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bible - Page 36

  • Matthieu 10. Rusé comme le serpent, innocent comme la colombe

    Mt 10
    2.2.2003
    Rusé comme le serpent, innocent comme la colombe
    Eccl. 9 : 13-18 Mt 10 : 16-20 Mt 5 : 38-42

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Tous nos journaux — qu'ils soient en papier ou à la télévision — s'en préoccupent et nous l'annoncent comme prévisible, prévue, inévitable : je veux parler de la guerre en Iraq ! La guerre en Iraq est une préoccupation pour beaucoup d'entre nous, comme j'ai pu m'en rendre compte dans mes dernières visites. Que pouvons-nous faire ? Où va le monde ? Pourquoi cette guerre nous est-elle présentée comme inévitable ?
    Je ne vais par répondre à toutes ces questions, d'abord parce que je n'en serais pas capable, ensuite parce que n'est pas le lieu ici, nous ne sommes pas sur un plateau de télévision. Cependant, je pense qu'il est nécessaire que nous y réfléchissions en tant que chrétiens. L'évangile a sûrement quelque chose à nous dire sur les circonstances que nous vivons. L'Eglise a sûrement quelque chose à faire entendre dans le concert des opinions présentes.
    Bien sûr, il y a le risque que l'Eglise se mette à "faire de la politique." Certains pensent qu'elle devrait en faire davantage, d'autres qu'elle ne devrait pas y toucher. Ce dont je m'aperçois, c'est d'une part que le monde se plaint de ne plus avoir de points de repères pour penser les problèmes d'aujourd'hui, et d'autre part que nous sommes dépositaires d'un message, d'une bonne nouvelle qui n'est pas silencieuse sur le problème de la violence et de la vengeance. Politique ou pas, nous sommes des témoins et nous avons la mission de témoigner de l'évangile.
    Lorsque Jésus envoie ses disciples en mission, il les avertit que cette tâche n'est pas sans risque. Témoigner de l'évangile soulève des oppositions, voire des persécutions. Témoigner de l'évangile peut même conduire "à comparaître devant des dirigeants et des rois, pour pouvoir apporter son témoignage devant eux." (Mt 10:18)
    L'Eglise a un rôle de témoignage, même face aux grands, aux puissants. L'Eglise doit donc dire quelque chose face à l'annonce d'une guerre inévitable ! Oui, mais alors dire quoi ?
    Lorsque Jésus envoie ses disciples en mission, il décrit la situation où ils vont se trouver en ces mots : "Je vous envoie comme des moutons au milieu des loups" et il leur dit l'attitude qu'ils doivent avoir : "Soyez donc prudents / rusés comme des serpents et innocents comme des colombes" (Mt 10:16)
    Ce langage imagé exige une interprétation. Comment comprendre ces deux images mises ensemble ? Le serpent et la colombe, voici bien deux animaux que tout oppose, et voilà que Jésus les met ensemble. Le serpent est image du mal, de la ruse, de la corruption (pensez à Genèse 3). La colombe est image de paix (pensez à l'arche de Noé), de pureté, de blancheur.
    Mettre ces deux images ensemble, c'est inviter à dépasser les solutions simplistes où tout est blanc ou noir; c'est inviter à penser paradoxalement, penser plus loin, différemment du monde; c'est sortir des sentiers battus du réalisme, du pragmatisme, des stratégies habituelles.
    Il faut manier en même temps toute l'habileté, l'intelligence, la sagesse possible dont les humains disposent et toute l'innocence, l'ingénuité envisageable. Il faut inventer des solutions originales qui sortent des ornières communes.
    Jésus nous a laissé dans le Sermon sur la montagne un discours sur la vengeance devenu célèbre : "Si quelqu'un te gifle sur la joue droite, tends lui la joue gauche" (Mat 5:39). Ce texte a très souvent été qualifié d'utopique, d'irréaliste, voir de capitulation. Et si Jésus, là, donnait l'exemple de ce que cela signifie "être avisé comme le serpent et innocent comme la colombe" ? A quoi conduit la vengeance de "oeil pour oeil, dent pour dent" ? Cela conduit à l'affrontement, à l'escalade de la violence, à la course aux armements, au "je dois être prêt à riposter !"
    La riposte est la solution réaliste, pragmatique, stratégique, mais conduit-elle quelque part ? La riposte va attiser la haine et le désir de vengeance, etc... La riposte est une impasse. C'est pourquoi Jésus nous invite à chercher d'autres voies, des voies qui déstabilisent l'adversaire sans le détruire.
    Jésus nous appelle à une sagesse qui diminue la haine et le désir de vengeance pour conduire à une vraie solution. "Tends l'autre joue" cela ne signifie pas "résigne-toi", mais "cherche d'autres voies d'autres solutions qui mènent quelque part, qui mèneront à une entente.
    Jésus dit encore "Si quelqu'un veut te prendre ta chemise, laisse-le prendre aussi ton manteau" (Mat 5:40). C'est chercher une solution qui engage à ne pas chercher à tout prix à préserver ses intérêts, mais oser renoncer à quelque chose, oser perdre quelque chose pour éviter la rupture ou la destruction de l'autre. Cela peut signifier, pour nous, renoncer à un certain confort pour diminuer les injustice de ce monde et gagner des amitiés plutôt qu'attiser la haine.
    Bien sûr, ce message a peu de chance de passer dans les hautes sphères dirigeantes. Jésus est comme cet homme "pauvre et sage" qui pouvait sauver la ville, dont parlait l'Ecclésiaste :
    "Il aurait pu sauver la ville grâce à sa sagesse. Cependant, personne ne songea à s'adresser à un homme pauvre comme lui. Eh bien, je l'affirme : la sagesse vaut mieux que la bravoure, mais lorsqu'un homme sage est pauvre, les gens le méprisent et n'écoutent pas ses conseils. Pourtant il vaut mieux écouter un homme sensé qui parle calmement qu'un chef qui crie en s'adressant à des sots. La sagesse est plus efficace que les armes, mais un seul maladroit détruit le bien qu'elle procure." (Eccl. 9:15-18)
    Face à une guerre qu'on nous dit inévitable, il faut répéter avec l'Ecclésiaste que "la sagesse vaut mieux que la bravoure" et que "la sagesse est plus efficace que les armes." Cette sagesse — qui comprend la ruse du serpent et l'innocence de la colombe, Jésus nous l'a transmise au travers des Evangiles et plus encore au travers de sa mort où il a mis en pratique — au prix de sa vie — le refus de la violence.
    Jésus a accepté de souffrir plutôt que de voir la violence se déchaîner contre les humains. La guerre est évitable si nous acceptons de porter notre part de sacrifice pour que cette violence ne se déchaîne pas.
    Amen

    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Marc 10. "Que veux-tu que je fasse pour toi"

    Marc 10
    30.1.2000
    "Que veux-tu que je fasse pour toi"
    Mat 7 : 7-12 Marc 10:46-52


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Ce dernier dimanche de janvier est traditionnellement consacré à la Mission. Même s'il y a, en plus, aujourd'hui des élections importantes dans notre Eglise, nous avons voulu garder la forme de notre dimanche des missions habituelle : ce culte, une information et un repas.
    Continuer une tradition ne veut pas dire « ne plus se poser de questions.» Et c'est vrai qu'il y a eu beaucoup de remises en question de la mission et beaucoup de changements dans la façon d'être missionnaire. En effet, la mission du siècle passé — je parle du XIXe siècle — ou d'avant encore a souvent accompagné, et béni, la colonisation. Elle a collaboré à imposer le modèle de la culture occidentale, à poser des bases pour l'actuelle mondialisation.
    On s'aperçoit, avec le recul, que beaucoup de bonne volonté, des intentions louables, des objectifs d'aide et de collaboration n'ont pas toujours conduit à ce qu'on espérait. On est en face de ce paradoxe : à vouloir faire le bien, des maux surgissent que personne ne voulait.
    Aujourd'hui, ce constat décourage beaucoup de monde. Faut-il tout arrêter ? Faut-il arrêter de vouloir faire du bien ? Je ne crois pas qu'il faille être aussi pessimiste ! Jésus lui-même, dans le texte de Matthieu que vous avez entendu ne désespère pas de l'être humain.
    "Tout méchant que vous êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui le lui demande." (Mt 7:11)
    Jésus veut d'abord mettre en évidence la bonté de Dieu, mais pour cela il part de la situation de chacun, de nos efforts qu'il reconnaît. Aussi misérables que soient nos tentatives, aussi parsemé d'échec que soit notre chemin, ce n'est pas une raison de se décourager, car Dieu est bon et c'est vers lui que nous pouvons toujours à nouveau nous tourner pour réessayer.
    Alors comment aider ? Je vous propose de voir comment Jésus s'y est pris lorsqu'il a guéri l'aveugle Barthimée. Ce récit est exemplaire du dialogue qui doit se former pour que l'aide soit un échange où les deux partenaires gardent leur dignité et gagnent chacun quelque chose dans leur relation.
    Premier élément de l'interaction : un homme, Barthimée, interpelle un autre homme. Il fait appel à son coeur, à sa générosité : "aie pitié", ce qui signifie "soit touché par ma misère". Réprimé par la foule qui veut le faire taire, Barthimée persévère, il relance son cri. Jésus est touché, il a entendu, il s'arrête.
    Deuxième élément de l'interaction, première parole de Jésus : "Appelez-le!" Une parole, pas un geste. Jésus ne se précipite pas, il ne court pas guérir cet homme. Il annonce simplement son ouverture, son accueil. Il laisse à l'autre sa part du chemin à faire. Jésus se fait simplement réceptif, plutôt qu'interventionniste. Barthimée, encouragé cette fois par la foule et par l'attitude accueillante de Jésus, s'approche.
    Troisième élément, deuxième parole de Jésus : "Que veux-tu que je fasse pour toi ?" Là encore, Jésus ne se précipite pas. Il voit que Barthimée est aveugle à la façon dont il s'approche de lui, mais il n'en tire pas la conclusion immédiate que Barthimée veut recouvrer la vue.
    Jésus interroge Barthimée pour lui demander ce qu'il veut, ce dont il a besoin. Il l'invite à formuler sa demande, sa prière. "Demandez et vous recevrez". L'accent est ici sur la demande. Demander est un acte difficile, mais absolument nécessaire pour que le vrai besoin soit énoncé. Jésus se refuse à deviner, même lorsque cela est possible. Même s'il nous semble que Dieu — ou notre conjoint, ou nos enfants, etc. — connaît nos besoins, il attend qu'on les lui formule.
    Quatrième élément, la demande de Barthimée : "Maître, fais que je voie de nouveau". Cette parole est en même temps la demande et la permission d'agir. Il y a quelque chose de très humiliant à se faire aider contre son gré. Voyez un enfant qu'on aide alors qu'il sait faire la chose tout seul : ne recevra-t-il pas le message qu'il est incapable, puisqu'on l'aide ?
    Jésus offre son aide, demande de quel besoin il s'agit et attend la permission d'agir. Après tout cela, il guérit l'aveugle et lui donne une parole qui va l'accompagner et le faire grandir, évoluer pour la vie : "Va, ta confiance t'a sauvée".
    Jésus reconnaît par ces paroles toute la part que Barthimée a dans sa propre guérison. Il reconnaît et valide que Barthimée a participé, de son côté, pour une grande part à sa nouvelle vie. La guérison est une oeuvre commune. Si Barthimée n'avait pas crié, persévéré, s'il ne s'était pas approché, s'il n'avait pas dit ce dont il avait besoin, il serait encore assis à la porte de Jéricho, aveugle et mendiant.
    Jésus nous montre que toute aide, pour réussir et respecter les personnes doit être une entraide, une collaboration, où chacun fait sa part.
    Le Département missionnaire a reçu des demandes, des demandes formulées de collaboration où chacun va faire sa part, dans un esprit d'entraide.
    Je vous invite à faire votre part dans cette chaîne de solidarité.
    Amen
    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Actes 11. Faire avancer l'oecuménisme

    Actes 11
    16.1.2000
    Faire avancer l'oecuménisme
    1 Cor 12 : 4-11 Ac 11 : 4-11 Mt 7 : 1-5

    Chers frères et soeurs en Christ,
    Nos deux communautés veulent marquer leur volonté de rapprochement en s'unissant ce matin dans la célébration commune de Dieu. "Nous avons quand même le même Dieu !" C'est une phrase que j'entends souvent dans mes visites et mes contacts. Oui, nous avons le même Dieu, le même Seigneur Jésus-Christ, nous avons reçu le même Esprit et la même Bible. Nous avons la même volonté de servir Dieu de tout notre coeur, de toute notre âme, avec toute notre énergie, et cette volonté se traduit dans les faits !
    Les relations entre catholiques et protestants sont différentes aujourd'hui — à la fin de ce XXe siècle — de ce qu'elles étaient au début de ce siècle. On ne se jette plus des pierres, les enfants ne se battent plus entre eux pour des raisons de confession, on n'entend plus, comme ma grand-mère qui était une enfant protestante à Paris me le racontait, que les protestants ont les pieds fourchus dans leurs chaussures.
    Ce XXe siècle a été un siècle de réconciliation et d'avancées de l'oecuménisme. Il y a eu la création du Conseil Oecuménique des Eglises et l'événement du Concile Vatican II. Il y a eu bien des avancées, même s'il y a eu aussi les inévitables stagnations ou certains retours en arrière. La direction générale est indiquée pour le prochain siècle : il faut continuer à progresser, à se rapprocher.
    Un pas de plus a encore été fait il y a juste un an. Le 20 janvier 1999 le Conseil synodal de l'EERV et le Conseil de l'Eglise catholique en Pays de Vaud ont signé une Déclaration de Collaboration oecuménique qui encourage toutes les formes de collaboration entre nos deux confessions. Cette volonté de nos autorités rejoint les volontés des paroissiens. Profitons-en !
    Certes, il reste des obstacles, concrets ou dans nos têtes. Les deux principaux obstacles que je peux identifier sont dans nos têtes.
    Le premier est notre incapacité à voir la poutre qui est dans notre oeil. On voit tellement plus facilement ce qui devrait changer chez l'autre que chez soi, n'est-ce pas ?
    Le second est notre difficulté à penser ensemble unité et diversité. Nous pensons l'unité comme une fusion, où l'un doit forcément se fondre dans l'autre. Or, qui voudrait être absorbé et disparaître ?
    Lorsque la Bible nous parle de l'Eglise et du peuple de Dieu, elle utilise deux images. Elle parle soit en terme de corps avec des parties différentes, complémentaires et coordonnées dont la tête est le Christ lui-même, soit en terme de mariage, le mariage de Dieu avec le peuple d'Israël ou le mariage de Jésus avec son Eglise. Or, dans le mariage, il n'est pas question de fusion, même s'il est question d'union et d'unité ! Un mariage ne peut subsister que si l'homme reste homme et la femme reste femme. C'est parce que chacun reste lui-même et qu'il est respecté dans sa différence que le mariage a des chances de persister.
    Cela posé, cette unité ne vient pas des différences, mais du lien qui unit ces diversités, c'est-à-dire de Dieu et du Saint Esprit.
    Sur ce point le récit des Actes est très parlant. La communauté des premiers chrétiens, d'origine juive, a été confrontée à la question de l'accueil des non-juifs, des païens. Le récit nous dit que Pierre a mangé à la table de familles païennes. Il est vertement critiqué par l'Eglise de Jérusalem pour ce comportement qui transgresse la loi et la tradition juive. Pierre a commis un acte jugé impur, parce qu'il s'est mélangé avec des gens différents. L'Eglise de Jérusalem pose ainsi un jugement (conforme à ses traditions).
    Pierre doit leur expliquer en détail ce qui s'est passé : par une vision, Dieu a montré à Pierre qu'il ne devait rien considérer comme impur ; "Ne considérez pas comme impur ce que Dieu a déclaré pur." (Ac 11:9) En envoyant son Saint-Esprit sur des païens — à la grande surprise de Pierre — Dieu déclare que le jugement n'appartient pas aux hommes de fixer ce qui est pur ou impur, qu'il n'appartient pas aux hommes de délimiter des frontières à son Eglise.
    A cela Pierre ne peut qu'acquiescer : "Qui étais-je pour m'opposer à Dieu ?" (Ac 11:17) Nous avons à reconnaître, avec Pierre, que le jugement des coeurs, de la foi, de la vraie doctrine n'appartient qu'à Dieu. Notre rôle n'est pas de placer des limites et d'établir des frontières. Nous avons à reconnaître que Dieu fait les choses différemment, qu'il peut nous surprendre ! Si Dieu veut l'unité des chrétiens, qui sommes-nous pour nous y opposer ?
    Voici ce qui se passa lorsque Pierre eut fini de parler aux membres de l'Eglise de Jérusalem :
    "Après avoir entendu ces mots, ils se calmèrent et louèrent Dieu en disant :
    — C'est donc vrai, Dieu a donné aussi à ceux qui ne sont pas juifs la possibilité de changer de comportement et de recevoir la vraie vie."(Ac 11:18)
    Les chrétiens de l'Eglise de Jérusalem ont reconnu le bien fondé de l'attitude de Pierre et ils en ont fait l'attitude de toute l'Eglise depuis ce moment-là : non seulement il est permis d'entrer et de partager le repas avec tout être humain sur la terre, mais encore cela doit devenir le signe même de l'appartenance à Jésus-Christ : un accueil sans jugement et un amour sans frontières dressées entre les personnes.
    Qu'il en soit ainsi entre nous !
    Amen

    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 2. Au cœur des nuits de notre monde, vient une lumière.

    Luc 2
    25.12.2006
    Au cœur des nuits de notre monde, vient une lumière.
    Es 9 : 1-6 Luc 2 : 1-20

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers Amis,
    En entrée de ce culte, nous avons chanté un cantique (PCT 263) qui commence par cette phrase : "Après la longue et sombre nuit, le ciel a rayonné…" Noël est une fête joyeuse, une occasion de se réjouir pour tout ce que Dieu a fait pour nous, pour nous avoir donné son fils Jésus. C'est une fête joyeuse, justement en contraste avec la nuit qui recouvre le monde, avec le mal, l'injustice, l'adversité, le deuil que chacun rencontre dans la vie.
    Cette lumière de Noël est une bonne nouvelle, justement parce qu'elle vient briller dans l'obscurité. Esaïe parlait de la situation politique de son époque : une Jérusalem assiégée par les Assyriens, avec l'aspiration qu'un chef politique de la lignée de David vienne les délivrer, militairement.
    Luc, dans sa présentation de la naissance de Jésus indique aussi le contexte politique. Il cite César Auguste, l'empereur de Rome et Quirinius, gouverneur de Syrie, donc un pays d'Israël occupé par les romains. Il présente Joseph soumis aux contraintes de cet occupant qui veut recenser les habitants pour fixer l'impôt, le tribut à payer à César. Voilà la nuit, l'adversité dans laquelle vit le peuple d'Israël au temps de Jésus. Une adversité qui se marque aussi dans le fait que Jésus naît dans une étable et qu'il est déposé dans une crèche.
    Lorsqu'il nous est dit que les bergers passaient la nuit dans les champs, l'Evangéliste joue sur le double sens de la nuit. Il y a la réalité de devoir veiller sur les troupeaux, mais il y a aussi le sens symbolique d'un peuple qui vit dans l'obscurité, loin de Dieu. C'est à ces bergers que Dieu vient révéler — en premier, en primeur — son action.
    "Un ange du Seigneur leur apparut et la gloire du Seigneur brilla autour d'eux." Cette gloire du Seigneur qui brille rappelle la nuée qui guidait le peuple hébreu dans le désert, nuée sombre le jour et brillante la nuit, dans laquelle Dieu se voile pour protéger son peuple, parce qu'on ne peut pas voir Dieu. C'est pourquoi les bergers ont peur, d'abord, et que l'ange doit les rassurer. Les bergers reçoivent le message de l'ange et se mettent en mouvement, en route vers Bethléem. Ce déplacement, ce voyage est un des points communs dans les récits de Noël de Luc et de Matthieu qui raconte le voyage des mages. A part cela, et la lumière, ils n'ont rien en commun.
    Oui, l'action de Dieu met les humains en route. Déjà Marie et Joseph avaient dû se mettre en route de Nazareth vers Bethléem, puis les mages en suivant l'étoile, pour un long voyage, maintenant les bergers, parce qu'ils sont animés de curiosité et de confiance dans le message de l'ange. Chacun se met en route donc.
    Dieu vient, il prend chair en Jésus, il s'approche des humains, c'est le chemin que Dieu fait dans notre direction. Ensuite, c'est à nous de nous mettre en marche et de le rejoindre à Bethléem. Dieu ne nous traite pas comme des incapables ou des assistés, il attend que nous fassions une partie du chemin. C'est sa façon de ne pas nous contraindre, c'est sa façon de nous laisser notre liberté, notre capacité d'initiative. Il glisse son invitation dans notre cœur, à nous d'y répondre.
    Les bergers ont cru et se sont mis en route pour découvrir ce qui leur était promis. "Il faut que nous voyions ce qui est arrivé." Quelle est cette lumière dans la nuit ? Qu'est-ce que Dieu apporte pour notre salut et pour le salut du monde ?
    "Ils trouvèrent Marie, Joseph et le bébé couché dans la crèche." C'est toujours émouvant de voir un nouveau-né, dans un berceau à la maternité, dans une poussette. Chacun se penche et s'émerveille : "comme il est petit ! Je ne me souvenais pas qu'un nouveau-né était si petit, ils grandissent tellement vite !" Un nouveau-né, c'est une espérance, c'est une promesse de vie, de nouveauté.
    Chaque naissance apporte un espoir, une promesse, un accomplissement. Voilà un être nouveau qui va assumer son destin, qui va apporter sa touche de nouveauté, de beauté dans le monde. Il va être quelqu'un de spécial et unique pour le monde.
    Mais que doivent penser les bergers en voyant ce nouveau-né ? N'est-ce pas un nouveau-né comme tous les autres ? Qu'a-t-il de spécial pour mériter le déplacement des anges du ciel ?
    Oui, on peut repartir de la crèche avec des sentiments contrastés selon ce qu'on attendait de cette visite. On peut repartir de la crèche avec de la déception, comme beaucoup de nos contemporains. Etre déçu de tout ce qu'on n'y a pas vu, pas trouvé. Déçu de ne pas y trouver le Dieu dont on rêve, celui qui devrait résoudre tous nos problèmes, arrêter tous nos conflits, combler tous nos besoins.
    Ou bien l'on peut repartir avec la joie de ce qu'on y a vu, de ce qu'on y a trouvé : un Dieu qui préserve notre liberté, un Dieu qui nous invite à agir et nous en donne la force. On peut repartir avec des yeux neufs qui voient au-delà du tangible la promesse des situations et la promesse des êtres.
    Il y a dans chaque être que nous côtoyons la même humanité que celle que Jésus est venue habiter. Il y a dans chaque être la même promesse que celle qui habite le nouveau-né dans sa crèche.
    A nous de voir cette humanité avec des yeux neufs, à nous de lui faire un espace pour qu'elle passe de l'état de promesse à celui de réalité, à nous de participer à cette germination.
    Au cœur des nuits de notre monde, vient une lumière, une chaleur, une tendresse qui peut tout transfigurer. Joyeux Noël.
    Amen
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    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 15. "La drachme perdue" Dieu à la recherche des êtres humains

    Luc 15
    18.1.98
    "La drachme perdue" Dieu à la recherche des êtres humains
    Ps 36 : 6-12 Eph. 1 : 3-10 Luc 15 : 1-10

    Chers frères et soeurs en Christ,
    Aujourd'hui, je vais vous parler du plan secret de Dieu qui est évoqué dans la lettre aux Ephésiens. Ce plan, Jésus l'a révélé dans diverses paraboles. Pour aujourd'hui, j'ai choisi la parabole dite de la "drachme perdue". Cette parabole est précédée de la parabole de la "brebis perdue" et suivie de la parabole du "Fils prodigue". Ce sont trois mauvais titres qui insistent sur ce qui a le moins d'importance.
    Ces trois paraboles pointent dans la même direction, quelque chose de perdu est retrouvé, un mouton, une pièce de monnaie, deux fils. A travers ces paraboles, nous trouvons un message qui nous ouvre une porte sur le vrai visage de Dieu, sur la relation que Dieu a avec nous et sur nous-mêmes, notre cheminement spirituel.
    A. Le vrai visage de Dieu. Placée entre les deux autres paraboles, le récit de la femme qui cherche sa pièce de monnaie nous rappelle que Dieu n'est pas exclusivement masculin, même s'il est d'abord comparé à un berger, puis à un père de famille.
    Notre parabole de la recherche de la pièce perdue est l'équivalent, au féminin, de la recherche du mouton égaré. Jésus raconte une histoire où c'est une femme qui tient le rôle de Dieu. Elle cherche une pièce, dans la maison. Lorsqu'elle l'a trouvée, elle appelle ses amies et ses voisines. Dieu n'est pas seulement le Bon Berger, il est aussi la Bonne Ménagère, un Dieu maternel, capable de souffler sur les écorchures de nos genoux, capable d'enlacer tendrement ses enfants et de leurs donner de gros poutous dans le cou.
    B. La parabole nous révèle Dieu en action et au travers de cette action le lien qui se tisse entre Dieu et nous. Le berger (plutôt riche) ne veut pas perdre un mouton, devenir moins riche. La femme, (plutôt pauvre) ne veut pas perdre une pièce, devenir plus pauvre. Dieu ne consent pas à perdre qui que ce soit. Dieu souffre d'un manque chaque fois qu'un humain s'éloigne et se perd. C'est lui qui engage immédiatement des recherches pour retrouver sa plénitude, son intégrité, et il n'aura pas de relâche avant d'avoir retrouvé ce qui est perdu.
    Ne nous faisons pas d'illusions sur ce que signifie l'humain qui se perd et qui est retrouvé, du point de vue de Dieu. Une pièce de monnaie pense-t-elle ? Peut-elle se perdre elle-même, ou revenir d'elle-même dans le porte-monnaie ? Peut-elle se repentir ? La drachme illustre la totale passivité de l'être humain lorsqu'il est question de son salut ! C'est Dieu qui engage les recherches. C'est Dieu qui se bouge, qui de démène. C'est le regard de Dieu, cette recherche, qui nous donne de la valeur. C'est à ses yeux que nous avons un prix infini, non par le prix de nos efforts.
    Dieu nous cherche et nous retrouve. Mais que se passe-t-il après, une fois que nous sommes revenus dans le troupeau, dans le porte-monnaie, dans la maison du Père ?
    C. Notre cheminement spirituel. Certainement, nous avons à éviter de laisser notre coeur se dessécher (comme celui des pharisiens) et nous mettre à juger ceux du dehors. Nous avons un cheminement spirituel à faire, et je crois que les trois paraboles à la suite nous révèlent des étapes pour notre vie intérieure sur ce chemin.
    Il nous arrive à tous, à un moment ou à un autre de notre vie de vivre une crise où nous éprouvons soudainement un vide, un manque. La première quête est souvent de partir à la recherche de ce qui nous manque. Une recherche au travers de voyages, de dépaysements, de lectures, bref des recherches à l'extérieur de nous-mêmes. Nous faisons la même chose que le berger qui part dans le désert chercher ce qu'il a perdu. Cela peut nous satisfaire un temps, mais souvent le manque resurgit.
    La quête alors peut se faire intérieure, ce que nous cherchons est peut-être à l'intérieur de nous-mêmes, dans notre être. Comme la femme nous allumons une lampe pour éclairer notre caractère, notre personnalité. Nous prenons le balai pour chercher partout et ne pas laisser un coin de notre existence inexploré. Et nous cherchons avec soin pour trier ce que nous ne voulons pas garder et ce qui a de la valeur et que nous préservons.
    Les coups de balai nous conduiront à l'aboutissement de notre quête lorsqu'ils auront créé la place nécessaire à celui qui nous cherche assidûment; lorsque nous aurons compris que c'est le Père qui vient au devant de nous, que c'est lui qui alimente la source qui est au plus profond de nous.
    La quête intérieure, c'est découvrir le portrait de Dieu que nous avons esquissé plus haut, du Dieu qui cherche ses enfants sans relâche.
    C'est pourquoi, il faut renommer toutes ces parabole et parler du berger, de la femme et du père qui cherchent jusqu'à ce qu'ils trouvent, parce que Dieu ne supporte pas d'être séparé d'un seul d'entre nous.

    Amen.

    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 1. Double nature du Christ : Dieu devenu vrai homme en Jésus

    Luc 1
    22.12.2002
    Double nature du Christ : Dieu devenu vrai homme en Jésus
    Es 42 : 1-9 Luc 1 : 26-33

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Dimanche dernier, souvenez-vous, nous avons constaté que les quatre évangiles nous présentaient des récits extrêmement différents de la naissance de Jésus. Il est impossible de faire concorder ces récits, sauf sur un point où ils sont absolument unanimes : tous présentent, à leur manière, Jésus comme le Fils de Dieu.
    Nous avons vu également que cette confession de foi « Jésus est le Fils de Dieu » en même temps que l'affirmation « Jésus est pleinement humain » est au coeur de la foi chrétienne. En tant que chrétiens, nous confessons Jésus comme vrai homme et comme vrai Dieu, ce qu'on appelle, dans notre jargon de pasteur : la double nature (divine et humaine) du Christ.
    Dans les premiers temps de l'Eglise — avec le témoignage des apôtres qui ont côtoyé Jésus — il n'y avait pas de difficultés à accepter que Jésus ait été un homme. Le plus difficile était de convaincre les auditeurs que Jésus était plus qu'un bon prophète. Il fallait convaincre les juifs que Jésus était le Messie qu'ils attendaient. Il fallait convaincre les non-juifs que Jésus était de nature divine et qu'il réalisait vraiment les promesses de Dieu, plutôt qu'il ne répétait des promesses anciennes qui se réaliseraient plus tard.
    Les évangiles de l'enfance de Jésus, le début des évangiles de Matthieu et de Luc sont écrits pour nous persuader de cette filiation avec Dieu, du caractère divin du Christ. Mais il ne suffisait pas d'établir ce lien divin avec Jésus, pour asseoir, dans l'esprit des auditeurs, cette nature divine. Il faut encore persuader les auditeurs que Dieu peut prendre forme humaine, que Dieu peut s'abaisser à devenir humain. Ainsi, ce n'est pas la nature humaine de Jésus de Nazareth qui fait problème, mais le fait que Dieu puisse devenir humain, prendre forme humaine, s'incarner.
    L'affirmation de la double nature du Christ va alors rencontrer deux fronts d'opposition qui tous deux contestent l'incarnation de Dieu.
    A. Le premier se développe au sein du judaïsme, avec la contestation que ce Jésus soit le Fils de Dieu, mais sans contester qu'un jour le Messie viendra. Le judaïsme ne conteste pas la possibilité que Dieu se révèle au travers d'un homme, puisqu'il attend le Messie, mais il conteste que ce Jésus-là soit le Messie attendu. Les juifs attendent toujours le Messie, ce Jésus-là n'est pas le Fils de Dieu.
    B. Un second front s'ouvre avec l'islam. L'islam conteste l'idée même que Dieu puisse prendre lui-même une forme humaine pour rencontrer les humains face à face. La question n'est donc pas que cela soit Jésus ou un autre. Le fait même que cela arrive est impossible à leurs yeux. « Dieu est grand », il ne peut pas s'abaisser à prendre forme humaine, c'est incompatible avec sa grandeur, sa majesté. Il n'y a pas de messianisme en islam, pas de retour du Prophète, pas d'attente d'une venue.
    De cette impossibilité à penser que Dieu puisse s'abaisser et souffrir en devenant humain est née (bien avant l'islam) une autre opposition à la double nature, une opposition qui s'attaque à la nature humaine du Christ. On donne à ce mouvement le nom de docétisme (du latin : docet = il paraît). Dans cette pensée, Dieu est bien venu visiter les humains sur la terre, mais sans prendre de risques, notamment le risque de souffrir et de mourir. Dieu n'aurait pris que l'apparence (docet), que l'habit de l'homme, un peu comme les cyborg dans la science-fiction (6PO avec une peau humaine).
    Le docétisme a été combattu comme une hérésie grave. Nier la nature humaine du Christ, c'est rejeter l'incarnation de Dieu, abolir sa proximité, c'est renoncer à Noël et à Pâques qui deviennent des mascarades trompeuses.
    La foi chrétienne, c'est bien tenir ensemble la nature humaine et la nature divine du Christ, malgré les difficultés à les penser les deux ensemble.
    Si Jésus n'est pas de nature divine, les promesses de Dieu ne sont pas réalisées, Jésus ne peut pas être notre sauveur, la vie n'a pas été transformée et la mort n'a pas été vaincue.
    Si Jésus n'est pas Dieu devenu pleinement humain, alors Dieu ne s'est pas approché des humains, de nous.
    A Noël, comme chrétiens, nous confessons que Dieu, le majestueux, le Tout-puissant, a laissé au ciel les attributs de sa puissance, pour vivre la difficile vie des êtres humains.
    Dieu a pris le risque inouï — pour un Dieu — de vivre neuf mois dans le ventre d'une femme, de naître dans une situation précaire, de grandir et de devenir un homme, pleinement.
    Dieu a pris ce risque inouï de ne pas s'entourer des précautions de la richesse et du luxe pour naître dans un palais et vivre à la cour.
    Dieu a pris le risque inouï de dire la vérité de son amour, suscitant des réactions de haine, jusqu'à sa mort sur la croix.
    Dieu a pris le risque inouï de vouloir vivre, éprouver, ressentir, aimer, être déçu ou enthousiasmé, comme tout être humain dans la vie.
    Ainsi, il est proche de chacun d'entre nous, plein de compassion et de compréhension, il est véritablement Emmanuel, Dieu avec nous !
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 1. En chemin dans ce temps de la réalisation, orienté vers le temps de l'achèvement.

    Luc 1
    3.12.2006
    En chemin dans ce temps de la réalisation, orienté vers le temps de l'achèvement.
    1 Pierre 2:4-10 Luc 1:5-17 Luc 1:18-25

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers Amis,
    Pendant tout cette année 2006, nous avons fêté les 40 ans de notre paroisse. Nous nous sommes retrouvés pour des moments conviviaux, repas et rallye; pour des moments de partage spirituel; pour des moment musicaux et finalement pour des conférences qui nous ont rappelé nos racines et notre évolution. Nous n'avons pas vécu tout cela par nostalgie des temps passés, révolus. Au contraire, nous l'avons fait pour vivre et redynamiser notre présent, pour nous rendre compte que nous sommes nourris par nos racines et que la vie se déploie dans le présent, dans la ramure de l'arbre qui tend vers le ciel.
    Oui, nous vivons dans cette tension entre les racines et le faîte, entre la terre et le ciel. L'histoire de Zacharie et d'Elisabeth que l'évangéliste Luc place au début de son Evangile est aussi dans cette tension entre la terre et le ciel, entre le passé et l'avenir.
    Luc raconte ainsi comment, du Temple, surgit la promesse d'un temps tout nouveau, celui de la venue du Messie. Le Temple de Jérusalem où officie Zacharie appartient au passé. Au moment où Luc rédige son Evangile, les romains l'ont déjà détruit, il n'existe plus. Et pourtant, c'est bien de là, de cette racine du passé qui a nourri tout un peuple pendant des siècles, que naît la nouveauté.
    Le rythme du temps de Dieu n'est pas notre rythme à nous. Le temps de Dieu est le temps de la patience, c'est le temps de "la calme lenteur de toute germination"*1. C'est Lui qui prépare le temps de sa révélation, à petits pas, lentement, au fil des générations.
    Il a commencé par choisir un couple, Abram et Saraï, il a accompagné leurs enfants, il en a formé une grande famille, puis tout un peuple. Peuple errant dans le désert, puis nation établie. Royaume, un temps uni, un temps divisé. Peuple et rois admonestés par les prophètes, vaincus puis déportés, rassemblés puis revenus d'Exil. Enfin réunis dans un troisième Temple, ce peuple va être visité, d'abord par un précurseur, puis par le Messie.
    Né dans une famille de prêtres, élevé dans la tradition sacerdotale, Jean Baptiste deviendra un prêcheur au désert, aplanissant le chemin du Messie. Dieu nous déroute dans sa façon de ne pas compter le temps et dans sa façon d'être toujours ailleurs, là où nous n'irions pas le chercher. Jean Baptiste reçoit une mission "former un peuple prêt pour le Seigneur" (Luc 1:17). Jean Baptiste est à la charnière de deux temps : le temps de la préparation et le temps de la réalisation.
    Le temps de la préparation, c'est le temps que je viens de décrire où Dieu prépare la venue du Christ en se révélant petit à petit à son peuple pour le préparer à sa descente sur terre. Long chemin qui constitue la racine nourricière du temps de la réalisation de la venue de Jésus.
    Le temps de la réalisation, chaque génération le vit, depuis le premier Noël jusqu'au temps présent. C'est le temps de l'édification, de la construction de l'Eglise, peuple du Seigneur. Chaque personne est une pierre qui a sa place dans l'édifice. Peu importe que certains aient été dans les premières pierres posées et que nous arrivions presque 2000 ans plus tard. Chaque pierre est nécessaire à l'édifice, chacun a une place réservée dans le peuple du Seigneur.
    A chacun d'entre nous est redonnée la mission de Jean Baptiste : "former un peuple prêt pour le Seigneur." Nous formons une communauté où nous avons tous un rôle, une fonction. Avec nos diverses capacités et compétences, nous sommes tous appelés à devenir et à rassembler le "peuple prêt pour le Seigneur."
    Nous sommes en chemin dans ce temps de la réalisation et ce chemin est orienté vers le temps de l'achèvement. Le temps de l'achèvement, celui où Dieu régnera visiblement sur la terre, est notre horizon, comme il a été l'horizon des générations précédentes. C'est un temps que nous ne pouvons vivre qu'en espérance, mais qui donne un sens, une orientation à notre vie et à notre chemin.
    Nous savons que nous voulons une société plus juste, plus équitable, un monde où les valeurs humaines et relationnelles l'emportent sur les intérêts et l'égoïsme. Nous savons que nous marchons et travaillons en direction de cet horizon avec les forces que Dieu nous donne.
    Dans ce temps de l'Avent, nous vivons dans l'attente de ce surgissement du temps de Dieu. Dans ce temps de la réalisation, il est venu, pauvre et faible dans une étable — là où on ne l'attendait pas ! Sur notre
    chemin, un temps s'ouvre devant nous, un temps à écrire, à dessiner, à inventer.
    Nous avons fêté les 40 ans de notre paroisse pour nous rappeler nos racines, parce que c'est des racines que monte la sève qui nourrit la ramure et le faîte. Mais la vie de l'arbre est dans la ramure, c'est là que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid.
    Nous avons — en tant qu'Eglise et chacun en tant que croyant — toujours la même responsabilité que Jean-Baptiste : ouvrir un chemin vers l'horizon et "former un peuple prêt pour le Seigneur." Ne perdons pas cet objectif spirituel de vue pendant que nous cheminons. Formons ensemble un peuple prêt pour le Seigneur !
    Amen

    *1 La Règle de Reuilly, Réveil et Publications, Lyon, 1996, p. 57

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Matthieu 10-11. Dieu place dans notre monde des signes discrets, fragiles — à l'image d'un nouveau-né

    Matthieu 10-11
    16.12.2001
    Dieu place dans notre monde des signes discrets, fragiles — à l'image d'un nouveau-né
    Es 35:1-7 / Jacq. 5:7-8 / Mat. 10:40 — 11:6

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Il y a des moments où l'on voudrait bien avoir un signe clair de la présence et de l'action de Dieu dans notre monde, surtout après la période troublée que nous avons vécue cet automne.
    Il nous arrive bien quelque fois d'avoir le sentiment que les choses n'arrivent pas par hasard — ou arrivent par hasarD avec un grand D, un D majuscule — mais on se dit souvent vite : "Ce n'est qu'une coïncidence" et on tourne la page, même si on aurait bien voulu que cela soit un signe ! Recevoir un signe, un signal, et à partir de ce moment-là se sentir soutenu, encouragé, affermi.
    Savez-vous qu'aux Etats-Unis et en Europe, plusieurs millions de dollars sont investis chaque année pour financer des radars et des équipes de scientifiques qui écoutent l'univers, pour tenter de capter les émissions d'une intelligence extraterrestre !
    Mais comment reconnaître un signal intelligent parmi le brouhaha de l'univers. On ne va tout de même pas recevoir un message radio en anglais ou en français. Comment reconnaître une langue, un signal extraterrestre ?
    Pour nous se pose le même problème : Comment reconnaître, parmi tous les messages, le message qui vient de Dieu ? Comment reconnaître, parmi toutes les personnes que nous croisons, la personne porteuse d'un message divin. Comment Jean Baptiste peut-il reconnaître parmi tous ses contemporains : « celui qui doit venir » ?
    Jean Baptiste est à la recherche du Messie, de « celui qui doit venir », celui qui est annoncé, promis, par l'Ecriture. Bien qu'il soit en prison, Jean Baptiste persiste dans sa quête et envoie ses disciples questionner Jésus : "Es-tu « celui qui doit venir » ?"
    Jésus va donner une réponse indirecte à cette question : il dit en quelque sorte à Jean-Baptiste : "Observe les signes, scrute ce qui se passe ! N'est-ce pas ce qui était annoncé dans l'Ecriture ?"
    En effet, ce qui est impossible aux hommes se réalise : "les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts reviennent à la vie, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres". (Mt 11:5)
    Jean Baptiste a vu ces signes-là, ils nous ont été transmis dans les quatre évangiles, mais lorsque j'ouvre les yeux sur notre monde, aujourd'hui, je ne vois pas ces signes-là ! Le signe que je vois aujourd'hui, c'est seulement le signe de Noël que nous attendons, une naissance, la venue d'un nouveau-né. Des enfants continuent à naître dans notre monde ! Est-ce bien raisonnable ?
    Le signe que Dieu nous donne, sa signature, c'est la venue d'un bébé dans un pays occupé par les Romains, où des rébellions se déclenchent, suivies de représailles répressives, exactement la situation de la Palestine d'aujourd'hui ! Dans ce monde d'alors, comme dans notre monde d'aujourd'hui, Dieu donne comme seul signe "un nouveau-né, emmailloté et couché dans une crèche" (Luc 2:12).
    Un signe dérisoire face à nos attentes ! Dieu se moque-t-il de nous ? Quel est son plan ? Ce bébé Jésus est-il vraiment « celui qui doit venir » ?
    C'est à douter de tout, de Dieu, de Jésus, du salut ! Probablement est-ce pour cela que Jésus ajoute cette phrase — après les signes énumérés : "Heureux celui qui n'abandonnera pas la foi en moi, ou à cause de moi" (Mt 11:6). Oui, Jésus, tel qu'il est né, tel qu'il s'est présenté, tel qu'il a vécu, tel qu'il est mort, ne vient pas remplir nos désirs de toute puissance, nos attentes de bouleversements soudains, d'anéantissement radical et rapide du mal.
    Nous voudrions bien que Dieu intervienne radicalement dans notre monde d'aujourd'hui pour mettre fin à nos guerres, à nos injustices, à nos incapacités à partager... Mais il ne le fait pas. Il n'en a pas l'intention. Ce n'est pas sa façon de nous aimer et de nous respecter.
    Dieu place dans notre monde des signes discrets, fragiles — à l'image d'un nouveau-né. Des signes qui ne s'imposent pas, qui n'éblouissent pas, qui ne retiennent pas l'attention des médias. Des signes discrets, mais qui sont partout, qui sont dans tous nos gestes, qui sont dans tous les gestes faits à notre égard.

    "L'homme qui vous reçoit, me reçoit; et l'homme qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé (Mt10:40) Celui qui donne même un simple verre d'eau à l'un de ces petits, recevra sa récompense." (Mt 11:42).
    Chaque geste est un signe, un signal qu'il faut recevoir comme venant de Dieu. Chaque geste que nous faisons, veillons à le faire comme un geste qui peut porter la signature de Dieu.
    Cessons de porter nos regards vers le ciel comme des radars fixés vers l'immensité vide de l'espace en attendant un signal extra-terrestre. La venue de Dieu sur la terre, que nous attendons dans cette période de l'Avent et qui se réalise à Noël, signifie que les signes de Dieu se réalisent maintenant sur notre terre, directement autour de nous et au travers de nous, à travers nos gestes, des gestes tout humains.
    Croire à l'incarnation de Dieu, c'est ouvrir les yeux sur notre réalité présente et y chercher, y voir sa trace, ses signes, sa signature.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz

  • 1 Rois 21 . La vigne de Naboth

    1 Rois 21
    10.12.2000
    La vigne de Naboth
    1 Rois 21

    Avez-vous signé la pétition pour la réhabilitation de Simon Naboth ?
    Comment, vous n'êtes pas au courant ?
    Mais d'où venez-vous pour ne pas avoir entendu parler de toute cette affaire ?
    Ah, quand même ? On vous en a déjà parlé !
    Mais vous voulez connaître ma propre version de l'histoire ?
    Qui me dit que vous n'êtes justement pas un agent de sa police secrète ?
    Ah, vous venez d'Egypte !
    Alors il faut que je vous explique comment mon père s'est retrouvé complètement piégé !

    Mon père avait une vigne, oh, pas très grande, mais quand même, elle produisait bien. Elle nous assurait assez de vin pour acheter ce qu'il fallait de blé, d'huile et de viande pour vivre toute l'année. C'est qu'elle était bien située, sur la pente de la colline, bien exposée au soleil. C'est ça qui a été notre malheur.
    Oui, en haut de la colline, il y avait le palais du roi Achab.
    Non, la vigne n'était pas à Samarie, le palais dont je parle est une résidence d'été, pas le palais de la capitale.
    Non, mon père est d'ici, comme mon grand-père et le grand-père de mon père. Cette vigne elle est depuis toujours dans la famille, c'est notre héritage et la garantie de notre appartenance au peuple d'Israël. Chez nous l'héritage d'une terre, c'est comme notre passeport ou notre carte de vote. On ne peut ni l'abandonner, ni la vendre à qui que ce soit, c'est une terre reçue de Dieu et ce serait gravement l'offenser que de s'en séparer.
    Alors lorsque le roi Achab est venu pour dire à mon père qu'il avait des projets d'extension de son palais et qu'il voulait acheter notre vigne, cela a mis mon père dans un grand embarras. Il est bien difficile de refuser quelque chose au roi, on risque de se le mettre à dos. Mais n'est-ce pas pire de blesser Dieu en abandonnant le cadeau qu'il nous a laissé en héritage ?
    Mon père a réfléchi longtemps, il n'en dormait plus, cela le hantait. Comment choisir ? Et surtout, comment ne pas choisir de plaire à Dieu, plutôt qu'aux hommes ?
    Mon père, c'était quelqu'un, il était droit, il savait comment conduire sa vie et jamais il n'aurait voulu offenser Dieu, ni le roi d'ailleurs, mais s'il fallait choisir, il savait où était son devoir.
    Alors il a dit non au roi Achab. Je l'admire, c'était un acte de grand courage.
    C'est alors que les ennuis ont commencé.

    Tout ça, juste parce que mon père avait une vigne au pied du palais royal !

    Déclaration universelle des Droits de l'Homme
    Article 17
    "Toute personne, aussi bien seule qu'en collectivité, a droit à la propriété."

    * * *

    Le roi Achab n'était pas un mauvais roi ou une mauvaise personne. Mais il était mal conseillé (vous voyez ce que je veux dire...). Il y a à ses côtés (tourner la tête pour voir si l'on est observé, baisser la voix et dire avec terreur) la reine Jézabel.
    Lui, le roi Achab, il aurait laissé tomber. Il est des nôtres, il est le gardien de nos lois et de nos coutumes, il avait compris que les raisons de mon père n'étaient pas de la mauvaise volonté. Il avait essayé, il avait espéré tomber sur quelqu'un qui n'était pas attaché à la coutume ou qui avait plus envie de faire fortune que de suivre le chemin du Seigneur. Mais il était tombé sur mon père.
    Tout seul, le roi Achab, il aurait changé les plans d'extension de son palais. Mais avec Jézabel, cela n'allait pas passer comme cela. Vous voyez, Jézabel, elle vient de Sidon en Phénicie. Elle a gardé ses dieux de là-bas et elle détourne le roi du chemin de ses pères. Elle a beaucoup d'influence sur lui. Elle a réussi, à Samarie même, la capitale, à faire construire un temple à Baal. Baal, voilà un dieu qui demande des choses affreuses. Pour qu'il donne la vie à travers la pluie, eh bien, les hommes doivent lui sacrifier des vies. En temps normal, des animaux suffisent. Mais si la pluie ne vient pas, alors Baal réclame des enfants. C'est une véritable abomination. Après ça, étonnez-vous que cette Jézabel n'ait aucun respect pour la vie humaine et n'hésite pas à trucider tous ceux qui se mettent en travers de son chemin.
    Où en étais-je ? Ah oui, Achab aurait laissé tomber pour la vigne de mon père. Mais Jézabel — maudite soit-elle — a pris cela pour un affront personnel contre son mari.
    — Non mais, tu ne vas pas te laisser faire par ce nabot de Naboth — oui notre nom c'est Naboth, alors le jeu de mot est facile, j'en ai assez souffert à l'école ! — tu ne vas pas te laisser retenir par cette coutume idiote, tu es le roi d'Israël quand même !
    Qui c'est qui règne ici ? Tu ne vas pas t'incliner comme ça, simplement parce qu'il a dit non ! Tu passeras pour une lavette, personne ne te respecteras plus. C'est une honte.
    Elle criait tellement fort que tous les serviteurs ont entendu la savonnée qu'elle passait à son mari. J'aurais presque pitié de lui, s'il n'avait pas fait ce qu'il a fait. Ou plutôt laisser faire...
    Jézabel, en fait, lui a simplement demandé de la laisser régler l'affaire elle-même. Et il a accepté, et pour cela je lui en voudrais toujours, tout roi qu'il est. Ou justement parce qu'il est roi et qu'il aurait dû refuser pour faire respecter le droit.

    Jézabel a monté un piège, un vrai traquenard. Mon père n'avait aucun moyen d'y échapper. Alors elle l'a fait arrêter par sa milice.

    Tout ça, juste parce que mon père avait une vigne au pied du palais du royal !

    Article 9 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme
    "Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé."

    * * *

    Ah, vous voulez savoir quel était ce piège ? Eh bien, elle a écrit des lettres au nom du roi Achab, avec le cachet royal, pour faire organiser un banquet. Elle s'est arrangée pour que les anciens de la ville désigne mon père pour présider ce banquet officiel. Mon père était président de la confrérie des vignerons de la ville, cela n'avait rien d'anormal qu'on lui demande de présider ce banquet.
    Jusque-là, tout allait bien.
    Mais Jézabel avait envoyé deux membres de la mafia de Samarie à ce banquet. Pour sûr que ces deux-là avaient une dette envers Jézabel ou comptaient obtenir en échange l'impunité pour un racket quelconque. Bref, ils avaient reçu des cartons d'invitation et se trouvaient au banquet. Là, lorsque mon père commençait son discours de bienvenue, ils sont intervenus pour dire qu'ils l'avaient entendu maudire Dieu et tenir des propos antiroyalistes. Ces deux là avaient tellement bien monté leur coup qu'ils sont arrivés à retourner l'opinion de l'assemblée, qui pourtant tous connaissaient mon père de vue et de réputation.
    Comme ils étaient deux, cela faisait deux témoignages et cela suffisait pour le faire arrêter. C'est vraiment bizarre que la milice ait été là sur place si rapidement, alors qu'il faut l'attendre des heures lorsque des vauriens viennent se servir dans nos vignes. Cela montre bien que tout était manigancé d'avance !

    Le pire, c'est qu'après cette arrestation, mon père a été emmené tout de suite hors de la ville, sur le terrain vague, sans aucune forme de procès. D'habitude, on laisse retomber l'excitation de l'arrestation et on prépare un procès. On nomme un juge et l'on permet à l'accusé de produire aussi des témoins.
    Là, rien.

    Tout ça, juste parce que mon père avait une vigne au pied du palais du royal !

    Article 11 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme
    "Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées."

    * * *

    La foule était rassemblée là, sur le terrain vague. Il y avait ceux qui venaient du banquet et qui injuriaient mon père. Et il y avait les gens qui étaient simplement dans la rue au moment où les gens du banquet étaient sortis et avaient fait cortège pour amener mon père jusque-là. Il faisait chaud, cela criait de partout, mon père était malmené, mais on pouvait encore penser qu'il serait juste passé à tabac et qu'on le laisserait tranquille. Beaucoup pensaient qu'il fallait juste lui faire la leçon et que tout le monde se souviendrait simplement qu'il ne faut pas dire du mal du roi.
    Mais non, la tension montait. Quelques personnes avaient ramassé des pierres, mais personne n'osait jeter la première pierre. Chacun sait que la première pierre est le signal et qu'après tout peut arriver, qu'il n'est plus possible d'arrêter le délire d'une foule.
    Puis tout à coup, le silence s'est fait, je ne sais pas comment. Et ceux qui étaient autour de mon père ont commencé à reculer. Le cercle s'élargissait autour de mon père et j'ai pensé qu'il était sauvé.
    Mais alors, dans le silence de la foule, l'envoyé de Jézabel que le roi Achab n'avait pas arrêté dans son projet mortel, a lancé sa pierre en criant "A mort, le traître" et là j'ai su que tout était fini.

    Tout ça, juste parce que mon père avait une vigne au pied du palais du royal !

    Article 3 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme
    "Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne".


    * * *

    Vous ne pouvez pas savoir ma haine à ce moment-là pour tous ces gens qui se sont laissé entraîner dans cette violence collective. Pourquoi personne n'a pris la défense de mon père ?

    Vous ne pouvez pas savoir comment cela a été les jours suivants. Personne dans la ville ne m'a plus regardé en face, tellement ils avaient honte.

    Vous ne pouvez pas savoir ensuite mon désespoir lorsque le roi Achab est venu prendre possession de la vigne de mon père, celle dont je devais hériter et transmettre à mes enfants lorsque j'en aurais.

    J'étais dans la vigne du voisin, caché derrière le pressoir. J'étais effondré, sans avenir, un exilé sans terre dans mon propre pays. Qui viendrait prendre ma défense après ce qui est arrivé ? Un mot et mon sort serait pareil à celui de mon père. On sait de quoi est capable Jézabel.

    J'observais de loin ce qui se passait dans ma vigne, comment Achab parcourait ma vigne, la vigne de mon père, Naboth, en souriant, en s'exclamant sur ses réalisations futures.
    Alors il s'est passé quelque chose d'incroyable !
    Un homme est arrivé en courant. Il s'est placé en face du roi Achab, debout ! Il ne s'est pas incliné comme tous les autres, morts de peur.
    Et il a commencé à déclamer :

    « Voici ce que déclare le Seigneur :
    — Ainsi, tu as assassiné quelqu'un,
    et tu viens maintenant prendre possession de ses biens »
    « Voici ce que déclare le Seigneur :
    — A l'endroit même où les chiens sont venu lécher le sang de Naboth, les chiens viendront aussi lécher ton propre sang.»

    "Puisque tu as pris du plaisir à faire ce qui répugne à Dieu, voici ce qu'il déclare :
    « Je vais envoyer le malheur sur toi, je te ferai disparaître, parce que tu m'as extrêmement fâché et que tu as poussé le peuple d'Israël à commettre un meurtre. » (1 Rois 21 : 19+21)

    Et le prophète ajouta ces paroles pour toute l'assemblée qui était autour du roi :

    "— On vous a dit ce qui est bien et ce que le Seigneur demande de vous :
    c'est de respecter la justice et le droit des autres,
    d'aimer agir avec bonté
    et de marcher humblement avec votre Dieu." (Michée 6:8)

    Sur ce, le prophète s'en alla comme il était venu, sans que personne n'ose mettre la main sur lui. C'est la main de Dieu qui était sur lui.

    Ainsi j'ai compris, qu'il y avait quelqu'un au-dessus du roi et que le roi ne pouvait pas faire ce qu'il voulait avec n'importe qui.
    La contestation de l'injustice est soutenue par notre Dieu, le Dieu d'Israël, loué soit-il !
    Depuis ce moment, je ne me suis plus senti seul dans ma révolte contre l'injustice, je me suis senti soutenu dans mon nouveau combat contre l'oppression des petits, des sans-voix, des sans-pouvoirs.

    Merci mon Dieu d'avoir envoyé quelqu'un dire directement au roi ma colère contre le mal qu'il y a dans le monde.

    Merci mon Dieu d'être du côté de la justice et du plus faible. Apprends-nous à nous mettre du même côté que toi dans la vie.

    Amen.

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 1. La réconciliation comme préparation à Noël

    Luc 1
    6.12.1998
    La réconciliation comme préparation à Noël
    Es 40:3-5 Mal 3:23-24 Luc 1:5-17

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Qu'est-ce que tu veux pour Noël ? C'est une question qu'on pose on qu'on entend beaucoup ces temps. Les parents la posent à leurs enfant, les oncles et tantes à leurs neveux et nièces. On se la pose entre conjoints, à quelques amis chers. On nous la pose.
    On a des désirs, ou on n'en a pas de précis, et puis parfois on a un soupir de lassitude... Ce qu'on désire vraiment, peut-on le mettre dans une boîte, l'emballer dans du beau papier entouré d'un joli ruban ? A-t-on vraiment besoin de quelque chose encore, d'un objet en plus ? Nos aspirations ne sont-elles pas ailleurs ? N'avons-nous pas besoin de choses plus immatérielles, plus relationnelles, plus personnelles et profondes ? Lassitude de l'aspect commercial de Noël, aspirations à d'autres réalités, plus vraies, plus réelles.
    Alors, comment allons-nous préparer Noël qui vient ? Oui, Noël se prépare... Dieu lui-même a préparé Noël, Dieu lui-même a préparé le chemin de l'avènement de son Fils. C'est la figure de Jean-Baptiste que Dieu envoie pour préparer le chemin, pour préparer l'accueil de Jésus.
    Avec Jean-Baptiste nous pouvons nous préparer à vivre Noël sur un mode nouveau qui réponde à nos aspirations profondes. L'évangéliste Luc nous relate comment la venue même de Jean-Baptiste est préparée pour nous montrer son rôle, sa place, sa mission. La naissance de Jean-Baptiste est mise en parallèle avec celle de Jésus. Deux annonces par un ange; deux conceptions extra-ordinaires; deux enfants qui vont grandir sous l'aile du Saint-Esprit. Beaucoup de similitudes entre Jean-Baptiste et Jésus, mais des rôles bien définis et bien différents.
    Jean-Baptiste s'inscrit dans l'ordre ancien. Il est le fils de Zacharie et d'Élisabeth, qui eux-mêmes s'inscrivent dans la plus pure tradition de l'Ancien Testament. Ils servent au Temple, leurs généalogies les rattachent à Aaron, le frère de Moïse. Jean-Baptiste s'inscrit donc au coeur du peuple d'Israël, le peuple choisi par Dieu dès le début. C'est à son peuple élu que Dieu réserve le summum de sa révélation. Jean-Baptiste s'inscrit dans la continuité de l'élection. Le Sauveur qui va venir, c'est celui qui a été annoncé et promis dans l'Ancien Testament. Jean-Baptiste, c'est l'accomplissement des promesses d'Esaïe : "la voix qui crie dans le désert pour préparer le chemin" et l'accomplissement de la promesse de Malachie : "un prophète revêtu de la puissance d'Elie". Tradition et accomplissement se rencontrent en Jean-Baptiste.
    Il a une mission qui est définie dès avant sa naissance :

    "Il ramènera beaucoup d'Israélites au Seigneur leur Dieu. Il s'avancera lui-même devant Dieu avec l'esprit et la puissance du prophète Elie, pour réconcilier les pères avec leurs enfants et ramener les désobéissants à la sagesses des hommes justes; il formera un peuple prêt pour le Seigneur." (Luc 1:16-17).
    Cette mission prépare, anticipe la venue du Messie et la réalisation de sa promesse. Cette mission est exprimée en termes de réconciliation. Réconcilier, ramener les coeurs des pères vers leurs enfants. Réconcilier les parents avec leurs enfants, c'est au niveau humain la figure de la réconciliation de Dieu avec les êtres humains. Le premier pas vient de celui qui a l'autorité, la force, le pouvoir.
    • Comme Dieu a pris la responsabilité et l'initiative de renouer avec l'être humain, de même, c'est à nous adultes, parents, aînés de prendre l'initiative de rénover, renouveler nos relations avec nos proches.
    • Comme Dieu a envoyé un messager pour préparer la route, aplanir les montagnes et combler les fossés, de même, c'est à nous de préparer le terrain, d'aplanir les obstacles et d'envoyer des signaux bienveillants à ceux qui nous entourent pour amorcer une réconciliation, pour améliorer nos relations.
    • Comme Dieu a laissé tombé ses griefs contre Israël pour envoyer son Fils, de même, nous pouvons laisser tomber nos rancunes, nos regrets, nos désirs de vengeance pour ouvrir la porte à de nouveaux contacts.
    Préparer l'Avent, la venue de Noël, c'est préparer des cadeaux pour les autres, mais peut-être des cadeaux auxquels nos proches aspirent mais n'osent pas espérer, quelques cadeaux immatériels, mais combien précieux qui pourraient illuminer Noël d'une autre lumière que celle des bougies !
    L'avent, Noël, un temps pour la réconciliation, mais peut-être pas seulement avec les autres, aussi avec soi-même. Combien sommes-nous ici, qui sont partagés ou en guerre avec soi-même ? Combien de reproches avons-nous en réserve contre soi, combien de "il faut", "tu devrais", "tu aurais dû", restent en suspens dans notre esprit et nous empêchent d'être en paix avec soi-même ?
    La réconciliation — dont Dieu planifie le chemin, la venue — est aussi pour nous-mêmes, pour nos âmes chargées et fatiguées de ces luttes constantes.
    Reposez-vous, détendez-vous, la réconciliation intérieure est aussi une promesse pour chacun de nous, un cadeau que chacun peut recevoir, un cadeau que Dieu dépose sous chaque sapin. A chacun de le saisir et de le faire sien.

    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Jean 16. Demandez et vous recevrez et ainsi votre joie sera complète

    Jean 16
    14.12.97
    Demandez et vous recevrez et ainsi votre joie sera complète
    Luc 2 : 8-11 Psaume 16 : 7-11 Jean 16 : 16-24

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Joyeux Noël !
    C'est peut-être encore un peu tôt pour vous dire Joyeux Noël !, pourtant, c'est déjà le temps des cartes de voeux et ces mots se retrouvent sur les vitrines des magasins depuis quelques jours déjà. Noël est associé à la joie et c'est de la joie que j'aimerais vous parler maintenant.
    La joie est annoncée aux bergers à propos de la naissance de Jésus : "une grande joie pour tout le peuple" ( Lc 2:10). La joie, Jésus l'annonce aussi à ses disciples dans le texte de l'évangile de Jean que nous venons d'entendre : "mais je vous reverrai et votre coeur se réjouira, et personne ne pourra vous enlever votre joie !".
    Parler de la joie à Noël, c'est normal, mais je me suis quand même senti mal à l'aise au moment où j'ai voulu écrire des cartes de voeux à des personnes qui ont perdu un être cher récemment. Peut-on dire Joyeux Noël ! à quelqu'un en deuil ? Peut-on dire Joyeux Noël ! à quelqu'un qui vient d'apprendre qu'il a un cancer ? Peut-on dire Joyeux Noël ! à quelqu'un qui vient de recevoir sa lettre de licenciement ? Cela ne manque-t-il pas de tact, de coeur ? Plus généralement, en regardant la marche du monde, de Louxor à Kyoto, la joie n'est-elle pas un sentiment déplacé ? La réalité ne nous invite pas à la joie, mais plutôt à la tristesse ou à la révolte.
    Devons-nous dès lors vivre sans joie ? Non. La joie a sa place dans cette réalité-là. Jésus dit : "je vous reverrai et votre coeur se réjouira, et personne ne pourra vous enlever votre joie !". Lorsque Jésus dit "je vous reverrai", il parle des jours qui suivent la résurrection, dans le monde tel qu'il est, il ne parle pas de l'au-delà. La joie promise, c'est une joie pour nous ici et maintenant, une joie imprenable, donc une joie qui n'est pas étouffée, éteinte par le monde et ses circonstances tragiques. Cette joie n'efface pas la souffrance vécue non plus.
    Jésus utilise là une illustration : la femme qui accouche dans la douleur. La joie vient après le travail, la femme peut être joyeuse parce qu'un nouvel être est né.
    Cette image doit nous rendre attentif à ce que Dieu ne fait pas un équilibre entre le mal et le bien. Soit qu'à tout mal devrait correspondre un bien qui le répare. Soit qu'à tout bien devrait correspondre un mal qui le compense. (souvent des gens ont peur d'être heureux, parce qu'ils pensent que cela devra se payer plus tard).
    Dieu ne cherche pas à équilibrer le mal par du bien ou le bien par du mal. L'opposé du mal, c'est l'être. Dieu EST, il est celui qui dit JE SUIS et en cela il est opposé au mal qui conduit au néant. Dieu nous invite donc à être, être nous-mêmes, et à puiser notre être à la source de son être.
    C'est pourquoi il nous est dit : "Demander et vous recevrez, et ainsi votre joie sera complète".
    La joie est le sentiment qui naît de la sensation d'être entier, intégral. Ce qui est le contraire de déchiré, divisé, dissocié. La joie ne se commande pas, mais elle jaillit et devient communicative lorsque nous sentons que notre être est entier.
    Comment retrouve-t-on une partie égarée de soi-même ? C'est un travail de tisserand, il s'agit de tisser de nouveaux liens avec soi-même, avec son corps. Renouer avec les sensations éprouvées au fil des heures. Etre attentif à ce qui nous fait nous sentir bien, ou nous sentir mal et trier pour ne garder que le bon.
    Commencer par se sentir respirer, sentir le souffle entrer et sortir, sentir le souffle nous habiter. Sentir comment le souffle devient esprit, comment cet esprit nous habite et nous ranime. Se centrer sur le souffle de Dieu qui nous habite. Ce souffle qui est l'être et la présence de Dieu. Demander à Dieu d'habiter notre être.
    Jésus nous dit : "jusqu'à maintenant vous n'avez rien demandé en mon nom. Demandez et vous recevrez, et ainsi votre joie sera complète." (Jean 16:24)
    Amen.

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Matthieu 25. Discerner la présence mystérieuse du Christ dans le monde

    Matthieu 25
    16.11.97
    Discerner la présence mystérieuse du Christ dans le monde
    Genèse 18 : 1-8 Matthieu 25 : 31-40 Romains 13 : 8-10

    Avez-vous vu Dieu ce matin ? ou ces derniers jours ?
    Si je vous disais que je l'ai croisé dans les rues de Bussigny ou qu'il est venu sonner à ma porte, il ne serait pas étonnant que vous vous mettiez à penser que ce pasteur déraille, ou qu'on est tombé sur un illuminé. Surprise et incrédulité, voilà une réaction bien normale.
    Cette surprise et cette incrédulité, c'est bien la réaction prêtée aux personnes dépeintes dans la fresque du jugement dernier que nous venons d'entendre. Alors que le Christ en gloire a séparé les gens en deux groupes, il dit aux uns "vous m'avez accueillis, nourris, vêtus", etc. et aux autres qu'ils ne l'ont pas fait. Mais dans les deux groupes des voix s'élèvent : "Quand t'avons nous vu ? Surprise et incrédulité.
    Au travers de toute la Bible nous trouvons deux affirmations contradictoires : d'un côté, elle dit: on ne peut pas voir Dieu, de l'autre elle nous demande de reconnaître que Dieu est présent.
    Voilà le paradoxe : Dieu est présent incognito dans le monde, mais il nous fait des visites surprise.
    Voyez Abraham. Il voit arriver trois visiteurs. Il les accueille avec faste. Rien, sauf le titre du récit, ne dit qu'ils diffèrent de simples voyageurs. Pourtant Dieu est présent dans les paroles de ces trois hommes. Dieu invisible présent dans le visible, dans les paroles de ces mystérieux visiteurs.
    Ces trois personnages savent-ils seulement qu'ils sont ambassadeurs, messagers de Dieu ? Comment le savoir ? Si ce n'est en prenant le message au sérieux, en écoutant, en accueillant, en se faisant réceptif. La présence mystérieuse de Dieu semble insensiblement glisser des messagers vers Abraham. N'est-ce pas lui qui croit entendre Dieu parler, qui entend ces paroles comme parole de Dieu, non pas "comme si", mais "en tant que" Parole de Dieu ? C'est le pas de la foi, la réceptivité du croyant qui guette les signes, qui attend les messages, qui attend des réponses à ses prières.
    Dieu nous fait des signes, Dieu nous met des gens sur notre chemin, pour nous parler, nous révéler à nous-mêmes, pour nous faire avancer, grandir, croître.
    Chaque personne rencontrée est peut-être porteuse d'un message pour nous, d'une révélation pour notre vie, d'une réponse à une question qu'on se pose depuis longtemps. Sommes-nous ouverts à ces messages, à ces réponses ? Sommes-nous vigilants pour les recevoir ? La vigilance est le thème des chapitres 24 et 25 de l'évangile de Matthieu (Les vierges folles et les vierges sages, la parabole des talents).
    Revenons à cette fresque du jugement dernier. Parmi tous les peuples rassemblés, chacun a été confronté à des rencontres, chacun a reçu des visites, des sollicitations, des messages. Remarquez cependant qu'aucun n'a vu l'invisible, aucun n'a vu le Christ directement dans ces rencontres. Le récit ne dit pas "ceux qui ont reconnu le Christ ont hérité du Royaume" ! Personne n'a vu Dieu, n'a vu le Christ. L'incognito a été total, mais chacun a réagi différemment à ces visites.
    Les uns ont été touchés, au fond de leur coeur, ils ont été émus par ces situations de détresse et se sont ouverts à leur prochain. Ils ont eu les yeux de la compassion et ils ont agi en suivant leur coeur.
    Les autres n'ont pas été touchés. Ils n'ont pas vu la détresse à secourir. Ils se sont fermés, enfermés.
    Selon cette fresque imagée, nous savons maintenant que nous pouvons tous rencontrer le Christ incognito, que nous l'avons tous croisé, un jour ou l'autre. Personne cependant ne peut dire : il est là, ou, il est ici, venez voir. Sa présence est toujours une surprise (comme pour les témoins d'Emmaüs).
    Nous pouvons passer notre vie à refuser de voir autre chose que la réalité, la réalité vraie, scientifique et statistique. Refuser de voir autre choses que les réalités économiques :
    - celui qui se donne de la peine trouve toujours un boulot
    - celui qui veut manger n'a qu'à travailler
    - celui qui s'est endetté/nu, n'avait qu'à ...,
    - celui qui se retrouve en prison, n'avait qu'à ...,
    - celui qui est malade, n'avait qu'à ..., pas fumer, pas boire, pas...
    Ou bien nous pouvons laisser notre coeur ou notre troisième oeil s'ouvrir, se montrer réceptif, comme Abraham.
    Nous pouvons guetter, dans chaque rencontre, sur chaque visage, dans chaque parole échangée la présence mystérieuse de ce Christ qui vient habiter la détresse de chacun.
    Dieu nous visite, Dieu nous parle, Dieu nous réclame, saurons-nous l'accueillir, l'entendre, le secourir ?
    Amen.

    © 2006, Jean-Marie Thévoz