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Clamans - Page 4

  • Ouverture du catéchisme 1ère année : Prendre la peine de construire sa personnalité

    (29.9.2002)

    Matthieu 7

    Ouverture du catéchisme 1ère année : Prendre la peine de construire sa personnalité

    Psaume 127 : 1-5.        1 Pierre 2 : 4-7.       Matthieu 7 : 24-27

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  • Faut-il croire que Dieu dirige l'Histoire ?

    11.9.2022

    Luc 24

    Faut-il croire que Dieu dirige l'Histoire ?

    Genèse 6 : 9-19.        2 Chroniques 36 : 11-21.         Luc 24 : 42-49

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    Nous sommes le dimanche 11 septembre et — pour notre génération — il est impossible de ne pas associer cette date avec l'écroulement des tours de New York ! Cette date a marqué le retour de la question de Dieu dans le débat et les décisions politiques, avec cette question : Dieu intervient-il dans l'Histoire ?

    Certains milieux fondamentalistes l'ont affirmé en s'appuyant sur l'Ancien Testament. Les milieux réformés s'en sont abstenus ou bien l'ont clairement nié. Comment se positionner ? Et bien, en faisant un parcours biblique et en essayant de mettre en lumière les critères qui nous font choisir de donner priorité à certaines affirmations bibliques plutôt qu'à d'autres.

    Les deux lectures bibliques de l'Ancien Testament de ce jour — celle du Déluge dans le premier livre de la Bible et celle de la fin du Royaume de Juda dans le dernier livre de l'Ancien Testament — ces deux lectures affirment la souveraineté de Dieu sur la nature, les éléments et l'Histoire.

    Dieu gouverne les catastrophes naturelles et dirige les rois et les armées. Tantôt il sauve son peuple — comme dans le passage de la Mer Rouge — tantôt il le punit — lorsqu'il l'envoie en Exil. L'Ancien Testament nous montre clairement un Dieu qui intervient dans l'Histoire, qui dirige son peuple, soit directement, soit par des intermédiaires comme les patriarches, Moïse ou les prophètes. Les rédacteurs des livres de l'Ancien Testament partagent cette vision et attribuent tous les événements à la main de Dieu.

    Quels effets cela fait-il de rendre Dieu responsable de tous les événements ? Il y a des effets bénéfiques, mais aussi des coûts.

    C'est rassurant de penser que tout est entre les mains de Dieu, cela donne un sentiment de sécurité : à la fin, il devrait en sortir du bien ! Cela compense notre sentiment d'impuissance. Si nous n'y pouvons rien, Dieu pourvoira, Dieu nous sauvera ! Ainsi rien n'est hors de contrôle.

    Mais il y a aussi des coûts à penser Dieu tout-puissant. Lorsque les malheurs n'ont aucune commune mesure avec les supposées fautes, comment penser que Dieu est juste, que Dieu est bienveillant ? Les malheurs et la mort étant inhérents à la destinée humaine, comment ne pas perdre confiance, perdre notre assurance en Dieu ?

    Voilà pour la position de l'Ancien Testament, qu'en est-il dans le Nouveau Testament ? Dans le Nouveau Testament, Jésus nous est présenté comme le visage de Dieu. C'est dans les actes et les paroles de Jésus que nous est présentée la juste figure de Dieu. Or que voyons-nous ?

    Pendant son ministère, Jésus est habité de bienveillance et de tolérance. Il accueille tous ceux qui viennent à lui et il guérit. Les rédacteurs des Evangiles sont encore habités de l'idée que Dieu dirige les événements. On le voit dans les récits de Noël ou dans le baptême de Jésus où Dieu parle. Mais bien vite — avec le récit de la Passion — le destin de Jésus échappe tant aux rédacteurs des Evangiles qu'à Dieu !

    Jésus a été envoyé pour porter la lumière divine et il est arrêté, capturé, battu, jugé, moqué puis crucifié.

    Il y a des contorsions littéraires pour faire passer ce destin comme conforme à la volonté divine, mais cela détruit l'image d'un Dieu juste et bon ! Cela mène à une impasse, à une contradiction totale entre Jésus et Dieu.

    Et si l'on prenait Jésus au sérieux ?!

    Dans sa dernière apparition aux disciples, Jésus dit des choses extrêmement importantes. Après avoir mangé avec ses disciples, il les invite à une relecture des Ecritures. Pour cela il « ouvre leur intelligence » (Luc 24:45) et il leur donne des mots-clés pour cette nouvelle interprétation de l'Ancien Testament : le Christ devait souffrir et être relevé, dans sa personne est proclamée, affirmée la transformation (metanoia) et le pardon, et c'est un message universel.

    Ensuite Jésus donne à ses disciples une mission et la promesse de son Esprit qu'il appelle « puissance ». Ces paroles de Jésus nous invitent donc à avoir une lecture totalement nouvelle de l'Ancien Testament et de Dieu. Ne pas le voir dans la puissance, mais dans la souffrance, dans la vulnérabilité.

    Dieu n'est pas intervenu pour descendre Jésus de la croix, parce que Dieu était sur la croix. Dieu n'est pas dans la punition et la cause du malheur, il est dans le pardon.

    La puissance (dunamis en grec) qui était attribuée à Dieu dans l'ancienne lecture de l'Ancien Testament, Jésus la promet — pour la Pentecôte — aux disciples, aux êtres humains. Avec mission d'annoncer cette bonne nouvelle dans le monde entier.

    Jésus restitue à l'être humain la dynamique, le pouvoir d'agir, la responsabilité du monde. Tans que Dieu est pensé comme tout-puissant, l'être humain est réduit à l'impuissance. « Dieu sauvera les choses quand ça tournera mal » avons-nous longtemps pensé.

    En refusant un Dieu maître de l'Histoire, Jésus nous sort de notre sentiment d'impuissance, il nous restitue notre puissance.

    En refusant un Dieu maître de l'Histoire, Jésus nous rend à nos responsabilités : personne ne viendra arranger les choses que nous négligeons.

    En refusant un Dieu maître de l'Histoire, Jésus nous enracine dans le monde : il n'y aura pas de sauvetage extérieur (comme pour Jésus sur la croix) ; il n'y aura pas de Planète B, quand nous aurons saccagé totalement la terre ; il n'y aura que ce que nous faisons nous-mêmes du monde et de la société. C'est notre responsabilité de « nous aimer les uns les autres » !

    Renoncer à un Dieu qui maîtrise l'Histoire est une bonne nouvelle parce que cela met fin au fatalisme et nous restitue autant notre liberté que notre responsabilité. Mais cela veut dire que notre responsabilité doit s'exercer !

    A nous tous de nous mettre au travail pour un monde vivable, habitable et convivial.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

     

  • Etre chrétien, c'est ... ?

    (12.8.2001)

    Marc 2

    Être chrétien, c'est ... ?

    Esaïe 1:10-17

    Matthieu 5:17-19

    Marc 1:14-22

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Il existe des moments où l'on ne peut éviter de revenir à des questions fondamentales et ce matin j'aimerais reprendre une question toute simple, mais combien centrale pour l'Eglise : « Etre chrétien, c'est quoi ? »

    Cette question se pose et se repose dans différents contextes : a) le catéchisme par exemple. Son but est fondamentalement de conduire les catéchumènes à devenir des chrétiens; b) dans le dialogue interreligieux : qu'est-ce qui nous différencie des juifs ou des musulmans ? c) dans le dialogue avec nos voisins qui sont souvent assez déchristianisés et qui nous disent en même temps : "de toute façons, les chrétiens ne sont pas meilleurs que les autres" et "vous savez, j'ai mes croyances !".

    Que dire si l'on veut répondre « Etre chrétien, c'est ...» ou si quelqu'un demande : « Que dois-je faire pour être chrétien ? ». Etre chrétien, c'est quoi ?

    Je vous laisse deux minutes pour y réfléchir et ensuite notre conseillère de paroisse va passer dans les bancs avec le micro pour récolter quelques réponses.

    Réponses de l'assemblée, que je regroupe sous 4 catégories

     

    Ethique

    apprendre à bien faire

    vivre honnêtement, de manière intègre

    appliquer les lois de Dieu

     

    Action, solidarité

    être tolérant

    m'engager dans la communauté

    chercher de nouveaux membres

     

    Inspiration

    se tourner vers Dieu

    être en devenir, en recherche

    placer sa journée devant Dieu

    être éclairé par sa grâce

    accepter Dieu et vivre dans l'espérance de la résurrection

    croire que Jésus a existé

    accepter d'être accepté

    Rituels

     

    ---

     

    On voit dans ces réponses que vous avez bien intégré le plaidoyer d'Esaïe contre une religion faite seulement de rituels. Les réponses se partagent entre un agir moral (l'éthique protestante ?) et une inspiration par Dieu de la vie de tous les jours. Le fait d'"être chrétien" ne peut pas se résumer dans le "faire" et cela est déjà présent chez les prophètes de l'Ancien Testament comme nous l'avons entendu très fort chez Esaïe. Le Dieu biblique ne peut pas se contenter d'une pratique rituelle qui ne soit pas accompagnée d'une pratique éthique et d'une adhésion du coeur à l'alliance avec Dieu.

    S'il est sûr qu'il y a une pratique chrétienne — peut-être faudrait-il le dire plutôt en termes négatifs : les chrétiens ne peuvent pas faire certaines choses et se prétendre chrétiens en même temps — la pratique n'a pas de sens si elle n'est pas habitée par une attitude de sincérité, d'authenticité et d'attachement à Dieu et à Jésus.

    C'est pourquoi les chrétiens n'ont pas une loi, un catalogue de prescriptions à suivre, ce qui rend parfois difficile la visibilité des chrétiens, d'ailleurs. Nous ne suivons pas un catalogue de lois, mais nous suivons la personne de Jésus. Les actes chrétiens en découlent.

    Jésus — avant d'appeler à suivre les commandements donnés par son père — est celui qui appelle des disciples à le suivre. La priorité des chrétiens, c'est de suivre Jésus. Ses disciples abandonnent leurs filets et suivent physiquement Jésus. Aujourd'hui, nous sommes appelé à lâcher certaines choses (mais la liste n'est pas définie) pour suivre Jésus, c'est-à-dire nous mettre en marche selon son exemple. Cela signifie que le chrétien est en mouvement (il n'est pas figé sur un certain nombres de tâches à accomplir) et qu'il privilégie l'être plutôt que le faire.

    Jésus est une personne vivante, et même si les textes qui nous parlent de lui sont déjà écrits, ils sont suffisamment riches et ouverts pour être une inspiration chaque jour renouvelée. Les comportements chrétiens sont donc à inventer constamment. Les récits bibliques nous donnent des exemples à interpréter, qui peuvent nous inspirer, mais non nous limiter.

    La loi limite ! Mais Jésus, dans le Sermon sur la montagne (Mt 5—7) ouvre la loi pour que nous en trouvions l'esprit, à l'exemple de Jésus face aux pharisiens. A l'exemple de Jésus, nous sommes appelés — parce que nous voulons le suivre — à pardonner, à servir, à aimer jusqu'à l'extrême.

    A celui qui demande "que faire pour être chrétien ?" on ne peut que l'encourager à découvrir Jésus, à approfondir sa connaissance de Jésus au travers des Evangiles, puis de la Bible toute entière et au travers de la communauté de l'Eglise.

    Suivre Jésus, marcher après lui, c'est marcher vers ce Royaume dont Jésus annonce qu'il s'est approché et que c'est là une bonne nouvelle ! Oui, être chrétien, c'est vivre une bonne nouvelle et non pas être chargé d'un lourd fardeau. En effet, serions-nous plus heureux à haïr qu'à aimer, à garder rancune qu'à pardonner, à donner des ordres qu'à rendre service ?

    Le Christ est venu annoncer la bonne nouvelle du Royaume, de la proximité de Dieu et non pas pour nous charger du fardeau d'une loi irréalisable. Réjouissons-nous de cette grâce et de cette bonne nouvelle !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

     

  • "Ce sont les malades qui ont besoin d'un médecin, pas les bien-portants"

    (12.8.2001)

    Marc 2

    "Ce sont les malades qui ont besoin d'un médecin, pas les bien-portants"

    Marc 2 : 13-17.       2 Corinthiens 4 : 6-7.        Matthieu 5 : 1-2 + 13-16

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    Chers amis,

    J'ai entendu plus d'une fois des gens — des adultes, des jeunes ou des enfants — me dire qu'il aurait quand même été plus facile de croire en Jésus si nous avions pu le voir à l'oeuvre de nos propres yeux. Oui, on pense souvent que les contemporains de Jésus, les gens de son époque, avaient de la chance, en tout cas plus que nous.

    Et bien moi je ne le crois pas du tout. Je crois que c'est nous qui avons de la chance. Je crois que nous avons tout — aujourd'hui — pour croire; plus facilement que pour les gens de l'époque de Jésus. Même si des foules suivaient Jésus pour l'entendre, bien peu finalement le suivaient et s'attachaient à mettre en pratique ce qu'il demandait. Ce n'était pas une époque en or comparée à la nôtre.

    Il semble que Jésus attirait plus souvent le scandale que l'admiration. En fait, Jésus intriguait, soulevait la curiosité, mais il bouleversait, il troublait trop les habitudes, l'ordre social de son temps pour être vraiment apprécié.

    Dans le récit que nous avons entendu (Mc 2), Jésus est accompagné d'une grande foule qui vient l'écouter. Mais il semble que de cette multitude, un seul homme soit devenu et surtout resté son disciple. La présence de cet homme, Lévi — aussi appelé Matthieu — va être cause de scandale pour ceux qui observent Jésus.

    Lévi est un agent du fisc romain, donc un collabo à la solde de l'occupant. On peut aussi penser (à la manière d'aujourd'hui) qu'il faisait partie de la mafia locale. Il a du pouvoir, un pouvoir illégal, assis sur le racket, et un pouvoir légal venant de l'occupant. Et voilà que Jésus va manger chez lui avec ses disciples et que Jésus en fait un compagnon permanent. Jésus fréquente des gens infréquentables !

    Aujourd'hui, on a de la peine à voir le scandale que c'était d'aller manger chez certaines personnes. Jusqu'à il y a peu, le mélange qu'on vit aujourd'hui était inconcevable. Et bien cela ne gène pas Jésus. Et cela n'a pas gêné non plus la nouvelle Eglise de raconter que Jésus se permettait d'aller partout où il trouvait utile de se rendre, partout où il trouvait nécessaire d'aller enseigner.

    Jésus n'a pas hésité à rencontrer cette mafia de péagers, mais aussi des bourgeois comme Marthe, Marie et Lazare, ou des exclus comme les lépreux, les mendiants ou les aveugles. Il a également osé parler à des femmes de toutes conditions, tout comme aussi à des étrangers, qu'ils soient romains ou samaritains.

    Pourquoi Jésus faisait-il cela ? Avait-il le goût de la provocation et du scandale ? Je ne le crois pas. Je crois simplement que Jésus avait une vision toute particulière de l'être humain, une façon de considérer l'être humain qui est simplement celle de Dieu : regarder l'être profond de chacun, au-delà des apparences. Jésus voyait au fond de chaque être, traversant toutes les couches de souffrances, toutes les armures, les carapaces et les boucliers que chacun a forgé autour de lui pour se protéger, pour moins souffrir, ou pour camoufler ses manques.

    Jésus voit en nous-mêmes au-delà de toutes ces protections, au-dedans de toutes ces murailles qui nous empêchent d'être simplement nous-mêmes, de sentir et de ressentir toutes les émotions liées à la vie. Il regarde au dedans de nous sans aucun jugement, sans critique ni dénigrement, sans s'arrêter aux défauts superficiels.

    C'est pourquoi Jésus va remettre à leur place les personnes scandalisées, ses accusateurs, en leur disant :

     

    "Les personnes en bonne santé n'ont pas besoin de médecin, ce sont les malades qui en ont besoin". (Mc 2:17).

    Jésus voit les souffrances intérieures, nos souffrances intérieures ! Il sait que nous ne sommes que "des vases d'argile" (2 Co 4:7) comme l'a dit l'apôtre Paul, lorsqu'on nous regarde de l'extérieur, avec un oeil superficiel, avec un jugement rapide et critique. Mais Jésus ne s'arrête pas à ce vase d'argile, il ne veut voir que ce qui s'y cache, ce que le vase contient, à l'intérieur, ce que Paul appelle le "trésor spirituel"(id.). C'est ce que Jésus veut nous faire comprendre lorsqu'il dit aux hommes et aux femmes des foules qui l'écoutent :

    "Vous êtes le sel de la terre, (...) Vous êtes la lumière du monde" (Mat 5:13,14). Jésus ne dit pas : Vous devez vous efforcer de devenir le sel de la terre et la lumière du monde. Il dit "Vous êtes..."

    C'est avec ce nouveau regard que Jésus a appelé chacun de ses disciples, c'est de ce nouveau regard qu'est née l'Eglise, rassemblement de gens de toutes sortes, sans distinction de classes, de provenances, de nationalités.

    Ce regard qui accepte l'être tout entier — sans réserve, sans jugement — pour ne voir que le trésor, la richesse intérieure qui habite chacun, c'est le regard que Dieu porte maintenant sur chacun d'entre vous, sur toute personne présente ici ce matin, sur chaque personne dans le monde. Ce regard nous dit : Toi, suis-moi, pour découvrir que tu es le sel de la terre, que tu es la lumière qui éclaire le monde. Et si tu ne me crois pas encore, si tu n'arrives pas encore à y croire, si tu ne te sens pas à la hauteur de mon appel, si tu ne te sens pas assez digne, si tu ne pense pas avoir un trésor merveilleux à l'intérieur de toi, alors je te le répète :

     

    "Les personnes en bonne santé n'ont pas besoin de médecin, ce sont les malades qui en ont besoin. Je ne suis pas venu appeler des personnes respectables, mais des gens de mauvaise réputation". (Mc 2:17).

    Nous avons la chance, aujourd'hui — contrairement aux contemporains de Jésus — d'entendre ce message en entier, de connaître la vie de Jésus avec son dénouement, sa mort et sa résurrection. Oui, nous avons cette chance de pouvoir être touchés maintenant par cet appel de Jésus et par cette acceptation sans condition de notre être, par cet accueil inconditionnel.

    Qu'allons-nous faire de cette chance ?

    Mettons cette chance à profit, pour avancer sur le chemin de notre vie — sous le regard de Dieu — et pour faire grandir notre être intérieur, notre trésor spirituel !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

     

  • Chercher les perles d'évangile dans l'Ancien Testament

    (21.7.2002)

    Esaïe 25

    Chercher les perles d'évangile dans l'Ancien Testament

    Esaïe 24 : 21-23+25 : 6-9

    Romains 5 : 8-11

    Marc 2 : 15-17

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Si vous lisez a Bible régulièrement ou de temps en temps, vous vous êtes probablement demandé parfois si cela valait la peine de lire l'Ancien Testament. Peut-on encore lire l'Ancien Testament aujourd'hui et en tirer quelque chose pour sa vie personnelle ?

    Il y a tant de textes qui nous effraient par leur violence. Violence des hommes, violence de guerres — comme la conquête de Canaan — que Dieu semble légitimer, voire encourager. Ou même violence de Dieu dont il nous est dit qu'il juge, punit, condamne, fait mourir. Le Dieu dépeint dans l'Ancien Testament est-il vraiment le même que celui qui nous est montré par Jésus ou par Paul ?

    Aujourd'hui, où nous sommes rendus très sensibles — avec raison — à toutes les injustices, à toutes les violences, nous pouvons légitimement nous demander si nous ne devrions pas laisser l'Ancien Testament de côté, parce que la religion, et le christianisme par dessus tout, doit nous engager dans la voie de la paix et de l'amour.

    En fait, cette question n'est pas nouvelle et ne vient pas d'un surcroît de sensibilité. Cette question s'est déjà posée aux premiers chrétiens ou à la deuxième génération. Une fois le Nouveau Testament composé, ses textes rassemblés, ne pouvait-on pas laisser l'Ancien Testament au judaïsme ? L'Eglise a toujours considéré cette attitude comme une hérésie et le protestantisme a réaffirmé la valeur de l'Ancien Testament, malgré des textes difficiles, des textes qui font problèmes. Cela est dû principalement à trois considération.

    Première considération. L'Ecriture est un tout, ce n'est pas à nous de trier ce qui nous convient ou ne nous convient pas. Ce serait risquer de nous tailler un Dieu sur mesure, faire de Dieu notre idole. On pourrait peut-être relire le deuxième commandement du Décalogue comme nous disant : "Tu ne te tailleras pas une image de Dieu sur mesure, à ta convenance".

    Certains textes ne nous parlent pas aujourd'hui, ils sont pour nous incompréhensibles. Mais dans d'autres circonstances, dans d'autres situations, ils peuvent se révéler être porteurs d'un précieux message.

    Deuxième considération. L'Ecriture, prise comme un tout, nous laisse voir une message cohérent et une direction générale qui ne se laissent pas détourner par ces accrocs, ces aspérités du texte. Ce n'est pas parce qu'une route fait des lacets et nous conduit tantôt à l'est, tantôt à l'ouest que notre voyage n'aboutira pas au lieu visé. Il faut parfois des détours, des rebroussements pour atteindre son but.

    Troisième considération. Enfin, comme en peinture, il faut parfois des couleurs sombres, très sombres, pour marquer les contrastes et mettre en valeur les jeux de lumière. C'est ainsi que nous pouvons comprendre que l'apôtre mentionne "la colère de Dieu" pour nous montrer la lumière du salut, ce à quoi nous avons échappé, ou que le prophète Esaïe doive mentionner le jugement de Dieu contre tous les rois de la terre, pour mettre en évidence son invitation — pour tous les peuples — à un banquet qui manifeste son amour.

    Amour et justice ne sont pas si éloignés qu'on veut souvent le penser. Que serait un amour sans justice, sinon mièvrerie, que serait une justice sans amour, sinon dureté ?

    La justice est nécessaire pour nommer le mal et cette démarche de désignation est aussi nécessaire pour celui qui offense — afin qu'il reconnaisse le mal qu'il a commis — que pour celui qui en est la victime — afin que le mal qu'il a subi soit reconnu. Il n'y a rien de pire à faire envers quelqu'un qui a été blessé que de lui dire "ce n'est rien, ce n'est pas grave, ça ne compte pas !"

    Il doit y avoir quelqu'un qui tienne compte de cela pour que l'offenseur puisse s'amender et que la victime se sente comprise et réhabilitée.

    La justice de Dieu — au contraire de nos tribunaux — n'a pas pour but de punir et condamner le coupable, mais de rétablir la victime dans son droit et dans sa dignité. Comme le dit Esaïe :

     

    "Le Seigneur Dieu essuiera les larmes de tous les visages.

    Dans l'ensemble du pays il enlèvera l'affront que son peuple a subi.

    Voilà ce qu'a promis le Seigneur." (Es 25:8)

    Cette justice-là est bien une justice constructive, une justice empreinte d'amour. C'est bien là une marque du Dieu que Jésus-Christ nous présente. Il n'y a pas un Dieu du jugement dans l'Ancien Testament et un Dieu de miséricorde dans le Nouveau Testament.

    Ce qu'on peut reconnaître et apprécier, c'est que la révélation du Nouveau Testament nous est plus claire et plus directement compréhensible. Mais que cela ne nous empêche pas de visiter l'Ancien Testament, fort de notre connaissance du Nouveau Testament et de Jésus-Christ.

    Lorsque nous ouvrons l'Ancien Testament, prenons la peine de penser que notre connaissance de Jésus-Christ nous aide à reconnaître ce que nous cherchons, des trésors porteurs d'Evangile déjà dispersés au cours des siècles dans toute l'Ecriture.

    En ouvrant l'Ancien Testament, nous sommes comme des géologues à la recherche de géodes. Vous savez, les géodes sont ces pierres, complètement banales à l'extérieur — on dirait des boulets de canon en pierre brute — mais qui contiennent de beaux cristaux à l'intérieur.

    L'Ancien Testament est plein de géodes cachées qui nous révèlent déjà l'amour de Dieu pour son peuple, pour ses fidèles, mais aussi pour tous les peuples, pour tous les humains de la terre. Ainsi en est-il de ce festin, de ce banquet où Dieu invite tous les peuples. Un festin qui préfigure le banquet du Royaume de Dieu que Jésus est venu confirmer et que nous préfigurons dans la Cène que nous allons partager.

    Ne vous laissez donc pas décourager par la lecture de l'Ancien Testament, on y trouve des trésors et un Dieu aimant.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

     

  • Revenir sur sa vie pour y reconnaître la trace de la présence de Dieu

    (7.7.2002)

    Luc 17

    Revenir sur sa vie pour y reconnaître la trace de la présence de Dieu

    Lévitique 14 : 1-9.      Luc 17 : 11-21

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Le récit de la guérison des 10 lépreux — que nous rapporte Luc — nous parle aussi de reconnaissance : la reconnaissance d'un homme qui réalise qu'il est guéri et revient sur ses pas pour remercier Jésus.

    Cependant, soyons prudent de ne pas tomber dans le piège d'une lecture trop rapide où Luc nous donnerait simplement une leçon de politesse du genre : "Alors ? qu'est-ce qu'on dit ? Allons, mon petit, dis merci au Monsieur !"

    Jésus ne dit pas au lépreux : "Lève-toi et va; ta politesse t'a sauvé." Il dit "Lève-toi et va; ta foi t'a sauvé." Il n'est pas question ici de la politesse de dire merci, mais de la foi de cet homme, même s'il est bien question de reconnaissance. Examinons cela.

    Luc a rattaché à ce récit de guérison une discussion de Jésus avec des pharisiens sur la question de la venue du Royaume de Dieu. Les pharisiens sont curieux de savoir quand le Royaume de Dieu doit venir, comment il viendra, à quels signes on le reconnaîtra. Et voilà que Jésus leur répond — quelle déception ! — que "le Royaume de Dieu ne vient pas de telle façon qu'on puisse le voir" (Luc 17:20). Le Royaume de Dieu n'est pas observable, localisable, il n'est pas ici ou là, mais — ô surprise — il est déjà là, parmi vous, à votre portée.

    Le récit de la guérison des 10 lépreux est le signe qui a déjà été posé de cette présence parmi nous, à notre portée du Royaume de Dieu. Pour voir le Royaume de Dieu, il faut se retourner, regarder en arrière, revenir sur ses pas (dans le texte) et le reconnaître comme l'a fait le dixième lépreux. Revenons donc sur ce qui se joue dans ce récit de guérison.

    Comme le veulent la loi et les précautions médicales, les lépreux doivent se tenir à l'écart de la communauté. C'est pourquoi ils interpellent Jésus de loin. Dans un premier temps, Jésus ne semble pas s'approcher d'eux, il leur dit simplement d'aller se présenter aux prêtres comme cela est prescrit dans la loi de Moïse — le texte que nous avons entendu tout à l'heure.

    Le récit ne nous dit rien sur la guérison elle-même, quand elle se passe, comment elle arrive. On n'en sait rien, cela n'a aucune importance dans le récit. Ce qui a de l'importance, c'est qu'un homme, tout à coup, réalise qu'il est guéri. Littéralement : "il se voit guéri" (Luc 17:15). Il prend conscience de ce qui lui arrive, il réalise qu'il a été guéri, transformé.

    Probablement que les 9 autres lépreux se sont aussi aperçu qu'ils sont guéris maintenant. Mais un seul relie cette guérison à son histoire et au passage de Jésus dans sa vie ! Cet homme revient en arrière sur sa vie, sur son parcours, sur son histoire et y reconnaît la trace de l'action divine. Il relit son histoire, il la passe en revue avec un regard neuf pour y reconnaître, y identifier, ce que Dieu y a semé.

    N'avez-vous jamais entendu quelqu'un dire : "à voir mon parcours, comment les événements se sont enchaînés, ce qui m'est arrivé, je vois maintenant que j'ai été guidé" ou "cela n'est pas arrivé par hasard, Dieu m'a accompagné." Voilà la démarche de foi du dixième homme, reconnaître dans sa vie la trace de Dieu et venir lui rendre grâce de cette présence.

    La reconnaissance dont il est question dans ce récit de guérison a donc bien deux natures. D'un côté, reconnaître, identifier l'action cachée de Dieu dans mon existence. Une action cachée parce que le Royaume de Dieu n'est pas visible, évident, démontré. Mais une action reconnaissable — après coup — parce que le Royaume de Dieu est déjà là, déjà présent parmi nous, en nous. De l'autre côté la reconnaissance dans le sens de la gratitude, venir rendre grâce de cette découverte de la présence mystérieuse de Dieu dans nos vies.

    Cette double reconnaissance est l'expression de la foi, de la confiance que Dieu est présent dans nos vies, qu'il nous guide et que nous pouvons l'y découvrir si nous regardons notre vie en revenant sur nos pas.

    Et les 9 autres alors ? Pourquoi ne font-ils pas le même chemin puisqu'ils ont été guéris eux aussi ? Je pense que les 9 autres n'ont reconnu en Jésus qu'un guérisseur professionnel. Il a fait son travail, il les a guéris, et il n'y a pas de quoi revenir là-dessus — pensent-ils.

    La guérison s'explique par le pouvoir de guérisseur de Jésus, de la même façon que nos guérisons par la médecine s'expliquent par le pouvoir médical de la médecine moderne — et il n'y a pas à mêler Dieu dans tout ça !

    Et neuf personnes sur 10 sortent de l'hôpital sans revenir sur leur histoire et sans se poser la question : "Mais que vais-je faire de ma guérison, de la santé et des jours qui me sont donnés en plus ?"

    Peut-être aurons-nous quelques minutes au milieu de nos vacances pour nous demander : "Que faisons-nous de nos guérisons?"

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

  • Creuser, approfondir et trouver le roc sur lequel construire sa personnalité.

    (20.6.1999)

    Luc 6

    Creuser, approfondir et trouver le roc sur lequel construire sa personnalité.

    Deutéronome 10 : 12-19

    Hébreux 13 : 1-3

    Luc 6 : 46-49

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    Chers amis,

    C'est aujourd'hui la Journée des réfugiés, pour le pays et pour l'Eglise. C'est une occasion pour réfléchir à leur sort et au nôtre, une occasion de marquer notre solidarité au travers de l'offrande et d'autres signes. Aujourd'hui, l'offrande sera faite en faveur des organismes d'Eglise qui s'occupent de réfugiés.

    Comme vous le savez, les habitants de Bussigny, cette année, n'ont pas attendu ce jour pour marquer concrètement leur solidarité envers les réfugiés arrivés récemment du Kosovo. Depuis le mois d'avril, la commune et des personnes bénévoles se sont réunies et mises au travail pour organiser l'accueil et l'accompagnement des réfugiés arrivés à fin mai.

    Je trouve cette mobilisation formidable. J'aimerais relever ces élans de solidarité qui se sont manifestés et traduits concrètement. Tout cela est réjouissant et nous montre — en contre point de ce qui s'est passé au Kosovo — qu'on peut encore espérer en l'humain, en l'humanité.

    L'accueil, l'hospitalité, la solidarité font partie de ce que Dieu essaie de susciter en chaque être humain, font partie de ce que Dieu attend de son peuple. Dans les paroles du Deutéronome qui vous ont été lues, il y a des propos très forts dans ce sens :

     

    "Le Seigneur est le Dieu des dieux, le Seigneur des seigneurs, le Dieu grand, puissant et redoutable, qui n'avantage personne et ne se laisse pas corrompre par des cadeaux. Il prend la défense des orphelins et des veuves, et il manifeste son amour pour les étrangers installés chez vous, en leur donnant de la nourriture et des vêtements. Vous donc aussi, aimez les étrangers qui sont parmi vous; rappelez-vous que vous étiez des étrangers en Egypte." (Dt 10:17-19)

    Cette partie du Deutéronome fait partie du livre qui a été retrouvé dans le Temple vers 640 av. J.-C. et qui a provoqué la réforme du roi Josias, racontée dans 2 Rois 22—23. C'était une période troublée. Le royaume du nord, la Samarie, était tombée aux mains du roi d'Assyrie. Jérusalem avait même été assiégée un demi-siècle plus tôt par Sennachérib et miraculeusement libérée. Malgré cette précarité, Dieu affirme son identité en protégeant le faible et le déraciné et en demandant à son peuple de faire de même, en se souvenant de leur propre précarité en Egypte.

    Même lorsque le pays est menacé, Dieu refuse de devenir un Dieu exclusivement national. Dieu affirme et confirme au contraire la nécessité de l'ouverture, comme s'il entrevoyait le risque contenu dans tout nationalisme qui s'affirme contre l'étranger : risque de haine, de division, risque d'épuration ethnique, risque de déportation. Il n'y a qu'un façon de vivre heureux et en paix, c'est de s'ouvrir et d'accepter son voisin, quel qu'il soit, et de l'aimer comme son prochain.

    Mais, c'est vrai que ce n'est pas toujours facile ! Il ne suffit pas de le vouloir pour le pouvoir, pour arriver à le faire. Il y a en nous des émotions, des sentiments qui nous retiennent, qui paralysent les élans que notre esprit voudrait lancer ! "Aimez les étrangers qui sont parmi vous" (Dt 10:19) cela ne vient pas tout seul.

    Là, le problème, ce n'est pas l'étranger ou le réfugié. Le problème, c'est notre peur, notre sentiment de peur. Lorsque nous avons peur, nous sommes comme l'homme qui a bâti sa maison directement sur le sol. Quand l'eau monte, cet homme a de bonnes raisons d'avoir peur, car il sait que sa maison va être emportée. La peur est un sentiment normal, approprié, dans ces circonstances. La peur va peut-être même le sauver si elle lui fait quitter sa maison avant qu'elle ne soit emportée.

    Lorsque Jésus raconte cette petite histoire des deux maisons, il n'a cependant pas l'intention de nous donner un cours d'architecture ! Jésus raconte cette histoire pour nous parler de la construction de notre personnalité, de notre identité.

    Il voit deux façons de construire sa personnalité. Une façon qui garantit de rester solide face aux événements et catastrophes qu'apporte l'existence et une façon qui nous laisse désemparés, le jouet des éléments, vivant dans la peur de la prochaine tempête.

    Toute personne sort de l'enfance et de l'adolescence en ayant reçu un terrain pour y construire sa maison. L'humain sensé, nous dit le texte, fait trois choses : il creuse, il approfondit, il trouve le roc sur lequel poser les fondations de sa maison.

    Creuser, c'est d'abord gratter la surface des choses. Ne pas se contenter de ce qui est visible et superficiel. C'est aller au-delà des apparences pour chercher l'invisible. C'est la première étape, dépasser l'évidence pour chercher le sens.

    Approfondir, c'est continuer la démarche en explorant en profondeur ce qu'on a reçu comme terrain. Il faut continuer à déblayer, ôter et trier ce qu'on a reçu alors qu'on n'avait pas encore un discernement suffisant pour savoir ce qui serait utile et ce qui ne l'est pas. Pendant cette deuxième étape, on peut collecter des matériaux utiles pour construire la maison telle qu'on la veut.

    Trouver le roc pour poser les fondations, c'est le résultat de ce travail. Il y a au fond de nous-mêmes, un roc posé par Dieu sur lequel on peut construire solidement, une maison inébranlable, une identité qui ne sera pas balayée par le premier orage venu.

    Ce roc se trouve dans la Parole de Dieu et sa pratique, nous rappelle Jésus. Ce roc, on le trouve nommé dans le texte du Deutéronome : "Autrefois, le Seigneur ne s'est attaché qu'à vos ancêtres, c'est eux qu'il a aimés; et maintenant c'est vous, leurs descendants, qu'il a choisis parmi toutes les nations" (Dt 10:15) "c'est eux qu'il a aimés, maintenant c'est vous qu'il a choisis".

    Beaucoup entendent cette parole, mais ne la mettent pas en pratique dans leur vie, c'est-à-dire qu'ils ne se l'attribuent pas à eux-mêmes, personnellement. Ils pensent que cette parole n'est pas vraiment pour eux, qu'ils ne la méritent pas vraiment, qu'ils ne sont pas à la hauteur pour la recevoir. Et pourtant... elle est bien dite à chacun, à vous tous, individuellement.

    Sur ce roc, il est possible de construire une personnalité solide. Assez solide pour ne pas se sentir menacée, même lorsque les journaux annoncent ce qu'ils appellent "un flot" de réfugiés. Sur ce roc, il est possible de construire une maison suffisamment solide pour rester ouverte et accueillante.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

  • Etre un arbre planté au bord d'une rivière

    (10.6.2001)

    Jérémie 17

    Etre un arbre planté au bord d'une rivière

    Deutéronome 7 : 7-12.       Jérémie 17 : 5-8.      Actes 2 : 41-47

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    Chers Amis,

    Dimanche passé, nous fêtions la Pentecôte, commémoration du don de l'Esprit saint aux disciples, et à l'Eglise. Par l'Esprit saint, Dieu se rend présent — d'une façon qui reste mystérieuse — en chacun. C'est un passage important en termes d'histoire des religions.

    Jusqu'à la Pentecôte, le Temple, celui de Jérusalem, était le lieu où Dieu était le plus proche. Les juifs déjà étaient conscients que Dieu ne pouvait pas habiter le Temple, on ne met pas un Dieu infini dans une maison, aussi vaste et belle soit-elle. Le Temple était le marchepied de Dieu sur terre.

    Mais voici qu'avec Jésus, Dieu se rapproche des humains, il marche à leurs côtés, il entre dans le corps d'un homme autant que dans notre histoire humaine. Voilà qu'à Pentecôte, Dieu affirme qu'il vient habiter en chacun de nous, en chaque être humain. L'être humain, chaque être humain devient le Temple du Saint-Esprit. Quel changement ! Quelle transformation de la relation à Dieu.

    Dans le livre du Deutéronome, nous avons entendu que Dieu avait choisi son peuple — non pour sa grandeur, pour ses mérites propres — mais simplement par amour. "Le Seigneur vous aime," c'est pourquoi il vous a choisi.

    C'est une décision unilatérale que Dieu a prise. Il n'a pas attendu pour voir qui nous serions, il n'attend pas de savoir ce que vont devenir les bébés, les enfants pour les accueillir dans le baptême. Dieu nous prend tels que nous sommes. Il n'y a pas de conditions préalables pour être accueillis par lui, pour être aimés, pour être secourus.

    Dieu fait le premier pas, il ouvre ses bras le premier. Et l'amour de Dieu n'est pas passif. Cet amour de Dieu est communicatif, actif. Dieu souhaite nous voir heureux. C'est pourquoi il a sorti de l'esclavage d'Egypte son peuple, ce qui peut signifier pour nous qu'il souhaite nous aider à sortir de nos conflits relationnels qui nous enferment dans des attitudes de repli, de déprime ou de méfiance vis-à-vis des autres.

    Dieu souhaite nous voir heureux. C'est pourquoi il nous a donné sa loi, comme points de repères pour ne pas foncer dans les impasses de la violence et de la destruction. Dieu nous offre le mode d'emploi du bonheur et ... — bien qu'il passe aujourd'hui pour démodé, dépassé ou ringard — ce mode d'emploi reste solide et plein de bon sens, si on accepte de bonne foi de le mettre en pratique.

    C'est pourquoi le prophète Jérémie peut faire cette comparaison à son auditoire — le peuple d'Israël de son époque, qui n'était pas très différent de nous : Comment préférez-vous vivre ? Comme un buisson malingre dans la steppe aride ou comme un arbre vert toute l'année parce qu'il est planté auprès d'un ruisseau ?

    A quoi ressemble votre vie ? Etes-vous toujours en quête de ce qui étanchera votre soif de satisfaction, de tendresse, d'amour, de relations véritables ? A quelle distance de vous se trouve l'eau qui vous fait vivre ? Où est l'eau de votre baptême ? Où est la vie que Dieu souhaite pour vous ?

    Qu'en est-il de notre vie ? Vivons-nous la vie que nous souhaitons vivre ? Vivons-nous la vie telle que nous l'espérons ? Si nous ne sommes pas satisfait de la vie que nous menons, des relations que nous entretenons, qu'est-ce qui nous empêche de changer, de commencer une transformation ? Qu'est-ce qui nous empêche de changer le centre de notre existence, de changer notre centre de référence ? Chacun possède sa réponse personnelle à cette question.

    Le baptême est une invitation à installer son campement auprès de cette rivière de vie et d'y plonger sa vie pour prendre racine et n'être plus jamais en manque, assoiffé.

    L'enfant baptisé ce matin a reçu quelques gouttes de cette eau, comme un semis de graines nouvelles reçoit un peu d'eau. Mais le baptême n'est pas que l'événement d'un jour. Pour que la graine germe, pour que les racines se développent et que l'arbre prenne sa pleine stature, il faut que quelqu'un en prenne soin, qu'il l'alimente, le chérisse.

    Nos vies ont besoin de ces soins, nos vies ont besoin d'être baignées dans la Parole de Dieu qui fait vivre et grandir. C'est le rôle des parents pour les enfants. C'est le rôle de l'Eglise de seconder les parents dans cet effort. C'est le rôle de chacun pour soi-même de se mettre et remettre toujours à nouveau dans le bain de la Parole, du partage, du chant et de la prière.

    Dans le livre des Actes, la première communauté chrétienne est décrite comme une communauté

    - qui écoute la Parole de Dieu,

    - qui participe au partage du pain

    - qui chante et prie ensemble.

    Toutes ces choses sont encore possible aujourd'hui, près de 2'000 ans après la première Pentecôte. C'est un énorme privilège pour nous d'avoir accès à cette eau, à cette rivière, à cette vie de Dieu.

    Nous pouvons plonger nos racines à cette source, pour grandir et déployer nos ramures, pour abriter et nourrir ceux qui nous entourent de nos fruits.

    N'est-ce pas là un grand bonheur ?

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

  • Le Saint-Esprit, présence de Dieu dans notre temps.

    (29.5.1999)

    Jean 14

    Le Saint-Esprit, présence de Dieu dans notre temps.

    Jérémie 31 : 31-34.      Actes 2 : 1-13.       Jean 14 : 15-21

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Nous fêtons aujourd'hui Pentecôte. 50 jours après Pâques; 10 jours après l'Ascension, le départ définitif de Jésus. Comment vivre sans Jésus ? Pendant quelques années Jésus a parcouru la Palestine, a rassemblé des disciples, a enseigné, s'est fait connaître comme envoyé de Dieu. Quelques-uns ont cru, se sont attachés à lui, mais voilà qu'ils se retrouvent — entre eux — mais sans lui.

    Pentecôte est un épisode de transition. Dieu n'abandonne pas les siens. L'oeuvre de Jésus a une suite : Jésus est remplacé ! L'évangéliste Jean est très clair là-dessus. Avant sa mort, Jésus prépare ses disciples en leur annonçant :

    "Je demanderai au Père de vous donner quelqu'un d'autre pour vous venir en aide, afin qu'il soit toujours avec vous : c'est l'Esprit de vérité." (Jean 14:16-17).

    Nous ne vivons plus au temps de Jésus, nous ne l'avons pas vu sur les chemins de Palestine et pourtant nous le connaissons, nous l'avons rencontré, nous lui parlons, nous le prions. C'est l'oeuvre du Saint-Esprit.

    Une question revient régulièrement dans les entretiens que j'ai : «Mais qu'est-ce que le Saint-Esprit ?» Dans une formule courte, je dirais que c'est "la façon dont Dieu se rend présent à nous dans notre temps". Dans ce sens, le Saint-Esprit n'est pas une nouveauté qui n'apparaît qu'à la Pentecôte. L'Esprit de Dieu est déjà descendu sur Jésus "pareil à une colombe" lors de son baptême. L'Esprit de Dieu habitait déjà les prophètes ou les rois d'Israël. On peut même penser qu'il "planait sur les eaux" avant la création du monde.

    Dans l'histoire, Dieu s'est rendu présent aux humains, à son peuple de différents manières : sous la forme d'anges, notamment auprès d'Abraham); dans la nuée pendant l'Exode; dans l'arche de l'alliance; dans le Temple, etc. Jésus a annoncé que la relation à Dieu ne passerait plus par des intermédiaires, mais — comme il le disait à la Samaritaine — "les croyants adoreront le Père en esprit" (Jean 4:24).

    Pour expliquer cela, le christianisme a développé la doctrine de la Trinité : Dieu se révèle en trois personnes, c'est-à-dire de trois façons, sous trois visages : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Il ne s'agit pas de trois dieux, mais de trois aspects ou visages du seul, unique et même Dieu.

    1) Dieu est le Père, en tant que celui qui nourrit et donne la vie, et comme celui qui donne la loi. Ainsi a-t-il donné à Israël au désert, aussi bien la manne que le décalogue. Il est Père dans son rôle créateur et législateur, celui qui donne la matière qui fait vitre et la parole qui fait vivre, la loi étant le mode d'emploi qui permet d'entretenir et de favoriser la vie. Il est le roi et le juge et, dans un sens, cette majesté est inabordable, cette grandeur est menaçante, voire mortelle pour l'être humain. Il n'y a pas de commune mesure entre l'être humain et Dieu.

    2) Mais Dieu n'a pas voulu que cette différence totale soit un obstacle entre lui et nous, aussi s'est-il incarné, est-il devenu homme, Fils, en Jésus, donc frère des humains. Il s'est approché pour nous dire son amour. Il est entré dans le temps, à une époque, dans une vie d'humain. Il est entré dans l'espace, un pays, une ville, une tombe. Il n'était plus ni partout, ni éternel. Et nous ne vivons pas à cette époque, ni dans cet endroit.

    3) Aussi, Dieu se manifeste-t-il aussi en tant que Saint-Esprit, pareil au vent, au souffle, il est partout, en tout temps et en tout lieu. Comme esprit, il est à l'intérieur de l'être humain, de chacun d'entre nous. Il remplace le Temple, il remplace Jésus.

    C'est la forme actuelle de la présence de Dieu pour nous. Nous l'invoquons au début du culte, et lorsque nous baptisons, et lorsque nous partageons la Sainte-Cène.

    C'est la forme actuelle de la présence de Dieu en nous. "Vous le connaissez parce qu'il demeure avec vous et qu'il sera toujours en vous" dit Jean (14:17). Il n'est pas nécessaire de courir à droite et à gauche pour chercher Dieu. il est venu habiter au fond de chacun d'entre nous.

    C'est la promesse qu'avait énoncé le prophète Jérémie :

    "Le Seigneur déclare : J'inscrirai mes instructions, non plus sur des tablettes de pierre, mais dans votre conscience, dans votre coeur. Je serai votre Dieu et vous serez mon peuple" (Jér. 31:33)

    La relation à Dieu n'est plus faite d'obéissance extérieure, la relation à Dieu n'est plus une histoire de forme ou de façade, c'est une adhésion du coeur, de l'être entier, c'est une complicité, un élan, une réponse à l'amour que Dieu nous donne. Le Saint-Esprit, c'est la voix intérieure qui nous répète : "tu es aimé, détends-toi, tout va bien, tu es aimé !"

    Jean appelle le Saint-Esprit le défenseur, l'avocat, parce que son rôle est de défendre notre être contre les trop nombreuses paroles accusatrices, critiques et dévalorisantes que nous entendons.

    Le Saint-Esprit atteste à notre esprit cette vérité : Dieu est amour. C'est cela que nous fêtons à Pentecôte.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

     

  • La prière comme un cri...

    (20.5.2001)

    Luc 18

    La prière comme un cri...

    2 Rois 20 : 1-6        Romains 8 : 26-28.       Luc 18 : 1-8

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Qu'est-ce qui fait de nous des chrétiens ? Qu'est-ce qui fait... ou que faisons-nous pour que nous puissions dire "je suis croyant", "je suis chrétien" ?

    Je me pose la question parce que souvent, dans mes visites, les gens que je rencontre essaient de m'expliquer qu'ils sont croyants ou chrétiens même si je ne les vois jamais au culte du dimanche ! J'entends aussi les gens me dire : "Je suis croyant mais pas pratiquant", ou "Vous savez, je fais ma prière chaque soir !".

    Autour de nous, dans notre canton, plus loin peut-être aussi, il semble que la pratique de la prière personnelle soit un "marqueur", un "indicateur" qui fait la différence entre le croyant et l'incroyant. Pourquoi pas ?

    C'est vrai que la prière est absurde pour celui qui croit que le ciel est vide, qu'il n'y a rien au-dessus de lui. La prière n'a de sens que si elle est adressée à quelqu'un ! La prière est donc bien un acte de foi, une confession de foi : il existe quelqu'un qui peut m'entendre, il existe quelqu'un à qui je peux dire mes aspirations, à qui je peux confier mes besoins.

    Je n'aimerais pas entrer — aujourd'hui — sur le terrain de l'utilité ou pas de la prière, sur son exaucement ou pas. Je ne crois pas qu'on prie "parce que c'est utile" ou parce que ça marche". La prière n'est pas un investissement dont on attende une rentabilité. La prière ne vise pas l'utilité, 'efficacité, des résultats, etc...

    Je crois qu'on prie parce qu'on en a besoin. On prie parce que nous avons des besoins, des aspirations. La prière est d'abord un cri :

    Le cri de la veuve : "Rends-moi justice contre mon adversaire !" (Luc 18:3).

    Le cri du roi malade : "Ah Seigneur ! Souviens-toi, je me suis conduit envers toi avec une entière loyauté, j'ai toujours agis de manière à te plaire !" (2 R 20:3).

    La prière est un cri, une plainte, juridique pour la veuve, de souffrance pour le roi. La prière est un cri de détresse, un cri contre l'injustice des hommes ou contre l'injustice du sort : "J'en appelle à toi, Dieu pour que tu me fasses justice, pour que tu voies mon malheur et que tu compatisses."

    C'est un cri pour être entendu dans sa vérité souffrante, comme Job. La prière est le cri légitime de l'opprimé, la dernière ressource du malheureux, de celui qui se sent désemparé, démuni, faible, prêt à disparaître ou à être écrasé.

    Il est donc important que la Bible nous montre en même temps la veuve et le roi dans cette situation. La veuve, dans la société israélite est la personne la plus isolée et démunie. Elle n'a plus aucun homme pour prendre fait et cause pour elle dans une société où la voix des femmes ne compte pas. Et Jésus la prend en exemple de prière. Parce que la prière est le cri de celui qui se sent au plus bas.

    Mais la Bible nous montre aussi les rois en prière. Plusieurs fois le roi David ou le roi Salomon. Dans le récit de ce matin, c'est le roi Ezéchias. C'est l'homme le plus puissant du royaume, qui est au-dessus de lui ? Et pourtant... Et pourtant, il suffit que sa santé soit menacée pour qu'il se retrouve aussi dépourvu que la veuve, en appelant, de la même manière, à la justice de Dieu. "J'ai été loyal, je ne mérite pas de mourir !"

    Le cri de la veuve, la prière du roi, nous montrent que personne n'est à l'abri — quel que soit sa position sociale, son rang — personne n'est à l'abri d'avoir à crier sa prière, personne n'est à l'abri de se sentir tout petit, tout démuni, absolument vulnérable.

    Etre tout petit dans la prière, en appeler à plus grand que soi pour du secours, reconnaître notre finitude, notre vulnérabilité simplement, sans sombrer dans le dénigrement de soi. On ne s'abaisse pas dans la prière, on reconnaît simplement qu'on part d'en bas et qu'on est élevé vers Dieu par son écoute, par sa compassion.

    Prier à genoux, c'est reconnaître que la prière naît de notre détresse, du sentiment d'être démuni.

    Prier debout, c'est reconnaître que Dieu nous élève du bas dont nous venons, c'est reconnaître qu'il nous remet debout, qu'il nous relève, un verbe souvent utilisé dans le Nouveau Testament pour parler de la résurrection.

    Jésus nous invite à prier, inlassablement, c'est-à-dire à répéter à Dieu nos besoins, nos aspirations, parce que la prière nous remet dans la juste perspective dans la juste position par rapport à Dieu. Si même un homme sans foi ni loi finit par répondre par lassitude d'être dérangé, combien plus quelqu'un de réceptif, d'attentif nous accueillera favorablement avec nos demandes !

    Notre Dieu est un Dieu qui répond à la prière du plus humble, parce qu'il ne regarde pas notre rang et les hiérarchies humains.

    Si la prière est une marque de foi, la marque du croyant, ce qui fait de nous des chrétiens c'est de croire que toutes les prières parviennent à Dieu, non pas parce que nos prières monteraient jusqu'à lui grâce à nos efforts et notre insistance, mais parce qu'il est lui-même descendu vers nous. Il est venu habiter la détresse criante des humains, en sorte qu'il prie véritablement en nous et que l'apôtre Paul peut dire : "Nous ne savons pas prier comme il faut, mais l'Esprit lui-même prie Dieu pour nous (Rm 8:26).

    Que cet Esprit vous habite et prie en vous.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

  • Un regard neuf…

    (22.5.2005)

    Matthieu 9

    Un regard neuf…

    Genèse 18 : 1-8        Matthieu 9 : 9-13       Matthieu 9 : 35-36

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Pour commencer notre réflexion sur les textes bibliques qui vous ont été lus, je vous demande de regarder les personnes qui sont autour de vous, celle qui sont proches (que vous connaissez probablement) et celle qui sont plus loin.

    Voilà, vous avez pu échanger des regards, voir des gens que vous reconnaissez, en découvrir d'autres qui vous sont inconnus. En regardant un groupe de personnes, notre esprit fait rapidement des catégories, il y a les gens connus et les inconnus, les plus jeunes et le moins jeunes que soi, les paroissiens habituels et les autres, et dans la rue, les suisses et les étrangers, les passants correctes et les marginaux douteux, etc… Toute société génère ses catégories.

    Du temps de Jésus, il y avait aussi des catégories, celles qu'on pouvait côtoyer, avec qui on pouvait partager un repas et celles qui étaient infréquentables : par exemple certains malades comme les lépreux; certaines ethnies, comme les samaritains; certaines professions, comme les collecteurs d'impôts.

    Les pharisiens étaient passés maîtres dans l'art d'établir des listes de gens fréquentables (on disait "purs") et infréquentables (on disait "impurs"). Le problème, c'est qu'ils le faisaient "au nom de Dieu." Cela, Jésus ne pouvait pas l'accepter.

    C'est pourquoi l'Evangéliste nous raconte cet épisode du repas que Jésus prend chez Matthieu, le péager, le collecteur d'impôt, l'agent du fisc romain. Jésus a passé devant Matthieu au péage. Matthieu est à son poste de travail (comme la caissière d'un péage d'autoroute française).

    Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, quand je passe au péage d'autoroute, je m'occupe d'avoir la monnaie, de tendre mon ticket et de récupérer ma monnaie. Je regarde à peine celui ou celle qui travaille. Ce n'est pas quelqu'un dont je vais faire la connaissance. C'est la même chose avec la caissière de la Coop ou le buraliste postal. Il y a des gens avec qui on a une relation purement commerciale, purement mécanique. D'ailleurs les entreprises l'ont bien compris, elles qui remplacent les employés par des automates !

    Eh bien, Jésus, lui, il a eu un autre regard pour Matthieu le péager ! Un regard de personne à personne, au point qu'il a vu en lui quelqu'un à appeler à devenir disciple ! Jésus n'a pas été retenu par des idées préconçues, il n'a pas pensé : "de toute façon, c'est un péager, de toute façon, on n'a pas le temps". Jésus a vu en Matthieu une personne. Jésus a vu au-delà des apparences, au-delà de la façade et du rôle. Jésus a regardé jusqu'au cœur de la personne.

    Il s'en est suivi un repas, un repas avec les amis de Jésus et tous les collègues de Matthieu, des gens infréquentables aux yeux des pharisiens. D'où leur question : "Pourquoi Jésus mange-t-il avec des gens de mauvaise réputation ?" (Mt 9:10)

    Vous aurez remarqué que les pharisiens parlent de ces gens en termes de groupe, pas en termes d'individu, de personne. C'est comme la question des homosexuels dans l'Eglise.
    — On ne peut pas accueillir ces gens-là !
    — Mais, tu connais Untel, il est très correct…
    — Oui, alors celui-là ça va.

    Là où les pharisiens voient une catégorie de personnes, Jésus voit des individus et des individus qui souffrent de leur exclusion, de leur stigmatisation. Et Jésus refuse de participer à leur mise à l'écart de la société. C'est pourquoi il vient partager un repas avec eux, il communie avec eux, lui qui va vivre cette exclusion jusqu'à la mort sur la croix.

    Jésus mange avec les exclus et explique à ceux qui le critiquent que les étiquettes humaines n'expriment pas la pensée de Dieu. Toute étiquette est une barrière qui nous empêche d'appréhender la réalité telle qu'elle est. Personne ne peut être réduit à une idée que nous nous faisons d'elle. L'être humain n'est pas réductible à sa profession, sa nationalité, sa couleur, son apparence ou ses gestes.

    Connaître vraiment quelqu'un, c'est dépasser toutes ces étiquettes, tous les qualificatifs pour accéder à la personne. C'est accueillir l'autre en lui laissant la place de devenir réellement qui il est et non tel que nous voudrions le voir.

    Abraham nous a laissé le souvenir d'un homme qui sait accueillir. En fait, il accueille ses visiteurs comme cela parce qu'il pense que c'est Dieu lui-même qui vient le visiter, c'est-à-dire comme des personnes dont il ne fera jamais le tour, dont il n'épuisera jamais la personnalité.

    C'est comme cela que Jésus regarde tous ceux qui se trouvent autour de lui. Même lorsque la foule l'entoure, il ne perçoit pas des anonymes, mais des êtres qui souffrent, qui portent des fardeaux — derrière l'apparence, derrière la façade que nous entretenons au mieux pour être aimés. Combien de fois pensons-nous (par exemple lorsque nous recevons un compliment) : "Ah, s'il savait qui je suis vraiment à l'intérieur de moi !" Qui n'a pas peur d'être démasqué ?

    Il y a de quoi avoir peur si nos faiblesses sont retournées contre nous pour nous démolir. Mais si c'est le contraire ? En réponse aux pharisiens, Jésus se présente comme le médecin de ces souffrances intérieures : "Les bien-portants n'ont pas besoin de médecins, ce sont les souffrants qui en ont besoin." (Mt 9:12) Jésus vient non pas pour juger selon les catégories des hommes, mais pour guérir, pour soulager.

    Jésus regarde les humains, nous regarde, avec les yeux de l'amour inconditionnel et nous invite à deux choses : d'abord, il nous invite à accepter d'être regardé ainsi, d'être accueilli, aimé, invité à vivre avec lui, partager son repas. Jésus nous appelle — comme Matthieu — à partager sa vie. Ensuite, dans les pas d'Abraham et de Jésus, nous sommes encouragés à adopter ce même regard envers les autres.

    C'est le culte que Jésus nous invite à rendre à Dieu : "Je désire la bonté, non les sacrifices." (Mt 9:13). Parce que nous avons été reçus, accueillis par Dieu, nous pouvons à notre tour accueillir notre prochain et marcher dans les pas du Christ.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

  • "Des choses cachées depuis la fondation du monde"

    (23.4.2000)

    Matthieu 23

    "Des choses cachées depuis la fondation du monde"

    Matthieu 13 : 34-35         Matthieu 23 : 29-35        Marc 16 : 1-8

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    Chaque fois que je relis le récit de la Passion dans l'Evangile de Marc, je suis frappé par le déséquilibre qu'il y a entre la longueur du récit de la Passion de Jésus et les quelques lignes consacrées à la résurrection, ou plus précisément au tombeau vide.

    Dans les manuscrits les plus anciens de Marc, il y a 8 versets — ceux qu'on vient d'entendre — versets qui décrivent la découverte du tombeau vide par quelques femmes. Ces femmes qui ne vont rien oser dire aux autres disciples parce qu'elles ont trop peur. Par contre, il y a 139 versets qui décrivent le processus et les événements qui conduisent à la mort de Jésus.

    Cela laisse penser que pour les évangélistes, la résurrection pose moins de problèmes de communication ou de compréhension que le fait de la mort de Jésus. Je ne sous-entends pas que le nombre de versets implique une différence d'importance entre la mort et la résurrection de Jésus, mais qu'il était probablement plus difficile de faire comprendre aux auditeurs contemporains des disciples le sens de la mort de Jésus que le sens de sa résurrection. On trouve également cet accent sur la mort de Jésus chez l'apôtre Paul, lui qui proclame prêcher Jésus-Christ, mais Jésus-Christ crucifié :

    "Quand je suis allé chez vous, frères, pour vous annoncer la vérité secrète de Dieu, je n'ai pas employé un langage compliqué ou des connaissances impressionnantes. Car j'avais décidé de ne rien savoir d'autre, durant mon séjour parmi vous, que Jésus-Christ et, plus précisément, Jésus-Christ crucifié." (1 Co 2:1-2)

    Paul parle à ce propos de "vérité secrète de Dieu". Jésus lui-même a pensé son ministère en terme de révélation, de "choses cachées depuis la fondation du monde" (Mt 13:35). Non seulement Jésus a parlé en paraboles, en langage codé, mais sa vie et sa mort est parabole, révélation d'un secret enfoui, occulté depuis la fondation des sociétés humaines. Jésus est venu révéler quelque chose et sa mort dévoile et dénonce totalement ce quelque chose. Mais de quoi s'agit-il ? Jésus l'a dit assez clairement dans les malédictions contre les maîtres de la loi et les Pharisiens :

    "Malheur à vous, maîtres de la loi et Pharisiens, hypocrites ! vous construisez de belles tombes pour les prophètes, vous décorez les tombeaux de ceux qui ont eu une vie juste, et vous dites : « Si nous avions vécu au temps de nos ancêtres, nous n'aurions pas été leurs complices pour tuer les prophètes. » (...) C'est pourquoi, écoutez : je vais vous envoyer des prophètes, des sages et des hommes instruits. Vous tuerez les uns, vous en clouerez d'autres sur des croix, vous en frapperez d'autres encore à coups de fouet dans vos synagogues et vous les poursuivrez de ville en ville. Ainsi, c'est sur vous que retombera la punition méritée pour tous les meurtres d'innocents qui ont été commis depuis le meurtre d'Abel le juste jusqu'au meurtre de Zacharie" (Mt 23 : 29ss).

    Jésus dénonce le fait que les gouvernants — cela concerne n'importe quelle société — construisent la société sur des meurtres qu'ils camouflent et pour lesquels ils rejettent toute culpabilité. Ils ne cessent de prétendre et de répéter que c'est la victime qui était coupable, sa mise à mort était nécessaire et légitime.

    C'est aujourd'hui un donné ethnographique établi que toute société est fondée sur une violence collective première qui l'unit, la rassemble, lui donne corps. Quelques exemples historiques : Romulus tue Remus et fonde Rome; Caïn tue Abel et devient le fondateur de la société Caïnite; les révolutionnaires tuent Louis XVI; Guillaume Tell tue le bailli Gessler; les Vaudois tuent le Major Davel, etc. Toutes ces victimes ont été trouvées coupables de quelque chose... Toutes ? Sauf Abel. En effet, comme je l'ai dit dans une précédente prédication (12.3.2000), la Bible se fait un point d'honneur — et c'est sa spécificité — de prendre le parti des victimes.

    Jésus, donc, dans la ligne de l'Ancien Testament, dénonce ces meurtres, d'Abel à Zacharie, du début à la fin de la Bible, de A à Z, tous... Jésus va plus loin, il dénonce le mécanisme lui-même de cette violence collective qui diabolise la victime et justifie les persécuteurs. Jésus l'a fait par ses paroles — celles entendues ce matin. Jésus l'a fait par sa mort même. La mise à mort de Jésus est la révélation ultime de ce mécanisme, de cette violence institutionnelle. C'est pourquoi les évangélistes doivent décrire cette mort et tout le processus qui y conduit avec une précision extrême, avec une exactitude de détail, sans pathos ni romantisme. Il faut que ce soit un véritable procès-verbal. Cela est fait afin que chacun puisse comprendre ce que tous ont toujours voulu cacher, dissimuler, occulter "depuis la fondation du monde".

    Ce qui est révélé, c'est la contagion de l'accusation — tous se liguent contre Jésus, même les disciples finissent par se laisser contaminer. Ce qui est révélé, c'est l'unanimité contre la victime — personne ne se dresse pour défendre Jésus, même Pierre renie son maître, même Pilate, qui ne voit rien de condamnable en Jésus, cède à la pression de la foule.

    La révélation, c'est que Jésus accepte de vivre ce processus pour qu'il soit révélé au monde et qu'il ne puisse pas se renouveler sans qu'une voix s'élève qui dise : "Regardez ! C'est comme pour Jésus, on persécute une victime innocente, on fait de celui-ci un bouc émissaire". Et c'est bien ce qui se passe aujourd'hui, en cette fin de XXe siècle.

    Bien sûr le mécanisme, hélas, se répète encore, il y a encore des victimes innocentes et des gens qui gagnent des voix en désignant des boucs émissaires. Mais aujourd'hui, il y a des voix, des centaines de voix qui s'élèvent pour dénoncer les bourreaux, les persécuteurs, les violents et pour aider, pour relever les victimes.

    Le monde est inondé de cette idée de rechercher les victimes et de partir les secourir. Le mécanisme est révélé — bien que beaucoup ne savent pas d'où vient cette révélation. Aujourd'hui, on ne peut plus voir les guerres comme justifiées par la culpabilité des victimes. Qui croit à la culpabilité des Tchétchènes [(2000) ou des Ukrainiens (2022)] pour justifier la guerre des Russes ?

    Aujourd'hui, plus que l'Eglise, ce sont les journalistes qui révèlent ce mécanisme au monde. Le monde a assimilé cette pensée où toute victime est à l'image de Jésus injustement persécuté et mis à mort. Il n'y a pas un jour où les journaux ne publient un récit similaire à la Passion du Christ, une victime injustement traitée qui a droit à une réhabilitation, à une reconnaissance de son innocence, de son besoin de justice.

    Cette réhabilitation, c'est ce que Dieu a offert à Jésus au travers de la résurrection. Une résurrection que les évangiles racontent sous la forme d'un tombeau vide. C'est l'image de la fondation nouvelle d'une société qui ne repose pas sur un cadavre dissimulé dans un tombeau, mais qui repose sur la vie, la vie de Dieu, la vie respectée du plus petit d'entre nous.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022