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amour - Page 23

  • Matthieu 22. Accepter la gratuité de l'invitation de Dieu à la vraie vie

    Matthieu 22
    8.2.1998

    Accepter la gratuité de l'invitation de Dieu à la vraie vie
    Osée 2:18-22     1 Corinthiens 11:23-26     Matthieu 22 : 1 - 14

    Téléchargez la prédication ici : P-1998-02-08.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Vous venez d'entendre la lecture de la parabole de l'invitation au festin telle que l'évangéliste Matthieu l'a écrite. Cette même parabole se trouve aussi dans l'évangile de Luc (chap. 14), mais le texte en est un peu différent. Ce décalage nous montre que chaque évangéliste a reçu des témoignages des paroles de Jésus et qu'il les a retransmises avec sa marque personnelle. Cette parabole doit toucher la communauté pour laquelle Matthieu écrit. Matthieu y insère une relecture de l'histoire du salut et de l'histoire tout court. Cette relecture nous choque aujourd'hui parce qu'il y est question d'un Dieu qui châtie, tue et incendie. Matthieu avait besoin de comprendre et de faire comprendre le sens d'événements récents et bouleversants : la destruction de la ville de Jérusalem par les armées romaines. Cette destruction, cet incendie a bien eu lieu. Matthieu ne peut s'empêcher d'y voir l'action vengeresse de Dieu à l'égard de ceux qui ont refusé son Fils et l'ont conduit à la mort. Je laisse cette compréhension à la responsabilité de Matthieu, je n'arrive pas à l'assumer à mon tour.
    Je souhaitais faire cette petite mise au point pour que nous ne restions pas bloqués sur ce passage vengeur, mais que nous puissions nous tourner depuis maintenant vers le sens de cette parabole au-delà de cet épisode.
    Un roi lance une invitation, mais c'est l'échec. Un roi marie son fils, mais les invités ne viennent pas ! Voilà quelque chose de peu probable, même d'impossible. Qui peut refuser d'aller faire la fête ? Qui peut refuser de boire et de manger gratuitement ? Vous refuseriez, vous, deux invitations au restaurant, deux invitations au cinéma ?
    Le Royaume de Dieu est comparé à une fête, à un festin, à un banquet, mais il y a peut-être plus que cela. Lorsque Jésus parle du Royaume de Dieu, il en parle — toujours en parabole — comme d'une réalité à vivre déjà dans le présent. Il dit que le Royaume de Dieu s'est déjà approché, qu'il est pour maintenant. Le Royaume de Dieu n'est pas ce que nous en avons fait, une réalité qui intervient après la mort, la vie éternelle. "Y a-t-il une vie avant la vie" disait un graffiti à Lausanne. Le Royaume de Dieu c'est la vraie vie avant la mort, la vie qui vaut la peine d'être vécue, la vie remplie, riche de moments vrais.
    Et la réalité d'aujourd'hui, c'est que beaucoup de monde refuse de vivre cette vie-là. Il y a plein d'excuses pour ne pas vivre sa vie pleinement. "J'ai trop de travail en ce moment..." "Je serai vraiment heureux ... lorsque j'aurais enfin 18 ans et que je serai libre;  lorsque j'aurai pu me marier et fonder une famille; lorsque j'aurai une maison..." Il est facile de penser qu'on sera heureux plus tard lorsque ...
    Ceux qui raisonnent comme cela avancent des excuses pour ne pas répondre à l'invitation, parce que la vraie vie est possible dès maintenant.  Ceux qui raisonnent comme cela vont manquer l'invitation et le roi va inviter d'autres personnes à leur place.
    L'accès au Royaume de Dieu n'est pas réservé aux gens bien, aux gens religieux, aux purs ou aux sérieux, à ceux qui renoncent à tout ce qui fait la vie belle. Ceux qui peuvent venir, ce sont ceux qui acceptent de faire de leur vie une fête, ceux qui ont le désir d'être heureux. Même dans les difficultés ou la souffrance, on vit des moments vrais — souvent durs et pas faciles — mais des moments où l'amour passe véritablement entre les êtres.
    La vraie vie, voici l'enjeu de cette parabole. Dieu nous invite — mauvais et bons — à vivre la vie comme une fête, comme un banquet de noces et non comme une collation d'enterrement ou un pénible travail.
    Vivre auprès de Dieu — et qui est plus près de Dieu que les amis qui viennent au mariage de son fils — c'est s'ouvrir à une vie pleine, c'est ouvrir son coeur à nos proches, c'est être-là, dans le moment présent, c'est habiter chacun de ses gestes, sentir la proximité des autres, goûter à cette communion. Etre pleinement présent dans le baiser qu'on donne à ses enfants (à ses parents) lorsqu'on part pour le travail ou l'école.
    Celui qui vit sur cette terre, mais comme en passant, sans habiter ses gestes, sans goûter au bonheur, c'est quelqu'un qui n'honore pas l'invitation de Dieu à entrer dans le Royaume de Dieu. C'est ce que nous dit la deuxième partie de la parabole. Celui qui n'a pas d'habit de noces, c'est celui qui vit, tout en passant à côté de la vraie vie. Celui qui n'arrive pas à saisir ce qui est bon dans chaque instant de la vie, celui qui ne vit pas de moments vrais. Celui-là est déplacé dans la fête, il n'a pas sa place dans le Royaume de Dieu. Non pas que son accès lui soit refusé — le Royaume de Dieu n'est fermé à personne — mais que par définition, on ne peut pas être mort et vivant à la fois, être dans le Royaume de Dieu et ne pas vivre de la vraie vie.
    La phrase "il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus" signifie dans ce contexte simplement la réalité que l'on constate autour de nous. Nous sommes tous appelés à vivre de cette vraie vie qui vient de Dieu, mais bien peu choisissent ce mode de vie, cette façon d'être.
    Le repas du Royaume de Dieu, il nous est donné de le vivre dans la sainte Cène. La sainte Cène, c'est les prémices du Royaume, la bande annonce du Royaume. C'est le même repas auquel nous sommes invités. Ce n'est pas une collation d'enterrement, c'est un repas de noces, les noces de Jésus avec son Eglise. C'est un repas de fête. Nous y sommes tous invités, bons et mauvais. Nous y sommes tous invités, pour notre joie.
    Cette invitation à la Cène, il nous est facile d'y répondre, puisque nous avons répondu à l'invitation du culte. L'invitation du roi est d'abord pour maintenant, mais elle est aussi pour les jours de semaine, pour l'entier de notre vie. Etes-vous d'accord de recevoir cette invitation à une vie renouvelée pour chaque jour ?
    Je m'adresse maintenant spécialement aux jeunes. Cette invitation à entrer dans la fête de Dieu, à goûter au bonheur qu'il donne est aussi pour vous. Cette invitation va tomber dans votre boîte aux lettres de façon très concrète, invitation à vous joindre aux JP ou à d'autres activités paroissiales. Allez-vous dire "oui" à ces invitations ?
    Réfléchissez-y tous. Le roi vous invite au mariage de son fils. Que lui répondez-vous ?

    Amen.
    © Jean-Marie Thévoz, 2013

  • 1 Corienthiens 12. Notre mobilisation rend le Christ présent ici et maintenant

    1 Corinthiens 12
    27.1.2013
    Notre mobilisation rend le Christ présent ici et maintenant
    1 Corinthiens 12 : 12-27      Luc 4 : 14-22

    Téléchargez la prédication ici : P-2013-01-27.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Passés Noël et l'Epiphanie, nous retrouvons Jésus au début de son ministère. Dans l'Evangile de Luc, après son baptême et la tentation au désert, Jésus commence son ministère à Nazareth. Il se rend à la synagogue pour le service du jour du sabbat. Comme c'est la coutume à la synagogue, quelqu'un de l'assemblée peut se proposer pour lire l'Ecriture. Jésus monte à la tribune, déroule de rouleau d'Esaïe et lit quelques versets du chapitre 61 :
    « L'Esprit du Seigneur est sur moi,
    il m'a consacré pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres.
    Il m'a envoyé pour proclamer la délivrance aux prisonniers
    et le don de la vue aux aveugles,
    pour libérer les opprimés,
    pour annoncer l'année où le Seigneur manifestera sa faveur. » (Luc 4 : 18-19)
    Ce qui est inattendu, c'est qu'il dise que ces paroles d'Esaïe s'accomplissent en ce moment et dans sa personne ! Il y a deux volets à cet accomplissement : (a) Jésus est l'envoyé de Dieu et (b) il apporte guérison, libération et réconciliation avec Dieu.
    Le premier volet, nous l'acceptons facilement : nous avons les évangiles et le Nouveau Testament, nous croyons que Jésus nous montre la vraie figure de Dieu. Le deuxième volet est plus difficile à saisir. Oui, bien sûr, Jésus a guéri des malades et libéré des possédés pendant son ministère. Mais aujourd'hui, autour de nous ? Comment ce volet s'accomplit-il aujourd'hui, ici ? Comment notre paroisse peut-elle être ce lieu où l'œuvre du Christ s'accomplit ? Comment notre paroisse peut-elle être le lieu où nous sommes guéris de nos chagrins et de nos deuils, où nous sommes libérés de nos soucis, de nos anxiétés et de nos obsessions ?
    Où est le Christ qui accomplit sa parole ? Où est le Christ aujourd'hui ? L'apôtre Paul répond à cette question dans le passage de 1 Corinthiens 12 que nous avons entendu. Il nous dit : "Le Christ est semblable à un corps composé de plusieurs parties (v12) or, vous êtes le corps du Christ, chacun de vous est une partie de ce corps. (v27)."
    Où est le Christ ? Il est ici, dans cette assemblée; il est ici dans ce village. Là où il y a une étincelle de foi. Le Christ est vivant parce que vous êtes là, parce qu'il y a des hommes et des femmes qui prient, qui lisent la Bible et qui aiment leur prochain.
    L'apôtre Paul développe les liens entre le corps et les membres et les liens entre les différents membres. Il souligne que dans un corps, il y a de nombreuses fonctions différentes, mais complémentaires et aussi indispensables les unes que les autres. Il souligne que chacun a sa place et qu'on ne peut pas faire de hiérarchie entre les différentes fonctions. L'unité ne vient pas de la place ou du rôle tenu, l'unité vient de l'Esprit saint reçu dans le baptême, dans l'Esprit saint unique qui nourri, qui abreuve chacun. 
    L'apôtre Paul souligne que chacun est indispensable, mais qu'aucun ne doit se prendre pour le tout. Le corps ne peut pas être seulement œil ou oreille, parce que toutes les fonctions sont aussi nécessaires. Parallèlement, on ne peut pas exclure un organe ou une fonction parce qu'elle est moins noble; au contraire, remarque Paul, il faut le traiter avec d'autant plus de déférence. Pas de mépris, pas d'exclusion, pas de domination, mais une mobilisation égale de toutes les parties pour le même but : faire corps, être le Christ agissant dans le monde.
    Pratiquement, cela signifie que chaque paroissien, chaque paroissienne a son rôle a jouer dans le corps du Christ qu'est la paroisse. Chacun, chacune, en fonction de ses compétences et de ses moyens est utile, indispensable.
    Dans notre paroisse, nous avons besoin, d'abord de la prière de tous, et cela personne n'en est incapable. Ensuite, nous avons besoin d'aide pratique, donner un coup de main, confectionner un cake, tenir un stand à la Fête paroissiale, écrire une lettre ou faire des photocopies. Nous avons besoin de soutien financier pour que nous puissions innover, lancer des projets, entourer nos jeunes. Nous avons besoins de personnes pour assumer des tâches de responsabilité, à la Fête paroissiale, au Conseil paroissial, dans des groupes de travail.
    Comment la parole d'Esaïe, lue par Jésus, peut-elle s'accomplir dans notre paroisse ? Par la mobilisation de chacun à la place qui lui est propre. Chacun, participant là où il le peut — dans l'organisation ou dans les tâches à responsabilité ou dans l'exécution pratique ou dans la visite ou la prière — est utile et nécessaire. Personne ne peut dire : il y en aura d'autres pour le faire !
    Nous sommes devenus une Eglise minoritaire. La parole du Christ est vécue régulièrement par environ 5 à 10% de la population, toutes confessions confondues. Et comme protestant, nous y sommes encore minoritaires. Nous ne pouvons plus penser nous reposer sur le voisin.
    Que celui que cela décourage profite de tous les lieux et moments de ressourcement, de partage et de recueillement qui sont offerts aux niveaux paroissial, régional et cantonal. L'offre est riche.
    Nous commençons une nouvelle année et le Christ nous assure qu'il est présent, qu'en lui s'accomplit l'année de faveur de l'Eternel. Il vient nous remplir de sa présence, il vient s'incarner, vivre en nous pour que nous soyons ses témoins.
    Lui — à travers nous — vient accomplir son œuvre de guérison, de libération et de réconciliation. "Vous êtes le corps du Christ et chacun de vous est une partie de ce corps" (1 Co 12:27). Ensemble, nous adorons Jésus pour nous ressourcer, ensemble nous écoutons sa Parole pour le connaître, ensemble, nous pouvons agir pour le faire connaître et accomplir son œuvre de guérison, de libération et de réconciliation.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2013

  • Jean 2. A Cana, Jésus opère trois changements fondamentaux

    Jean 2
    13.1.2002

    A Cana, Jésus opère trois changements fondamentaux

    Esaïe 62 : 1-5      2 Pierre 1 : 2-8      Jean 2 : 1-11

    Téléchargez la prédication ici : P-20020113.pdf

    Chers amis,
    Après Noël où nous avons fêté la naissance de Jésus, après l'épiphanie où nous nous sommes rappelés les rois mages, nous faisons un grand saut dans le temps pour retrouver Jésus au début de son ministère.
    Jésus a 30 ou 33 ans et — il ne le sait pas encore — il a trois ans à vivre devant lui, pendant lesquels il va réaliser l'entier de sa mission. Une mission d'enseignement, une mission de guérison, une mission de révélation du visage de Dieu.
    En seulement trois ans, Jésus va révolutionner le regard de l'humanité sur Dieu et changer toute l'histoire humaine puisque nous sommes ici, 2000 ans plus tard, à continuer à chercher à comprendre, à saisir toute la richesse qu'il y a en lui et à vivre des paroles qu'il a prononcées et des gestes qu'il a faits.
     Aujourd'hui, nous nous penchons sur le premier signe de Jésus que l'évangéliste Jean nous a transmis, celui des Noces de Cana. Ce miracle est un peu embarrassant pour nous, car il ressemble vraiment à un acte de magicien ! Jean veut-il nous présenter Jésus comme un magicien, comme quelqu'un qui est capable des tours de passe-passe les plus réussis ?  Croire parce que le tour a réussi, c'est plus être crédule qu'avoir la foi !
    Je pense qu'il faut laisser tomber l'idée que l'accent est mis sur le côté miraculeux pour voir l'aspect signe, significatif. D'ailleurs Jean ne parle pas du premier miracle de Jésus, mais de son premier signe, de son premier geste significatif. Ce geste a pour but de mener ses disciples à croire, à avoir la foi, en effet, le récit de Jean se termine par ces mots :
    "Voilà le premier signe de Jésus. Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui." (Jn 2:11)
    Pourquoi les disciples se mettent-ils à croire en Jésus ? D'abord "croire en Jésus" signifie reconnaître la gloire de Dieu qui se manifeste en Jésus, voir au travers des actes, des paroles, du visage de Jésus, les actes, les paroles et le visage de Dieu lui-même.
    En quoi les disciples — nous-mêmes — pouvons-nous reconnaître la présence de Dieu dans ce premier signe de Jésus ? Dans ce signe, Jésus fait trois choses, il opère trois changements fondamentaux :
    1) Il transforme de l'eau en vin (c'est le plus évident)
    2) l transforme les bassins de purification en tonneaux — il faudra voir ce que cela signifie !
    3) Il renverse l'ordre des choses en faisant servir le bon vin après le moins bon.
    Reprenons ces trois changements.
    1) Jésus change de l'eau en vin. Faire cela comme premier signe, c'est annoncer la couleur de  tout son ministère : ce sera une mission de changement, de transformation profonde et cela indique aussi le sens, la direction des transformations en vue. Ce qui est insipide, inodore et incolore, ce qui est commun, ordinaire et sans saveur va être transformé en extra-ordinaire, en fête, en joie.
    Jésus nous dit que Dieu veut transformer le banal de nos vies en y insufflant de la joie et du bonheur. Lorsque notre vie et notre propre joie viennent à manquer, Dieu vient nous ranimer, nous remettre debout, remettre de la couleur et de l'abondance dans nos vies.
    2) Ensuite, Jésus transforme l'usage des bassins de pierre dans lesquels les juifs effectuaient leurs rites de purification. Qui dit purification, besoin de purification, dit qu'il y a des choses à laver, à nettoyer pour se sentir propre devant Dieu.
    L'usage des bassins de purification illustre une attitude face à Dieu : le fait de se sentir sale devant lui et surtout l'idée que par nos propres efforts nous allons pouvoir nous rendre présentables devant Dieu. Que nous allons pouvoir plaire à Dieu, que nous allons pouvoir être à la hauteur de ce que nous pensons qu'il attend de nous !
    Mais qui — en étant honnête avec soi-même — peut penser arriver à se montrer parfait face à Dieu ? Qui peut penser être sans tache, sans faute, sans ombre devant Lui ? C'est un effort sans fin et sans aucune garantie de succès. C'est un travail désespérant et ... désespéré.
    En transformant ces bassins en tonneaux où l'on vient puiser le vin, Jésus supprime toute idée de purification par nos propres moyens. L'attitude juste devant Dieu, c'est d'accepter que nous ne pouvons rien faire par nous-mêmes, seulement venir puiser la vie à sa source, accepter de la recevoir comme ce vin puisé dans ces bassins.
    Ces bassins deviennent des fontaines de vie, un lieu où l'on vient s'abreuver, recevoir de quoi étancher sa soif, recevoir ce qui va remplir notre vie de joie et de satisfaction.
    3) Enfin, troisième changement, Jésus a renversé l'ordre humain des choses qui veut que l'on serve les bonnes choses, le bon vin, au début, parce que tout se dégrade avec le temps, à commencer par nos facultés d'apprécier la vie. Là encore, Jésus veut nous parler de notre rapport à Dieu. Jésus renverse l'ordre de la religion.
    L'ordre humain veut que nous nous efforcions de plaire à Dieu, d'essayer de monter jusqu'à lui. L'ordre de Dieu, le père de Jésus-Christ et notre Père, c'est que c'est lui qui vint à nous, c'est lui qui prend l'initiative. Et son initiative, c'est de nous réhabiliter, de nous purifier lui-même, de nous rendre juste pour que nous puissions répondre par des comportements justes à l'égard de notre prochain.
    C'est Dieu lui-même qui prend l'initiative de ne pas compter nos fautes, de ne pas tenir compte de ce que nous lui devons. C'est lui qui prend l'initiative de venir chez nous, pourvu que nous lui ouvrions la porte, parce qu'il ne veut pas entrer par effraction.
    A nous d'inviter Jésus à entrer dans nos vies — comme les mariés de Cana l'ont invité — pour qu'il vienne transformer l'eau de nos existences en vin de joie et de fête.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2013

  • Luc 2. L'attente, la venue, l'accomplissement - Veillée de Noël


    Luc 2

    24.12.97
    L'attente, la venue, l'accomplissement - Veillée de Noël


    Es 11: 1-10    Luc 2 : 1-20  

    Ce soir nous ferons trois étapes sur le chemin de Noël, trois méditations accompagnent les lectures bibliques, trois prières accompagnent ces méditations.
    Premier temps : l'Attente.
    L'attente du peuple d'Israël, l'attente du peuple des croyants, l'attente de toute l'humanité. C'est l'attente d'un descendant de Jessé (ou Isaï) le père du roi David. L'attente d'un Sauveur qui rendra justice aux défavorisés.
    Du fond des temps monte la plainte de l'être humain opprimé, la plainte pour la justice, pour que cesse le mal. L'attente d'une société où la violence ne régnera pas en maître, où l'on pourra vivre dignement de son travail, où l'autre n'aura pas besoin de perdre pour que je gagne. Un monde où le vulnérable aura sa chance, sa place. Un monde où la victime sera secourue.
    Cette plainte, ce cri d'impatience, Dieu l'entend, Dieu va y répondre. Comme Dieu avait fait chercher David — le cadet de la famille — aux champs où il gardait les moutons,  pour vaincre Goliath, Dieu fait sortir un rejeton de la lignée de Jessé, du tronc d'Isaï pour renverser les puissants.
    Comme l'homme seul debout face  une colonne de chars sur la place Tian An Men : "Ce jour-là — nous dit Esaïe — le descendant de Jessé sera comme un signal dressé pour les peuples du monde." ( Es 11:10).
    Ce qui se passe sur le plan cosmique, se passe également dans notre monde intérieur. Nous sommes en attente de la vraie vie, de vraies relations.
    Un signe est dressé dans nos vies — face au mal-être que nous éprouvons — Dieu promet la réconciliation des opposés : le veau et le lionceau, la panthère et le chevreau peuvent cohabiter.
    La réhabilitation, la réconciliation, le pardon, voici, pour nous, le contenu de notre espérance.

    Deuxième temps : la Venue.
    Un enfant, un nouveau-né, c'est la réponse du Dieu tout-puissant aux assauts du mal et de la violence !
    "Votre Sauveur, votre Seigneur — nous dit Luc — vous le reconnaîtrez à ce signe : vous trouverez un bébé emmailloté et couché dans une crèche" (Lc 2:12).
    N'y en a-t-il pas cent et mille des nouveau-nés qui naissent dans la misère du monde ? Quel signe est-ce là ? De qui se moque-t-on ?
    Eh bien justement, c'est dans le dénuement, le dépouillement, l'exclusion, l'abaissement que Dieu a choisi de nous visiter, de nous retrouver. Il a fait cela afin de ne pas manquer la rencontre avec le moindre d'entre nous, afin que le nouveau-né retrouvé dans une poubelle puisse aussi se sentir frère de Jésus.
    Dieu a trouvé digne de lui d'habiter notre condition humaine, dans l'extrême dépendance du nouveau-né, dans l'extrême pauvreté de l'exclus, jusque dans l'extrême souffrance de la mort humaine.
    Notre être soupire dans ce monde et espère des jours meilleurs. Nous attendons chacun des satisfactions, des améliorations, des gratifications, de nouvelles marques de considérations. A Noël, Dieu nous dit qu'il vient habiter en nous les lieux les plus bas, les parts de nous-mêmes que nous ne voudrions pas habiter (elles sont juste bonnes pour les animaux). Il n'y a rien en nous d'assez bas, honteux, détestable où Dieu ne puisse habiter, être.
    Comme Marie, nous pouvons accueillir Dieu, accueillir celui qui vient, avec simplicité et reconnaissance. Accepter en nous le caractère d'enfant qui ne demande qu'à revivre, renaître.
    Dieu a choisi de demeurer parmi nous, dans notre chair, dans notre être, par amour pour chacun de nous. Louanges soient rendues à Dieu.

    Troisième temps : l'Accomplissement.
    Les bergers ont reconnu le signe, ils ont été émerveillés et ils sont allés rendre publique la bonne nouvelle. Ils ont reconnu le signe, comme les pèlerins d'Emmaüs ont reconnu la fraction du pain comme le signe de la présence invisible du Christ, du Messie.
    Ainsi le Messie a vécu parmi les humains, Emmanuel, Dieu avec nous. L'impossible s'est réalisé, le Royaume s'est approché. En Jésus, les promesses de Dieu sont accomplies. 
Après cette attente, dans cette venue se trouve l'accomplissement. "Tout est accompli" dit Jésus sur la croix (Jean 19:30).
    Si nous voulons bien y croire, cela signifie que nous n'avons plus rien à attendre du futur, d'un prétendu progrès, d'un avenir radieux, d'un futur meilleur où le gâteau sera enfin assez grand pour que chacun ait sa part. Nous n'avons pas à sacrifier notre présent sur l'autel d'un accomplissement futur.
    Tout est là aujourd'hui. Tout nous est déjà donné, maintenant. Le Royaume s'est approché avec Jésus. Le salut est venu dans le monde, nous pouvons en vivre dès aujourd'hui. Nous n'avons pas à attendre la vie éternelle après la mort pour vivre, en plénitude, la vie au centuple offerte aux croyants.
    Cessons de rêver, d'attendre : la vie transformée, sanctifiée, pardonnée, c'est ici et maintenant.
    "Marie — nous dit Luc — gardait toutes ces choses et les repassait dans son coeur" (Luc 2:19). Là dans cette étable misérable, Marie ne rêve pas à un autre lieu, un autre temps. Elle vit le moment présent, pleinement. Elle le goûte, elle en jouit, elle retourne toutes ces paroles, toutes ces images dans sa tête et dans son coeur. Elle vit les émotions de ce moment, pleinement; elle est là présente, heureuse, pleine de grâce. La vie au centuple, l'émotion de la joie est dans cet instant que Dieu remplit, que Dieu accomplit.

    Amen.
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Luc 1. Conçu du Saint-Esprit, né de la vierge Marie

    Luc 1
    20.12.1998


    Conçu du Saint-Esprit, né de la vierge Marie

    Romains 5 : 15-17      Luc 1 : 26-38      Matthieu 1 : 18-23

    Avez-vous comparé les premières pages des 4 évangiles. Avez-vous eu une fois la curiosité de voir comment commencent les 4 témoignages de l'oeuvre de Dieu pour nous ?
    Marc — le plus ancien évangile — débute avec le témoignage de Jean-Baptiste et le baptême de Jésus. Matthieu et Luc présentent quelques pages sur la naissance de Jésus; chez Matthieu, Joseph est averti par un ange de la mystérieuse conception de Jésus; chez Luc, c'est Marie qui reçoit l'annonciation. Enfin, Jean commence son évangile par une réflexion philosophique sur le Verbe, la Parole — dans laquelle, il faut reconnaître le Christ — qui préexiste à la création du monde. Quatre évangiles, quatre témoignages très différents et pourtant, une même intention : nous faire reconnaître dans ce Jésus de Nazareth : le Christ, le Fils de Dieu.
    De ces quatre témoignages, on peut tirer trois constats :
1) Plus le temps passe dans les premières églises, plus l'origine de Jésus — en tant que Fils de Dieu — est développée et remonte dans le temps.
2) Face à des témoignages aussi différents, il faut reconnaître que les faits historiques nous sont inaccessibles. Ce qui nous est transmis, ce ne sont pas des informations sur ce qui s'est passé, mais une réflexion élaborée sur la signification — donc la vérité — de ce que Dieu a voulu nous révéler.
3) Pour saisir la vérité contenue dans ces évangiles, nous avons intérêt à suspendre nos jugements sur l'historicité des faits pour aller à ce qui peut nourrir notre foi, notre faim de vérités pour notre vie d'aujourd'hui. Essayons donc d'aller au-devant de ces vérités que veulent nous révéler les évangiles.
    Je crois que Luc et Matthieu, en nous présentant leurs réflexions sur la conception et la naissance de Jésus essaient de répondre à la question : quel est le lien entre Jésus et Dieu ? Cette question est explicitement posée dans l'évangile de Jean :

    "Les juifs s'indignaient contre Jésus parce qu'il avait dit : « Je suis le pain descendu du ciel ».
    — N'est-ce pas Jésus, le fils de Joseph ? disaient-ils. Nous connaissons son père et sa mère. Comment peut-il dire maintenant qu'il est descendu du ciel ? (Jean 6:41-42)
    Même dans l'évangile de Luc on trouve cette question : "N'est-ce pas le fils de Joseph ? (Luc 4:22). Ce Jésus, dont la famille est bien connue, comment est-il relié à Dieu ?
    Matthieu et Luc, très explicitement, essaient de répondre à cette question par l'affirmation de l'intervention du Saint-Esprit et la non-intervention de Joseph dans la conception de Jésus, comme l'affirme le Symbole des apôtres : "conçu du Saint-Esprit, né de la vierge Marie".
    Cette double affirmation nous révèle d'abord que le lien entre Jésus et Dieu est constitutif de la personne de Jésus. Ce n'est pas un lien acquis, à un moment ultérieur de la vie de Jésus. Dès le début de sa vie, Jésus est celui que Dieu destine à devenir le Messie, le Christ. Cette naissance est bien l'accomplissement des prophéties d'Esaïe qui annonçait une naissance, un rejeton issu du tronc de Jessé, de la famille de David. Dieu a prévu et préparé la venue de son Messie, il n'a pas choisi un homme existant — qui lui aurait plu (qui aurait pu lui plaire ?) — pour qu'il devienne le Christ.
    "Conçu du Saint-Esprit, né de la vierge Marie" L'affirmation :"né de la vierge Marie" signifie l'exclusion de Joseph, de l'homme dans cette conception. Cette affirmation est à comprendre en écho au récit de la création de l'homme et de la femme, Adam et Eue. L'apôtre Paul fait ce lien entre Adam et le Christ. Adam est le premier d'une généalogie humaine et le premier de la généalogie des humains séparés de Dieu par le péché.
    En opposition, le Christ est le premier d'une nouvelle généalogie, celle des humains réconciliés avec Dieu. Cette opposition est marquée par la mise à l'écart — temporaire — de l'homme au masculin. Le masculin, avec son long passé patriarcal, est marqué par sa soif de pouvoir, de domination. Ce pouvoir, cette violence, cette domination devaient être écartés. Ce n'est pas par la vertu de l'homme, ni par son pouvoir ou par sa puissance, que le Fils de Dieu est venu visiter les humains, c'est par la seule et unique volonté de Dieu. Et pour réaliser son dessein, Dieu choisit ce qui est généralement méprisé, dénié, bousculé, oppressé : une jeune femme dans une société patriarcale.
    "Conçu du Saint-Esprit, né de la vierge Marie". Nous avons vu la face sombre de cet énoncé — la condamnation de l'oppression de l'homme sur la femme, image de toutes les oppressions — mais il y a aussi une face lumineuse : Dieu intervient lui-même — par le Saint-Esprit qui est comme son bras droit, sa présence dans notre monde — pour que se réalise sa volonté.
    Dans la personne de Jésus, Dieu s'incarne, prend corps, la Parole faite chair. En Jésus, Dieu s'est lui-même abaissé et caché dans l'humanité pour s'y dévoiler, s'y révéler pleinement à Pâques. Dieu assume pleinement la condition humaine, de la naissance à la mort, pas seulement pendant les trois ans du ministère de Jésus.
    En Jésus, la condition humaine est pleinement prise en compte et revalorisée. Jésus inaugure bien une nouvelle lignée, à laquelle nous somme invités à participer. Une nouvelle lignée dans laquelle nous pouvons aussi renaître, par la puissance du Saint-Esprit; souvenez-vous de Nicodème.
    Cette nouvelle lignée nous a été ouverte par Jésus, le Christ et nous pouvons y être associés — comme le dit Paul — en étant baptisés dans la mort et la résurrection du Christ et en participant au repas auquel Jésus nous invite pour commémorer sa vie et sa mort.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Exode 17. Dans notre désert, nous avons soif d'une eau qui nous restaure.


    Exode 17
    25.11.2012

    Dans notre désert, nous avons soif d'une eau qui nous restaure.
    Exode 17 : 1-7      Jean 4 : 7-15
    Téléchargez la prédication ici : P-2102-11-25.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers familles,
    Je vous ai fait entendre ce récit de l'Ancien Testament où le peuple hébreu a soif dans le désert et réclame de l'eau à Moïse. C'est un épisode de l'histoire des hébreux qui se situe pendant l'Exode. Vous vous en souvenez, le peuple hébreu vivait en Egypte. Il était devenu une menace pour le Pharaon et soumis à la corvée. Entendant les plaintes et les cris de douleur de son peuple, Dieu avait mandaté Moïse pour faire sortir le peuple des hébreux d'Egypte.
    Dans notre récit, le peuple est loin d'Egypte, il est dans le désert de l'Horeb (ou Sinaï), libre mais assoiffé. La vie dans le désert est difficile et certains regrettent la vie en Egypte, ils font des reproches à Moïse.
    Je vais faire une lecture symbolique de ce récit. Je fais le pari que ce récit — tout ancien qu'il soit — parle de nos situations celles que nous traversons aujourd'hui !
    Ce voyage du peuple hébreu dans le désert, c'est une image, une représentation de nos traversées du désert, de nos périodes difficiles, de nos temps de deuils, de nos épreuves. Nous aussi nous avons été blessés et chassés de nos territoires connus et balisés pour être jetés sur des routes inconnues, incertaines. Nous aussi nous nous retrouvons à être privés de l'eau à laquelle nous étions habitués, être privés de l'amitié d^'un être cher, de la sécurité d'un époux ou d'un père, de l'affection d'une épouse ou d'une mère.
    Dans notre désert, nous avons soif et nous crions notre soif et nous nous demandons — comme le peuple hébreu — "le Seigneur est-il parmi nous, oui ou non ?" (Ex 17:7) Nous avons soif d'un accompagnement, d'une présence. Nous disons notre soif — parfois nous crions notre soif : y a-t-il un Moïse pour nous entendre ?
    Y a-t-il un Moïse pour nous répondre ? Qui est Moïse pour nous ? Qui va frapper le rocher pour nous ? Pour faire jaillir l'eau de consolation, l'eau jaillante de vie pour continuer la route ? Où est notre rocher ? Où est l'Horeb, la montagne de Dieu ? Où est cette eau qui désaltère et restaure l'âme ?
    Dans l'Evangile de Jean, Jésus se présente à la Samaritaine comme celui qui donne cette eau qui désaltère et restaure. L'Evangile de Jean nous présente Jésus comme la source, l'eau qui donne la vraie vie, celui auprès de qui aller se ressourcer. L'évangéliste Jean le dit dans son récit de la Samaritaine, mais il y fait encore allusion dans la Passion de Jésus.
    Jean mentionne qu'après la mort de Jésus — pour vérifier que Jésus est bien mort — un soldat perce le côté de Jésus avec sa lance et Jean rapporte que "du sang et de l'eau sortent de son côté" (Jn 19:34). Jésus mourant sur la croit devient le rocher de l'Horeb d'où sort l'eau qui donne la vie.
    C'est du Christ sur la croix que coule l'eau qui donne la vie, l'eau qui ressource nos existences, l'eau qui désaltère nos vies, l'eau qui restaure notre âme.
    Le bâton de Moïse qui fait sortir de l'eau du rocher pouvait nous faire penser à une baguette magique qui n'a rien à voir avec notre réalité. Il en est autrement du Christ qui donne sa vie pour nous sur la croix, pour que nous vivions.
    Par ce geste, cet accomplissement, Jésus nous rejoint au plus profond de nos gouffres. La plaie d'où sort l'eau qui nous donne la vie nous dit que Dieu nous rejoint précisément là où nous sommes : dans nos blessures.
    Ce n'est pas un Dieu qui plastronne qui nous parle et nous offre une issue à notre souffrance. C'est un Dieu blessé qui vient à la rencontre de nos blessures pour nous proposer un chemin à faire ensemble vers la guérison, vers l'espérance, vers le relèvement, vers la résurrection.
    C'est Jésus, avec ses mains et ses pieds percés, avec son côté blessé qui se fait reconnaître par ses disciples après la résurrection (Jn 20). Ses blessures rejoignent nos blessures, son relèvement est notre relèvement, sa résurrection est notre guérison, notre retour à la vie.
    Ainsi, l'évangéliste Jean nous dit que Jésus est le rocher d'où jaillit la source d'eau qui apaise notre soif. Il est celui qui nous relie à la source de l'amour; il est celui qui nous relie à la vie, la vraie vie; il est celui qui nous relie à l'espérance pour nous restaurer, à sa Table lors de la Cène, pour reconstruire en nous la sécurité et la paix intérieure.
    Laissons-nous approcher par ce Dieu-là, qui connaît nos blessures, qui a traversé la douleur et la nuit. Il nous entraîne vers le jour, vers la lumière, vers la vraie vie. Laissons-nous approcher par ce Dieu-là.
    Amen
     © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Romains 1. Qu'est-ce qui nous justifie d'être, d'exister ?


    Jean 20

    4.11.2012   Culte de la Réformation

    Qu'est-ce qui nous justifie d'être, d'exister ?

    Romains 1 : 16-17      Jean 20 : 19-23

    Téléchargez la prédication ici : P-2012-11-04.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens, Chers bénévoles de la paroisse,
    La première parole que Jésus dit à ses disciples après la résurrection, c'est "la paix soit avec vous." (Jn 20:19). Et Jésus répète cette parole une deuxième fois, puis une troisième fois avec Thomas. "La paix soit avec vous" c'est le message du Christ ressuscité. C'est le message qu'il veut nous laisser, nous transmettre. On peut relire tout l'Evangile, tous les actes de Jésus à la lumière de cette Parole.
    Que vient-il apporter de la part de Dieu ? Il vient nous dire que Dieu est en paix avec nous, avec le malade paralysé, avec le lépreux, avec l'employé du fisc romain, avec l'homme riche, avec Simon le pharisien, avec la femme adultère. Jésus apporte le message que nous pouvons vivre en paix, intérieurement avec Dieu.
    Dieu veut nous donner la paix intérieure, la paix du cœur. Une paix qui se veut capacité d'accueillir ce qui arrive dans l'existence, sans en être anéanti ou dévasté. Capacité de prendre du recul, de mettre les choses en perspective. Capacité de ne pas se laisser emporter par une tempête dans un verre d'eau. Mais aussi capacité à ne pas tout contrôler pour laisser de la place à l'inattendu.
    Pourquoi n'avons-nous pas cette sérénité (la plupart du temps, la plupart d'entre nous) ? Pourquoi l'élève tremble-t-il devant le maître, l'ouvrier devant le patron ? Pourquoi nous troublons-nous devant certaines personnes ? C'est souvent parce que nous nous voyons comme inférieurs ou insuffisants et que l'autre a le pouvoir de nous abaisser ou de diminuer notre valeur.
    Nous nous sentons menacés lorsque nous devons nous justifier. Se justifier, c'est devoir attester de sa propre valeur. Ce n'est pas seulement difficile, c'est un piège : comment attester de ma propre valeur quand justement le doute s'insinue en moi ?
    Combien de fois devons-nous nous justifier, si ce n'est extérieurement, du moins intérieurement face à soi-même ! Répondre de nos actes, c'est normal, c'est la responsabilité. Mais cela devient insidieux et dévastateur lorsqu'on nous demande de justifier de notre place, de notre être, de notre existence. Et là je pense aux chômeurs, aux personnes à l'AI ou au RI, ou ceux qui reçoivent une bourse d'étude ou aux personnes dans les EMS. Mais on rencontre aussi cela dans nos relations, est-ce que je mérite son attention, son amitié, son amour ? Qu'est-ce qui nous justifie d'être, d'exister ?
    Vous connaissez tous la situation — en avion ou au théâtre — où quelqu'un arrive et vous dit : "C'est ma place !" alors que vous êtes déjà assis. Qui va départager ? C'est le ticket, le billet avec le numéro de la place.
    J'aimerais rapporter cela à Martin Luther, le Réformateur. Martin Luther était moine dans un couvent. Il avait choisi d'être moine pour être en ordre avec Dieu. Au moins, au couvent, on vit une vie digne de Dieu. Mais voilà, dans sa vie quotidienne, Luther ne se sentait pas en règle avec Dieu, il était comme un voyageur sans billet, ou avec un billet griffonné de sa propre main. Essayez de prendre l'avion avec un billet écrit de votre propre main ! Luther vivant dans l'angoisse de celui qui voyage sans billet, jusqu'au jour où il a lu le passage de la lettre de Paul aux Romains : "La bonne nouvelle révèle comment Dieu rend les humains justes devant lui" (Rm 1:17).
    Qu'est-ce que Luther a compris de ce verset ? Il a compris que Dieu lui-même délivre le ticket qui justifie la place qu'on a dans le monde. Un billet émis par Dieu lui-même ! Quel soulagement, quelle délivrance. Dieu lui-même nous attribue notre place dans le monde. Nous avons une place assurée, nous avons un justificatif de voyage, plus besoin de vivre dans l'angoisse du passage du contrôleur.
    "La paix soit avec vous" votre ticket est valable. Nous sommes à notre place. Plus besoin de passer sa vie au couvent, chacun peut accomplir sa vocation dans le métier, le rôle de son choix. En fait, chacun peut être lui-même, il n'y a pas de modèle imposé. Steve Jobs le disait dans ces mots : "Votre temps est limité, ne le gâchez pas en menant une existence qui n'est pas la vôtre."
    Nous avons seulement à être nous-mêmes, à développer nos ressources propres, à les mettre au service d'autrui, à offrir ce qu'on a, seulement ce qu'on a, tout ce qu'on a, là où on est.
    Voilà ce que la Réforme a rappelé à partir de 1517 : Dieu nous apporte la paix, la paix du cœur. Nous n'avons pas à justifier de notre place sur la terre, notre vocation n'est pas ailleurs ou autre chose. Il ne s'agit pas de faire plus ou autrement, mais de faire pleinement ce que nous savons faire. Il s'agit d'être pleinement ce que nous sommes.
    Et la vocation de l'Eglise, c'est de rassembler ceux et celles qui cherchent à être eux-mêmes et de communiquer cette permission d'être, d'être soi-même sous le regard bienveillant de Dieu. En participant à la vie de l'Eglise, à la vie de la paroisse, vous participez à cette mission de faire croître la paix du cœur.
    Merci.
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Matthieu 28. Comment nourrir l'âme de nos enfants ?

    Matthieu 28
    7.10.2012
    Comment nourrir l'âme de nos enfants ?

    Dt 6 : 4-7    Matthieu 28 : 16-20

    Téléchargez la prédication ici :P-2012-10-07.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, 
    La semaine dernière, je suis tombé sur un article dans 24Heures qui avait pour titre : "Les jeunes baissent les bras face à l'adversité." (27.9.2012, p.29) Une enquête, menée sur Vaud et Genève, montrait que la plupart des jeunes — lorsqu'ils affrontent une situation difficile — sont résignés, ils ressentent un sentiment d'impuissance, d'absurdité et de solitude. Ils se sentent démunis, découragés.
    Je retiens le sentiment d'impuissance et la solitude. D'où cela vient-il ? Certainement qu'une part vient de la situation de notre monde. Tout est globalisé et cela donne le sentiment que notre sort se joue ailleurs et que nous avons bien peu d'influence sur les grands problèmes de ce monde — la finance, la crise, le climat etc…
    Cependant, les générations précédentes — et je pense à celles qui ont traversé la Première et la Seconde guerre mondiale — n'avaient pas plus de prise que nous sur les événements mondiaux. Malgré tout, ils gardaient espoir et n'ont pas baissé les bras !
    Qu'est-ce qui a changé entre les grands-parents d'alors et les jeunes d'aujourd'hui ? 
    Entre toutes les choses qui ont changé, et elles sont nombreuses, je vais choisir l'éducation. Avant la généralisation de l'école, les enfants apprenaient à imiter les gestes des parents et reprenaient le métier familial. Le fils du boulanger devenait boulanger.
    Avec l'école, on s'est mis à apprendre des contenus, des données : les langues, les dates importantes de l'histoire, les tables de multiplications,  des poésies. Il fallait accumuler du savoir.
    Aujourd'hui, avec Internet, il devient plus important de savoir où chercher et trouver les données, sans les accumuler. Mes numéros de téléphones sont dans mon portable, plus dans ma tête. 
    Je n'ai rien contre cette évolution du savoir lorsqu'il concerne le cerveau. Par contre, je pense que cela commence à poser un problème sérieux en ce qui concerne l'âme. Quand je parle d'âme, c'est un raccourci commode pour parler de la personnalité, du sentiment d'être, d'être une personne, de vivre une vie qui a du sens.
    Ce sens, le sens de l'existence, nous avons à le construire en nous-mêmes et par nous-mêmes. Nous ne pouvons pas aller le chercher sur Internet. Le sens de notre existence ne se trouve pas à l'extérieur de nous-mêmes. Notre personnalité — notre sens d'être un tout — doit être à l'intérieur de nous-mêmes. L'iCloud convient à l'ordinateur, Internet convient au cerveau, mais pas à l'âme.
    Pour avoir le sentiment que notre vie a un sens, nous devons pouvoir raconter notre vie comme une histoire qui a du sens, qui fait sens, où les différents épisodes de notre vie se tiennent, sont liés par quelque chose.
    Le Christianisme propose de voir sa vie tenue entre les mains de Dieu, d'un Dieu aimant et bienveillant, d'un Dieu qui nous aide à porter ce que nous devons porter et qui porte à notre place ce qui est insupportable. Un Dieu qui a vécu une vie humaine pour savoir de l'intérieur de quoi il s'agit et qui nous dit, au moment de repartir : "Je suis avec vous, tous les jours, jusqu'à la fin des temps." (Mt 28:20)
    Je crois que pendant ces 20 ou 30 dernières années, il y a eu un déficit dans la transmission de ce message de confiance et d'espoir. En ne parlant plus aux enfants de ce "Dieu avec nous" on a fait passer ce message implicite : Vous êtes seuls dans l'univers. Il n'y a personne à appeler au secours. Il n'y a personne qui puisse vous venir en aide.
    Cela n'aide pas à vivre. Cela n'aide pas à avoir confiance, ni à chercher de l'aide. Cela n'aide pas à garder l'espoir. Pas étonnant, dès lors, que les jeunes élevés ainsi baissent les bras devant l'adversité. On ne leur a pas permis d'avoir accès à la source de l'espérance. On les a privés de secours, on les a privés d'une source d'expérience : je veux parler des histoires bibliques.
    Nous avons vu que le sens de notre existence vient de la possibilité de raconter sa propre histoire comme un récit où les épisodes sont liés les uns aux autres par quelque chose qui leur donne une direction, un sens.
    Les histoires de la Bible — mais on peut y ajouter la mythologie ou les contes — sont un trésor d'expériences humaines qui disent comment avant nous, d'autres personnes ont surmonté leurs difficultés. Pensez à Joseph vendu par ses frères comme esclave, qui se retrouve intendant du palais de Potifar, puis jeté en prison sur une accusation fausse et qui rencontre en prison celui qui va le faire connaître au Pharaon, qui le nommera Premier ministre (Genèse 37—45). Ou l'histoire de Daniel dans la fosse aux lions (Daniel 6).
    Des histoires riches en symboles qui disent que nous sommes gardés, accompagnés, guidés. Ces histoires — racontés aux enfants — nourrissent leurs âmes d'expériences qui donnent espérance et confiance. Des histoires qui disent que lorsque nous nous sentons impuissants, Dieu prend le relais. Ce n'est pas à nous de sauver le monde, nous avons juste à faire notre petite part de travail.
    Parents, grands-parents, vous n'avez plus à faire l'école à vos enfants ou petits-enfants, mais vous avez à nourrir leur âme, à enrichir leur être, leur personnalité. Racontez des histoires — celle de votre famille, celles de la Bible, celles des contes — racontez des histoires qui vont devenir une bibliothèque mentale d'expériences humaines dans laquelle vos enfants et petits-enfants pourront puiser, au fur et à mesure de leur croissance.
    Ils auront ainsi une réserve d'histoires pleines de sens pour affronter l'adversité sans baisser les bras. Dans l'impuissance, ils se sauront secourus, dans la solitude, ils se sauront accompagnés. Transmettons ensemble la promesse de Jésus "Je suis avec vous, tous les jours, jusqu'à la fin des temps."
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Marc 7. Aimer son enfant, c'est…

    Marc 7
    30.9.2012
    Aimer son enfant, c'est…
    Esaïe 29 : 17-21     Marc 7 : 31-37

    Téléchargez la prédication ici : P-2012-09-30.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers parents et catéchumènes,
    J'aimerais commencer par vous féliciter d'être là, d'être venus aujourd'hui pour vivre ce culte. Félicitations pour vous spécialement, les parents des catéchumènes : vous avez fait l'effort de motiver vos enfants à venir ce matin, vous avez fait l'effort d'inscrire votre enfant au catéchisme. Cela montre que vous avez du cœur, de l'amour pour vos enfants, que vous vous préoccupez de leur éducation, de leur croissance, de leur devenir de personnes et cela devient rare dans notre société actuelle.
    Donner une éducation religieuse à son enfant devient une exception de nos jours. C'est aller à contre courant de la voie majoritaire de notre société, d'où mes félicitations.
    Pourquoi tant de gens suivent-ils cette voie majoritaire ? On peut se le demander, car enfin, notre société est-elle si belle, va-t-elle si bien, est-elle tellement exemplaire qu'il faille suivre aveuglément ses tendances ?
    Vous, vous allez à contre courant, et je crois que vous avez fait le bon choix, même si c'était un choix difficile. Vous l'avez fait parce que vous portez vos enfants dans votre cœur et c'est là que je commence la comparaison avec le récit biblique d'aujourd'hui : la guérison de ce sourd-muet par Jésus.
    On y voit des gens qui amènent à Jésus un homme qui est sourd et muet. Ils le portent, dit le texte, comme si son handicap l'empêchait de marcher, d'avancer dans la vie. En fait, je crois qu'ils le portent dans leurs cœurs, ces gens veulent le meilleur pour lui, c'est pourquoi ils le portent vers Jésus, pour qu'il pose ses mains sur lui, pour une bénédiction.
    Mystérieusement, ces gens sont persuadés que Jésus peut faire du bien à cet homme. De la même manière que vous pensez — aussi mystérieusement — que cela fera du bien à votre enfant de s'approcher de Jésus, de le découvrir, de le rencontrer.
    Un mot d'explication sur ma façon de lire les récits bibliques : pour moi, la façon la plus fructueuse de les lire aujourd'hui, c'est d'y chercher une image, une transposition de notre vie personnelle, de notre vie intérieure, de nos relations, les uns avec les autres ou avec Dieu.
    C'est pourquoi je vois cet homme sourd et muet, non pas comme un handicapé physique, mais comme une image de nous-mêmes. N'avons-nous pas besoin d'être portés vers Jésus ? Ne sommes-nous pas fermés, hermétiques, handicapés face à la dimension spirituelle de la vie ?
    Si vous avez un accès direct à Dieu, si vous entendez la voix de Dieu et si toutes ces questions sur la vie et la mort ont déjà reçu des réponses satisfaisantes, alors ces paroles ne s'adressent pas à vous.
    Pour moi, cela n'est pas aussi clair ! Je me sens sourd et la parole embrouillée quand il faut parler de Dieu. J'ai besoin d'être porté par la communauté vers les mains de Jésus pour qu'il ouvre mes oreilles et mon cœur, pour qu'il délie ma langue.
    C'est ce que Jésus fait avec cet homme sourd-muet qui nous représente. Il lui touche les oreilles, il lui touche la langue et il dit ce mot "Effata !" qui veut dire "Sois ouvert !" dans le sens qu'une force ouvre un passage à travers lui pour que le souffle circule.
    C'est l'action de Jésus en nous : faire tomber les blocages. Faire tomber les barrières, les obstacles dans nos relations. L'action de Jésus, c'est d'ouvrir des voies de communications entre les humains entre Dieu et nous, entre la vie courante et la vie spirituelle. L'action de Jésus, c'est de transformer la platitude en joie, l'utile en poésie.
    En fréquentant l'Eglise et le catéchisme, vous ouvrez un chemin devant vos enfants pour qu'ils développent une personnalité riche et solide — on dit résiliente aujourd'hui.
    Vous avez accompagné vos enfants ici ce matin pour l'ouverture du catéchisme, vous avez fait un gros travail pour lequel nous vous sommes reconnaissants. Mais le chemin n'est pas terminé. Il est important que vous continuiez d'accompagner vos enfants pour faire un bout de chemin avec eux. Vous voulez qu'ils s'ouvrent à la présence de Jésus, ouvrez-vous avec eux. Découvrez Jésus avec eux et avec vos yeux d'adultes.
    Vous les jeunes, acceptez un instant qu'il y a des choses qui vous sont encore inconnues — auxquelles vous êtes, pour le moment, sourds et aveugles. Ne fermez pas la porte. Laissez-vous ouvrir un espace, une place inconnue pour découvrir la dimension spirituelle, ce lien avec l'infini, avec l'éternité, avec tout ce qui nous dépasse.
    Chers parents, tout à l'heure vos enfants vont recevoir un Evangile de Luc annoté*, avec des explications. Il est fait pour être lu à plusieurs, en groupe ou en famille. Ouvrez-vous avec eux à la Parole de Jésus, découvrez que vous pouvez partager des choses essentielles avec vos enfants. C'est une occasion de vous ouvrir à eux de vos pensées ou de vos questions spirituelles et c'est l'occasion de leur laisser exprimer leurs pensées et leurs questions spirituelles. Qu'y a-t-il de plus précieux qu'un tel échange dans la vie ?
    Encore un mot sur la fin du récit. On n'entend plus parler de l'homme sourd, mais seulement de ceux qui l'ont porté vers Jésus. Les gestes de Jésus ont eu un fort impact sur son entourage, eux-mêmes s'ouvrent à la Parole de Jésus et se mettent à faire des liens.
    Les gens avaient entendu les promesses de l'Ancien Testament, d'Esaïe, sur la venue d'un sauveur, du Messie. Et là, tout à coup, ils font le lien entre ce qu'ils avaient entendu et ce qu'ils voient. Leurs oreilles et leurs yeux s'ouvrent : ils reconnaissent Jésus comme l'envoyé de Dieu.
    Vous avez fait le pas d'envoyer votre enfant découvrir Jésus au catéchisme, continuez le chemin avec lui, ouvrez-vous en même temps que lui — ne restez pas sourds — à la Parole de Dieu. Marchez ensemble, parlez de Dieu ensemble — ne restez pas muets. Et puis, vous les enfants, stimulez vos parents, exigez d'eux qu'ils vous accompagnent, questionnez-les, ouvrez-vous ensemble à Jésus.
    Amen
    * lancement de la campagne "Lire l'Evangile de Luc" : 
http://www.cath-vd.ch/L-Evangile-a-la-maison-lancement.html
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Osée 2. Au lieu de punir, Dieu veut reconquérir son peuple

    Osée 2
    16.9.2012
    Au lieu de punir, Dieu veut reconquérir son peuple
    Osée 2 : 16-22     Matthieu 9 : 35-38

    Téléchargez la prédication ici : P-2012-09-16.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    En ce jour de Jeûne fédéral, nos autorités cantonales nous invitent à une journée de prière et de jeûne, une tradition vieille de presque 200 ans. La prière, nous savons ce que c'est et à quoi elle "sert" : à nous ouvrir à la dimension divine et à exprimer nos besoins.
    Le jeûne, c'est plus difficile, surtout dans notre tradition réformée. Disons que celui qui s'essaie au jeûne peut s'en servir comme d'un révélateur. Révéler ce que c'est que ressentir la faim et se rapprocher de la moitié de l'humanité qui l'éprouve de manière forcée. Et révéler — de manière plus large — ce qui vient à nous manquer, c'est-à-dire nos dépendances : de quoi n'arrivons-nous pas à nous priver ? Qu'est-ce que nous considérons comme indispensable, incontournable, dont on ne peut pas se passer ?
    Rejoignons maintenant le prophète Osée. Il vit dans une situation de troubles politiques considérables. L'empire d'Assyrie menace à tout moment d'envahir la terre d'Israël et le pouvoir royal est l'objet d'incessantes rivalités. La situation économique est mauvaise. Les prophètes voient dans cette situation une punition divine. L'idolâtrie des rois envers Astarté et Baal, qui entraîne celle du peuple, est dénoncée par les prophètes comme la cause de leurs malheurs.
    Osée emboîte le pas, en dénonçant l'idolâtrie. Il compare Dieu à un mari et Israël à une épouse infidèle. Mais là où tous les autres prophètes appelleraient à punir l'épouse infidèle, Osée dévoile une autre stratégie : Dieu veut reconquérir sa femme, et rallumer sa flamme. Dieu se lance dans une offensive de séduction pour faire renaître l'amour de son peuple pour lui.
    Tout n'est pas effacé. L'accusation d'idolâtrie est maintenue. Dieu ne ferme pas les yeux sur ce qui s'est passé, mais il veut repartir sur des bases nouvelles, créer une nouvelle relation. L'idolâtrie n'a plus cours aujourd'hui. On ne sait plus trop ce que cela représente. Il faut trouver des mots neufs pour exprimer cette réalité.
    L'idolâtrie : c'est remplacer des vraies valeurs par du toc, l'essentiel par de l'apparence, du vrai par du faux. L'idolâtrie, ce sont des rapports faussés où l'accessoire remplace l'essentiel, ou l'immédiateté devient plus importante que le long terme. Là, on voit mieux le rapport à notre société. L'idolâtrie, c'est la distorsion qui fait que je ne vais pas rouler moins en auto, même si je sais que tous les ours polaires vont disparaître bientôt; mais je me sentirai très coupable si j'écrase un hérisson avec ma voiture.
    Le Jeûne fédéral est une occasion de penser à ces distorsions — dont nous sommes rarement coupable individuellement (ce n'est pas moi tout seul qui suis responsable du réchauffement climatique) — mais dont nous sommes tous collectivement responsables. C'est penser à ces distorsions, à ces dépendances qui rendent le monde de moins en moins vivable, de moins en moins respirable ou sûr. 
    Les prophètes d'aujourd'hui renforcent ce sentiment de culpabilité par leurs discours en espérant que nous changerons de comportement. Le prophète Osée essaie une autre voie, en nous disant que Dieu ne veut pas nous punir, mais qu'il veut nous reconquérir. Il veut rallumer en nous le sentiment du beau, le sentiment de la joie d'être ensemble.
    A la culpabilité écologique d'aujourd'hui, Osée opposerait l'appel à notre émerveillement face à la nature. Il ferait appel à notre amour de la nature. Ne trouvez-vous pas la nature si belle que cela vaut la peine de la ménager, de la préserver ?
    Bon, Osée ne parle pas d'écologie, mais de relations, d'abord de la relation à Dieu, parce que quand la relation essentielle va, toutes les autres s'alignent et se mettre à aller bien. Osée affirme que Dieu veut à nouveau se fiancer à son peuple et voilà ce que Dieu dépose dans la corbeille de mariage : trois paquets-cadeau que nous allons déballer ensemble.
    Dans le premier paquet, il y a l'éternité. Dieu veut avec nous une relation durable, solide, qui tienne dans le temps. Une relation sur laquelle on puisse se reposer.
    Dans le deuxième paquet, il y a quatre choses : la justice et le droit; l'amour et la compassion. Le droit, c'est la liste de ce qui est interdit ou prescrit, ce qui permet de savoir à quoi s'en tenir. Le droit assure la sécurité et la confiance. La justice et le système judiciaire assurent que le droit est appliqué. Cela permet la vie ensemble. Là où le droit et la justice n'existent pas, c'est le règne des clans, des mafias et des dictateurs. C'est le règne de la violence et des plus forts. Dieu veut le respect du droit et de la justice pour que les petits et les faibles soient respectés.
    L'amour et la compassion, c'est ce que Jésus est venu nous montrer en acte. C'est le visage du Père qu'il nous a révélé. C'est le ciment des relations interpersonnelles, c'est le remède aux relations faussées et distordues. Jésus est venu soigner et guérir ces relations faussées et distordues.
    Enfin, dans le troisième paquet-cadeau, il y a la vérité, en hébreu le "amen", l'amen qu'on prononce à la fin de nos prières pour dire "c'est vrai, c'est solide, c'est la vérité."
    Voilà les six valeurs que Dieu met dans la corbeille de mariage avec son peuple. Voilà les six valeurs que Dieu vient mettre comme base à sa relation avec lui. Et Osée termine ce message par cette conclusion : "Alors tu me connaîtras comme Seigneur." (Os 2:22)
    Ces six valeurs dessinent le visage de Dieu, tel qu'il veut se révéler, tel qu'il veut se faire connaître. Et il nous invite — en ce jour de Jeûne fédéral — à lever les yeux vers lui pour le voir ainsi, et à nous laisser conquérir par ces valeurs, de manière à ce qu'elles prospèrent dans notre monde.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Jean 3. Jésus est venu dans le monde pour révéler la deuxième dimension de la vie.

    Jean 3
    2.9.2012
    Jésus est venu dans le monde pour révéler la deuxième dimension de la vie.
    Marc 1 : 9-11     Jean 3 : 1-9

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,
    Nous découvrons aujourd'hui le personnage de Nicodème, dans sa rencontre avec Jésus. Le récit nous dit qu'il appartient au parti des Pharisiens, qu'il est un des chefs des juifs — il fait partie du Conseil appelé le Sanhédrin — et il dit lui-même qu'il est âgé.
    Les Pharisiens sont un groupe de gens très religieux, qui cherchent à se rapprocher de Dieu au travers de leur pratique, de leur stricte obéissance de la Loi de Moïse. Ils l'ont détaillée en une longue liste de commandements. Les Pharisiens ne se contentent pas d'observer et de pratiquer ces commandements, ils surveillent aussi les autres pour que chacun observe également ces commandements.
    Jésus est souvent confronté à leurs critiques. Il ne manque pas non plus de dénoncer leur hypocrisie, les accusant de filtrer le moucheron, mais d'avaler le chameau (Mt 23:24).
    Cette nuit-là, Nicodème vient secrètement rencontrer Jésus. Nicodème perçoit quelque chose d'exceptionnel chez Jésus, il croit reconnaître une origine divine aux paroles et aux actes de Jésus. Avant même que Nicodème ne pose une question à Jésus, Jésus lui dit ce qui lui manque : "Personne ne peut voir le Royaume de Dieu s'il ne naît pas de nouveau, ou s'il ne naît pas d'en haut" (Jn 3:3) (le mot grec signifie en même temps de nouveau et d'en haut). Jésus perçoit que Nicodème est en recherche, en quête du Royaume de Dieu, dans une quête spirituelle.
    Suit une sorte de dialogue de sourd où Nicodème oppose l'impossibilité pour un adulte ou une personne âgée de naître de nouveau de sa mère. Nicodème reste dans le terre-à-terre. Il reste dans les possibilités matérielles : personne ne peut retourner dans le ventre de sa mère pour naître une deuxième fois. C'est que Nicodème n'a pas vu la deuxième signification de ce "renaître." En fait, de manière générale, Nicodème ne voit pas la deuxième dimension de l'existence. Et Jésus est justement venu dans le monde pour révéler cette deuxième dimension de la vie, celle qui vient d'en haut.
    Nous naissons tous une fois dans ce monde, et nous avons besoin de ce corps pour y vivre, et nous avons besoin de nourrir ce corps, d'en prendre soin, de le faire grandir… pas de problème. Mais la vie ne se limite pas à cette dimension. Nous ne nous nourrissons pas seulement de lait maternel ou de pain. Nous avons besoin du regard de nos parents, nous avons besoin de recevoir de l'amour, nous avons besoin de relations.
    La vie humaine ne se réduit pas à la vie matérielle. Nous avons besoin d'être nommés. Nous avons tous besoin d'être appelés, nous avons tous besoin d'être adoptés.
    C'est ce que nous voyons dans le baptême de Jésus. Il y a la part matérielle avec l'eau du baptême pour le corps, mais ensuite il y a cet esprit qui vient d'en haut — visualisé par la colombe — et il y a cette parole d'amour et d'adoption : "Tu es mon fils bien-aimé en qui je mets toute mon affection." (Mc 1:11).
    C'est cette parole qui nous fait vivre, bien plus que ce que nous mangeons. Ce sont ces paroles d'amour et ces gestes d'affection qui affermissent notre confiance dans la vie, dans la valeur de notre existence. Peu importe l'ADN partagé ou non, c'est l'amour que nous recevons qui nous constitue comme être humain, aimé, engendré d'en haut.
    Nous sommes faits de cette double dimension, le charnel et le spirituel. Nous sommes boiteux si nous oublions une de ces dimensions. Et c'est ce que fait Nicodème. Comme Pharisien, il était tellement dans le contrôle de l'obéissance pratique aux commandements qu'il en oubliait la raison, le but ou la provenance : en haut.
    C'est pourquoi Jésus lui rappelle tout de suite l'essentiel : "Il faut naître à la vie d'en haut" et Jésus ajoute que cet "en haut" relève de l'eau et de l'esprit, l'esprit qui est comme le vent. Ce que Jésus veut dire, c'est que la vie d'en haut, cette deuxième dimension de l'existence ne peut pas se laisser enfermer dans un catalogue de prescriptions. Cette deuxième dimension de l'existence et de l'ordre de la liberté, de la danse, de la joie. Cette deuxième dimension, c'est ce qui donne du relief à l'existence, ce qui donne de la vie à la vie.
    Dans chaque moment de la vie, on peut saisir ces deux dimensions. Quand je fais la vaisselle, je peux penser à la corvée que cela représente, mais je peux aussi penser que je rends service à mon conjoint, à ma famille et plus encore, je peux anticiper le plaisir d'une belle table avec ses invités.  Quand je travaille, je peux penser au salaire qui tombera à la fin du mois et à la sueur que cela me demande, mais je peux aussi me réjouir de ce que mon travail apporte aux autres, comment il leur facilite la vie, comment ce que je fais contribue au bien commun. Quand je vois un coucher de soleil, je peux penser qu'il ne s'agit que de la réfraction d'ondes lumineuses au travers des couches de l'atmosphère, ou bien je peux m'émerveiller et me réjouir du jeu des couleurs et avoir envie de partager cette joie avec ceux que j'aime.
    Jésus appelle Nicodème à lever les yeux du guidon, à voir au-delà du factuel et du matériel. Nous sommes appelés à voir le monde, à voir ceux qui nous entourent avec un autre regard. Quitter le terre-à-terre pour un regard illuminé d'une lumière qui vient d'en haut.
    Nous sommes invités à aller au-delà des explications matérielles qui ne nous nourrissent pas, pour recevoir ou inventer une réponse poétique qui enchante nos sens; une réponse qui nous entraîne dans un pas de danse sur les ailes du vent.
    Amen

    ©Jean-Marie Thévoz, 2012

  • 1 Timothée 6. Se préparer une vieillesse heureuse (II)


    19.8.2012
    Se préparer une vieillesse heureuse (II)
    1 Timothée 6 : 17-19       Mat 6 : 19-23
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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous avons vu dimanche passé, avec le poème de l'Ecclésiaste, comment il décrivait — soyons directs — la décrépitude du très grand âge. Nous avons vu que l'extrême vieillesse apporte avec elle un immobilisme, un arrêt des changements, des possibilités de transformation de l'être et du caractère. Il en résulte la nécessité de préparer sa vieillesse, d'anticiper pendant que le changement est encore possible.
    Mais en fait, pourquoi faut-il changer quelque chose en nous entre la période active et la vieillesse ? Pourquoi ce que nous avons construit ne peut-il pas se prolonger simplement pendant la vieillesse ?
    Je répondrai par une autre question : Que reste-t-il à faire quand je ne peux plus rien faire ?
    C'est bien le problème de notre société face à la vieillesse ! Notre société est fondée sur le faire, le produire, l'agir. "Vous êtes quelqu'un en fonction de ce que vous faites" nous dit-on. Alors que devenons-nous lorsque nous n'avons plus rien à faire ?
    Si nous voulons une vieillesse heureuse pour nous, il faut trouver autre chose que ce que la société propose. Il faut faire reposer notre valeur sur autre chose que le faire. Nous devons abolir notre dépendance aux valeurs de cette société — du monde — pour nous ancrer ailleurs.
    Jésus disait à ce propos : "Ne vous amassez pas des trésors dans ce monde, mais amassez-vous des richesses dans le ciel." (Mt 6:19-20).
    Il y a un temps pour le confort, mais il y a un temps où il faut passer à quelque chose de plus solide, de plus durable, qui ne soit pas périssable, qui ne puisse partir en poussière dans la perte de nos capacités, de notre mobilité ou de nos sens.
    Mes trésors sont-ils sur terre ou sont-ils au ciel ? Le philosophe allemand Nietzsche propose un test pour évaluer soi-même la valeur de sa vie. Il propose de se demander : si je devais éternellement revivre ma vie, cette vie-là, est-ce que je ferais les mêmes choix, est-ce que je la revivrais de la même façon ?
    Voilà un crible intéressant qui permet de voir ce qui a de la valeur et ce qui n'en a pas ou qui est de valeur négative et qu'on devrait changer. Une infirmière en soins palliatifs américaine a relevé les regrets les plus souvent évoqués par les mourants. Ce sont : "J'aurais souhaité avoir le courage d'exprimer mes sentiments." "J'aurais souhaité rester en contact avec mes amis" et "j'aurais souhaité avoir le courage de vivre la vie que je voulais et non pas celle que les autres attendaient de moi." (Bronnie Ware, The Top Five Regrets of The Dying, Hay House, 2012)
    Vous remarquerez que les souhaits ne portent pas sur des productions, des actions qui n'ont pas pu être réalisées (construire une maison, planter une forêt…) mais chaque regret est en lien avec l'être et la vie. Regrets en liens avec ses émotions qui auraient pu être partagées avec d'autres. Regrets sur les relations abandonnées. Regrets sur des désirs non exprimés, sur une affirmation de soi muselée.
    Réaliser des choses pendant sa vie — avant de mourir — ne demande ni fortune, ni forme physique exceptionnelle, ni compétences hors normes. Réaliser ces choses, c'est amasser un trésor dans le ciel, amasser une estime de soi et un sentiment de valeur et d'accomplissement que rien ne peut ôter, ni la vie en EMS, ni la perte de fonction, ni la mort finalement.
    Se préparer à la vieillesse n'est donc rien d'autre que se donner le sentiment d'avoir réussi sa vie ! C'est aussi simple que cela ;-) !
    Ce qui est compliqué, c'est comment y arriver à ce sentiment d'accomplissement. J'ai trouvé une direction intéressante dans la première lettre à Timothée. Paul fait des recommandations à Timothée et aux autres lecteurs de cette lettre :
    "Recommande à ceux qui possèdent les richesses de ce monde de ne pas s'enorgueillir ; dis-leur de ne pas mettre leur espérance dans ces richesses si incertaines, mais en Dieu qui nous accorde tout avec abondance pour que nous en jouissions. Recommande-leur de faire le bien, d'être riches en actions bonnes, d'être généreux et prêts à partager avec autrui. Qu'ils s'amassent ainsi un bon et solide trésor pour l'avenir afin d'obtenir la vie véritable." (1 Tim 6 : 17-19).
    Il s'agit-là, d'abord, de reconnaître l'illusion de bonheur que propose la société romaine autant que la nôtre, les choses n'ont pas beaucoup changé. Ensuite Paul fait des recommandations positives : dis-leur de faire le bien, d'être riches en belles actions, de donner généreusement, de veiller au bien commun et finalement de se constituer un beau "socle" (je reviendrai sur ce terme) pour l'avenir et pour se saisir de l'essence de la vie, de la vraie vie. N'est-ce pas un beau programme ?
    Le but est de construire une assise, un fondement — un socle — qui soit beau pour sa vie. Imaginez ici un temple grec avec les trois marches en pierres taillées de son socle, l'assise sur laquelle repose tout le temple, même 2'000 ans plus tard. Avec une belle assise comme celle-là, bien solide, notre vie ne sera pas ébranlée par la vieillesse ni par la mort. Ce beau socle est bâti sur de belles actions.
    Il y a plusieurs étapes dans la vie. Une période pour apprendre, une période pour produire et être actif, pour engendrer. Vient ensuite — si nous voulons une belle vieillesse — une période pour faire du bien, pour être bienfaisant, dit l'apôtre Paul. Une période où l'on soigne particulièrement — de l'intérieur — notre façon d'être au monde. Cultiver la joie d'être-là, la joie de s'émerveiller, s'émerveiller de la nature, des créations humaines, des personnes qui nous entourent. Il s'agit d'apprendre à voir le bon et le beau autour de soi et d'entrer dans la danse pour participer à l'embellissement du monde autour de nous.
    Khalil Gibran disait : "Tout ce que vous avez sera donné un jour. Donnez donc maintenant afin que la saison de donner soit vôtre, et non celle de vos héritiers."
    Cette étape consiste à passer du "faire" tout court que prône la société, à "faire du bien" autour de soi. C'est ainsi que se construit la satisfaction intérieure, le sentiment d'accomplissement qui nous aidera au moment de devoir se dépouiller peu à peu de ce qui faisait notre vie.
    La prochaine étape, dimanche prochain, sera d'apprendre à recevoir, une étape qui semble encore plus difficile que celle de faire du bien.
    (à suivre)
    © Jean-Marie Thévoz, 2012