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bible - Page 37

  • Galates 6. La foi n'est pas dans le rite, mais dans la disposition de l'esprit.

    Galates 6
    26.11.2006
    La foi n'est pas dans le rite, mais dans la disposition du cœur et de l'esprit
    Michée 4:1-4 Jean 4:19-24 Galates 6:11-16

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    En cette période de l'année, l'Eglise cantonale nous invite à prendre en compte le "fait interreligieux." Notamment au travers de l'offrande cantonale de ce jour qui est destinée à la "Maison du dialogue de l'Arzillier" à Lausanne. L'Arzillier est un lieu de discussion et de rencontre pour avancer dans le dialogue interconfessionnel et interreligieux. Cette maison est aussi le siège du Conseil des Eglises chrétiennes dans le canton de Vaud (CECCV). Ce bâtiment est la propriété de notre Eglise, les activités sont gérées et soutenues par elle. L'Arzillier est donc l'outil de travail de l'EERV dans les relations interconfessionnelles et interreligieuses.
    Pourquoi faut-il s'occuper de ces choses-là, peut-on se demander ! Simplement parce que le monde, la Suisse, notre Canton ont changés. Dans notre Canton — au sein des chrétiens — les proportions ont radicalement changé. On tend vers une égalité de nombre entre protestants et catholiques. Dans le même temps, bien qu'en nombres encore très modestes, les croyants d'autres religions augmentent- Le dialogue interconfessionnel et interreligieux s'impose donc comme la voie préférable entre toutes.
    Le dialogue œcuménique au sein du christianisme — même s'il n'avance pas toujours comme nous le voudrions en tant que protestants — ne pose pas de problèmes de principe. Le dialogue interreligieux, par contre, ne va pas de soi. En effet, chaque religion a une prétention à se déclarer l'unique chemin vers Dieu. Cela est plus fortement marqué encore dans les monothéismes ! Le judaïsme, le christianisme et l'islam ont chacun la prétention d'être la seule voie d'accès à Dieu. Il y a là un vrai risque de violence, comme la connaissance de l'histoire doit nous le rappeler constamment !
    Que disent nos racines ? L'Ancien Testament balance constamment entre, d'un côté, l'aspiration à une "pureté identitaire" et, de l'autre, à un universalisme où toutes les nations convergent vers Jérusalem.
    Du côté de la "pureté identitaire" on trouve tous les textes qui condamnent les cultes à Baal et les idoles cananéennes, babyloniennes ou égyptiennes, tous les textes contres les mariages*1 avec les gens du pays, toutes les coutumes qui exigent de se différencier des autres peuples.
    Du côté de l'universalisme, il y a l'alliance avec Noé qui concerne tous les habitants de la terre et l'idée "futuriste" que tous les peuples se réuniront à Jérusalem pour faire la paix et adorer Dieu, le Dieu d'Israël. On n'est pas encore dans l'interreligieux, mais dans l'englobement de tous les autres dans sa propre religion, par conversion.
    Dans le Nouveau Testament, on retrouve cette même tension entre un judaïsme simplement renouvelé par Jésus et une universalisation dans l'ouverture du christianisme aux grecs, aux romains, aux païens. Jésus semble également pris dans cette tension lorsqu'il refuse une guérison à la femme cananéenne (Mt 15:22-28) parce qu'il est envoyé en mission "auprès des enfants d'Israël." Mais d'un autre côté, il renvoie juifs et samaritains dos à dos — dans son dialogue avec la Samaritaine (Jn 4) — lorsqu'il dit que "les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit" c'est-à-dire détachés des lieux saints et de l'obéissance rituelle. La foi n'est pas dans le rite, mais dans la disposition du cœur et de l'esprit. En ce sens, Jésus n'est pas venu proposer une nouvelle religion, mais une nouvelle façon d'être devant Dieu.
    Là je vais risquer une hypothèse sous forme de question : Et si cette nouvelle façon d'être en relation à Dieu — qu'apporte le Christ — pouvait être adoptée dans n'importe quelle religion, n'importe quel système religieux ?
    Petite parenthèse : on pourrait en voir des modèles chaque fois qu'un théologien a transformé un courant de pensée philosophique en une théologie chrétienne : les Pères grecs et saint Augustin pour Platon, saint Thomas d'Aquin pour Aristote, Karl Barth pour Kant et Hegel, Paul Tillich pour la philosophie des sciences humaines et le marxisme. Fin de la parenthèse.
    Revenons à notre hypothèse, et si Jésus n'était pas venu proposer une nouvelle religion — à mettre à côté des autres — mais une nouvelle façon d'être en relation avec Dieu ? Je pense que l'apôtre Paul en a eu l'intuition très forte lorsqu'il écrit cette phrase — de sa propre main — aux Galates (6:15) : "Etre circoncis, ou ne pas l'être, n'a aucune importance : ce qui importe, c'est d'être une nouvelle créature."*2
    Etre circoncis — pour Paul, l'ancien pharisien — c'est avoir inscrit dans son corps l'appartenance à un système religieux, celui du judaïsme. C'est y être inscrit envers et contre tout. La circoncision, c'est un rite religieux, observé par les juifs, par lequel, ils se différencient des autres. Les non-circoncis se différencient aussi — en miroir — des juifs. Ils ont aussi leurs rites religieux, leurs sacrifices, par exemple à l'empereur pour les romains.
    Eh bien, Paul les renvoie dos à dos : que vous pratiquiez l'obéissance à la Torah ou les sacrifices à l'empereur, cela n'a pas d'importance, "ce qui importe, c'est d'être une nouvelle créature." Paul renvoie au vestiaire toute religion, tout système religieux qui enferme l'être humain dans une pratique sensée le sauver, ou attirer sur lui les faveurs de Dieu.
    Paul en appelle à l'abolition de toutes les religions qui se prétendent des échelles pour monter au ciel — ce qui signifie aussi tous les systèmes que le christianisme a fabriqué au cours des siècles pour gagner la faveur divine. Et tout cela est remplacé par la prédication du Christ crucifié, c'est-à-dire l'annonce que Dieu a déjà tout accompli en notre faveur, pour notre salut, il a déjà fait de nous de nouvelles créatures.
    Il y a donc dans ces paroles de Paul un refus de la sacralisation de tout système religieux. Le système religieux en soi n'a aucune importance, puisque tout se joue dans la relation de Dieu à l'être humain.
    Cela devrait nous aider dans le dialogue interreligieux. Nous aider à ne pas nous sentir menacés par les différences. Nous aider à ne pas craindre de perdre des bouts de christianisme : on peut abandonner toute la dogmatique si l'on garde le lien à Dieu. Nous aider à être tolérants envers ceux qui ont besoin de rites ou de signes visibles de différenciation — même au sein du christianisme — (ils ne sont que des accessoires, pas des conditions de la relation à Dieu).
    Attention, cependant, à la tentation de transformer ce merveilleux cadeau d'amour que Dieu nous a fait en la personne du Christ en un nouveau système religieux supérieur à tous les autres. En image : ne faisons pas du Christ une nouvelle échelle pour monter vers Dieu par nos propres moyens et à imposer aux autres comme seul chemin. Ce serait une nouvelle façon d'imposer la circoncision aux païens dans le langage de Paul.
    Le christianisme n'est pas une religion qui chapeaute toutes les autres, le christianisme est la voie de sortie de la religion, de toute religion, pour que l'être humain puisse adorer Dieu en esprit et en vérité, tel que Dieu se présente lui-même, descendant du ciel pour nous rejoindre au plus près de notre humanité. Ce que Jésus nous offre, c'est Dieu sans intermédiaire.
    Amen

    *1 voir ma prédication sur Ruth 4 du 27.8.2006 voir http://clamans.hautetfort.com/archive/2006/09/11/le-message-politique-du-livre-de-ruth.html
    *2 Paul Tillich a prêché sur ce verset, voir http://www.eglise-reformee-mulhouse.org/tillich/tillich1.html

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Matthieu 5. La peine de mort pour Saddam Hussein ?

    Matthieu 5
    12.11.2006
    La peine de mort pour Saddam Hussein ?
    Rm 13 : 1-5 Mt 5 : 21-22

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Une fois n'est pas coutume, aujourd'hui, je vais prendre le risque de commenter un fait d'actualité. Cette semaine, la nouvelle est tombée : le Haut tribunal pénal irakien a condamné Saddam Hussein à la peine de mort. Celui-ci pourra faire appel et remettre ce verdict en question.
    Deux réactions rapides, réflexes : (i) si Saddam Hussein n'est pas condamné à mort, qui pourrait encore l'être pour des crimes civils ? Ne serait-il pas injuste qu'une personne ayant tué une, deux, trois, voir même 18 personnes s'en tire moins bien que Saddam Hussein ? (ii) La peine de mort est-elle une sanction appropriée pour Saddam Hussein si l'on entre dans des considérations qui tentent de mesurer la gravité des faits et arriver à un châtiment qui soit "à la mesure" de ses crimes. A cette échelle, la peine de mort est trop clémente !
    Pourtant, vous avez pu le voir et l'entendre dans la presse, Amnesty International, l'ACAT (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture) et d'autres, dont les Eglises, demandent que la peine de mort ne soit pas appliquée, même dans ce cas !
    Cette position n'est pas facile à défendre. En fait l'abolition de la peine de mort est un discours récent dans les Eglises, une idée du XXe siècle et de l'Eglise primitive. Jusqu'à la déclaration par Constantin que le christianisme devenait la religion d'Etat de l'Empire romain, l'Eglise était opposée à toute mise à mort qu'elles qu'en soient les raisons. Ensuite, en s'appuyant sur les paroles de Paul aux Romains (Rm 13:1-5) — qui dit que l'autorité a le pouvoir du glaive pour faire respecter l'ordre public — les Eglises ont soutenu les Etats et la peine de mort contre les criminels.
    Des groupes marginaux dans l'histoire, les Cathares, les Vaudois, les Anabaptistes s'y sont opposés, comme ils s'opposaient à la guerre. Ce n'est qu'au XXe siècle, le théologien bâlois Karl Barth en tête, que le mouvement abolitionniste s'est développé et a gagné presque tous les pays de tradition chrétienne.
    Cette opposition à la peine de mort est une opposition de principe. Elle fait valoir les arguments suivants :
    - la peine de mort est irréversible. Des innocents peuvent être exécutés par erreur judiciaire.
    - la peine de mort n'est pas dissuasive.
    - la peine de mort frappe avant tout les minorités et les pauvres, elle est donc injuste.
    Ces premiers arguments ne s'appliquent pas dans le cas de Saddam Hussein. Voyons les suivants :
    - Il n'appartient pas aux êtres humains de fixer le moment de la mort, seul Dieu a ce pouvoir.
    - Si coupable soit-il, un homme pour qui Jésus-Christ est mort, ne saurait être privé du temps de patience et de repentance que Dieu offre à tout pécheur.
    -La peine de mort n'est pas un moyen de légitime défense puisqu'elle s'applique sur quelqu'un qui est déjà hors d'état de nuire puisqu'il est déjà en prison.
    - la peine de mort s'exprime par le "même langage", c'est-à-dire avec les mêmes méthodes et moyens que l'on condamne chez le coupable.
    Je ne vais pas analyser chacun de ces arguments. C'est le dernier argument qui me semble en même temps le plus "chrétien" et le plus "universel", le plus compréhensible pour toutes les cultures : La peine de mort utilise le même langage de violence que celui qui est condamné chez le coupable.
    Je trouve cet argument particulièrement pertinent parce qu'il ne s'attache pas au caractère légitime ou non, légal ou non, humain ou non de la peine de mort, mais au caractère violent de la peine de mort. Quelques que soient les méthodes utilisées pour une exécution (on le voit au Etats-Unis avec la diversité de moyens engagés) la peine de mort est toujours l'application d'une violence qui contredit nos valeurs, pas seulement chrétiennes, mais les valeurs de base de toutes les démocraties.
    On utilise la même violence que l'on dénonce chez le condamné. On est dans la violence du "œil pour œil, dent pour dent" même avec tout un arsenal juridique. D'ailleurs, Saddam Hussein utilisait aussi tout un arsenal juridique en Irak qui devait légitimer ses exactions !
    Condamner Saddam Hussein "légalement" à mort, c'est une façon de reconnaître qu'il y a des violences légitimes. Pourquoi celles des nazis ou celles de Saddam Hussein sont-elles illégitimes en fin de compte puisqu'elles reposaient sur des lois d'Etat ? Bien sûr, on dira — après coup — que c'étaient des Etats criminels. Et on le fait en se plaçant au-dessus de ces Etats — p. ex. en se plaçant au niveau de l'ONU ou du TPI (Tribunal pénal international). On voit qu'il faut chaque fois "monter d'un étage" pour poser un jugement. Les chrétiens affirment simplement qu'à l'étage supérieur, il faut placer Dieu et surtout pas les hommes. Le dernier jugement doit être laissé à Dieu !
    C'est une façon de reconnaître que les jugements humains sont toujours trop étroits, trop limités, trop faillibles. La violence est une force bien trop grande, trop explosive pour être laissée entre les mains des humains (surtout quand ils prétendent faire le bien !). Comme humains, nous sommes trop tentés par la vengeance.
    Nous voudrions que la justice venge les victimes. Dans cet esprit, la peine de mort est trop clémente ! Certains ne voudraient-ils pas réintroduire les châtiments tels que la roue, l'écartèlement ou l'écorché vif ? Mais quelle violence supplémentaire améliorerait d'un cheveu le sort des victimes ? Le sort des victimes est bien la première préoccupation chrétienne. La peine de mort ne pourrait qu'assouvir — mais jamais assez — le désir de vengeance des victimes, mais on n'a jamais vu que la vengeance améliorait le sort des victimes.
    Qu'est-ce qui améliorerait leur sort ? Du temps pour mener de nombreux procès, pour faire droit, pour réhabiliter les victimes, pour faire office de mémoire, de mémorial, voilà qui soulagerait les victimes ou leurs proches. Suspendre ou abolir la peine de mort pour faire droit aux victimes de réclamer une condamnation des actes qui ont été perpétrés contre eux, voilà qui serait bienfaisant.
    Reste la question du jugement de Dieu. Comment Dieu allie-t-il justice et amour ? Justice pour les victimes, justice pour le coupable ? Amour pour les victimes, amour pour le coupable ? Nous n'en savons rien ! Pour moi, en tout cas, cela reste un grand mystère. Cependant, nous avons quelques indices à méditer dans la Passion de Jésus.

    - Un homme désigné comme coupable par tous est condamné à la peine de mort.
    - Un innocent se retrouve sur la croix. victime de la violence des hommes.
    - Tous les humains coupables aux yeux de Dieu, mais Dieu qui leur offre le salut malgré tout.
    - Une victime enterrée, que Dieu ressuscite le troisième jour et enlève au ciel.
    - Un jugement différé pour les humains, pour faire place à un amour possible entre les humains et Dieu et entre les humains.
    Aujourd'hui, ce n'est pas dans la figure de Ponce Pilate que l'on reconnaît Dieu, c'est bien dans celle de Jésus et Jésus crucifié. Si un jugement est nécessaire, c'est bien pour que justice soit rendue aux victimes. C'est bien à leur égard que Dieu allie justice et amour.
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • 2 Rois 4. A partir de nos indigences, Dieu crée de l'abondance

    2 Rois 4
    22.11.98
    A partir de nos indigences, Dieu crée de l'abondance
    2 Rois 4 : 1-7 Marc 6 : 34-44

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    L'Evangile de Jean nous rapporte cette parole de Jésus : (Jean 10:10)
    "Moi, je suis venu pour que les humains aient la vie et l'aient en abondance"
    Pour moi, cette phrase est une clé de lecture extrêmement importante pour comprendre nombre de récits bibliques et surtout l'intention fondamentale de Dieu à notre égard. Vous avez entendu deux récits qui manifestent cette abondance. Le récit de la veuve secourue par Elisée et celui de la multiplication des pains. On pourrait en mentionner plusieurs autres : le don de la manne ou des cailles au désert, du temps de Moïse; la veuve de Sarepta secourue par Elie; la pêche miraculeuse ou encore les noces de Cana.
    Autant de miracles où de la nourriture est offerte au-delà de toute espérance. Une situation de désespoir, de misère, de mort, de pénurie est transformée en un nouveau départ. Il y a restauration, dans tous les sens du terme. La vie menacée est rétablie, restaurée et peut reprendre sur de nouvelles bases.
    N'est-ce pas aussi ce qui se passe lorsque le deuil frappe ? L'unité d'un couple ou d'une famille, des liens sont brisés et une sentiment de perte, de lassitude, de peine et de malheur s'installent. Face au manque, tout semble vain, dénué de sens. C'est ce que vit cette femme au temps du prophète Elisée. Elle a perdu son mari. Elle reste avec ses deux enfants, mais une menace pèse sur cette famille : un créancier réclame le remboursement d'une vieille dette et menace de prendre les deux enfants pour les faire travailler à son service jusqu'au remboursement de cette dette.
    Après son mari, cette femme pourrait perdre ses enfants, elle pourrait perdre toutes ses ressources à cause du passé. C'est alors qu'elle va chercher de l'aide auprès d'Elisée.
    J'admire la réaction d'Elisée. Il dit :

    "Que pourrais-je faire pour toi? Dis-moi ce que tu possèdes ! (2 R 4:2)
    En deux phrases, il donne l'occasion à cette femme, d'abord d'identifier ses besoins véritables, ensuite de faire l'inventaire de ce qu'elle a, de ses possibilités, de ses atouts, de ses forces. Elle-même pense ne rien avoir du tout, d'être au bout du rouleau, dans une situation sans issue, désespérée. Ce qu'elle a — un peu d'huile au fond d'un flacon, juste de quoi se parfumer, donc de mouiller ses doigts — lui semble être négligeable, insuffisant, rien, du néant. Elle voit sa situation avec les lunettes du manque, avec une vision de pénurie. Elle se sent sans force, seule, épuisée, dans tous les sens du terme. C'est le vide autour d'elle, c'est le vide en elle...
    Elisée va retourner cette situation. Il va partir du "peu" de ressource qu'elle à en elle. Il exhume ce petit peu de force, de richesse qui est en elle. Et il rameute les voisins à son aide en envoyant cette femme et ses fils chercher tous les récipients vides qu'ils peuvent trouver. Par ce mouvement, il se crée une petite communauté qui travaille au rétablissement de la situation de cette femme. Chacun peut apporter son aide, mais avec des récipients vides — donc une aide, mais pas un substitut aux ressources de la femme.
    La femme reste l'acteur principal de son rétablissement. C'est à partir de sa force intérieure — son peu de force — mais la sienne propre que peu à peu elle va réussir l'incroyable, ce qu'elle-même ne pouvait croire : remplir tous les vases et se sortir de sa situation désespérée.
    C'est à partir de ses propres ressources que l'abondance se met à couler. C'est à partir des 5 pains et 2 poissons que la foule avait dans ses sacs que l'abondance va surgir et les nourrir tous. C'est à partir de ce qui nous semble être nos pénuries intérieures que l'abondance et la vie véritable vont se mettre à couler.
    Là où nous avons un regard qui voit le manque, l'absence, la pénurie, Dieu est capable de nous donner un regard qui voit ce qui est là, la présence, l'abondance.

    "L'homme ne vivra pas de pain seulement..." (Mat. 4:4)
    Si nous ne savons pas multiplier les pains ou l'huile, alors faisons-le, là où cela est possible, dans nos relations les uns avec les autres ! L'abondance de vie que Dieu veut dans nos existences n'est certainement pas une abondance de biens de consommation, mais une abondance dans nos relations. Y recevoir ce dont nous avons besoin. Y donner ce dont nos proches ont besoin, de sorte que ni nous, ni nos proches ne vivent dans une pénurie d'intimité et de tendresse, un manque de proximité et d'amour.
    C'est vrai, ce n'est pas toujours facile à faire, mais c'est le miracle que Dieu souhaite introduire dans nos vies, vivre dans l'abondance de moments vrais, une abondance dont chacun peut être rassasié aussi longtemps que nécessaire, parce que l'amour ne tarit pas.
    Oui, le miracle que Dieu souhaite réaliser dans la vie de chacun, Jésus nous l'a dit :

    "Moi, je suis venu pour que les humains aient la vie et l'aient en abondance"
    (Jean 10:10)
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Romains 1. Réformation : la justice de Dieu, une grâce offerte aux humains

    Romains 1
    2.11.97
    Réformation : la justice de Dieu, une grâce offerte aux humains
    Jér 31:31-34 Rm 1:16-17 Lc 18:9-14

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Ce premier dimanche de novembre, nous commémorons la Réformation. Le premier dimanche de novembre a probablement été choisi parce que Martin Luther avait affiché ses "95 thèses contre les indulgences" sur les portes de l'église de Wittenberg le 31 octobre 1517, voici 480 ans.
    Par ce premier acte public et provocateur, Luther dénonce vigoureusement la pratique de l'Eglise de l'époque de monnayer le salut, de remplir ses caisses en laissant croire que chacun pouvait racheter des années de purgatoire. C'est ce qu'on appelle le salut par les oeuvres.
    Luther en tant que moine avait été éduqué dans cette croyance — généralisée à l'époque — qu'en sortant du monde (en se faisant moine), en faisant pénitence et en s'appliquant à se consacrer entièrement à Dieu, on pouvait gagner son salut, la vie éternelle.
    Luther vivait — comme moine — dans l'angoisse et la terreur du jugement de Dieu. Il ne voyait Dieu que comme un juge, un Dieu comptable des bonnes et des mauvaises actions. Un Dieu impitoyable, exerçant une justice qui ne passe rien. Tous les jours, Luther se demandait avec angoisse : "Que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ?"
    Un jour cependant, nous dit-on, Luther médite le début de la lettre aux Romains. Aux versets 16-17, il est question de la justice de Dieu. Là, il a comme une illumination ! Cette justice qu'il comprenait comme le jugement de Dieu sur l'homme pécheur, il la rencontre comme la façon qu'a Dieu de rendre justes les humains : "Comment Dieu rend les humains justes devant lui : par la foi seule" dit la traduction de la Bible en français courant. Le tribunal terrifiant fait place à un flot de grâce. Celui qui se croyait condamné reçoit sa lettre de grâce. De la terreur, Luther passe à la reconnaissance.
    Il y a un avant et un après. Et Luther n'aura de cesse de dénoncer ceux qui entretiennent ce régime de terreur et de soumission. Et l'on comprend combien ce message libérateur a pu trouver d'échos parmi ceux qui l'entendaient.
    Luther a marqué dans l'Histoire un avant et un après. Même si un schisme a eu lieu entre catholiques et protestants, les idées de Luther et des autres réformateurs ont fait leur chemin dans toutes les Eglises. Les indulgences ont disparu. Le discours sur le salut par les oeuvres a presque disparu. Pourtant, chassé par la porte, ce discours revient par la fenêtre, sous de nouvelles formes, sécularisées, très laïques. Aujourd'hui on a de la valeur, un statut social, à travers le travail, à travers l'argent ou une vie bien rangée et organisée. Fort de ce statut — comme le pharisien ou comme certains autorités économiques dans notre pays — on se met à juger les autres, les chômeurs, les sans-abri ou les réfugiés.
    Heureusement, la justice de Dieu n'est pas la nôtre. Cette justice de Dieu ôte les étiquettes, rassemble, reconnaît chacun parce qu'il est, non pour ce qu'il fait. La justice de Dieu est évangile, Bonne Nouvelle, parce qu'elle proclame à tous les êtres humains que Dieu leur offre la dignité, une vie qui en vaut la peine. Bonne Nouvelle, parce qu'il est impossible à qui que ce soit de gagner cela par lui-même.
    Dieu lui-même prend en charge notre transformation. La transformation de tous ceux qui acceptent qu'ils ont besoin d'être rendus à leur vérité première. Cette acceptation, c'est la foi, la confiance que Dieu m'accepte tel que je suis, la confiance que Dieu me rend juste sans que j'aie à m'en occuper moi-même.
    Si l'on reprend la question de Luther "Que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ?" (phrase empruntée à deux récits bibliques, le jeune homme riche (Luc 18:18-23) et le bon samaritain (Luc 10:25-37)), la réponse est : RIEN.
    La bonne nouvelle de Jésus-Christ, c'est de pouvoir s'abandonner à la grâce de Dieu, pouvoir accepter d'être accepté, renoncer à tout effort pour sauver la face, pour bien faire, pour faire un bout de chemin pour rejoindre Dieu. C'est Dieu lui-même qui renouvelle son alliance (Jér. 31). C'est lui qui nous donne des coeurs de chair à la place de nos coeurs de pierre.
    La bonne nouvelle de Jésus-Christ, c'est accepter d'être totalement libéré du souci de l'effort de plaire à Dieu : la seule chose qui plaise à Dieu, c'est qu'on lui fasse confiance lorsqu'il nous dit : "cesse de te faire du souci".
    Libre de cette tâche de gagner notre paix intérieure, nous pouvons enfin diriger nos forces ailleurs, non plus vers nous-mêmes, mais vers les autres.
    Libérés, nous pouvons passer du souci à la sollicitude.
    Amen.

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Jean 3. Jésus, que le Nouveau Testament nomme l'Epoux, était-il marié avec Marie-Madeleine ? A propos du Da Vinci Code

    Jean 3
    24.7.2005
    Jésus, que le Nouveau Testament nomme l'Epoux, était-il marié avec Marie-Madeleine ?
    Es 62 : 1-5 Eph 5 : 25-30 Jn 3 : 25-29

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    J'ai annoncé la semaine passée que je répondrais ce dimanche à la question : Jésus était-il marié avec Marie-Madeleine ? Cette question se pose après l'affirmation du romancier Dan Brown, l'auteur du Da Vinci Code que Marie-Madeleine était l'épouse de Jésus et qu'elle lui avait même donné une fille et créé ainsi ce que le romancier appelle "une lignée de sang royal." ¨
    Pour étayer sa construction du mariage de Jésus, le romancier se base sur deux citations d'un texte apocryphe (c'est-à-dire qui a été déclaré hérétique et n'est donc pas entré dans la bibliothèque du Nouveau Testament), texte qui se nomme l'Evangile de Philippe, où Marie-Madeleine est déclarée être la "compagne" de Jésus (EvPhil §32 et §55).
    Nous avons vu la semaine dernière quelle place le Nouveau Testament accordait à Marie-Madeleine, c'est-à-dire une place importante de premier témoin de la résurrection, une place de quasi-apôtre — place qui est plutôt atténuée dans les Evangiles du Nouveau Testament, place qui est plutôt amplifiée dans les textes apocryphes ! En effet, les trois textes apocryphes qui parlent de Marie-Madeleine (Evangile de Philippe, Evangile de Thomas, Evangile de Marie[-Madeleine]) la mettent en scène (i) comme une rivale de Pierre pour la place de premier disciple; (ii) comme la plus aimée des disciples par Jésus (les disciples demandent même à Jésus "Pourquoi l'aimes-tu plus que nous tous ? " (EvPhil §55) mais nous n'avons malheureusement pas la réponse de Jésus); (iii) finalement comme "compagne" de Jésus. Alors, peut-on dire d'après cela que Jésus était marié, qu'il avait une épouse ? Si notre réponse est oui, Marie-Madeleine est la seule candidate plausible comme épouse.
    Donc la question de base est de savoir si Jésus était marié ou non. Dans le contexte du judaïsme du temps de Jésus, tout homme avait le devoir de se marier et d'avoir des enfants. Le célibat était très mal vue et certains chercheurs pensent que si Jésus n'avait pas été marié cela aurait été dit et expliqué, pour ne pas dire excusé. Cependant, on peut observer que Paul — l'apôtre — bien que juif accompli selon ses dires, n'était pas marié. On ne nous dit rien non plus de l'état civil de Jean Baptiste. Il y avait aussi le groupe des "nazirs", des consacrés à Dieu qui ne se mariaient pas, tout comme les membres de la secte des esséniens. Il y avait donc très probablement un célibat religieux tout à fait accepté, au point qu'on n'en parlait pas.
    Dans l'autre sens, on nous parle toujours de la famille de Jésus comme étant composée de sa mère et de ses frères (Mt 12:46; Ac 1:14), Si Jésus avait fondé une famille, on parlerait de sa femme et de ses enfants. Le silence des Evangiles plaide plutôt en faveur du célibat de Jésus.
    Cependant, à plusieurs reprises, Jésus est identifié par les rédacteurs des Evangiles comme étant l'Epoux. Nous l'avons entendu dans la bouche de Jean Baptiste (Jn 3:29), nous le retrouvons dans la parabole des Dix vierges folles ou sages (Mt 25:1ss) et souvent dans l'Apocalypse (Ap 18:23; 21:2).
    Pourquoi Jésus est-il appelé l'Epoux ? Cette appellation nous renvoie à la lecture de l'Ancien Testament, aux prophètes Osée (chap. 1—3), Esaïe (Es 54:1-8; 62:1-5), Jérémie (chap. 2 et 31) Ezéchiel (chap. 16) qui parlent de l'alliance entre Dieu et Israël ou Jérusalem comme d'un mariage (un mariage plutôt malheureux d'ailleurs où il est question d'adultère et de prostitution). Dieu y est représenté comme un fiancé, un amoureux, un mari qui souhaite faire renaître l'amour de sa fiancée, de son épouse.
    Dans le Nouveau Testament, cette parabole de l'amour de Dieu avec son peuple est reportée sur Jésus et le peuple d'Israël d'abord, puis sur Jésus et l'Eglise ensuite, comme on le voit développé par le rédacteur de la lettre aux Ephésiens. Le thème du mariage entre Dieu est son peuple, reporté sur la personne de Jésus, est une façon d'affirmer la divinité de Jésus. Il est vraiment, non seulement le porteur du message de Dieu, comme un prophète, mais il est Dieu lui-même qui s'adresse à nouveau à son peuple. Une nouvelle histoire d'amour commence, Dieu à nouveau s'approche de son peuple pour lui proposer un nouvel épisode de vie commune.
    Ce mariage du divin et de l'humain est repris dans divers contextes dans les premières Eglises. D'abord dans la théologie paulinienne pour en faire un exemple de vie conjugale pour les couples chrétiens. Il est repris aussi dans le monachisme, où les moines et les moniales deviennent épouses consacrées au Christ. Enfin, cette métaphore est reprise par les milieux appelés "gnostiques" qui prônent un mariage entre le Christ et la Sagesse, la "Sophia."
    C'est dans ce contexte qu'ont été écrits les Evangiles apocryphes où il est dit que Marie-Madeleine est la compagne de Jésus. Un parallèle est fait entre la sagesse et Marie-Madeleine. Comme la sagesse doit devenir l'épouse du Christ, Marie-Madeleine devient la compagne, l'épouse de Jésus, mais dans un sens mystique, d'autant plus que ces textes ont été écrits bien après la mort de Marie-Madeleine.
    Seuls les naïfs — ou les mystificateurs comme le sont les romanciers (pour notre plus grand plaisir d'ailleurs, car que serait un roman s'il ne nous emmenait pas sur les chemins de l'imaginaire ?) — seuls les naïfs donc font remonter ce mariage du vivant de Jésus !
    Dans le Nouveau Testament, Jésus est l'époux de l'Eglise et cette métaphore définit la place et le rôle de l'Eglise. Elle se doit d'être fidèle et vigilante, elle attend le retour de son époux, le Christ ressuscité. Je pense que le déploiement de cette image, de cette métaphore du mariage de l'Eglise avec Jésus, l'Epoux, n'a été possible que parce que — justement — Jésus n'était pas marié !
    Si Jésus avait été marié, il aurait été plus difficile d'en faire l'Epoux de toute l'Eglise. Si Jésus avait été marié, à cause de cette métaphore, il aurait été important et utile de différencier son mariage terrestre et son mariage mystique avec l'Eglise et cela serait apparu dans les textes.
    Tous ces éléments nous persuadent de conclure que Jésus n'était pas marié et donc que Marie-Madeleine n'était pas son épouse. C'est peut-être moins romantique, c'est aussi moins dramatique puisque cela signifie — pour le roman — qu'il n'y a pas de complot des Eglises pour cacher ce mariage… à moins que je ne fasse partie moi-même du complot…!?
    En bonne théologie protestante, c'est à chacun qu'incombe la responsabilité d'interroger les textes pour se faire une opinion personnelle. Les textes apocryphes sont tous accessibles en traductions à la bibliothèque universitaire.
    Donner accès à chacun à la Bible — ce qu'on fait les Réformateurs — et aux autres connaissances — ce que font les facultés de théologie — est le meilleur moyen de dégonfler les idées de complots. Cela permet aussi de lire les livres chacun selon leurs genres, et maintenir les romans dans la littérature de fiction.
    A chacun sa place, sans besoin de censure.


    Le roman :
    Dan Brown, Da Vinci Code, Paris, Ed. Jean-Claude Lattès, 2004.

    Textes des Evangiles de Thomas, de Philippe et de Marie dans :
    Yvonne Janssens, Evangiles gnostiques, Louvain-la-Neuve, Centre d'Histoire des Religions,1991.
    Ev Thomas : pp. 46-62
    Ev Philippe : pp. 100-130
    Ev Marie : pp. 234-238

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Jean 20. Marie-Madeleine, un rôle plus important que ne le laissent voir les Evangiles. A propos du Da Vinci Code

    Jean 20
    17.7.2005
    Marie-Madeleine, un rôle plus important que ne le laissent voir les Evangiles.
    Jean 20:1+11-18 Actes 1:12-17+21-26

    Chers amis,
    Dans notre série sur les femmes dans la bible de cet été, j'aimerais parler ce matin de Marie de Magdala ou Marie-Madeleine. Elle est la femme du Nouveau Testament qui est à la mode depuis que le romancier Dan Brown en a fait non seulement une disciple, une apôtre cachée de Jésus, mais aussi son épouse, sa compagne, et plus encore, la mère de l'enfant de Jésus ! Aujourd'hui, nous allons voir tout ce que nous pouvons savoir sur Marie-Madeleine. Dimanche prochain, nous nous demanderons si Jésus était marié et s'il l'était à Marie-Madeleine.
    Alors, que savons-nous de Marie-Madeleine ? Marie-Madeleine est la seule femme — hormis Marie la mère de Jésus — à être nommé dans les quatre Evangiles. Une douzaine de femmes sont désignées par leurs noms dans les Evangiles, mais seule Marie-Madeleine, à part Marie, est présente dans les quatre Evangiles. A première vue, cela pourrait relever du hasard. Mais si l'on regarde à quels événements Marie-Madeleine est attachée, on voit tout de suite pourquoi elle est nommée par tous, pourquoi elle est "incontournable."
    Où Marie-Madeleine est-elle nommée ? Il y a une mention isolée de Marie-Madeleine dans l'Evangile de Luc, ou l'évangéliste (Luc 8:2) nomme trois disciples femmes qui suivent Jésus depuis le début de son ministère, et où il est dit qu'elle a été guérie de sept démons, j'en ai parlé il y a 15 jours. Ensuite, dans les quatre Evangiles, elle est mentionnée au sein du groupe de femme qui est présent au pied de la croix, elle est présente lors de la mise au tombeau et lors de la découverte du tombeau vide le matin de Pâques.
    Les quatre Evangiles désignent en elle le premier témoin de la résurrection de Jésus, elle est la première à avoir rencontré le Christ ressuscité. Et c'est elle qui a été porter cette bonne nouvelle aux disciples. Les témoignages des quatre Evangiles concordent, sont unanimes sur la présence de Marie-Madeleine lors de ces épisodes, même si les noms des accompagnatrices de Marie-Madeleine divergent. Elle était là, elle en a témoigné et son témoignage a été reçu et enregistré par la première Eglise.
    Si certains d'entre vous se souviennent de ce que j'ai montré il y a 15 jours — c'est-à-dire les diverses tentatives masculines des éditeurs des Evangiles pour minimiser le rôle des femmes dans l'entourage de Jésus — alors l'unanimité des Evangiles concernant le rôle de Marie-Madeleine nous conduit à constater la solidité historique de ces récits. Il était impossible de taire le rôle de Marie-Madeleine et le fait qu'elle ait été la première à voir le Christ ressuscité et recevoir de lui la mission d'annoncer cette nouvelle aux autres disciples.
    Cela est particulièrement mis en évidence dans le récit de l'évangéliste Jean. Marie-Madeleine rencontre Jésus dans un moment très particulier, il est ressuscité, mais pas encore monté au ciel ! Dans cette étape intermédiaire — que Marie-Madeleine est la seule à contempler — Jésus donne une mission à Marie-Madeleine :

    "Va dire à mes frères que je monte vers mon Père, qui est aussi votre Père, vers mon Dieu, qui est aussi votre Dieu." (Jn 20:17) Et le récit continue avec ces mots : "Alors Marie de Magdala s'en alla annoncer aux disciples : J'ai vu le Seigneur !" (Jn 20:18)
    Les paroles de Jésus et la réaction de Marie-Madeleine nous disent beaucoup de choses sur sa relation à Jésus et sur le statut de Marie-Madeleine parmi les disciples. D'abord, Jésus l'envoie en mission. Si Marie-Madeleine ne dit rien, n'accomplit pas sa mission, il n'y aura pas de christianisme ! Tout peut s'arrêter là. C'est dire l'importance du rôle que Jésus donne à Marie-Madeleine et la confiance qu'il lui fait !
    La nouvelle que Marie-Madeleine doit annoncer, c'est le renouvellement de l'Alliance telle qu'elle avait été conclue au Sinaï (Ex 6:7) et après le retour de l'Exil (Jr 30:22 et Ez 36:28) qui était proclamée en ces termes : "Je serai votre Dieu et vous serez mon peuple." Marie-Madeleine est donc chargée de transmettre au monde la nouvelle alliance de Dieu en Jésus.
    A qui doit-elle aller proclamer cela ? Là, le texte est intriguant ! Jésus a dit : "Va dire à mes frères…" (Jn 20:17) et le récit continue en disant : " Marie-Madeleine s'en alla l'annoncer aux disciples." (Jn 20:18). Ce petit décalage — qu'on pourrait juger anecdotique, mais dans les Evangiles chaque mot a sa signification — ce petit décalage nous indique — comme en code — que Marie-Madeleine connaît très bien l'enseignement de Jésus, qu'elle a suivi Jésus et entendu ses discours, qu'elle est en quelque sorte une initiée : elle sait que les vrais "frères" de Jésus ne sont pas ceux de la famille par le sang, mais ceux qui "font la volonté de son Père qui est aux cieux." (Mc 3:35; Mt 12:50).
    Cela nous fait comprendre que Marie-Madeleine n'est pas là "par hasard" sous la croix, au tombeau, devant le Christ ressuscité. Elle a fait partie des disciples qui ont suivi Jésus depuis le début, elle était prête pour cette révélation particulière et pour cette mission. Cela nous permet d'affirmer avec certitude — confirmée par le témoignage de Luc (8:2) — que Marie-Madeleine était une disciple, au même titre que les Douze.
    Il y avait des femmes parmi les disciples, au delà des Douze, et même certaines d'entre elles pouvaient remplir les conditions pour être apôtre. Je vous rappelle les conditions énoncées dans le livre des Actes :

    "Cet homme doit être l'un de ceux qui nous ont accompagnés tout le temps que le Seigneur Jésus a parcouru le pays avec nous, à partir du moment où Jean l'a baptisé jusqu'au jour où il nous a été enlevé pour aller au ciel" (Ac 1:21-22).
    Marie-Madeleine, en tant qu'accompagnatrice de Jésus et témoin privilégiée de la résurrection, pouvait être apôtre… l'a peut-être été, à la façon de Paul, au delà des Douze. Mais la tradition du Nouveau Testament n'en a pas gardé le témoignage… à moins que… ?
    Une thèse audacieuse — qui ne fait pas l'unanimité, mais qui s'appuie sur une étude sérieuse des textes — suggère que Marie-Madeleine aurait bien été apôtre, qu'elle aurait même dirigé la communauté dans laquelle l'Evangile de Jean a été rédigé. Une première rédaction de cet Evangile de Jean aurait mis en avant Marie-Madeleine comme une disciple importante de Jésus. Cela aurait fortement déplu aux Eglises créées par les apôtres masculins et aurait conduit à une seconde rédaction de l'Evangile de Jean qui aurait "anonymisé" Marie-Madeleine en la cachant sous "l'habit" du "disciple que Jésus aimait" qu'on retrouve dans divers récits de l'Evangile de Jean (Jn 13:23; 19:26; 20:2; 21:7, 20).
    Bien sûr, le "disciple que Jésus aimait" est présenté au masculin, mais comment mieux cacher une femme dans un texte qu'en lui donnant un rôle d'homme ? Et pourquoi ce "disciple que Jésus aimait" — que la tradition moins audacieuse identifie comme l'apôtre Jean — est-il toujours représenté avec des traits aussi féminins dans les tableaux de la sainte cène, comme l'a relevé pertinemment Dan Brown dans le Da Vinci Code ?
    Ces questions donnent à réfléchir ! Il est difficile d'avoir une certitude à propos de ce rôle d'apôtre de Marie-Madeleine — les documents de l'époque sont malheureusement trop rares pour l'établir — mais la tendance à diminuer le rôle des femmes autour de Jésus étant constatable et établie, il nous est permis d'imaginer — sans pouvoir le prouver — que Marie-Madeleine a eu un rôle important au côté de Jésus et dans la première Eglise. On peut donc imaginer Marie-Madeleine au côté de Jésus pendant le dernier souper.
    Ce que l'écriture voile, peut-être la peinture le dévoile-t-elle ?


    Le roman :
    Dan Brown, Da Vinci Code, Paris, Ed. Jean-Claude Lattès, 2004.

    Sur le rôle de Marie-Madeleine dans le Nouveau Testament et la littérature apocryphe :
    Esther A. de Boer, The Gospel of Mary, London, T&T Clark International, 2004.

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 8. Le grain tombe partout. L’occasion est là à chaque instant.

    Luc 8
    29.10.2006
    Le grain tombe partout. L’occasion est là à chaque instant.
    Ps 126 : 1-6 Luc 8 : 4-8

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers Amis,
    J’ai choisi cette parabole de Jésus pour notre réflexion de ce matin parce que je crois qu’elle pose une question essentielle aujourd’hui : Que faisons-nous de notre vie ? Qu’est-ce que je fais de ma vie, de mon temps ? Est-ce que je m’occupe juste pour que le temps passe ? Est-ce que je me divertis pour ne pas m’ennuyer ?
    Que vais-je faire de mes prochaines années ? Qu’est-ce que je pourrais faire grandir en moi ? Qu’est-ce que je pourrais développer pendant les années qui me restent à vivre ?
    Dans la parabole du semeur, Jésus nous confronte à ces questions, il nous pousse à la réflexion, tout en posant quelques bases : il y a trois conditions pour faire une récolte. (i) du grain doit être semé. (ii) les conditions atmosphériques doivent permettre la croissance. (iii) le terrain doit être favorable.
    A propos du grain, Jésus nous dit qu’il tombe déjà. Le semeur est sorti et il ne cesse de semer. Dieu est généreux, la vie est généreuse, le grain tombe partout, quel que soit l’état de la terre.
    A propos des conditions atmosphériques, Jésus dit peu de choses, si ce n’est que le soleil est impitoyable. Oui, les conditions de vie sont rudes, la vie est difficile, elle est pleine d’épreuve à traverser. Autant de raisons pour se préparer à les affronter.
    C’est à propos du terrain que Jésus développe ses propos. Nous sommes le terrain qui reçoit le grain. Mais nous sommes aussi le paysan qui travaille cette terre. Le paysan fait un avec sa terre. Il vit sur cette terre et de sa terre. Sa vie dépend de son travail. De son travail dépend la récolte ou la famine. La terre est ici la métaphore, l’image de notre existence et de la façon dont nous la menons, dont nous en prenons soin ou la négligeons. Chaque grain est une occasion de faire quelque chose de sa vie, de son existence.
    A propos de cette terre, Jésus nous en décrit quatre types, quatre types de terrain. En faisant cela, il nous révèle trois types d’obstacles à la foi, à la vie spirituelle, trois types d’obstacles à notre croissance spirituelle.
    A. Le premier type de terrain, c’est le bord du chemin sur lequel tombe le grain. Un chemin, c’est de la terre tassée par le passage, par le piétinement des gens. La terre a tellement été piétinée qu’elle n’est plus capable de s’ouvrir au grain, ni même à l’eau. Une vie aussi fermée révèle beaucoup de souffrances. Que faut-il avoir enduré pour éprouver la nécessité de se munir de boucliers ou de carapaces imperméables à toute parole généreuse, à tout geste de sympathie, à tout espoir d’être touché sans être blessé !
    Pourtant le grain y tombe, Dieu a toujours un espoir. L’espoir que cette terre piétinée puisse être labourée, protégée par une clôture, et voir lever une herbe verte annonciatrice d’une belle moisson.
    B. Le deuxième terrain est pierreux. J’y vois un terrain qui n’a pas été préparé pour recevoir le grain. Le paysan n’a pas jugé que l’effort d’enlever les pierres en valait la peine. C’est une attitude courante de nos jours. C’est la recherche d’un satisfaction maximale pour un effort minimal. « Tout, tout de suite et sans effort. »
    Des projets germent, mais sont abandonnés par manque de motivation, d’énergie. On se lance dans diverses choses, mais on se décourage, on passe à autre chose… et on ne récolte jamais de fruits. On ne prend pas le temps ni l’énergie d’affronter les obstacles de la vie.
    Et pourtant le grain est semé, il est présent et il ne demande qu’à porter du fruit. Il manque au paysan la persévérance et la confiance d’aller jusqu’au bout, jusqu’au moment de la récolte.
    C. Le troisième terrain est celui envahit par les ronces. La ronce est aux plantes ce que le coucou est aux oiseaux. Elle représente tout ce qui envahit notre vie lorsqu’on ne lutte pas vigoureusement contre. C’est tout ce qui vient se loger quand on laisse du vide. Vous savez comme moi à quelle vitesse viennent les mauvaises herbes sur une plate-bande lorsqu’on la néglige. C’est pareil dans nos vies.
    Pourtant le grain nous est confié et il est bien plus précieux que la ronce ou les mauvaises herbes. La ronce pousse là où le paysan est apathique, négligent, là où il baisse la garde, abandonne sa vigilance. Certains grains donnent des pousses, mais elles ne parviennent pas à maturité.
    D. Enfin vient le quatrième terrain. Celui qui a su ameublir sa terre, ôter les pierres et chasser les ronces, celui-là va voir germer le grain, pousser la tige, grossir l’épi et mûrir de nouveaux grains. Il porte du fruit dit Jésus.
    Là, on peut entendre dans nos têtes la liste de ce que peuvent être ces fruits : altruisme, générosité, dévouement, etc… Eh bien, Jésus ne donne aucun exemple. Jésus n’a pas ouvert d’hôpital, il n’a pas ouvert une banque de micro crédit, même s’il n’aurait pas blâmé ces attitudes. Non, Jésus a formé des disciples pour annoncer la bonne nouvelle. Il ne les a pas formés, en fait, il les a transformés.
    Ce qu’il attend de nous, c’est que nous nous ouvrions à sa parole pour qu’elle nous transforme à notre tour. Cette transformation, c’est son travail, c’est le travail de Jésus. C’est lui qui sème et qui fait pousser le grain.
    Notre travail, c’est de nous ouvrir en lâchant les vieilles carapaces.
    Notre travail, c’est de nous préparer en ôtant les cailloux qui font obstacles à notre persévérance.
    Notre travail, c’est de lutter contre ce qui nous détourne de l’appel du Christ à l’accueillir.
    Avec cela, le grain de sa Parole se développera en nous, portant du fruit, sans que ce soit un effort pour nous. Le grain tombe partout. L’occasion est là à chaque instant. Sachant cela, que vais-je faire de ma vie ? Que vais-je faire grandir en moi et autour de moi ?
    Jésus ne définit jamais ce que sont ces fruits. Il nous laisse à chacun le soin de découvrir ce que sont et seront les fruits particuliers de notre existence et avec qui nous les partagerons.
    Amen
    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 8. Des femmes parmi les disciples de Jésus, à propos du Da Vinci Code

    Luc 8
    3.7.2005
    Des femmes parmi les disciples de Jésus
    Luc 8 : 1-3 Luc 24 : 1-12

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous sommes entrés dans l'été et le début des vacances scolaires. Pendant cette période d'été, j'ai pris l'habitude depuis quelques années de proposer une suite de prédications sur un thème. Cette année, je ne serai pas seul à suivre ce thème. Autant Georges Blanc — qui viendra prêcher ici les 10 et 31 juillet — qu'Anne Lelièvre en août, nous allons centrer nos prédications sur la place de la femme dans la Bible ou le Nouveau Testament.
    Aujourd'hui, de vais essayer de brosser un portrait d'ensemble — mais limité au temps de Jésus et de la première Eglise. D'un point de vue général, au premier siècle de notre ère, en Palestine occupée par les romains, la situation des femmes se présente comme ceci :
    Elles ont un statut de dépendance vis-à-vis de l'homme le plus proche par la parenté : la fille est sous tutelle de son père, la femme de son mari, la veuve de son frère ou de son fils. La femme a un rôle de gardienne du foyer et n'en sort que pour les tâches en lien avec le foyer : achats au marché, aller au puits, accompagner son mari. C'est la règle générale.
    Toutes les femmes ne s'y soumettent cependant pas, notamment sous l'influence des mœurs grecques ou romaines plus libres. Mais vous pouvez imaginer la somme de regards de travers et de désapprobation qui pouvaient s'abattre sur elles. Une femme libre, qui s'affranchissait de sa tutelle, était une femme dangereuse, une femme de mauvaise vie. Le simple fait de vouloir accéder au savoir des hommes — au savoir contenu dans la Torah — pouvait leur valoir cette "mauvaise" réputation.
    Les femmes étaient donc marginalisées, comme elles l'étaient dans le Temple, puisqu'elles n'avaient accès qu'à la cour des femmes et pas au bâtiment où avaient lieu les sacrifices. Bien sûr, les femmes n'avaient pas non plus accès à des fonctions publiques ou religieuses.
    C'est dans ce contexte social là qu'il faut lire les évangiles et voir comment Jésus aborde ou accueille les femmes et quelles places il leur donne dans son environnement.
    Les quatre Evangiles ont leur perception propre de la place des femmes et pour ne pas aplatir leurs différences, je vais me concentrer sur l'Evangile de Luc. Luc est particulièrement intéressant, par rapport à Matthieu ou Marc, parce qu'il est celui des Evangiles qui offre le plus de textes, de récits, faisant intervenir des femmes.
    Dans l'Evangile de l'enfance (chap 1-2) Luc fait intervenir Marie et sa cousine Elisabeth, puis Anne la prophétesse. Ensuite, pendant le ministère de Jésus, on trouve, exclusivement chez Luc, ces épisodes avec des femmes : la belle-mère de Pierre, que Jésus guérit (4:38-39); la veuve de Naïm dont Jésus ressuscite le fils (7:7-11); la femme — de mauvaise vie — qui pleure sur les pieds de Jésus chez Simon (7:36-50); la liste des femmes qui suivent Jésus depuis le début (8:1-3); Jésus chez Marthe et Marie (10:38-41); Jésus guérissant une femme le jour du sabbat (13:10-17); la drachme perdue (pendant féminin du mouton perdu) (15:8-10); la veuve face au juge inique (18:1-9); et finalement l'exhortation — pendant le chemin de croix — de Jésus aux "femmes de Jérusalem" (23:27-31). Tous ces textes n'apparaissent pas chez Matthieu ni chez Marc.
    A partir de là, on pourrait facilement dire que Luc est le grand défenseur de la cause des femmes dans le Nouveau Testament. Mais cela n'est pas si simple. Luc est beaucoup plus ambivalent.
    En positif : oui, Luc donne de la place aux femmes, il est même le seul à mentionner que des femmes — dont trois sont nommées — suivent Jésus depuis le début de son ministère. Cette mention précoce est significative, elle doit nous rappeler que chaque fois que Luc parle de "disciples", il faut entendre qu'il y a des femmes parmi eux. D'ailleurs, chez Luc (plus que chez Matthieu ou Marc) le terme "disciple" ne désigne pas seulement les Douze apôtres, mais tous ceux qui suivent Jésus, puis appartiennent à l'Eglise. Dans le livre des Actes — qui est la suite de l'Evangile de Luc — ceux qui adoptent la foi chrétienne sont aussi appelés des disciples.
    Lorsque Luc parle des gens qui entourent Jésus, on observe qu'il décrit des cercles concentriques. Il y a d'abord les Douze disciples, puis les "autres disciples" (souvent très nombreux, Lc 6:17) puis la foule à qui Jésus parle. Ici (Lc 8:2-3) on observe, aussi pour les femmes, ces cercles concentriques. Il y a trois femmes qui portent des noms : Marie de Magdala, Jeanne, la femme de Chuza et Suzanne, puis plusieurs autres femmes qui servent la communauté autour de Jésus et Jésus lui-même.
    On peut donc en déduire qu'à côté des Douze, il y avait des femmes (ces trois et les trois qu'on retrouve nommées devant le tombeau vide Lc 24:10, au moins) et que ces femmes avaient le statut de disciples. Voilà pour les points positifs. Il y en a aussi des négatifs.
    Lorsque Luc reprend des récits qui mettent en scène des femmes, il s'arrange pour ne pas leur donner la parole ou leur retirer la parole (ou leurs pensées) alors qu'elles parlent ou pensent chez Matthieu ou Marc (Lc 8:27 // Mt 9:21 et Mc 5:28). Cela est particulièrement clair dans les récits qui suivent la résurrection. Alors que chez Matthieu et Marc les femmes qui découvrent le tombeau vide sont chargées de la mission d'aller annoncer la bonne nouvelle aux disciples-hommes (Mt 28:7 et Mc 16:7) chez Lc, elles ne reçoivent pas cet ordre (24:7-8). Les femmes vont tout de même en parler aux disciples — Luc ne peut pas échapper à ce qui s'est réellement passé — mais les disciples sont incrédules !
    On voit donc Luc — dans son travail rédactionnel — diminuer le rôle des femmes et tenter de les confiner dans le silence. Quel est le message que cette ambivalence nous envoie ?
    D'abord, cela nous rappelle que tout écrit est influencé par la culture et les conditions sociale dans lequel il est baigné. Cela nous invite à rechercher chaque indice qui peut nous signaler un biais, pour tenter de retrouver une image plus originale. Oui, les Evangiles ont été rédigés par des hommes et ils portent certaines marques dont nous devons être conscient aujourd'hui. Si Luc ne voulait pas que les femmes prennent la paroles dans les assemblées de son temps — et là il est proche de Paul qu'il a fréquenté — cela ne signifie pas qu'il faut en faire une règle éternelle.
    Ensuite, si Luc se sent obligé — là où il le peut — de minimiser ou diminuer le rôle et la place des femmes dans l'entourage de Jésus, c'est que Jésus lui-même leur a fait, leur a donné une place considérable ! Réalisons que cette place était plus grande que ce que les homme de son temps pouvaient supporter ! Et réalisons que si Luc doit minimiser leur place, c'est que la tradition a gardé en mémoire cette place considérable pour l'époque.
    Oui, pour Jésus, les femmes avaient leurs places comme disciples et peut-être même comme apôtres — pourquoi pas ? Cela nous l'analyserons le dimanche 17 juillet !
    Encore un dernier mot : il est frappant de voir qu'aujourd'hui les femmes s'investissent davantage dans l'Eglise ou dans la vie spirituelle que les hommes. On peut le voir comme la réussite de l'équilibrage que Jésus a voulu faire — et cela malgré des rédaction parfois "tendancieuses" ou "machistes."
    Mais l'idéal n'est pas d'avoir une Eglise de femmes, mais une Eglise où femmes et hommes ont des rôles et des places égales. Alors, un petit effort Messieurs ! La recherche de sens, la quête du sens de la vie et du bonheur n'est pas l'affaire des unes et pas des autres. Rechercher le sens de la vie, c'est l'affaire de l'humanité toute entière, hommes et femmes.
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Exode 3. « Je SUIS qui je SUIS »

    Exode 3
    15.10.2000
    « Je SUIS qui je SUIS »
    Ex 3 : 1-8a+11-14 Phil. 2 : 5-11 Jean 10 : 11-15

    Chers Amis,
    J'aimerais vous parler aujourd'hui d'un NOM sous lequel Dieu s'est révélé dans l'Ancien Testament. Lorsqu'on lit l'Ancien Testament dans nos traductions françaises, on rencontre le plus souvent deux termes pour parler de Dieu : "Dieu" et "le Seigneur". Or Dieu s'est révélé sous des noms plus différenciés en hébreu :
    • un nom commun : El ou Elohim qui signifie : un dieu, ou Dieu, ou les dieux. On le retrouve dans certains noms propres comme "Israël" ou "Nathanaël".
    • un autre nom commun : Adonaï, qui signifie le maître ou le seigneur.
    • et un nom propre de quatre lettres, le Tétragramme : YHWH qu'on peut prononcer Yahweh ou Jéhovah. On le retrouve aussi dans des noms propres sous forme de Jo... (Jonathan ou Joël) ou sous forme de finale ...yaou (Nethaniaou).
    Ce nom de quatre lettres n'apparaît pas tel quel dans nos traductions françaises, car il est rendu le plus souvent par "le Seigneur." Dans la TOB, le Tétragramme est traduit tantôt par DIEU ou le SEIGNEUR, tout en lettres majuscules pour nous le signaler.
    D'où vient ce nom, ce Tétragramme ? Le texte de l'Exode, que vous avez entendu, tente d'en suggérer une explication. Dieu se révèle à Moïse d'abord en disant : "Je suis le Dieu (Elohim) de ton père, d'Abraham, d'Isaac et de Jacob" (Ex 3:6). Ensuite, lorsque Moïse demande à Dieu son nom, pour dire aux hébreux en Egypte qui l'envoie, Dieu ajoute "Je SUIS qui je SUIS" (Ex 3:14). Réponse énigmatique qui relève du jeu de mot explicatif.
    Je SUIS, en hébreu, s'orthographie presque comme le Tétragramme. C'est comme si Dieu disait "Je SUIS" et que l'être humain répondait "Il EST" (YHWH). Dieu se dévoile donc dans une phrase mystérieuse.
    1. « Je SUIS qui je SUIS » Cela paraît au premier abord comme le refus d'une explication, d'un dévoilement. "Je SUIS qui je SUIS et tu n'en sauras pas plus." Comme si Dieu, tout en disant un nom, ne voulait pas révéler son nom. "Je SUIS celui dont personne ne peut prononcer le NOM", c'est-à-dire que personne ne peut enfermer dans un nom, dans une définition, que personne ne peut mettre en cage, ne peut maîtriser pour utiliser la force à son profit. "Je suis un Dieu libre, un Dieu de liberté, un Dieu libérateur que personne ne tient sous sa puissance, dont personne ne peut se réclamer pour soutenir ou défendre ses propres intérêts ou justifier ses propres actes."
    2. En hébreu, le verte ETRE a un sens très fort, il signifie être présent, être-là, être avec, exister auprès de. Lorsqu'il s'agit simplement de dire "le ciel est bleu", l'hébreu n'utilise pas de verbe : "bleu, le ciel".
    Ainsi la réponse de Dieu à Moïse : "Je SUIS qui je SUIS" peut être entendue comme : "Je SUIS celui qui sera là. Ma présence vous accompagnera. C'est par ma présence, par mes actes auprès de vous que vous me connaîtrez. Mon nom n'est pas important, l'important c'est que j'agis, ma personne, ma nature vous la connaîtrez au travers de ce qui va vous arriver : Vous allez sortir de l'esclavage, d'Egypte. Votre propre existence va devenir le terrain de ma révélation. Regardez en vous-même ce qui se passe lorsque vous me suivez et alors vous connaîtrez qui je SUIS."

    3. Cet être-avec de Dieu avec son peuple se manifeste déjà devant le buisson ardent lorsque Dieu se révèle à Moïse. Dieu a choisi de se révéler à Moïse pour cette raison :

    "J'ai vu la misère de mon peuple en Egypte, je l'ai entendu crier sous les coups. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le libérer." (Ex 3:7-8).
    L'ETRE de Dieu révélé dans son NOM, c'est celui qui souffre avec celui qui souffre, qui compatit avec l'oppressé, qui est blessé avec celui qui reçoit les coups et les balles. C'est celui qui prend le parti de la victime contre l'oppresseur. Du temps de Moïse, Dieu prend le parti des hébreux contre Pharaon. Aujourd'hui, Dieu souffre avec ceux qui enterrent leurs morts tombés sous les balles.
    Le buisson d'épines n'est pas sans nous rappeler la couronne d'épines de celui qui s'est abaissé jusqu'à la mort sur la croix (Phil. 2:8). Jésus, Emmanuel, Dieu avec nous, Dieu avec tous ceux qui souffrent et ont besoin d'une présence, d'un réconfort, d'une libération ou d'une réhabilitation. Jésus, celui qui dit — dans l'évangile de Jean — Je SUIS le pain de vie, la lumière, la porte, le bon berger, la résurrection et la vie — est vraiment le Dieu qui se révèle dans le désert à Moïse.
    Dieu, Yahweh, est vraiment celui qui se révèle dans le buisson comme sur la croix, celui qui révèle son vrai visage, sa vraie nature, son vrai nom, son être véritable. L'évangile de Jean ne peut être plus clair lorsqu'il rapporte ces paroles de Jésus : "Lorsque vous aurez élevé sur la croix le Fils de l'Homme, alors vous reconnaîtrez que "je SUIS celui qui SUIS" (Jn 8 : 28).
    En Jésus, Dieu lui-même nous accompagne sur nos chemins de vie, dans nos moments de joie et de fête — avec les baptisés d'aujourd'hui — comme dans les moments de tristesse, de peine et de souffrance — avec les habitants de Gondo, aujourd'hui .
    Je SUIS-là, avec vous, aujourd'hui, dit Dieu.
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Genèse 18. Abraham, moins audacieux que Dieu

    Genèse 18
    8.10.2000
    Abraham, moins audacieux que Dieu
    Gn 18 : 20-32 1 Tim 2 : 1-6 Mat. 5 : 43-46

    Chers Amis,
    Vous savez que les trois grandes religions monothéistes du monde se réclament d'être des descendants spirituels d'Abraham. Ces trois religions sont le judaïsme (0,2 % de la population mondiale*), le christianisme (33,1 %) et l'islam (19,8 %). Ces trois religions ensemble groupent donc 53 % des habitants de la terre. Plus de la moitié des habitants de cette planète se reconnaissent dans la figure d'Abraham, le père de la foi, l'héritier de la promesse de Dieu d'avoir une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel ou les grains de sable des plages.
    Qu'a-t-il donc de si extraordinaire, cet homme, qui vivait il y a près de 4'000 ans ? Ce qu'il a de particulier, c'est d'abord que Dieu l'a choisi pour lui parler, pour se faire connaître. Ensuite, c'est parce qu'Abraham n'a pas hésité à interpeller Dieu, à lui demander de se dévoiler, de se montrer sous son vrai jour ! Abraham n'hésite pas à demander à Dieu qui il est. Est-il un Dieu qui est vraiment Dieu ou simplement un miroir des hommes avec tous leurs défauts et toutes leurs faiblesses ?
    C'est pourquoi, Abraham — ayant entendu le jugement porté contre la ville de Sodome — va questionner Dieu sur ses intentions :
    "Seigneur, vas-tu vraiment faire périr ensemble l'innocent et le coupable ?" (Gn 18:23)
    On sait que les humains ne sont pas très doués pour distinguer les innocents des coupables — même aujourd'hui, il suffit de se rappeler combien d'innocents ont péri sur la chaise électrique ou dans des camps d'extermination au XXe siècle. On sait aussi que la nature — à travers les catastrophes, les maladies ou les accidents — ne fait pas de tri. Ne dit-on pas "ce sont les meilleurs qui partent en premier" ?
    Alors, demande Abraham, Dieu n'est-il qu'une projection des idées de l'être humain sur le ciel ? Dieu n'est-il qu'un autre nom pour la nature impitoyable ? Abraham veut savoir ! Abraham va lutter, marchander avec Dieu pour tester son sens de la justice. Combien faut-il de "justes" pour sauver tout le monde ?
    Remarquez ici qu'il ne s'agit pas de savoir si l'on peut sauver les justes en laissant périr les coupables. L'enjeu est de sauver tout le monde, — les bons comme les méchants — grâce à la présence de quelques personnes différentes, des personnes qui vont faire la différence !
    On sent Abraham — en même temps — fort dans sa revendication et tremblant devant son audace ! Jusqu'où peut-on demander quelque chose à Dieu sans aller trop loin ?
    La négociation s'arrête à 10 justes. Mais le texte ne nous dit pas pourquoi on s'arrête à dix. Dieu n'a pas dit "Ça suffit" ou "Je ne descendrai pas plus bas". Simplement Abraham s'arrête de demander ! Est-ce la limite de Dieu ou est-ce la limite d'Abraham ? Abraham n'a-t-il pas, pour une fois, manqué de foi ?
    Ce que nous connaissons maintenant de Dieu au travers de la personne et de la vie de Jésus nous conduit à penser que la limite a été posée par Abraham et non par Dieu.
    Le Nouveau Testament nous apprend que le but de Dieu — incroyable pour les humains ! — c'est de descendre jusqu'à UN. Un seul juste et tous les humains sont sauvés. L'attitude d'un seul compte et peut tout bouleverser. L'attitude de chacun compte et fait la différence.
    Le Nouveau Testament nous confirme deux choses. Premièrement, Jésus-Christ a incarné cette figure du juste, mais elle a été rejetée par tous. Deuxièmement, Dieu ne fait pas de différences entre les gens. Comme le dit Jésus :

    "Dieu votre Père fait lever son soleil aussi bien sur les méchants que sur les bons, il fait pleuvoir sur ceux qui agissent bien comme sur ceux qui agissent mal" (Mat 5:45)
    Cette phrase suit immédiatement la recommandation de Jésus "d'aimer ses ennemis" (Mat. 5:44) "afin que vous deveniez les fils de votre Père" (Mat. 5:45). Dieu ne juge pas, Dieu ne fait pas de tri, il nous demande de l'imiter pour devenir comme lui. Par ces recommandations, Jésus nous demande de sortir de nos comportements communs, dirigés par nos intérêts ou une étroite réciprocité. N'importe qui apprécie celui qui l'aime, cela n'a rien d'extraordinaire. Mais Dieu ne se comporte pas comme cela, et il nous invite à autre chose.
    Il nous invite à cesser d'être simplement un miroir de l'attitude de l'autre, il nous invite à innover, à surprendre, à construire une attitude intérieure et à la maintenir face aux autres. Cela provoque inévitablement des changements puisque la plupart des gens réagissent en miroir.
    Face à Abraham, Dieu montre qu'il ne veut pas partager le monde entre innocents et coupables, entre bons et méchants. Si nous adoptons aussi cette attitude intérieure, nous allons devenir celui qui compte, celui qui fait la différence et le monde changera autour de nous.
    Amen

    * Chiffres tirés du "Calendrier interreligieux 2000/2001", Editions ENBIRO, CP 64, 1000 Lausanne 9.

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Jean 10. Les brebis connaissent la voix du berger et le suivent

    Jean 10
    31.10.1999
    Les brebis connaissent la voix du berger et le suivent
    Ps 23 Luc 15 : 1-7 Jean 10 : 1-5


    Cette semaine, avec quelques mamans, la discussion est venue sur une aventure qui arrive à tous les parents ou presque. Perdre un petit enfant dans un grand magasin. Vous savez comment cela se passe. Vous faites vos courses tout en surveillant l'enfant. Vous le sentez, vous le savez à côté de vous. Vous prenez un produit, vous jetez un coup d'oeil sur lui, vous mettez votre produit dans votre caddie, vous regardez votre liste, vous regardez votre enfant, mais là, tout à coup, il n'est plus là. Il n'est plus là où vous vous attendiez à le voir, il a disparu. Alors la peur monte, où est-il, où a-t-il disparu ? Il n'y a pas besoin d'être très anxieux pour sentir son coeur battre. On cherche et on finit par retrouver l'enfant derrière l'étalage suivant, ou alors il a été récupéré par une vendeuse et vous entendez : "Le petit Nicolas attend sa maman à la caisse principale". Le soulagement et la joie succède à la peur.
    Cette joie de retrouver celui qui avait disparu, nous pouvons la sentir. C'est celle que Dieu éprouve lui aussi chaque fois que quelqu'un revient vers lui, chaque fois qu'il retrouve quelqu'un qui s'était éloigné de lui. La joie des retrouvailles est exprimée dans le récit de la brebis perdue. Dans ce récit, cette parabole, l'évangéliste veut nous faire comprendre que Jésus est ce berger qui se préoccupe de chacun, de chacune d'entre nous, pour qu'il ne manque personne dans son troupeau, dans son peuple, dans son Eglise.
    Entre le berger et son troupeau, il y a une relation exceptionnelle et double. Cette relation est en même temps individuelle et collective. Jésus tient à son troupeau, à ce qu'il soit entier, complet, uni et il tient à chaque personne en particulier, il les connaît toutes par leur nom. L'individualité est respectée dans la communauté.
    Le berger connaît ses brebis par leur nom et les brebis connaissent la voix du berger. Cela est très important. Les brebis suivent le berger dont ils connaissent la voix, nous dit le récit de Jean. Connaissons-nous la voix de notre berger ? Dans le brouhaha des messages, des communications, des voix qui se font entendre dans notre société, dans nos vies, dans notre coeur, savons-nous reconnaître la voix, l'unique voix de notre berger ? D'après le récit de Jean, il y a plusieurs signes auxquels on reconnaît le vrai berger.
    (i) D'abord le vrai berger entre par la porte. Il n'entre pas par effraction, par la force, par violence. Il ne vient pas par des voies détournées. Il se présente à la porte, sans ruse et sans masque.
    (ii) Il respecte le gardien de la maison, le gardien du coeur. Notre gardien, nos protections intérieures reconnaissent Jésus comme celui qu'on peut laisser entrer parce qu'il se manifeste par le respect, la paix, la chaleur.
    (iii) Enfin, les brebis reconnaissent sa voix. Notre être intérieur a soif, mais il sait ce qui est bon pour lui. Il reconnaît ce qui est bon dans la voix de Jésus, ce qui est bon dans ses paroles, ce qui est bon dans son message. Certes parfois, nous avons reçu des messages tellement brouillés dans notre vie — où l'on nous a fait croire que ce qui nous arrivait ou ce qu'on subissait était bon pour nous alors que cela ne l'était pas — que nous avons besoin de réapprendre, comme un enfant, à reconnaître cette voix, ce message.
    "Les brebis reconnaissent sa voix et le suivent." Lorsqu'on entend la voix de Jésus, son message d'amour qui nous réchauffe, qui nous redonne notre estime de soi, qui nous rassure sur notre valeur inaliénable, alors, on n'a plus envie de le quitter, on n'a plus qu'un envie, c'est de suivre ce maître, ce berger qui nous donne ce dont nous avons le plus besoin pour vivre.
    Suivre Jésus n'est pas une discipline, n'est pas une exigence, c'est une conséquence d'avoir entendu en nous-mêmes sa voix rassurante, affermissante, valorisante. Dès ce moment, on ne voudra plus suivre n'importe qui d'autre qui entre par effraction, qui ne nous respecte pas, qui n'amène que la critique et le jugement, la désapprobation et la dévalorisation.
    Dans le brouhaha des messages, des voix qui se font entendre autour de nous, écoutons la voix du bon berger, "celui qui est venu pour que tous les humains aient la vie et l'aient en abondance" (Jean 10:10).

    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Jean 2. Jésus transforme l'eau de nos vies en vin

    Jean 2
    10.10.1999
    Jésus transforme l'eau de nos vies en vin
    Exode 17 : 1-7 Jean 2 : 1-11


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Vous venez d'entendre deux récits de miracles que j'aimerais mettre en parallèle ce matin. Bien sûr, lorsqu'on parle de miracle, cela fait tout de suite difficulté, parce que la première question qu'on se pose — dans ce siècle éclairé, logique et cartésien — c'est : Comment cela s'est-il passé ? Quel est le truc ? On court toujours le risque de prendre le miracle pour un tour de magie, même sans trucage puisque Dieu est tout-puissant !
    En fait, aujourd'hui, on n'a plus accès à ce qui s'est passé. Il est trop tard pour faire une enquête ! Aussi, je vous propose de ne pas nous aventurer sur le chemin de "qu'est-ce qui s'est vraiment passé?" mais de nous interroger plutôt sur la question : "Mais qu'est-ce que Jean a bien voulu nous dire en nous racontant cette histoire ?
    Je voudrais que nous passions de la recherche du merveilleux à la recherche du sens. En fait, Jean nous y invite lui-même par le vocabulaire qu'il utilise. Dans son évangile, il ne parle jamais de miracles, il parle de signes et le signe est là pour donner du sens. Plutôt que dans une enquête, entrons dans la quête du sens. Et le sens va se déployer en entrant dans le monde symbolique. Déplaçons-nous de la lecture à l'interprétation.
    Qu'est-ce que Jean a voulu nous dire ? Et bien, il le dit lui-même, à la fin de son récit : "Jésus fit apparaître ainsi sa gloire, et ses disciples crurent en lui" (Jn 2:11). L'important est qu'à travers cet événement, ce soit la présence, bien plus l'action, l'effet de l'action de Dieu qui soit visible. Dans les deux signes donnés, celui de Moïse et celui de Jésus, l'effet de l'action de Dieu, c'est que son peuple (ou les invités) voient leur soif étanchée après avoir passé par un temps de manque.
    Les deux récits ont la même structure. On commence par une situation qui est déclarée bonne (même si pour l'Egypte, les hébreux se mentent à eux-mêmes!). La situation évolue vers le manque, manque d'eau au désert, manque de vin à la fête. Puis la situation est transformée — par une intervention de Dieu — et la situation de chacun en est améliorée, mieux, renouvelée.
    Notez bien la remarque du maître de cérémonie au marié :
    "Tout le monde sert d'abord le meilleur vin, puis quand les invités ont beaucoup bu, on sert le moins bon. Mais toi, tu as gardé le meilleur vin jusqu'à maintenant." (Jn 2:10)
    Cette transformation, due à l'intervention de Dieu fait sortir de l'habitude, des dictons et des plaintes de chacun : "tout se dégrade", "ce n'est plus comme avant", "de notre temps", "aujourd'hui, voyez ces jeunes"... Non, aujourd'hui, le vin est meilleur qu'hier ! Aujourd'hui, l'eau du rocher vaut mieux que la pseudo-sécurité de l'Egypte.
    Ces deux signes nous parlent de ce que nous vivons, de ce que nous avons vécu et pouvons vivre. Ce sont des paraboles de la vie. Il y a eu un commencement, une enfance, une adolescence — était-ce plutôt l'Egypte ou les noces ? peu importe. En effet, peu importe quand cela arrive, cela finit toujours par arriver : la vie est dure, la vie est injuste et un jour on est frappé, on passe par l'épreuve, on souffre de frustration, de manque. Cela peut arriver au travers du travail, à l'intérieur du couple, dans la relation à ses enfants, par la maladie ou le deuil... cela arrive. Et souvent nous réagissons comme les hébreux, par Massa et Meriba, Querelle et Epreuve.
    La bonne nouvelle de l'évangile, (déjà en germe dans l'Ancien Testament) est de nous montrer que si l'épreuve du manque est inévitable (les hébreux se sont trouvés en Egypte sans que ce soit leur faute, le vin s'est mis à manquer) ce n'est pas la fin du chemin.
    Dieu ne nous laisse pas dans ce marasme. Dieu a des projets pour nous, pour nous sortir de là. Il nous montre que ce temps de manque peut devenir une occasion de grandir, d'évoluer, de cheminer, pour en sortir renouvelé et enrichi.
    Comprenez-moi bien, le message de ces deux récits n'est pas : il faut passer par des épreuves pour progresser. Ça c'est une théorie qui veut consoler à bon compte, mais qui est désespérante. Le message de Jean est inverse : lorsqu'on n'échappe pas aux coups durs de la vie, Dieu intervient d'une façon qui nous dépasse complètement et nous offre une "guérison", une "évolution" qui est meilleure que la situation première dont nous venions.
    Le meilleur vin est servi après le manque, telle est la gloire que Dieu manifeste. Telle est l'action, tel est l'effet de la présence de Jésus dans nos vies.
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz