, sur le passé. Ces trois récits de Luc 24 soulignent que les disciples sont les témoins de la vie de Jésus, de sa Passion, de son enseignement. Ils comprennent que la Passion du Christ est l'accomplissement des Ecritures. Les disciples sont capables de reconnaître Jésus à ses paroles, à ses pieds et ses mains et dans le partage du pain. Ils sont prêts, formés, dans l'attente de leur envoi en mission.
    L'Evangile de Luc se termine donc sur une attente… Les disciples sont prêts, Jésus est remonté au ciel, tout peut commencer. C'est pourquoi Luc écrit la suite dans le livre des Actes. Il faut montrer maintenant comment tout commence, comment l'évangile va se déployer dans le temps et dans la géographie.
    C'est ce qu'on retrouve dans le début du livre des Actes. Après une dédicace où il explique son projet, Luc reprend son récit, un peu avant où l'Evangile se termine. Luc introduit un petit dialogue entre les disciples et Jésus, avant son ascension. C'est au cours d'un repas. Jésus dit à ses disciples de ne pas bouger. Ils doivent attendre son départ, puis l'envoi d'une force que le saint Esprit fera descendre sur eux.
    Cet ordre des choses est étrange et cette étrangeté atteste que c'est bien dans cet ordre que cela s'est passé. On s'attendrait à ce que Jésus — dans un dernier geste grandiose — pose les mains sur ses disciples pour les bénir et leur transmettre l'Esprit saint avant de partir.
    Mais non, cela ne s'est pas passé comme cela ! C'est l'inverse — et cela a dû passablement intriguer les disciples et Luc. D'abord Jésus part, ensuite la force promise est donnée. Pour donner un sens à cet ordre des choses, Luc introduit dans son livre des Actes un nouveau cadre temporel — qui est absent de la fin de son Evangile. Luc précise que Jésus est resté 40 jours avec ses disciples — comme Moïse est resté 40 jours sur le Sinaï pour recevoir la Torah. C'est après ce temps que Jésus est élevé et soustrait à la vue des disciples. Plus loin, Luc ajoute qu'il se passe encore 10 jours jusqu'à la Pentecôte pour recevoir l'Esprit saint. C'est ce calendrier que nous suivons aujourd'hui.
    Donc, Jésus annonce pour plus tard le baptême du saint Esprit, ce qui suscite une question des disciples : "Est-ce en ce temps que tu rétabliras le Royaume d'Israël ?" (Ac 1:6). La question tourne autour du temps, particulièrement des derniers temps, de la fin des temps avec le retour de Jésus.
    Jésus répond en disant son ignorance, cela appartient au Père, pas à lui. Mais il indique surtout quelle va être la mission des disciples. Après avoir reçu la force du saint Esprit, "vous serez mes témoins, à Jérusalem, dans toute la Judée, en Samarie et jusqu'au bout du monde." (v.8).  Face à cette question sur la clôture du temps posée par les disciples, Jésus ouvre un espace-temps et un espace géographique devant les disciples.
    Nous n'avons pas à nous préoccuper de la fin des temps, mais du temps qui est devant nous, du temps présent. Mais pour que ce temps s'ouvre, Jésus doit partir, Jésus doit, Jésus veut nous laisser la place, pour vivre et pour agir. En partant, Jésus ouvre le temps, il ouvre l'espace, il nous place en responsabilité. Jésus doit partir pour que notre mission commence ! Nous sommes en charge, nous sommes ses témoins, nous sommes investis d'une force et d'une mission.
    En rejetant la question de la clôture du temps, Jésus ouvre le temps de l'Eglise. A la question des disciples : "Est-ce que TU vas instaurer le Royaume d'Israël ?" (v.6) Jésus répond : "VOUS allez… être mes témoins…" (v.8).
    Aujourd'hui, Jésus nous laisse prendre les rênes, la direction. Aujourd'hui, nous sommes son Eglise, ses témoins, Il est retourné auprès du Père, nous laissant une force et une mission, à nous de jouer. A nous de jouer pour que l'Eglise existe, pour que le Christ soit annoncé, pour que le Christ soit présent pour nos contemporains. A nous de jouer.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012