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prédication - Page 39

  • Marc 4. Lorsque la tempête frappe, Jésus est à nos côtés

    Marc 4
    6.9.1998
    Lorsque la tempête frappe, Jésus est à nos côtés
    Ps 65 : 2-9 Col 1 : 15-20 Mc 4 : 1-2a + 35-41

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Vous avez entendu le récit dit "de la tempête apaisée". Pendant toute la journée, Jésus s'est tenu là, debout dans une barque, face à la foule rassemblée sur le rivage. Il leur racontait de petites histoires, des paraboles : la parabole du semeur, la parabole de la lampe, la parabole de la semence qui pousse toute seule, la parabole de la graine de moutarde.
    Après cette journée d'enseignement et de récits, Jésus se retire avec ses disciples. Et ce soir-là, les disciples se demandent : "Mais qui est cet homme ?" Le récit de la tempête apaisée apporte une certaine réponse à cette question. Pour comprendre cette réponse, abordons le récit par la fin, en remontant le temps.
    "Qui est cet homme pour que même le vent et l'eau lui obéissent ?" Les disciples avaient pu penser que Jésus était un bon conteur... ou plus que cela ? Ils pouvaient même penser qu'il était un prophète... parce qu'il parlait bien de Dieu, ou plus que cela ? Avec cet épisode de la tempête, ils peuvent découvrir encore un aspect de l'identité de Jésus.
    Cette intervention sur la tempête est là pour nous montrer le lien entre Jésus et Dieu. Dans le Ps 65, on nous montre que la puissance de régner sur les éléments déchaînés et de pouvoir les apaiser est une prérogative de Dieu seul. Si seul Dieu peut apaiser une tempête et que Jésus le fait, alors Jésus a un lien extrêmement étroit avec Dieu.
    Pourquoi est-il si nécessaire de montrer que Jésus est en lien étroit avec Dieu ou comme le dit l'apôtre Paul que "Le Christ est l'image visible du Dieu invisible"? Pourquoi est-ce si nécessaire ? Parce que Jésus fait des choses qui ne semblent pas venir de Dieu, ou plus précisément qui ne collent pas avec la représentation habituelle ou intuitive de Dieu.
    A un Dieu éloigné des hommes, Jésus oppose un Dieu proche. A un Dieu tout-puissant, mobilisateur des forces de la nature, il oppose un Dieu qui se trouve dans des signes humains, à peine perceptibles. A un Dieu juge qui distribuerait peines et récompenses, Jésus oppose un Dieu qui prend part aux souffrances humaines (Jésus meurt sur la croix). Jésus propose une nouvelle vision du visage de Dieu, ce visage est présent dans ce récit.
    Lorsque la tempête frappe — et c'est là une image de nos vies — donc quand nous sommes ballottés par les difficultés et les souffrances de la vie, Jésus n'est pas au sec et en sécurité sur le rivage. Il est là, dans la barque, à nos côtés. Il est là, solidaire et souffrant avec nous.
    Certes, on nous le montre qui dort ! Mais on nous le montre aussi se réveillant à l'appel de ses disciples ! Il ne faut pas hésiter à réveiller Jésus lorsqu'on veut l'avoir à notre côté ! Dieu a trop de respect pour nous, pour intervenir lorsque nous ne le souhaitons pas, lorsque nous ne le demandons pas. C'est à nous de le réveiller, de le ressusciter dans nos vies pour l'avoir à nos côtés. Il est là tout proche, prêt à répondre à notre appel.
    Les disciples ont réveillé Jésus. Pourtant, dans le bilan final d'après la tempête, Jésus leur reproche un manque de foi. Pourquoi ? C'est très étrange ! Dans la difficulté, ils ont eu recours à Jésus. N'est-ce pas la foi qu'on nous enseigne au catéchisme ? Je crois que la foi n'a pas tellement à faire avec ce que les disciples ont fait ou pas fait, mais à leur façon de voir et penser Dieu. C'est dans la question que les disciples posent à Jésus que se cache un manque de foi : "Maître, nous allons mourir, cela ne te fait-il rien?" (Mc 4:38) Cela t'est-il égal ? Es-tu indifférent à notre sort ?
    Penser que Dieu est indifférent au sort des humains, à notre sort personnel (lorsque nous sommes pris dans la tempête), c'est méconnaître l'amour que Dieu a pour chacun de nous, c'est passer à côté du message que Jésus nous répète constamment : Dieu est proche de nous.
    Dieu n'est pas indifférent à nos drames (collectifs ou personnels), il vit à nos côtés, il souffre à nos côtés, il est présent à nos côtés pour que nous puissions vivre et espérer.
    Dieu est proche, n'hésitons pas à le réveiller pour jouir de sa présence.
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 7. L'année de faveur du Seigneur

    Luc 7
    12.10.97
    L'année de faveur du Seigneur
    Lév. 25 : 8-19 Col. 3 :12-14 Luc 7 : 36-50

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Au début septembre, j'ai commencé une suite de prédications en partant des paroles du prophète Esaïe lues par Jésus lors de sa première prédication à Nazareth :

    "L'Esprit du Seigneur est sur moi,
    il m'a choisi pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres.
    Il m'a envoyé pour proclamer la délivrance aux prisonniers
    et le don de la vue aux aveugles,
    pour libérer les opprimés,
    pour annoncer l'année où le Seigneur manifestera sa faveur." Luc 4:18-19.
    Aujourd'hui, nous sommes arrivés à la dernière phrase : "Annoncer l'année où le Seigneur manifestera sa faveur", une année de grâce, de bienveillance de Dieu envers nous.
    Cette année de faveur à une histoire dans l'Ancien Testament. Dans le livre du Lévitique est décrit un système économique très spécial. Un premier cycle de sept ans est introduit, où la septième année, l'année sabbatique est une année de repos pour le sol. Pendant six ans tout le monde travaille, sème et récolte, la septième année est une année de repos. A ce premier cycle se superpose un deuxième cycle de sept fois sept ans, soit 49 années au total. L'année qui suit, soit la 50e est le Jubilé, l'année du Seigneur. Lors de cette 50e année, on rétablit les prersonnes dans leurs biens, dans leurs terres ou dans leur liberté pour celles qui ont été asservies pour n'avoir pas pu payer leurs dettes. Ce système économique présuppose une situation de départ équitable et juste et un monde très stable, au moins démographiquement.
    Cet astucieux système économique n'a jamais été mis en place en Israël, mais il témoigne d'une tentative d'orgdonner le monde économique à la volonté divine tout en laissant de la place à la liberté humaine et en tenant compte de certaines réalités :
    Ce système laisse une liberté de commerce et d'entreprise aussi grande que possible à tous pendant le cycle de 49 ans. Il ne laisse cependant pas croître les inégalités jusqu'à un point de rupture ou de non retour grâce à l'année du Jubilé qui instaure une redistribution. Enfin il tient compte du fait que la réalité est marquée par la dégradation des relations et des conditions de vie, en l'absence d'une lutte contre l'entropie naturelle ou sociale.
    Jésus nous dit : "Aujourd'hui s'accomplit cette parole d'Esaïe : l'année du Seigneur, de la restauration, c'est maintenant." Pourtant Jésus n'est pas venu accomplir une révolution économique, comme il n'est pas venu pour chasser les Romains de Palestine. Il vient restaurer notre être, pas nos avoirs. Jésus est venu remplacer — dans nos modes relationnels — l'économie de marché fondé sur la pénurie, par l'économie du Royaume fondée sur l'abondance. C'était-là la Bonne Nouvelle annoncée aux pauvres.
    Le départ équitable qui est donné à tous à la naissance, c'est de vivre dans l'abondance de l'amour. Il existe une légende juive qui dit que Dieu enseigne toute la Torah à chaque bébé dans le ventre de sa mère, de sorte qu'il sache à quel point il est aimé et capable d'amour. A la naissance, cependant, un ange pose son doit sur la bouche du nouveau-né pour qu'il se taise et laisse chacun découvrir par sa présence ce qu'il a déjà appris. La petite gouttière que nous avons entre le nez et la lèvre est la trace du doigt de l'ange.
    Chaque enfant naît avec l'amour et le pardon de Dieu dans son coeur, avec une capacité d'aimer à l'infini. Ensuite, malheureusement, la situation se dégrade. Les détresses subies nous aliènent et le mal prend de l'ampleur dans nos vies et limitent nos capacités d'aimer, comme dans le Lévitique. La situation voulue au départ se dégrade. Chacun vit — sans que ce soit la faute de personne — des événements pénibles, tristes, frustrants, parce que la vie est dure, la société injuste et qu'il est impossible d'obtenir tout ce que nos désirs souhaitent.
    Comme le pharisien ou comme la femme au parfum, nous sommes poussés, renfermés dans des rôles, des fonctions. Nous accumulons des dettes sous forme de culpabilités et perdons nos libertés, en façonnant nos stratégies relationnelles.
    Jésus vient nous libérer de nos propres enfermements, de nos dettes, de nos culpabilités, detout ce qui nous paralyse. C'est ainsi que se réalise la parole d'Esaïe : "Dieu libère les captifs et renvoie en liberté les opprimés". Jésus vient nous délivrer du péché.
    Voilà, le mot est lâché : le péché. C'est Jésus qui le prononce lorsqu'il dit à la femme "Tes péchés sont pardonnés". Le péché, c'est l'ensemble des choses qui dégradent la situation de départ pendant les 49 ans du cycle du Lévitique, jusqu'à ce que Dieu rétablisse la justice et l'équité pendant la 50e année.
    Jésus ne parle du péché que lorsqu'il parle du pardon, lorsqu'il libère (la femme adultère) ou qu'il compatit et guérit (le paralytique). Pour Jésus, le péché originel n'existe pas. La seule chose qui existe pour Jésus, c'est le pardon originel.
    Constamment, Jösus veut nous guérir de notre aveuglement qui nous fait voir le péché seulement comme les actes mauvias, les fautes, le mal que nous commettons et qui conduit à être jugé et à juger les autres, à être accusé et à accuser (à être lapidé ou à lapider Jean 8). Il veut nous redonner la vue sur la détresse, sur la souffrance ressentie, sur la dégradation des relations pour que nous puissions ressentir et compatir, "nous réjouir avec ceux qui se réjouissent, pleurer avec ceux qui pleurent".
    L'année de faveur du Seigneur que Jésus réalise, c'est le retour à l'état de personne pardonnée, aimée. Dieu nous offre aujourd'hui d'être restaurés dans cet état premier par le pardon, ce pardon qui permet d'aimer et d'agir comme la femme au parfum. Jésus déclare à Simon, le pharisien qui se croit juste : "Je te le déclare : le grand amour que cette femme a manifesté, poruve que ses nombreux péchés ont été pardonnés." (Luc 7:47)
    Les nombreux péchés de cette femme proviennent des nombreuses occasions de souffrir, d'être méprisée, d'être discriminée qu'elle a pu vivre. Le péché n'est pas souvent un acte délibéré, un délit prémédité, organisé et commis de sang froid. Plus souvent, c'est une simple réaction, réaction de défense par laquelle on tente de survivre, ou une réaction dans le sens d'une répétition, répétition du mal que nous avons subi, à la façon dont ces personnes qui ont été battues dans leur enfance, se mettent également à battre leur conjoint ou leurs enfants. Comment pourraient-elles agir différemment si elle n'ont jamais vécu dans un autre système relationnel, si elles n'ont jamais eu l'occasion d'expérimenter d'autres façons d'entrer en relation avec les autres, qu'elles ne connaissent pas d'autres règles du jeu ?
    Avec l'année de faveur du Seigneur, Jésus nous offre lacompréhension pour tout ce que nous avons éprouvé et subi. En pardonnant, il prononce la parole libératrice que la femme au parfum attend : tu n'a rien fait de mal, tu es innocente, je te déclare non coupable et te restaure dans ta dignité première. Comme Jésus a dit à la femme : "Ta foi t'a sauvée, va en paix", il nous dit à nous aussi aujourd'hui : "Ta foi t'a sauvée, va en paix".
    Amen.

    Fait partie de la suite Prédication de Jésus à Nazareth : Luc 4 / Esaïe 58 / Luc 10 / Luc 7.

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 10. Comment Jésus rend la vue aux aveugles

    Luc 10
    Comment Jésus rend la vue aux aveugles
    Dt 6 : 20-25 Luc 10 : 22-24 1 Jean 2 : 7-11

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aujourd'hui, nous allons voir comment Jésus rend la vue aux aveugles.
    Vous vous souvenez que Jésus avait annoncé son programme d'action à Nazareth en citant Esaïe:

    "L'Esprit du Seigneur est sur moi,
    il m'a choisi pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres.
    Il m'a envoyé pour proclamer la délivrance aux prisonniers
    et le don de la vue aux aveugles,
    pour libérer les opprimés,
    pour annoncer l'année où le Seigneur manifestera sa faveur." Luc 4:18-19.

    Jésus annonce donc qu'il va faire voir les aveugles ! Que signifie être aveugle et retrouver la vue ? Essayez de fermer les yeux. Que percevez-vous de ce qui vous entoure ? Comment est le monde ? A part les bruits, le monde s'arrête au bout des bras... Que manque-t-il ? Plusieurs dimensions, les couleurs, le chatoiement de la lumière ...
    Un aveugle, qui n'aurait jamais vu et qui voit, découvre un monde tout neuf, une perception toute nouvelle, une dimension supplémentaire à un monde qu'il connaissait sous un autre mode. C'est une révélation.
    C'est cette révélation dont Luc dit qu'elle a été faite aux petits-enfants, pas aux sages et aux intelligents. Cette révélation, elle est pour ceux qui ne sont pas aveuglés par la raison, le calcul (de leurs intérêts), la logique du monde.
    Qu'est-ce que cette révélation ? Luc nous donne deux pistes. La première, c'est la suite du texte. Juste après avoir déclaré "Heureux ceux qui voient" vient l'histoire du Bon Samaritain. La seconde piste, il faut aller la chercher plus loin dans l'évangile. Luc ne mentionne qu'une seule guérison d'aveugle dans son Evangile, et il la place juste après qu'il ait annoncé la monté à Jérusalem pour y souffrir et y mourir (lire Luc 18 : 31-38). "Aie pitié de moi", comme si l'aveugle était le seul à pouvoir voir que Jésus est celui qui comprend et qui tourne sa compassion vers ceux qui le lui demande. Comme si la souffrance de Jésus ne pouvait être regardée, vue pour ce qu'elle est, qu'après une guérison, après un miracle qui nous ouvre les yeux.
    Le Bon Samaritain, c'est l'histoire d'un homme qui se laisse toucher par la souffrance de celui qui gît au bord du chemin. La souffrance du Christ sur la croix nous conduit à reconnaître la victime, là où on nous présente un coupable. Jésus a été jugé coupable et condamné par les hommes. Il n'existe de chréstiens que parce que des êtres humains y ont vu une injustice, une victime souffrant injustement.
    La révélation, le nouveau regard offert par Jésus, c'est celui de la compassion, de l'empathie, de l'amour du prochain.
    "Aimez-vous les uns les autres" nous rappelle Jean. C'est un vieux commandement s'il sa'git simplement de ne pas faire du tort à autreui (1 Jean 2:8). C'est un commandement nouveau, comme le dit Jean, si on le comprend comme une invitation à voir la souffrance des autres, comme le Bon Samaritain qui s'identifie au blessé.
    Le judaïsme avait bien compris le lien entre la compassion et le souvenir de ses propres souffrances. "Lorsque un étranger viendra s'installer dans votre pays, ne l'exploitez pas... vous devez l'aimer comme vous-mêmes. Rappelez-vous que vous aussi avez été des térangers en Egypte." (Lév. 19:33-34).
    La compassion ne peut venir que par le souvenir de notre propre souffrance. Comment pourrais-je "souffrir avec" (c'est le sens des mots 'sympathie', 'compassion', 'condoléances') si je suis fermé à ma propre souffrance , si je n'ose pas soulever le couvercle de ma propre misère ? Si je dois me protéger contre de douloureux souvenirs, je vais rester enfermé dans ma propre forteresse, je ne peux pas m'ouvrir à l'autre et compatir.
    Etre guréi de son aveuglement, c'est gagner un nouveau regard sur le monde, y percevoir une nouvelle dimension, de nouvelles couleurs.
    • c'est voir le mal subi (ce que ressentent les autres) avant de voir le mal commis (voir le Christ souffrant et non le Jésus coupable)
    • c'est passer d'un regard qui juge à un regard qui compatit (voir que le blesssé au bord du chemin de la vie est d'abord une victime et non un imprudent coupable de sêtre mis dans cette situation).
    Je crois que cela a été révélé aux petits enfants, aux tous-petits. Ils ont une façon si paerspicace de saisir l'humeur dans laquelle vous êtes, ils ont une façon si touchante de venir pour vous consoler s'ils vous voient tristes. Ils voient mieux que nous avec toute notre intelligence, ils perçoivent directement les sentiments. Ils voient la souffrance et ils compatissent.
    Nous pouvons retrouver cette vision du monde et des gens. Jésus, comme Messie souffrant, est venu nous ouvrir la voie, nous indiquer le chemin vers ce tout-petit qui survit en nous. Jésus l'a dit à Nicodème : Il faut "naître de nouveau".
    Fermons à nouveau les yeux, mais cette fois pour imaginer, pour essayer de se représenter la guérison, le recouvrement de la vision du coeur.
    Jésus nous ouvre à un monde nouveau, où nous percevons dans nos rencontres ce que ressentent les gens derrière les mots qu'ils nous disent. Jésus nous ouvre les yeux et nous apprend à voir avec le coeur, à retrouver les yeux de l'empathie, de la compassion, pour aaccueillir, comprendre, aimer ceux qui sont autour de nous.
    Amen.

    Fait partie de la suite Prédication de Jésus à Nazareth : Luc 4 / Esaïe 58 / Luc 10 / Luc 7.

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Esaïe 58. Le jeûne que Dieu préfère, c'est la libération des captifs

    Esaïe 58
    21.9.1997
    Le jeûne que Dieu préfère, c'est la libération des captifs
    Es 58:6-11 Gal 5:13-14 Lc 6:6-11

    (Cette prédication fait suite à celle sur Luc 4 du 7.9.1997)

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aujourd'hui, je continue la ligne commencée il y a 15 jours. Lors de sa première prédication à Nazareth, Jésus avait lu ce passage du livre d'Esaïe :
    "L'Esprit du Seigneur est sur moi,
    il m'a choisi pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres.
    Il m'a envoyé pour proclamer la délivrance aux prisonniers
    et le don de la vue aux aveugles,
    pour libérer les opprimés,
    pour annoncer l'année où le Seigneur manifestera sa faveur." Luc 4:18-19.
    et il avait ajouté: Aujourd'hui ces paroles sont accomplies !
    Aujourd'hui j'aimerais développer cette parole d'Esaïe que cite Jésus :
    "Il m'a envoyé pour proclamer la délivrance aux captifs."
    Comme nous vivons aujourd'hui le Jeûne fédéral, j'ai rappelé un autre texte d'Esaïe qui lie directement le jeûne et la libération des captifs :
    "Le jeûne tel que je l'aime, dit le Seigneur, le voici, vous le savez bien : c'est libérer les homme injustement enchaînés, c'est les débarrasser du joug qui pèse sur eux, c'est rendre la liberté à ceux qui sont opprimés, bref, c'est supprimer tout ce qui les tient esclaves." Esaïe 58:6
    Le jeûne, au temps d'Esaïe comme au temps de Jésus et plus tard était au coeur de la pratique religieuse.
    Jeûner c'est aborder différemment la faim et ce qui nous alimente, la nécessité et ce dont nous dépendons. Jeûner, c'est casser (pour un temps) le lien de dépendance (à la nourriture et pourquoi pas à la TV ou à la fumée, etc.), c'est prendre conscience de nos automatismes et de nos vrais besoins, du manque qui se creuse (au ventre) et du manque de l'autre qui ne jeûne pas forcément volontairement.
    Le jeûne n'est pas qu'affaire d'alimentation. On peut transposer cela dans nos relations. Nous avons tous faim de statut, d'image ("Je suis devenue transparente pour lui, il ne me voit plus"), de reconnaissance, d'affection, de tendresse, d'amour.
    Nous avons tous un appétit (légitime) pour cela, car c'est indispensable à la vie !
    Pour satisfaire cette faim, nous avons nos petites stratégies. Certaines sont innocentes, d'autres sont exaspérantes pour ceux qui les subissent.
    On connaît tous quelqu'un qui ne cesse de se plaindre, de montrer comme il est une victime impuissante. Cette façon d'être avec les autres est une stratégie pour obtenir de l'attention, de la commisération, de la reconnaissance.
    D'autres stratégies passent par diverses formes de prises de pouvoir et autres manipulations.
    Ces stratégies sont d'autant plus manipulatrices qu'elles ont été acquises tôt dans un environnement affectivement frustrant.
    Dès la naissance, tout enfant a un appétit relationnel. Si ses demandes directes sont généralement satisfaites, il continuera de dire ses besoins clairement et directement.
    Mais si ses demandes directes ne reçoivent pas de réponses, l'enfant va penser qu'il fait "faux" et cherchera d'autres voies plus détournées, voire franchement manipulatrices. Il va se battre par tous les moyens pour survivre affectivement.
    Nous sommes tous liés par cette faim affective parfois exacerbée par des carences vécues. Nous grandissons liés à ces stratégies. Ces stratégies satisfont un temps notre faim, mais elles ne nous rassasient pas. Devenus adultes, nous sommes limités par ces stratégies mises en place dans la petite enfance. Elles nous limitent, elles nous enferment, parfois nous oppriment. Souvent elles nous empêchent d'aimer et d'être aimés. Nous en sommes devenus captifs.
    Lorsque Jésus annonce la libération des captifs (pour aujourd'hui), il ne parle pas de vider les prisons. Mais il parle de cette libération intérieure des chaînes qui nous retiennent d'être aimés et d'aimer.
    Jésus veut nous rendre notre liberté, la même liberté dont il usait lorsque les pharisiens cherchaient à l'entraîner dans un conflit ou un piège.
    On voit dans le récit de la guérison de l'homme à la main paralysée (Luc 6:6-11) comment Jésus ne se laisse pas enfermer dans une situation programmée par d'autres. Il ne se met pas sur la défensive, il n'a pas besoin de devenir agressif pour s'imposer, simplement il suit sa ligne, il guérit.
    Etre rendu libre, c'est possible. C'est un chemin ouvert à tous, qui passe par plusieurs étapes.
    D'abord reconnaître que l'amour que l'on recherche, dont on a faim, existe et qu'il est disponible. Il n'est pas nécessaire d'écraser les autres pour l'obtenir.
    Ensuite, reconnaître que nos stratégies viennent des détresses que nous avons subies. (Ce sont ces liens provenant de la méchanceté ou de l'injustice dont parle le prophète Esaïe.) Nous ne faisons que répéter ce qui nous a fait tant souffrir.
    Enfin, pour savoir ce que nous avons subi, il faut faire un retour en soi-même, vers son passé, et y découvrir nos manques, nos carences.
    Si nous avons beaucoup souffert dans notre existence, ce chemin ne peut peut-être pas être suivi en solitaire, il nécessite une écoute attentive et compassionnelle.
    Esaïe disait : le jeûne tel que Dieu l'aime, c'est libérer les captifs.
    On peut dire aujourd'hui :
    La pratique religieuses que Dieu aime :
    - c'est créer, dans l'Église, un environnement relationnel où chacun puisse se sentir écouté et aimé,
    - c'est créer, à la maison, un climat où les enfants puissent recevoir l'affection dont ils ont besoin pour grandir,
    - c'est apprendre à recevoir l'Amour qui vient du Père pour se sentir assez riche et suffisamment libre pour le répandre autour de soi.
    Amen.

    Fait partie de la suite Prédication de Jésus à Nazareth : Luc 4 / Esaïe 58 / Luc 10 / Luc 7.

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 4. La Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres

    Luc 4
    7.9.1997
    La Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres
    1 Rois 17:8-16 Jc 2:1-5 Luc 4:14-21

    Chers Paroissiens, Chères paroissiennes,
    Pour ce premier culte que je préside "chez vous" j'ai souhaité aller directement aux sources de l'évangile, à ce que je considère comme essentiel pour nous aujourd'hui. C'est pourquoi j'ai choisi ce texte où Luc nous présente la première prédication de Jésus à Nazareth. (Je n'ai aucune prétention à faire des comparaisons avec ma première prédication à Bussigny !). Dans cette prédication de Jésus, il annonce le programme de son action, de son message, de son enseignement.
    Luc souligne que Jésus est rempli du Saint Esprit, c'est-à-dire en parfaite communion avec Dieu. Luc l'avait déjà mentionné à la naissance, lors du baptême et lors de l'épisode de la tentation au désert.
    Rempli de l'Esprit, Jésus annonce un programme en 4 points :
    1) il est choisi pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres,
    2) il est envoyé pour proclamer la libération des captifs
    3) pour annoncer le retour à la vue des aveugles
    4) pour proclamer une année de grâce, de faveur, de bienfaisance de la part de Dieu.
    Je vais vous dire comment je comprends ces 4 points et l'importance qu'ils ont pour nous aujourd'hui. Ce matin, je ne développerai cependant que le premier de ces points. J'aborderai les autres dans mes prochaines prédications.
    Luc nous dit que Jésus a été oint (fait Messie, en hébreu, fait Christ, en grec) pour "évangéliser" les pauvres, pour leur faire part d'une bonne nouvelle !
    Quelle bonne nouvelle ? Pourquoi les pauvres ?
    On ne peut répondre à une question sans répondre à l'autre.
    La pauvreté c'est une certaine position dans le jeu des forces économiques. C'est une situation en rapport avec l'abondance et la pénurie. Dans le Cantique de Marie, Luc met clairement la pauvreté et la richesse en rapport avec la pénurie et l'abondance : Lc 1:53 "Dieu a accordé des biens en abondance à ceux qui avaient faim, et il a renvoyé les riches les mains vides".
    La bonne nouvelle porte sur le rapport pénurie-abondance.
    A première vue le rapport instauré par Dieu, la bonne nouvelle, c'est l'inversion, le retournement des situations. Mais à quoi servirait-il de créer des nouveaux riches et des nouveaux pauvres ?
    La bonne nouvelle c'est qu'il va y avoir un changement, un bouleversement, mais ce n'est pas une simple rocade, un échange de place.
    La bonne nouvelle, c'est l'annonce de l'abondance, la dénonciation de l'idéologie de la pénurie, du manque.
    Aujourd'hui, on voudrait nous faire croire qu'il n'existe qu'une seule chose : les règles de l'économie de marché. Ces règles sont fondées sur la pénurie, l'exploitation et la possession. Ces règles annoncent la réussite (accroître son bien-être en possédant) par l'effort et le mérite. La loi du rendement, de l'efficacité, du profit nous prend à la gorge, nous enserre dans ses filets.. Il n'y a plus que cela — c'est la crise — il faut s'y faire.
    Jésus proclame que ces règles économiques étouffent le riche comme le pauvre. Elles ne doivent pas s'appliquer dans le domaine des relations. Dans les relations nous pouvons miser sur l'abondance, il n'y a pas crise, pas de pénurie. L'amour ne s'épuise pas dans le partage, au contraire.
    Si l'on change notre vision du monde, que l'on abandonne la peur de la pénurie contre la reconnaissance de l'abondance — en commençant dans nos relations — il s'en suivra aussi un changement économique.
    Il y a assez d'abondance en Suisse, ou sur la terre pour que chacun ait une part suffisante; ce qui fait problème c'est la répartition entre tous.
    La bonne nouvelle c'est ceci : Il existe un monde où l'abondance règne, où l'on gagne à donner, où l'on reçoit gratuitement, où la farine et l'huile ne s'épuisent pas (1 Rois 17, à propos du récit de la veuve de Sarepta, il est intéressant de mentionner en passant que Jésus s'est défini comme le pain de vie qui ne s'épuise pas et qui nous nourrit.) Ce monde vit sous ce que j'appelle l'économie du Royaume.
    Le pauvre est le premier à souffrir de l'économie du monde de l'argent, c'est pourquoi il sera le premier à se réjouir de découvrir l'économie du Royaume. Cette économie, fondée sur l'abondance, est possible parce que les ressources relationnelles sont infinies. Dieu est amour, Dieu est la source à laquelle nous pouvons constamment venir chercher ce qui nous manque, ce dont nous avons peur de manquer. Si la source coule en permanence, il n'est plus nécessaire d'accumuler pour soi, d'avoir peur de donner autour de soi. Les échanges sont possibles, enrichissants.
    Dans l'économie du Royaume il n'y a pas de salaire au mérite, ni avec Dieu, ni entre conjoints, ni avec ses enfants. Il est si fréquent d'agir comme si l'affection était une denrée rare, de mêler l'argent aux sentiments. "Tu auras ton argent de poche si tu es sage !". "Je me suis beaucoup investi dans cette relation, mais maintenant elle ne m'apporte plus rien". etc. Et avec Dieu, qui ne s'est jamais dit en son for intérieur : "Mon dieu, je n'arrive pas à faire les efforts que nous demande le pasteur (être plus accueillant etc...)
    Pour tous ceux qui font des efforts pour être à la hauteur. Jésus apporte une bonne nouvelle: le Royaume de Dieu n'est pas donné en récompense de vos efforts. Mon amour, dit Dieu, je ne le donne pas comme une contrepartie à vos tentatives de me plaire de faire bien ou d'être meilleurs. C'est gratuit !
    C'est donné, c'est à recevoir, voilà une bonne nouvelle !
    Essayons de réaliser ce que nous pouvons ressentir au plus profond de nous, lorsque Dieu nous dit : "Je t'aime, toi, tel(le) que tu es." Prenons conscience de notre corps, de nos membres, des battements de notre coeur. Laissons sortir les tensions, sentons notre souffle, notre respiration : "Nous sommes aimés, acceptés, appréciés." Au coeur de notre être, il y a ce que nous aimons de nous-mêmes, Dieu aime cette partie. Au coeur de notre être, il y a notre part d'ombre, le côté sombre, Dieu aime également cette partie de nous-mêmes.
    Il ne nous accuse pas comme nous nous accusons nous-mêmes. La bonne nouvelle est aussi pour cette part d'ombre. Dieu est amour, il est capable de réconcilier ces diverses parties de nous-mêmes, nous restituer notre intégrité, panser nos coeurs brisés, nous conduire vers la vie au centuple du Royaume.
    Aujourd'hui cette bonne nouvelle est accomplie en nous.
    Amen.

    Fait partie de la suite Prédication de Jésus à Nazareth : Luc 4 / Esaïe 58 / Luc 10 / Luc 7.

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • 27.8.06 / Ruth 4. Le message politique du livre de Ruth

    Ruth 4
    27.8.2006
    Le message politique du livre de Ruth
    Néh 13 : 1-3 Esd 9:1-4 + 10:1-3 Rt 4 : 7-17

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Pendant ce mois d'août, nous nous sommes penchés sur le récit du livre de Ruth. J'ai abordé ce récit de différentes manières. Dans une lecture plutôt psychologique, nous avons vu comment trois femmes, Noémi et ses deux belles-filles Orpa et Ruth, adoptaient des attitudes différentes face à un événement semblable, le deuil de leurs maris. Dans une lecture théologique, nous avons vu comment ce récit est une parabole de la Providence divine, au travers des nombreuses bénédictions qui sont reçues et échangées.
    Aujourd'hui, j'aimerais aborder une autre facette de ce récit, c'est la portée politique de ce livre ! Cela peut paraître bizarre de penser que ce récit de mariage champêtre peut revêtir une signification politique. En effet, cette dimension politique n'est pas immédiatement visible, elle est comme camouflée par le côté léger, idyllique, romantique de cette histoire. Eh bien, je crois que ce côté masqué est voulu et qu'il a permis que ce livre soit intégré dans la Bible.
    En effet, le livre de Ruth, tel que nous le lisons aujourd'hui, est porteur d'un courant politique minoritaire au moment de la formation de la Bible. Ce livre présente donc deux niveaux de lecture — dus probablement à deux étapes de rédaction.
    Le premier niveau de lecture est de l'ordre du roman qui présente des personnages, une intrigue, un drame et un dénouement heureux, l'histoire de ces femmes qui doivent reprendre pied dans l'existence et qui reçoivent les bénédictions de Dieu au travers d'un homme respectueux de la Loi, qui fait son devoir légal, puis est béni en retour par un beau mariage. A ce niveau de lecture, c'est un récit hors du temps, qui n'a pas de connexion avec la réalité historique.
    Dans un deuxième temps, dans le contexte du retour de l'Exil à Babylone, un rédacteur rajoute quelques mots à la première phrase pour inscrire ce récit dans la chronologie de l'histoire d'Israël : "A l'époque où les juges exerçaient le pouvoir en Israël…" (Rt1:1) et ajoute un demi verset à la fin du récit : Obed fut le père de Jessé, père de David." (Rt 4:17). Il complète enfin le livre par la liste des ancêtres de David depuis Pérès, déjà nommé dans le récit.
    Ces deux petites adjonctions ont deux effets. Le premier, c'est d'inscrire cette petite histoire dans la grande Histoire : maintenant elle raconte quelque chose sur les antécédents du roi David, elle prend de l'importance et cela explique pourquoi il faut l'inclure dans la liste des livres bibliques.
    Le deuxième effet — et c'est là sa portée politique — c'est de placer un femme étrangère (moabite de surcroît) dans la généalogie du roi David, le héros d'Israël, la figure du Messie. Au temps de l'Exil et après, David est le modèle du Messie à venir, celui qui devra redonner sa splendeur et son indépendance politique à Israël, malgré le fait d'avoir du sang moabite dans les veines.
    Pourquoi cette femme moabite, Ruth, a-t-elle une portée politique dans ce retour d'Exil ? Il faut rappeler que l'Exil a été une terrible épreuve pour l'identité d'Israël. Jérusalem détruite, le peuple a perdu son Roi, son Temple et sa Terre. Comment expliquer cela en gardant sa foi en Dieu ? Habituellement, lorsqu'un peuple perdait tout, on en concluait qu'il ne s'était pas adressé à la bonne divinité, puisque celle-ci n'avait pas réussi à le protéger.
    En Israël, les choses ne se sont pas passées ainsi. Ce n'est pas Dieu qui a failli, c'est la faute du peuple et surtout de ses dirigeants. S'il y a un exil, c'est à cause de la désobéissance d'Israël, c'est une punition divine, temporaire. Et le retour d'Exil est vu comme une seconde chance : dès maintenant, par l'obéissance de tous à la Loi de Moïse, le peuple d'Israël va regagner sa terre et pouvoir y rester.
    Mais pour rester sur la terre promise, il ne faut plus se laisser aller à la désobéissance et à l'idolâtrie. La sécurité passe par le culte du Dieu unique. Et un courant majoritaire se dessine (on le voit dans Esdras/Néhémie) qui accuse les étrangers implantés en terre d'Israël d'être la plus grande menace pour eux et pour le culte. Ainsi Néh 13:3 dit : "Lorsque les Israélites entendirent la lecture de cette interdiction, ils décidèrent d'exclure de leur communauté tous les étrangers." Cette interdiction lue devant le peuple se trouve dans Deutéronome 7:1-7.
    Il y a donc, en ce temps-là, post-exilique, un courant, une veine nationaliste très forte qui veut exclure les étrangers, notamment en demandant à tous les juifs qui ont épousé une étrangère de la renvoyer. Nous avons entendu cela dans le livre d'Esdras. Le mariage entre juifs et étrangères est proscrit, parce qu'il est vu comme un risque de contamination idolâtrique. Les livres d'Esdras et de Néhémie sont les principaux vecteurs de cette pensée nationaliste, à son stade le plus intransigeant.
    Cette veine nationalise, de pureté ethnique, se retrouve aussi, mais entremêlée avec une veine universaliste, dans les livres du Lévitique, du Deutéronome, de Samuel et des Rois. La veine universaliste se signale par tous les rappels "souvenez-vous que vous avez été étrangers en Egypte" (Dt 24:22, par ex.). La veine nationaliste dénonce les rois qui se laissent entraîner par leurs épouses vers les cultes étrangers (1 Rois 11:1-13 par. ex.).
    La veine universaliste pure est le combat politique du livre de Ruth, comme il l'est de la majorité des prophètes, avec, comme fer de lance, la deuxième et la troisième partie d'Esaïe.
    Ces deux veines sont donc présentes dans la Bible, comme elles sont présentes dans le monde, comme elles sont présentes en Suisse. D'un côté, les partisans — comme Esdras/Néhémie — de la pureté du peuple et de l'expulsion des étrangers, des femmes étrangères et de l'autre, les partisans du livre de Ruth qui appellent à ne pas juger par généralisation et a priori, mais de regarder la personne et la situation, indépendamment des origines et de la provenance.
    Cette lutte entre ces deux tendances se retrouve aussi au cœur du Nouveau Testament. Ainsi, Matthieu souligne l'ouverture universaliste du message de Jésus en incluant Ruth dans sa généalogie (Mt 1:5). Matthieu n'inclut que quatre femmes dans les 42 générations évoquées. Avoir choisi Ruth parmi celle-ci a certainement une signification !
    Dans le livre des Actes, on voit aussi ce combat entre l'ouverture ou la fermeture de l'Eglise aux païens prendre place entre l'apôtre Jacques, le frère de Jésus, et Pierre, puis Paul (Actes 15). Chaque époque est replacée devant ce choix.
    Le récit du livre de Ruth prend clairement position : c'est l'attitude personnelle de Ruth, vis-à-vis de sa belle-mère et de Dieu, qui en fait un personnage attachant et digne d'entrer dans la lignée du Christ. Les amies de Noémi le soulignent lorsqu'elles disent : "Ta belle-fille vaut mieux pour toi que 7 fils" (Rt 4:15).
    Aujourd'hui, chez nous, à nous de savoir si nous voulons adopter une attitude défensive et craintive ou avancer dans ce courant universaliste du livre de Ruth.
    Amen
    © 2006, Jean-Marie Thévoz

    Fait partie de la suite : Ruth 1 / Ruth 2 / Ruth 4 (il n'y a pas de Ruth 3)

  • Ruth 2. La bénédiction est le signe de la présence de Dieu

    Ruth 2
    13.8.2006
    La bénédiction est le signe de la présence de Dieu
    Dt 24 : 19-22 Rt 2 : 1-13 Rt 2 : 14-23

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous continuons notre exploration du livre de Ruth, l'histoire de cette veuve Moabite, donc étrangère à Israël, qui s'attache à sa belle-mère Noémi et la raccompagne à Bethléem. Une fois réinstallées, elles doivent vivre, subvenir à leurs besoins. C'est pourquoi Ruth s'en va glaner dans les champs, puisque c'est le temps de la moisson.
    Glaner, c'est chercher les épis que les ramasseurs qui suivent les moissonneurs oublient ou perdent dans les champs. C'est récolter les miettes qui tombent de la table des riches. La Loi de Moïse que nous avons entendue dans le Deutéronome, essaie de donner un peu plus de chance aux glaneuses : elle interdit aux propriétaires ou aux moissonneurs de passer deux fois dans leurs champs. Mais le résultat du travail des glaneuses restera toujours précaire et aléatoire.
    Les glaneuses dépendent du bon vouloir du propriétaire. Et là — ce que le récit nous montre— c'est que Booz est un propriétaire généreux. Booz accueille Ruth, il la protège en avertissant ses ouvriers pour qu'ils ne l'importunent pas. Il l'invite à partager son repas. Il la favorise même discrètement en demandant à ses ouvriers de laisser exprès des épis par terre !
    Lorsque Ruth revient à la maison et raconte sa journée, Noémi réagit tout de suite en s'exclamant : "Que Dieu bénisse celui qui a été bon pour toi" (Rt 2:19). Le bien que Booz fait transforme la vie de ces deux femmes. A leur tour elles souhaitent du bien à leur bienfaiteur et ainsi la bénédiction circule des uns aux autres.
    C'est une des caractéristiques de ce livre de Ruth : la bénédiction, le bien, va en s'amplifiant en circulant d'une personne à une autre. Cette amplification du bien, de la bénédiction, est le signe de la présence de Dieu dans ce récit. Une présence discrète, silencieuse, mais constante. Elle n'a rien de spectaculaire, puisqu'elle passe par des gestes tout humains, mais elle est là et rend la vie plus facile, plus légère.
    Booz fait du bien, pour le plaisir de faire du bien, pour enrichir le monde de bonté. Booz n'a aucune arrière-pensée, il ne calcule pas, il ne poursuit pas de but. Nous qui connaissons la suite de l'histoire pourrions penser que Booz agit ainsi en vue de son mariage avec Ruth. Mais ce n'est pas ce qui se passe. Le texte montre bien — dans le 3e chapitre — que c'est Ruth qui prend toutes les initiatives.
    Booz fait le bien pour le bien, car il a compris le fonctionnement de la bénédiction (il n'est pas agriculteur pour rien !) : on récolte ce qu'on sème. C'est ainsi dans la vie, l'amour donné gratuitement revient sous de nouvelles formes, souvent inattendues. Il ne grandit que lorsqu'il circule sans arrière-pensées ou calculs. C'est ainsi que Noémi reconnaissante demande à Dieu de bénir Booz en retour.
    Le thème de la bénédiction divine est un thème qui parcours toute la Bible, même si souvent nous la négligeons. J'ai souvent entendu, dans mes visites de classes, des enfants demander : "Mais pourquoi Dieu n'agit-il plus aujourd'hui comme au temps de Moïse, lorsqu'il a ouvert la mer ?"
    C'est vrai que de nos jours, nous n'arrivons plus à voir Dieu intervenir visiblement dans le cours de l'Histoire. Mais quand nous disons cela, nous négligeons au moins la moitié de la Bible, Ancien Testament compris. Bien sûr, il y a, dans le Pentateuque, le noyau important de la sortie d'Egypte où Dieu intervient par des événements extraordinaires. Mais la Bible affirme aussi, avec insistance et longuement, que Dieu agit dans la vie des humains au travers de ses actes de bénédiction.
    Tout le livre de la Genèse, depuis Noé jusqu'à Joseph, en passant par Abraham, Isaac et Jacob, nous montre comment Dieu bénit l'humanité au travers des naissances et des liens de filiations. A travers les généalogies, la vie continue, la vie renaît, recommence. Et chaque naissance est un renouveau et une bénédiction, un avenir ouvert ! La suite des générations est une bénédiction divine.
    Et puis le livre du Deutéronome qui clôt le Pentateuque met, lui, l'accent sur la bénédiction que constitue le don d'une terre, d'un pays où coulent le lait et le miel. La production de la terre, le produit du travail des humains, sont vus comme une bénédiction divine.
    Et c'est bien ainsi que le conçoit Booz. Il reçoit tout comme venant de la main de Dieu. Ensuite il est plus facile de donner, d'être généreux, si l'on considère que tout ce que l'on possède ou tout ce que l'on acquiert nous a été donné comme une bénédiction.
    Dans le récit, Booz devient la figure de la Providence divine, celui qui accueille, celui qui invite à partager son repas, celui qui protège, celui qui favorise en nous donnant l'occasion de recevoir.
    Qu'est-ce qui nous empêche de voir dans nos vies la présence de cette bénédiction continue de Dieu ? Qu'est-ce qui nous empêche de la reconnaître dans ce qui nous arrive ? Qu'est-ce qui nous empêche de la recevoir et de la communiquer autour de nous ?
    Nous voyons bien que le monde et plutôt engagé sur le chemin de la vengeance et dans la spirale de la violence. Le livre de Ruth nous apprend que la spirale du bien est aussi une option. Que jour après jour Dieu place quelques épis de bonheur que nous pouvons glaner dans le champ de notre existence, si nous nous faisons assez humbles pour partir glaner plutôt que d'attendre ce qui nous revient de droit !
    Engageons-nous dans le cycle, la spirale de la bénédiction pour semer le bonheur et la joie autour de nous et il y aura toujours quelqu'un pour dire "Que Dieu bénisse celui qui a été bon pour toi !"
    Amen
    © 2006, Jean-Marie Thévoz

    Fait partie de la suite : Ruth 1 / Ruth 2 / Ruth 4 (il n'y a pas de Ruth 3)

  • Ruth 1. Après le deuil, le bonheur est-il possible ?

    Ruth 1
    6.8.2006
    Après le deuil, le bonheur est-il possible ?
    Rt 1 : 1-22

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Pour ces prochains dimanches du mois d'août, j'ai choisi de vous parler de l'histoire de Ruth la Moabite. On a l'habitude de l'entendre comme une jolie histoire d'amour champêtre où la jeune et jolie Ruth s'éprend de (ou séduit) Booz, le riche propriétaire… et tout cela finit par un beau mariage.
    Cette lecture — façon Collection Arlequin — risque cependant de nous faire perdre les aspects plus piquants, voire choquants, et plus dramatiques de l'histoire. Cette lecture romantique risque aussi de nous faire passer à côté des vraies leçons de vie du récit, et même de ses implications politiques. Je ferai donc trois lectures de ce récit : aujourd'hui une lecture plutôt psychologique, dimanche prochain une lecture théologique et finalement le dimanche 27 août, une lecture politique.
    L'histoire de Ruth est une belle histoire, puisqu'elle finit bien. Ruth se marie avec l'homme qu'elle a choisi, elle enfante un fils, ce qui l'inscrit dans la lignée généalogique d'où sortira le roi David et le Christ. Voilà un destin merveilleux qui semble sortir tout droit d'un conte de fée.
    Ce qui différencie ce récit du conte de fée cependant, c'est que ce bonheur s'est construit dans la douleur. Il n'y a pas de princesse, il a une veuve, Ruth — belle-fille d'une autre veuve — qui arrive comme étrangère dans un pays qu'elle ne connaît pas. Il n'y a pas de prince charmant, il y a deux hommes qui ont des droits sur Ruth et qui peuvent l'acheter sans qu'elle ait son mot à dire. Il n'y a pas de château, il y a la pauvreté qui oblige Ruth à aller glaner dans les champs, ramasser les restes négligeables abandonnés derrière les moissonneurs, moissonneurs qui ne manqueront pas de l'importuner, voire de la violenter si elle n'a pas de protecteur.
    Comment donc, à partir de cette situation de départ, veuvage, dépendance, pauvreté, vulnérabilité, cette histoire peut-elle déboucher sur le bonheur ?
    C'est justement à cause de cela, à cause de cette distance franchie entre le malheur et le bonheur que ce texte est un récit si attachant. Il pose en effet crûment la question : le bonheur est-il possible ? Et il répond oui, mais il ne le fait pas par des artifices merveilleux ou une atténuation de la dureté de la réalité.
    Le récit part de situations réelles, fréquentes, banales. Le récit part de la réalité la plus pénible pour l'être humain : le deuil. Le récit ne nous présente donc pas un bonheur construit sur du bonheur, mais un bonheur qui sort, qui s'extirpe du malheur. Quand le malheur frappe, la route du bonheur n'est pas fermée ! Contrairement à ce qu'on croit d'habitude.
    Comment voit-on cela dans le récit ? Nous sommes en présence de trois femmes, toutes veuves. Trois femmes blessées dans leur chair, dans leur relation conjugale. Trois femmes et trois chemins différents.
    D'abord Noémi, partie avec son mari et ses deux fils pour fuir la famine et chercher un nouvel horizon, une nouvelle vie. Le pays qui devait leur apporter la prospérité se révèle le pays du deuil. Noémi perd son mari. Ses fils se marient, mais décèdent à leur tour. Noémi le dira elle-même : "Je suis partie les mains pleines et je reviens les mains vides" (Rt 1:16-17).
    Elle quitte Moab et retourne dans son pays, retour au point de départ, retour vers ses racines, mais aussi pour elle retour en arrière. Elle voit sa situation comme pire qu'auparavant. On peut ajouter qu'elle ne voit que le négatif, elle ne remarque pas ce qu'elle a ou ce qu'elle a en plus : elle est à nouveau sur sa terre, dans son peuple; elle a gagné une belle-fille, Ruth.
    L'écueil au bonheur que nous présente le caractère de Noémi, c'est de ne pas regarder tout le champ de la réalité, c'est de ne pas compter — à cause de sa souffrance — la partie positive de la réalité qui existe à côté de ses malheurs et de sa souffrance. Certes, le positif n'annule pas le négatif, mais il est là comme un terreau, une plate-forme où un nouveau bonheur peut prendre racine.
    Ensuite, il y a Orpa, la première belle-fille de Noémi. Elle vit aussi le deuil de son mari, le fils de Noémi. Elle pense accompagner Noémi dans son retour en Israël, mais ne le fait pas, finalement. Elle est tentée par une nouvelle vie, ailleurs que dans le lieu de son malheur, mais elle renonce. Elle a sûrement de bonnes raisons. En restant sur sa terre, elle évite le statut d'étrangère qu'elle aurait en Israël. Elle évite de perdre son statut de femme libre (en terre de Moab, la société était matriarcale ! v.8 "rentrez chez votre mère" dit Noémi). Ainsi donc Orpa renonce au changement et préfère rester sur la terre de son deuil.
    Cela me fait penser à la phrase de Max Frisch : "Quand on a plus peur du changement que du malheur, comment éviter le malheur ?"
    Ruth, elle, va choisir le chemin du changement. elle veut quitter la terre du malheur. Elle préfère partir vers l'inconnu que rester dans le malheur. Elle prend des risques, ceux que sa belle-sœur n'a pas voulu affronter : être étrangère, perdre ses droits de femme libre. Elle fait le choix du départ et le choix de l'attachement. Ce départ n'est pas une fuite loin du malheur, c'est un acte de foi en la vie, en l'attachement à Noémi et à son Dieu. Avec eux elle peut affronter l'inconnu et la nouveauté.
    Cette audace — « je change de pays, je change de parenté, je change de Dieu » — est bien ce qui caractérise Ruth. Elle n'est pas une jeune fille naïve qui se laisse aller aux hasards de la vie. C'est ce qu'on voit dans les chapitres suivants. Dans l'espace minuscule que lui laissent les contraintes sociales de son temps, elle prend sa vie en main (Rt 2:2), elle donne de petites impulsions pour faire basculer son destin dans les bras de l'homme qu'elle choisi (Rt 3:9).
    Le bonheur de Ruth n'est pas construit sur des circonstances favorables et l'absence d'épreuves ou de malheurs. C'est au travers de sa confiance dans la vie — marquée par son attachement à Noémi et à Dieu — qu'elle arrive à voir les situations favorables et ainsi petit à petit faire basculer son destin.
    Nous verrons dimanche prochain comment cette confiance en la vie, en la générosité de la vie, est confessée comme un don de Dieu dans le livre de Ruth.

    ...suite demain dans Ruth 2

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

    Fait partie de la suite : Ruth 1 / Ruth 2 / Ruth 4 (il n'y a pas de Ruth 3)

  • 9.7.06 / Marc 2. Le pardon libère une telle énergie que le paralytique peut s'en aller debout.

    Marc 2
    9.7.2006
    Le pardon libère une telle énergie que le paralytique peut s'en aller debout.
    Michée 7 : 7-8 + 18-20 Mc 2 : 1-12

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Il n'est pas facile dans notre monde moderne de parler des miracles de Jésus, des guérisons de Jésus. Cela ne paraît pas compatible avec les raisonnements scientifiques, la pensée rationnelle, etc. Le miracle n'existe que dans l'Antiquité ou dans les esprits crédules, pense-t-on.
    C'est mettre — je crois — trop d'importance sur l'aspect matériel du miracle. Les miracles de Jésus sont avant tout des signes, qui signalent autre chose, qui attirent l'attention sur une autre réalité. Jésus n'utilise pas le miracle pour son aspect merveilleux. Il l'utilise comme une parabole, en marge de son message, pour montrer que son message s'inscrit bien dans la réalité, dans la vie.
    La parole fait bouger la réalité, la transforme. Il y a des paroles efficaces, "performatives" en langage technique, qui changent la réalité. Lorsque je vous demande de vous lever pour chanter, vous vous levez; lorsqu'un président de Conseil communal dit "le vote est terminé" personne ne peut plus voter après cela, etc.
    Dans le récit qui nous occupe, le miracle est marginal, il vient simplement confirmer que la parole de Jésus sur le pardon est efficace : ce qui est pardonné est vraiment pardonné. Alors, nous pouvons laisser de côté l'obstacle que représente le miracle pour comprendre vraiment le message de ce récit.
    Ce récit parle d'abord de la foi et c'est ce que Jésus voit en premier : "Jésus vit la foi de ces hommes." C'est la foi des personnes qui accompagnent le paralytique. D'abord la foi qu'il se passera quelque chose de bon pour l'homme paralysé s'il pouvait approcher de Jésus, le rencontrer, le toucher. On ne nous dit pas ce que ces gens espéraient, mais ils sont prêts à affronter tous les obstacles.
    Toute la foule est là pour voir et entendre Jésus et bloque tous les accès. Cela fait penser à l'interdiction pour les infirmes et les grands malades d'entrer dans le Temple de Jérusalem. Alors, là aussi le paralysé est interdit d'accès vers Jésus ? Qu'à cela ne tienne, les hommes trouvent un autre accès, ils passent par le toit. Il ne faut pas hésiter dans sa quête vers Dieu à utiliser tous les chemins possibles !
    Lorsque le paralysé est enfin devant Jésus, Jésus voit la foi de ses porteurs. Oui, il est des situations où c'est la foi de la communauté qui fait le travail pour amener quelqu'un devant Jésus. On peut être bloqué, paralysé dans sa vie et accepter l'aide des autres pour avancer, pour franchir des obstacles, pour accéder à Jésus.
    Jusque-là, le paralysé n'a rien dit, n'a rien demandé, n'a rien fait, mais Jésus intervient en déclarant (dans la formule traditionnelle) : "Tes péchés sont pardonnés" (Mc 2:5).
    Là nous risquons d'être piégés par les ornières de la tradition et penser : les péchés sont des fautes, s'il est paralysé, c'est que ce sont des fautes terribles et l'on se met à lier faute et maladie. Non, ce que la Bible appelle le péché, c'est tout ce qui nous coupe de la relation avec Dieu ou avec les autres. Et ce qui nous coupe de cette relation, ce ne sont pas automatiquement des fautes commises.
    On se coupe aussi des autres parce qu'on a le sentiment d'avoir été traité injustement ou bien parce qu'on a subi du mal ou des abus. On peut se couper de Dieu parce qu'on pense que le malheur qui nous arrive vient de lui. Combien un infirme peut-il en vouloir au ciel, s'il pense que Dieu a décidé de son handicap ? Le mal que l'on a subi nous coupe souvent des autres ou de Dieu et alors l'amour réparateur ne peut plus circuler. On vit avec des boulets aux pieds, avec de la colère ou une tristesse insurmontable.
    Ce que Jésus dit à l'homme paralysé, c'est : "Tous tes boulets, tous tes fardeaux, je les écarte de ton être, ils ne viendront plus encombrer ta vie, paralyser ton existence."
    Est-ce que chacun d'entre nous peut entendre que Jésus s'adresse à lui aujourd'hui ? "Je suis venu te décharger de ta hotte de souci, de rancune, de tristesse, de jalousie, d'insatisfaction. Tous les boulets que tu traînes depuis si longtemps sont écartés, supprimés. Toute l'énergie que tu mettais à les traîner derrière toi, tu peux maintenant la mettre à vivre, à avancer, à te réjouir de ta vie avec les autres."
    Ne pensez-vous pas qu'après cela celui qui était paralysé se trouve transformé, revitalisé ? Le miracle est dans le pardon, dans cette énergie libérée pour la vie. Que le paralysé puisse se lever, prendre sa natte et marcher n'est que la suite logique de cette énergie libérée après avoir été bloquée pendant des années.
    Le pardon que l'on reçoit, comme le pardon que l'on accorde, a un pouvoir énorme de libération et de remise en route, voilà ce que nous dit ce récit.
    Que notre vie soit paralysée par des fautes que nous n'arrivons pas à nous pardonner, ou par des malheurs qui nous sont arrivés et qui creusent en nous les sentiments d'injustice, de révolte ou de tristesse sans fonds, il est possible d'accéder à Jésus et d'être déliés de ces fardeaux.
    Peut-être devrons-nous demander de l'aide à quelques-uns pour nous frayer un chemin jusqu'à la guérison de notre être, peut-être faudra-t-il trouver des chemins inédits et passer par le toit, mais dans tous les cas, Jésus attend de remarquer notre foi, notre espoir d'être relevés.
    Il y a pour chacun et chacune une promesse de vie, d'une vie à parcourir debout avec une énergie libérée.
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • 1 Rois 3. Croire vraiment en la générosité de Dieu

    1 Rois 3
    18.6.2006
    Croire vraiment en la générosité de Dieu
    1 R 3 : 5-14 Jn 13 : 12-17

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chères familles des nouveaux baptisés,
    Vous venez de confier ces enfants à Dieu dans le baptême. Vos enfants et vous-mêmes, au travers de vos engagements, vous entrez dans une relation nouvelle ou renouvelée avec Dieu. Chacun d'entre vous qui êtes venus dans cette église ce matin, vous entrez dans la relation avec Dieu. La relation est un dialogue, un échange où chacun peut demander quelque chose à l'autre. En effet, nous venons pour demander des choses à Dieu, puisque nous venons prier : nous souhaitons que Dieu nous aide dans nos difficultés, nous apporte du soulagement ou de la consolation, nous apporte de la joie ou du répit.
    Alors qu'est-ce que Dieu va nous demander en retour ? Dieu ! me demander quelque chose ! Peut-être que l'appréhension monte ? Oui, bien sûr, dans ce dialogue, Dieu nous demande quelque chose, il attend de nous une réponse. C'est ce qui s'est passé lorsque Salomon est entré en dialogue avec Dieu au sanctuaire de Gabaon.
    Dieu est apparu à Salomon dans un rêve et lui a demandé :

    "— Que pourrais-je te donner ? Demande-le-moi." (1 R 3:5)
    Observez bien la délicatesse de la demande ! Dieu — qu'on imagine tout savoir — ne vient pas dire à Salomon : « Je sais ce dont tu as besoin et je vais te le donner. » Non, Dieu ne veut rien imposer, il demande vraiment ce que désire Salomon. Dieu respecte la liberté de Salomon. Dieu ne fait pas le bien des gens contre leur volonté. Dieu nous demande de poser les objectifs de notre vie et de demander ce dont nous avons besoin pour les atteindre.
    Avant de dire ce qu'il désire, Salomon dit à quel point il est reconnaissant envers la générosité de Dieu, pour son père David et pour lui-même. Ensuite, il reconnaît qu'il a reçu son titre de roi, c'est un don qu'il a reçu et qui ne dépend pas de ses mérites, de ses actions, il est simplement le fils du roi précédent. Enfin, il reconnaît ses propres limites : il est jeune et sans expérience, il a besoin de recevoir une intelligence, une sagesse pour accomplir sa mission. Aussi demande-t-il "un cœur plein de sagesse" pour conduire son peuple et pour discerner le bien du mal.
    Avec le recul, on pourrait dire que cette demande est déjà pleine de sagesse et d'intelligence. Cette demande plaît à Dieu. Non seulement Dieu va lui accorder ce qu'il demande, mais en plus il va lui donner ce que Salomon avait renoncé à demander : une longue vie, la richesse et les victoires.
    Cela vaut la peine de se lancer dans le dialogue avec Dieu et de prendre le risque d'écouter ce qu'il nous demande et de lui répondre !
    Le Dieu de la Bible, le Dieu de Jésus-Christ est un Dieu généreux et bienveillant : après le don de la vie, il veut encore nous combler comme Salomon. Peut-on croire que Dieu nous fait, à chacun, la même demande, la même offre qu'il a faite à Salomon ?
    Bien peu de monde y croit ! On a tellement l'habitude d'entendre dire "Dieu est généreux, Dieu est bienveillant, Dieu est amour" que, paradoxalement, cela ne nous touche plus, cela ne nous atteint plus, nous n'y croyons pas.
    Il faut que cela soit reformulé différemment, et surtout hors Eglise, pour que les gens l'entendent : "La vie est généreuse"; "Rien n'arrive par hasard"; Chacun a son ange gardien, apprends à le connaître et il te guidera…"; "Crois en ton destin, demande ce que tu veux à la vie et cela te sera donné."
    Le point commun de toutes ces affirmations, c'est d'ouvrir notre esprit à une présence mystérieuse; c'est de faire de la place pour un être bienveillant au-dessus de nous; c'est de recevoir les événements de la vie comme des dons, des cadeaux; c'est d'avoir conscience de sa petitesse, de ses limites et que cette conscience devient une force; c'est d'avoir conscience qu'il existe une sagesse qui vient du fond des âges et peut nous guider.
    Eh bien, ici — dans l'Eglise — nous donnons au destin, à la force de vie, à la présence mystérieuse, le nom de "Dieu" ou celui de "Jésus-Christ." Jésus-Christ était un "maître" comme il le dit à ses disciples après le lavement des pieds, mais il n'est pas venu comme un tyran, mais comme un serviteur. Au service de la vie, au service de la relation, de l'amour.
    Jésus nous offre la même sagesse que celle qu'il a donnée à Salomon. Cette sagesse est là dans les paroles de Jésus qui se trouvent dans la Bible, un véritable mode d'emploi de la vie et du bonheur, si seulement nous voulions nous en inspirer !
    Dieu ne nous offre pas seulement la vie à la naissance, il nous offre la possibilité du bonheur, quelles que soient les circonstances de l'existence. Il n'offre pas le bonheur aux seuls gens heureux, cela n'aurait pas de sens.

    "Je suis venu chercher et sauver ce qui était perdu" dit Jésus (Luc 19:10).
    C'est à chacun de nous — dans la situation que nous vivons — que Dieu adresse la même demande qu'à Salomon : "— Que pourrais-je te donner ? Demande-le-moi."
    Oserons-nous dire à Dieu nos désirs secrets et accepter la générosité de sa main ? Avons-nous assez confiance en lui ?
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.

  • 11.6.2006 / Matthieu 7, Le chemin du bonheur est étroit parce qu'il se faufile dans le "juste maintenant"

    Matthieu 7
    11.6.2006
    Le chemin du bonheur est étroit parce qu'il se faufile dans le "juste maintenant"
    1 Rois 17 : 5-16 Mt 7 : 7-14

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers membres de l'Abbaye,
    J'ai retrouvé récemment deux livres amusants, mais plein de sagesse. L'un s'intitule : « Comment réussir à échouer » et l'autre : « Faites vous-même votre malheur »*. Je crois que ces deux livres sont de parfaites illustrations de la parole de Jésus :

    "Entrez par la porte étroite ! Car large est la porte, facile est le chemin qui mènent à la ruine, et nombreux sont ceux qui les utilisent. Mais étroite est la porte, difficile est le chemin qui mènent à la vie, et peu nombreux sont ceux qui les trouvent." (Mt 7:13-14).
    Larges sont les boulevards pour échouer, pour pourrir sa vie, pour faire son propre malheur. Mais combien plus difficile est-il de créer du bonheur, de vivre heureux. Pourtant le bonheur est quelque chose à quoi nous aspirons tous, c'est une quête fondamentale de l'être humain. C'est même sûrement ce qui nous différence le plus de l'animal, cette capacité d'organiser sa vie, de prévoir (ou choisir) ses actions, en vue d'un but et la conscience de réussir ou d'échouer.
    Lorsque les évangélistes Matthieu ou Luc rapportent cette parole de Jésus, cette injonction : "Entrez par la porte étroite…" ce n'est donc pas une brimade. Bien sûr, on ne peut pas passer sous silence les quelques siècles où cette parole a été interprêtée comme un appel au renoncement et à la condamnation de bien des plaisirs terrestres, dénoncés comme lieux de tentations… Mais je ne crois pas que ce soit le sens que Jésus voulait y mettre.
    Jésus prononce cette phrase comme une véritable invitation au bonheur. Mais il est conscient qu'il est plus facile d'échouer et de faire son propre malheur que de trouver le bonheur, d'où cette mise en garde : "Large est le chemin qui mène au malheur, étroit est le chemin qui mène à la vie, à la vie en plénitude."
    Nous aspirons tous au bonheur, mais nous sommes maladroits à le recevoir et nous sommes prompt à le voir là où il n'est pas, à nous laisser tromper par des miroirs aux alouettes. On nous propose effectivement plusieurs modèles sociaux du bonheur. Les plus anciens (santé, amour et fortune) contiennent un peu plus qu'une apparence de bonheur — ils sont des ingrédients qui rendent la vie plus facile — mais ne sont pas encore en eux-mêmes le bonheur.
    Bien sûr, il vaut mieux être riche et bien portant que pauvre et malade… dit la sagesse populaire : on s'en serait bien douté. Mais n'y a-t-il aucun espoir de bonheur pour ceux qui ne correspondent pas à ces critères prescrits ? Celui qui perd son travail, son conjoint ou la santé, n'a-t-il plus aucune chance d'être heureux ? Eh bien l'Evangile nous dit que le bonheur peut survenir dans toutes les situations de vie, mais sans sous-estimer l'effort et l'énergie que cela demande.
    J'ai parlé des modèles anciens (santé, amour et fortune), il y en a de plus récents, érigés par notre société médiatique qui sont : la consommation, la célébrité et l'évasion. Pas besoin de longues explications pour voir à quel point ces idéaux sont fragiles, illusoires et éphémères.
    Mais j'aimerais revenir sur le problème de la précarité qui semble être le plus grand obstacle d'aujourd'hui au bonheur. Comment trouver un bonheur durable dans une société qui rend précaire aussi bien l'unité du couple que la durée d'un contrat de travail ?
    C'est là que j'aimerais prendre l'exemple de la Veuve de Sarepta à qui Elie demande à manger. Elle et son fils sont dans une précarité totale : demain, ils n'auront plus rien. Pourtant, le lendemain et les jours suivants, la farine et l'huile ne sont pas épuisées, elles se renouvellent. Evidemment, c'est un miracle et comme événement impossible, cela me dérange : c'est trop facile de s'en sortir comme ça ! Tout arranger par un miracle, c'est du chiqué, nous savons que cela ne se passe pas comme ça dans la vie ordinaire.
    Alors que faut-il comprendre de ce récit ? Deux choses. Si c'est impossible matériellement, qu'en penser ? D'abord, prenons au sérieux que c'est impossible matériellement. Prenons acte qu'il est impossible de nous satisfaire matériellement. Il y aura toujours une voiture plus puissante que la mienne, un ordinateur plus rapide que celui que je viens d'acheter, une nourriture plus fine que celle de ma table, des vacances plus belles que mes dernières. Et nous n'aurons pas tout ça ! Si nous attendons un bonheur matériel, il sera toujours quelques pas devant nous et nous pourrons courir derrière pendant toute notre vie sans jamais le rattraper. Allons-nous créer notre propre malheur en gémissant toute notre vie sur ce fait ? A nous de choisir…
    Deuxième chose, si nous prenons le récit à un autre niveau, il illustre que chaque jour est un jour nouveau qui apporte son lot de possibilités. Chaque jour, le "pot de la vie" est réapprovisionné, en chance de bonheur, de vraie vie. Le destin, la vie, ou Dieu, nous sert chaque jour un nouveau pot avec de la farine et de l'huile pour nourrir notre bonheur. Savons-nous saisir cette chance ?
    Enfin, le piège final — qui récapitule les autres — et que nous créons nous-mêmes, c'est de croire que le bonheur est toujours ailleurs ou pour plus tard. Il est avec le nouveau produit, le nouvel objet; avec un autre travail ou un autre patron; avec un autre conjoint; lorsqu'il fera beau temps; après ce culte; après les vacances; quand j'aurais enfin du temps; demain, après-demain, mañaña, etc…
    Large est le chemin, l'éventail des possibilités où le bonheur pourrait venir, si… Avec cela nous faisons notre malheur, parce que tout cela est en dehors de nous, hors de notre maîtrise.
    Le chemin du bonheur est étroit, parce qu'il se faufile dans le "juste maintenant", dans l'instant présent que je vis ! Juste maintenant — que puis-je apporter à ma vie? Dans l'instant, que puis-je recevoir, trouver, comment puis-je entrouvrir la porte au bonheur ?
    La promesse divine, c'est que chaque jour est le lieu et le moment de l'ouverture au bonheur, chaque jour apporte sa farine et son huile. Chaque jour : demandez la touche de bonheur et vous la recevrez, cherchez le bonheur et vous le trouverez.
    Large est le temps de passer à côté du bonheur: il y a tout le passé à regretter et tout l'avenir à espérer ou à craindre. Etroit est le temps du bonheur puisque ce n'est que dans le "juste maintenant" et pourtant c'est le moment que nous ne cessons de vivre, tout le temps. Personne n'est privé du moment présent, quelles que soient les circonstances de la vie. Ce moment présent est donné à tous, constamment et c'est là que se trouve le moment du bonheur, juste maintenant… et maintenant… et maintenant… et lorsque je trinquerai avec mon voisin de table; le bonheur d'un vrai regard échangé, de personne à personne.
    Oui, pétrissons la galette de vie de ce moment-là, juste maintenant.
    Amen


    *Paul Watzlawick, Comment réussir à échouer, Paris, Seuil, 1984.
    Paul Watzlawick, Faites vous-même votre malheur, Paris, Seuil, 1988.


    © 2006, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.

  • 14.5.2006 / Luc 2. La double paternité de Jésus est révélatrice de toute la condition humaine

    Luc 2
    14.5.2006
    La double paternité de Jésus est révélatrice de toute la condition humaine
    Mc 10 : 13-16 / Luc 2 : 41-51

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, Chers Amis,
    Cette semaine, j'étais en visite dans une classe de 2e année (avec des enfants d'environ 8 ans). Je répondais à leurs questions sur le programme d'histoire biblique, sur Dieu, sur Jésus, etc… Et voilà qu'une fille me pose la question : "Mais qui est le père de Jésus ?" On sent en même temps la curiosité et le doute sous-jacent. Elle a entendu différentes choses qui — toutes mises ensemble — ne donnent pas une réponse claire.
    Et si la scène se passait au temps de Jésus ? On imagine assez bien les disciples empêcher les enfants d'approcher Jésus pour qu'ils ne posent pas de questions aussi embarrassantes. "Dis, Jésus, c'est qui ton papa ?"
    Cette enfant avait senti qu'il se pose-là une question importante, essentielle, explosive ! Cette question est posée à propos de Jésus déjà dans les Evangiles. Elle et soulevée par Luc dans l'épisode de Jésus au Temple. Marie et Joseph cherchent Jésus. Lorsqu'ils le trouvent, Marie dit : "Ton père et moi nous étions très inquiets" (Lc 2:48) et voici que Jésus répond : "Il fallait que je sois dans la maison de mon Père." (Lc 2:49).
    Jésus se présente bien comme ayant deux pères, Joseph et Dieu ! Mais si cette question est posée à propos de Jésus, elle nous concerne tous, même sans remettre en rien la question de notre filiation biologique. Quelle est notre origine ? D'où vient la vie qui nous habite ? Qui nous met vraiment au monde ? De qui voulons-nous recevoir / porter / transmettre l'héritage ? Pouvons-nous nous contenter de la réponse biologique, matérielle ?
    C'est là que la double paternité de Jésus est révélatrice de toute la condition humaine. Lorsque Jésus dit à ses parents : "Je dois m'occuper des affaires de mon Père," il révèle d'existence d'un monde parallèle à notre monde. D'habitude les mondes parallèles apparaissent seulement dans les livres de science-fiction. Pourtant, je crois que Jésus nous présente un monde parallèle chaque fois qu'il nous parle du Royaume de Dieu.
    Il y a une réalité terrestre dans laquelle parents et enfants sont liés biologiquement. Mais il existe un autre niveau de réalité, au-delà des apparences. Au premier niveau "nos enfants sont nos enfants." Mais au deuxième niveau "nos enfants ne sont pas nos enfants" comme le dit le poète Kahlil Gibran. Et cette deuxième phrase est tout aussi vraie que la première ! C'est ce que Jésus dit à ses parents.
    Jésus cherche à nous élever à ce deuxième niveau de réalité. Il y a quelque chose de plus que la réalité biologique, matérielle. Il y a une dimension subtile, qui donne du relief, de la substance, du sens à ce qu'on vit. Bien sûr on vit et on est plongé dans la réalité matérielle et biologique. Un simple mal de dent nous ramène à cette réalité bien terre à terre. Loin de moi l'idée de la nier.
    Cependant, il est possible — et c'est le privilège de l'être humain — de vivre cette réalité en prenant un petit peu de recul. Etre en même temps celui qui vit et celui qui regarde cette vie. Petit décalage qui s'appelle "avoir conscience de…" Petit décalage qui fait passer de la physique à la métaphysique ! De bien grands mots pour exprimer des choses toutes simples : décalage entre manger et se nourrir, entre vivre et exister, entre respirer et inspirer / expirer.
    On respire tout le temps, c'est un réflexe, on n'a même pas besoin d'y penser (heureusement). Mais de temps en temps, prendre une inspiration, puis se laisser expirer. Ou le contraire, expirer tout l'air de ses poumons, puis se relâcher et l'inspir se fait tout seul. Essayez.
    Faire les choses avec conscience, c'est peut-être simplement cela entrer dans le Royaume de Dieu. Ouvrir sa conscience à l'existence d'une autre réalité, une réalité très subtile, on ne peut pas la toucher, la saisir, s'en emparer, mais on peut la laisser venir, éclore, nous toucher.
    Cette autre dimension, c'est celle de la relation, du lien, une dimension immatérielle, mais tellement réelle. C'est dans cette dimension que s'inscrit le bonheur, la joie, les émotions. C'est dans cette dimension que sont gravés les premiers sourires de nos enfants, les premiers émois amoureux, les amitiés indéfectibles. Et personne ne peut nous les retirer. Ce sont les trésors amassés dans le ciel — dont parle l'Evangile (Mt 6:20) — qui ne peuvent ni pourrir, ni rouiller et que personne ne peut dérober.
    C'est à cette dimension que nous sommes appelés à nous ouvrir — ce que Jésus appelle "la maison de son Père," de notre Père. C'est vers cette dimension que nos enfants nous entraînent par l'exemple de leur émerveillement devant la vie. C'est vers cette dimension que nous avons à projeter nos enfants comme l'arc envoie la flèche vers l'avenir, comme de dit le poète :

    "Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés.
    L'Archer voit le but sur le chemin de l'infini, et Il vous tend de Sa puissance
    pour que Ses flèches puissent voler vite et loin.
    Que votre tension par la main de l'Archer soit pour la joie;
    Car de même qu'Il aime la flèche qui vole, Il aime l'arc qui est stable." Khalil Gibran
    Ayons conscience de cette mission que Dieu nous confie.
    Amen


    © 2006, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.