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Clamans - Page 31

  • Ephésiens 3. Soyez enracinés dans l'amour.

    Ephésiens 3
    14.11.2010
    Soyez enracinés dans l'amour.
    Jean 15 : 9-13,  Ephésiens 3 : 14-19

    Téléchargez la prédication : P-2010-11-14.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,
    Nous avons vécu le baptême de NN, un bébé de 6 mois. Il est venu au monde, fragile comme tous les nouveaux-nés, et sa vie dépend des soins que vous lui prodiguez. La vie humaine, comme toute vie sur notre planète, est fragile et vulnérable. Et nous faisons tout ce que nous pouvons pour la protéger, pour que les enfants grandissent sainement, en bonne santé. Mais comme tous les parents, nous avons nos inquiétudes et nous faisons le vœu que tout aille bien. Fragilité physique du début de la vie et de l'enfance.
    On se dit qu'arrivés à l'âge adulte, c'est bon. Pourtant, si nous regardons nos vies, notre vie personnelle, nous n'avons pas perdu nos vulnérabilités. Elles se sont simplement déplacées. Comme adultes, surtout comme jeunes adultes comme vous, on ne se soucie pas trop de sa santé, la fragilité est plus intérieure : vais-je réussir dans mes entreprises, dans mon travail, dans ma vie de couple, dans ma vie familiale, dans l'éducation de mes enfants ? C'est la difficulté d'être reconnu, apprécié, aimé tel qu'on est.
    Cette quête de l'amour nous agite, nous préoccupe. Et puis avec l'âge, les soucis de santé reviennent, l'angoisse de vieillir, d'arrêter de travailler ou de devoir peut-être quitter son chez soi pour l'EMS. Sommes-nous condamnés à être toujours en souci, à être toujours vulnérables et malheureux ? N'y a-t-il donc rien à faire ? Ne peut-on vivre en paix ?
    C'est aussi ce que vivent les gens à qui l'apôtre Paul écrit à Ephèse. Et Paul prie pour eux, pour qu'ils puissent cesser de vivre dans l'angoisse de leur vulnérabilité. Pour qu'ils puissent être comblés de plénitude. Dans sa prière, Paul rappelle d'abord le lien fondamental qui nous relie à Dieu. Dieu est Père, et par là, l'origine de toute famille. La filiation, le lien qui unit les générations, est en même temps l'image et le modèle de l'amour. L'amour humain est l'image de l'amour que Dieu a pour nous. L'amour divin est le modèle de l'amour que nous pouvons avoir les uns pour les autres.
    Après avoir posé cette équivalence, ce rapport, Paul développe ce qu'il demande à Dieu pour nous. Il demande d'abord que Dieu fortifie notre être intérieur. Il y a deux manières d'être fort : soit avoir une armure autour de nous, une armure qui nous empêche d'être blessé par l'extérieur, soit renforcer notre intérieur pour que les coups du destin ne détruisent pas quelque chose de vital en nous.
    L'armure a cet inconvénient que — si elle nous protège — elle nous empêche aussi d'être touchés, elle nous prive des caresses de la vie. Aussi est-il préférable de renforcer son être intérieur pour supporter les chocs et continuer à être sensibles, capables d'être touchés, de ressentir et de partager.
    Ce renforcement intérieur, Paul le voit comme possible en laissant le Christ habiter en nous, en se laissant insprier par le vie du Christ. Et Paul explique ce que cela veut dire en disant — ce qui me semble être le centre de son message — "soyez enracinés dans l'amour." (Eph 3:17)
    Le mot "enraciné" qui est utilisé ici par Paul, c'est le mot qui a donné "rhizome" en français. Les iris ont des rhizomes, les bambous aussi. Le pasteur qui a habité la Cure avant moi avait planté un bambou dans le jardin. Maintenant, il y a un bosquet et les rhizomes font des repousses trois mètres plus loin. Quand j'essaie d'ôter ces rhizomes, je dois prendre la bêche et la hache. Je peux vous dire que ces bambous sont enracinés !
    Et bien, Paul nous dit "soyez enracinés dans l'amour" aussi fortement que les bambous. Si vous êtes enracinés dans l'amour, c'est pour que vous soyez comblés de toute la plénitude de Dieu. Paul ne demande pas cela pour que Dieu soit content ! Non, c'est pour que nous soyons comblés, pour que nous soyons heureux, pour que nous soyons délivrés de l'angoisse, des soucis que nous envoient constamment nos fragilités et nos vulnérabilités.
    Et Paul dit quelque chose de cet amour dans lequel nous enraciner. Il aimerait nous en faire connaître toutes les dimensions : la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur. Ce sont les quatre dimensions de l'espace.
    La largeur, c'est ce qu'il y a à notre droite et à notre gauche, ce qu'il y a à nos côtés. De chaque côté, pour nous entourer, il y a de l'amour, de l'amour qui vient de Dieu.
    La longueur, c'est ce qu'il y a devant et derrière nous. C'est la longueur du chemin parcouru. C'est l'amour que vous avez reçu de vos parents. C'est la longueur du chemin qui s'étend devant vous, c'est tout l'amour que vous allez donner à vos enfants, à vos petits-enfants ou arrière-petits-enfants.
    La hauteur, c'est tout ce qu'il y a au-dessus de nous, un espace qui nous surplombe, mais aussi un espace vers lequel nous élever.
    La profondeur, ce sont tous les abîmes qui se trouvent sous nos pieds. Ce n'est pas un vide vertigineux, puisque là aussi Dieu y met de l'amour pour que nous ne sombrions pas. Il fait un pont d'amour au-dessus du vide pour que nous puissions traverser, avancer, progresser.
    Oui, chers amis, il y a de l'amour tout autour de nous, à côté, devant et derrière, au-dessus et au-dessous de nous. Pourquoi ne pas ouvrir les yeux et nous en rassasier ?
    Paul prie pour que nous y ayons accès, pour que nous acceptions de nous relier à cette source d'amour que le Christ nous a montrée, par ses paroles, par ses gestes, par sa vie. Il a consacré sa vie à nous monter que cette source est accessible, disponible, infinie.
    Allons-nous passer à côté et garder nos angoisses, ou bien allons-nous découvrir toutes les dimensions de cet amour pour accéder à la plénitude que Dieu veut nous offrir ?
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • Genèse 17. Dieu est le jardinier de nos racines communes.

    7.11.2010
    Dieu est le jardinier de nos racines communes.
    Gn 17 : 1-9+15-16,  Ex 6 : 2-8,  Rm 15 ; 5-13

    télécharger la prédication : P-2010-11-07.pdf


    Les JP (jeunes paroissiens) ont présenté un sketch : dans la cour de récréation, des élèves— un juif, un musulman et une protestante — discutent entre eux de la conférence qu'ils vont avoir ensuite sur les religions. Ils ne sont d'accord sur rien. Alors, Abraham intervient dans leur conversation pour leur rappeler qu'il est l'ancêtre des trois religions et que Dieu a promis qu'il serait une source de bénédiction pour tout le monde.
    Le pasteur monte en chair et commence à parler :


    Voilà, la récré est terminée, vous avez droit maintenant à la conférence annoncée par le directeur ! La conférence a pour titre : "Abraham, une source de bénédiction."
    Comme réflexion liminaire, j'aimerais commenter le choix des JP quand au thème de leur sketch. Sans qu'ils ne le sachent peut-être eux-mêmes, je ne pense pas que ce choix soit le fait du hasard. Ce choix — conscient ou inconscient — est le fait d'une préoccupation qui concerne notre monde et le monde dans lequel ils vivront plus longtemps que nous. Ces JP avaient entre 7 et 11 ans le 11-Septembre. Ils ont grandi dans les bruits du "choc des civilisations" et de "l'axe du mal" que produisaient CNN et FoxNews.
    La question fondamentale de notre temps est devenue : Comment vivre ensemble tout en restant soi-même ? Comment allier notre identité personnelle ou nationale avec la nécessité de vivre tous ensemble sur la même planète ? Comment allier identité et universalité, être soi et être relié aux autres ?  C'est une préoccupation d'aujourd'hui avec le mélange des populations, les voyages, la culture globale d'internet.
    Mais c'était déjà une préoccupation biblique, puisque la Bible s'occupe du "grand universel" qu'est Dieu et de sa relation avec l'humain, avec vous et moi, petite particule individuelle et insignifiante aux yeux de l'univers.
    Parler d'un Dieu qui se révèle à l'être humain, c'est parler de la relation de l'universel au particulier, ce qui permet de penser ensuite la relation du particulier, l'individu, avec le général, le peuple ou le monde.
    Comment la Bible parle-t-elle de la relation de Dieu à l'être humain ? Elle en parle en termes d'alliance d'abord. Dieu prend l'initiative de faire alliance avec plus petit que lui. Dieu fait alliance avec Abraham, il lui fait des promesses, une promesse de fidélité : "Je serai ton Dieu" (Gn 17:7), une promesse de descendance : tu as un avenir (Gn 17:2), et une promesse de pérennité, d'éternité : "Je serai le Dieu de tes descendants pour toujours" (Gn 17:7). Et puis la Bible parle des relations humaines en termes de généalogies. Les humains sont reliés par des liens familiaux, mais bien au-delà de la famille nucléaire ou même du clan.
    La Bible, à travers sa manière de nous présenter la révélation de Dieu aux humains, à travers sa description de l'alliance et à travers les généalogies, nous montre comment se noue le rapport entre l'universalité et l'identité.
    Que nous apprend le personnage d'Abraham à ce sujet ? D'abord, c'est Dieu qui intervient dans la vie d'Abraham. C'est lui qui va le chercher et lui dit de se mettre en route. C'est lui qui lui fait des promesses. C'est lui qui le bénit. C'est lui qui lui donne sa descendance. Dieu a choisi un homme de nulle part, il le sort du polythéisme, il le sort de son pays d'origine pour en faire un migrant, un voyageur. Abraham n'aura de terre à lui que la grotte où il est enterré.
    Ensuite, Abraham n'est pas le père d'un seul peuple, mais de plusieurs, par Ismaël, par Isaac et d'autres encore, si l'on regarde la liste de sa nombreuse descendance que la Bible nous donne en Genèse 25. Par la généalogie, tous les peuples sont liés, nous dit la Bible. Ce qu'elle accentuera encore plus tard dans son processus de rédaction en faisant descendre tous les habitants de la terre d'Adam et Eve.
    Abraham est donc le père d'une multitude de peuples, et de quelques rois est-il précisé, pour bien montrer que ne ce sont pas juste différentes familles d'un même peuple, mais bien des nations indépendantes les unes des autres. Indépendants, mais reliés, en lien, avec des choses en commun, avec un bout d'histoire en commun.
    Même quand le temps nous aura séparés, même quand la géographie nous aura séparés, même quand l'histoire de notre pays nous aura séparés, nous avons encore quelque chose en commun avec les autres. L'histoire d'Abraham nous dit qu'il n'y a pas d'Alleingang, il n'y a que des frères trop longtemps séparés, mais qui peuvent se retrouver s'ils retrouvent leurs racines communes.
    Dieu — le grand universel — est le jardinier de nos racines communes, même s'il nous semble que notre arbre est différent de celui de notre voisin.
    C'est le rôle de l'Eglise — notre rôle — de rappeler que nos racines sont au ciel, dans l'universel. Notre identité, notre identité protestante — et nous fêtons aujourd'hui le dimanche de la Réformation — c'est de croire que nos racines sont exposées dans la Bible et la Bible seule. C'est de croire que la grâce, et la grâce seule, nous assure notre identité en Dieu, par la foi.
    L'identité protestante affirme la valeur de chaque personne devant Dieu, indépendamment de son origine. Notre protestantisme se veut ouvert, tolérant, accueillant, comme le Dieu qui nous inspire et qui nous est décrit dans la Bible.
    Il y a 40 ans, nos prédécesseurs — il est encore un peu tôt pour parler de nos ancêtres — ont construit le Centre paroissial que nous fêtons aujourd'hui, et nous l'ont remis pour que cette identité puisse être affirmée et transmise, par des réunions, par des conférences ou du catéchisme. Dans notre monde actuel, nous avons encore besoin de transmettre le message biblique, surtout celui qui rappelle que l'universel nous unit et nous permet de vivre ensemble, tous ensemble sur cette terre.
    Les JP ont été bien inspirés dans leur choix pour nous rappeler qu'il y a un ancêtre commun qui est le père de la multitude de peuples qui couvrent la terre et que cet ancêtre est — peut et doit rester — "celui qui est une source de bénédiction pour tous" (Gn 12:2).
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • Marc 8. Culte du Souvenir. Nourrir notre deuxième faim.

    Marc 8
    31.10.2010
    Culte du Souvenir. Nourrir notre deuxième faim.
    Mc 8 : 1-10, Jn 6 : 32-35

    Prédication à télécharger : P-2010-10-31.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers familles,
    Vous avez entendu, dans l'Evangile de Marc, le deuxième récit de la multiplication des pains, car il y a deux récits. Autant Marc que Matthieu nous rapportent deux récits différents de cet épisode, également rapportés, mais en un seul exemplaire, par Luc et Jean.
    Qu'aucun Evangile ne manque cet épisode montre l'importance de la signification de cet événement. L'importance n'est cependant pas dans le nombre de personnes nourries, mais dans la signification de ce geste de Jésus pour les Evangélistes.
    Je vais donc aborder les éléments symboliques pour voir comment — nous aussi — nous pouvons être nourris, aujourd'hui, de ces pains et de ces poissons. Je vais relever les indices du récit qui nous font passer de l'événement au symbole, du passé au présent.
    Il y a d'abord la faim de cette foule qui suit Jésus. Cette foule marche et écoute Jésus, mais elle n'a rien à manger. Elle est affamée, doublement affamée, de pain pour son corps et de paroles qui font sens pour son âme, pour sa vie. Cette faim, cette double faim, cette deuxième faim, une faim de sens, d'affection, de paix, n'est-elle pas la nôtre aujourd'hui ? Cette faim est l'image de la vie, de notre vie, de notre vie marquée par le deuil. Une faim de retrouver une vie normale, une vie remplie, une vie habitée; habitée de gestes de tendresse, d'amitiés, de relations riches et nourrissantes.
    Cette foule affamée touche Jésus. Votre situation touche Jésus : il est "ému aux entrailles" nous dit le texte (Mc 8:2). Jésus est touché et il se préoccupe de cette situation. Il ne peut pas rester sans rien faire, il ne peut pas renvoyer ces gens sans les nourrir, sans leur rendre leur vie, sans les restaurer dans leurs vies.
    Le texte souligne que cela fait trois jours que ces gens n'ont pas mangé. C'est encore un indice. Ces trois jours font allusion aux trois jours qui séparent Vendredi-saint de Pâques, les trois jours passés au tombeau. Trois jours qui représentent la mort, si le miracle ne survient pas, si la résurrection ne vient pas !
    Oui, être privé de nourriture, mais aussi de ce deuxième pain — qui répond à cette deuxième faim — fait risquer la mort. On ne peut pas vivre sans affection, sans amour, sans relations. On a besoin de donner sens à sa vie. Ces trois jours ne peuvent être quatre. Jésus doit intervenir, mettre un terme au désespoir, à cette deuxième faim.
    Pour cela, Jésus mobilise ses disciples. Il leur demande : "De quoi disposez-vous?" (Mc 8: 5) Quelles sont vos ressources ? Jésus part toujours de nous, de notre entourage pour réaliser le miracle d'une nouvelle vie. Les disciples sont perplexes. Comment trouver du pain dans un désert ? Et c'est bien la question que nous nous posons tous quand le malheur nous frappe ! Quelles ressources puis-je trouver dans ma vie, si celle-ci est devenue un désert ?
    Ce désert est également un indice. Ne réveille-t-il pas en vous des souvenirs d'école du dimanche ou de catéchisme ? Une foule, un peuple dans le désert qui reçoit du pain, de la manne pour se nourrir ? Pendant l'Exode, le peuple conduit par Moïse reçoit la manne, l'eau et les cailles pour se nourrir. Puis, il reçoit également la Loi et le signe de la Présence de Dieu.
    Dans le récit du don de la manne dans le désert, il y a un jeu de mot en hébreu sur le mot Manne. Le mot Manne viendrait de l'exclamation "Qu'est-ce que c'est ?" "Mannah ?" poussée par les hébreux en voyant la manne. Et l'on peut se demander "Qu'est-ce que c'est ?" que Jésus donne à manger à la foule dans le désert, pour qu'en leur donnant ces 7 pains, il reste 7 corbeilles après que tous furent rassasiés !
    L'Evangéliste Jean, dans la réflexion qui suit son récit de la multiplication des pains rapporte la parole suivante de Jésus : "Je suis le pain de vie" (Jn 6:35). Le miracle qui se passe au désert, c'est que Jésus se donne lui-même pour répondre à notre deuxième faim. Marc le laisse entendre lorsqu'il prend les mots mêmes du dernier repas, du repas de la Cène, pour décrire les gestes et les paroles de Jésus qui précèdent la multiplication des pains. La Cène est bien le don de sa personne dans le pain et le vin.
    Dans la multiplication des pains, nous avons une métaphore, une image de la vie de Jésus, du don qu'il fait à tous de sa personne pour que nous vivions. Jésus se donne lui-même dans sa Parole, dans la Cène, dans la communauté de l'Eglise.
    Si vous êtes affamés, s'il y a trois jours que vous êtes privés de la vraie vie et qu'un quatrième jour semblable serait mortel, s'il vous semble que votre vie est comme un désert, Jésus a compassion de vous, Jésus est touché par votre situation et il est prêt à vous nourrir. Il se donne à vous dans sa Parole, à sa Table et par l'intermédiaire de ses disciples, dans son Eglise.
    De même qu'on mange chaque jour, de même sa Parole se donne à nous chaque jour. De même qu'il n'est pas agréable — et vous en avez fait l'expérience — de manger seul, de même le Seigneur ne vous laisse pas seul, il vous invite à entrer dans la communauté de ses disciples pour partager ensemble le repas du Seigneur.
    Sa Parole et son Pain sont partage, amitié, relations. Le Christ nous invite à sa Table, à l'écoute de sa Parole pour combler notre deuxième faim. Pourquoi ne pas faire le pas, puisque nous avons faim. "Celui qui vient à moi n'aura jamais faim, celui qui croit en moi n'aura jamais soif" dit le Christ.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • 1 Samuel 24. David sort d'une situation sans issue.

    1 Samuel 24
    3.10.2010
    David sort d'une situation sans issue.

    Télécharger la prédication : P-2010-10-03.pdf


    1 S 24 : 1-8,  1 S 24 : 9-12+17-20,  Jn 13 : 34-35


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Petit plongeon dans l'Ancien Testament ce matin avec cet épisode de la lutte entre Saül et David. Je rappelle brièvement le contexte pour comprendre cette situation, puis nous verrons qu'au delà de l'Histoire, ce récit nous dit des choses importantes pour nous et notre époque.
    Le récit nous reporte au début de la royauté en Israël. Le peuple a demandé d'être gouverné par un roi — comme les autres nations. Le prophète Samuel a consulté Dieu et Saül a été désigné comme premier roi d'Israël. Mais Saül prend des chemins de traverse et se détourne de Dieu, de sorte que Dieu lui retire son appui et choisit le jeune David comme futur successeur. David est d'abord au service de Saül, mais ce dernier le voit grandir en force et en autorité, il prend peur et cherche à le tuer. David s'enfuit et Saül le pourchasse pour le tuer.
    C'est dans ces circonstances que la rencontre que nous avons entendue se produit. Saül est parti avec la détermination de tuer David. Dans cette grotte, Saül était désarmé, à la merci de David et de ses compagnons. Pourtant, David renonce à profiter de son avantage, il laisse la vie sauve à Saül, mais s'arrange pour lui faire connaître son geste et discuter avec lui.
    C'est cette rencontre, et ce qui se passe dans le cœur, la tête et les mains de David, qui m'intéresse et qui me semble nous donner une leçon de vie. Il se passe quelque chose à trois niveaux : au niveau personnel, interpersonnel et universel. Nous allons voir un à un chacun de ces niveaux.
    Premier niveau, le niveau personnel. C'est ce qui se passe chez David, dans son corps, dans son cœur et dans sa tête. Vous l'imaginez : il est caché dans une grotte avec ses compagnons de lutte. C'est un homme pourchassé par Saül et son armée de 3'000 hommes. Et voilà que son bourreau se présente devant lui, en ombre chinoise sur l'ouverture de la caverne. Saül dépose son manteau, s'accroupit, certainement dos à l'obscurité de la caverne pour regarder la lumière de l'entrée, pour surveiller que personne ne vient de l'extérieur.
    David est là, dans son dos, l'épée à la main. Il n'a qu'un geste à faire pour mettre fin à toute cette poursuite, à toute cette persécution. David a tous ses compagnons derrière lui — et il sait ce qu'ils pensent : "Vas-y, tue ton ennemi. S'il est là c'est que Dieu lui-même l'a mis à ta portée pour t'en débarrasser…"
    Et le texte nous dit : "Le cœur de David se mit à battre très fort." Vous imaginez l'émotion. Vous imaginez l'envie ! Un geste et finis les soucis, finis les ennuis. Un geste et David est roi d'Israël, il sera aux commandes, pas juste l'éventuel futur roi.
    Eh bien, David vit cette émotion, mais ne se laisse pas dominer par elle. Il l'accepte, mais il refuse de se laisser diriger par elle.
    Dieu lui a promis la royauté. David fait confiance en Dieu pour la lui donner, pas pour la prendre. David choisit le contrôle de lui-même et renonce à la voie de la facilité. En grand chef, il maîtrise aussi ses troupes. Il coupe juste un pan du manteau de Saül comme preuve de son renoncement à tuer.
    Quand Saül est sorti de la caverne, David sort après lui et lui explique ce qui vient de se passer. Si David avait tué Saül, il n'y aurait pas ce dialogue. Le renoncement de David permet le passage au deuxième niveau : le niveau interpersonnel.
    A ce niveau interpersonnel, Saül et David étaient bloqués dans un schéma relationnel qu'on appelle "bourreau-victime" ou "persécuteur-victime." Dans la vision de Saül, il est lui-même victime. Puisque David va lui prendre la couronne, David est le bourreau. Pour échapper à ce rôle de victime, Saül pourchasse David, il inverse donc les rôles, mais ne sort pas du schéma "persécuteur-victime."
    Par son geste dans la caverne, David fait éclater le schéma, il ouvre une porte de sortie. C'est comme s'il disait à Saül : "Regarde, j'ai renoncé être ton bourreau, sors de ton rôle de victime et nous pourrons vivre côte à côte en bons termes. Je ne te veux pas de mal, tu peux arrêter sans risque de me pourchasser.
    Qu'est-ce qui permet à David de trouver cette troisième voie ? C'est le troisième niveau : le niveau universel ou divin. Dans le texte, c'est le respect dû au roi choisi par Dieu qui anime David. Plus largement, c'est la confiance qu'a David dans l'idée que sa vie est entre les mains de Dieu et que c'est Dieu qui va faire advenir ce qui lui est promis.
    Avec cette confiance fondamentale, pas besoin de tout faire — et faire n'importe quoi — pour faire avancer ses pions. Tous les gestes, tous les mouvements doivent être en accord avec le but, avec la volonté divine.  
    Visiblement, David a pour principe de ne pas rendre le mal pour le mal. Dans ce sens, David est bien une figure messianique. Il anticipe, dans ce principe, ce que Jésus a porté à son comble : toujours opposer l'amour au mal. Rendre le bien pour le mal qu'on vous fait.
    Dans le texte, cela est mis en évidence dans le dialogue entre David et ses compagnons d'armes. Ceux-ci disent à David : "Voici le moment annoncé par le Seigneur : il te livrera ton ennemi." Les compagnons d'armes de David lisent la situation comme "Dieu te donne l'opportunité de tuer ton ennemi." Mais David a une certaine idée de Dieu qui n'est pas un Dieu qui tue, mais un Dieu qui donne la vie.
    David est messianique parce qu'il voit Dieu comme Jésus nous le décrira 1'000 ans plus tard, comme un Dieu d'amour. David a déjà ce filtre pour interpréter les situations : "Aimez-vous les uns les autres, il faut que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimé." (Jn 13:34)
    Il n'y a rien de plus dangereux dans notre monde actuel que les gens qui savent ce que Dieu veut, au plan géopolitique, et qui disent que Dieu veut la mort de tel ou tel.
    David nous enseigne que les circonstances ne nous disent rien — ni en blanc, ni en noir —sur ce que nous devons faire. Nous devons nous équiper d'un filtre qui nous permette de comprendre ce que Dieu veut de nous. Et dans le christianisme, ce filtre et celui du commandement nouveau, celui de l'amour.
    Toute situation, tout verset biblique, toute action doit être passée à ce filtre. Toute autre interprétation que celle du respect et de l'amour doit être retenue par ce filtre, pour ne laisser passer que des gestes, des actions qui augmentent la paix dans le monde. A la manière du geste de David qui nous sort du cercle et du schéma de la violence.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • Genèse 15. Combien y a-t-il d'étoiles visibles à l'œil nu dans le ciel ?

    Genèse 15
    26.9.2010
    Combien y a-t-il d'étoiles visibles à l'œil nu dans le ciel ?

    télécharger la prédication : P-2010-09-26.pdf
    Gn 15 : 1-6, 1 Jn 4 : 7-10


    Chers catéchumènes, chers parents, chers paroissiens,
    Vous avez entendu dans la première lecture ce dialogue entre Dieu et Abraham. Dieu promet à Abraham une grande récompense, de grands biens. Mais Abraham se lamente : que lui importent tous les biens de la terre, s'il n'a pas de descendants à qui les transmettre. Abraham a un grand vide, un grand manque dans sa vie, c'est de ne pas avoir d'enfant.
    Alors Dieu lui promet une descendance, une descendance nombreuse, aussi nombreuse que les étoiles dans le ciel ! Et Abraham lui fait confiance. Abraham a-t-il raison de faire confiance à Dieu. Dieu tient-il ses promesses ? Dieu a-t-il tenu sa promesse envers Abraham. Eh bien, nous allons vérifier cela ensemble.
    Combien de descendants Dieu promet-il à Abraham ? Dieu dit à Abraham "Regarde le ciel et compte les étoiles si tu peux. Tes descendants seront aussi nombreux." (Gn 15:5). Combien y a-t-il d'étoiles visibles à l'œil nu dans le ciel ? Combien pensez-vous qu'il y en a ? Sur internet, on nous dit qu'il y a environ 6'000 étoiles visibles à l'œil nu. 6'000 descendants, c'est un nombre atteignable, non ?
    Il y a deux façons de compter les descendants d'Abraham. D'un côté, ceux qui ont vraiment du sang (de l'ADN) d'Abraham. De l'autre côté, ceux qui se disent descendants spirituels d'Abraham, c'est-à-dire les juifs, les chrétiens et les musulmans. Là, il ne faut plus compter les étoiles à l'œil nu, mais on peut sortir les grands télescopes.
    Les descendants spirituels d'Abraham représentent 53% des habitants de la terre. Comme nous sommes 6,9 milliards d'êtres humains sur la terre à ce jour, 53% font 3,6 milliards de descendants spirituels d'Abraham. On peut dire que Dieu tient ses promesses.
    Eh bien, Abraham a eu confiance en Dieu. Il a fait confiance et il a eu raison, parce qu'il a eu des fils et il a eu la descendance promise. Parce qu'il a fait confiance en Dieu, parce qu'il a eu la foi, Abraham est devenu l'ancêtre, le père spirituel de tous les croyants et un exemple pour nous.
    Mais avoir un ancêtre, cela suffit-il ? Avoir un nom dans sa généalogie, quel sens cela a-t-il, si on ne connaît pas cet ancêtre, ou qu'il ne nous inspire pas nos pensées, nos actions, notre vie ? A voir le monde actuel, à voir les conflits, les tensions qui règnent dans le monde, il ne suffit pas d'avoir un ancêtre commun pour vivre en paix. Il faut plus qu'un nom, il faut un engagement et une inspiration.
    Comme chrétiens, nous reconnaissons que Jésus est celui qui a réactualisé les promesses de Dieu faites à Abraham. Qu'est-ce que Dieu nous promet à nous, aujourd'hui ? Il nous promet la vie, une vraie vie, une vie qui ait un sens, une vie qui nous comble. Comment Dieu nous la donne-t-il, comment cela est-il réalisable ?
    Comme pour Abraham, c'est une affaire de confiance. Vais-je croire, faire confiance que Dieu me donne ce qui est nécessaire à ma vie ? Vais-je ouvrir les mains, accepter de Lui ce cadeau ?
    Nous avons entendu une petite phrase qui résume toute la Bible pour les chrétiens : "Dieu est amour" (1 Jn 4:8). La foi, c'est reconnaître que Dieu est amour, qu'il nous veut du bien, qu'il nous fait des cadeaux. Allons-nous prendre ces cadeaux ou passer à côté ? Allons-nous ouvrir ces paquets ou regarder cela avec méfiance, ou considérer que cela est trop de travail de les déballer ou de construire ce qu'il y a dans le paquet. C'est vrai la vie nous arrive un peu comme un jeu de Lego, il faut construire soi-même à partir des pièces qu'on reçoit.
    La clé de la foi chrétienne, c'est de s'ouvrir pour recevoir. C'est d'accepter d'être aimé, accepter d'être accepté — tel qu'on est — par Dieu.
    Et puis, il faut découvrir qui est Dieu, qui envoie cet amour. Pour cela, nous avons une longue lettre d'amour qu'est la Bible. La Bible, c'est comme le ciel étoilé. Au début, quand on regarde le ciel, on ne voit que des points lumineux, sans ordre, sans forme.
    Il faut quelqu'un pour nous dire "regarde-là, tu vois cette forme de casserole, eh bien c'est la Grande Ourse. Et puis si tu continues vers le haut tu peux voir une autre casserole, c'est la Petite Ourse et l'Etoile polaire. Et puis là-bas, il y a le Lion et le Cygne, etc…" Et d'abord on dit : "Je ne vois pas, je ne vois rien" mais si on persévère, tout à coup on voit la forme : "ça y est, je vois…" et nous ne pouvons plus regarder le ciel sans voir ces formes !
    Le catéchisme sera un bout de cette initiation, les cultes seront un autre bout. Au début, vous ne verrez rien, vous ne comprendrez pas grand-chose, mais si vous persévérez, si vous faites confiance — comme Abraham — vous allez découvrir des formes et des repères — comme l'Etoile polaire — qui vous permettront de vous orienter dans votre vie, qui vous permettront de faire des choix et d'accéder à cette vraie vie, celle qui vaut la peine, celle qui a du sens, celle que Dieu promet. Et souvenez-vous, Dieu tient ses promesses, faites-lui confiance.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • 1 Timothée 2. Face au politique, l'Eglise est appelée à la bienveillance et à la critique

     

    19.9.2010 - Jeûne fédéral

    Face au politique, l'Eglise est appelée à la bienveillance et à la critique

    télécharger la prédication : P-2010-9-19.pdf

    Amos 8 : 4-7;  Marc 9 : 33-35;  1 Timothée 2 : 1-5

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Par un arrêté du Conseil d'Etat du Canton de Vaud, nos autorités ont ordonné qu'un "jour de prière et d'actions de grâces soit célébré dans tout le Canton de Vaud le dimanche 19 septembre 2010." C'est notre Jeûne fédéral, institué par la Haute-Diète en 1832.

    A cette occasion, le Conseil d'Etat demande aux officiants de ce dimanche de mener "une réflexion spirituelle centrée sur les affaires publiques." Ce que nous avons lu dans la lettre à Timothée exprime bien l'état d'esprit d'un jour de Jeûne fédéral :

    "En tout premier lieu, je recommande que l'on adresse à Dieu des demandes, des prières, des supplications et des remerciements pour tous les êtres humains. Il faut prier pour les rois et tous ceux qui détiennent l'autorité, afin que nous puissions mener une vie tranquille, paisible, respectable, dans un parfait attachement à Dieu." (1 Tim 2:1-2).

    Des prières de demandes, des prières de remerciements et des prières pour nos autorités. Voilà qui convient pour aujourd'hui.

    J'aimerais même mener une réflexion sur la relation du christianisme avec le politique. Je ne vais pas refaire l'histoire des 2'000 ans de christianisme. La Réforme a cherché à revenir aux racines bibliques et évangéliques. En tant que groupe minoritaire et sans puissance étatique (la plupart du temps), les églises protestantes ont adopté une position d'interlocuteur bienveillant et critique face aux pouvoirs.

    C'est une attitude qui met en tension deux valeurs opposées. D'un côté, nous considérons que l'Ecriture et les Evangiles considèrent positivement l'Etat, le pouvoir, les dirigeants — Calvin disait le magistrat. Les autorités politiques sont instituées par Dieu lui-même, elles ont une légitimité propre. Il y a là un souci de maintient de l'ordre, d'organisation de la société qui permette aux individus de vivre en paix et en sécurité. Dans ce sens l'Evangile est plus légitimiste qu'anarchiste. C'est la bienveillance ou la confiance de principe que les protestants accordent à l'autorité.

    Mais si l'origine divine du pouvoir est reconnue (voir aussi Rm 13), de l'autre côté, le protestantisme fait aussi l'expérience de la présence permanente du péché chez tout être humain et dans la société. Comme le pouvoir est exercé par des humains, il peut donc dériver, dévier, être détourné de sa finalité ou être corrompu. D'où le contre balancier critique nécessaire. Si Dieu donne le pouvoir à certains, il ne leur donne pas carte blanche, mais une mission qui est contenue et limitée par la loi. La politique doit répondre à des critères de justice, de respect des personnes et de participation. Bienveillance et critique sont les deux attitudes auxquelles l'Evangile appelle l'Eglise face au politique.

    J'ai eu l'honneur et la chance de pouvoir m'adresser à la classe politique de ce Canton lors de l'accueil de Mme Claudine Wyssa à Bussigny à l'occasion de son élection à la présidence du Grand Conseil. Dans ces circonstances, j'ai rappelé ce que notre système politique doit à l'Evangile. Je vais reprendre pour vous les deux valeurs de l'Evangile que j'ai exprimées à ce moment-là et en ajouter une troisième qui a son importance.

    Dans ce discours, je disais : "La pensée de Jésus a façonné notre monde occidental, les certitudes de Jésus ont structuré nos plus importantes valeurs politiques.

    Par ses rencontres personnelles, Jésus n’a évité personne — touchant le lépreux ou la prostituée, relevant le malade ou le handicapé, parlant avec la Samaritaine ou l’officier Romain — il a été à la rencontre de tous, sans distinction, alors qu’il vivait dans un monde communautariste qui craignait l’impureté plus que nous la grippe H1N1 l’automne dernier.

    Jésus vivait aussi librement parce qu’il était fort d’une première certitude, la certitude absolue de l’égale valeur de tous les humains sous le regard de Dieu. Après lui, nous avons inscrit l’égalité de tous dans notre Constitution et notre droit. Il reste encore bien des progrès à faire, mais au moins, le principe est acquis que les femmes peuvent occuper toutes les fonctions dans la société.

    La seconde certitude que Jésus avait, c’est que la grandeur d’une personne se mesure à sa capacité de se mettre au service des autres. Mot à mot Jésus disait : « que celui qui veut être le premier, soit le dernier et le serviteur de tous. » (Mc 9 :35). Dans ce sens je souhaite une plus grande participation de tous à la « chose publique » (la « res publica » comme l’appellent les latinistes).  Que ce soit une participation dans une Association, un Conseil paroissial, un Conseil communal ou un parti politique, toute participation est un service important rendu à la société.

    Dans un temps où le chacun pour soi est à la mode, et où l’épanouissement personnel l’emporte sur le service, il est bon de se souvenir que le service et l’altruisme sont sources d’enrichissement personnel et de joie. C’est le service qui révèle la grandeur d’une vie."

    Ce matin, j'aimerais encore ajouter la valeur de la justice, celle que les prophètes de l'Ancien Testament nous rappellent constamment. Ces prophètes se dressent — au nom de Dieu — contre l'exploitation du faible par le fort, contre l'oppression par la force, qu'elle soit militaire ou économique.

    Ces trois valeurs : l'égalité de tous, le service et la justice, sont à l'origine des trois pouvoirs de nos démocraties : le pouvoir législatif qui repose sur l'égalité de tous et sur la représentativité des élus du peuple, le pouvoir exécutif qui est au service de la population et non au service de ses propres intérêts (qui est la signature des dictatures) et le pouvoir judiciaire qui doit être libre et indépendant pour rendre la justice.

    La plupart d'entre nous n'exerce son pouvoir politique que par ses bulletins de vote, mais nous pouvons retrouver ces trois valeurs et ces trois instances au travail ou dans la famille en exerçant l'écoute autour de nous, le service et en exerçant l'équité dans nos décisions.

    En réponse à l'apôtre qui écrit à Timothée, nous pouvons demander à Dieu de renforcer en nous ces trois valeurs afin que nous sachions les vivre dans notre vie quotidienne. Nous pouvons prier avec reconnaissance pour remercier Dieu de tous les bienfaits qu'il nous donne et prier pour nos autorités, afin qu'elles maintiennent la paix, la liberté, la sécurité et le soutien aux personnes les plus faibles de notre société.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

     

  • Psaume 114. Un Dieu bouleversant qui nous invite au changement.

    12.9.2010

    Ps 114

    Un Dieu bouleversant qui nous invite au changement.

    Nombres 20 : 1-11,  Josué 3 : 14-17

    Télécharger la prédication : P 2010-9-12.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Hier, un groupe de paroissiens et paroissiennes ont visité les églises de Moncherand et Romainmôtier et cheminé sur les 12 km qui les séparent en méditant sur quelques aspects de la Règle de St-Benoît. Cette Règle monastique est celle qui dirige la vie des moines clunisiens dont dépendaient ces deux églises. Une part importante de la vie des moines est la louange et particulièrement la louange des Psaumes. L'entier du psautier était prié ou chanté chaque semaine.
    Dans notre protestantisme actuel, nous avons perdu cette lecture régulière des Psaumes et, souvent, ils nous apparaissent difficiles à comprendre. Aujourd'hui, je vous propose d'entrer en dans la méditation du Psaume 114. C'est un psaume court, de louange, qui rappelle par de brèves allusions quelques pages centrales de l'histoire du peuple d'Israël.

    1 Quand le peuple d'Israël sorti d'Egypte,
    quand les descendants de Jacob quittèrent ce peuple au parler étrange,
    2 Juda devint le sanctuaire du Seigneur et Israël son domaine.
    3 En les voyant la mer s'enfuit, le Jourdain retourna en arrière.
    4 Les montagnes firent des bonds de bélier et les collines des sauts de cabri.
    5 Mer, qu'as-tu ainsi à t'enfuir, et toi Jourdain, à retourner en arrière,
    6 vous, montagnes, à faire des bonds de bélier, et vous, collines, des sauts de cabri ?
    7 Terre, sois bouleversée devant le Seigneur, devant le Dieu de Jacob,
    8 lui qui change le roc en nappe d'eau, et le granit en source jaillissante.
    Ce psaume est un témoignage, il s'adresse à la terre entière, à tous ses habitants. Il veut nous dire à quel point le Dieu de Jacob est un Dieu bouleversant ! Un Dieu qui appelle tous les êtres humains à la vie, à la vraie vie.
    Mais d'abord, pour y lire ce message, il est nécessaire de décrypter et d'étoffer le texte que nous lisons. Le psaume commence en parlant de la sortie d'Egypte, là tout le monde sait de quoi il s'agit, c'est la thématique centrale de l'Exode et de la foi d'Israël. Dieu a libéré son peuple en le sortant d'un lieu de misère et d'esclavage.
    Mais le psaume ajoute que cette sortie a été le commencement d'une transformation intérieure : A partir de là "Juda devint le sanctuaire du Seigneur et Israël son domaine." (Ps 114:2) Au lieu d'habiter un lieu, une ville ou un temple, Dieu habite un peuple, le peuple devient son sanctuaire ! Dieu ne veut plus être connu comme un Dieu extérieur, lointain, distant, mais comme un Dieu proche, intérieur.
    La force de Dieu habite le peuple lui-même et cette force lui permet de franchir tous les obstacles, en effet, la suite dit : "En les voyant la mer s'enfuit, le Jourdain retourne en arrière." (Ps 114:3) La mer qui s'enfuit rappelle la traversée de la Mer des Roseaux avec Moïse qui marque l'entrée dans le désert et le Jourdain qui retourne en arrière rappelle l'épisode que vous avez entendu (Jos 3) de l'entrée dans la Terre promise avec Josué.
    Deux passages au travers des eaux encadrent le long séjour dans le désert, qui a été un temps d'épreuves mais pendant lequel les bénédictions n'ont pas été absentes ! Le désert de l'Exode nous rappelle la dureté de la vie, les difficultés de la vie de tous les jours, les temps arides que nous traversons, mais ce temps n'est pas un temps d'abandon — aussi tourmenté soit-il . C'est au désert que le peuple a reçu la manne et les cailles, c'est au désert que le peuple a reçu la Loi de Dieu, c'est au désert que le peuple a reçu a été abreuvé d'une eau qui sortait du rocher.
    Là où toute vie semblait impossible, Dieu l'a rendue possible, et lorsque le séjour semblait interminable et que les eaux du Jourdain en crue semblaient rendre impossible le passage vers la Terre promise, Dieu est intervenu et a réalisé sa promesse.
    La mer et le Jourdain renvoient à l'histoire d'Israël. Les montagnes qui bondissent et les collines qui font des sauts de cabri, à quoi renvoient-elles ?
    Il n'est pas question — à ma connaissance — dans l'histoire d'Israël, de cataclysmes terrestres. Par contre c'est une thématique très présente dans le livre d'Esaïe, entre les chapitres 40 et 55. Souvenez-vous ces paroles qu'on lit à Noël : "Une voix crie : Que toute colline soit abaissée, qu'on change les reliefs en plaine" (Es 40:4) ou encore "Quand les collines chancelleraient, quand les montagnes s'ébranleraient, mon amour pour toi ne changera pas" (Es 54:9-10). Ce thème des montagnes et des collines qui bougent est un thème messianique, qui annonce la nouvelle alliance de Dieu avec tous les humains.
    Ainsi le Ps 114 allie les hauts-faits de Dieu dans l'histoire d'Israël avec les hauts-faits à venir pour appeler chacun à reconnaître la grandeur éternelle du Dieu de Jacob, du Dieu d'Israël. Un Dieu qui a agi dans le passé de manière salutaire et qui promet encore d'agir pour ouvrir un avenir vivant et véritable.
    Oui, la terre entière, c'est-à-dire tous ses habitants et nous encore aujourd'hui nous pouvons nous laisser bouleverser, changer, transformer par ce Dieu qui a agit dans l'histoire et promet de le faire encore dans l'histoire de nos vies, de notre vie personnelle et dans la vie de notre communauté. Car le Dieu de Jacob est un Dieu de changement "lui qui change le roc en nappe d'eau, et le granit en source jaillissante" (Ps 114:8).
    Ce qui est mort, inerte comme la pierre, Dieu lui donne vie et fluidité comme l'eau, ce qui est dur, figé, bloqué dans nos vies, Dieu promet de le rendre souple, mobile, vivant. Et l'histoire de ces changements dans nos vies ressemble à l'histoire du peuple d'Israël.
    Il y a une première étape, souvent la plus difficile à franchir, qui oppose beaucoup de résistance, c'est la décision que quelque chose doit changer dans sa vie et qu'on va se mettre en route pour changer. La première étape, le pas décisif ressemble au départ de l'Egypte. C'est un premier prodige que cette détermination de se mettre à changer, c'est analogue à franchir la Mer des Roseaux.
    Suit une période faite d'épreuves, de difficultés, entrecoupée de bénédictions inattendues, de nourritures nouvelles et d'eau sortie d'on ne sait où. C'est une période de transformation, de gestation, un temps où l'on adopte de nouvelles lois de comportement, et où l'on vit aussi des instants de rébellion, de doutes, de découragement : pourquoi avoir quitté la sécurité de l'acquis pour une Terre promise qui semble encore tellement loin ?
    Et voilà qu'à force de persévérance — et pour s'être laissé porté par Dieu lui-même par moment — vient le passage du Jourdain. Le désert est derrière soi, une nouvelle vie est commencée avec la possibilité de s'installer dans de nouveaux modes de relations. Il n'est alors plus question de retour en arrière, on sent la promesse réalisée.
    Le Dieu "qui change le granit en source jaillissante" nous invite à prendre ce chemin, ou à y persévérer, ou à y encourager, guider, ceux qui s'y trouvent. C'est à cela que nous invite ce Ps 114, si court, si simple, mais si riche !
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • Discours en l’honneur de Mme Claudine Wyssa – 7.9. 2010

    Discours prononcé à l'occasion de l'accueil de Mme Claudine Wyssa à Bussigny, nouvelle présidente du Grand conseil vaudois.


    Madame la Présidente du Grand Conseil,

    Mesdames et Messieurs les Conseillers d’Etat,

    Mesdames et Messieurs,

     

    Je tiens à remercier notre nouvelle Présidente du Grand Conseil Madame Claudine Wyssa d’avoir souhaité qu’un des pasteurs de l’Eglise réformée vaudoise puisse prendre la parole en ce moment important.

    Il est dans mon rôle de pasteur de rappeler quelques paroles ou gestes de Jésus — ce que je vais faire. Si quelques-uns d’entre vous se hérissent déjà d’appréhension ou de désapprobation, qu’ils se demandent pourquoi ils ne supportent pas la pensée d’un homme qui a façonné notre monde occidental et dont les certitudes ont structuré nos plus importantes valeurs politiques.

    Par ses rencontres personnelles, Jésus n’a évité personne — touchant le lépreux ou la prostituée, relevant le malade ou le handicapé, parlant avec la Samaritaine ou l’officier Romain — il a été à la rencontre de tous, sans distinction, alors qu’il vivait dans un monde communautariste qui craignait l’impureté plus que nous la grippe H1N1 l’automne dernier.

    Jésus vivait aussi librement parce qu’il était fort d’une première certitude, la certitude absolue de l’égale valeur de tous les humains sous le regard de Dieu. Après lui, nous avons inscrit l’égalité de tous dans notre Constitution et notre droit. Il reste encore bien des progrès à faire, mais au moins, le principe est acquis que les femmes peuvent occuper toutes les fonctions dans la société, ce que nous montre bien l’exemple de Madame Claudine Wyssa.

    La seconde certitude que Jésus avait, c’est que la grandeur d’une personne se mesure à sa capacité de se mettre au service des autres. Mot à mot Jésus disait : « que celui qui veut être le premier, soit le dernier et le serviteur de tous. » (Mc 9 :35).

    Nous fêtons aujourd’hui Madame Claudine Wyssa pour la place d’honneur qu’elle occupe à la tête du Grand Conseil. Comme beaucoup d’entre vous qui connaissent les rouages de nos institutions politiques, je vois d’abord dans cette fonction une tâche de service. Présider le Grand Conseil, c’est se mettre à disposition pour servir cette Assemblée, le Canton et finalement le peuple vaudois tout entier. Madame Claudine Wyssa me l’a dit en me parlant de cette nouvelle fonction : «  Je souhaite faire le lien entre les institutions et le peuple, entre l’autorité publique et les gens. » Je suis certain qu’elle saura servir le Canton dans ce rôle.

    Je partage également  avec elle le souhait d’une plus grande participation de tous à la « chose publique » (la « res publica » comme l’appellent les latinistes).  Que ce soit une participation dans une Association, un Conseil paroissial, un Conseil communal ou un parti politique, toute participation est un service important rendu à la société. Dans un temps où le chacun pour soi est à la mode, et où l’épanouissement personnel l’emporte sur le service, il est bon de se souvenir que le service et l’altruisme sont sources d’enrichissement personnel et de joie.

    C’est le service qui révèle la grandeur d’une vie.

    Tous mes vœux à Madame Claudine Wyssa pour cette année de présidence et merci de votre attention.

     

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

     

  • Actes 15. Quelle exigence minimale pour de déclarer chrétien ?

    22.8.2010

    Actes 15

    Quelle exigence minimale pour de déclarer chrétien ?

    Actes 15 : 1-12,    Actes 15 : 22-31

    Télécharger la prédication P-2010-8-22.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Ce récit d'Actes 15 nous montre la dernière apparition du personnage de Pierre dans le livre des Actes. Il est dans la position de chef de l'Eglise de Jérusalem, au côté de Jacques, le frère de Jésus. C'est lui qui doit trancher un conflit survenu dans l'Eglise d'Antioche de Syrie (aujourd'hui Antakya en Turquie). Ce conflit survient à la suite de prédications contradictoires faites à Antioche.

    Paul et Barnabbas ont développé l'Eglise d'Antioche, d'abord auprès des juifs, puis auprès des païens. Paul ne demande pas aux chrétiens d'origine païenne de suivre la Loi de Moïse comme le pratiquent les chrétiens issus du judaïsme. Mais voilà que d'autres évangélistes arrivent, qui exigent que les païens qui entrent dans l'Eglise se fassent circoncire et obéissent à l'entier de la Loi.

    On voit donc qu'il y a deux tendances dans la première Eglise. D'un côté — et principalement à Jérusalem et en Judée — une Eglise majoritairement juive qui a reconnu en Jésus le Messie, mais qui continuent à pratiquer la Torah. De l'autre côté — en Samarie, à Césarée et de plus en plus loin, en Syrie à Antioche et dans toute l'Asie mineure — des Eglises où les païens deviennent majoritaires.

    La question qui se pose est de savoir si les chrétiens doivent aussi devenir juifs et pratiquer la Torah (Ac 15:5) ou s'ils peuvent être dispensés de ce fardeau trop lourd à porter (Ac 15:10).

    Je rappelle que l'universalité de l'entrée dans l'Eglise est acquise depuis l'épisode de Pierre avec Corneille (Ac 10—11, voir prédication du 15.8.2010). Les apôtres de Jérusalem ont accepté que les "païens" avaient accès, comme les juifs, à Jésus-Christ.

    La nouvelle question est plutôt de savoir : "Quelle pratique doit-on avoir à l'intérieur de l'Eglise ?" Les chrétiens issus des rangs des pharisiens veulent garder une stricte obéissance à la Loi de Moïse [il est intéressant de noter que des pharisiens ont adhéré au christianisme naissant, les Evangiles nous les présentent plutôt en bloc comme des endurcis imperméables à Jésus]. Les prédicateurs arrivés après coup à Antioche devaient venir de ces milieux-là. La prédication de Paul affirme, par contre, que la Loi de Moïse peut être mise de côté puisque c'est la foi et non l'obéissance qui crée le lien à Dieu.

    L'affaire est donc remontée jusqu'à Jérusalem et les apôtres doivent prendre une décision. C'est Pierre qui s'exprime en leur nom. Il va faire un compromis. Mais il ne fait pas un compromis sur la doctrine, il fait un compromis en faveur de bonnes relations.

    En effet, Pierre rappelle la doctrine, c'est-à-dire le noyau de la foi chrétienne : Dieu ne fait pas de différences entre les personnes, entre nous et les autres. Il donne son Saint-Esprit à tous. "Nous sommes tous sauvés par la grâce du Seigneur Jésus" (v 11) dit-il. Sur ce noyau, pas de compromis.

    Cependant, les frères vont écrire une lettre avec trois exigences pour les chrétiens d'origine païenne : Abstenez-vous de l'idolâtrie, du sang et de la débauche. Quel est le statut de ces trois exigences ?

    Clairement, d'après ce que nous avons vu, ce n'est pas une condition pour entrer dans l'Eglise. L'Eglise est ouverte à tous, quel que soit son origine. Ce n'est pas non plus une condition de salut, puisque Pierre reconnaît et affirme que le salut vient de la grâce et non de l'obéissance. Alors qu'est-ce ?

    C'est un compromis pour maintenir la communion entre chrétiens juifs et chrétiens païens. Ce sont les égards demandés aux pagano-chrétiens pour que les judéo-chrétiens se sentent respectés. Sans ces égards, ils se sentiraient souillés, contaminés et ne pourraient pas partager la même table et surtout la table de communion.

    Ces trois exigences appartiennent aux lois rituelles du Lévitique et peuvent être assimilées aux exigences demandées aux étrangers qui habitent le pays d'Israël dans le Lévitique. C'est le minimum que les juifs doivent exiger des païens pour être à l'aise. Et c'est le maximum qu'on peut demander aux païens d'accepter pour ne pas se couper des juifs. C'est également une façon de marquer sa différence, sa singularité par rapport à l'extérieur de l'Eglise, c'est un signe distinctif qui rend la foi visible.

    Ainsi, Pierre, avec Paul, maintient que la ritualité, les prescriptions religieuses, sacrificielles, de la Loi de Moïse ne donnent aucun accès à Dieu. Mais il maintient un minimum, ces trois exigences, parce que la cohésion de l'Eglise, son unité et sa visibilité sont primordiales. Nous devons avoir des égards les uns pour les autres, quelle que soit notre origine et notre foi doit être visible.

    L'histoire — y compris les manuscrits successifs de cette lettre de Jérusalem — va montrer que ces trois interdits rituels vont perdre de leur importante au fil du temps, jusqu'à être remplacés (dans quelques manuscrits) par la règle d'Or : "Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'il te fasse."

    Ce glissement du rituel vers l'éthique s'explique par la diminution au fil du tmeps du nombre de chrétiens d'origine juive dans l'Eglise et finalement par la rupture totale avec la Synagogue. Finalement, Paul l'a emporté sur Jacques et même sur Pierre et son compromis. En effet, Paul ira jusqu'à dire qu'on peut consommer des viandes sacrifiées aux idoles, que cela n'a aucune importance, les idoles n'étant rien (1 Co 8:4). Mais il conserve toute fois une limite, celle de ne pas scandaliser les plus petits d'entre les frères (1 Co 8:9).

    Alors, on peut se poser la même question aujourd'hui : quel est le minimum de pratique aujourd'hui pour pouvoir se dire chrétien ? Y a-t-il un minimum éthique — ou rituel — pour se définir comme chrétien ?

    La grande force de Paul a été d'abolir toute ritualité dans la quête du salut — au profit d'une liberté totale vis-à-vis du monde. La seule limite étant — à l'image du décret de Pierre — l'égard qu'on doit aux plus petits de nos frères, pour ne pas les choquer par notre exercice de la liberté.

    La grande faiblesse de cette position, c'est la perte totale de visibilité des chrétiens pauliniens; aujourd'hui de nos Eglises protestantes, dans le monde. Le protestantisme d'aujourd'hui passe totalement inaperçu !

    Nous ne portons pas de signes distinctifs, pas d'habits particuliers. Nous n'accomplissons pas de rituels visibles, nous ne jeûnons pas de manière ostensible, nous n'avons pas de pèlerinages qui rassemblent les foules et attirent la télévision.

    Pourtant l'entier du monde occidental a adopté cette pratique de la liberté. Grand paradoxe de notre époque ou presque plus personne ne se déclare chrétien pratiquant, mais où l'occident a intégré au plus profond de soi la pensée paulinienne.

    Alors je vous laisse avec la grande question : Comment être Eglise dans ce monde-là ?

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

     

  • Actes 10-11. Et L'Eglise devint universelle...

    Actes 10-11

    15.8.2010

    Et l'Eglise devint universelle...

    Actes 10 : 24-48   Actes 11 : 1-18

    Télécharger la prédication : P-2010-8-15.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Le récit que vous venez d'entendre, aux chapitres 10 et 11 des Actes, est non seulement une petite merveille littéraire, c'est aussi le centre ou le sommet du livre des Actes des Apôtres. Le livre des Actes raconte l'expansion du christianisme de Jérusalem à Rome, comme l'accomplissement de l'ordre de mission donné aux disciples par les derniers mots de Jésus à l'Ascension : " Vous serez mes témoins, vous parlerez de moi à Jérusalem, dans la région de Judée et de Samarie et jusqu'au bout du monde." (Ac 1:8).

    Nous avons vu la prédication de Philippe en Samarie dimanche passé et aujourd'hui nous vivons l'entrée de l'Evangile dans le monde romain. Et bien cette entrée ne va pas de soi. Elle ne va pas de soi pour Pierre. Elle ne va pas de soi pour les apôtres et les frères restés en Judée, puisqu'ils demandent des comptes à Pierre à son retour de Césarée et que celui-ci doit raconter en détail ce qui s'est passé.

    La place que prend cet épisode dans le livre des Actes, le nombre et la répétition, dans le récit même des interventions divines — visions, paroles, anges, parlé en langue, descente de l'Esprit saint — pour justifier cette ouverture, montre que la résistance, au sein de l'Eglise primitive a dû être forte.

    Pierre lui-même a dû se laisser convaincre. Il a cette fameuse vision de la nappe remplie d'animaux purs et impurs et dans lesquels il doit se servir pour manger. Il a une réaction d'horreur : "Jamais ! Jamais je n'ai rien mangé d'impur ou d'interdit !" (Ac 10:14).

    Toute la vie d'un croyant juif de l'époque est construite sur la distinction du pur et de l'impur. Les païens n'en tiennent pas compte et ils sont donc souillés. Si l'on veut appartenir au peuple de Dieu, il faut distinguer ce que Dieu a déclaré pur et ce qu'il a déclaré comme interdit. C'est la base de la vie pieuse. Cela a conduit les juifs à vivre une vie séparée des autres, n'entrant pas dans les maisons des romains (c'est ainsi que les autorités juives ne voulaient pas entrer dans le palais de Ponce Pilate, Jn 18:28), partageant encore moins leurs repas — la nourriture ayant pu être consacrée aux idoles.

    Dans ce contexte, Pierre a cette vision de la nappe. Le récit nous dit alors que Pierre cherche encore la signification de cette vision. Il n'en voit pas tout de suite les conséquences. C'est à ce moment de sa réflexion qu'un romain le fait chercher.

    C'est avec six compagnons qu'il se rend chez Corneille. Entendant qu'un ange a parlé à Corneille, il ose entrer dans sa maison pour lui parler du Christ. Le lien entre la vision de la nappe et la demande de l'officier romain se fait petit à petit. Tout de vient clair lorsqu'il réalise que le Saint-Esprit est descendu sur Corneille et sa maison. Là, il voit que rien de fait plus obstacle à ce qu'il reçoive le baptême, c'est-à-dire qu'il entre dans l'Eglise, dans le peuple de Dieu.

    Pierre ressort donc transformé de la maison de Corneille, c'est presque un récit de la conversion de Pierre ! Il y a chez lui un véritable changement de mentalité, un changement de vision du monde. Pierre passe d'un monde cloisonné où chaque peuple, où chaque ethnie, où chaque culture vit séparée l'une de l'autre (ce qu'on appelle le communautarisme aujourd'hui) à une société ouverte où chacun peut non seulement se croiser mais se rencontrer, se toucher, se rassembler et manger à la même table !

    Mais Pierre n'est pas au bout de son chemin. Il a fait son chemin personnel, mais il doit encore convaincre l'ensemble de la communauté. Avec ironie, Luc, l'auteur des Actes, montre par là que les obstacles ou les résistances au message de Dieu sont souvent plus forts à l'intérieur de l'Eglise qu'à l'extérieur. A ce moment-là (mais est-ce seulement à ce moment-là ?) l'Eglise n'a pas tellement envie de devenir universelle. L'Eglise n'a pas tellement envie de changer, de s'ouvrir.

    Pierre va donc reraconter tout le parcours, sa vision, celle de Corneille, la rencontre, la descente du Saint-Esprit et le baptême à ceux qui doutent du chemin qu'il a pris. Et c'est comme si Pierre disait : moi aussi je ne voulais pas aller par ce chemin, moi aussi je suis le premier surpris, mais je n'ai rien pu faire, la volonté de Dieu s'est imposée à moi, les signes étaient là. Comment pourrais-je résister à la voix du ciel qui me disait : "Ne considère pas comme impur ce que Dieu a déclaré pur." (Ac 11:9). Et Pierre de conclure son plaidoyer : "Qui étais-je donc pour m'opposer à Dieu." (Ac 11:17).

    Les apôtres et les autres membres de l 'Eglise se rangent alors derrière Pierre. L'Eglise peut devenir universelle. Les barrières sont tombées.

    Pour nous aujourd'hui cela paraît tout naturel, normal. Mais pour l'Eglise d'alors, cette position de Pierre est comparable à la demande d'un politicien suisse d'offrir le passeport suisse à toute personne qui en ferait la demande, sans autre condition que de prononcer la phrase : "J'aime la Suisse et je respecterai ses lois." Vous percevez les réactions que cela entraînerait ?

    "Ne considère pas comme impur ce que Dieu a déclaré pur." (Ac 11:9). Cette phrase a façonné le christianisme et n'a pas fini de déployer ses effets. Elle est un défi pour tous les chrétiens et elle est un défi pour toutes les autres religions.

    Cette phrase signifie d'abord l'abolition de toutes les barrières entre les humains. C'est l'abolition de toutes les discriminations entre humains et comme telle à la source de la Déclaration universelle des droits humains qui déclare que toute personne a des droits "sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation." (Article 2).

    Cela nous interroge sur les barrières que nous maintenons en place dans l'Eglise ou dans la société. Plus important pour nous aujourd'hui — en tant qu'Eglise — cela nous rappelle que cette abolition des barrières est voulue par Dieu lui-même, ce qui signifie que nous ne devons pas, que nous ne pouvons plus ériger des barrières au nom de Dieu, au nom du culte ou au nom de la religion.

    C'est un véritable défi pour notre XXIe siècle qui voudrait que chacun vive chez soi et qu'on ne mélange pas les communautés différentes ! Pour rester fidèles, apprenons à faire tomber toutes les barrières.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

     

  • Actes 8. Même imparfaite, l'Eglise reçoit le don du Saint-Esprit.

    Actes 8.

    8.8.2010

    Même imparfaite, l'Eglise reçoit le don du Saint-Esprit.

    Actes 8 : 4-25

    Télécharger la prédication : P-2010-8-8.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Nous poursuivons notre parcours en suivant l'apôtre Pierre dans le livre des Actes des Apôtres. Dans ce chapitre 8, nous voyons Pierre venir en Samarie pour confirmer le travail de Philippe. Pour comprendre ce voyage de Pierre, il faut revenir un peu en arrière.

    Les Douze apôtres ont reçu, comme première mission, d'annoncer le Christ à Jérusalem. Comme nous l'avons vu dimanche passé, ils ont rapidement été mis en difficulté par les autorités : ils se sont vu interdire de parole au Temple et à Jérusalem. Malgré cela, ils prêchent et la situation s'envenime jusqu'à la lapidation d'Etienne (Ac 7). Une persécution sévère s'en suit qui force les croyants à fuir Jérusalem. Ils se dispersent dans les campagnes avoisinantes, en Judée et en Samarie.

    Et là, ils ne purent s'empêcher de parler de leur foi… C'est là qu'on retrouve Philippe en Samarie. L'évangélisation de la Samarie n'a pas été une décision stratégique des Douze. C'est une conséquence imprévue des persécutions. L'auteur des Actes — Luc — nous montre ainsi que l'avance de l'Evangile dépend davantage de Dieu que des décisions des Apôtres. Il montre comment ce qui apparaît au premier regard comme un malheur et un échec peuvent devenir une opportunité et une chance.

    Ainsi, Philippe arrive en Samarie et annonce la bonne nouvelle, par la parole et par des signes, qui sont semblables à ceux réalisés par Jésus pendant son ministère. Mais Philippe n'arrive pas sur un terrain en friche, il est déjà occupé par Simon le magicien, qui est aussi capable de faire des miracles. Les foules sont fascinées par les miracles de Simon. Elles voient en lui quelqu'un qui détient une puissance divine, une grande puissance.

    Voilà deux homme qui font des miracles — face à face. Le Christianisme se voit confronté au sacré et au religieux. Qu'est-ce qui va faire la différence ? Qu'est-ce qui différencie les miracles de Philippe de ceux de Simon ? Le texte nous dit que Simon s'annonce lui-même, comme grand, alors que Philippe annonce le Royaume de Dieu et le Christ.

    Il se passe alors que les gens de Samarie s'attachent au message de Philippe, ils croient et se font baptiser. Et Simon suit le mouvement. Il croit et se fait baptiser. Et le texte nous dit que Simon s'attache à Philippe et qu'il est à son tour fasciné par Philippe. Par ces mots, le texte ne dénigre pas la foi de Simon, mais révèle la fissure de sa personnalité. A quoi est-il vraiment attaché ? Au Christ et à sa Parole ou à Philippe et à ses prodiges ?

    Les deux personnalités sont en concurrence, leurs portraits sont presque dessinés en miroir. Qui est du bon côté ? L'arrivée de Pierre et Jean — émissaires de Jérusalem — va clarifier les choses.

    Pierre est détenteur de l'autorité de Douze et il intervient — en quelque sorte — pour valider après coup le travail d'évangélisation que les circonstances ont mises en route. Cependant, il ne faut pas survaloriser cette autorité de Pierre, ce n'est pas un pouvoir en propre, qui lui appartient. Il n'est que le vecteur, le médiateur, l'intermédiaire d'une force qui vient directement de Dieu. C'est ce qui ressort de sa confrontation avec Simon le magicien.

    Lorsque Pierre et Jean arrivent en Samarie, ils voient les nouveaux croyants, les nouveaux baptisés. C'est alors qu'ils prient pour qu'ils reçoivent le Saint-Esprit. Ensuite seulement, Pierre et Jean leur imposent les mains et ils reçoivent l'Esprit saint. Ce temps de prière est important. C'est le temps de la reconnaissance que l'Esprit saint n'appartient qu'à Dieu et que Dieu seul décide quand, où, à qui et par qui il le donne. Les apôtres ne sont que des vecteurs, des médiateurs, des intermédiaires.

    C'est ce que Simon le magicien n'a pas compris. Cette fissure en lui — le désir de posséder le pouvoir — se rouvre en lui. D'où sa demande à Pierre et le refus outré de celui-ci. Pierre rappelle alors à Simon et par là à toute l'Eglise, que l'Esprit saint est un don, il se reçoit et ne se possède pas.

    C'est la liberté de Dieu de le répandre là où il veut. Ici le Saint-Esprit est donné après le baptême, mais dans l'épisode de Corneille (Actes 10) il est donné avant le baptême.

    Ce récit est un rappel de l'entière liberté de Dieu, mais cette liberté de Dieu est entièrement tournée vers son Eglise et vers les croyants. C'est lui qui transforme les malheurs et les échecs pour en faire des occasions de témoignage et de conversion. C'est lui qui porte son Eglise et transforme le cœur des gens.

    Mais le récit nous met également en garde contre l'illusion d'une Eglise pure, idyllique, sans faille. L'Eglise est composée d'hommes et de femmes avec chacun leurs fissures et leurs ombres. Mais c'est cette Eglise tout de même qui reçoit l'Esprit saint.

    Dans un livre des Actes qui dépeint la naissance de l'Eglise d'une manière souvent idéale — des milliers de convertis, un groupe qui partage tous ses biens, une communauté de vie — Luc ne manque pas de relever que l'Eglise, toute bénie qu'elle soit, reste composée d'êtres humains faillibles et pécheurs. C'est cette Eglise défaillante que Dieu relève et que Jésus sauve.

    L'Eglise n'a donc pas pour tâche de viser la pureté, mais elle a une tâche de vigilance pour rester un vecteur, un médiateur, un intermédiaire pour transmettre la grâce de Dieu et ne pas prétendre à la possession de cette grâce.

    La différence significative entre les apôtres et Simon se trouve dans le fait que ce dernier se prêchait lui-même, alors que les apôtres annoncent l'Autre, le Tout-Autre, qui s'est fait connaître dans le Christ et qu'ils se mettent à son service.

    Bien sûr, il reste toujours difficile — aujourd'hui encore — de se mettre au service du Christ, de choisir l'obéissance à l'Evangile. C'est là pourtant que se trouvent le salut et la joie!

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • Actes 4. Obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes.

    Actes 4.

    1er août 2010

    Obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes.

    Actes 4 : 1-12,  Actes 4 : 13-21.

    Télécharger la prédication : P-2010-8-1.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Nous avons choisi — comme thème de prédications de l'été — de vous parler de l'apôtre Pierre. Ma collègue vous a fait découvrir ce personnage dans les Evangiles et je vais continuer avec le livre des Actes des Apôtres. Le livre des Actes des Apôtres pourrait presque s'appeler les Actes de Pierre et Paul. Ils en sont les principaux héros. Pierre dans les chapitres 1 à 15 et Paul dans les chapitres 13 à 26, avec l'inclusion de sa conversion au chapitre 9. Pierre et Paul se rencontrent lors du Concile de Jérusalem, dont je vous parlerai le 22 août.

    Ainsi, peu à peu, Paul supplante Pierre dans la construction du christianisme et du Nouveau Testament. Mais Pierre reste le premier des disciples, dans le temps, dans son parcours avec Jésus et dans la fondation de l'Eglise de Jérusalem.

    C'est lui qui prêche directement après la Pentecôte. Il enseigne dans le Temple — avec Jean. Et il guérit l'infirme qui siège devant la Belle-Porte (Ac 3). C'est cet épisode de guérison qui est à la base du premier conflit avec les autorités du Temple et qui nous est exposé dans ce chapitre 4.

    Luc fait ici preuve de son talent littéraire, dans sa façon de raconter l'épisode et de nous faire comprendre beaucoup de choses sur Pierre comme "entre les lignes." Luc utilise le timing de l'épisode qui nous intéresse. Rappelons l'horaire de ce conflit : Pierre prêche au Temple pendant la journée. Les autorités réagissent et arrêtent Pierre et Jean dans la soirée. Les apôtres passent la nuit en prison. Ils comparaissent le lendemain matin devant le Conseil. Cela ne vous rappelle-t-il rien ?

    Par cet horaire, Luc fait un parallèle entre la Passion de Jésus et ce premier conflit. On y voit une sorte de remake du procès de Jésus. C'est ainsi que s'accomplissent les annonces de persécutions que Jésus a faites à ses disciples. Luc souligne ainsi la communauté de destin entre les disciples et Jésus. Voyons cela dans le détail.

    Jésus avait annoncé à ses disciples : "Quand on vous conduira pour être jugés dans les synagogues, ou devant les dirigeants ou les autorités, ne vous inquiétez pas de la manière dont vous vous défendrez ou de ce que vous aurez à dire, car le Saint-Esprit vous enseignera à ce moment-là ce que vous devez exprimer." (Luc 12:11-12, voir aussi Luc 21:15).

    Et voici que Pierre — dont on se souvient la peur, voire la lâcheté, devant la servante pendant le procès de Jésus — Pierre est maintenant plein d'assurance. Il s'exprime, au grand étonnement de l'assemblée, avec clarté et avec des arguments qui font mouche, alors que les grands-prêtres pensent avoir à faire à des gens simples et sans instruction.

    Luc dit clairement d'où vient cette audace et cette assurance : "Pierre était rempli du Saint-Esprit" (v. 8). Ainsi, les promesses de Jésus s'accomplissent. Le Pierre du reniement d'avant la croix et la résurrection a été transformé et cette transformation vient de l'Esprit-Saint, l'Esprit de Jésus qui habite maintenant les disciples.

    Un autre "trait de caractère" de l'apôtre mis en évidence par Luc est l'honnêteté. Les autorités du Temple demandent à Pierre et aux disciples de ne plus parler de Jésus au Temple. Là, Pierre joue l'honnêteté, il joue cartes sur table : ce ne sera pas possible, "nous ne pouvons par renoncer à parler de ce que nous avons vu et entendu" (v. 20). Ce n'est pas de la contestation, ce n'est pas de la provocation, c'est juste un positionnement, une affirmation, un fait. Ce positionnement est ancré dans la certitude "qu'il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes" (v. 19).

    Affirmation si évidente, mais affirmation si problématique.

    Affirmation évidente pour le sanhédrin, mais problématique pour le sanhédrin vis-à-vis des prédicateurs de Jésus. Affirmation évidente aujourd'hui face aux violations des droits humains, mais affirmation problématique pour nous aujourd'hui lorsque ce sont les musulmans qui la prononcent pour obtenir des dérogations à nos lois.

    Affirmation problématique un 1er août où nous mettons justement en avant notre pays et nos lois. Qu'est-ce qui justifie cette phrase dans la bouche de Pierre. Qu'est-ce qui la rend acceptable dans la pratique — puisqu'il est difficile de la contester dans l'absolu ?

    Comment concilier : Dieu est au-dessus de nos lois, fussent-elles démocratiques, et : Tout le monde doit se soumettre aux lois et aux principes de la démocratie ? Je pense qu'on peut trouver quelques pistes dans le comportement de Pierre.

    Premièrement, Pierre demande juste une liberté, un droit à la liberté d'expression. Il faut distinguer le "droit-liberté" du "droit-créance". Le "droit-créance" demande une action, une prestation de la part du pouvoir. Le droit au travail, le droit au logement sont des "droits-créances". Les "droits-liberté" demandent une abstention de la part du pouvoir : s'abstenir d'empêcher ou de réprimer. La liberté d'expression que demande Pierre ne demande pas de prestation, juste de ne pas être empêché de parler.

    Deuxièmement, cette liberté d'expression n'est pas contraignante pour les autres, elle n'oblige pas à rester pour écouter. Chacun reste libre d'adhérer ou pas au message de Pierre.

    Troisièmement, les apôtres sont prêts à assumer les conséquences et les inconvénients de leurs discours ou de leur opposition à l'autorité. Ils sont prêts au martyre. C'est une résistance non-violente et non-agressive.

    Quatrièmement, Pierre ne définit pas un contenu précis à ce que Dieu demande. Il ne revendique pas cette obéissance sur des cas particuliers, un comportement, un rite ou une coutume; et il ne cherche pas à imposer cette volonté à d'autres. Il demande un espace de liberté dans l'espace public.

    Ce conflit entre autorités religieuses et Pierre persiste encore aujourd'hui entre les autorités civiles et les demandes religieuses, entre la pensée dominante et les courants minoritaires. Le partage n'est pas facile à faire, nous le voyons souvent dans nos journaux.

    Rappelons-nous que la pratique du Christianisme (dans son essence), à la suite de Jésus, a toujours été de chercher des voies d'ouverture et de non-violence où le chrétien renonce à son droit plutôt que de devenir intolérant.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010