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  • Esther III - Un message pour les nations

    Esther 8

    29.7.2007

    Esther III - Un message pour les nations

    Esther 7:10—8:8    Esther 8:9-17    Esther 9 : 1-23


    Chers Amis,
    Voilà le dénouement du livre d'Esther. Le machiavélique vizir Haman a été démasqué et pendu. Le décret d'extermination des juifs a été contré par un décret miroir enjoignant les juifs à infliger à leurs ennemis le sort que ceux-ci leur réservait. Le retournement est complet, les victimes triomphent de leurs agresseurs et instituent une fête commémorative. Voilà un happy end digne des films holiwoodiens !
    Cependant, pour un livre biblique, cette fin nous laisse avec un goût d'amertume. Quand même, 75'800 morts et faire la fête… On aurait pu s'attendre à quelque chose de plus pacifique, une fin sous forme de pardon ou au moins d'armistice.
    Cela nous choque que ces juifs puissent ainsi "avec la bénédiction biblique" tuer leurs adversaires ! Vous êtes choqués par cette autorisation de vengeance ? L'êtiez-vous autant par le décret d'extermination ? Je crois que c'est le premier message du livre envers les nations : nous interroger sur notre capacité à nous scandaliser. De quoi nous scandalisons-nous lorsque nous lisons le journal ? Davantage des résistants qui tuent ou de l'armée d'occupation qui oppresse ? Davantage des jeunes qui commettent des incivilités ou des cols blancs qui ruinent une entreprise prestigieuse et parlent seulement d'erreurs de management ?
    Dans le livre d'Esther, soyons d'abord scandalisés par la volonté de génocide, avant celle de self-défense ! Et puis, rappelons-nous que nous lisons un roman qui met en scène une partie de réalité et une partie de fiction. Que ce roman essaie d'exprimer les espoirs d'un peuple : qu'on le laisse vivre tranquille et que les persécutions s'arrêtent !
    Que celui qui n'a jamais lu un roman policier leur jette la première pierre. Lorsque nous lisons un roman policier, ce n'est pas pour nous réjouir du meurtre, mais pour voir finalement la justice triompher dans l'arrestation et la condamnation de l'assassin. Souvent — dans les films — celui-ci tombe sous les balles de la police. Nous n'en faisons pas tout un plat, c'est du roman. C'est du roman qui nous aide à penser que dans ce monde violent, la justice peut gagner. Il en est de même dans le livre d'Esther.
    Si nous restons encore un peu choqués, réalisons que le rédacteur ne met pas les deux tueries au même niveau. Si le premier et le second décret s'expriment dans des termes presque identiques (3:13; 8:11) il est permis de "tuer les hommes, les femmes, les enfants et piller leurs biens," il est bien spécifié que les juifs n'ont tué que des hommes et n'ont pas pillé leurs biens. Il y a une retenue, comme l'application d'un droit dans la guerre, qui distingue cet acte de défense d'une extermination ou d'une vengeance libre.
    Il y a aussi un côté réaliste, parfois le mal ne peut être éradiqué que par un autre mal. C'est une pente très dangereuse qui a réussi lors de la 2e guerre mondiale, mais a échoué dans toutes les guerres depuis lors.
    Comme le livre d'Esther est un roman et non pas la relation de faits historiques, il est avisé d'en faire une lecture allégorique ou symbolique. C'est ce qu'a très bien compris l'écrivain de théâtre Jean Racine.* Il a écrit une sorte d'opéra — on dirait aujourd'hui une comédie musicale — sur le livre d'Esther, essayant d'éclairer le roi Louis XIV sur la situation religieuse dans son royaume et l'amener à être plus tolérant envers les jansénistes et les huguenots qui étaient persécutés pour leur foi.
    Le livre d'Esther est un plaidoyer pour la tolérance religieuse mais aussi l'expression de la lutte, du combat entre la justice et le mal. Qui triomphera ? Le livre d'Esther est rempli de retournements où la justice, l'intégrité, la loyauté sont constamment menacés de succomber aux assauts du mal. Mais c'est un livre d'espoir, un plaidoyer pour la victoire — fragile, mais têtue — de la justice.
    Comment la justice pourrait-elle triompher sans que le mal soit détruit ? C'est plus tardivement que l'on a été amené à faire la distinction entre le mal et le malfaiteur. En théologie chrétienne, on dit que Dieu veut la mort du péché, mais pas celle du pécheur. C'est ce qui nous a amené à vouloir et pouvoir abolir la peine de mort, mais sans abolir le jugement et la peine.
    Dans le livre d'Esther l'exécution des ennemis est la forme que prend le jugement contre le mal. C'est une façon de dire qu'il n'y a pas de justice visible tant qu'il n'y a pas eu de jugement sur le mal. Le triomphe de la justice doit se marquer d'une façon ou d'une autre dans la réalité. Il est difficile pour nous les humains de nous en remettre uniquement à une justice céleste qui ne déploierait pas ses effets sur la terre déjà. Nous le voyons très clairement dans les pays qui ont été traumatisés par une dictature, surtout si elle a réussi à mettre en place son auto-amnistie, comme au Chili ou en Argentine.
    Les victimes crient pour que justice soit rendue, c'est-à-dire qu'il y ait des procès devant des tribunaux et que des peines — même symboliques (aucune peine de toute façon ne peut amener réparation, aussi sévère soit-elle) — soient infligées. Acceptons que le livre d'Esther se situe dans un temps d'avant les tribunaux internationaux puisqu'ils n'ont été mis en place qu'à partir du XXe siècle.
    Le livre d'Esther manifeste aussi une attente messianique. Il décrit un idéal symbolique — qui appartient à la fin des temps humains — mais auquel on peut aspirer dès maintenant : que la justice soit plus forte que le mal, que Dieu nous délivre du mal afin que la vie soit la fête qu'elle devrait être.
    C'est dans ce sens-là que ce livre d'Esther instaure une fête : fête de délivrance, fête du triomphe de la justice, du triomphe de Dieu qui sauve son peuple. Pour les juifs, c'est la fête de Pourim, nom qui vient des dès jetés par Haman pour déterminer la date de l'extermination (Esther 3:7).
    Cette fête est une fête joyeuse, une sorte de festival du rire et de la joie. On y raconte des blagues, on fait des plaisanteries, on s'échange des petits cadeaux et on y fait des dons aux pauvres pour que ce jour soit joyeux pour tout le monde.
    Le livre d'Esther fête donc, dans la joie, l'équipe qui a gagné dans le match justice contre mal. Dieu est vainqueur, il a sauvé son peuple.
    Alléluia.

    * Racine, Œuvres complètes, tome I, Bibliothèque de la Pléiade, 1999.
    Michel Le Guern, Sur l'Esther de Racine, in Lumière & Vie, 260, oct-déc 2003, pp.49-56.

    Sur Pourim, voir le site très complet : http://www.jafi.org.il/education/french/fetes/pourim/index.html

    © Jean-Marie Thévoz

  • Esther 3 - II - Un message pour les juifs en exil

    Esther 3

    22.7.2007

    Esther II - Un message pour les juifs en exil

    Esther  3 : 1-11    Esther  4: 12-16    Jean 15 : 18-20


    Chers Amis,
    Nous continuons notre exploration du livre d'Esther, ce récit qui présente, sous une forme romancée, une réalité trop souvent vécue par les juifs : l'exil et les persécutions.
    Au moment de sa rédaction, le Royaume d'Israël n'existe plus, le peuple vit sous domination grecque et une grand partie des juifs vit en exil, en diaspora : en Orient (Babylone, Perse) en Egypte (Alexandrie) et sur le pourtour méditerranéen.
    Le livre d'Esther condense en une histoire des situations qui se répètent dans divers lieux : des familles juives essaient de vivre leur foi et leurs traditions en terre étrangère. Ce livre d'Esther a de nombreux points communs avec le livre de Daniel qui montre aussi un juif qui essaie de respecter la Loi, la Torah, ce qui amène tracasseries et persécutions. Comment vivre sa foi, obéir à la Torah, préserver ses coutumes, tout en vivant en bonne harmonie avec la population indigène ?
    Le livre d'Esther nous propose deux modèles en parallèle : l'attitude de Mardochée et celle d'Esther. Mardochée a la même attitude que Daniel. Il représente le pratiquant convaincu qui affiche sa foi et sa pratique. Jamais il ne se prosternera devant un autre homme — serait-ce le premier ministre — quoi qu'il lui en coûte.
    On aime bien ce type de personnage chez nous; cela nous rappelle Guillaume Tell qui brave le bailli autrichien. Mais on déteste aussi ce personnage — lorsque nous sommes dans le rôle de l'indigène et qu'un étranger se permet de demander un voile pour sa fille ou un minaret pour sa mosquée.
    Mardochée, c'est lui. Touchant pour sa rectitude et sa loyauté à son Dieu, mais agaçant au possible de ne pas accepter les coutumes locales et l'assimilation. Cette attitude droite, mais provocante, va amener la persécution, pas seulement contre le seul Mardochée, mais contre l'entier du peuple juif. Cela en vaut-il la peine s'interrogent, au cours des siècles, les rabbins eux-mêmes ?
    De l'autre côté, il y a le personnage d'Esther, la cousine de Mardochée qui — cachant sa religion — a été choisie comme reine par le roi Xerxès. Elle a adopté, paradoxalement sur le conseil de Mardochée, le profil bas, la clandestinité. Elle cache sa foi.
    Le rédacteur affiche donc deux modèles de conduite et à aucun moment ne pose de jugement, n'indique de préférence. Ce sont deux modèles parallèles qui ont chacun leur raison d'être, leurs avantages et leurs inconvénients. Je trouve remarquable qu'ils coexistent simplement. Dans notre pensée occidentale, cartésienne, logique et tellement binaire, nous voudrions trancher, déclarer l'un meilleur que l'autre. Ah, l'emprise de la pensée unique !   Là, non, entre Esther et Mardochée, chacun doit se déterminer selon sa conscience, sa situation, ses capacités.
    En fait, c'est égal. En fin de compte, lorsque la situation de crise surgit, qu'on aie adopté l'une ou l'autre position, il vient un moment où l'on doit se dévoiler et agir. C'est ce qui arrive à Esther. Lorsqu'elle apprend l'existence du décret d'extermination, elle va agir et dévoiler son identité au roi de manière à sauver son peuple. Il y a toujours un temps où l'identité est révélée par la nécessité de la situation. Chacun doit prendre ses responsabilités ou perdre son identité. Esther se dévoile donc.
    Il est frappant de voir dans la résistance de Mardochée qu'il 'y a aucune explication à son refus de se prosterner. La seul "explication" qu'il donne est  : "Je suis juif" (Esther 3:4). C'est aussi sur ce seul "titre" que les rafles se déroulaient sous le régime nazi. Il n'était pas question de savoir si ces juifs étaient pratiquants ou non, libéraux ou orthodoxes, de gauche ou de droite. L'antisémitisme ne s'explique pas par une pratique, par des attitudes, par des qualités ou des défauts des juifs, mais il se décrète, comme le fait le ministre Haman.
    Ainsi, "le juif" représente cette insupportable limite opposée à la toute-puissance humaine : en signalant que cette aspiration au pouvoir total est une usurpation d'un pouvoir qui n'appartient qu'à Dieu seul. En tant que peuple à qui Dieu a confié la Loi, la Torah, le peuple juif est devenu porteur et représentant de cette limite à tout abus de pouvoir.
    Celui qui veut abuser du pouvoir à son profit ne peut supporter ce rappel incessant de sa transgression. C'est le cas de Haman, le vizir du roi Xerxès. C'est pourquoi le texte rattache Haman — par sa généalogie — à Agag, le roi amalécite, l'ennemi de Saül. Les Amalécites avaient aussi été le peuple qui s'était opposé au passage sur leurs terres des hébreux sortis d'Egypte pour se rendre dans le pays de Canaan. Amaleq, Agag, Haman sont les représentations de la haine de la Loi, loi qui garantit le droit, le droit de chacun, mais aussi de la veuve et de l'orphelin.
    Le livre d'Esther nous rappelle qu'il y a une lignée du mal qui peut ressurgir à chaque époque et contre tous ceux qui prennent la défense des sans-voix ou des opprimés, en réaffirmant les limites que les puissants ne doivent pas dépasser.
    Ce mal a fait d'innombrables victimes : les juifs persécutés sous les perses, les grecs, les romains; Jésus lui-même; les chrétiens martyrs; les juifs à nouveau persécutés, mais par les chrétiens, jusqu'à la Shoa; plus proche de nous, Ghandi, Martin Luther King ou Mgr Romero; des chrétiens persécutés sous le régime soviétique ou dans certains pays musulmans.
    Le livre d'Esther rappelle à tous les lecteurs de la Bible le prix qu'il peut en coûter de témoigner de sa foi, de la dignité de tout être humain quel qu'il soit, y compris les combattants, y compris les présumés terroristes.
    La question que je me pose est de savoir si nous, chrétiens, avons assez lu le livre d'Esther ? Pourquoi, encore aujourd'hui, les juifs sont-ils davantage interpellateurs des pouvoirs extrêmes que les chrétiens ? Nous avons le même Dieu et la même exigence de respect de chaque être humain ! Pourtant, il me semble que bien des pouvoirs oppressants se développent chez nous, que ce soit des pouvoirs économiques ou les pouvoirs de surveillance issus de la lutte anti-terroriste.
    Où est notre pouvoir d'interpellation en tant que chrétiens ? Sommes-nous des croyants cachés comme Esther ? Mais nous réveillerons-nous au moment nécessaire ? Ne devraient-ils pas se lever quelques Mardochées, quelques provocateurs pour nous ouvrir les yeux afin de voir dans quelles situations nous nous prosternons jusqu'à terre devant des pouvoirs dont nous espérons tirer aussi quelques profits ou avantages ? Notre Eglise vaudoise est-elle trop assimilée qu'elle en perd son identité et avec elle, un à un, ses membres ?
    Je vous laisse ces questions que je me pose. Je n'ai pas moi-même des réponses à chacune d'elles, mais je pense que nous devrions y réfléchir sérieusement si nous ne voulons pas simplement nous dissoudre dans la pensée unique actuelle.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Romains 8. La justification par la foi (II) : Nous sommes libérés du souci de nous-mêmes.

    Romains 8

    9.11.2003

    La justification par la foi (II) : Nous sommes libérés du souci de nous-mêmes.

    Rm 8 : 1-4    Eph 5 : 1-2 + 8-11


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Dimanche dernier, dimanche de commémoration de la Réforme, j'ai parlé de la signification de la justification par la foi du chrétien. Le terme "justification par la foi" signifie que notre valeur — aux yeux de Dieu et des humains — ne dépend pas de nos succès ou de nos échecs, de ce que nous faisons ou ne faisons pas, mais provient de Dieu lui-même, de son amour inconditionnel pour nous.
    Nous ne sommes plus sous la pression de l'exigence inatteignable de la Loi ou des contraintes sociales, des impératifs de modes ou du regard des autres.
    L'exigence de faire quelque chose pour être quelqu'un aux yeux de Dieu ayant disparu, se pose la question : cela ne conduit-il pas au laisser-aller, au désengagement, voire ouvre la porte à toute immoralité ?
    Historiquement, le protestantisme ne s'est pas engagé dans cette voie-là — au contraire ! On a suffisamment reproché au protestantisme sa rigueur, son sérieux, son puritanisme, son sens des responsabilité, voire la culpabilisation de ses fidèles. Comme si l'exigence qui a été chassé par la porte était revenue par la fenêtre !
    Comment a-t-on pu obtenir autant de rigueur, de responsabilisation et d'engagement, tout en ayant congédié l'exigence ?
    Je vais passer par un exemple, un peu terre à terre, mais que tous connaissent, celui de la circulation routière. Se passer de la peur du gendarme et obtenir les mêmes résultats, c'est le rêve de la prévention routière. Comment faire pour que les automobilistes respectent, par exemple, les limitations de vitesse ? On peut multiplier les contrôles, les amendes, etc... jusqu'à ce que chacun ait compris qu'il y a trop de risques de se faire prendre et punir. Ou alors... faire comprendre à chacun qu'il y va de sa propre vie (de son salut) et que la loi est là — non pour l'embêter — mais pour son avantage. Faire de l'automobiliste un être responsable, non par contrainte, mais par choix personnel.
    Je reviens à la théologie. Avec la justification par la foi en Jésus-Christ, Dieu, qui représente la loi, offre à l'être humain de le regarder non pas comme celui qui contraint, mais comme celui qui sauve, celui qui nous est favorable. La foi est une conversion de notre regard sur Dieu. A travers Jésus-Christ, Dieu s'offre comme celui qui est toujours de notre côté, le Dieu amour et non pas le Dieu juge, accusateur. A travers le crucifié, Dieu nous montre qu'il n'est pas un maître, un chef ou un tyran, mais qu'en s'abaissant, il nous hisse à sa hauteur. C'est pourquoi nous ne sommes plus appelés ses serviteurs, mais ses amis (Jn 15:15).
    Dieu a fondamentalement changé notre statut. La parabole du fils perdu et retrouvé (prodigue, Luc 15) l'exprime admirablement. Le fils se considère comme un misérable, lorsqu'il a perdu tout le bien reçu de son père. Il considère que son père ne peut le recevoir que comme un serviteur. Mais le regard du père est autre. Jamais le fils ne sera serviteur, il a toujours sa place d'héritier, quoi qu'il arrive !
    Le serviteur est celui qui obéit, par crainte du maître. L'obéissance est une motivation externe, extérieure (comme la peur du gendarme pour l'automobiliste). Mais la motivation de l'employé change lorsqu'il devient un associé dans l'entreprise. Confiez des responsabilités à quelqu'un et il n'obéira plus parce qu'il le doit, mais parce qu'il le veut, parce qu'il a choisi d'assumer ces responsabilités. L'associé est mu par une motivation interne, il sait pourquoi, pour qui il travaille. Paul appelle cette motivation interne le Saint-Esprit. C'est lui qui nous meut lorsqu'il nous habite.
    Dieu a donc fait de nous des partenaires, des associés, des amis, même ! Dieu donne à l'être humain les clés du Royaume (Mt 16:19), c'est-à-dire le pouvoir de pardonner. Ce statut et cette responsabilité sont donnés également à tous les chrétiens, c'est ce qu'on appelle le sacerdoce universel.
    Pour évoquer ce changement de statut, Paul parle d'un passage de l'obscurité à la lumière :

    "Vous étiez autrefois dans l'obscurité; mais maintenant, par votre union avec le Seigneur, vous êtes dans la lumière" (Eph 5:8).
    Pourquoi ce changement est-il un passage à la lumière ? Parce qu'il y a une illumination à découvrir que Dieu n'est pas tel qu'on le pensait et à découvrir que nous sommes aussi autres que nous ne le pensions.
    Dans la justification par Dieu de notre être et de notre place, il y a une véritable libération ! Nous sommes libérés du souci de nous-mêmes. Libérés du souci de gagner notre propre valeur. Libérés du souci d'affirmer notre être. Libérés du souci de défendre notre place. Notre valeur, notre être, notre place sont garantis par Dieu lui-même.
    Alors, nous pouvons nous dé-préoccuper de nous-mêmes ! Nous pouvons abandonner toutes ces petites questions insidieuses qui reviennent sans cesse et nous taraudent : est-ce que j'en ai assez fait ? Suis-je assez bien ? Ne va-t-on pas découvrir qui je suis derrière les apparences que je me donne ? Tout cela est effacé, écarté. Que d'énergie libérée !
    Dé-préoccupés de nous-mêmes, nous avons de l'énergie pour nous tourner vers les autres, pour prendre en mains les tâches que Dieu nous confie dans la gestion de son Royaume. Et cette fois, nous ne faisons pas cela pour... plaire à Dieu, pour me faire bien voir, mais parce que... j'ai été promu par Dieu au rang d'associé, d'ami, parce que je suis reconnaissant, parce que j'ai à coeur de faire découvrir cette libération à d'autres autour de moi qui plient sous les exigences du paraître, de la mode, de l'efficacité, etc..., tous nos esclavages modernes.
    Comme Paul le dit (et on commence à comprendre mieux son vocabulaire) :

    "Maintenant donc, il n'y a plus de condamnation pour ceux qui sont unis à Jésus-Christ. Car la loi de l'Esprit Saint, qui donne la vie par Jésus-Christ, t'a libéré de la loi du péché et de la mort. Dieu a accompli cela pour que les exigences de la loi soient réalisées en nous qui vivons non plus selon notre propre nature, mais selon l'Esprit Saint." (Rm 8:1-2+4)
    Vivre selon l'Esprit Saint, c'est donc vivre avec la nouvelle image de Dieu que l'Esprit Saint nous révèle lorsque nous voyons le Christ sur la croix : un Dieu d'amour. C'est donc vivre libérés, dé-préoccupés de nous-mêmes. C'est donc vivre portés par l'amour de Dieu qui nous nourrit et nous réconcilie avec ceux qui nous entourent.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Galates 2. La justification par la foi (I) : Dieu lui-même nous confère notre valeur.

    Galates 2

    2.11.2003

    La justification par la foi (I) : Dieu lui-même nous confère notre valeur.

    Ga 2 : 15-16    Ga 5 : 1-6


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous vivons aujourd'hui le dimanche de la Réformation, c'est-à-dire un dimanche où nous nous souvenons de nos racines réformées, protestantes. Je pourrais revenir sur les événements historiques de 1517 lorsque Luther a voulu instituer un débat pour réformer son Eglise et la faire revenir à une plus grande pureté évangélique. Ou alors parler de l'imposition de la Réforme dans le canton de Vaud par la puissance bernoise en 1536.
    Je préfère laisser de côté aujourd'hui les événements historiques pour rappeler plutôt les principes fondamentaux, les lignes de force qui sous-tendent la pensée protestante. Reste un problème, comment affirmer son protestantisme sans le faire contre le catholicisme ?
    Historiquement, il est clair que le protestantisme s'est constitué et développé comme un système de pensée qui voulait transformer et remplacer le catholicisme. Alors deux remarques. Premièrement le catholicisme actuel n'est plus le catholicisme du XVIe siècle. Secondement, le protestantisme n'est pas une pensée, une confession qui a besoin d'un adversaire pour exister. Le protestantisme a une ligne de pensée qui vaut par elle-même et qui garde une grande actualité dans notre monde contemporain. Ce sont quelques aspects de cette ligne de pensée que je vais développer aujourd'hui et dimanche prochain.
    Aujourd'hui, je prends comme point de départ cette phrase de l'apôtre Paul :

    "nous avons cru en Jésus-Christ, afin d'être reconnus justes à cause de notre foi au Christ et non pour avoir obéi à la Loi." (Ga 2:16)
    Il y a deux éléments importants dans cette phrase : "être reconnus justes à cause de notre foi" et "à cause de notre foi au Christ." Deux lignes de force de la pensée protestante : la justification par la foi seule et le salut par Jésus-Christ seul.
    Que signifie aujourd'hui — dans notre monde laïc et si peu croyant — "être justifiés par la foi" ou "être reconnu juste" ? Paul opposait cela à l'obéissance à la Loi juive. Les Réformateurs opposaient cela à la vente des indulgences et aux pratiques pénitentielles.
    Aujourd'hui, en quoi est-ce une bonne nouvelle que nous soyons "justifiés par la foi" alors que personne ne nous demande d'obéir à la Loi juive ou de payer notre place au paradis ? Nous avons besoin d'une traduction, de nouveaux mots pour exprimer cela. "Etre justifiés par la foi" dans le langage du Nouveau Testament signifie être considérés, avoir de la valeur aux yeux de Dieu ou des humains. Poser la question : par quoi suis-je justifié ? signifie aujourd'hui : qu'est-ce qui me donne ma valeur, mon statut, qu'est-ce qui fait que je vaux quelque chose aux yeux des autres.
    Dans notre monde actuel, il y a aussi une pression à justifier de notre valeur, de notre place dans la société. N'entendons-nous pas dire que certains dans notre société "coûtent" trop chers à cause du chômage, de la dépendance ou de l'âge ?
    Dans le langage d'entreprise, cela pourrait être votre patron qui vous demande : "Qu'est-ce qui justifie que vous occupiez cette place de travail ?" Traduction : est-ce que vous apportez une valeur à l'entreprise supérieure à votre salaire ? L'employé est justifié par le rendement de son travail dans l'entreprise.
    Le protestantisme affirme que nous sommes justifiés par notre foi en Christ, c'est-à-dire que notre valeur ne dépend pas de notre travail (nos bonnes oeuvres) ni de nos qualités, nos capacités, nos compétences. Notre valeur repose sur Dieu seul, sur le Christ seul. C'est son regard qui nous confère notre valeur. Ce n'est pas le regard des autres qui nous donne notre valeur.  Notre valeur repose en Dieu.
    Vouloir acquérir notre propre valeur, c'est penser qu'il est possible d'être parfait ou au moins supérieur à tous les autres, c'est penser aussi que Dieu ne peut aimer que des êtres parfaits, ou qu'il préfère les meilleurs (meilleurs sur quels critères ??). La valeur de notre personne ne dépend pas du regard des autres (pas besoin d'être jeune et beau pour être aimé); ne dépend pas de nos réussites ou de nos échecs,, il n'y a pas de modèle à atteindre, de paliers à dépasser chaque année.
    Notre seul rôle, c'est d'avoir confiance, de croire (au sens fort du terme) que notre valeur nous est bien donnée par Dieu et donnée gratuitement. Pas besoin d'entrer avec Dieu dans une relation de séduction ou de marchandage ! Pas besoin non plus d'intermédiaires entre nous et Dieu pour plaider notre cause. Ce serait un manque de confiance envers Dieu de penser qu'il ne fait pas attention à nous !
    Avoir la foi, c'est penser que Dieu ne regarde pas à nos manquements (à nos péchés). Avoir la foi, c'est convertir notre façon de voir Dieu. Il n'est pas "celui qui nous attend au contour pour nous faire des reproches sur nos imperfections." Au contraire, il est celui qui nous accueille, celui qui nous accepte tels que nous sommes, celui qui nous encourage à marcher sur le difficile chemin de la vie.
    Dieu n'est pas celui qui vient dans sa toute-puissance écrasante et dont nous devrions avoir peur. Il est celui qui est venu auprès de nous dans la peau du Christ crucifié, dépouillé de tout ce qui pourrait nous faire peur et nous éloigner de lui.
    Voilà ce que veut dire "justifiés par la foi au Christ", justifiés par la confiance que nous mettons en la bonté extrême de Dieu envers nous, de son amour inconditionnel à notre égard. La foi s'oppose à la peur, peur d'être jugés, peur de ne pas être à la hauteur, peur de ne pas accomplir les exigences présumées de Dieu.
    Sur la croix, Dieu a abandonné toute exigence à notre égard, il nous a simplement offert son amour. Il n'attend rien, sauf que nous le voyons tel qu'il est — un Dieu d'amour — et que nous lui fassions confiance en ceci : c'est lui qui nous garantit la valeur de notre être.

    .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .
    Si Dieu n'a plus aucune exigence à notre égard (l'obéissance à la Loi est abandonnée) n'est-ce pas la porte ouverte à tous les laisser-aller, à la perte de tous les repères, de toute éthique ?
    Pourquoi le protestantisme n'est-il pas tombé dans ce travers ? C'est ce que nous verrons dimanche prochain.
    A dimanche prochain...

    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Esther 1. (I) Un message pour les femmes

    Esther 1 - 2

    15.7.2007

    Esther I - Un message pour les femmes

    Esther 1 : 1-21    Esther 2 : 1-17    Esther 2 : 18-23


    Chers Amis,
    Pendant les trois prochains dimanches de ce mois de juillet, nous allons nous plonger dans le livre d'Esther, un récit peu lu dans nos Eglises protestantes. En effet, à la première lecture, le récit n'est pas très édifiant ni très moral et l'on n'y parle jamais de Dieu.
    En résumé, le récit nous présente la vie à la cour du roi perse Xerxès avec les intrigues de palais, la destitution de la reine Vashti, son remplacement par Esther. Puis un épisode où le "méchant" Haman s'en prend à Mardochée, un fonctionnaire juif, et par haine de Mardochée décrète l'anéantissement du peuple juif. Par un jeu habile d'interventions auprès du roi, Esther réussit à retourner le jeu de Haman, c'est lui qui finit sur le gibet qu'il destinait à Mardochée. Esther réussit ensuite à infléchir le roi de sorte qu'il permet aux juifs de se défendre, les armes à la main, contre leurs agresseurs mobilisés par le décret d'Haman. Le récit se termine donc par le massacre des ennemis des juifs et l'instauration d'une fête commémorative : la fête juive de Pourim.
    Le règne du roi perse Xerxès étant assez connu par l'archéologie, on peut être certain que cette histoire est une fiction placée à cette époque, mais écrite plus tardivement. Nous sommes donc en présence d'un roman biblique et non de la relation de faits historiques.
    Dans ce roman sont placés les craintes et les espoirs des juifs dispersés hors du pays d'Israël, ainsi que la confiance qu'ils ont dans une intervention divine qui retournerait l'histoire en leur faveur. Intervention divine —il faut le remarquer — qui passe entièrement par des intermédiaires humains, courageux et pleins de sagesse.
    Sous cette forme romancée, ce livre d'Esther nous envoie plusieurs messages. J'en ai retenu trois que je vais présenter ces trois dimanches : un message pour les femmes, un message pour les juifs en exil, un message pour les nations.
    Ce livre a deux héros : Esther et Mardochée, mais il est clair que c'est Esther qui a la première place. Le rôle de Mardochée est de mettre en valeur celui d'Esther. Mardochée est le tuteur d'Esther, il la conseille, il l'appuie, mais c'est elle qui agit et organise. Mardochée est un administrateur important à la cour du roi, mais Esther est la reine. Mardochée joue le rôle d'intermédiaire entre Esther et le peuple juif. mais c'est elle qui définit les tâches et commande.
    Dans les deux premiers chapitres du livre, il y a comme une mise en lumière du rôle imposé aux femmes dans l'empire perse, opposé au rôle de la femme juive.
    Le premier élément se trouve dans l'ordre du roi donné à la reine Vashti. Le roi, fortement éméché, veut exposer sa femme à l'admiration de ses convives. Il la traite comme un objet de spectacle pour susciter l'envie et l'admiration de ses sujets à son égard.
    Pour préserver sa dignité, la reine Vashti refuse, ce qui provoque un tollé dans l'administration : on ne peut pas tolérer une reine rebelle. Tous les foyers en seraient ébranlés. Tout est mis en œuvre pour rétablir la suprématie masculine, la reine Vashti est bannie.
    Mais on ne peut laisser le roi sans épouse… Alors s'organise la chasse à la nouvelle épouse. Les termes sont clairs, des jeunes filles sont enlevées à leurs familles, apprêtées pendant un an dans le harem royal, jusqu'à ce que le roi fasse son choix, comme on choisit de beaux fruits au marché. Les femmes ne sont que des objets pour le bon plaisir du roi.
    Pour accentuer cette chosification des femmes, le rédacteur emprunte des morceaux de phrases au récit de Joseph (le fils de Jacob, vendu en Egypte par ses frères) pour faire des parallèles. J'en cite deux. Dans la Genèse, il est dit à propos de la lutte contre la famine :
    "qu'on établisse des fonctionnaires dans tout le pays (…) qu'on rassemble toute la nourriture des bonnes années. (…) Ce discours plut à Pharaon." (Gn 41:34-37) et dans Esther à propos des jeunes filles :
    "que le roi établisse des fonctionnaires dans toutes les provinces du royaume, chargés de rassembler toutes les jeunes filles de bonne apparence (…) Ce discours plut au roi." (Esther 2:3-4).
    Deuxième exemple, à propos des soins de beauté à appliquer aux jeunes filles, le rédacteur écrit :
    "C'est le temps requis pour leurs toilettes" (Esther 2:12) ce qui renvoie dans le récit de la Genèse à la mort du père de Joseph, où l'on trouve l'expression suivante : "C'est le temps requis pour l'embaumement" (Gn 50:3).

    Clairement, le rédacteur du livre d'Esther dénonce cette exploitation des femmes qui se trouvent réduites à l'état d'objets, ce qui tue ce qu'il y a d'humain en elles.
    A l'opposé, nous est présentée Esther. Au commencement, elle est dans un rôle de victime, elle est orpheline, elle a perdu ses parents. Ensuite elle est emmenée loin de son cousin et de son peuple au harem, puis choisie par le roi.
    On remarque ici aussi le parallèle avec l'histoire de Joseph, vendu comme esclave, emmené en Egypte, jeté en prison, puis remarqué par le Pharaon.
    Mais c'est à cette place, qu'Esther n'a pas choisie, qu'elle prend sa vie en main et agit de sorte à être remarquée — par sa bienveillance dit le texte. C'est ainsi que — pour ses qualités humaines — elle est élevée au rang de reine. C'est à partir de cette situation, pas choisie, mais acceptée, qu'elle va jouer son rôle, un rôle où l'intelligence et la psychologie sont au premier plan.
    Comme Joseph, elle accède au pouvoir, souvent par l'intermédiaire de Mardochée. Elle est la tête, il est la main. C'est ainsi que, comme Joseph, il reçoit l'anneau d'or du roi (Esther 6:12 // Gn 41:43). C'est ainsi qu'Esther réussit à sauver son peuple du massacre que prévoyait le décret du premier ministre Haman.
    Nous avons donc, dans ce livre, la présentation d'une femme qui figure le messie, comme Joseph. Une femme qui sauve son peuple, par l'acceptation de son destin et le jeu de son intelligence. L'acceptation de son destin n'est pas une soumission ou une démission, mais la foi qu'en toutes circonstances — d'une épreuve ou d'un mal subi — peut surgir une opportunité ou un bien.
    S'il n'est jamais fait mention de Dieu par son nom dans ce récit, il est présent sous la forme d'une Providence qui justement alimente la transformation, la transfiguration d'un mal en bien, d'une épreuve en opportunité.
    Ce récit romanesque — que je vous encourage à lire en entier chez vous — nous ouvre donc à une lecture de notre propre réalité où découvrir la main de la providence divine. Elle est certainement dans le fait de nous donner à tous et à toutes une place et une valeur humaine — à ne pas nous laisser réduire à des objets — mais elle est sûrement également dans bien des événements de notre vie personnelle.
    A nous de nous retourner sur notre vie et à en lire le roman pour y voir la place que Dieu y a prise.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Matthieu 5. Aimer ses ennemis pour gagner en être

    Matthieu 5

    8.7.2001

    Aimer ses ennemis pour gagner en être

    Es 40 : 27-31    Phil 2 : 1-5    Mat 5 :43-48

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aujourd'hui, j'aimerais vous parler d'un des enseignements de Jésus dans le Sermon sur la montagne. Le Sermon sur la montagne est un condensé de l'enseignement de Jésus où il reprend des commandements connus de tous, pour leur imprimer un élan nouveau.
    Après avoir parlé du meurtre et de la colère, du mariage et du divorce, des serments et de la vengeance, Jésus termine avec un enseignement sur l'amour des ennemis :

    "Vous avez entendu qu'il a été dit : «Tu dois aimer ton prochain et haïr ton ennemi.» Mais moi je vous dis : aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent." (Mat 5:44).
    Ce nouveau commandement ne nous projette-t-il pas tout droit dans l'utopie irréalisable ou dans l'inutilité totale ?
    Ce commandement relève de l'utopie dès qu'on se trouve en présence de vrais ennemis. Qui irait dire aux Palestiniens : Aimez les Israéliens ? ou aux Israéliens : Aimez les Palestiniens ? De même entre les Serbes et les Kosovars, les Tibétains et les Chinois, etc. Lorsque le mal commis de part et d'autre est si grand, qui peut demander de l'amour ?
    D'un autre côté, pour nous qui sommes ici, dans un Etat de droit, ce commandement semble inutile. Qui a des ennemis ? Qui a de vrais ennemis ? N'avons-nous pas tout pour vivre en paix, tranquilles ? N'avons-nous pas atteint un niveau de concorde et de tolérance suffisant pour qu'on ne nous demande pas encore un pas supplémentaire qui frise une perfection irréaliste et au-delà des capacités de l'être humain normalement constitué ?
    Alors, idéaliste - irréaliste ? ou inutile et inutilement perfectionniste, ce commandement ?
    Pourquoi Jésus nous demande-t-il cela ? Pour... quoi ? En vue de quoi ? Pour vivre tranquille ? Pour éviter le cycle et le cercle vicieux de la violence, de sa répétition, de la vendetta ? Non ! Cette question de l'amplification de la violence et la façon d'y mettre un terme a été traitée par Jésus dans le point précédent de son discours, dans ses paroles sur la vengeance :

    "Vous avez entendu qu'il a été dit : «Oeil pour oeil, dent pour dent.»  Mais moi je vous dis de ne pas vous venger de celui qui vous fait du mal. Si quelqu'un te gifle sur la joue droite, laisse-le aussi te gifler sur la joue gauche. Si quelqu'un veut te faire un procès et te prendre ta chemise, laisse-le prendre aussi ton manteau." (Mat 5 : 38-40).
    Jésus ne donne aucune finalité pratique au commandement d'aimer ses ennemis. Ce n'est pas pour faire... la paix, ou pour qu'il y ait ... moins de violence. Ce n'est pas pour transformer le monde extérieur, même pas pour convertir cet ennemi par le bel exemple donné.
    Le but est totalement intérieur à la personne qui mettrait en pratique ce commandement. Le but est une transformation toute intérieure, une modification, un changement d'être :

    "Aimez vos ennemis, afin que vous deveniez les fils de votre Père qui est dans les cieux. " (Mt 5:45).
    Il n'y a pas de but extérieur, il n'y a qu'un but intérieur : gagner en être, devenir plus semblable à l'être de Dieu qui est assez large pour faire du bien indifféremment à tous, qu'ils soient bons ou méchants, justes ou injustes.
    Dans cette pensée là, l'ennemi devient la chance, l'occasion, l'opportunité d'apprendre à gagner en être, apprendre à grandir, à développer notre patience et notre tolérance. L'ennemi — celui qui nous fait grincer des dents chaque fois qu'il ouvre la bouche; celui dont la simple présence nous met mal à l'aie; celui qui réveille au fond de nous une colère inconnue — cet ennemi est un bienfait pour nous.
    Oh ! ce n'est pas un bienfait directement. Il peut devenir un bienfait, un bienfaiteur, à condition que nous nous attelions à la tâche de plonger en nous-mêmes chaque fois que naît en nous ce sentiment d'agacement, de malaise ou de colère.
    D'où viennent ces sentiments, sinon de nous-mêmes ? L'ennemi peut être puissant, mais il n'est pas magicien. Il n'a de pouvoir sur nos sentiments intérieurs que si nous lui cédons ce pouvoir. Il ne peut agir qu'avec nos propres forces intérieures, avec nos propres leviers.
    Aimer son ennemi, ce n'est pas aimer ce qu'il nous fait — cela serait intolérable — mais c'est réaliser qu'à son insu, il nous fait le cadeau de pouvoir observer en nous-mêmes ce qui nous emporte vers l'agacement, le malaise ou la colère.
    Aimer son ennemi est donc une école, l'école du devenir et de la croissance de l'être. Cette école du développement de l'être : "devenir les fils du Père qui est dans les cieux" est un long apprentissage, un long chemin qui demande beaucoup de force et de persévérance.
    Un chemin qui demande souvent un accompagnement par quelqu'un de compétent. Un chemin sur lequel Dieu lui-même nous accompagne, avec son savoir-faire, avec son soutien et ses encouragements comme le dit mieux que moi le prophète Esaïe :

    "Jamais Dieu ne faiblit, jamais il ne se lasse. Son savoir-faire est sans limite. Il redonne des forces à celui qui faiblit, il remplit de vigueur celui qui n'en peut plus. Les jeunes eux-mêmes connaissent la défaillance; même les champions trébuchent parfois. Mais ceux qui comptent sur le Seigneur reçoivent des forces nouvelles; comme des aigles ils s'élancent. Ils courent, mais sans se lasser, ils avancent, mais sans faiblir." (Es 40:28b-31).
    Aimer son ennemi demande beaucoup d'humilité puisqu'il s'agit de lui reconnaître qu'il peut m'enseigner quelque chose sur moi-même. Cette humilité, le Christ nous l'a enseignée en s'abaissant jusqu'à la mort, à la mort sur la croix.
    Aimer son ennemi est sûrement une utopie, un idéal, mais c'est aussi un chemin sûr pour celui qui veut gagner en être, un chemin sûr pour celui qui veut devenir le fils, la fille, de notre Père qui est dans le ciel.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Genèse 2. L'arbre de la confusion du bien et du mal

    Genèse 2

    12.7.1998

    L'arbre de la confusion du bien et du mal

    Gn 2:4b-9 + 15-17    Apoc. 22:1-5    Jean 15:5-9

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Des enfants me demandaient récemment : "Mais comment s'est passée la création du monde ?" J'ai dû leur dire tout d'abord que personne n'était là pour voir comment cela s'était passé. Ensuite il a fallu leur expliquer que d'un côté la science pouvait reconstituer à peu près comment cela pouvait s'être passé et que de l'autre côté la Bible nous parlait plutôt du pourquoi ou du pour quoi cela était comme cela aujourd'hui. Le récit de création que nous avons entendu vise essentiellement à répondre à la question : "quelle est la place de l'être humain dans le monde ?" ou "quelle était l'intention de Dieu en plaçant l'être humain dans le monde ?".
    Le récit part clairement du présent pour réfléchir à un "avant". Le texte dit : "il n'y avait encore aucun buisson sur la terre..." ou "Dieu n'avait pas encore envoyé la pluie..." comme c'est le cas maintenant. Eh bien, en premier lieu, dans ce récit, Dieu crée l'être humain, avant même de créer les plantes ou les animaux. La première préoccupation de Dieu, c'est de faire l'être humain, et de faire de lui un être vivant, un vivant qui respire. Ce n'est qu'après cela que Dieu s'occupe de son cadre de vie : le jardin, puis plus tard encore, ses compagnons et sa compagne.
    Si le récit de création de Genèse 1 décrit en détail les étapes de la création, ici au chapitre 2, il n'est question que d'un jardin, un jardin planté tout de même "de toutes sortes d'arbres à l'aspect agréable et aux fruits délicieux" (Gn 2:9). Parmi ces arbres s'en trouvent deux qui vont retenir notre attention. Ils sont au centre du jardin, ce sont l'arbre de vie et l'arbre de la connaissance du bien et du mal. La dramatique du récit va se construire autour de ces deux arbres, parce que Dieu y inscrit son premier commandement :

    "Tu peux manger les fruits de n'importe quel arbre du jardin, sauf de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Le jour où tu en mangeras, tu mourras."
    (Gn 2:16-17).  
    Dans cette première parole, il y a trois choses importantes : Premièrement, il y a le don, le don du jardin tout entier, donc l'ouverture d'un espace de liberté. Dieu donne, et il donne la liberté. Deuxièmement, Dieu place un interdit qui touche un seul arbre parmi tous les autres. Enfin, en troisième, une information sur la conséquence de la transgression de l'interdit est donnée. Ainsi, les choses sont claires, il n'y a pas de non-dit entre Dieu et les hommes, il n'y a pas d'embrouilles ou de confusion sur ce qui est permis et interdit.
    Une chose frappe cependant par rapport à l'idée qu'on peut se faire du jardin d'Eden. A l'intérieur du paradis, il y a déjà un interdit ! Le paradis n'est pas un monde sans loi. Le loi fait partie des choses bonnes du monde, des choses voulues par Dieu et nous allons voir pourquoi.
    Pour cela, il faut approcher de cet arbre mystérieusement appelé "arbre de la connaissance du bien et du mal". Qu'est-ce que cet arbre ? Qu'est-ce que ce nom veut dire ? "Connaître" en hébreu biblique a un sens très pratique d'entrer en connexion, en relation; ce n'est pas une connaissance intellectuelle, rationnelle, mais l'expérimentation pratique d'une réalité. On peut donc remplacer "connaître" par "faire l'expérience de".
    Ensuite, il y a cette expression "le bien et le mal". Dans notre tradition et par un jeu de mémoire qui nous fait rouler dans des ornières, on prend cette expression comme "le bien ou le mal", comme pour en faire la distinction, et on en déduit que c'est la capacité de distinguer le bien du mal. Mais ici, pourquoi ne pas prendre au sérieux la conjonction "et", au sens de "avec", et parler du bien avec le mal, ou du bien mêlé au mal. Ainsi cette arbre ne serait pas celui de la capacité de distinguer le bien du mal, mais plutôt l'arbre de "l'expérience du bien mêlé au mal". Cet arbre, il vaudrait peut-être mieux l'appeler "l'arbre de l'expérience de la confusion du bien et du mal".
    Ainsi, manger du fruit de cet arbre, c'est entrer dans le monde de la confusion, où le mal et le bien sont tellement mélangés qu'on ne peut plus les distinguer et faire la part des choses. Manger de ce fruit, entrer dans ce monde de confusion, c'est assurément sortir du jardin où tout était clair entre le permis et l'interdit, d'où l'avertissement "tu mourras". Entrer dans le monde de la confusion, perdre ses repères, c'est effectivement entrer dans un monde de mort.
    Mais il ne faut pas oublier qu'à côté de cet arbre, il y a aussi l'arbre de vie, un arbre absolument disponible dans le jardin. (L'interdit sur l'arbre de vie découlera plus tard de la transgression). Cet arbre, symboliquement, c'est le Christ, la vie donnée, offerte par le Christ, comme en parle l'Apocalypse : "l'arbre de la vie, qui donne du fruit douze fois par année, chaque mois, dont les feuilles servent à la guérison, et qui supprime la malédiction" n'est-ce pas une façon imagée de résumer le ministère du Christ sur la terre, qui nous a nourrit, guérit et réconcilié avec Dieu ?
    Ainsi, Dieu s'est-il servi successivement de deux moyens pour contrer la confusion engendrée par le péché. Premièrement, il a donné sa loi sur le Sinaï, comme un moyen pratique de moins confondre le bien et le mal. Mais, c'est resté un moyen imparfait, acceptable pour maintenir des relations entre les humains, mais insuffisant pour réconcilier l'être humain avec Dieu. Deuxièmement, il a envoyé son fils, comme un pur geste d'amour gratuit, comme une seconde invitation à choisir entre l'arbre de la connaissance du bien et du mal et l'arbre de vie qui guérit.
    A nous de choisir... maintenant.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Actes 28. L'apôtre Paul (IV) La surprenante fin du livre des Actes

    Actes 28

    27.7.2003

    L'apôtre Paul (IV) La surprenante fin du livre des Actes

    Ac 26:19-32    Luc 21:12-19    Ac 28:30-31


    Chers amis,
    Nous arrivons au dernier épisode de la vie de Paul que j'avais entrepris de vous faire découvrir ou approfondir. C'est dans le livre des Actes des Apôtres, rédigé par Luc, l'évangéliste, que nous trouvons le plus d'éléments biographiques sur la vie de l'apôtre. On peut même dire que l'apôtre Paul devient le personnage principal, central des actes, dès le chapitre 13 jusqu'à la fin du livre au chapitre 28. Plus on avance dans ce livre, plus les récits et les discours sont détaillés. Luc est même le témoin direct de certains événements puisqu'il nous les raconte en "nous."
    Mais revenons à la vie de Paul. Nous retrouvons Paul à 52 ans, il est en train de revenir pour la troisième fois à Jérusalem. Il est porteur de la collecte des Eglises de Grèce et d'Asie mineure pour la communauté de Jérusalem et de Judée, un geste de solidarité entre les Eglises.
    Il semble que l'Eglise de Jérusalem vive en assez bonne harmonie avec les autorités juives. L'Eglise chrétienne est un mouvement sectaire assez marginal pour être tolérée jusque dans le Temple, puisque cette jeune Eglise continue d'obéir à la Loi de Moïse.
    Lorsque Paul, à Jérusalem, se rend au Temple, par contre, cela crée du grabuge. Il est perçu comme un adversaire, presque comme un païen. Cela provoque tant de désordre — Paul est accusé d'avoir fait entrer un grec dans l'enceinte réservée aux juifs — que la garnison romaine doit intervenir en force. Les romains arrachent Paul aux émeutiers qui étaient près de le lyncher.
    Le commandant de la garnison, Claude Lysias, pense régler le problème en faisant fouetter Paul. Cela devrait d'un côté calmer la vindicte populaire et de l'autre calmer le fauteur de trouble, pense-t-il. Mais Paul fait savoir au commandant qu'il est citoyen romain et donc qu'il a droit à un véritable procès !
    La machine judiciaire se met en marche... mais lentement. Paul sera transféré de Jérusalem à Césarée de Philippe — sous forte escorte, car le commandant est averti qu'un groupe veut profiter du transfert pour assassiner Paul.
    A Césarée, il y aura plusieurs confrontations entre Paul et ses accusateurs sous la direction de Félix le gouverneur de Palestine, puis de Porcius Festus son successeur. Pour éviter d'être renvoyé à Jérusalem pour son procès, Paul utilise ce que j'ai appelé son "joker" dimanche passé, à savoir une prérogative des citoyens romains dans les affaires qui peuvent conduire à la peine de mort : l'appel à l'empereur, c'est-à-dire le droit d'être jugé à Rome.
    Deux ans de procédures s'écoulent entre l'arrestation à Jérusalem et le départ pour Rome ! (Deux ans de captivité où Paul va écrire certaines de ses lettres). Le voyage de Césarée à Rome va prendre quelques 6 mois à cause des conditions météo : une tempête, un naufrage, puis un hivernage à Malte qui retardent l'avancée des prisonniers et de leurs gardiens. Finalement, Paul est à Rome, "assigné à résidence" dirait-on aujourd'hui, il doit rester à Rome sous la surveillance d'un gardien. Et le livre des Actes se termine sur ces mots :

    "Paul demeura deux années entières dans le logement qu'il avait loué. Il y recevait tous ceux qui venaient le voir. Il prêchait le Royaume de Dieu et enseignait ce qui concerne le Seigneur Jésus-Christ avec pleine assurance et librement." (Ac 28:30-31)
    Cette fin me surprend beaucoup ! Car ce n'est pas un fin. Comment se fait-il que Luc ne raconte pas la mort de Paul ? Voilà qui achèverait logiquement et presque triomphalement la biographie de Paul. L'apôtre mourant martyr de la foi sous le glaive romain ! Car il existe des écrits ultérieurs qui nous racontent — dans les Actes de Paul — la rencontre entre l'empereur Néron et Paul et son exécution, la tête tranchée.
    Ce n'est pas un question de chronologie, car Luc finira de rédiger le livre des Actes et son évangile dix ou quinze ans au moins après la mort de Paul. Luc ne pouvait pas ne rien savoir de la mort de Paul après avoir fait avec lui le voyage de Césarée à Rome !
    Je vais émettre une hypothèse personnelle : Luc n'est pas intéressé par la mort de Paul, même s'il en a fait le héros de son livre : les Actes des Apôtres. Voici quelques arguments qui plaident en faveur de cette hypothèse :
    1) Luc s'est donné pour but de présenter une histoire du développement de l'Eglise, une histoire de l'évangélisation du monde. L'arrivée de Paul à Rome manifeste que l'Evangile est arrivé jusqu'au centre du monde (de l'époque), la tâche est accomplie. La mort de Paul n'ajouterait rien.
    2) Luc souhaite présenter une histoire du salut ouverte sur l'avenir, et une histoire qui dépasse les histoires individuelles des témoins. Même si Paul "monopolise" 60% du texte des Actes, ce qui prime n'est pas son histoire personnelle, mais la progression de la bonne nouvelle. Finir sur la mort de Paul serait finir sur un obstacle, un coup de frein.
    Je risque encore une idée plus audacieuse : les histoires qui circulent sur la mort de Paul sont fausses aux yeux de Luc. Il suffit de lire le martyr de Paul dans les Actes de Paul pour y voir tout le merveilleux surajouté, notamment son entretien avec Néron.
    En fait ce qui importe à Luc dans tout le récit des Actes, c'est de montrer que Paul témoigne en toutes circonstances, devant les petits comme devant les grands (Ac 26:22) réalisant et mettant en pratique les paroles de Jésus que Luc rapporte dans son évangile:

    "... on vous arrêtera, on vous persécutera, on vous livrera pour être jugés dans les synagogues et l'on vous mettra en prison; on vous fera comparaître devant des rois et des dirigeants à cause de moi. Ce sera pour vous l'occasion d'apporter votre témoignage à mon sujet." (Lc 21:12-13)
    Dans les Actes, Luc met en scène Paul témoignant ou comparaissant devant quatre groupes ayant autorité et devant sept hauts personnages. S'il avait été vrai que Paul avait comparu devant Néron, Luc n'aurait pas manqué de l'ajouter à sa liste !
    Ce qui importe à Luc dans sa présentation de Paul, c'est de montrer à quel point il est un témoin et que tous les événements qui surgissent dans sa vie sont des occasions de témoignage. Dans la vie de Paul — et par extension pour Luc, dans la vie de toute personne qui répond à l'appel de Jésus-Christ — toutes les circonstances de la vie sont transformées par la foi. Suivre Jésus, vivre "en Christ" comme le dit l'apôtre Paul, conduit à une transformation de la vie courante, de la vie banale, en une aventure, une aventure relationnelle qui débouche sur la vie et non sur la mort.
    Bien sûr, Paul est mort, comme tous les hommes de son temps, mais Luc affirme aussi, entre les lignes, que Paul est vivant : (i) ressuscité auprès du Christ, "le premier-né d'entre les morts" selon une formule paulinienne, mais (ii) il est aussi vivant au travers de sa prédication qui continue à travers ses lettres (celles qui pour nous sont rassemblées dans le Nouveau Testament).
    C'est pourquoi Luc a raison de terminer son livre des Actes par ces mots — qui prennent une dimension intemporelle :

    "Paul demeura deux années entières dans le logement qu'il avait loué. Il y recevait tous ceux qui venaient le voir. Il prêchait le Royaume de Dieu et enseignait ce qui concerne le Seigneur Jésus-Christ avec pleine assurance et librement." (Ac 28:30-31)
    Luc nous passe le message : Rien ne peut vraiment faire obstacle à la diffusion de la bonne nouvelle !
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Romains 1. L'apôtre Paul (III) Les relations entre juifs et non-juifs, l'image de l'olivier greffé

    Romains 11

    20.7.2003

    L'apôtre Paul (III) Les relations entre juifs et non-juifs, l'image de l'olivier greffé

    Rm 10 : 1-4    Rm 11 : 1-6    Rm 11 : 17-24

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, 
    Il y a 15 jours, nous avions vécu avec Paul le Concile de Jérusalem. Un compromis entre Jacques, Pierre et Paul avait été trouvé sur l'obéissance à la Loi qui devait être demandée ou non aux non-juifs — les païens qui devenaient chrétiens. Paul est donc reparti s'occuper des Eglises d'Asie Mineure. Il a étendu son domaine à la Grèce : Thessalonique, Athènes, Corinthe. Le réseau des Eglises fondées ou stimulées par l'apôtre Paul est considérable.
    Les voyages se faisaient à pied ou en bateau, ils étaient lents et éprouvants. Alors, Paul se met à écrire des lettres pour rester en contact ou continuer à enseigner certaines communautés. Ces lettres de l'apôtre Paul nous sont conservées (probablement pas toutes) dans le Nouveau Testament. Une de ces lettres est particulière, puisqu'elle s'adresse à une communauté encore inconnue de Paul, c'est la lettre aux Romains. Paul a le projet d'aller un jour dans la capitale de l'empire ! Il prépare le terrain en écrivant à des chrétiens qui s'y trouvent déjà !
    Comme cette lettre n'est pas inspirée par des questions précises de la communauté ou des problèmes qui y ont surgi — comme les lettres aux Galates ou aux Corinthiens par. ex. — Paul dessine une fresque de sa compréhension du plan de Dieu pour tous les humains. Nous avons donc là un vrai traité de théologie paulinienne !
    Impossible, en une prédication d'en faire le tour. Je ne reteins qu'une question, attachée au vécu de l'apôtre, celle des relations entre juifs et païens. Paul peut le constater au travers de son ministère : les juifs se ferment au message de la bonne nouvelle, mais les païens s'y ouvrent et deviennent de plus en plus nombreux (même si c'est un tout petit pourcentage de la population totale) à embrasser la nouvelle foi.
    Pour le juif qu'est Paul — baigné dans l'Ancien Testament, fier d'être juif, membre du peuple d'Israël (Rm 11:1); Israël, l'héritier de la promesse divine, le peuple élu, choisi par Dieu pour le faire connaître au monde, — pour Paul, c'est une blessure, une souffrance de voir son peuple rejeter le Messie annoncé par les Ecritures. Alors, Dieu aurait-il changé son plan ? Dieu aurait-il décidé de rejeter son peuple et de s'en choisir un autre ?
    Paul est déchiré lorsqu'il écrit aux Romains : "Frères, ce que je désire de tout mon coeur, et que je demande à Dieu pour les juifs, c'est qu'ils soient sauvés." (Rm 10:1) C'est un problème personnel, mais c'est aussi une question théologique : "Je demande donc: Dieu aurait-il rejeté son peuple ? Paul ne peut que répondre NON ! Et il rappelle que cela s'est déjà produit dans l'histoire d'Israël, qu'il n'y ait plus qu'un poignée, un petit reste de fidèles, mais c'est encore le peuple d'Israël.
    Pour Paul, le refus des juifs est lié à une méconnaissance, à un manque d'information d'abord. Les juifs sont plein de zèle, mais ce zèle est mal orienté. Les juifs croient pouvoir se rendre justes devant Dieu alors que c'est impossible — nous avons vu comment l'apôtre en a fait la cruelle expérience dans son rôle de persécuteur — seul Dieu nous rend justes devant lui. Evangéliser, les juifs et les non-juifs, c'est, pour Paul, annoncer cela sans relâche. Dieu seul nous rend juste, la foi c'est de faire cette confiance à Dieu (Rm 10:3). Il faut faire confiance en cette bonté de Dieu.
    L'élection du peuple de Dieu n'est pas le fruit de bonnes actions de son peuple, mais uniquement le fuit de la bonté de Dieu (Rm 11:6). L'éloignement des juifs est dû à un manque de foi (Rm 11:20), mais il n'est que temporaire aux yeux de Paul. Et l'apôtre va développer une image magnifique pour expliquer les positions respectives des juifs héritiers de la promesse de toujours et des pagano-chrétiens qui entrent si tardivement et récemment dans cette mouvance.
    Paul compare l'histoire d'Israël à un olivier. Dieu est le jardinier qui s'occupe de cet olivier. Cela fait des années — des siècles, des millénaires — que Dieu s'en occupe et donc c'est un olivier cultivé. Ce qui se passe actuellement — pour Paul — c'est que des branches, certaines branches de cet olivier cultivé sont coupées, ôtées de l'arbre. A leur place sont greffées des branches d'olivier sauvage ! Oui, c'est vraiment le monde à l'envers ! De l'olivier sauvage remplace certaines branches d'olivier cultivé, c'est le contraire du bon sens. Mais c'est ce qui arrive et c'est ce qui permet é Paul d'expliquer à chacun quelle est sa vraie place.
    Les branches coupées, eh bien, c'est un vrai malheur. Mais ce n'est pas un rejet définitif. Paul spécifie bien que "si les juifs renoncent à leur incrédulité, ils seront greffés là où ils étaient auparavant. Car Dieu a le pouvoir de les greffer de nouveau." (Rm 11:23)
    En ce qui concerne les nouveaux venus, les branches d'olivier sauvage greffées, cela appelle à a modestie. Si l'on peut couper les branches établies, c'est aussi possible pour branches greffées. C'est un honneur, c'est une grâce d'être rattaché à la longue histoire du peuple de Dieu. C'est donc un devoir de respecter et d'honorer cette histoire et cette tradition, plus encore, cette tradition est la source de notre croissance. C'est valable pour nous aussi aujourd'hui et nous rappelle que nous n'avons pas à reléguer l'Ancien Testament au rang des antiquités.
    L'image de Paul est très forte : "Tu profites maintenant de la racine qui nourrit l'olivier cultivé (...). Ce n'est pas toi qui portes la racine, c'est la racine qui te portes !" (Rm 11:17-18).
    Ah, si seulement ces paroles de l'apôtre Paul avaient été plus souvent lues et prêchées au cours des siècles et pendant le XXe siècle, combien les relations entre chrétiens et juifs auraient été meilleures et peut-être n'auraient-elles pas abouti à la shoah. Ces paroles condamnent tout antisémitisme chrétien et interdit tous les reproches faits par les chrétiens contre les juifs d'avoir tué le Christ, d'être un peuple déicide. Tous les humains étaient inclus dans la foule qui criait "Crucifie !" à Jérusalem, comme tous les humains sont accueillis dans le salut offert par Dieu, par grâce au travers de Jésus.
    Paul nous livre ici un témoignage de conciliation entre chrétiens et juifs qui doit continuer à nous inspirer aujourd'hui. Malgré cette vision pacificatrice de Paul, nous verrons dimanche prochain comment les autorités de Jérusalem vont tout aire pour qu'il soit condamné à mort par les Romains. Heureusement, Paul dispose d'un joker qui créera un nouveau rebondissement dans son parcours...

    (à suivre...)

    Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Actes 15. L'apôtre Paul (II) Le Concile de Jérusalem

    Actes 15

    6.7.2003

    L'apôtre Paul (II) Le Concile de Jérusalem

    Ac 15 : 1-12    Ac 15 : 22-31

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers Amis,
    Dimanche dernier, j'ai commencé à vous parler de la vie de l'apôtre Paul. Né à Tarse, il a reçu une formation de pharisien à Jérusalem. Son zèle pour la Loi l'a conduit à persécuter la jeune Eglise chrétienne. Son amour de la loi l'a conduit à la haine des hommes et à la violence.
    Sur le chemin de Damas, il a une mystérieuse et foudroyante révélation, une voix du ciel lui demande : "Pourquoi me persécutes-tu ?" Cette question le projette dans un abîme de réflexion :
    comment se fait-il qu'il persécute celui à qui il avait décider de vouer sa vie ?
    Paul va se retirer pendant trois ans pour faire le point sur sa vie, pour recadrer sa relation avec Dieu. Trois ans pour intégrer dans sa pensée de pharisien l'irruption de cette nouvelle — a priori incroyable pour lui — le Messie est venu, c'était ce Jésus de Nazareth.
    Au bout de ces trois ans, Paul fait un premier voyage à Jérusalem pour rencontrer Pierre, le chef de l'Eglise et Jacques le frère de Jésus. Paul est accepté et sa mission définie, il ira à Antioche et en Asie Mineure pour annoncer l'Evangile.
    Pour évangéliser, Paul a sa méthode. Il commence par se rendre à la synagogue, le jour du sabbat, et profite du temps de parole qu'on donne aux visiteurs pour annoncer Jésus-Christ comme le Messie, un Messie mort sur la croix à Jérusalem et ressuscité par Dieu le troisième jour.
    D'après le livre des Actes, le résultat est presque toujours le même, la communauté est divisée, certains suivent Paul, d'autres s'opposent à lui, en général plus nombreux, car Paul est chassé de la synagogue. Il part alors avec ceux qu'il a réussi à convaincre et — à partir de leurs maisons — il annonce la bonne nouvelle aux non-juifs, aux grecs, aux romains, aux populations locales. Ainsi naissent de nouvelles communautés.
    Comme on le voit, ces communautés naissent sur un fond de crise et de conflits. Elles sont de composition hétéroclite et le mélange est parfois explosif. Les juifs devenus chrétiens voudraient que les non-juifs soient soumis à la Loi et notamment à la circoncision. Les non-juifs résistent et ne voient pas pourquoi en plus d'être chrétiens, ils devraient devenir juifs.
    Paul a une ligne claire là au milieu. Il a une expérience personnelle qui lui a montré que la Loi juive, son application stricte, ne conduit pas à aimer Dieu correctement. La Loi est utile pour la vie de tous les jours, mais la Loi est incapable de conduire à Dieu. En aucun cas on ne peut plaire à Dieu, se montrer à la hauteur de ses exigences au travers de l'obéissance à la Loi de Moïse. Le salut ne vient que de la grâce de Dieu, de la bonté de Dieu, non par nos mérites ou notre obéissance.
    Donc, Paul renonce à demander — plus même il combat  ceux qui veulent exiger des "païens" — la circoncision, symbole de la soumission à la Loi de Moïse.
    Mais il vient un temps où cette question ne peut plus être résolue au cas par cas, avec des différences d'applications d'une Eglise locale à l'autre. Un dispute à ce sujet se développe à Antioche et il est décidé de convoquer une réunion sur cette question à Jérusalem. C'est le deuxième voyage de Paul à Jérusalem pour ce qui sera plus tard appelé le 1er Concile de Jérusalem.
    Le récit de ce "Concile" dans Actes 15 est très important. Il nous montre que — environ 10 ans après la mort et la résurrection de Jésus — l'Eglise est toujours en formation. Il y existe différents mouvements, différentes tendances, comme des partis.

    On nous montre Jacques, le frère de Jésus qui reste très attaché aux traditions juives, il tient à la conversion au judaïsme pour devenir chrétien. On nous présente Pierre. Lui a d'abord eu une position semblable à celle de Jacques. Mais le livre des Actes nous montre qu'à travers une vision (Ac 10) il a été amené à annoncer l'Evangile et à convertir des non-juifs. Il est donc plus ouvert, car il a vu des païens recevoir le baptême d'eau et d'Esprit. Enfin, il y a Paul qui milite pour une entrée sans condition dans la communauté chrétienne.
    Ce Concile de Jérusalem va déboucher sur un compromis intéressant : les nouveaux venus devront respecter trois règles (ce qui est moins que les 613 commandements que les Pharisiens trouvent dans la loi mosaïque). 
    1) Renoncer à l'idolâtrie (renoncer aux sacrifices dans les temples grecs ou romains).
    2) Ne pas consommer de sang ou de viande contenant le sang de l'animal (pour les juifs, le sang contenait le principe de vie).
    3) Se garder de l'immoralité sexuelle.
    L'important n'est peut-être pas dans le contenu de ces trois règles, mais dans ce qui a été omis dans ces prescriptions !
    Implicitement, arriver à ces trois règles signifie que le chrétien est libéré de la Loi, que la Loi est remplacée par une autre obéissance, qui n'a pas besoin de définir précisément — dans un code, une liste — les attitudes ou les actes autorisés ou interdits. L'obéissance à la Loi est remplacée par une exigence unique !

    La Loi est remplacée par le commandement nouveau donné par Jésus : "Aimez-vous les uns les autres." (Jean 13:34)
    Paul dira : "Tout est permis, mais tout n'est pas utile, ou tout n'est pas constructif." (1 Co 10:23-24)
    Jean dira : "Dieu est amour." (1 Jn 4:16)
    Saint Augustin dira : "Aime et fais ce que tu veux."
    A ce Concile de Jérusalem est confirmé que le christianisme est une religion qui libère des fardeaux extérieurs, des devoirs qui pèsent, qui asservissent et qui peuvent n'être que des façades ! Le christianisme est une foi qui libère des gestes extérieurs, mais qui peut être plus exigeante par là-même, puisqu'elle réclame un engagement intérieur, une intériorisation du commandement d'amour. Et aucun aspect de la vie n'échappe à cette exigence !
    Il n'y a plus de règles extérieures, il n'y a plus de prescriptions pratiques ! Pour vérifier, posez-vous la question : "qu'est-ce que mon christianisme m'oblige à faire qui me distingue des autres ?" Je ne trouve rien, mais en même temps, aimer son prochain est une tâche permanente.
    De cette conférence à Jérusalem date probablement le schisme entre juifs et chrétiens et cette division restera toujours une préoccupation, une souffrance de l'apôtre Paul : "Quelles relations doivent avoir juifs et chrétiens dans le plan de Dieu ?" se demande l'apôtre Paul. Et c'est ce que nous examinerons dans 15 jours, lors de ma prochaine prédication.
    (à suivre...)

    © Jean-Marie Thévoz 2007

  • Galates 1. L'apôtre Paul (I) De la persécution à la conversion

    Galates 1

    29.6.2003
    L'apôtre Paul (I) De la persécution à la conversion
    Ac 22 : 1-11    Ga 1 : 11- 24

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers Amis,
    Je commence aujourd'hui une série de quatre prédications sur la vie et la pensée de l'apôtre Paul. Plus du quart du Nouveau Testament nous vient des écrits de Paul, c'est dire son importance, son poids dans la formulation de la pensée chrétienne ! Comprendre mieux le personnage, son cheminement, son parcours, ses succès comme ses échecs ou ses erreurs nous permettrons de mieux comprendre sa pensée et donc nos origines et certainement aussi notre protestantisme !
    Paul est né en l'an 8 de notre ère, dans la ville de Tarse en Cilicie, l'actuelle Tarsus en Turquie. Je vais essayer de vous situer cette ville. Si l'on considère que la Méditerranée — à cette extrémité — a une forme de rectangle, délimité en haut par la Turquie, sur le côté par la Syrie, le Liban et Israël et en bas par l'Egypte, alors Tarse se situe près de l'angle supérieur, sur la côte turque.
    Il y a dans cette ville, comme dans la plupart des grandes villes du pourtour de la Méditerranée, une communauté juive. L'ensemble de ces communautés forment ce qu'on appelle la "diaspora," les juifs dispersés depuis l'Exil de 587 av. J.-C. Ces communautés, avec leur synagogue, répandues dans tout l'empire romain, joueront un grand rôle dans la vie de Paul.
    A sa naissance, il reçoit le nom juif de Shaoul (comme le roi Saül), nom qui sera prononcé Saul, en grec. Le grec est la langue maternelle de Saul, c'est dans cette langue qu'il est scolarisé, c'est-à-dire qu'il commence à apprendre par coeur les textes de l'Ancien Testament. Saul devait manifester de bonnes capacités intellectuelles, car son père l'envoie à l'âge de 15 ans continuer ses études à Jérusalem sous la direction d'un maître réputé : Gamaliel. Il suit la formation des pharisiens, peut-être pour devenir rabbin. Il se familiarise donc avec l'hébreu pour lire l'Ancien Testament dans le texte et l'araméen qui est la langue parlée à Jérusalem.
    Etre pharisien, c'est devenir un observateur scrupuleux de la loi divine, pour parvenir à la sainteté. Pour prétendre à la sainteté, il faut obéir à 613 commandements dans sa vie de tous les jours. Cela suppose une discipline extrêmement stricte, une surveillance de tous les instants, pour ne rien oublier et ne rien transgresser.
    A cette époque, Saul était fier de ses accomplissements, dans la lettre aux Galates, il écrit :

    "Je surpassais bien des compatriotes juifs de mon âge dans la pratique de la religion juive; j'étais beaucoup plus zélé qu'eux pour les traditions de nos ancêtres." (Ga 1:14).
    Saul était tellement zélé que lorsqu'une secte commence à faire parler d'elle — notamment au travers d'un certain Etienne qui accuse les pharisiens d'avoir tué le Messie appelé Jésus — il se fait un devoir de chercher à la détruire. Ainsi, Saul approuve la lapidation d'Etienne (Ac 8:1) et se met à pourchasser les chrétiens et à les faire jeter en prison.
    De zélateur de sa religion, il devient persécuteur des dissidents. D'adorateur de la loi divine, il devient un fanatique plein de haine contre ceux qui se montrent différents de lui. D'observateur des commandements, il devient un instrument de haine, au nom de Dieu et de sa Loi, prétend-il !
    Que dire lorsque l'amour pour Dieu devient haine contre des humains ? Comment Saul peut-il justifier cette dérive ? Il ne le fera pas tant qu'il reste pharisien, mais il n'échappera pas à cette question !
    Alors que Saul est en chemin vers Damas pour y persécuter les chrétiens installés là-bas, il vit une expérience qui va littéralement le retourner complètement. Saul est assailli par une question qui lui vient du ciel :
    "Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? (Ac 9:4; 22:7; 26:14).
    Lui qui a toujours voulu atteindre Dieu, atteindre la sainteté, accomplir la volonté totale de Dieu, lui se retrouve être désigné comme son adversaire, son persécuteur ! Comment en est-il arrivé-là ?
    Chaque fois que Paul — dans ses lettres — parle de la Loi, de l'obéissance, il répète que la loi de Dieu est bonne. Le problème n'est pas dans la loi. Le problème est en nous : le péché utilise en nous la loi pour nous faire faire le contraire. Il y a en nous une puissance qui retourne nos efforts à faire le bien en force de destruction, c'est cela que Paul appelle le péché.
    Le péché nous rend esclave — on dirait "dépendant" aujourd'hui. Et Saul était esclave / dépendant de la loi pour être heureux, ce qui lui a fait prendre en haine ceux qui n'avaient pas le même amour de la loi. La dépendance à la loi l'a fait haïr tout ce qui devenait un obstacle à son obéissance, et cette haine l'a propulsé directement au coeur de ce qu'il voulait éviter : être loin de Dieu. Pour exprimer ce paradoxe, il dira : "comme esclave du péché (...) je ne fais pas le bien que je veux et je fais le mal que je ne veux pas" (Rm 7:19). Cela ne nous arrive-t-il pas à nous aussi ?
    Sur le chemin de Damas, Saul est retourné, il réalise qu'il doit abandonner la loi (extérieure) pour un guide (intérieur) : celui qu'il persécutait jusqu'alors, Jésus-Christ. Qui mieux que Jésus — le juste mis à mort injustement — peut libérer Saul de l'enfermement dans lequel il vit en persécutant celui qu'il voulait aimer ?
    La vie de Saul devait être une vie, un modèle de sainteté, elle était devenue une vie de meurtre et de souffrances infligées. Une phrase venue du ciel lui révèle l'impasse dans laquelle il s'est fourvoyé. Il en est foudroyé, sonné, aveugle. Ses compagnons de voyage le prendront en charge pour le conduire à destination, ne comprenant pas ce qui vient de se passer.
    Pendant trois jours, Saul reste prostré, sans boire ni manger, dans l'obscurité de son aveuglement. Trois jours comme Jonas, trois jours comme Jésus, avant de recommencer une nouvelle vie...
    ... mais ça c'est une autre histoire, pour dimanche prochain.
    (à suivre...)

    © Jean-Marie Thévoz 2007